M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je constate, monsieur le secrétaire d’État, que vous me donnez acte de la non-promulgation de l’ordonnance sur la banque de la démocratie. Vous allez rechercher d’autres voies pour atteindre les mêmes objectifs. Je vous souhaite bon courage ! (Nouvelles exclamations.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Il est désormais d’usage que la commission des affaires européennes participe de plein droit au débat annuel sur le bilan de l’application des lois. J’en remercie le président du Sénat et la conférence des présidents. C’est important, car nos collègues sont aussi très attachés à connaître et à évaluer les suites données à leurs travaux en matière européenne.
En l’espèce, que sont devenues les 18 résolutions européennes adoptées par le Sénat entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017 ? Le rapport que j’avais présenté le 20 février dernier démontre que le Sénat est influent dans les négociations à Bruxelles.
En effet, les positions exprimées dans nos résolutions européennes ont toute leur importance dans les négociations. Dans plus de la moitié des cas, nos résolutions ont été prises totalement ou très largement en compte, par exemple sur le plan d’investissement pour l’Europe, sur la réforme d’EUROPOL, sur la coopération policière européenne, sur les perturbateurs endocriniens ou sur le « paquet énergie propre ».
Dans plus de 25 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies, notamment sur la phase I de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, la politique commerciale, la simplification du droit européen ou encore l’avenir de la politique agricole commune à l’horizon de 2020.
Je me félicite de cette situation, car nos résolutions européennes ont ainsi une véritable influence sur le contenu des directives et règlements adoptés, et donc, en définitive, sur la législation française qui en résulte. À cet égard, je rappelle également la grande attention que porte notre commission à la surtransposition.
En revanche, j’aurais deux demandes à formuler au Gouvernement.
Premièrement, si nous nous félicitons de la très bonne coopération du secrétariat général aux affaires européennes, nous souhaitons qu’il nous transmette l’année prochaine ses fiches de suivi de façon plus régulière, et plus seulement sur demande, afin que la procédure devienne véritablement banalisée, et que notre dialogue avec le Gouvernement soit fluide et permanent. C’est une demande que nous avions déjà formulée l’an passé.
Deuxièmement, nous apprécions la disponibilité de la ministre chargée des affaires européennes sur le suivi de nos résolutions. Cet exercice pourrait être approfondi par des auditions thématiques de ministres – auditions conjointes avec les commissions compétentes –, pour faire régulièrement le point sur les travaux du Conseil.
Je pense à tous les débats que nous pourrions avoir sur les accords de libre-échange – de plus en plus nombreux –, surtout lorsque ces accords sont classifiés comme des traités simples, c’est-à-dire qu’ils ne repasseront pas devant le Parlement. Or il n’y aurait rien de plus frustrant, le mot est faible, qu’on légifère à Bruxelles sur ces sujets, dont l’incidence se fera sentir sur notre vie au quotidien.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Je vous remercie tout d’abord, monsieur le président de la commission, de vos propos liminaires sur les services avec lesquels vous travaillez.
On ne peut que se féliciter de cette coopération accrue et des bonnes pratiques qui se sont progressivement instaurées, notamment avec le secrétariat général des affaires européennes, le SGAE. Elles permettent, à la fois, de maintenir un dialogue et de mettre en cohérence les positions exprimées par la représentation nationale et celles du Gouvernement dans le cadre de négociations avec nos partenaires européens.
Dans une négociation, il y a toujours le risque que d’autres soient attentifs à nos divergences pour les utiliser contre les intérêts de la France. Ce travail en amont est donc toujours très utile.
S’agissant de la transmission systématique des fiches de suivi des résolutions européennes, je sais que le SGAE veille à une diffusion dans les meilleurs délais, dès que l’accord politique est intervenu au Conseil. Je vous soutiendrai dans cette démarche et je m’en ferai le relais auprès de Mme Nathalie Loiseau.
