PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Équilibre territorial et vitalité de la démocratie locale
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud.
Question préalable (suite)
Mme la présidente. Dans l’examen de la motion n° 59 rectifiée bis tendant à opposer la question préalable, le Sénat, après avoir entendu un orateur pour, ainsi que les avis de la commission et du Gouvernement, a entamé les explications de vote.
La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Cela tient peut-être à ma naïveté de jeune parlementaire, mais j’avoue avoir été très surpris, précédemment, par les justifications de la motion tendant à opposer la question préalable.
Concrètement, la proposition de loi serait « inopportune » parce que « trop précoce », parce que le Gouvernement attend le rapport d’un haut fonctionnaire ? Je ne doute en aucun cas des qualités éminentes du préfet Morvan, mais je doute encore moins des qualités, de l’expérience et de la connaissance des problématiques territoriales de Philippe Bas, de Mathieu Darnaud et de Bruno Retailleau !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Olivier Paccaud. En écoutant les explications de notre collègue, un doute m’a pris : la mission première du Sénat n’est-elle pas de légiférer ? C’est une véritable question ! Les différents épisodes plutôt pathétiques, relativement récents, qui ont eu lieu dans cet hémicycle, sur lesquels je ne reviendrai guère, et dont on a parlé tout à l’heure – revalorisation des petites pensions agricoles, transfert des compétences eau et assainissement –, posent tout de même question… Le Gouvernement et les « Marcheurs » n’aiment visiblement pas le débat parlementaire, sauf quand il vient de lui…
M. Guillaume Gontard. Absolument !
M. Olivier Paccaud. Mes chers collègues, un pays où l’on veut faire taire le Parlement, un pays où l’on veut faire taire tout court – on va bientôt examiner la loi sur les fake news – est un pays qui a du souci à se faire.
Je ne voterai pas cette motion, tout simplement parce que je préférerai toujours une république parlementaire à une « technocrature », fût-elle jupitérienne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. En l’état actuel, le texte ne fait pas l’unanimité au sein du groupe Union Centriste, comme au sein d’autres groupes, d’ailleurs, mais nous tenons à ce que le débat ait lieu ; nous ne nous y opposerons donc pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Nous avons une position constante au RDSE : nous sommes pour le débat et nous votons contre toutes les motions tendant à opposer la question préalable. Cela a été le cas dernièrement sur la motion du groupe CRCE ; ce sera le cas aujourd’hui sur celle qui est présenté par le groupe La République en Marche ; cela a été le cas sur des motions du groupe Les Républicains.
Nous sommes pour le débat, pour la discussion ; c’est le rôle du Parlement. Donc, nous voterons bien évidemment contre cette motion, sans préjuger notre vote sur le texte que nous examinerons ensuite. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Les membres du groupe Les Indépendants ont des avis très divers sur cette motion. À titre personnel, j’y suis opposé parce qu’il me semble effectivement que place doit être donnée au débat parlementaire, mais les uns et les autres voteront chacun à leur façon.
Nous verrons bien ce qu’il adviendra, mais je suis sûr que cette motion sera rejetée.
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole pour explication de vote.
Mme la présidente. Je suis désolée, monsieur Sueur, je ne peux pas vous donner la parole car, sur les motions tendant à opposer la question préalable, il ne peut y avoir qu’une explication de vote par groupe.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, madame la présidente. Si vous êtes désolée, cela me suffit largement… (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 59 rectifiée bis, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 122 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 288 |
Pour l’adoption | 24 |
Contre | 264 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Véronique Guillotin applaudissent également.)
Discussion générale (suite)
M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il faut se féliciter du rejet de la motion, dont l’adoption nous aurait privés d’un débat démocratique ; or un débat démocratique sur ce sujet doit avoir lieu.
L’organisation de notre République est décentralisée. Étant attachés profondément à cette république des territoires initiée par les lois de 1982, il nous appartient pleinement de prévenir toute forme de recentralisation et de favoriser la liberté locale et la cohésion territoriale.
Or, si nous partageons l’idée qu’il est nécessaire d’apporter des correctifs aux dernières réformes territoriales, de la loi MAPTAM jusqu’à la loi NOTRe, nous partageons moins la méthode employée, qui a eu pour corollaire inéluctable de produire des réponses insuffisamment abouties.
Nous avons un désaccord sur le fond – je commencerai par là – et sur la méthode. Chacun d’entre nous s’accorde à dire que, depuis plus de dix ans, une accumulation de réformes est venue affecter les collectivités territoriales, qui souhaitent désormais pouvoir respirer et s’organiser grâce à une intelligence territoriale qui a fait ses preuves. En définitive, nous devons faire confiance aux territoires.
