compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Immigration, droit d’asile et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (projet n° 464, texte de la commission n° 553, rapport n° 552, tomes I et II, avis n° 527).
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pourquoi ce projet de loi ? Pourquoi, madame la ministre, nous avoir présenté ce texte ? Après une semaine de débat ici, nous ne comprenons toujours pas votre objectif.
Vous affichez, dans vos discours et vos écrits, votre volonté de maîtriser l’immigration, d’améliorer le droit d’asile et de réussir l’intégration. Très bien !
Nous vous avons écoutée pendant une semaine, vous-même ou M. Collomb, et nous ne comprenons toujours pas ce qui correspond à vos objectifs dans votre projet de loi.
Ce texte est même contre-productif à plusieurs titres : d’abord, à cause de l’amalgame, détestable, entre asile et immigration irrégulière,…
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Patrick Kanner. … ensuite, parce que cette loi veut être un épouvantail dissuasif, qui n’aborde pas la seule vraie question : celle des moyens humains et financiers, renforcés lors du précédent quinquennat.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Patrick Kanner. Maîtriser l’immigration ? Vous savez, comme nous tous ici, que la maîtrise de l’immigration est d’abord une problématique européenne qui ne se réglera qu’au niveau européen. Le Président de la République ne dit pas autre chose.
Comment la France seule pourrait-elle se prévaloir de maîtriser l’immigration, alors même qu’elle n’est que rarement le pays d’entrée en Europe ? La polémique récente avec nos voisins italiens a bien rappelé ce problème de l’inégalité européenne face au flux de migrants.
Oui, notre continent subit depuis près de cinq ans la plus grande crise migratoire connue en Europe depuis les déplacements de populations consécutifs à la Seconde Guerre mondiale. Ce constat avait été fait dès l’été 2014 par le ministre de l’intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, qui fit alors une tournée d’Europe pour que des mesures soient prises. L’Europe a tardé avant d’adopter un mécanisme de répartition, de renforcer FRONTEX ou encore de créer des points d’accueil. Nous avons été fiers de défendre cette action de la France auprès de ses voisins.
Le ministre d’État Gérard Collomb a mis en garde, ici même, et à juste titre, le 20 juin dernier : « L’Europe peut se démanteler sur les problèmes migratoires. » Votre responsabilité n’est alors pas d’aggraver la situation avec une loi contestable et isolationniste, mais de faire vivre la solidarité européenne, madame la ministre. L’échec de la rencontre de Bruxelles de ce week-end a encore montré toute la difficulté de ce défi. Aujourd’hui, c’est n’est plus un défi, c’est une impasse.
Alors, améliorer le droit d’asile, le deuxième grand thème de votre loi ? Comment pouvez-vous considérer que le droit d’asile sera amélioré en contraignant le délai de la demande et les conditions d’examen de cette dernière ? Vous ne réussirez avec vos mesures qu’à affaiblir l’accueil des demandeurs d’asile. La situation humanitaire de ces personnes s’aggravera de fait encore, puisque beaucoup ne pourront plus défendre leur demande dans de bonnes conditions.
L’objectif d’accélérer l’examen des demandes est louable ; nous l’avons nous-mêmes porté lors du dernier quinquennat et vous l’aviez d’ailleurs soutenu à l’époque, avec Gérard Collomb. Et cet objectif a été rempli par la loi de 2015, qui n’est de pleine application que depuis trois ans. Pourquoi encore changer ces règles, sans évaluation de la précédente loi, et en intervenant cette fois sur les conditions même de la demande ?
Et, là encore, il y a derrière cette problématique un sujet européen. La loi de 2015 est sans doute allée au bout de ce que nous pouvions faire en termes de pays d’accueil concernant l’asile. Le droit d’asile européen est à ce stade une pure fiction, laquelle se heurte aux égoïsmes qui sentent l’odeur du nationalisme exacerbé. Le dispositif de Dublin est mieux que rien, mais aussi peut-être pire que tout. Nous avons proposé, avec Jean-Yves Leconte, notre chef de file sur ce texte que je remercie, un amendement sur le sujet. Il a été rejeté. Encore une occasion manquée…
Troisième grand sujet, réussir l’intégration. Nous arrivons là au volet qui devait « équilibrer » votre projet de loi, en permettant l’intégration de ceux qui sont arrivés ces dernières années, alors que le flux commence à diminuer. Seulement, vous avez oublié un élément : quand il s’agit de principes fondamentaux de notre droit, il ne peut être question d’équilibre.
