Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à tous ces amendements.
Je veux rappeler une nouvelle fois l’objet du projet de loi que nous présentons : il s’agit de raccourcir les délais d’examen des dossiers pour essayer de les limiter à six mois. En effet, aujourd’hui, les procédures traînent dans la durée, ce qui aboutit à des résultats totalement insupportables. Par exemple, un certain nombre de personnes se trouvent en France depuis dix ans avec un statut indéterminé. Ce n’est évidemment supportable ni pour les personnes concernées ni en termes de fonctionnement de nos institutions.
Nous voulons réduire le délai de 120 à 90 jours. À cet égard, je m’étonne de l’argument de mon excellent ancien collègue Jean-Pierre Sueur : selon lui, puisque l’on ne sait pas si le demandeur est entré en France il y a 120 ou 90 jours, ni l’un ni l’autre de ces délais ne vaut. Or nous faisons jouer les procédures à partir du moment où nous pouvons établir une date.
Au reste, comme je l’ai dit précédemment, nous tâchons de converger le plus possible avec les législations européennes. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il existe la directive Procédures, qui prévoit, en particulier, que les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, de traiter en procédure accélérée la situation d’un certain nombre de personnes. Parmi celles-ci, il est précisé, à l’article 31 du chapitre III de la directive, que peuvent faire l’objet d’une procédure accélérée les personnes qui n’ont pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs, compte tenu des circonstances de leur entrée.
En fixant le délai à 90 jours, nous nous alignons sur la directive Procédures. Ce délai nous semble raisonnable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. La procédure accélérée doit-elle être possible dans certains cas ? C’est un vrai sujet.
J’ai le souvenir que, voilà quelques années, tout le monde ici dénonçait des procédures trop longues et appelait à trouver un équilibre.
Cet équilibre consiste notamment à estimer qu’il faut étudier le cas individuel des 7 000 Albanais qui, en 2017, ont demandé l’asile, même si l’Albanie n’est ni un pays en guerre ni une dictature, puisque le droit d’asile est un droit personnel, et non un droit collectif.
Cela dit, la situation devient compliquée à gérer quand le nombre de demandes d’asile s’élève à 102 000, 105 000, voire 120 000, car nous sommes bien partis pour atteindre ce chiffre cette année, monsieur le ministre d’État.
Par définition, il faut que l’OFPRA puisse faire son travail, étant entendu que, en tout état de cause, un recours devant la CNDA est possible.
Certes, il faut faire évoluer la liste des pays d’origine sûrs. L’OFPRA s’en chargera.
Cependant, n’exagérons pas le caractère accéléré de la procédure : le délai est de trois mois, il faut que la personne soit convoquée, qu’on s’assure qu’elle a reçu la convocation, qu’elle passe un entretien avec les agents de l’OFPRA… Les protections sont telles que je ne vois pas pourquoi il faudrait remettre à plat le système. Faisons confiance à l’OFPRA pour bien gérer tout cela !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur Karoutchi, les demandes d’asile de ressortissants de pays d’origine sûrs représentent à peu près 40 % de l’ensemble des cas de procédure accélérée. Nous en avons parlé tout à l’heure. L’objet des amendements dont nous sommes en train de débattre est autre.
Nous discutons ici des cas de procédure accélérée justifiés par d’autres raisons. Nous essayons, finalement, de faire en sorte que ces raisons soient objectives, et non subjectives, de manière que les droits soient respectés. D’ailleurs, je veux souligner que la transposition de la directive européenne ne découlera pas du présent projet de loi, puisqu’elle est intervenue en 2015.
En 2015, nous avons fait le pari que, en augmentant les droits, nous pouvions accélérer l’efficacité du traitement des demandes d’asile. C’est ce que nous avons démontré en l’espace de deux ans. Aujourd’hui, nous constatons qu’il faut encore améliorer la situation.
La proposition du Gouvernement, pour essayer de réduire les délais, consiste à restreindre les droits. Non ! N’abandonnons pas une logique qui a fait ses preuves. C’est la raison pour laquelle nous défendons et voterons un certain nombre d’amendements visant à supprimer les cas de procédure accélérée pour des raisons qui ne sont pas objectives, alors que les demandeurs ont traversé une période traumatisante. Cela n’a rien à voir avec la question des pays d’origine sûrs, que nous avons déjà traitée auparavant.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre d’État, je vous ai écouté avec attention faire votre intervention générale différée, « postdatée ». J’attendais de votre part une vision générale, qui permette d’introduire un peu de rationalité dans notre débat. Malheureusement, vous en êtes resté à une analyse éminemment comptable, technique, évoquant la manière dont il faut gérer les autorisations.