Toutefois, la méthode et la réelle finalité de ce texte posent question. Cette proposition de loi donne trop le sentiment d’avoir été déposée avec de la précipitation, heurtant ainsi la tempérance qui caractérise les travaux du Sénat. Pourquoi ne pas plutôt « poursuivre le travail d’évaluation de la mise en œuvre sur le terrain de la réforme », ainsi que le préconisait le rapport d’information Laisser respirer les territoires ? Pourquoi ne pas aller plus loin, comme le recommandait ce même rapport, en matière de mesures d’assouplissement ou d’expérimentation ?
Pourquoi encore ne pas s’appuyer sur les conclusions du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, pour la mise en place de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, qui, certes, je le reconnais, tarde à arriver ? Pourquoi ne pas attendre la restitution, au début de juillet, des travaux du groupe de travail sur le statut des élus locaux, afin d’envisager un éventail complet et cohérent de mesures, qui protège les élus et qui réponde à la crise démocratique et à celles des vocations ? Bref, la méthode sur ce texte laisse songeur…
En second lieu, malgré de bonnes intentions et des correctifs, il nous semble que nous assistons à un rendez-vous manqué. Je l’ai indiqué précédemment, des ajustements utiles ont pu être trouvés, avec notamment les interventions du département en matière agricole, l’assouplissement des groupements de commandes pour les EPCI ou les mécanismes de fonds de concours, l’abaissement de la participation minimale des communes de moins de 1 000 habitants au financement des équipements publics, ou encore l’intérêt évident qu’il y a à renforcer le rôle de la région en matière d’emploi, de formation et de recherche, contrairement à ce que prépare le Gouvernement.
En revanche, cette proposition de loi revient sur des arrangements qui viennent d’être trouvés et qui se stabilisent. Elle induit des risques institutionnels, notamment par la généralisation de sortie à la carte des EPCI, et des risques fonctionnels, dans les arrangements qui viennent d’être trouvés entre les régions et les départements. En ce qui concerne les EPCI, on peut s’interroger sur la valeur ajoutée des « pôles territoriaux », alors qu’un éventail d’outils considérables existe déjà et a été mis en place par les territoires.
Si une nouvelle gouvernance doit s’imaginer au sein des EPCI, nous pensons qu’elle passe par davantage de liberté d’organisation du bloc local, avec la définition d’un principe de subsidiarité pour réguler les compétences.
Toujours en ce qui concerne les EPCI, les conditions de retrait des communes membres constituent, sinon un risque de dépeçage, du moins un risque de déstabilisation et une remise en cause des politiques publiques mises en œuvre.
Je laisserai mon collègue Didier Marie compléter, et avant de conclure je citerai deux dispositions qui partaient d’une bonne intention mais dont on peine à mesurer l’applicabilité, en l’absence de prise en compte sérieuse des enjeux financiers : d’une part, l’exonération pour les élus municipaux des communes de moins de 3 500 habitants de la cotisation destinée au financement du droit individuel à la formation, le DIF ; d’autre part, la notification par l’État avant le 1er avril de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, tout retard étant susceptible d’engager la responsabilité de l’État.
Pour conclure, je regrette de dire que, si des correctifs ont été apportés, cette proposition de loi, qui aura toujours le mérite de favoriser le débat, touche à des problèmes de fond mais s’apparente pour l’instant à un essai manqué. Nos territoires, nous semble-t-il, attendent beaucoup mieux que cela, beaucoup mieux qu’une proposition dont le volontarisme reste limité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi est louable. Il s’agit à la fois d’opérer des ajustements de dispositifs de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, qui ont montré leur inadéquation avec les réalités locales, de compléter à la marge la décentralisation et de proposer la création d’une agence pour la cohésion des territoires.
Je commencerai par examiner cette dernière proposition. La création d’une agence pour la cohésion des territoires est une proposition sénatoriale, cela a été dit. Le Président de la République a d’ailleurs manifesté son intérêt pour cette formule lors de la Conférence nationale des territoires, l’année dernière.
