M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 65 est présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Éric Kerrouche. Certains arguments qui viennent d’être développés sont recevables.
Cela dit, le présent article tend à supprimer l’obligation de déclaration de candidature pour les élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants. Or nous avons voté la loi n° 2018-51 du 31 janvier dernier relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections qui visait justement à lutter contre la fraude et les dépôts de candidature à l’insu des personnes.
Nous avons voulu éviter que des candidats « malgré eux » ne soient inscrits sur les listes et élus. Si nous supprimons la déclaration de candidature, un tel cas de figure pourrait de nouveau se produire. Les auteurs de cet amendement souhaitent souligner qu’être élu est une démarche volontaire. Il est essentiel que les élus désirent l’être. Nous ne voulons pas qu’ils apprennent leur candidature et leur élection après coup, parce qu’ils ont été placés sur une liste sans en être informés.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° 65.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement a été défendu à l’instant et lors de la discussion générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Si nous avons voulu insérer dans le texte la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido, c’est bien qu’il existe une réelle difficulté. Nous devons faire preuve de pragmatisme.
J’entends les objections. Bien évidemment, il n’est pas question d’élire des gens contre leur gré. De toute façon, ces personnes ont aussi toute latitude pour démissionner. Il n’était pas rare, à l’époque du panachage, que des noms soient ajoutés sur des listes. Les personnes élues ont accepté leur mandat. Si cet article peut permettre d’éviter les écueils évoqués par Bruno Sido, il peut constituer une solution.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons eu un très long débat au Sénat et une large majorité s’était dégagée en faveur d’une obligation de déclaration en préfecture, y compris pour les communes de moins de 1 000 habitants, c’est-à-dire pour les communes où le panachage est possible. L’idée était d’éviter de trouver tout et n’importe quoi sur les listes le jour du vote, et d’avoir à compter les noms jusqu’à parfois trois ou quatre heures du matin !
Par ailleurs, monsieur Sido, je ne vois pas le lien avec les conseils municipaux incomplets : rien n’empêche d’organiser une élection !
M. Bruno Sido. Mais s’il n’y a pas de candidats ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En quoi votre proposition favoriserait-elle l’émergence de candidats ? Je ne comprends pas : avis favorable aux deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Dans la commune voisine de la mienne, cela fait cinq fois que Mme le préfet organise une élection. Mais il n’y a pas de candidat, donc il n’y a pas d’élection ! Si l’on supprimait l’obligation de déclaration de candidature en préfecture, les électeurs inscriraient trois ou quatre noms sur un papier blanc et le conseil municipal serait obligatoirement complet !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne peux pas croire que le fait d’aller en préfecture soit seul en cause !
M. Bruno Sido. Si !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Non, c’est impossible !
De surcroît, si je vous comprends bien, on pourrait inscrire le nom de la boulangère, de la voisine…
M. Bruno Sido. Du chien ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Quid si ces personnes ne veulent pas être élues ? Le problème reste entier ! Vous ne m’avez pas convaincue.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Cette proposition est contradictoire avec le vote exprimé par la Haute Assemblée sur la loi relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections qui visait à lutter contre les « candidats malgré eux ».
Nous avions alors constaté que, dans certaines communes, en particulier dans mon département, des candidats aux élections municipales se trouvaient sur des listes sans qu’ils aient donné leur approbation pour y figurer. Nous avions donc introduit, en plus de la déclaration de candidature, la nécessité d’authentifier celle-ci par la fourniture d’une photocopie de pièce d’identité et l’apposition d’une signature. Cette disposition est valable pour l’ensemble des communes, y compris celles où il n’y a pas eu d’incidents.
À cela, s’ajoute un argument de bon sens : la garantie pour l’électeur que le candidat est bien candidat et qu’il n’y a pas de supercherie.
Enfin, pour ce qui concerne les conseils municipaux incomplets, nous avions introduit à l’époque par le biais d’un amendement la présence de deux suppléants sur les listes aux élections municipales. L’objectif était d’éviter de devoir procéder à de nouvelles élections en l’absence de candidat, car le cas s’est produit où la liste originale a été évacuée du conseil municipal par une deuxième liste ! Bref, restons cohérents avec ce que nous avons décidé antérieurement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je trouve normal que, pour être élu, même dans une commune de moins de 1 000 habitants, on présente sa candidature !