Pour les autres résolutions, une intervention plus précoce en amont de cet accord politique ne pourrait être que partielle et prudente, étant donné les évolutions possibles du texte jusqu’à la dernière minute des négociations. Il n’empêche que les auditions de ministres sont toujours utiles, pour les ministres eux-mêmes, qui peuvent ainsi entendre les positions des parlementaires, mais aussi pour accompagner la sensibilisation de nos concitoyens sur ces questions. Je ne manquerai pas de relayer votre demande auprès des ministres concernés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. J’insiste plus particulièrement sur les accords de libre-échange, monsieur le secrétaire d’État. Si le Parlement, en l’occurrence le Sénat, ne peut s’en inspirer très en amont pour définir plus finement le cahier des charges qui sera utilisé par Mme Cecilia Malmström pour négocier avec nos partenaires – je pense notamment à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande –, alors il sera privé de tout débat en la matière. En effet, seul le Parlement européen aura la latitude, dans un traité simple, de valider ou non la proposition d’accord de libre-échange.
M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux représentants des groupes.
Dans la suite du débat interactif, la parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commissions, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier Valérie Létard pour la qualité de son rapport.
J’aborderai deux sujets.
Le premier est le problème de l’inflation législative.
Ainsi, pour ce qui concerne la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, le nombre des articles est passé de 15, dans le projet de loi initial, à 148 dans le texte final.
Autre exemple de prolifération normative : la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle est passée de 54 à 115 articles, avec l’insertion de 55 articles additionnels par l’Assemblée nationale en première lecture, dont les deux tiers sur l’initiative du Gouvernement.
Nous nous interrogeons donc sur l’attitude du précédent gouvernement, qui a consisté à parasiter la discussion de ses propres projets de loi par des dizaines d’amendements préparés ou acceptés, hélas, à la dernière minute.
Le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui de l’argument de la célérité des ordonnances.
Il ressort du rapport d’information que le délai moyen nécessaire pour la prise d’ordonnance, en tenant compte de la procédure législative de vote de l’habilitation, est de 571 jours environ. Le délai moyen des habilitations demandées lors de la session 2016-2017 est de 344 jours environ, 309 jours en excluant les quatre habilitations pour codification, alors que le délai moyen de la procédure législative pour cette même session est de 196 jours.
Le recours aux ordonnances n’entraîne donc pas une effectivité plus rapide de la norme.
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d’État, pour que les ordonnances soient un outil vraiment utile et efficace ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Sur l’inflation législative, comme plusieurs intervenants l’ont dit, les torts sont partagés – je ne dirai pas d’un gouvernement à l’autre, car chacun sait quelle est la difficulté…
Je tiens à renouveler notre engagement de maintenir à un niveau élevé le taux d’application des lois, y compris pour les dispositions introduites au cours de la navette, pour lesquelles la rédaction des mesures réglementaires n’a pu, par définition, être anticipée en amont, mais pour lesquelles nous avons la même obligation d’application de la loi, vis-à-vis de vous, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vis-à-vis des Français.
Pour ce qui concerne les ordonnances, il y a en effet de mauvais exemples. Un délai moyen pour la prise d’ordonnance de 571,5 jours vient d’être évoqué. Mais il y a aussi des contre-exemples, comme celui des ordonnances relatives au renforcement du dialogue social : démonstration a été faite qu’elles pouvaient toutes entrer en vigueur avant le 31 décembre. Cet objectif pouvait paraître inatteignable à certains ; nous avons réussi à l’atteindre ! Telle doit être la règle !
L’exigence d’un taux de mise en œuvre le plus élevé possible dans un délai maximum de six mois est une exigence partagée !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet exercice relatif au bilan de l’application des lois est certes un peu austère, mais il revêt une importance particulière. Il s’agit en effet de donner toute sa force au principe de séparation des pouvoirs, de veiller à la crédibilité de l’action publique et surtout, en réponse à la confiance que nos concitoyens nous accordent, de s’assurer que le travail législatif est bien mené jusqu’à son terme.
