M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit d’une longue concertation, ancrée dans le constat d’une dégradation de la situation des centres-villes et centres-bourgs. En découle la nécessité d’une action spécifique et transversale sur ces espaces urbains, facteurs de dynamisme et d’attractivité pour nos communes.
Développement des surfaces commerciales en périphérie, e-commerce, départ ou fermeture pure et simple des services publics – des services au public –, en matière d’offre de soins par exemple, recul de l’offre culturelle sont quelques-unes des principales causes de désaffection de ces centres-villes. S’y ajoute un phénomène général de métropolisation, accompagnée d’une hyperconcentration, et de désertification des zones rurales et périphériques.
Nous pouvons compléter utilement ce constat, en mettant en avant une dimension sociale indéniable, qui exclut une partie de la population de certains quartiers hors de prix, comme d’un certain type de commerces, par exemple de proximité et indépendants. Le pouvoir d’achat influe beaucoup sur les modes de vie et de consommation.
Tout cela, sans oublier l’aggravation des difficultés des collectivités territoriales et le désengagement de l’État s’agissant de ses missions d’accompagnement des territoires.
L’objectif est donc de protéger les centres-villes et centres-bourgs, de maintenir une offre commerciale, de lutter contre la vacance de logements, de conserver la présence de services publics, de lutter contre la désertification médicale, de faire revenir de la vie, de recréer du lien social, sans négliger l’enjeu écologique afin d’éviter le mitage des terrains naturels et lutter contre l’étalement urbain.
La proposition de loi se veut une réponse adaptée à l’ensemble de ces enjeux et attendue par les élus locaux et la population. Une réponse élaborée avec la préoccupation de donner les outils aux collectivités territoriales, indépendamment de leur taille, de leur « laisser la main », à l’opposé de la logique recentralisatrice du plan gouvernemental « Action cœur de ville ».
Or, mes chers collègues, vous connaissez notre attachement à la maîtrise, par les élus locaux eux-mêmes, de leur urbanisme. C’est un élément de libre administration territoriale.
Le texte vise donc à tourner le dos à des décennies de mode de développement urbain hors des centres-villes, une culture, presque, encouragée et mise en œuvre par de nombreux élus eux-mêmes. Il est parfois plus facile et moins onéreux, il faut le reconnaître, de construire sur des terrains en périphérie que de densifier ou réhabiliter en centre urbain.
Mais la proposition de loi remet également en cause la pertinence de lois ayant libéralisé et déréglementé, à la fois, l’urbanisme et le développement économique dans les territoires, au nom de la simplification et de la concurrence libre et non faussée. Elle remet tout autant en cause la pertinence de choix politiques d’austérité et de réduction de la dépense publique, qui ont conduit à l’hypermétropolisation et l’abandon des territoires fragiles et enclavés.
Sur le fond, nous partageons la plupart des dispositions qui donnent aux collectivités des outils afin de maîtriser leur développement et lutter contre la multiplication des surfaces commerciales en zone périphérique.
Nous sommes ainsi favorables à la création d’une agence nationale pour les centres-villes et les centres-bourgs et à la définition de périmètres d’opération de sauvegarde économique et de redynamisation.
Nous partageons la volonté d’une meilleure maîtrise de l’urbanisme commercial et soutenons le renforcement du rôle des schémas directeurs sur ces questions, comme les mécanismes d’autorisation d’installation commerciale permettant un meilleur contrôle.
Pour ce qui est des mesures dites « fiscales », nous sommes favorables à ce que les entrepôts et drive soient davantage mis à contribution. Le e-commerce prospère sur les lacunes de notre droit et crée une concurrence déloyale.
Nous partageons également l’idée d’une fiscalité qui pénalise l’étalement urbain, même si l’on ne peut se satisfaire de taxer le mitage sans l’empêcher réellement.