On ne peut pas pondérer une remise en cause de nos valeurs et principes. Rien ne peut avoir suffisamment de poids pour équilibrer la balance quand, par ailleurs, vous en détraquez le mécanisme. Nous en sommes là, avec votre projet de loi. Nous prenons acte de certaines mesures, supprimées ou dénaturées par la droite sénatoriale. Mais jamais elles ne pèseront suffisamment pour que nous abandonnions les principes que nous défendons avec constance, en premier lieu desquels l’accueil digne et le droit d’asile.
Alors, madame la ministre, nous ne comprenons pas le sens de votre loi, ou plutôt nous en avons bien compris la visée, le message. Cette loi n’est pas une loi de fermeté, c’est une loi de fermeture ! Vous faites écho, avec votre texte, à la tendance du repli et du court-termisme. J’ai une mauvaise nouvelle pour vous : notre pays, par son histoire et par ce qu’il représente dans le monde, n’aura jamais l’image que vous cherchez à lui donner avec cette loi.
C’est bien mal connaître les motivations des migrants et des réfugiés de penser qu’ils renonceront à venir en Europe ou en France du fait d’une simple loi. La conséquence de tout cela est simple : ils continueront à venir, mais ils seront moins bien accueillis et la situation humanitaire s’aggravera encore.
Vous aurez au moins réussi une chose avec ce texte, qui n’est qu’une loi d’affichage politique : à libérer les plus tristes passions anti-étrangers sur certaines travées parlementaires. Vous aurez permis la surenchère. La majorité sénatoriale – la droite de notre hémicycle – a embrayé, malgré sa faible mobilisation lors du débat, dans votre course à la fermeture du pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle a encore aggravé les mesures contenues dans votre texte sur la rétention et le droit d’asile. Elle a aussi réduit les possibilités d’étude en France des étrangers, un bond de dix ans en arrière, indigne de notre pays et incohérent avec les objectifs d’excellence universitaire.
Monsieur le rapporteur, vous et votre groupe avez porté dans ce débat des propositions que nous continuerons à combattre. Et ce que je disais au Gouvernement vaut aussi pour vous : vous ne réussirez pas à dissuader les migrants et à changer l’image de pays accueillant qu’est la France.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, nous aurions voté contre le texte sorti de l’Assemblée nationale. Nous voterons, avec encore plus de détermination, contre le texte modifié par la droite du Sénat.
M. Philippe Dallier. Cela ne change pas grand-chose !
M. Patrick Kanner. Face à l’amalgame entre asile, immigration et fraude, érigé en principe fondateur de ce texte, nous préférons résister aux peurs plutôt que les encourager ; nous préférons protéger les plus faibles plutôt que les rejeter ; nous préférons intégrer sur la base des valeurs de la République plutôt que précariser.
En conclusion, je voudrais vous inviter, en ce jour anniversaire du chantre de la fraternité universelle, Aimé Césaire (Mme Catherine Conconne applaudit.), à méditer sa parole : « Ce n’est pas par la tête que les civilisations pourrissent. C’est d’abord par le cœur. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, la question migratoire, sujet sensible pour les Français s’il en est, est devenue un enjeu de souveraineté nationale et de cohésion sociale.
Illustration de cette importance, nos débats ont été passionnés, parfois difficiles, mais à la hauteur d’un enjeu fort pour nos concitoyens.
Un enjeu fort, car nos concitoyens constatent que le phénomène n’est toujours pas enrayé. Alors que les demandes d’asile refluent partout en Europe, elles augmentent en France.
Comme l’a affirmé le Président de la République dimanche dernier, la France est le deuxième pays d’accueil en Europe pour cette année. Quelques chiffres : notre pays a délivré 262 000 titres de séjour en 2017 ; plus de 300 000 étrangers en situation irrégulière sont inscrits à l’aide médicale de l’État. Quant au nombre de demandeurs d’asile, il a lui aussi franchi un record, avec plus de 100 000 demandes déposées l’an dernier. Enfin, selon la Cour des comptes, 96 % des déboutés du droit d’asile restent dans notre pays.
À la lecture de ces chiffres, vous comprenez, madame la ministre, mes chers collègues, que la situation est intenable. Elle est d’autant plus tendue que nos procédures de traitement et les dispositifs d’hébergement sont d’ores et déjà saturés, particulièrement en Île-de-France et dans le Pas-de-Calais, où se constituent des campements illégaux, au détriment de tous, surtout des riverains et des pouvoirs publics.