Je remercie donc tout particulièrement Valérie Létard pour son rapport, qui illustre parfaitement la continuité du travail du législateur. Ce travail s’inscrit dans un temps contraint qui n’est pas toujours correctement perçu, car l’application des lois intervient en dehors du temps médiatique.
Le bilan annuel, comme plusieurs orateurs l’ont noté, fait état d’un taux d’application des lois élevé, de l’ordre de 90 %, voire un peu plus, qui s’inscrivait, l’année de leur examen, dans un contexte préélectoral.
Il est d’usage de dire, lorsque le Gouvernement utilise la procédure d’habilitation à légiférer par ordonnance, qu’il le fait pour des raisons de délais.
Pour une loi d’examen classique, comme la loi dite « Macron » de 2015, dont le champ était particulièrement étendu, l’ensemble du processus, comportant la phase législative et celle de publication des décrets, a été contenu dans un délai de douze à treize mois.
Pour la loi du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, d’un périmètre volontairement plus restreint, la procédure des ordonnances a été utilisée. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, si onze mois après le début de son examen, tous les textes d’application ont bien été publiés ?
Nous notons, d’ailleurs, qu’en établissant des moyennes, on mélange des choses très différentes. En effet, l’importance comme le nombre des décrets et des textes d’application varient beaucoup selon les lois votées.
Même si le travail législatif peut être amélioré et resserré dans un délai plus contraint, tout en conservant les prérogatives parlementaires pour ce qui est des auditions et des amendements, ne pensez-vous pas que les efforts à accomplir en matière de gain de temps doivent aussi porter sur la publication des décrets et autres textes d’application ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Gabouty, ces problématiques ayant déjà été évoquées, je ne peux que confirmer les éléments de réponse, avec leurs forces et leurs faiblesses, que j’ai précédemment apportés.
Lorsque l’on choisit le vecteur des ordonnances pour traduire rapidement une ambition politique forte, on choisit un instrument dont l’efficacité est globalement avérée. J’en veux pour preuve la réforme du droit du travail, que j’ai évoquée, et d’autres nombreux exemples.
Cet usage n’a jamais été fondamentalement mis en cause dans la Constitution de la Ve République. C’est un outil, on le sait, que l’on doit utiliser. Néanmoins, il ne doit pas devenir la règle : il est essentiel de rappeler ce principe démocratique et politique.
Il n’en reste pas moins que, dans certains cas, cet outil a été d’une grande efficacité. Je l’ai rappelé, s’agissant des ordonnances Travail, en moyenne 45 jours se sont écoulés pour la publication des cinq premières ordonnances et l’ensemble du dispositif a tenu dans un cadre de 101 jours. Ensuite, les décrets d’application ont tous été pris avant la fin de l’année, c’est-à-dire trois mois après la publication des ordonnances. Les lois de ratification sont également intervenues très vite. C’était nécessaire, je pense, car c’est un sujet sur lequel il ne faut pas perdre de temps.
J’en viens, plus globalement, au temps des réformes et à la répartition des efforts entre le temps du vote de la loi et celui de l’application de la loi.
Les circulaires publiées de 2008 à 2011 ont fixé leur feuille de route aux différents gouvernements pour l’application des lois, en prévoyant toujours ce délai de six mois. On a pu constater globalement une amélioration dans l’exécution et le respect dudit délai. Quels que soient les responsables gouvernementaux chargés de ce sujet, c’est une préoccupation partagée.
Il nous faut maintenir la pression, non seulement pour que ces délais n’augmentent pas, mais pour qu’ils soient encore réduits. En effet, si le cadre de six mois peut paraître raisonnable, il convient, dans certains cas, d’aller plus vite.
Je le redis, l’attention doit être portée sur les mesures d’application, qu’elles soient d’origine gouvernementale ou parlementaire. Le Gouvernement, tout comme le Parlement d’ailleurs – on le voit bien dans cette maison –, ne relâche pas ses efforts pour la mise en œuvre effective des politiques publiques. Il faut rester vigilant.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Je souhaite revenir un instant sur le sujet des ordonnances, en prenant un autre angle de vision.