En revanche, nous sommes opposés aux mesures d’exonérations fiscales ou sociales, que ce soit pour la construction, pour la transmission d’entreprise ou autres. Nous sommes donc satisfaits que ces articles aient été supprimés en commission, notamment l’article 3, qui instaurait une sorte de Pinel des centres-bourgs et centres-villes, et l’article 12, sur la transmission d’entreprise. Ces dispositifs induisent le plus souvent des effets d’aubaine et n’ont jamais prouvé leur efficacité réelle, pour un coût souvent sous-estimé pour les deniers publics. Nous serons vigilants lors de l’examen des amendements.
Nous sommes également satisfaits que la commission de la culture ait rétabli l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, tout comme nous approuvons, en en mesurant les limites, la possibilité donnée aux communes de « s’opposer » à la fermeture et au transfert d’un service public, ainsi que le dispositif incitatif à l’implantation ou au retour de services médicaux dans les centres-villes.
En revanche, nous restons, opposés à l’expérimentation de la simplification des normes, notamment des normes environnementales et des normes d’accessibilité. Cette faculté reviendrait à mettre le doigt dans l’engrenage dangereux de la dérégulation.
Pour finir, je rappelle que, dans un sondage récent, les habitants ont formulé trois priorités en matière d’aménagement des centres-villes : la piétonnisation des rues, les commerces alimentaires et les transports en commun. Nous pensons que la problématique de la mobilité aurait pu être abordée par cette proposition de loi.
Considérant qu’il apporte un certain nombre des réponses adaptées à un constat partagé et se résume, à la suite de l’examen en commission, en une série de bonnes intentions, nous voterons ce texte comme un signal envoyé au Gouvernement sur l’attention à porter aux centres-villes et centres-bourg, notamment en vue de la discussion du projet de loi ÉLAN. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Pillet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos villes et nos villages affrontent, depuis plusieurs années, l’urgence. Cette urgence est connue : c’est celle de la dévitalisation commerciale, du déclin de l’habitat, de la déprise démographique et de la disparition progressive d’espaces publics propices au maintien du lien social. Elle touche de très nombreux centres-villes et de très nombreux centres-bourgs. Nous y apportons une réponse aujourd’hui, avec ce pacte national de revitalisation commerciale.
La proposition de loi, guidée par l’impérieuse nécessité d’agir face à la fragilisation territoriale, n’a cependant pas souffert de la précipitation. Elle est le fruit d’une réflexion de plusieurs mois. Elle est l’aboutissement d’un riche travail d’expertise, d’auditions et de consultations, qui a permis la production d’un rapport d’information, présenté le 20 juillet 2017.
Pour empêcher l’irréversible délitement, les sénatrices et les sénateurs, avec plus de 230 cosignataires, ont été à la hauteur du défi territorial auquel notre pays fait face, conformément à la tradition du Sénat, à son utilité et à sa raison d’être. Ils l’ont été à plusieurs titres.
Ils l’ont été, d’une part, en dépassant les clivages partisans. L’intérêt général méritait ce dialogue et cette convergence des groupes politiques. Je remercie les auteurs, Martial Bourquin et Rémy Pointereau, d’avoir adopté une méthode de travail qui a rendu possible cette « prouesse ».
Ils l’ont été, d’autre part, en s’appuyant sur l’expérience de plus de 4 000 élus locaux, lesquels sont les premiers, au quotidien, à vivre cette dévitalisation.
Adopter cette confiance décentralisatrice offre la garantie du pragmatisme. Nous ne pouvons construire des solutions réalistes si nous ne collons pas aux nécessités du local, au plus près du terrain.
Avec la création des territoires « OSER », nous avons l’ambition de mettre à disposition un ensemble complet de mesures pour permettre aux élus d’affronter l’enjeu de la revitalisation commerciale des centres et de répondre à la question de l’attractivité et de la préservation du lien social dans leurs communes.
Je le répète, la proposition de loi fait confiance aux élus locaux. Elle s’inscrit dans le sens de la justesse et de l’efficacité décentralisatrice. Elle concerne tous les centres des communes qui respectent les critères.
Je veux le dire avec force : la sauvegarde de nos centres ne doit pas dépendre de la foudre jacobine.
