M. le président. L’amendement n° 531 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Le III est ainsi modifié :
- au deuxième alinéa, le mot : « , sauf : » est supprimé ;
- les troisième à septième alinéas sont supprimés ;
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant est une des lignes directrices qui ont guidé notre positionnement sur ce texte, comme auparavant lors de l’examen de la proposition de loi Warsmann.
Nous saluons donc la proposition du rapporteur d’inscrire dans la loi l’interdiction de placer en centre de rétention administrative des mineurs non accompagnés. Monsieur le rapporteur, c’est un premier pas !
Mais la situation la plus préoccupante aujourd’hui est celle des mineurs accompagnant leurs parents, eux aussi placés en centre de rétention administrative. Ces placements se sont intensifiés au cours des dernières années. Ainsi, 275 enfants ont été placés en centre de rétention en 2017, soit autant que les quatre années précédentes, de 2012 à 2015. Le rapporteur a souligné que la durée moyenne de placement en centre de rétention des enfants est nettement inférieure à celle des majeurs, soit 4 jours pour les premiers, contre près de 2 semaines pour les seconds.
C’est vrai, mais de notre point de vue, l’assignation à résidence devrait toujours être préférée au placement en centre de rétention administrative, s’agissant de mineurs, accompagnés ou non.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 432, présenté par MM. de Belenet, Amiel, Lévrier et Yung, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 533 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La décision de rétention, spécialement motivée, expose les éléments justifiant le recours à la rétention administrative plutôt qu’à l’assignation à résidence, ainsi que les diligences particulières nécessaires à respecter, de nature à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, eu égard à son état sanitaire et psychique. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement de repli vise à contraindre l’autorité préfectorale prononçant une décision de placement en centre de rétention administrative à spécialement motiver sa décision lorsqu’elle concerne le placement de mineurs.
Ces motivations visent à prouver l’examen scrupuleux de la vulnérabilité personnelle de l’enfant, ainsi que la prise de dispositions particulières relativement à sa minorité.
Indirectement, cette disposition devrait contraindre les préfectures à ne recourir au placement d’enfants en centre de rétention administrative que de manière très exceptionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous abordons un sujet important : peut-on ou non placer un enfant mineur en rétention, qu’il soit seul ou accompagnant de sa famille ?
Ni le texte d’origine du Gouvernement ni les débats à l’Assemblée nationale n’ont apporté, de quelque manière que ce soit, de réponse à cette question difficile, car elle est difficile.
Le Sénat et sa commission des lois ont décidé de s’en emparer. De ce fait, nous avons réaffirmé dans le projet de loi, et je tiens à remercier les collègues qui l’ont souligné, qu’un mineur isolé ne peut être placé en rétention. Le principe est désormais clair.
Une seconde question se pose : un mineur accompagnant, c’est-à-dire un mineur avec sa famille, dont le séjour irrégulier a été constaté sur notre territoire et qui doit être renvoyé dans son pays d’origine, peut-il être placé en rétention ?
Le droit actuel permet sa rétention pour une durée de 45 jours. Demain, si le délai de rétention est porté à 90 jours, et si la loi n’est pas modifiée, un mineur pourra être placé en rétention 90 jours. Nous ne voulons pas de cela. La commission des lois a clairement dit que ce n’était pas possible.
En revanche, nous avons souhaité faire preuve de responsabilité. Nous avons entendu le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Mme Hazan, ainsi que les services compétents. Tous nous disent clairement que la durée moyenne de rétention d’une famille est de 4 jours, mais qu’elle peut naturellement être plus ou moins longue.
Nous avons souhaité fixer cette durée maximale à 5 jours. Au-delà, il ne sera pas possible de maintenir une famille avec des enfants en rétention. C’est là une seconde avancée importante, me semble-t-il, de la part de la commission des lois et du Sénat, en responsabilité, car il n’est pas question de ne pas pouvoir éloigner éventuellement des personnes dans cette situation.
