M. le président. L’amendement n° 676 rectifié, présenté par MM. Menonville, Guillaume, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent comporter des normes de calibrage abusives au regard des obligations réglementaires en vigueur et des contraintes des techniques de production.
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Mon groupe propose d’exclure les normes de calibrage abusives des obligations contractuelles des producteurs agricoles, afin d’éviter des pratiques abusives.
Depuis 2009, heureusement, seuls dix produits sont encore concernés par le calibrage, au lieu de vingt-six précédemment. Mais alors que les normes ont été instaurées pour favoriser la transparence des échanges commerciaux entre les États membres de l’Union européenne, les acheteurs en France les imposent dans leurs relations contractuelles avec les producteurs. Ces clauses abusives doivent être retirées des contrats de vente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Comme vient de le souligner M. Menonville, le nombre de produits concernés par des normes de calibrage a été considérablement réduit – de vingt-six à dix.
Sauf pour ces quelques produits, prévoir un calibrage précis dans un contrat relève de la liberté contractuelle, qui doit demeurer. L’objectif est de répondre à une demande existante pour ces produits.
D’ailleurs, on constate que, comme il a été dit, ce n’est pas parce que les produits sont bien calibrés ou beaux sur un rayon qu’ils se vendent bien. A-t-on besoin d’une disposition législative, puisque le consommateur lui-même fait ses choix ?
Dernièrement, j’étais sur un marché où un paysan proposait en vente directe des carottes propres et les mêmes avec de la terre. Les secondes se vendaient mieux, parce qu’elles faisaient plus naturelles…
Si le consommateur veut des pommes non calibrées, il achètera des pommes non calibrées. Laissons un peu faire le marché, sans tout fixer dans la loi ! L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Je partage l’ambition de lutter contre le gaspillage alimentaire ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de l’examen du titre II du projet de loi, où nous nous montrons très volontaristes.
Reste qu’il paraît difficile d’interdire aux parties contractantes de prévoir des conditions spécifiques concernant le calibre des produits. En effet, on peut imaginer qu’un acheteur ait besoin de s’approvisionner uniquement en produits d’un certain calibre ou d’une certaine qualité ou qu’il soit à la recherche de calibres spécifiques.
En outre, l’interdiction de prévoir librement les conditions relatives au calibre limiterait les stratégies de différenciation et de montée en gamme que nous appelons de nos vœux.
Par ailleurs, les contrats visés ne peuvent pas avoir d’incidence dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Enfin, supprimer le calibre dans les contrats et laisser les distributeurs continuer à les exiger serait un facteur de désorganisation.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote sur l’amendement n° 676 rectifié.
M. Franck Menonville. Compte tenu des explications qui ont été données, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 676 rectifié est retiré.
L’amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’Observatoire de la formation des prix et des marges rend une évaluation publique, tous les deux ans à compter de la promulgation de la loi, sur la mise en œuvre du présent article et de ses conséquences sur la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs de la chaîne de production.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à donner à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires le rôle d’évaluer tous les deux ans l’application de l’article L.631-24 du code rural et de la pêche maritime, qui est la disposition centrale introduite par ce projet de loi.
Il s’agit de prévoir un suivi de la mise en œuvre de la loi, notamment en ce qui concerne l’inversion de la relation contractuelle et la construction du prix, afin de mesurer concrètement ses conséquences en termes de répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs et les industriels.
Nous avons bien conscience qu’il appartient au Parlement de suivre l’application de la loi, mais nous connaissons également les difficultés que nous rencontrons pour mener à bien cette mission d’évaluation et de contrôle, tant son étendue est importante.
Réformé par ce projet de loi, l’Observatoire occupera une place centrale dans le nouveau dispositif. C’est pourquoi nous considérons qu’il serait le meilleur acteur pour dresser, tous les deux ans, un bilan de la mise en œuvre des nouvelles règles contractuelles.