J’y vois plusieurs intérêts. Premièrement, une telle agence permettrait de fédérer les acteurs de l’administration déconcentrée et des collectivités pour répondre aux besoins des territoires dans le domaine des soins, de l’accès aux services publics, de la mobilité et de l’accès au numérique. Deuxièmement, comme l’a rappelé voilà quelques semaines le commissaire général à l’égalité des territoires, elle pourrait venir appuyer les territoires en difficulté en matière d’ingénierie territoriale. Enfin, troisièmement, elle devrait devenir un véritable guichet unique pour les élus dans un souci de simplification des procédures et des conseils.
Néanmoins, mes chers collègues, plusieurs questions se posent : quelle articulation avec le Commissariat général à l’égalité territoriale ? Quelle complémentarité avec la banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations, inaugurée il y a quelques jours ?
En outre, je rappelle que notre assemblée est sur le point de créer une agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs, dans le cadre de la proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin. Ne créerions-nous pas alors un doublon ?
Enfin – cette question s’adresse à Mme la ministre –, quand pourrons-nous avoir accès au rapport de Serge Morvan sur la mise en place d’une telle agence ? (M. Jean-Marc Boyer s’exclame.) Je rappelle que ce rapport était attendu le 15 mai dernier…
Pour conclure sur ce point, je crois que nous avons là une bonne idée, mais qui demanderait à être affinée, mieux articulée avec les dispositifs existants et qui ne doit surtout pas se transformer en une nouvelle usine à gaz – je ne doute pas que notre assemblée saura faire preuve de vigilance sur ce point.
Concernant les autres dispositions de cette proposition de loi, j’estime que la volonté d’aménager et de corriger la réforme issue de la loi NOTRe est une bonne chose. En matière de réforme territoriale, il nous faut maintenant ajuster, et non plus brusquer. En effet, les élus locaux en ont assez des grands soirs territoriaux qui amènent toujours leur lot de complications. Comme notre commission des lois le dit souvent, laissons respirer nos territoires.
Cela dit, la respiration n’exclut pas des ajustements, notamment ceux qui sont relatifs aux compétences des départements. Ils vont dans le bon sens ; le renforcement de la capacité d’intervention des départements en faveur de l’agriculture et de la pêche et leur contribution au financement des opérations d’investissement permettront d’étoffer leur compétence de solidarité et de cohésion territoriale.
Sur les dispositions consacrées aux coopérations intercommunales, la plupart des éléments vont dans le sens d’une plus grande liberté et c’est heureux. En ce qui concerne l’échelon régional, je partage le constat des auteurs : c’est une aberration de maintenir une cloison étanche entre, d’un côté, les politiques d’apprentissage et de formation professionnelle, qui relèvent en grande partie des conseils régionaux et, de l’autre, la politique de l’emploi, qui demeure centralisée.
Toutefois, je crois que les régions ont déjà des outils pour faire des choses utiles. Prenons l’exemple de ma région, les Hauts-de-France. Xavier Bertrand, son président, a mis en place des dispositifs extrêmement innovants, qui sont complémentaires de Pôle emploi et de l’action de l’État, en créant la plateforme Proch’emploi, qui a permis à 10 000 personnes de trouver un emploi, en mettant en place un « Pass Formation » et des aides aux transports, ou encore en signant un partenariat avec Linkedln pour développer des outils numériques. Et ce ne sont là que quelques exemples.
Alors, oui, on peut donner à la région un rôle de coordination des services et lui déléguer davantage de compétences, mais, vous le voyez, on peut faire beaucoup plus avec ce qui existe déjà.
Enfin, nous soutenons totalement les dispositions qui visent à améliorer la condition des élus et à rendre plus attractif l’exercice des mandats locaux. En la matière, il faut marcher sur deux jambes : à la fois simplification des sujétions et des formalités, et hausse des gratifications. Nous espérons que le Gouvernement entendra ces deux nécessités pour rendre au mandat d’élu local ses lettres de noblesse.
Cette proposition de loi est donc équilibrée et mesurée. On constate qu’elle recoupe plusieurs initiatives en cours. J’espère que nous parviendrons à fédérer toutes les énergies pour améliorer la cohésion de nos territoires et l’exercice de notre démocratie. J’appelle le Gouvernement, madame la ministre, à prendre en compte les propositions du Sénat, qui est ici dans son rôle le plus légitime et le plus sacré, celui de la défense des territoires et des collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est à l’aune de la vitalité de la démocratie locale que l’on mesure l’état démocratique d’une nation. Tocqueville faisait ce constat dès 1830 en écrivant que c’est « dans la commune que réside la force des peuples libres » et en ajoutant que « sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté ».