Quant à la question de l’intégration des étrangers dans notre pays, leur insertion linguistique, économique et sociale est particulièrement insuffisante en comparaison de belles réussites chez nos partenaires, notamment chez nos voisins allemands.
Ce projet de loi ne peut laisser insensible, puisqu’il tente d’apporter une réponse à un défi immense et complexe.
Aussi, nul ne peut prétendre détenir la vérité absolue, nul ne peut prétendre au « monopole du cœur », quelles que soient les responsabilités et les sensibilités politiques de chacun d’entre nous.
En effet, mes chers collègues, on peut constater une continuité politique assez nette sur le sujet de l’immigration entre tous les gouvernements depuis plus de vingt ans.
Cette continuité est celle de la recherche d’un équilibre entre l’immigration, l’intégration et le droit d’asile.
C’est aussi celle d’une cohérence de ces trois enjeux majeurs, qui sont encore une fois abordés ici dans un seul et même texte.
Le gouvernement actuel est resté dans la droite ligne de la tradition française, l’esprit de ce texte était donc le bon. Néanmoins, il pouvait être amélioré, en faisant preuve d’un pragmatisme qui a guidé la commission des lois de notre assemblée.
En effet, si notre commission est allée assez loin sur certains sujets, elle a également fait œuvre d’amélioration et de réalisme sur d’autres. Nos débats et les ajustements apportés en séance ont permis de prendre en compte les préoccupations de certains de nos collègues et des ajouts du Gouvernement.
Un certain nombre de dispositions ont ainsi été apportées. Elles vous aideront à donner des réponses cohérentes à des difficultés techniques.
C’est pourquoi nous appelons de nos vœux la construction d’une réponse globale et stratégique à ces défis qui ne feront que s’accroître et s’intensifier.
Pour apporter une réponse globale à cette question, il faut deux choses : de la volonté politique et des moyens financiers.
De la volonté, il vous en faudra, madame la ministre, pour contrôler l’application de cette loi et faire enfin respecter l’intégralité des dispositions de notre droit. Il faudra d’ailleurs plus que des mesures techniques pour régler la question, nous devrons avoir une grande stratégie.
Dans un contexte différent certes, mais confronté à la même urgence, le général de Gaulle appelait en mars 1945 à un grand plan national « afin d’introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, des éléments d’immigration dans la collectivité française ». Inspirons-nous de cette démarche, madame la ministre, afin de proposer une vision politique du problème.
En ce qui concerne le financement, le compte n’y est pas, tant s’en faut.
Nous aurons beau adopter les textes les plus complets du monde, tant que nos forces de l’ordre, nos magistrats, nos interprètes, bref tant que tous nos fonctionnaires de l’asile continueront à œuvrer dans des conditions déplorables, nous ne réglerons rien.
À titre d’exemple, la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, avec plus de 53 000 demandes d’entrée en 2017, a connu une progression du nombre de dossiers de 34 % par rapport à 2016. Plus d’un tiers d’augmentation ! Ces chiffres sont impressionnants et nous devrons nous en souvenir lors des discussions sur le budget pour 2019.
Enfin, c’est bien au niveau européen que doit être portée cette question. Nous espérons que les chefs d’État et de gouvernement réunis en Conseil européen cette semaine parviendront à un accord équilibré sur la réforme du régime d’asile européen.
Le sommet de dimanche dernier n’est malheureusement pas de bon augure : l’Europe apparaît divisée et prisonnière des agendas politiques des uns et des autres.
La France devra défendre une approche conforme à sa tradition de responsabilité et d’humanisme. Elle devra s’efforcer d’obtenir un consensus sur ce sujet qui divise l’Europe. Elle devra redonner corps à la promesse européenne de sécurité, de prospérité et de responsabilité.
Si nous échouons, en Europe, si vous échouez, madame la ministre, tous nos débats n’auront servi à rien. Cet énième texte sur l’immigration, malgré votre bonne volonté, restera une coquille vide.
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants accueille donc favorablement ce projet de loi modifié par le Sénat, en espérant qu’il apportera une réponse aux problèmes actuels. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (Exclamations ironiques sur diverses travées.)
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par le passé, l’immigration conduisait à l’assimilation. Aujourd’hui, l’immigration conduit au communautarisme et les flux migratoires sont une menace pour l’avenir.
