M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 155 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 464 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson, n’est pas soutenu.
M. Ravier n’est toujours pas arrivé en séance…
Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 15
M. le président. L’amendement n° 465 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. P. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de leur peine de prison, le prononcé d’une expulsion est automatique pour les étrangers condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à cinq ans, sauf circonstances exceptionnelles. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Dans le prolongement de ce qu’a dit Mme la ministre, cet amendement a pour objet de rendre automatique l’expulsion des étrangers condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à 5 ans, sauf circonstances exceptionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, dont les dispositions sont déjà pleinement satisfaites par le droit actuellement applicable.
La commission des lois a en effet généralisé et systématisé le prononcé des peines d’interdiction du territoire, qui entraînent de plein droit la reconduite du condamné à la frontière. Celles-ci seront désormais prévues pour toute infraction dont l’auteur encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans, voire 3 ans dans de nombreux cas. Elles seront en outre obligatoires en cas de délit commis en récidive légale ou en cas de crimes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 53 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l’expulsion est prononcée si la personne concernée est inscrite au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que précédent. Il s’agit d’expulser les personnes concernées inscrites au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement.
Il va de soi que nous partageons le même objectif, protéger les Français contre la menace terroriste. Toutefois, la rédaction de cet amendement n’est pas sans poser problème : sur le fond, le seul fait de figurer dans un fichier de police ou de renseignement ne saurait suffire à fonder une telle mesure ; j’appelle votre attention sur ce point.
Au 1er mars 2018, environ 20 000 individus sont déclarés dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. De nombreuses personnes figurent dans ce fichier après dénonciation téléphonique ou internet, dans l’attente de l’évaluation du renseignement. Tous les signalements qui sont faits ne recouvrent pas uniquement des cas de radicalisation, soit parce que les éléments ne sont pas réunis, soit parce que les informations sont incomplètes, voire non pertinentes.
En outre, une difficulté juridique se pose. L’expulsion est une mesure administrative bien définie, qui a juridiquement pour objet de parer à une menace : elle a un caractère préventif et non répressif. Elle constitue non pas une sanction, mais « une mesure de police exclusivement destinée à protéger l’ordre et la sécurité publics ».
Ainsi, l’autorité administrative doit se fonder sur l’ensemble du comportement de l’étranger, sans même avoir besoin de fonder sa décision sur une inscription à un quelconque fichier ou une peine antérieure de prison. La sanction ne saurait donc être automatique sans encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, je rappelle que la commission des lois du Sénat a décidé de créer un groupe de travail sur l’amélioration de l’efficacité des fiches S ; elle a nommé François Pillet rapporteur. Les conclusions qu’il rendra nous seront tout à fait utiles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement au regard des mêmes arguments juridiques.
Pour votre information, monsieur Karoutchi, je précise que, depuis le début de l’année 2017, 197 étrangers inscrits au FSPRT en situation irrégulière et 80 étrangers en situation régulière ont fait l’objet d’une mesure administrative d’expulsion ou d’éloignement, que celle-ci soit exécutée ou en cours d’exécution.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 54 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Non, je le retire, monsieur le président, d’autant que j’ai entendu sur un média M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, donner son accord pour que soit organisé un débat plus large sur ce que l’on appelle les fichés S, la façon dont ils sont catalogués et ce que doit devenir cet instrument. Ce débat sera l’occasion d’aborder de nombreux sujets.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 466, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu. Son auteur n’est toujours pas arrivé…
L’amendement n° 141 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy et Meurant, Mme Lherbier, MM. Leleux, Paccaud, Charon, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mme Bories, MM. Ginesta et Gremillet et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 522-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les débats peuvent être réalisés par l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement a pour objet d’étendre le recours à la vidéo-audience devant la commission d’expulsion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Actuellement, ce dispositif existe uniquement pour Mayotte avec des conditions très strictes. Sur cet amendement visant à l’élargir à tout le territoire, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le recours à des moyens de télécommunications audiovisuelles pour la tenue des commissions départementales d’expulsion est actuellement seulement prévu pour le cas spécifique de Mayotte.