Voilà ce que nous avons dit, voilà ce que nous souhaitons. Cette disposition, je le répète, constitue une avancée.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune, car ils visent tous à supprimer, notamment, la possibilité de placer en rétention une famille pendant une durée de 5 jours.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens d’emblée à préciser que le placement des mineurs non accompagnés en rétention n’est actuellement pas autorisé en France. Cette interdiction est déjà inscrite dans la loi. Aucun mineur non accompagné n’a jamais été placé en rétention. Libre à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de réclamer une disposition qui existe déjà, mais je tenais à faire ce rappel en introduction, compte tenu de la gravité et de la sensibilité de ce sujet.
La rétention familiale, c’est-à-dire la rétention des parents avec leurs enfants mineurs, fait l’objet de débats. Nous l’avions d’ailleurs constaté lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, sur ce sujet dont, encore une fois, je comprends l’extrême sensibilité, je tiens à apporter quelques explications et précisions.
Tout d’abord, je le rappelle, la rétention familiale est une procédure exceptionnelle, qui fait l’objet d’un encadrement strict. Elle est exceptionnelle, car, même si le droit européen l’autorise, nous devons nous assurer que l’intérêt de l’enfant prime et nous devons protéger les mineurs contre tout abus de placement en rétention. C’est ce que nous faisons. En 2017, les mineurs accompagnants en rétention ne représentaient que 1,17 % de l’ensemble des personnes placées en rétention en métropole.
Ensuite, il s’agit d’une procédure strictement encadrée. Elle intervient lorsque la famille s’est déjà soustraite à une procédure d’éloignement, autrement dit, lorsque la famille, placée en assignation à résidence, a fui le domicile ou a placé ses enfants ailleurs pour faire échec à la mesure d’éloignement. Je répète qu’on ne peut pas faire appliquer la mesure d’éloignement si les enfants ne sont pas présents. Elle intervient également si le placement en rétention de l’étranger dans les 48 heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne de certaines contraintes liées à la nécessité de leur transfert.
En outre, je précise que notre droit permet que seuls les parents soient placés en rétention. Les enfants mineurs, pendant ce temps, peuvent être placés en famille d’accueil. Toutes les familles peuvent avoir recours à cette possibilité. Ce n’est que lorsqu’elles la refusent que les mineurs accompagnant leurs parents sont placés en rétention. Beaucoup de parents, et c’est bien normal, je le comprends, préfèrent garder leurs enfants avec eux. Il est toujours extrêmement difficile de séparer les enfants de leurs parents. Vous comprenez à quoi je pense en disant cela…
J’ajoute que nous faisons le maximum pour que la durée de la rétention soit la plus courte possible. Le 12 juillet 2016, la Cour européenne des droits de l’homme, réaffirmant que la durée de rétention des familles doit être la plus courte possible, avait estimé qu’une durée de 18 jours était disproportionnée par rapport au but recherché et constituait en l’espèce une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de leur vie familiale garanti par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Or, aujourd’hui, la durée moyenne de rétention des familles en France est de 36 heures, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Inscrire dans la loi une durée maximale de rétention très brève poserait en revanche de grandes difficultés, même si je comprends cette proposition d’un point de vue humanitaire. En effet, une durée trop brève pourrait encourager les familles à faire obstacle à leur éloignement,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ne leur donnez pas d’idées !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … puisque, face à une telle demande, l’administration ne pourrait les maintenir en rétention et aurait l’obligation de les libérer.
Face à un refus d’embarquer, il faut prévoir l’organisation d’un nouveau vol, ce qui prend inévitablement quelques jours. Permettre une prolongation de la rétention pour ce faire est donc indispensable.
Les contrôles juridictionnels effectués par le juge des libertés et de la détention permettent pleinement d’assurer le respect de ce cadre juridique.
Strictement encadrée, cette procédure est donc nécessaire et existe aussi chez nos voisins européens. La rétention des mineurs accompagnant leurs parents, pardon des enfants mineurs – un certain nombre d’entre vous tiennent à ce mot, ce que je comprends –, doit rester une possibilité afin de garantir la crédibilité de notre politique d’éloignement.