Les promoteurs de la loi NOTRe ont-ils lu Tocqueville ? Permettez-moi d’en douter, tant l’édifice territorial tel qu’il résulte des lois adoptées ces dernières années ne paraît pas contribuer à vitaliser la démocratie de proximité, en raison de l’éloignement toujours plus grand des instances de décision et de l’émergence d’une technocratie locale.
Les élus locaux que nous sommes ou que nous avons été le savent, la mise en œuvre de ces lois ne s’est pas faite sans heurts. Le Parlement a d’ailleurs adopté plusieurs aménagements nécessaires, venant ainsi assouplir les rigidités initiales. Je pense notamment à la proposition relative à l’élection des conseillers métropolitains, adoptée sur l’initiative du groupe du RDSE et portée par notre collègue Mireille Jouve.
Si l’on fait l’état des lieux de l’intercommunalité telle qu’elle est aujourd’hui, on constate que les élus ne s’y retrouvent pas. Le découpage territorial et la nouvelle répartition des compétences, s’ils pouvaient relever d’une certaine logique, résistent mal à l’expérience concrète, à la réalité de nos territoires.
Par exemple, l’intercommunalité de 16 000 habitants où je siège toujours doit aujourd’hui, du fait des transferts de compétences qui relevaient autrefois du département, cautionner des emprunts sur les stations de ski pour des montants exorbitants. On fait donc face à des élus désarçonnés, pour ne pas dire désabusés, devant des transferts qui les dépassent parfois.
On se retrouve aussi avec des intercommunalités qui, pour maintenir un équilibre avec les plus petites communes qui les composent, ne peuvent pas ou ne peuvent plus se consacrer à l’objet qui fut le leur à leur création, le développement économique de leur territoire.
Le présent texte vise à apporter des ajustements, vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur – je tiens d’ailleurs à souligner votre travail, précis et pragmatique. Je note toutefois que certains de ces ajustements sont d’ampleur. Aussi, plusieurs dispositions de la proposition de loi suscitent notre approbation. Par exemple, l’article 9 ouvre la porte à un exercice territorialisé des compétences intercommunales dans des EPCI de taille « XXL ». Il répond à une logique de subsidiarité et à une demande exprimée sur nos territoires.
En ce qui concerne le département, si la question de son maintien s’est posée en son temps, il reste et demeurera un échelon essentiel de proximité, de solidarité et d’action dans nos territoires.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !
Mme Maryse Carrère. Ainsi nombre de mes collègues du RDSE et moi-même nous retrouvons-nous dans les articles 12 à 15, de manière très concrète, que ce soit en matière d’aménagement ou de soutien aux activités agricoles. Ces dispositions permettent à nos départements d’être pleinement reconnus dans leur rôle de solidarité territoriale.
Partisans d’une véritable décentralisation, nous sommes aussi favorables à un renforcement des compétences des régions en matière d’emploi, trop peu développées aujourd’hui, ou en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Néanmoins, si nous pouvons souscrire à certaines dispositions prévues dans ce texte, cette proposition nous met mal à l’aise. J’entends ce que nous disent les élus, ils ont dû mettre en œuvre les récentes lois de réforme territoriale, les digérer ; ce ne fut pas toujours simple. Ils nous réclament donc aujourd’hui de la stabilité et nous demandent de ne pas modifier sans cesse la législation.
Or comment ne pas voir, par exemple, dans l’article 10 une source d’instabilité ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. En effet.
Mme Maryse Carrère. Cet article prévoit un mécanisme permettant à plusieurs communes d’un EPCI, sous réserve de remplir plusieurs critères, de « faire sécession » dudit EPCI et d’en créer un nouveau. On déferait donc des EPCI qui viennent d’être achevés, parfois non sans mal ? On remettrait en cause des compétences qui ont déjà été transférées ? Le risque d’incompréhension des élus, mais aussi de nos concitoyens, est grand.
De plus, nous considérons cette proposition comme un texte d’appel, réalisé de manière précipitée, ce qui n’est pas l’habitude de la Haute Assemblée. En effet, ce texte arrive, selon moi, de façon anticipée par rapport aux missions en cours – je pense notamment à la mission de suivi et de contrôle de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, mais aussi au travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui rendra ses conclusions prochainement sur le statut de l’élu.
Nous pouvons tirer les mêmes conclusions concernant les articles du titre Ier créant une agence nationale pour la cohésion des territoires. Sur toutes les travées, nous le savons, la création de cette agence, annoncée voilà près d’un an par le Président de la République, ici même, au Sénat, est en cours. Ses contours, ses champs d’action, ses financements et son insertion dans le paysage institutionnel doivent encore faire l’objet d’arbitrages.
