Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous allons soutenir cet amendement, au demeurant largement cosigné, parce que je ne vois pas en quoi le respect des règles de la République empêche le vivre ensemble. Je considère, au contraire, qu’il le renforce et qu’il en est le b.a.-ba !

M. Arnaud Bazin. Il en est même la condition !

Mme Nathalie Goulet. Quant à l’objection du Gouvernement, qui consiste à dire que la modification proposée n’a finalement guère d’importance et ne mérite donc pas d’être votée, je la retournerai, chère madame la ministre, en incitant la Haute Assemblée à la voter, précisément parce qu’elle n’a pas tellement d’importance !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. On peut s’amuser à tout faire…

Mme Nathalie Goulet. En plus, parlons en toute franchise : vous l’avez dit, cette proposition de loi ne risque pas de suivre un long cours législatif. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, il me paraît très important de rappeler les règles fondamentales de la République.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n’est pas une raison pour écrire n’importe quoi dans la loi !

Mme Nathalie Goulet. De plus, nous venons d’entendre une leçon magistrale de droit en ce qui concerne l’ordre public. J’espère que, à un moment ou à un autre, nous aurons l’occasion de refaire un peu de droit, au lieu de travailler dans l’urgence.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Certes !

Mme Nathalie Goulet. Nous devons précisément trouver d’autres occasions que la discussion de textes répressifs pour débattre de l’équilibre entre les valeurs républicaines et l’ordre public républicain, qu’il me semble extrêmement important de définir.

Bref, nous soutiendrons cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la rapporteur, monsieur l’auteur de l’amendement, je donne raison à Mme Goulet, et je souhaite, moi aussi, que nous fassions du droit !

Or, d’un point de vue juridique, cet amendement n’apporte strictement rien. Ses dispositions ne changent rien au texte, parce que l’article 1er de la loi de 1905 est un simple article introductif : « La République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions éditées, ci-après, dans l’intérêt de l’ordre public. »

Votre amendement, dépourvu de toute portée sur le plan juridique, est empreint d’une réflexion politique, ce qui est grave en cette période ! Vous considérez que le législateur de 1905 n’a pas écrit « les valeurs de la République » et estimez qu’il est nécessaire de faire cet ajout aujourd’hui. Et sur quoi se fonde cette nécessité ? Sur l’émergence en France, depuis 1949, d’une religion, qui est l’islam. Et vous considérez, car tel est le sens de cet amendement, que l’islam ne respecte les valeurs de la République.

Mme Nathalie Goulet. C’est vous qui le dites !

M. Jacques Bigot. Cela, c’est très grave politiquement !

Mme Esther Benbassa. Tout à fait !

M. Jacques Bigot. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, cet amendement, dont les dispositions n’apportent rien sur le plan juridique, est purement politique ! Il est grave de fustiger ainsi nos concitoyens qui pratiquent cette religion, dans le respect de l’ordre public et de notre Constitution, parce qu’ils y croient et qu’ils croient aussi, comme nous, à la laïcité et à la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Comme vous, chers collègues, je suis extraordinairement attaché aux valeurs de la République et à la liberté de conscience.

Telles sont les raisons pour lesquelles je m’interroge sur la première phrase de l’objet de votre amendement : « La laïcité, c’est la liberté, mais c’est aussi l’égalité, l’égalité entre les citoyens quelle que soit leur croyance. » J’aimerais que vous vous souveniez qu’il y a des citoyens qui n’ont pas de croyance. Ils sont aujourd’hui 60 % de la population française et ils aimeraient bien que, dans ce type de discussions, on prenne aussi en compte le fait qu’ils refusent toute croyance ! (Mme François Laborde et M. Julien Bargeton applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er est rétabli dans cette rédaction.

Article 1er (supprimé)
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Article 2

Article additionnel après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifiée :

1° L’article 19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le sixième alinéa du présent article est applicable aux associations constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dont l’objet ou l’activité effective relève en tout ou partie de l’entretien ou de l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la présente loi. » ;

2° L’article 21 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « chaque année », sont insérés les mots « des comptes annuels, ainsi que » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable aux associations constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dont l’objet ou l’activité effective relève en tout ou partie de l’entretien ou de l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la présente loi. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Lors de la discussion générale, j’ai parlé de cet amendement qui reprend une disposition votée, ici au Sénat, dans le cadre de la loi « Égalité et citoyenneté », pour aligner les obligations comptables des statuts des lois de 1901 et 1905.