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
M. Pierre-Yves Collombat. Que l’obligation d’aller en préfecture en dissuade certains, c’est possible. Peut-être faudrait-il modifier les conditions d’inscription : par exemple, une déclaration faite au maire, qui transmettrait, serait plus simple. Mais, sur le fond, élire des gens qui ne sont pas candidats n’a pas de sens. La commune, c’est tout de même important ! Ce n’est pas un passe-temps !
Et puis, ma foi, si les gens se désintéressent de leur commune au point qu’il n’y a pas suffisamment de représentants élus, qu’ils en subissent les conséquences…
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Aux élections municipales de 2008, dans tous les départements, on a constaté dans les petites communes une très forte dispersion des voix en faveur de personnes qui n’étaient pas candidates, ce qui a posé un certain nombre de problèmes.
Qu’il faille se déclarer candidat quand on veut siéger au conseil municipal, même dans une petite commune, me paraît normal. Cette règle permettra aussi d’éviter la dispersion des voix dont je parle, qui progressait d’élection en élection et qui a encore été très forte en 2014.
Je voterai donc, à titre personnel, en faveur des amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je voterai ces amendements, parce que je considère qu’il n’est pas nécessaire de revenir à une forme d’archaïsme.
Comme Pierre-Yves Collombat, je pense que, lorsqu’on souhaite être élu, il faut se porter candidat et le formaliser, de la manière la plus simple, en faisant vérifier son identité par l’autorité locale la plus adaptée, c’est-à-dire la préfecture. Une journée de cheval, ce n’est pas si loin… (Sourires.)
Par ailleurs, pour un certain nombre de communes, la question se pose aussi de l’obligation de présenter une pièce d’identité pour voter. Cette procédure est très mal vécue la première année par les électeurs, mais, une fois qu’elle est entrée dans les mœurs, elle est tout à fait admise.
M. Bruno Sido. S’il faut avoir un Ausweis…
M. Loïc Hervé. Il n’est pas certain, y compris dans les communes rurales, que le maire et les adjoints connaissent tous les électeurs. C’est d’ailleurs tant mieux : la citoyenneté ne suppose pas que les citoyens soient forcément connus et reconnus par les élus locaux.
Pour ma part, je trouve qu’un retour en arrière serait une erreur.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je souhaite apporter un argument nouveau dans notre débat.
Habitant d’une commune d’un peu plus de 200 habitants, j’ai toujours pris grand plaisir à assister au dépouillement au temps du panachage ; c’était un spectacle exotique, truculent, tantôt brutal, tantôt drôle. J’avais même terminé dans la commune d’à côté, plus grosse, où le dépouillement s’achevait beaucoup plus tard… C’était extrêmement intéressant.
Lorsque tout le monde se connaissait dans le village, ce mode de scrutin était bon : il était hautement démocratique de confier au citoyen électeur le soin de déterminer lequel de ses voisins était le plus à même d’exercer une responsabilité.
Seulement, les temps ont changé. Aujourd’hui, des personnes s’établissent dans une commune dans le cadre d’un parcours de vie, sans forcément souhaiter s’investir. J’en ai entendu certaines dire : heureusement qu’il y a une liste, sans cela nous ne saurions pas qui choisir !
Cette évolution de notre société, on peut la juger bonne ou mauvaise, mais c’est une réalité. J’ai compris que, maintenant, il serait difficile de revenir au panachage à l’ancienne, avec son folklore, mais aussi son côté très démocratique. Je soutiens donc ces deux amendements pertinents.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 65.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11 bis.
(L’article 11 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11 bis
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Paccaud et Brisson, Mme Delmont-Koropoulis, M. del Picchia, Mmes Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Duranton et Eustache-Brinio, M. Fouché, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, M. Guerriau, Mme Imbert, MM. Laménie, Lefèvre, Luche, Meurant, Moga, Pierre et Savin et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis (nouveau)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La seconde colonne des deuxième à septième lignes du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée :
« |
7 ou 9 |
|
9 ou 11 |
||
13 ou 15 |
||
17 ou 19 |
||
21 ou 23 |
||
25 ou 27 |
». |
II. – L’article L. 284 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
2° Au troisième alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « treize ou quinze » ;
3° Au quatrième alinéa, le mot : « dix-neuf » est remplacé par les mots : « dix-sept ou dix-neuf » ;
4° Au cinquième alinéa, le mot : « vingt-trois » est remplacé par les mots : « vingt et un ou vingt-trois » ;
5° Au sixième alinéa, le mot : « vingt-sept » est remplacé par les mots : « vingt-cinq ou vingt-sept ».