J’espérais que, dans le présent débat, alors que viennent d’être proférées un certain nombre de contre-vérités, vous compléteriez votre étude d’impact, qui est extrêmement défaillante. Malheureusement, les termes du débat ne sont toujours pas précisés.
Dès lors, je me permets de suppléer à cette lacune, en rappelant plusieurs points fondamentaux. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Premièrement, les flux migratoires n’ont jamais été aussi peu importants en France.
Deuxièmement, la présence des immigrés en France n’a jamais été aussi faible – c’est l’une des plus faibles des pays de l’OCDE. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Troisièmement, les immigrés ne viennent pas des pays les plus pauvres.
Quatrièmement, les immigrés qui arrivent en France ne sont pas les plus pauvres : au contraire, ils ont très souvent un niveau de formation élevé. (Marques de scepticisme sur les mêmes travées. – M. Stéphane Ravier proteste.)
Laissez-moi finir, chers collègues !
Cinquièmement, les immigrés rapportent de l’argent au budget de l’État. Vous le savez parfaitement ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Écoutons-nous, mes chers collègues !
M. Pierre Ouzoulias. Merci, madame la présidente.
Sixièmement, et c’est un point fondamental, la crise que connaît l’Europe aujourd’hui est de nature démographique. Vous savez très bien que notre démographie actuelle nous placera, demain, dans l’incapacité de nous passer des flux migratoires à venir.
La vraie question est donc la suivante : comment organiser l’arrivée des étrangers en France pour permettre à l’Europe de rester une puissance mondiale ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’amendement n° 200 rectifié bis.
M. David Assouline. Dans son avis, M. le ministre de l’intérieur ne s’est pas exprimé sur chaque amendement ; il a répondu en exposant une philosophie globale.
L’objectif affiché de ce projet de loi serait d’accélérer les procédures en matière d’asile, de manière notamment à faciliter la vie des demandeurs, la durée de traitement des demandes les plaçant parfois dans une situation inextricable. L’objectif est louable. Mais, en dépit de vos propos et de l’affichage public, monsieur le ministre d’État, l’objectif réel est bel et bien de rendre les choses un peu plus difficiles pour ceux qui veulent venir en France, en restreignant leurs droits, pour dissuader les migrants de choisir notre pays.
Si les moyens accordés à l’examen des demandes d’asile restent en l’état, les délais exploseront. On parle de réduire le délai d’examen à 90 jours, mais, avec les moyens dont on dispose aujourd’hui pour traiter les dossiers, on ne tient même pas le délai de 120 jours ! Je vous renvoie à l’écart entre l’objectif cible et la réalité qu’on a constaté en 2017.
Vous affichez des délais toujours plus courts. Dans cette course, le Front national…
M. Stéphane Ravier. Le Rassemblement national !
M. David Assouline. … est en tête, qui propose un délai de 20 jours. S’il était question d’un délai de 20 jours, il en aurait proposé 3…
M. Stéphane Ravier. Non, deux heures !
M. David Assouline. Depuis des années, la tendance, en matière d’asile, est la même : on réduit les délais de recours et d’examen des dossiers ; on augmente la durée de rétention pour les migrants en situation irrégulière.
Cette course perpétuelle à la réduction des droits ne réglera pas le problème. Vous le savez, les délais ne diminueront que lorsqu’on aura donné à l’OFPRA les moyens d’étudier tous les cas, dans des délais beaucoup plus rapides qu’aujourd’hui.
M. Sébastien Meurant. À chaque fois, il dépasse son temps de parole !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 200 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 203 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 42 et 201 rectifié bis.
M. Fabien Gay. Bien loin de la logique de la procédure accélérée, le doublement de la durée d’examen des demandes d’asile observé en 2017 montre à l’envi que nous ne disposons pas des moyens matériels et humains d’instruire correctement ces dossiers.
À notre avis, cette situation trouve son origine dans deux faits essentiels : d’une part, une insuffisance des moyens pour traiter convenablement les demandes ; d’autre part, l’information sans doute parcellaire dédiée aux hommes et aux femmes qui candidatent au statut de réfugié, ne leur assurant pas la pleine maîtrise de leurs droits.
On retrouve, à l’article 5, ce que le Défenseur des droits a, à juste titre, dénoncé dans ce texte, à savoir le climat de suspicion généralisée, opposé par principe à toute demande d’asile, faisant fi des parcours personnels d’individus souvent aux prises avec des contraintes géopolitiques qui les dépassent.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Fabien Gay. Cette manière de traiter l’humain comme un objet statistique ou un indicateur de performance n’est à notre sens pas acceptable, d’autant que l’expérience montre que la légitimité des demandes d’asile déposées tardivement n’est pas discutable et que ces demandes doivent donc être instruites comme toutes les autres.