Cet amendement a fait débat en son temps. Mme Gatel, qui était alors rapporteur, nous avait incités à déposer une proposition de loi, ce qui nous donnerait l’occasion d’en reparler. Nous voici donc exactement dans cette configuration. Cette disposition, bien différente du texte de la commission, reprend une proposition de l’Union des mosquées de France, qui n’a rien d’extravagant.

Il s’agit simplement d’aligner des statuts, pour garantir la transparence des associations. Si l’Union des mosquées de France est d’accord, je ne vois pas quelle autre religion pourrait s’y opposer, à moins que votre dossier, enrichi des auditions que vous avez menées, ne fasse apparaître d’autres congrégations qui seraient beaucoup plus opposées que les musulmans, dont nous parlons beaucoup aujourd’hui, à cette transparence en matière associative.

Il est toujours très difficile pour les élus de traiter de la construction des lieux de culte et du statut de ces derniers dans les collectivités. Notre collègue Hervé Maurey a beaucoup travaillé sur ce sujet. Procéder à une clarification financière, c’est une bonne nouvelle et ce n’est pas discriminatoire à l’égard de quiconque !

Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement, qui, je le répète, a déjà été adopté par le Sénat en octobre dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, je reconnais bien, dans votre argumentation, votre grand professionnalisme dans la défense des causes qui vous sont chères et votre habileté d’esprit.

En 2016, j’étais en effet rapporteur de la loi « Égalité et citoyenneté ». Je me souviens fort bien avoir, comme le ministre de l’époque, émis de grandes réserves sur l’alignement que vous proposiez des obligations financières des associations régies par les lois de 1901 et de 1905. Peut-être vous ai-je dit alors qu’il conviendrait de réécrire les choses. Toutefois, si je l’avais dit, cela supposerait que j’aurais osé inviter quelqu’un à entreprendre l’escalade de la loi de 1901 et à redescendre sans parachute, ce qui m’étonne fort !

Mon avis avait été défavorable, et je n’ai pas changé d’opinion. La réponse que je vous fais aujourd’hui, qui consiste à vous demander de retirer cet amendement, sauf à émettre un avis défavorable, doit prouver à nos collègues que mon état d’esprit est très apaisé. C’est ainsi que j’ai conduit mon travail et ma réflexion en ma qualité de rapporteur, dans la discussion générale et tout au long de ce débat, sans jamais caricaturer une religion ou en ériger une en bouc émissaire.

Je pense qu’il faut que chacun d’entre nous fasse preuve de l’honnêteté intellectuelle que je vous reconnais à tous. Nous devons accepter de débattre sans accuser les auteurs de la proposition de loi et le rapporteur d’une intention quelconque qui n’est pas la sienne. Je suis ainsi en cohérence – cela m’arrive ! (Sourires.) – avec mes propos de 2016.

La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour les raisons exposées lors de la discussion générale, l’avis du Gouvernement est naturellement défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Vous ne serez pas étonné si je soutiens cet amendement, pour les raisons déjà exposées par Mme Goulet, mais aussi pour avoir auditionné, mardi soir, le ministre de l’intérieur dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évolution de la menace terroriste. Interrogé sur les associations gérant des lieux de culte, le ministre d’État a déploré le manque de transparence dans les associations de gestion des établissements cultuels musulmans. Il a dit vouloir introduire de la transparence dans la comptabilité de ces associations gestionnaires.

C’est exactement ce que nous avions déjà dit dans le rapport de la mission d’information sur l’islam, soulignant qu’il était indispensable de mettre en œuvre, à tout le moins, une simplification des statuts des associations, sous réserve d’une dissociation entre les activités strictement cultuelles assurées par une association à objet cultuel et les autres activités exercées par une association généraliste, régie par la loi de 1901.

Nous avons bien compris qu’il n’était pas possible de placer toutes les associations gérant un lieu de culte sous le régime des associations de la loi de 1905. C’est la raison pour laquelle la proposition faite par Mme Goulet vise simplement à demander que les associations régies par la loi de 1901 remplissent les mêmes conditions que celles qui sont régies par la loi de 1905 lorsqu’elles ont un objet exclusivement cultuel.