Pour répondre par anticipation à M. le rapporteur, qui sans doute fera valoir, comme en commission, que les moyens de l’Observatoire ne lui permettront pas de mener à bien cette mission, nous souhaitons justement que ce dernier dispose de moyens renforcés…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. M. le rapporteur n’est pas un grand défenseur de l’excès de dépenses publiques, et le ministre ne le contredira pas…
C’est le rôle de l’Observatoire d’analyser les effets de la future loi et, plus généralement, tout le cheminement des marges au cours de l’évolution du produit ; mais c’est aussi et surtout le rôle du Parlement. À cet égard, comme je vous l’ai annoncé au cours de la discussion générale, monsieur le ministre, le Parlement ne va pas se gêner ! D’autant qu’il a quelques doutes sur l’efficacité réelle de la future loi.
Nous ferons donc notre travail de suivi de la loi. Le grand public l’oublie souvent un peu : le Parlement n’est pas seulement législateur, mais aussi contrôleur du Gouvernement. (M. le ministre opine.)
Ce travail est celui des rapporteurs, mais pas uniquement : c’est avec la présidente de la commission, dans le cadre de la commission et peut-être aussi du groupe d’études Agriculture et alimentation – nous verrons comment nous nous organisons –, que nous vérifierons les faits et décortiquerons les chiffres, pour déterminer si la future loi aura eu quelque effet positif et la corriger dans l’éventualité où nous ne la jugerions pas suffisante.
Je considère donc, monsieur Courteau, que votre amendement est excellent, mais satisfait. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires transmet chaque année un rapport au Gouvernement. Ce rapport pourra être pris en compte dans l’évaluation du dispositif de contractualisation et des autres mesures prévues par le titre Ier du présent projet de loi.
Pour autant, il n’appartient pas à l’Observatoire d’évaluer les mesures gouvernementales. Ce rôle est celui du Parlement, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur.
Parce que nous sommes attachés aux droits, au travail et aux prérogatives du Parlement, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Nous votons la loi, contrôlons un peu moins le Gouvernement et évaluons très peu les politiques publiques. C’est le sens de l’amendement que nous présentons.
Monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi il résulterait de l’article 5 quater du projet de loi que notre amendement serait satisfait. Aux termes de cet article, l’Observatoire donne « un avis sur des indicateurs de coûts de production ou des indicateurs de prix des produits agricoles et alimentaires ou des méthodes d’élaboration de ces indicateurs » ; il sera aussi chargé de fournir des indicateurs appropriés. En revanche, rien n’est prévu en matière d’évaluation.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui pensent que la mission d’évaluation des politiques publiques doit être assumée pleinement par le Parlement, avec ses moyens. Reste que le Parlement ne pourra pas l’exercer de manière complètement autonome, sans travailler avec des organismes extérieurs.
S’agissant du sujet qui nous intéresse, c’est bien l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires qui nous alimentera en données pour que nous puissions porter une appréciation sur l’efficacité du dispositif prévu au titre Ier de la future loi.
Nous maintenons donc bien entendu notre amendement. Son adoption nous permettrait vraiment de progresser dans l’exercice du rôle que nos concitoyens attendent de nous en matière d’évaluation des politiques publiques, sur le sujet, éminemment important, du revenu des agriculteurs. (M. Roland Courteau opine.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° 292 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer les mots :
définies par l’interprofession
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Les modalités de la négociation sur les volumes et le prix dans le contrat ou l’accord-cadre ne sauraient être définies par l’interprofession, dont ce n’est pas le rôle. Face aux risques d’insécurité juridique, il convient de supprimer la prérogative de définition de ces modalités par les interprofessions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Piednoir, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Compléter cet alinéa par les mots :
en priorisant les viandes bovines commercialisées sous signes d’identification de la qualité et de l’origine
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Le plan de filière de la viande bovine française, réalisé par Interbev à la demande du Président de la République, fixe un objectif ambitieux en matière de développement de la production et de la commercialisation des viandes bovines sous signe d’identification de la qualité et de l’origine, ou SIQO : la filière s’est engagée à commercialiser 40 % de viandes bovines sous label rouge d’ici à cinq ans.
Cette montée en gamme ne sera possible qu’à travers un encadrement strict des relations commerciales au sein de la chaîne d’approvisionnement de ces viandes sous SIQO, incitant les producteurs à s’engager dans cette voie.