Pour que la France reste la France (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), il est urgent de reprendre notre destin en main. Je n’accepte ni le fatalisme de ceux qui prétendent qu’on ne peut rien faire ni, pire encore, l’irresponsabilité de ceux qui soutiennent cette invasion migratoire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Certains pays européens ont fait preuve de détermination, et ils sont parvenus à endiguer ces flux migratoires. C’est le cas de la Pologne et de la Hongrie (Rires ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) et, depuis peu, de l’Autriche et de l’Italie.
Mme Éliane Assassi. Nous avons des valeurs, nous !
M. Jean Louis Masson. Tout comme eux, nous devons fermer nos frontières, supprimer les aides sociales qui servent d’appel d’air, expulser les clandestins en situation irrégulière, expulser aussi tout étranger qui commet un crime ou un délit sur notre sol. Enfin, il faut mettre un terme au laxisme à l’égard du communautarisme et de l’extrémisme musulmans.
Comme le reconnaît lui-même l’actuel ministre de l’intérieur, nos aides sociales sont une véritable pompe aspirante (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), car les migrants choisissent systématiquement les pays où ils profitent du maximum d’aides sociales. (MM. Xavier Iacovelli et Rachid Temal protestent.)
En raison des difficultés économiques et des restrictions budgétaires, nous devrions d’abord régler les problèmes de nos concitoyens avant de nous occuper de ceux des autres.
Ainsi, le 13 octobre 2015 à la tribune du Sénat, j’avais déjà dit combien il est scandaleux que certaines veuves d’agriculteur ou de petit commerçant ne perçoivent que 300 euros par mois, alors que chaque migrant nous coûte au total plus de 1 000 euros par mois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Xavier Iacovelli. C’est faux !
M. Jean Louis Masson. De même, lors de cette même intervention, j’avais dit que l’immigration d’aujourd’hui, c’est le vivier de recrutement du terrorisme de demain. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Tous les bien-pensants avaient alors hurlé en criant au scandale. Or, trois semaines après, les attentats du Bataclan m’ont donné raison.
M. David Assouline. Amalgame !
M. Jean Louis Masson. Deux terroristes venaient d’entrer en France en tant que demandeurs d’asile. (Mêmes mouvements.)
M. David Assouline. Honteux !
M. Jean Louis Masson. Plus récemment, il y a un mois, on a découvert que nous hébergions un bourreau de l’État islamique recherché par toutes les polices. Or, non seulement il avait été régularisé au titre de l’asile des migrants, mais en plus il percevait les aides financières de l’État !
Quand on énumère ces faits, les tenants de la pensée unique crient à l’amalgame. Il n’y a pas d’amalgame, c’est seulement la terrible réalité. Cela doit cesser. La France doit rester la France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. Merci M. Wauquiez !
M. Jean Louis Masson. Malheureusement, seuls quelques responsables politiques ont eu le courage de le dire. À son tour, M. Wauquiez (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) a diffusé un tract : « Pour que la France reste la France ». (Rires moqueurs sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain puis du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, les uns et les autres martelant leur pupitre et couvrant la voix de l’orateur.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Mais c’est scandaleux, monsieur le président !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, nous laissons dix secondes à M. Masson.
M. Jean Louis Masson. S’il croit ce qu’il dit, il doit accepter de travailler avec ceux qui, bien avant lui, ont toujours été clairs sur ce sujet. (Le temps ! sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
À défaut, lors des prochaines échéances électorales, les Français sauront faire la différence ! (MM. Stéphane Ravier et Sébastien Meurant applaudissent avec force. – Huées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je crois que nous partageons tous dans les grandes lignes le constat dressé par notre rapporteur concernant le fonctionnement actuel du système d’accueil et d’intégration des étrangers sur notre territoire : la saturation de nos capacités d’hébergement d’urgence, qui menace la dignité des demandeurs d’asile ; les difficultés de l’État à faire respecter les décisions de refus d’admission à l’asile et au séjour, et les décisions d’éloignement qui en découlent ; l’insuffisance des moyens consacrés à l’intégration des personnes étrangères en situation régulière sur notre territoire.
Il est donc regrettable que nous ne soyons pas parvenus à dépasser nos clivages politiques, afin de nous livrer à une évaluation scrupuleuse des dispositifs actuels et de leurs limites.
J’avais déjà évoqué, lors de la discussion générale, la position de notre groupe sur le sujet : la dimension prospective est excessivement laissée de côté.
Peu de choses sur les outre-mer, qui pour beaucoup sont perçus comme une porte d’entrée vers la France et l’Europe. Rien sur la remise à plat des instruments de développement français.