C’est exactement – quasiment au mot près – le contenu de la proposition n° 2 de l’Union des mosquées de France, formulée à l’issue un séminaire qui s’est tenu en mars dernier et dont l’objet était l’organisation et le financement du culte musulman.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Nous sommes, par principe, contre l’ingérence dans les affaires des associations. Il serait d’ailleurs très difficile de contrôler les quelque 1 100 000 associations en activité sur notre territoire. Relevant de la loi de 1901, elles sont librement créées, par simple déclaration en préfecture.

J’ai, moi aussi, une idée fixe. (Sourires.) Récemment, on m’a opposé qu’un amendement que j’avais déposé sur les écoles privées était un cavalier. C’est le moment idéal pour moi d’en reparler ! (Nouveaux sourires.) En effet, nous proposons régulièrement que le contrôle du respect de la distinction intervienne aussi au moment de la création d’écoles privées hors contrat, qui sont souvent adossées financièrement à des associations cultuelles de fait, prenant parfois la forme d’associations régies par la loi de 1901. On ne peut pas prendre les morceaux d’un texte qui nous intéressent et laisser les autres !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons globalement contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 125 :

Nombre de votants 299
Nombre de suffrages exprimés 288
Pour l’adoption 4
Contre 284

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 1
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Article 3

Article 2

À la première phrase de l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, après le mot : « cultuelle », sont insérés les mots : « , loués par elle ».

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 16 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

à une personne privée

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. La commission avait déjà modifié le texte de la première phrase de l’article 25 de la loi de 1905, en remplaçant les mots : « Les locaux appartenant à une association cultuelle » par les mots : « Les locaux appartenant, loués ou mis à disposition par une association cultuelle ».

Il nous semble important de compléter cet article, car il est hors de question que les locaux soient loués par une personne publique. Il faut être certains que nous parlons de la même chose ! Si cet amendement devait être adopté, il serait respectueux du fond de la loi de 1905.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à limiter aux seules personnes privées la possibilité de louer un local à une association cultuelle.

Si l’on se réfère à son arrêt du 19 juillet 2011, le Conseil d’État a considéré qu’il était possible à une commune de mettre un local à la disposition d’un culte dans les conditions financières de droit commun, comme pour toute association, et dans des conditions d’égalité de traitement, mais qu’il n’était pas possible de mettre à disposition, de façon pérenne et exclusive, ce local, qui deviendrait alors, de ce fait, un édifice cultuel.

Or une telle mesure risquerait de remettre en cause une situation à propos de laquelle beaucoup d’entre nous ont utilisé, depuis le début de nos débats, les termes « équilibrée et pacifiée ».

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En premier lieu, alors que cet amendement vise à exclure la possibilité, pour les personnes publiques, de louer des locaux aux associations cultuelles, son dispositif ne permet pas d’atteindre cet objectif.

En deuxième lieu, l’objet même de l’amendement, à savoir interdire aux personnes publiques de louer des locaux à une association cultuelle, contrevient à deux libertés fondamentales : la liberté de réunion et la liberté de culte.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En dernier lieu, la crainte, exprimée par Mme Laborde, de l’application de tarifs différenciés selon les cultes n’est pas fondée. En effet, pour toute mise à disposition de locaux communaux au profit d’associations, qui en font la demande en application de l’article L. 2144–3 du code général des collectivités territoriales, la jurisprudence constante du Conseil d’État interdit que tout avantage soit octroyé à un culte par rapport à un autre, en vertu des principes de laïcité et d’égalité.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis extrêmement contente d’avoir ici l’illustration de la confusion des statuts associatifs. En effet, si toutes les associations dont l’objet est le culte avaient l’obligation de se soumettre au même statut, on n’aurait pas ce type de problèmes.

On nous dit que c’est bien de laisser coexister les statuts issus des lois de 1901 et de 1905, de ne pas aligner les statuts financiers ou les obligations, de laisser de la liberté à ces associations, et, d’un seul coup, cela se révèle ennuyeux quand il s’agit d’une location par une personne privée ou une association !