Toutefois, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement, car, en dehors du fait que la nécessité d’une telle disposition n’est pas établie, la rédaction proposée manque de précision et ne prévoit pas les garanties qui doivent entourer le recours à cette technique pour assurer le bon déroulement de la procédure de consultation de la commission. Dès lors, son usage dans ce cadre soulèverait plusieurs difficultés et ne manquerait pas d’être sanctionné par le juge.
Pour ces motifs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Au-delà de la question de fond que soulève cet amendement, il importe de vérifier le contexte juridique de cette disposition.
C’est la raison pour laquelle la commission partage l’analyse du Gouvernement et demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 141 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Mayotte est un cas spécifique, mais il suffisait de reprendre ce qui s’y faisait, en complétant ainsi l’article L. 522-2 : « Les débats peuvent être réalisés par l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. »
J’avoue ne pas bien comprendre pourquoi ce qui se pratique à Mayotte ne pourrait se pratiquer ailleurs et quel problème cela pose. Toujours est-il que je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 141 rectifié ter est retiré.
Article 15 bis (nouveau)
L’article L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans le département informe sans délai les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1 du présent code lorsqu’il prend une mesure d’éloignement en application des titres Ier à IV du livre V et du chapitre II du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
M. le président. L’amendement n° 392 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Deseyne, M. P. Dominati, Mmes Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paccaud, Paul, Pemezec, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1 du présent code sont informés conformément à l’alinéa précédent, ils procèdent à la radiation automatique de l’assuré. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement est logique et naturel. Il vise à prévoir que, dès lors qu’une personne fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, une OQTF, elle ne peut plus percevoir d’aides sociales. Cela paraît évident, mais ce n’est pas toujours le cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur, et je vais vous expliquer pourquoi.
Je rappelle que les organismes de sécurité sociale accèdent aux informations contenues dans l’AGDREF, l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, et qu’ils ont ainsi connaissance des mesures par lesquelles les autorités administratives prononcent des éloignements du territoire. Ainsi peuvent-ils mettre fin au versement des prestations ou aides allouées ou prendre toutes les décisions tirant les conséquences de ces informations, dans le respect des réglementations propres à chacune de ces prestations.
Afin de rendre plus efficient l’usage des informations relatives aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement en vue de mettre fin aux versements des prestations ou aides allouées, le Gouvernement souhaite par ailleurs favoriser l’échange des informations avec les organismes précités.
Il n’est en revanche ni nécessaire ni pertinent d’insérer une disposition générale dans le CESEDA, qui n’a pas vocation à contenir les règles d’attribution des prestations sociales et qui ne permettrait pas de prendre en compte les caractéristiques propres à chacune de ces prestations.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement estime que l’objet de votre amendement est déjà satisfait et vous invite à le retirer.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 392 rectifié est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Oui, monsieur le président.
Madame la ministre, j’ai eu l’occasion de le dire hier, à l’occasion d’un amendement sur lequel le Gouvernement a eu l’amabilité d’émettre un avis favorable : il n’est pas si évident, pour un demandeur d’asile ou pour l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de récupérer l’allocation de demandeur d’asile, l’ADA. L’OFII a essayé en vain de récupérer l’ADA auprès de gens qui faisaient l’objet d’une OQTF depuis des mois, que les intéressés soient encore présents sur le territoire ou déjà partis…
Je comprends qu’on demande des garanties juridiques pour prononcer une OQTF, mais une fois que quelqu’un se voit signifier une obligation de quitter le territoire français, il est tout de même un peu aberrant qu’il puisse continuer à percevoir des aides sociales ! L’automaticité de la radiation me paraît une évidence.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Si je partage le point de vue de notre collègue Karoutchi sur la nécessité de mettre fin au bénéfice de prestations sociales, je tiens tout de même à le rendre attentif à un principe qui a toute sa force dans notre droit : l’indépendance des législations.