Tel est le sens du présent amendement de notre groupe, qui vise à corriger la rédaction de l’article 5 du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre de l’intérieur, je regrette que vous rejetiez l’ensemble de ces amendements.
Vous voulez étendre le champ de la procédure accélérée, mais, faire cela, c’est dégrader les procédures. Si je puis me permettre cette comparaison, on en sait quelque chose au Parlement.
Votre texte permettra que les demandes soient examinées en un temps record.
Nous considérons, à l’instar de la majorité des associations qui accompagnent les demandeurs d’asile, que vous êtes en train de bafouer les droits de ces derniers.
Je souscris à l’idée que ces mesures satisferont l’extrême droite de notre pays. Excusez-moi de le dire, mais je trouve cela à la fois dangereux et pathétique. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 et 201 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme Éliane Assassi et M. Jean-Yves Leconte. Nous avons voté contre !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 206 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 204 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote sur l’amendement n° 202 rectifié bis.
Mme Nassimah Dindar. En fait, je tiens à dire que j’ai voté pour les amendements nos 40 rectifié, 92 et 204 rectifié bis, qui concernent les mineurs et les enfants non accompagnés.
En effet, les mineurs non accompagnés ne devraient pas tomber sous le coup de procédures accélérées. Je pense principalement aux enfants qui arrivent des Comores, mais aussi à d’autres enfants.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 202 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 554 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Le projet de loi donne la possibilité à l’OFPRA d’adresser au demandeur d’asile la convocation à l’entretien individuel et de notifier ses décisions écrites « par tout moyen », ouvrant ainsi la possibilité d’un envoi par voie dématérialisée. Cette possibilité répond à une préoccupation de l’OFPRA, qui éprouve souvent des difficultés pour adresser ses convocations.
Dans le droit administratif français, la notification est pourtant un élément procédural essentiel. Dans son avis du 15 février 2018, le Conseil d’État, se prononçant sur le présent projet de loi, a ainsi alerté le législateur sur les risques liés à une notification « par tout moyen » : « Le plus grand soin devra toutefois être apporté au choix des moyens techniques de sorte qu’une notification par voie dématérialisée ne puisse être opposée que dans la mesure où il est démontré qu’elle a été opérée personnellement et qu’il est possible de garder une trace tant des opérations de notification que, le cas échéant, de la prise de connaissance par l’intéressé. À défaut, la combinaison d’un délai très bref avec des modalités incertaines de notification pourrait être regardée comme portant atteinte au caractère équitable de la procédure. »
Or, comme certains de nos concitoyens, les demandeurs d’asile sont eux aussi confrontés à la fracture numérique. Qu’ils soient hébergés ou non, la grande majorité d’entre eux n’ont pas un accès facile à internet. La plupart des centres d’hébergement ne sont pas suffisamment équipés, faute de moyens. Cet amendement vise donc à supprimer la convocation et la notification « par tout moyen », tel que le recommande le Défenseur des droits.
Mme la présidente. L’amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 554 rectifié ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Nous nous en sommes expliqués lors de l’examen des amendements précédents.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 205 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, l’office permet au demandeur ou à son représentant de lui fournir, par tout moyen et dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, toute information qu’il juge utile. » ;
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Cet amendement a pour objet de permettre au demandeur d’asile privé d’entretien personnel pour raisons médicales de fournir à l’Office, par tout moyen, l’ensemble des éléments utiles à l’instruction de sa demande. Cette garantie met ainsi en œuvre une disposition de la directive Procédures, que nous avons déjà évoquée, laquelle prévoit que, lorsqu’aucun entretien personnel n’est mené pour raisons médicales, des efforts raisonnables sont déployés pour permettre au demandeur ou à son représentant de fournir davantage d’informations.
Cet amendement a été rectifié, notamment pour encadrer cette nouvelle garantie dans le temps et pour prévoir que l’Office, lorsqu’il décide de se dispenser d’entretien pour des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé, informe ce dernier ou son représentant du délai dont il bénéficie pour lui fournir toute information qu’il jugerait utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La demande de rectification formulée lors de la réunion de la commission ayant été satisfaite, l’avis est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. L’OFPRA respecte déjà cette obligation de la directive européenne, puisque, en pareille situation, l’Office adresse aux demandeurs dont les facultés de compréhension et d’expression écrites ne sont pas altérées un questionnaire écrit personnalisé afin de recueillir les éléments complémentaires utiles pour l’instruction du dossier.
La préoccupation exprimée étant satisfaite, le Gouvernement aurait volontiers demandé le retrait de l’amendement ; mais la commission des lois ayant émis un avis favorable, il émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 205 rectifié ter.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 410 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 555 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
dont il a une connaissance suffisante
par les mots :
qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend
L’amendement n° 410 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 555 rectifié.