J’estime que le Gouvernement est cohérent et a raison d’être défavorable à cet amendement. Je regrette seulement qu’il n’y ait pas plus de transparence quant aux obligations statutaires des associations cultuelles : cela n’a rien de stigmatisant et c’est complètement logique. Voilà en tout cas une illustration de la confusion des genres que nous entretenons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Je voudrais répondre à Mme Goulet. Dans tous les cultes, au-delà de l’islam, les associations ne sont pas obligatoirement organisées sous le régime de la loi de 1905.

Pourquoi, ma chère collègue, voulez-vous aujourd’hui aligner le statut de toutes ces associations sur celui de ces associations cultuelles ? Je ne comprends pas votre logique !

M. André Reichardt. Il faut lire le rapport de notre mission d’information ! Tout y est expliqué !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. J’ai entendu les explications de Mme la rapporteur et Mme la ministre. Je souhaite à mon tour, mes chers collègues, vous expliquer ma démarche.

Nos communes et collectivités territoriales prêtent ou louent parfois des locaux, notamment pour des fêtes telles que Noël ou l’Aïd, pour l’exercice de divers cultes. En revanche, il existe certains cultes sur lesquels on peut s’interroger : s’agit-il de religions ou bien de sectes ? À l’échelon européen, certains de ces cultes, comme la scientologie, sont reconnus comme des religions.

Mme Esther Benbassa. Ou comme les témoins de Jéhovah !

Mme Françoise Laborde. Personnellement – mais ai-je le droit d’exprimer dans un tel cas mon opinion personnelle ? –, j’estime que ce sont des sectes. Or la rédaction actuelle du texte implique que nous pourrions prêter ou louer des locaux communaux à ces associations.

C’est pourquoi j’avais voulu insérer dans cet article, par le biais de cet amendement, un modeste garde-fou, qui ne me paraissait pas inintéressant. Cela dit, mes chers collègues, puisque vous n’êtes pas intéressés, j’y renonce.

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3 bis (nouveau)

Article 3

(Supprimé)

Article 3
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Article 4 (supprimé)

Article 3 bis (nouveau)

Un conseil consultatif des cultes, placé auprès du ministre chargé des relations avec les représentants des cultes, a pour missions :

1° D’éclairer les pouvoirs publics dans leurs relations avec les représentants des cultes ;

2° De contribuer à la réflexion sur les conditions d’exercice de la liberté de culte ;

3° De contribuer à la réflexion sur les conditions de la formation des cadres religieux et ministres du culte ;

4° De favoriser le dialogue interreligieux.

Il peut être consulté par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la place des cultes au sein de la République. Il veille à l’association des collectivités territoriales à l’ensemble de ses travaux.

Il comprend parmi ses membres deux députés et deux sénateurs.

La composition, l’organisation et le fonctionnement du conseil sont précisés par décret en Conseil d’État.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 7 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 7.

Mme Esther Benbassa. Le présent article, inséré dans ce texte sur l’initiative de Mme la rapporteur, crée un conseil consultatif placé auprès du ministre chargé des cultes. Ce conseil vise à promouvoir le dialogue interconfessionnel, à éclairer les pouvoirs publics sur les pratiques religieuses, ainsi qu’à contribuer à la réflexion sur la formation adéquate des cadres religieux et ministres du culte. Deux députés et deux sénateurs siégeraient au sein de ce conseil consultatif.

Je souhaite tout de même rappeler l’existence de la Conférence des responsables de cultes en France, ou CRCF : il s’agit bien d’une sorte de conseil consultatif, créé en 2010, et où siègent les représentants de tous les cultes, jusqu’au bouddhisme. J’aimerais que l’on m’explique en quoi ce nouveau conseil consultatif se distinguera de la CRCF !

Quel est donc l’intérêt d’un nouveau conseil, sinon de mettre sous tutelle l’islam, tout en demandant aux autres religions, qui sont déjà organisées et n’ont donc pas besoin de ce conseil consultatif, de se montrer complices ? Vraiment, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi ce serait nécessaire.

Ce conseil consultatif semble tout de même avoir pour principal objet l’islam : d’une part, c’est stigmatisant, d’autre part, c’est inutile. On multiplie conseils et conférences, et pour aboutir à quoi ?