La Commission européenne a d’ailleurs, dans sa recommandation du 7 mars 2017 visant à rendre les retours plus effectifs, expressément recommandé aux États membres de l’Union européenne de ne pas interdire le placement en rétention des familles, sous peine de priver d’efficacité les politiques d’éloignement. Toute décision contraire priverait d’effet utile la directive Retour et placerait la France dans un cadre qui ne respecterait pas ses obligations communautaires.
Je rappelle que la majeure partie des pays de l’Union européenne tolèrent la rétention familiale sous conditions. C’est le cas du Luxembourg, de la Suède, de la Belgique, de l’Espagne, de la Lettonie, de la Slovaquie, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Hongrie et de l’Autriche.
Enfin, nous avons pris plusieurs engagements concernant les conditions de vie des familles en rétention. Je précise qu’elles sont placées dans des locaux particuliers, les centres de rétention administrative, ou CRA. Conformément au droit français, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un enfant mineur n’est possible que dans un lieu bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles.
Nous souhaitons accentuer l’attention particulière portée aux familles en rétention. C’est pourquoi nous prévoyons d’améliorer sensiblement leurs conditions de rétention. Les centres de rétention administrative accueillant des familles devront faire l’objet d’une rénovation spécifique. Le Gouvernement le reconnaît, certains centres méritent d’être améliorés. Des financements sont prévus à cet effet, pour la rénovation des centres, mais également pour développer les activités récréatives, notamment à destination des enfants et des familles, à hauteur de 1,5 million d’euros.
Il était utile de vous donner toutes ces informations afin de vous permettre de bien appréhender l’ensemble de ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 274 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 531 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 533 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 534 rectifié ter, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que la présence en France d’une personne placée en rétention constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ou pour l’ordre public, cette personne est placée dans un lieu de rétention adapté, bénéficiant de chambres isolées. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Les centres de rétention administrative accueillent aujourd’hui des étrangers aux profils très divers, certains s’étant simplement rendus coupables d’infractions au droit des étrangers et d’autres, plus dangereux, attendant d’être expulsés en raison de la menace pour l’ordre public que représente leur présence sur le territoire national.
Afin d’assurer la sécurité des personnes les plus vulnérables placées dans ces centres, mais aussi celle du personnel, nous proposons que les placements en centres de rétention administrative soient différenciés en fonction de la dangerosité de l’individu placé.
Bien entendu, nous avons conscience du surcoût que ne manquerait pas d’entraîner la mise en œuvre d’une telle mesure, mais il ne nous semble pas acceptable qu’il soit possible aussi facilement de laisser se mélanger, en ces lieux, des profils si divers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Sans vouloir allonger les débats, j’indiquerai simplement que son adoption entraînerait des difficultés très pratiques et concrètes, sans compter le budget nécessaire à l’aménagement des locaux.
L’amendement est d’ailleurs partiellement satisfait, les services des centres de rétention veillant déjà à mettre à l’isolement les personnes considérées comme particulièrement dangereuses. De plus, l’adoption de l’amendement ferait peser un risque de contentieux assez lourd au regard des problèmes de qualification des faits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Arnell, vos préoccupations sont, bien sûr, tout à fait pertinentes. La sécurité des personnes doit être garantie dans les centres de rétention administrative. Et elle l’est, puisque la surveillance des CRA est confiée à la police nationale. L’article R. 553-2 du CESEDA confie ainsi au chef de centre, placé sous l’autorité du préfet, la mission d’assurer l’ordre et la sécurité dans le lieu dont il a la charge. Il incombe à ce dernier, dans ce cadre, de prendre toutes les mesures utiles et proportionnées pour assurer la sécurité de tous, le cas échéant en séparant déjà ceux qui sont retenus dans les CRA.
À l’évidence, votre amendement est satisfait. Je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Arnell, l’amendement n° 534 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Monsieur le rapporteur, lors de la préparation de ce projet de loi, il nous a semblé utile, à un certain nombre de mes collègues du RDSE et à moi-même, de nous rendre sur place. Nous avons rencontré les personnels, qui nous ont fait part des préoccupations que je viens d’évoquer. Reconnaissant qu’un tri plus au moins partiel était effectué en amont, ils nous ont expressément demandé de porter une telle requête, au regard de l’affluence de plus en plus prononcée de personnes dans ce type de situation.