C’est pourquoi, alors que la filière viande bovine française n’est pas soumise à contractualisation obligatoire, les auteurs de cet amendement proposent d’encourager l’interprofession à rendre obligatoire à très court terme la conclusion de contrats de vente et accords-cadres écrits mentionnés à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime spécifiquement pour les viandes bovines commercialisées sous SIQO.
Nous ne proposons nullement d’imposer cette évolution aux interprofessions, qui travaillent aujourd’hui librement, mais avec des difficultés liées à leur mode de fonctionnement, à la bonne application de leur plan de filière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. D’abord, ce n’est pas à la loi de définir la stratégie de filière.
Ensuite, la disposition proposée peut être considérée comme une sorte d’injonction au Gouvernement ; elle serait dès lors anticonstitutionnelle.
Enfin, on n’a jamais constaté, dans quelque filière que ce soit, que ce sont les produits SIQO qui posent le plus de problèmes. En général, ces produits ont des systèmes contractuels ou de débouchés qui fonctionnent plutôt bien.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. J’ajouterai un quatrième argument à ceux de M. le rapporteur : aujourd’hui, dans la filière bovine, il n’y a que 2 % de contractualisation. Nous avons besoin d’encourager le développement de celle-ci, ce que prévoit d’ailleurs le plan de filière. Dans le cadre du suivi de ce plan, nous ne devons rien enlever, pour favoriser la contractualisation sur toute l’échelle de valeur de la filière. Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 33
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les articles L. 441-6 et L. 441-10 du code de commerce s’appliquent pour les produits agricoles ou les produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles mentionnés au présent article.
II. – Après l’alinéa 55
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le sixième alinéa du I de l’article L. 441-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le prix prévisionnel moyen proposé mentionné au sixième alinéa du présent I est précisé par accord interprofessionnel ou, à défaut par décret. » ;
…° Au VI de l’article L. 441-6, après les mots : « à ce même alinéa », sont insérés les mots : « , le fait de ne pas indiquer de prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles mentionné au I du présent article ou les critères et modalités de détermination des prix prévus à l’article L. 441-10 du code de commerce » ;
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, a créé un dispositif devant permettre une meilleure transparence pour les acteurs du secteur concernés par la contractualisation obligatoire. Pour des raisons de calendrier, elle s’est effectivement appliquée pour les négociations commerciales de 2018 entre transformateurs et acheteurs.
Le présent projet de loi intervient moins d’un an après l’entrée en vigueur effective de la loi Sapin II. S’appuyant sur les conclusions des États généraux de l’alimentation, il doit compléter et renforcer les dispositions de la loi précitée.
Il est donc proposé de laisser vivre le dispositif instauré pour la contractualisation rendue obligatoire, mais également de créer une sanction dans le cas où le prix prévisionnel moyen n’est pas indiqué dans les conditions générales de vente. Nous proposons aussi que la définition de ce prix prévisionnel moyen soit précisée par accord interprofessionnel ou, à défaut, par voie réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Il s’agit plutôt d’un amendement d’appel en faveur de la conservation des dispositifs actuels, qui ne sont d’ailleurs pas remis en cause par le projet de loi. J’émets un avis défavorable, mais je pense que M. le ministre devrait expliquer la façon dont il orientera les ordonnances dans ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. On doit en effet veiller à la cohérence entre le dispositif de la contractualisation tel qu’il a été introduit à l’article 1er du projet de loi et le dispositif prévu par la loi Sapin II. Lors des travaux des États généraux de l’alimentation, les parties prenantes ont partagé le diagnostic sur les difficultés rencontrées par les acteurs en la matière.
L’automne dernier, j’ai moi-même pu vérifier, lors des comités de suivi des relations commerciales, que j’ai pilotés, qu’un certain nombre de difficultés se posaient ; c’était vrai pour la dernière campagne de négociation.
Ce diagnostic a conduit à la proposition du dispositif de cascade : les indicateurs présents dans les contrats, c’est-à-dire ceux qui sont utilisés dans la détermination du prix du producteur, seront pris en compte dans chacun des contrats passés ensuite avec un acteur en aval de la filière.
Il s’agit de tirer les leçons de l’application de la précédente loi, bien qu’elle soit très récente, et de proposer un dispositif d’une plus grande efficacité.