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Les auteurs de cet amendement proposent d’assouplir les règles numériques de composition des listes dans les communes de moins de 5 000 habitants.
Chacun d’entre nous, dans son département, a entendu de nombreux maires lui raconter toutes les difficultés qu’ils éprouvent à constituer des listes. Ils vont à la pêche aux candidats et réussissent à boucher les trous grâce à la bonne volonté de certains habitants qui acceptent pour faire plaisir, sans avoir de réelle motivation citoyenne. Ceux-là, au bout de deux ou trois conseils municipaux, ne sont plus présents.
Cet amendement tend à donner la possibilité – je parle bien de possibilité, non d’obligation – de réduire légèrement le nombre d’élus, non pas pour restreindre la faculté pour les citoyens de se faire élire, mais afin de permettre la constitution d’équipes motivées.
Concrètement, dans les communes de moins de 100 habitants, les listes comprendraient sept ou neuf candidats ; dans les communes de 100 à 499 habitants, neuf ou onze candidats ; dans les communes de 500 à 1499 habitants, treize ou quinze ; et ainsi de suite jusqu’à 5 000 habitants.
M. le rapporteur a parlé de pragmatisme. Mme la ministre a employé le mot « souplesse ». Cet amendement va dans le sens du pragmatisme et de la souplesse !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends les motivations qui inspirent cet amendement ; elles rejoignent le débat qui nous occupe depuis un moment, même si la problématique est un peu différente.
Du point de vue de l’équité, il paraît difficile d’admettre des écarts de représentation au sein d’une même strate de communes.
Plus ennuyeux encore, selon la commission, est le problème du choix du nombre de sièges : ce nombre, qui doit être préalablement défini, qui décide de le fixer, par exemple, à sept ou à neuf ?
Ainsi donc, tout en comprenant le pragmatisme des auteurs de l’amendement, je me vois dans l’obligation d’en solliciter le retrait ; s’il est maintenu, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis que la commission : comme vient de l’expliquer le rapporteur, l’amendement de M. Paccaud est inconstitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je ne suis pas persuadé que cet amendement soit inconstitutionnel : il suffit qu’il y ait entente entre les listes, quand il y en a plusieurs, car vous savez mieux que moi, madame le ministre, qu’il y a de très nombreuses communes où une seule liste est présentée.
Par ailleurs, une commune de 101 habitants a le même nombre de conseillers municipaux qu’une commune qui en compte 498… Votre argument numérique, monsieur le rapporteur, me paraît donc bizarre.
Mme Cécile Cukierman. C’est le principe de la strate… C’est comme pour les impôts !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Il faut tout de même que l’on sache à l’avance de combien de candidats la liste doit être constituée… Qui fixerait ce nombre ?
Par ailleurs, monsieur Paccaud, en dessous de 1 000 habitants, on peut présenter une liste de trois candidats contre une liste de quinze, cela ne pose aucun problème. Cela resterait-il possible ? Il faudrait éclaircir ce point.
Je ne suis pas franchement favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Paccaud, je présume que vous maintenez votre amendement ?
M. Olivier Paccaud. Je conviens tout à fait que mon amendement peut être précisé, notamment pour assurer sa constitutionnalité. Mais, comme M. Marc vient de le souligner, on peut présenter des listes de trois candidats. La loi permet même à un candidat unique de se présenter.