Dans le centre que nous avons visité, s’il est vrai que la présence de cellules d’isolement permet de gérer des problèmes d’agressivité, elle ne peut être la solution pour les personnes les plus dangereuses.
Madame la ministre, ce type de centres est effectivement placé sous le contrôle et la protection de la police. Mais rappelez-vous qu’en centre de rétention les forces de sécurité ne sont pas armées. Celles-ci doivent faire preuve de beaucoup de tact, de diplomatie et de persuasion pour éviter tout risque d’escalade de la violence.
Notre proposition avait simplement pour objet d’attirer l’attention sur ce type de situations, qui, d’après ce qui nous a été rapporté, semblent se multiplier plus souvent qu’à l’habitude. Nous avons voulu donner l’alerte. C’est chose faite, et l’on ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir porté cette requête. Cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons examiné un précédent amendement relatif à la notification de l’OQTF dans les centres de détention pour les personnes condamnées. Dans les deux cas, les problèmes sont liés, car ce sont les personnes ayant exécuté leur peine et qui sont placées en rétention avant leur départ qui posent le plus de difficultés. Les services le disent clairement, tout le monde le reconnaît, et vous avez eu tout à fait raison de le souligner, monsieur Arnell.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 ter.
(L’article 15 ter est adopté.)
Article 15 quater (nouveau)
À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après les mots : « la durée du placement en rétention », sont insérés les mots : « ne peut excéder cinq jours. Elle ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article 15 quater, qui vise à « encadrer le placement en rétention des mineurs accompagnant leur famille », est, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues, monsieur le rapporteur, vous qui êtes à l’origine de cet article, au mieux une fausse bonne idée, pouvant même entraîner des dérives.
Certes, ni le Gouvernement ni les députés En Marche n’ont mis fin à la rétention des familles avec mineurs, la loi permettant, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, de les retenir 3 mois dans des lieux totalement inadaptés. Mais inscrire une durée maximale de 5 jours pour la rétention des familles n’apporte pas de protection supplémentaire aux enfants ; cela vient au contraire banaliser cette pratique et, indirectement, donner l’autorisation d’enfermer des familles pendant 5 jours.
Or le traumatisme que représente l’enfermement pour un enfant, qui intervient souvent après un périple épuisant pour arriver en France, ne dépend pas de la durée de rétention. L’UNICEF relève d’ailleurs, quelle que soit cette durée, de graves conséquences sur la santé physique et psychique des enfants enfermés. De nombreuses études récentes, notamment anglo-saxonnes, ont en effet démontré que l’enfermement, même pour une brève période, entraîne chez l’enfant de multiples troubles tels que ceux qui sont observés lors d’un état de stress post-traumatique : anxiété, dépression, troubles du sommeil, importante perte de poids, refus de s’alimenter, troubles du langage et du développement.
Ainsi, et comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 12 juillet 2016, « il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ». Les directives européennes encadrant la rétention des étrangers considèrent à ce titre que les mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés, comptent parmi les populations vulnérables nécessitant l’attention particulière des autorités. En effet, les enfants ont des besoins spécifiques dus notamment à leur âge et à leur état de dépendance. Or les conditions d’organisation des centres de rétention ne peuvent qu’avoir un effet délétère sur les enfants. Quand on légifère, il faut penser aux conditions réelles de l’application de la loi.
Par ailleurs, dans une récente décision de juin 2017 concernant deux fillettes maintenues en zone d’attente, le Défenseur des droits a pu mettre en lumière les atteintes au droit et à l’intérêt de ces deux enfants, ce qui plaide ainsi en faveur de plusieurs modifications législatives. Comme je viens de le souligner et tel que notre débat l’a mis en exergue, cet article ne va pas dans le bon sens, tout au contraire.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. L’article 15 quater vient alimenter un droit interne inadapté aux normes supranationales, en introduisant désormais dans la loi l’enfermement des familles avec enfants.