Le Gouvernement a choisi arbitrairement 222 villes pour bénéficier des ORT, dans le cadre du plan « Action cœur de ville ». Ce n’est pas suffisant, même si c’est l’un des éléments de la réponse.
L’heure n’est pas à l’expérimentation. L’heure est à l’action, à une action réfléchie. C’est ce que nous proposons aujourd’hui avec cette proposition de loi.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Xavier Iacovelli. Au nom du groupe socialiste, nous défendrons plusieurs amendements. Nous souhaitons garantir la bonne inclusion des communes très rurales et des communes d’outre-mer dans le dispositif « OSER ». Nous accordons une attention particulière à ne pas légiférer uniquement pour la métropole urbaine. N’oublions jamais que la ruralité et les territoires ultramarins appartiennent à notre République ! Tel est le sens des amendements que présenteront mes collègues Franck Montaugé et Catherine Conconne.
L’examen en séance doit aussi être l’occasion de consolider le compromis adopté par la commission de la culture pour assurer l’harmonie entre la nécessité de revitalisation et la protection du patrimoine. C’est l’enjeu des trois sous-amendements que défendront Marie-Pierre Monier et Sylvie Robert.
Enfin, je présenterai un amendement pour renforcer le recours à l’expertise des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et de l’artisanat et des chambres d’agriculture en amont de l’examen des demandes d’implantation commerciale par la CDAC.
Monsieur le ministre, pour développer les ORT dans les 222 villes désignées, vous prévoyez de mobiliser 1 milliard d’euros par an. Pour mettre en place les OSER dans les centres de plus de 700 communes et bourgs, la proposition de loi prévoit d’investir la même somme. Vous le voyez, il s’agit donc non pas d’une question de finances publiques, mais bel et bien d’un enjeu de cohésion territoriale.
Le Sénat a pris ses responsabilités en se rassemblant sur l’essentiel. Faites confiance au minutieux travail de notre assemblée ! Faites confiance aux milliers d’élus locaux qui ont exprimé leurs besoins et leurs attentes. Faites confiance aux acteurs économiques concernés, qui ont partagé leur expertise durant les nombreuses auditions.
Nous avons fait notre part du chemin. Nous avons répondu présents, dans l’intérêt de la préservation de l’équilibre territorial de notre pays. Vous avez, ce soir, fait un premier pas, en indiquant que vous pourriez insérer dans le projet de loi ÉLAN quelques dispositifs « OSER ». Nous attendrons donc la fin de l’examen de la proposition de loi pour savoir si vous êtes au rendez-vous, non pas de vos promesses, mais de la préservation de la conception européenne des communes françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dévitalisation des centres-villes n’épargne aucune région de France.
La proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs se fait l’écho d’un constat sans appel et d’une réalité quotidienne vécue par les élus et par les habitants. Le groupe Les Indépendants salue cette démarche, portée par Rémy Pointereau et Martial Bourquin, ainsi que par l’ensemble des sénateurs qui y ont contribué.
« Ne laissons pas s’éteindre les dernières lumières de la ville. » Ce cri d’alarme, lancé dans une tribune du journal Les Échos par les présidents de trois fédérations de commerces de proximité est éloquent, et nous y sommes sensibles.
Si nous n’agissons pas aujourd’hui, les enseignes clignotantes des grandes surfaces à la périphérie des villes remplaceront, demain, nos clochers, nos pharmacies, nos librairies et les derniers commerces de bouche qui animent encore les centres. Des trompe-l’œil peints sur la tôle grise des boutiques à vendre feront figure de cache-misère, tandis que les services publics s’éloigneront toujours plus des habitants, faisant de nos villes et de nos villages des cités fantômes sans devenir.