La proposition de notre collègue M. Thani Mohamed Soilihi et les échanges qui en ont découlé ont révélé également la difficulté de légiférer sur l’admission au séjour sans discuter à la fois des conditions d’attribution de la nationalité française. Une approche globale nous a manqué.
Sans anticiper les discussions en cours sur l’évolution du système de Dublin, le texte se borne, pour l’essentiel, à modifier de nouveau les aspects procéduraux des demandes d’asile et d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière.
Malgré quelques modifications progressistes aux marges du texte, venues de la gauche de l’hémicycle, le rééquilibrage proposé par notre rapporteur ne nous convient pas tout à fait, dès lors qu’il déplace le curseur de la fermeté à l’égard des étrangers en attente de décision ou en situation irrégulière, sans adapter celui de la protection de leurs droits et libertés fondamentales.
Cet équilibre est pourtant précieux. Comme l’écrivait Blaise Pascal, « la justice sans la force est impuissante, mais la force sans justice est tyrannique ». (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Mes chers collègues, je connais l’attachement de notre Haute Assemblée à la protection des droits et des libertés fondamentales. Quel peut être le sens d’un État de droit qui protégerait moins les individus en situation de vulnérabilité, et mieux les individus qui connaissent leurs droits et entendent les exercer pleinement ?
C’est pourtant le sens de ce texte, qui prévoit de renforcer les dispositions procédurales dérogatoires pour les administrés étrangers, que ce soit le recours à des audiences par l’intermédiaire de captations vidéo, l’inflexion des règles relatives à la notification, l’extension des cas de recours devant un juge unique ou encore, dans certains cas, la suppression de l’effet suspensif du recours.
Il faut certes souligner la sagesse du rapporteur, qui a proposé d’allonger le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, et regretter aussitôt que cette même sagesse ne l’ait pas poussé à allonger également le délai relatif aux personnes concernées par une procédure Dublin.
Si nous attendons des étrangers présents sur notre sol qu’ils se conforment aux lois de la République, il nous revient de nous assurer qu’ils puissent accéder à nos juges dans des conditions conformes à notre héritage juridique.
En effet, dans bien des contentieux, l’accès au juge a pour fonction non pas seulement de rendre justice, mais également de faire entendre justice auprès des publics les moins informés de nos règles de droit.
Sur ces sujets, nous devons veiller à ne pas appauvrir le débat en le réduisant à la seule question de la conformité à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou aux textes européens qui nous lient.
Nous savons dans quel contexte ont été adoptés les règlements de Dublin. Il fallait obtenir une rédaction offrant des marges de manœuvre, afin qu’elle puisse convenir à l’ensemble des États membres de l’Union européenne, dans lesquels les garanties offertes aux justiciables diffèrent sensiblement des nôtres.
Je crois qu’il revient au législateur de prendre une position plus claire, plutôt que de se cacher derrière les latitudes offertes par d’autres textes, d’autres autorités, et d’assumer ses choix.
C’est pourquoi, par souci de fidélité à nos valeurs séculaires, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même avons exprimé notre opposition, quand nos valeurs et notre conception de la justice étaient mises à mal.
Ce fut notamment le cas à propos de la faculté de retenir en centre de rétention administrative des mineurs accompagnés de leurs parents, plutôt que de les soumettre à assignation à résidence. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
En conclusion, le groupe du RDSE ne peut, à ce stade de l’examen, se satisfaire de l’adoption de quelques amendements : la suppression de la valeur d’OQTF, c’est-à-dire l’obligation de quitter le territoire français, accordée à une décision définitive de rejet de l’OFPRA par exemple, ou encore un encadrement plus important de l’accès aux fonctions d’interprète.
Mais même ce second point est considérablement atténué par la possibilité de maintenir l’interprète à distance du requérant étranger lors d’une vidéo-audience, qui reste dans le texte adopté par le Sénat.
Après les longs débats que nous avons eus sur ce projet de loi, débats qui, sur certains sujets, auraient mérité d’être plus longs encore, les membres du groupe du RDSE voteront contre le texte proposé par la droite sénatoriale. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la semaine d’étude de ce texte.
Le groupe Les Républicains a quelques observations à formuler. Il veut tout d’abord vous faire part de ses regrets, madame la ministre. Après les annonces faites dans la presse voilà quelques mois, nous attendions un grand texte sur l’immigration et sur l’asile,…