Pour cette raison, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 491 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guillaume, Mme Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
Remplacer les références :
aux 1° à 6° du II de l’article L. 631-24
par les mots :
à ces articles
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale de l’alinéa 44 de l’article 1er.
En effet, la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques exempte les coopératives d’une réduction de l’indemnité de rupture de contrat en cas de changement de mode de production.
Or, en cas de changement du mode de production ne pouvant être valorisé par l’acheteur, la sortie du contrat doit être facilitée, afin de favoriser la montée en gamme de l’agriculture et de ne pas pénaliser les producteurs qui changent de système.
Cette disposition doit s’appliquer également aux coopératives, car ces structures appliquent des indemnités élevées pour rupture de contrat. Des agriculteurs bio m’ont confirmé que ces indemnités, parfois honteusement élevées, sont plus souvent réclamées par les coopératives que par les structures privées.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, il serait nécessaire que ces indemnités soient nulles, et pas seulement réduites. Je n’y reviens pas, mais aller encore plus loin en exemptant les coopératives d’indemnités réduites en cas de changement de mode de production est tout simplement injustifié.
La montée en gamme de notre agriculture est l’un des moyens de garantir un revenu à nos agriculteurs et la recherche de valeur ajoutée est également bénéfique pour l’environnement, la vie dans nos campagnes, la qualité de l’alimentation. Nous devons donc défendre les producteurs, les territoires, la biodiversité et choisir de lever tous les freins qui empêchent les producteurs d’aller vers des systèmes vertueux.
M. le président. L’amendement n° 712, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
Remplacer la référence :
aux 1° à 6° du II de l’article L.631-24
par la référence :
au II de l’article L.631-24
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Le texte adopté par la commission des affaires économiques du Sénat exclut pour les coopératives la définition d’une clause relative aux délais de préavis et à l’indemnité applicable lors de la résiliation du contrat.
Pourtant, la sortie du contrat coopératif ou le retrait de l’associé coopérateur sont prévus par les statuts coopératifs et ne peuvent qu’exceptionnellement intervenir avant la fin de la période d’engagement du coopérateur.
Il ne s’agit pas d’y porter atteinte, mais seulement de prévoir que les délais et les pénalités qui demeurent à l’appréciation du conseil d’administration doivent, en coopérative comme dans le cas général, tenir compte des situations dans lesquelles le départ de l’associé coopérateur est lié à un changement de mode de production, par exemple à la conversion à l’agriculture biologique, qui n’est pas valorisé par la coopérative.
Tel est l’objet du présent amendement, que je vous invite à adopter.
Si vous le permettez, monsieur le président, j’en profite pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 491 rectifié, défendu par M. Labbé. Je lui préfère l’amendement du Gouvernement, ce dernier étant plus clair quant aux objectifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Je suis d’accord avec M. Labbé, notre objectif est de défendre les agriculteurs. Or, depuis quelques décennies, le meilleur moyen que nos agriculteurs aient trouvé pour se défendre…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est la coopérative !
M. Michel Raison, rapporteur. … est de se regrouper en coopératives. Les coopératives ont adopté des statuts semblables à ceux des coopératives d’autres pays européens.
Comme je vous l’avais dit lors d’une discussion en tête-à-tête, monsieur le ministre, il ne faut pas déstabiliser certains grands systèmes, comme la loi de 1905 – cette loi est un bon exemple, bien qu’elle n’ait rien à voir avec le sujet du présent débat –, le statut du fermage dans lequel on veut mettre un coin à chaque loi agricole – le plus souvent, sur l’initiative des propriétaires – et le statut de la coopération.
Le départ d’un associé est prévu. Le contrat peut durer jusqu’à cinq ans, ce qui est un minimum si l’on veut que la coopérative puisse s’organiser et avoir des approvisionnements suffisamment sécurisés pour amortir ses investissements et pour faire quelques prévisions pour l’avenir. Sans cela, elle n’aurait pas lieu d’être.
Je veux aussi rappeler que 550 coopératives accompagnent déjà leurs associés coopérateurs dans la transition vers le bio sans qu’aucune sortie de ceux-ci ait eu à être envisagée.