M. Loïc Hervé. En dessous de 1 000 habitants !
M. Olivier Paccaud. Pourquoi donc ne pourrait-on pas faire des listes de sept ou neuf candidats ?
M. Loïc Hervé. Vous proposez d’aller jusqu’à 5 000 !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le mot : « délégués », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « élus par les conseils municipaux des communes membres. »
II. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 273-6 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « élus », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « par les conseils municipaux des communes membres, au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne. Les listes des candidats aux sièges de conseiller communautaire sont composées alternativement de candidats de chaque sexe. » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° Les articles L. 273-7, L. 273-8, L. 273-9 et L. 273-10 sont abrogés ;
3° Après le mot : « sont », la fin de l’article L. 273-11 est ainsi rédigée : « élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi leurs membres, au scrutin secret à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité des suffrages, le plus jeune est déclaré élu. » ;
4° L’article L. 273-12 est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Lors des élections municipales et communautaires de mars 2014, pour la première fois, les conseillers communautaires ont été élus par fléchage sur les listes des candidats au conseil municipal dans les communes de plus de 1 000 habitants.
Les principaux objectifs de la réforme de 2013 étaient de renforcer la parité, ce qui est louable, d’améliorer la légitimité démocratique des intercommunalités et de les rendre plus lisibles pour les citoyens.
Si le premier objectif a naturellement été atteint, les deux autres ne le sont pas. En effet, le système byzantin de fléchage ne trouve aucun écho chez les électeurs et complexifie parfois même la gestion municipale. Les aléas de la vie municipale font qu’un conseiller communautaire, élu par fléchage, peut quitter la majorité municipale au cours du mandat : la commune se voit alors représentée par un ancien élu de sa majorité, celui-ci pouvant même se voir confier des responsabilités dans l’exécutif intercommunal…
Madame la ministre, nous avons vécu une telle situation à Montpellier : le maire de la ville a été viré par le président de la métropole, qui l’a remplacé comme vice-président par un opposant, ce qui est évidemment insupportable.
Afin de maintenir une stabilité municipale, je propose de revenir à une désignation des conseillers communautaires par le conseil municipal. Ainsi, quand un élu quitte la majorité, il ne pourra plus la représenter au sein de l’intercommunalité, fût-elle une métropole, encore moins en devenir vice-président.
Ces problèmes n’étaient pas imaginables auparavant, mais, depuis 2014, nous y sommes confrontés. Le temps des rectifications est venu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends les motivations de mon collègue, guidées par une problématique locale.
À plusieurs reprises, cette proposition a été présentée et rejetée – la dernière fois, il y a quelques jours en commission. Pour nous, elle présente l’inconvénient de supprimer le fléchage pour l’élection des conseillers communautaires et de rétablir le mode de désignation antérieur, par les conseils municipaux. Il nous semble que le système actuel opère une juste conciliation entre l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct et leur ancrage dans les communes.
Je comprends bien, monsieur Grand, la complexité des situations et les cas qui peuvent se présenter, mais je vous demande de retirer votre amendement ; si vous le maintenez, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable. Vous vous rappelez, monsieur Grand, que nous nous sommes battus pour démontrer que le fléchage est du suffrage universel direct.
M. Alain Marc. Très juste !
M. Jean-Pierre Grand. C’est le conseil municipal qui décide !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Oui, mais le fléchage, c’est bien, parce que c’est du suffrage universel direct. Je pense que vous avez compris mon message…
M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Le message est clair, et nous sommes bien sur la même longueur d’onde : le fléchage était un moyen de ne pas aller vers l’élection directe. Cela dit, il y a peut-être des choses à rectifier. Au Gouvernement de nous aider à trouver des solutions.
Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.
L’amendement n° 12, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le mot : « sont », la fin de l’article L. 273-11 du code électoral est ainsi rédigée : « élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi leurs membres, au scrutin secret à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité des suffrages, le plus jeune est déclaré élu. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, soumises au scrutin majoritaire, il existe une contrainte : les conseillers communautaires sont le maire, les adjoints, puis les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau. Or cette exigence n’a pas de réelle justification.
M. Bruno Sido. Ah si !
M. Jean-Pierre Grand. En effet, il n’existe aucun lien entre la composition d’un exécutif municipal et les compétences de l’intercommunalité. Ainsi, pendant les nombreuses années où j’étais maire, mes trois premiers adjoints successifs étaient délégués à l’action sociale – quand on est gaulliste, on ne se refait pas… Selon quels principes un maire devrait-il définir l’ordre de ses adjoints et leurs délégations en fonction de l’intercommunalité ?