Mme Josiane Costes. Lors des visites conduites avec M. le rapporteur, puis avec mes collègues du groupe du RDSE à l’OFPRA et à la CNDA, la question de la langue et de l’interprétariat est apparue fondamentale. Il s’agit, en effet, du premier obstacle pour le demandeur d’asile, lequel place une partie de son sort entre les mains des interprètes qui lui sont assignés le jour de son entretien, puis lors de son audience.
Le présent projet de loi prévoit de figer le choix de la langue dans laquelle le demandeur d’asile sera entendu pendant toute la durée de la procédure. Il s’agit d’une restriction à l’exercice du droit du demandeur d’asile à être entendu dans une langue qu’il comprend. En effet, un demandeur d’asile peut être amené à déclarer qu’il comprend une langue sans la maîtriser entièrement. Or exposer son histoire, surtout si elle est douloureuse et compliquée, et comprendre les subtilités de questions posées au cours d’un entretien en vue d’examiner un besoin de protection supposent une maîtrise linguistique qui va bien au-delà de la simple compréhension de phrases courtes de la conversation courante.
Une erreur dans la déclaration aurait aussi d’importantes conséquences pendant toute la durée de la procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à modifier la définition de la langue de la procédure de demande d’asile, telle qu’elle est aujourd’hui mentionnée à l’article L. 723-6 du CESEDA, relatif à l’entretien personnel.
La directive Procédures prévoit, dans son article 15, que la communication, lors de l’entretien personnel, doit avoir lieu « dans la langue pour laquelle le demandeur a manifesté une préférence sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend ou dans laquelle il est à même de communiquer clairement ».
Ces dispositions ont été transposées, en 2015, à l’article L. 723-6 du CESEDA, relatif aux conditions de l’entretien personnel, qui dispose que le demandeur « est entendu dans la langue de son choix, sauf s’il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante ».
Le texte ne modifie pas ces termes, qui sont tout à fait conformes à la directive Procédures. C’est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je partage l’avis de M. le rapporteur.
Sur le terrain, on voit qu’un certain nombre de demandeurs d’asile demandent, au dernier moment, à pouvoir s’exprimer en konso ou en tigrigna, langues parlées par quelques milliers de personnes à travers le monde. Évidemment, cette possibilité fait obstacle à l’application de toute procédure.
Avec ce genre d’amendements, il est sûr qu’on n’éloignera personne du territoire français. Raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Costes, l’amendement n° 555 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 555 rectifié est retiré.
L’amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et M. Henno, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 207 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
et par laquelle il peut se faire comprendre
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement vise à garantir que le demandeur d’asile sera entendu, au moment de son entretien devant l’officier de protection de l’OFPRA, dans la langue dans laquelle il peut se faire comprendre.
Cet entretien est sans doute l’étape la plus essentielle pour le demandeur d’asile, celle au cours de laquelle il fera le récit de son histoire, de ses persécutions et de son parcours. Cela exige d’assurer que le demandeur pourra utiliser une langue qui lui permet de se faire comprendre, c’est-à-dire de pouvoir utiliser un vocabulaire suffisamment précis et subtil. Dès lors, il n’est pas acceptable que l’entretien puisse se faire, comme le prévoit le projet de loi, dans une langue dont le demandeur d’asile a une connaissance « suffisante ».
Avoir une connaissance suffisante ne signifie pas nécessairement être en mesure de se faire correctement comprendre par l’autre. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir une connaissance suffisante de l’anglais, de l’allemand, voire de l’espagnol, par exemple, pour converser dans cette langue. Mais serions-nous capables, confrontés à une telle situation, de raconter précisément pourquoi nous aurions fui notre pays, quelles tragédies nous aurions vécues et quelles persécutions nous aurions subies, a fortiori dans un état de vulnérabilité maximale ? Mettez-vous à la place du demandeur d’asile et réfléchissez à votre vote…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’ai un peu de mal à comprendre cette série d’amendements.
L’alinéa 12 de l’article 5 du projet de loi, dans la rédaction issue des travaux de la commission, dispose que le demandeur « est entendu […] dans la langue de son choix ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante ».
Le demandeur a donc le droit de demander que l’entretien se déroule dans la langue qu’il désire. Je ne comprends donc pas ce débat sur la connaissance « suffisante » de la langue choisie par le demandeur.
Pour avoir conduit un certain nombre de missions auprès de l’OFPRA, je peux vous dire que cet organisme fait beaucoup d’efforts pour rémunérer des interprètes qui maîtrisent des langues parfois rarissimes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le « ou » qui figure dans le projet de loi est exclusif.
M. Roger Karoutchi. Mais enfin !...
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 207 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)