Ce constat sans appel est plus qu’une réalité quotidienne : c’est la suite logique d’un ensemble de choix de société qui a mené à ce qu’on appelle « la dévitalisation urbaine », conséquence directe de l’étalement urbain. La France est l’un des pays d’Europe qui comptent le plus grand nombre de centres commerciaux. Les mastodontes de la grande distribution et leur concurrence implacable ont grignoté jour après jour les marges des artisans et commerçants, menacés d’asphyxie. Le foisonnement de normes malheureuses, c’est-à-dire subsidiaires, décourage les nouvelles initiatives et affaiblit les normes nécessaires.
Depuis des années, les villes se vident, depuis leur centre, d’une lente hémorragie. Le taux de la population française qui vit dans des territoires en déshérence s’élève entre 20 % et 25 %. Le taux de vacance commerciale gagne 1 point par an dans plus de la moitié des centres des villes moyennes, tandis que les zones commerciales s’étendent en périphérie, au détriment des surfaces agricoles et des espaces naturels. À ce titre, le groupe dont je me fais le porte-parole a déposé un amendement visant à inscrire dans la loi l’objectif de zéro artificialisation nette du territoire d’ici à 2025.
Le programme « Action cœur de ville » mis en œuvre par le Gouvernement a fait 222 heureux gagnants, qui vont pouvoir bénéficier d’une aide particulière de l’État, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Il faut saluer cette initiative gouvernementale. Mais, comme tout programme ciblé, et même si vous avez précisé que d’autres pouvaient en profiter, ce plan ne peut traiter les problèmes d’un bon nombre de communes en difficulté. La proposition de pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs a le mérite de compléter cette initiative gouvernementale, d’être applicable sur l’ensemble du territoire et de ne laisser aucune commune sans levier d’action.
Comme vous l’avez indiqué, ces deux initiatives ne sont pas contradictoires ou concurrentes : elles sont complémentaires.
Incitation, régulation et responsabilité partagée des acteurs sont les maîtres mots de ce pacte. Les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation qu’il propose d’instaurer fondent leur autorité sur les élus locaux, dans une logique de décentralisation et de développement des territoires. L’emprise de ces périmètres, dans lesquels s’appliqueraient l’ensemble des mesures structurelles du pacte, serait néanmoins limitée à 4 % de la surface urbanisée de la commune.
La création d’une agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs permettrait de fournir aux collectivités les plus fragiles l’ingénierie et les compétences techniques nécessaires à la conduite des opérations de revitalisation.
Le pacte se décline ensuite en un ensemble de mesures incitatives de soutien à l’offre de logement et au coût de l’installation commerciale.
Une série de mesures vise, en outre, à accélérer la numérisation du commerce de détail et à accorder aux maires la possibilité de s’opposer à la fermeture d’un service public.
Par ailleurs, nous saluons la volonté des auteurs et contributeurs du pacte de rénover le système de régulation des implantations commerciales afin de réorienter les flux économiques et financiers vers les centres. Ce dispositif offre également la possibilité, pour le maire d’une commune sous convention « OSER », de déroger à titre expérimental à un certain nombre de normes dont l’application serait disproportionnée.
Enfin, il est important que la rédaction définitive de l’article 7 du texte aboutisse à une rénovation salutaire du dialogue entre élus et architectes des Bâtiments de France. Notre groupe sera attentif à ce point. Il s’agit avant tout de démontrer que, avec un minimum d’intelligence et de concertation, attractivité économique et richesse patrimoniale ne sont pas incompatibles et peuvent même aller de pair. Il s’agit aussi de faire en sorte que des projets locaux essentiels à la survie des quelque 18 000 communes couvertes par un périmètre de protection d’un monument historique ou possédant un site patrimonial remarquable puissent être réalisés dans les meilleures conditions.
La vitalité des centres-villes est au cœur de nos préoccupations. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants accueille favorablement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est nécessaire d’appréhender le problème de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs par le prisme d’une démarche globale, mais forte, qui touche à la fois les commerces, les logements, les mobilités, le numérique, la culture ou encore les services publics.
L’heure n’est plus à la pleurnicherie ni à la nostalgie. Il faut agir, décloisonner les actions d’aménagement, amorcer le retour des investisseurs privés, rendre la complémentarité des acteurs effective.