Une mesure de police qui déclenche une procédure d’éviction du territoire ne peut pas entraîner la suppression d’une prestation sociale prévue par une autre législation. Si nous faisions cela, nous nous heurterions à des principes juridiques profonds. Comme l’a dit Mme la ministre, il nous faut assurer la coordination entre les organismes publics chargés de l’un et de l’autre – je n’ai aucun mal à croire qu’elle soit encore améliorable –, mais confier à l’autorité de police, qui prend, après instruction, la décision de renvoi du territoire la responsabilité de mettre fin à une prestation sociale, laquelle peut concerner d’autres membres de la famille, serait une irrégularité sérieuse. Il faut maintenir l’indépendance entre les deux législations.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. A contrario, je pense qu’il est essentiel que nos concitoyens puissent comprendre la loi et les différentes mesures qui sont prises. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui, tous nos concitoyens n’étant pas logés à la même enseigne s’agissant des aides sociales. À défaut, il ne faudra pas s’étonner de la montée des extrémismes dans les territoires, car il n’y a pas d’égalité sur ces questions.
C’est la raison pour laquelle il me semble important, au-delà du point pertinent soulevé par notre collègue Alain Richard, de trouver une solution afin qu’il soit clair que ceux qui sont dans la situation que nous évoquons ne peuvent bénéficier des aides sociales.
Rien n’empêche, bien entendu, que les personnes qui sont particulièrement en difficulté soient prises en compte, comme toute personne en difficulté sur notre territoire, mais il faut dire les choses de façon très claire afin d’éviter toute confusion dans l’esprit des gens.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Pour une fois – une fois n’est pas coutume ! –, je suis d’accord avec M. Richard : la seule question qui nous est posée est celle de la légalité, comme il l’a extrêmement bien démontré. Nous pensons donc que cet amendement n’a pas lieu d’être.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 bis, modifié.
(L’article 15 bis est adopté.)
Chapitre II bis
Les garanties encadrant le placement en rétention des mineurs
(Division et intitulé nouveaux)
Article 15 ter (nouveau)
L’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié:
1° Après le premier alinéa du III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III bis – L’étranger mineur non accompagné d’un représentant légal ne peut être placé en rétention en application des I et II du présent article. » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III, la référence: « III » est remplacée par la référence : « III bis ».
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’article 15 ter, qui a été introduit par la commission des lois du Sénat, va, une fois n’est pas coutume, dans le bon sens. Il interdit le placement en rétention des mineurs isolés. En effet, comme cela est indiqué dans le rapport, cette interdiction résulte en France d’une combinaison peu lisible de plusieurs dispositions législatives.
Cette combinaison est si peu lisible que, selon une note du Défenseur des droits en date du 25 mai dernier, les placements d’enfants augmentent de façon soutenue en métropole : en 2017, quelque 305 enfants ont été placés en centre de rétention en métropole, soit sept fois plus qu’en 2013.
À Mayotte, 4 325 mineurs ont été enfermés en 2016, contre 2 493 en 2017. Parmi eux, des enfants seuls sont rattachés de manière arbitraire et illégale à un adulte, également en voie d’éloignement, sans que celui-ci exerce sur eux une autorité parentale. Il s’agit de rendre possible leur rétention.
Le rapport de la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, publié il y a quelques jours, le 6 juin, sur la situation des mineurs à la frontière franco-italienne est également éloquent sur ce genre de dérapages parfaitement intolérables : « Les mineurs isolés représentent près d’un tiers des personnes non admises à la frontière franco-italienne (10 434 mineurs ont fait l’objet d’une procédure d’un refus d’entrée à Menton entre janvier et septembre 2017 selon les chiffres fournis par la direction départementale de la police aux frontières), ils ne font pour autant pas l’objet d’un traitement très différent de celui des adultes. » Selon la police aux frontières, les mineurs voyageant à plusieurs ou accompagnés d’adultes de la même nationalité ou parlant la même langue sont considérés comme « faisant famille ».
Or, comme le recommande le Comité européen pour la prévention de la torture, « les enfants non accompagnés ou séparés qui sont privés de liberté doivent obtenir rapidement et gratuitement l’accès à une assistance juridique, ou à une autre assistance appropriée, y compris la désignation d’un tuteur ou d’un représentant légal, qui les tient informés de leur situation juridique et protège effectivement leurs intérêts ».