Au contraire, pour une plus grande souplesse, il conviendrait de reconduire les anciennes modalités en laissant au conseil municipal le soin de désigner les conseillers communautaires lors de son installation. Madame la ministre, tout cela doit vous rappeler des débats antérieurs…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. L’avis est défavorable.
Il paraît logique que le maire soit prioritairement fléché. S’il ne souhaite pas siéger au sein de l’intercommunalité, il a toute latitude pour démissionner et laisser siéger la personne ou les personnes qui le suivent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je partage la position du rapporteur.
Une situation peut se produire dont nous n’avons pas encore parlé : lorsqu’un maire n’ayant pas souhaité siéger à l’intercommunalité, et qui y a donc envoyé son premier adjoint, vient à disparaître, par exemple parce qu’il démissionne – prenons le cas le plus positif… –, le nouveau maire ne peut pas siéger à l’intercommunalité. C’est un sujet auquel il faudra peut-être réfléchir dans le cadre de l’examen d’un prochain texte.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Mme la ministre a parfaitement raison : ce cas se présente régulièrement. C’est un vrai problème, qui rejoint celui soulevé par M. Grand.
Les communes de moins de 1 000 habitants, on pense que cela ne compte pas.
M. Bruno Sido. Mais elles sont 26 080 et représentent 9 208 000 habitants, pour ne parler que de la métropole !
Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec M. Grand. On ne peut pas dire à la fois que le maire n’est pas spécialiste de l’intercommunalité et que les intercommunalités sont des outils au service de l’action des communes. Les maires, qui représentent leur conseil municipal et la population, sont compétents, puisqu’ils ont l’onction du suffrage universel. On ne peut pas affirmer tout et son contraire. Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. M. Grand a retiré son amendement n° 11, mais le point qu’il a exposé est tout à fait valable. Le fléchage a ses limites : byzantin, comme l’a sous-entendu notre collègue, il est peu lisible.
Le système antérieur avait l’avantage de donner une autorité supplémentaire au maire. Premier de liste, quand il y a une liste, il a une autorité naturelle qu’il doit conserver. Or quand un conflit éclate entre un maire et un adjoint et que celui-ci, passé à la minorité municipale, siège à l’intercommunalité, des équilibres peuvent être bouleversés d’une manière qui n’est pas forcément légitime.
À mon sens, un adjoint qui quitte l’équipe municipale, mais continue de siéger à l’intercommunalité commet un véritable détournement de légitimité, comme l’a signalé M. Grand. Mme la ministre a trouvé l’argument massue pour défendre le fléchage. Je l’entends, mais il reste qu’un vrai problème se pose.
L’amendement n° 12 procède du même esprit : alors que l’ordre du tableau est assez contraignant, redonner de la souplesse irait dans le sens de l’autorité du maire.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nous sommes tous attachés aux communes : petites ou grandes, elles sont l’échelon de base de la démocratie locale, de la démocratie de proximité.
Toutes font désormais partie d’une intercommunalité. Ces intercommunalités, il peut être opportun de les rendre plus lisibles pour les habitants, ainsi qu’il est écrit dans l’objet de l’amendement n° 11, mais le problème des seuils se pose.
Celui de l’assiduité dans les intercommunalités se pose aussi – il faut le dire –, quelles soient grandes ou petites et quelle que soit la taille des délégations communales – les plus petites communes sont généralement représentées par leur maire, un adjoint étant suppléant.
Les amendements nos 11 et 12 sont intéressants : ils ont le mérite de soulever des problèmes tout à fait réels à l’échelon de la démocratie locale. J’entends aussi les arguments du rapporteur et de la ministre. Quoiqu’un peu dubitatif, je suivrai leur avis.
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Aujourd’hui même, dans mon département, la Loire-Atlantique, une maire a démissionné ; il se trouve que sa commune est la plus importante de la communauté d’agglomération. Celui ou celle qui sera choisi par la majorité municipale pour la remplacer pourra très bien ne pas avoir été fléché pour siéger à l’intercommunalité. Au surplus, si c’est un homme, il ne pourra pas siéger au bureau communautaire, au nom de la parité.
Cet exemple d’actualité confirme, madame la ministre, qu’il faudra préciser certaines choses. Ces questions sont de première importance, compte tenu du développement et de la puissance des intercommunalités.