En outre, on nous fait jouer le rôle de réorganisateurs des religions et du dialogue interreligieux. Franchement, il existe des associations pour cela ; quant au dialogue entre les religions, qui a été ajouté par souci cosmétique et que Mme la rapporteur, si je ne m’abuse, souhaite retirer du texte, on ne va tout de même pas s’en occuper !

Pour ma part, je suis franchement opposée à cet article. En matière de formation des imams, ce n’est pas un conseil consultatif qui va donner le la : je ne vois pas comment il pourrait le faire, puisque c’est au Conseil français du culte musulman, ou CFCM, et à d’autres organismes internes à l’islam de donner les consignes de formation ; quant aux autres religions, il existe déjà des formations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’examen de cet amendement me donne l’occasion de rappeler les deux voies qui s’offraient à nous lors du dépôt de cette proposition de loi.

Soit nous la condamnions, au sens juridique du terme, compte tenu des insatisfactions juridiques dont elle souffrait, soit nous décidions de faire évoluer ce texte et d’avoir un débat ici à son sujet. Cette seconde position me semble être courageuse – je ne parle pas du tout de moi ! –, car personne n’a jamais gagné à ignorer ou à taire les problèmes.

Nul ne peut m’accuser, je le redis, d’avoir, dans mes propos, stigmatisé une religion. À force, ce sont ceux qui nous accusent de stigmatiser qui deviennent, pour ainsi dire, des « stigmatiseurs » !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Pour ma part, j’aimerais que chacun reste paisible dans la défense de ses convictions.

Sur cet amendement, j’ai quelques observations à formuler. Vous avez évoqué à juste titre, ma chère collègue, la conférence des responsables de cultes en France. D’après vous, le conseil consultatif proposé par la commission des lois viendrait se confondre avec cette conférence. Or il ne s’agit pas du tout de la même chose, puisque la CRCF est un espace qui a été institué par les religions et où celles d’entre elles qui le veulent parlent de ce qui les intéresse. Il n’y a là aucun dialogue entre l’État et les religions.

Quant à ce dialogue, affirmer qu’il est nécessaire de le mener, sans que cela vienne interférer avec la loi de 1905, ce n’est que reconnaître des faits. Le ministre de l’intérieur est aussi chargé, dans la définition même de ses fonctions, des relations avec les représentants des cultes. Or, à mes yeux, toute relation suppose au moins un peu de dialogue ; le contraire serait surprenant !

En outre, chacun d’entre nous sait bien que le strict respect que tous les gouvernements ont eu, dans notre pays, pour la laïcité, n’a jamais empêché le Président de la République, quel qu’il soit, d’assister au dîner du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France, ou de rencontrer les évêques de France ; il n’a pas empêché non plus un membre du Gouvernement de se rendre à un dîner de rupture du jeûne. Il s’agit d’espaces de discussion et d’échange, qui me semblent être de bon aloi dans un environnement républicain ; mon propos ne vise que cela.

Si, comme l’ont affirmé certains de nos collègues, nous devons encourager les religions, quelles qu’elles soient, à développer des formations et à s’inscrire dans l’espace républicain, je ne vois sincèrement pas comment les y inciter et inviter sans qu’un dialogue existe, entre l’État et elles, de manière officielle.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Aux termes de la Constitution, la France est une République laïque : son régime juridique est celui d’une stricte séparation entre l’État et les cultes. Cette séparation est consacrée par l’article 2 de la loi de 1905, qui a acquis une valeur constitutionnelle.

M. André Reichardt. C’est pour cela que l’on signe des conventions internationales pour importer des imams !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il découle de ces règles constitutionnelles plusieurs exigences : d’abord, le principe de non-reconnaissance, en vertu duquel aucun culte ne saurait disposer d’un statut de droit public, ni occuper une place dans le fonctionnement de nos institutions.

Ensuite, du principe de laïcité, ainsi que du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, découle le principe de neutralité de l’État : celui-ci ne saurait privilégier ou défavoriser un ou plusieurs cultes.

Enfin, le principe de laïcité garantit la liberté de conscience. Les pouvoirs publics sont ainsi garants de la liberté du culte, de la liberté d’exercice des cultes, et de leur libre administration.

La création d’un conseil consultatif des cultes porterait atteinte à l’ensemble de ces principes. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression de l’article 3 bis, introduit par la commission des lois.