Si cet article va dans le bon sens, il convient d’être vigilant sur deux points. Tout d’abord, l’article réitère une interdiction qui est censée déjà exister, mais qui est enfreinte au quotidien par les autorités publiques. Ensuite, l’interdiction posée est limitée, hélas, à une catégorie de mineurs, les mineurs isolés, quand ceux-ci ne sont pas rattachés à une famille fictive. Or, nous en avons déjà parlé et nous le verrons dans la suite du débat lors des interventions de mes collègues, il est de notre responsabilité aujourd’hui d’interdire la rétention pour tous les mineurs, sans exception, y compris ceux qui sont accompagnés de leur famille.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 15 ter et le suivant constituent des améliorations notables introduites par la commission des lois. Toutefois, nous souhaitons marquer, par principe, notre opposition à tout placement en centre de rétention de tout mineur isolé, comme l’a décidé la commission, mais aussi de tout mineur accompagné de sa famille.
La Contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu le 14 juin un avis sur ce sujet et a signalé l’atteinte à l’intégrité psychique que représente une incarcération pour des mineurs, quelle que soit leur situation.
La Cour européenne des droits de l’homme, en 2016, a condamné six fois la France sur cette question. L’encadrement proposé par la commission des lois, s’il constitue une amélioration, ne nous semble pas suffisant. C’est la raison pour laquelle nous proposerons une interdiction complète du placement en rétention des mineurs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Disons les choses clairement : votre proposition revient à empêcher l’éloignement de tout mineur en situation irrégulière.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Les deuxième à septième alinéas du III sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mineurs non accompagnés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants mineurs ne peuvent être placés en rétention par l’autorité administrative. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je commencerai par adresser une remarque au président Bas. M. Leconte veut que nous interdisions la rétention des mineurs, conformément à la préconisation de Mme Adeline Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
J’en viens à l’amendement n° 25.
Comme je l’ai dit mardi, le Sénat s’honorerait en adoptant un dispositif de protection des mineurs étrangers. Je me permets d’insister de nouveau aujourd’hui sur cette question. Les mineurs ne sont pas des migrants. Ce sont des enfants, et ce jusqu’à leurs 18 ans et une seconde.
Nous avons vu les tensions que font naître les questions éminemment importantes de la protection des femmes qui sont persécutées dans leur pays, de celles qui ne peuvent avorter légalement et de celles qui militent pour leurs droits.
Qu’en est-il aujourd’hui de la protection effective des mineurs, de l’interdiction de les enfermer au seul motif que leur famille est en exil ?
Bien évidemment, nous saluons la volonté du rapporteur de clarifier le droit existant en inscrivant dans l’article 15 ter que « l’étranger mineur non accompagné d’un représentant légal ne peut être placé en rétention ». En revanche, nous regrettons vivement, comme l’a dit Guillaume Gontard, qu’il ne s’agisse que d’une clarification et qu’elle ne s’applique qu’à certains mineurs, les mineurs non accompagnés.
Comment peut-on encore débattre de ce sujet aujourd’hui dans le pays des droits de l’homme ? Il y va du respect de nos principes fondamentaux et des normes supranationales. Nous avons déjà dénoncé toutes les atteintes à ces principes, mais il s’agit d’abord et avant tout d’une question d’humanité.
Pour notre part, nous proposons d’introduire dans notre droit l’interdiction de placer en rétention administrative les mineurs non accompagnés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants. Cela ne devrait pas être négociable.
M. le président. L’amendement n° 274 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
non accompagné d’un représentant légal
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Comme je l’ai déjà dit, nous saluons la disposition introduite dans le texte par la commission des lois.
Toutefois, sachant ce que signifie pour un mineur le fait d’être enfermé, alors qu’il n’est en aucun cas responsable de la situation dans laquelle il est, nous souhaitons inscrire dans la loi l’interdiction du placement de tout mineur en centre de rétention, qu’il soit accompagné ou isolé.
C’est l’affirmation d’un principe : la protection de l’enfance. Les séquelles liées à un enfermement ont été largement soulignées par la Contrôleur général des lieux de privation de liberté. L’enfermement des mineurs ne doit pas pouvoir être mis en œuvre dans notre pays.