Je me réjouis donc de l’initiative parlementaire qui nous est présentée ce soir. Elle permet au Sénat, au travers de ses 31 articles, de s’affirmer pleinement sur la question des territoires, en s’attaquant de front aux causes structurelles du problème de dévitalisation et en proposant aux élus locaux des outils extrêmement importants pour lutter efficacement contre ce cercle vicieux. En effet, nous touchons là un point vital de nos territoires.
C’est donc tout naturellement que je souhaite, à la suite de mes collègues, féliciter les auteurs du texte, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, mais aussi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation sénatoriale aux entreprises, de leur implication sur ce sujet. Leurs travaux permettent d’ouvrir un nouveau périmètre d’intervention, l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation, ou OSER, s’adressant à tous les territoires, sans oublier bien évidemment les centres-bourgs et les centres-villes. Ils permettent de rééquilibrer les rapports vis-à-vis de la grande distribution et du commerce en ligne, en plein essor, et de réfléchir à une fiscalité innovante, qui devra être incitative et non pénalisante.
Nous avions identifié le problème que l’article 7 était susceptible de poser en matière de préservation du patrimoine, notamment au travers de la remise en cause de l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, mais, encore une fois, le Sénat a prouvé qu’il pouvait œuvrer sur la voie du compromis et proposer une solution des plus satisfaisantes. Je remercie le rapporteur pour avis Jean-Pierre Leleux et les membres de la commission de la culture de leur contribution sur ce point.
Enfin, la création de l’agence de revitalisation que les auteurs du texte proposent prouve que nos réflexions convergent, puisque cette idée de créer un guichet unique au service des territoires ruraux et périurbains, pour répondre à leurs besoins en ingénierie et en conseils, figurait au sein du rapport d’information que j’ai cosigné, l’année dernière, avec le président Hervé Maurey.
Je dirais même que cette dynamique est à l’œuvre, par-delà les tergiversations du Gouvernement sur ce point, comme en témoigne l’adoption, ce soir, de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, déposée par nos collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud, qui met en place une agence nationale pour la cohésion des territoires, sur laquelle j’ai pu m’exprimer en tant que rapporteur pour avis.
Aussi, dans le but d’inciter l’exécutif, en association avec les élus locaux, à optimiser les instances d’intervention pour la cohésion des territoires et de rationaliser les moyens, il me semble que l’agence proposée par la présente proposition de loi aura vraisemblablement vocation à s’intégrer à cette agence nationale, qui doit être le coordonnateur de l’ensemble des opérateurs. Il s’agit bien, en effet, de fédérer des énergies existantes et d’organiser l’intervention des compétences de l’État et des collectivités territoriales dans une logique de complémentarité et d’innovation, permettant aux territoires d’obtenir une réponse pragmatique quant à leurs attentes en matière de développement.
Vous le savez, monsieur le ministre, le seul plan « Action cœur de ville » ne suffira pas. Il est indispensable d’engager un dialogue partagé et constructif avec le Sénat et les associations d’élus pour l’avenir de nos territoires.
La politique destinée à redynamiser les centres-villes et centres-bourgs est en cours d’aménagement, et l’urgence à repenser nos schémas doit être le vecteur d’une certaine audace. Dès lors, mes chers collègues, il est nécessaire d’apporter notre soutien à l’économie de proximité que propose ce texte. Il est nécessaire d’« oser » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Martial Bourquin et Jérôme Durain applaudissent également.)
M. Rémy Pointereau. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, le 27 mars dernier, vous nous avez présenté le plan « Action cœur de ville » à destination de 222 villes moyennes, qui pourront bénéficier de 5 milliards d’euros sur cinq ans. C’est un bon début pour s’attaquer au problème de fond de la perte d’attractivité des centres-villes et centres-bourgs, phénomène qui s’accroît depuis les années 2000. En effet, la recomposition sociale des territoires a été puissante : adaptation ou non à la mondialisation, émergence des métropoles, accélération du développement de la grande distribution dans les années quatre-vingt-dix, commerce en ligne… Les villes touristiques et celles dont la population a des revenus importants sont, en partie, épargnées par ces évolutions.