La question des communes nouvelles était également inscrite dans le texte initial. L’article 8 visait à prolonger, déraisonnablement à notre sens, les dérogations en matière de représentation des communes déléguées au sein d’EPCI. Nous le savons, notre collègue Françoise Gatel, dont l’expertise en la matière n’est plus à prouver, prépare un texte plus général visant à améliorer la législation applicable aux communes nouvelles. C’est pourquoi nous avons soutenu la suppression de cet article 8.
Finalement, ce texte réunit un ensemble disparate de dispositions, dont certaines pourraient recueillir notre approbation. Nos territoires mériteraient aujourd’hui que l’on analyse en profondeur et sans précipitation, à l’occasion d’un important travail de fond, leurs difficultés à mettre en place de vrais outils de développement et de service pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, sur toutes les travées, nous convenons régulièrement que nos territoires ont d’abord besoin de visibilité, donc de stabilité, bref, qu’on leur fiche la paix.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Arnaud de Belenet. Les sujets abordés de manière partielle au travers de cette proposition de loi, en matière de formation, d’apprentissage, d’emploi, de responsabilité et de statut des élus, de simplification de la vie et de l’organisation des territoires, mériteraient chacun un texte ou une démarche approfondie, globale, donnant durablement la visibilité tant attendue. Or des travaux de fond sont engagés sur tous ces sujets par ailleurs.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Pas sur le département ni sur la région !
M. Arnaud de Belenet. Il ne s’agit donc pas de répondre au calendrier du Gouvernement, mais simplement de bénéficier des travaux et de discuter sur le fondement de propositions, et non seulement sur le fondement de celles qui sont attendues.
De ce point de vue, l’opportunité de ce texte nous semble discutable. Nous ne souhaitons pas compromettre ces travaux de longue haleine, initiés notamment au Sénat.
Les dispositions soumises à notre examen soulèvent presque toutes des interrogations. Évidemment, la création de l’agence nationale pour la cohésion des territoires et son organisation relèvent partiellement du pouvoir réglementaire et doivent faire l’objet d’un rapport de son préfigurateur, Serge Morvan, d’ici à quelques jours.
L’article 11 du texte ajoute deux cas de saisine de la commission départementale de la coopération intercommunale – en cas d’extension d’un EPCI et en cas de retrait d’une commune – avant la validation par le préfet. Pourtant, une telle saisine existe déjà lorsque la proposition d’extension diffère du schéma départemental de la coopération intercommunale, le SDCI ; il en va de même pour le retrait d’un EPCI. Dans le cas d’une extension qui ne diffère pas de ce schéma, l’ajout de la saisine de la CDCI constitue, nous le savons, une complexité supplémentaire de la procédure. La suppression de l’obligation de réalisation d’un schéma et de ses orientations n’est pourtant pas souhaitable.
Par ailleurs, ce texte supprime l’obligation de déclaration de candidature aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants. Pourtant, l’obligation de déclaration de candidature est une garantie de la lisibilité et de la sincérité du scrutin. Elle harmonise la règle de droit avec les autres élections sans pour autant porter atteinte à la liberté de candidature,…
M. Charles Revet. C’est mal connaître les communes rurales !
M. Arnaud de Belenet. … car il est possible dans les communes de moins de 1 000 habitants de faire des candidatures groupées incomplètes. Surtout – nous sommes tous sensibles à cet argument, qui a fait l’objet de nos débats et d’un vote unanime récemment –, elle permet d’éviter les « candidats malgré eux ». N’était-ce pas le sens de notre démarche lorsque nous avons adopté, en janvier dernier, la loi relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections ?
L’article 17 confie à la région le soin de coordonner les acteurs des politiques de l’emploi, pour une territorialisation accrue de ces politiques, et de consolider les compétences régionales en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. Il traite du rôle des régions en matière de politique publique de l’emploi, qui sera abordé prochainement dans le cadre de l’examen, au Sénat, du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Pourquoi se priver d’une approche plus complète et plus au service de nos territoires et de notre action publique ?
L’article 20 impose une obligation de communication, par les instances communautaires vis-à-vis de l’ensemble des conseillers municipaux, de toutes les décisions prises. Là où le besoin existe, cette action est déjà menée ; là où le besoin n’est pas ressenti, cette action n’est pas menée, mais fichons donc la paix aux collectivités.
Nous partageons les intentions de cette proposition de loi.