Nous devons faire très attention lorsque nous écrivons la loi, car celle-ci n’a pas vocation à régler quelques cas particuliers. Ce n’est pas parce que quelques grincheux ont menacé de quitter leur coopérative pendant les États généraux de l’alimentation que nous devons changer la loi.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d’en rester à la rédaction de la commission et j’émets un avis défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’amendement n° 491 rectifié est adopté, l’amendement n° 712 n’aura plus d’objet.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je partage totalement les propos du rapporteur.
Diminuer les pénalités reviendrait à dénaturer le statut de la coopération, car, comme l’a très bien expliqué le rapporteur, lorsque l’associé coopérateur s’engage, il le fait pour une durée minimale de cinq ans. Or la coopérative réalise des investissements dont l’amortissement est souvent plus long – dix, douze, voire quinze ans pour des bâtiments.
L’engagement de l’associé coopérateur constitue une sécurité pour la coopérative, en termes tant d’apports que d’amortissement des investissements. Il faut donc laisser le soin au conseil d’administration des coopératives d’appliquer les pénalités correspondant à leur situation.
Nous sommes défavorables à l’amendement n° 491 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le retrait des associés coopérateurs est un sujet qui a été régulièrement traité par notre assemblée, lors de l’examen tant du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire – pour les coopératives agricoles comme non agricoles – que du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ce dernier texte définitivement adopté fixant un cadre qui me paraît satisfaisant pour les coopératives, je ne vois aucune raison de le modifier.
Si je rappelle que nous avons eu ces débats, c’est parce que nous avons tendance à vouloir transformer les relations intracoopératives à l’image des autres relations commerciales (M. Laurent Duplomb applaudit.), alors qu’il s’agit d’un cadre différent, de solidarité organisée, et qu’il ne doit pas être un obstacle pour les associés coopérateurs.
Les capacités de retrait existent. Elles sont d’ailleurs très calibrées dans le statut des coopératives qui doit fixer non seulement les conditions de retrait, mais aussi une partie des critères pris en compte pour calculer, non pas les pénalités, car le terme est impropre, mais les remboursements des investissements que l’associé qui se retire devra aux autres coopérateurs.
Le calcul en est très rigoureux, et les conflits sont extrêmement rares. Dans leur grande majorité, les agriculteurs qui ont fait une transition vers le bio n’ont d’ailleurs pas rencontré de difficulté majeure dans leur coopérative.
M. Laurent Duplomb. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. M. le rapporteur a eu raison de citer les 550 cas de coopératives qui ont accompagné la mutation vers le bio.
Quand il y a eu jugement, le tribunal a fait référence aux frais afférents, et le montant des remboursements a rarement été dissuasif.
Je ne vois pas l’intérêt de modifier ce cadre. Tenons-nous-en à la philosophie de la solidarité, et pas du rapport commercial ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Que M. Labbé propose cet amendement parmi tant d’autres soit,…
M. Joël Labbé. Comment cela ?
M. Laurent Duplomb. …mais je trouve gênant que le ministre de l’agriculture soutienne la même position.
Premièrement, une coopérative ne distribue pas de dividendes. L’argent qu’elle gagne, elle le redistribue à ses producteurs. Mme Lienemann a raison, la coopérative est le socle du mutualisme et de la solidarité.
Le principe même de la coopérative est de collecter la totalité de ce que produit le coopérateur. Il est donc totalement faux, monsieur Labbé, d’affirmer que des producteurs n’ont pas pu passer au bio parce que la coopérative ne l’aurait pas voulu.
Deuxièmement, en vertu de leur fonctionnement mutualiste et solidaire depuis vingt ans, les coopératives ont non seulement continué de collecter les produits des producteurs bio, mais ont payé ceux-ci plus cher que les producteurs conventionnels. Le mutualisme joue aux dépens de ces derniers.
Vous le savez, et vous avez tort de ne pas le dire, monsieur Labbé ! Un producteur bio est payé 400 euros, alors qu’un producteur conventionnel n’est payé que 300 euros, et pourtant, la production du premier, s’il s’agit par exemple de lait, finira noyée dans le lait conventionnel parce qu’il n’est pas possible de collecter un seul producteur avec un camion séparé.
Monsieur le ministre, c’est une honte que vous souteniez une telle disposition. Le problème est que vous connaissez trop mal notre système agricole. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)