La préservation de l’unité familiale fait partie intégrante de l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsqu’un enfant est avec ses parents, l’administration ne doit pas les séparer. L’argument, souvent avancé sur différentes travées, consistant à dire que certains adultes, accompagnés ou non d’enfants, doivent être enfermés en raison du danger ou de la menace qu’ils représenteraient, est absurde et ne peut être entendu.
Mes chers collègues, un individu représentant un danger ou une menace pour n’importe qui l’est d’abord pour les enfants qui l’accompagnent. Dans ce cas, il va sans dire que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être recherché lorsque la protection du parent est défaillante : il doit relever des services départementaux compétents de l’aide sociale à l’enfance.
Selon la loi en vigueur, tout placement d’une famille en rétention implique que celle-ci a, avant son enfermement, enfreint les conditions de son assignation à résidence ou bien a pris la fuite à l’occasion d’une mesure d’éloignement, la rétention étant alors présentée comme le « dernier recours ». Pour sa part, la Contrôleur général des lieux de privation de liberté « recommande que l’enfermement d’enfants soit interdit dans les centres de rétention administrative », précisant que « seule la mesure d’assignation à résidence [peut] être mise en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants ».
Dans la pratique, le placement de familles en rétention est souvent moins une exception qu’un mode de fonctionnement pour certaines préfectures. Les préfectures du Doubs et de la Moselle totalisent 51 % des placements de familles réalisés en 2016. À l’inverse, le centre de rétention de Lille-Lesquin, pourtant habilité à accueillir des familles, y a renoncé depuis la condamnation de la France par la CEDH en 2012. Comme quoi, cela n’est pas impossible.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Peut-on se féliciter que ce projet de loi vienne limiter dans le temps la présence d’enfants dans ces centres, alors même qu’il prévoit le rallongement de la durée de détention pour les autres personnes retenues et que la majorité présidentielle, à l’Assemblée nationale, s’est refusée à proscrire leur présence en CRA ? Non, bien évidemment !
D’une part, déterminer une durée de rétention pour les mineurs exilés dans la loi, c’est légitimer la présence des familles en CRA. D’autre part, la simple idée qu’un enfant puisse se trouver en ces lieux dépasse toute humanité et tout entendement raisonnable.
Ce sont de véritables lieux d’enfermement, gérés, je vous le rappelle, par la police. Des enfants, quelle que soit la situation administrative de leurs parents, n’ont rien à y faire. C’est à la fois l’avis de Mme Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de M. Toubon, Défenseur des droits, mais aussi de nos concitoyens. En atteste la pétition à ce sujet de l’UNICEF, qui a recueilli plus de 100 000 signatures.
Dans son rapport, la Contrôleur général détaille avec horreur l’impact des CRA sur le développement infantile, ce qu’a déjà souligné ma collègue Laurence Cohen : troubles anxieux et dépressifs, perte de poids, sommeil perturbé, troubles du langage et du développement psychique. Avec ces données sanitaires, comment le Gouvernement peut-il refuser d’interdire la présence juvénile au sein des centres de rétention ? Après pas moins de six condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour rétention administrative d’enfants, il est urgent d’y mettre un terme.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 26 rectifié bis est présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin et les membres du .
L’amendement n° 423 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 501 rectifié bis est présenté par MM. de Belenet, Patriat, Amiel et Yung.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.
Mme Esther Benbassa. L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 423.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’objet de cet amendement est de supprimer l’article 15 quater, introduit par la commission des lois et qui limite à 5 jours la durée de rétention des familles avec mineurs accompagnés. M’étant déjà longuement expliquée sur ce sujet, je n’insisterai pas.
M. le président. L’amendement n° 501 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 26 rectifié bis et 423 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués ce matin sur le sujet et l’avis de la commission est défavorable sur ces deux amendements. Je rappellerai néanmoins que, dans tous les cas ayant donné lieu à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, les enfants étaient maintenus en rétention pour une durée supérieure à 2 semaines. Effectivement, on peut toujours voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Ne rien faire, supprimer cet article, c’est entériner le maintien dans ces centres d’enfants avec leur famille pendant 45 jours, aujourd’hui, et, d’ici à quelques semaines, une fois le texte promulgué, pendant 90 jours.