Globalement, le premier constat alarmant nos concitoyens et les acteurs publics est la baisse de l’attractivité commerciale des centres. En moyenne, au plan national, ceux-ci ne satisfont plus que 30 % de nos besoins de consommation. Et pour cause, la France produit trop de surface commerciale ! Entre 1994 et 2009, les grandes surfaces ont crû de 60 %, alors que, dans le même temps, la consommation finale des ménages augmentait seulement de 38 %.
Ce modèle économique accompagne la casse de l’emploi, même s’il séduit les consommateurs, au détriment des boutiques de cœurs de cité. Pour réaliser un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, il faut 250 boutiques, seulement 45 grandes surfaces et un seul entrepôt d’e-commerce. Or les boutiques emploieront 420 personnes, la distribution 170 et le e-commerce moins de 50. On marche sur la tête.
La proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, rejoints par de nombreux cosignataires, est très complète. Elle prend à bras-le-corps les enjeux pour remédier à la perte d’attractivité de nos centres-villes. Elle traite de l’attractivité commerciale, de la concurrence des sites de ventes en ligne, mais aussi de toutes les politiques publiques du cœur de ville : habitat, santé, numérique…
Dans la Marne, une ville connaît une forte attractivité du commerce de centre-ville, la vacance commerciale n’y étant que de 5,5 %, mais souffre de la vacance de logements en hypercentre, où elle s’élève à 14 %.
Je tiens à féliciter le travail remarquable mené collectivement pour élaborer ce texte, que certains pourraient qualifier de « fourre-tout », mais qu’il faut voir comme une véritable politique globale pour les centres-bourgs et les centres-villes.
Il manque trois éléments dans cette proposition de loi. Ces éléments sont absents, non pas en raison de l’oubli de ses rédacteurs, mais parce qu’ils ne relèvent pas du domaine législatif. Ces points sont déterminants pour nos villes.
Même si le texte y fait référence, le premier concerne l’État, qui doit reprendre la main et muscler l’aménagement du territoire. C’est une nécessité pour la cohésion nationale et le développement économique en France. Il faudrait retrouver les vertus du plan et de la DATAR ! Il faut, monsieur le ministre, un État stratège, régulateur, aménageur, qui laisse toute leur place aux élus.
Le deuxième élément est relatif à l’adaptation des commerçants aux nouvelles attitudes et habitudes des consommateurs : boutiques en ligne, livraisons au bureau, boutiques éphémères, horaires d’ouverture… De nombreux professionnels ont pris le virage, mais d’autres n’ont pas encore trouvé le chemin. Les organisations professionnelles doivent accompagner les commerçants et les artisans.
Enfin, les consommateurs, qui sont des dizaines de millions, doivent être des « consommacteurs ». Les habitants-citoyens doivent prendre conscience de l’importance de la vitalité d’un centre d’une commune. Le slogan disait : « Nos emplettes sont nos emplois ». Disons aussi que « nos emplettes de proximité sont nos emplois de proximité » ! Plus largement, un cœur de ville ou de bourg est l’agora de la population.
La proposition de loi vise à donner un nouveau souffle à 700 communes en France.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Françoise Férat. Elle est équilibrée. Elle n’oublie pas l’importance des élus locaux et des collectivités pour mettre en œuvre la dynamique, et elle redonnera confiance aux entrepreneurs, aux artisans et commerçants. Le groupe Union Centriste lui apportera son soutien.
Ceux qui me connaissent seront surpris de ne pas m’avoir entendue évoquer l’article 7…
M. le président. Il faut vraiment conclure, ma chère collègue !
Mme Françoise Férat. … et la protection du patrimoine. Ce point sera abordé avec talent par ma collègue Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans les termes de « scénario de l’inacceptable » que la DATAR évoquait, en 1971,…
M. Jean-François Husson. C’était hier !