On peut bien entendu, si l’on regarde les chiffres bruts, considérer que le délai d’adoption d’une ordonnance est plus long que celui d’une loi. Or cette comparaison est déséquilibrée puisque, par définition, lorsque l’on habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, le texte de l’ordonnance n’est pas écrit.
En réalité, si l’on devait comparer le travail législatif et l’habilitation à légiférer par ordonnance, il faudrait ajouter, pour un projet de loi, le temps de sa préparation administrative. Encore une fois, si on habilite à légiférer par ordonnance, c’est que, par définition, il n’y a pas de texte !
J’ajoute que, dans bien des cas, le recours à l’ordonnance est lié au fait que le sujet sur lequel il faut légiférer est soit d’une grande complexité, soit particulièrement épineux.
Suivons le raisonnement inverse. Choisir de légiférer « en direct » plutôt que d’habiliter à prendre par ordonnance des mesures relevant de la loi, en termes de temps passé et de résultat obtenu, ne serait pas forcément, de façon éclatante, beaucoup plus avantageux… Cela ferait peser, en tout cas, un risque supplémentaire de surcharge sur nos institutions.
Pour rester un instant sur cette question de surcharge, je tiens à faire passer un message à M. le secrétaire d’État : les niveaux de capacité des services juridiques des ministères, qui produisent non seulement les projets de loi, mais surtout les projets de décret et d’arrêté, sont assez variables. Certains ministères, peu outillés, sont quelque peu sous pression lorsqu’ils doivent rédiger des textes importants.
Aussi la mutualisation, c’est-à-dire un service juridique commun à plusieurs ministères ayant à traiter des thématiques voisines – c’est le cas, notamment, pour Bercy et pour l’ensemble « équipement, environnement, logement » – est-elle, à mon avis, une expérience positive.
À cet égard, il convient de souligner le dévouement et les efforts de ces services de production du droit au sein de l’État. Bien que leurs effectifs soient en général peu nombreux et qu’ils soient surchargés de travail, ils font face.
Enfin, je profite de cette occasion pour dire que le secrétariat d’État chargé des relations avec le Parlement joue, lui aussi, un rôle extrêmement utile pour la qualité de la relation entre le législateur et l’administration.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Je serais tenté de répondre simplement que je suis d’accord… (Sourires.)
Pour illustrer ce propos, je citerai l’exemple de l’ordonnance du 2 mars 2017 portant dispositions relatives à l’outre-mer du code de la consommation, qui a nécessité en amont 1 065 jours. Il peut donc se produire en la matière de véritables dysfonctionnements et il est important que nos services puissent se rapprocher pour travailler ensemble.
Ce travail de « partage » est assuré par le secrétariat général du Gouvernement, même si celui-ci n’est pas placé sous l’autorité des assemblées ni même du secrétariat d’État chargé des relations avec le Parlement. C’est le SGG qui doit favoriser ce lien pour permettre une plus grande fluidité.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aimerais évoquer une loi dont l’application a été fulgurante… puisqu’elle a été appliquée avant d’être votée ! Je veux parler de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le portail Parcoursup a été institué par un arrêté, pris alors que le projet de loi n’était même pas encore en discussion au Sénat. Cet arrêté a ensuite été annulé et remplacé par un arrêté identique portant application de la même loi.
Il y a là une sorte de forgerie qui nous pose problème et qui, par ailleurs, nous prive aussi d’un pouvoir de saisine du Conseil d’État. En effet, l’annulation du premier arrêté rend probablement caduque notre saisine – le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur le fond, mais sa réponse sera sans doute celle-là.
Je connais votre argumentaire, monsieur le secrétaire d’État, vous allez nous dire qu’il fallait absolument éviter le tirage au sort à la rentrée de septembre 2018. Vous savez, comme moi, que le tirage au sort était illégal ; si telle était votre seule intention, il suffisait d’appliquer la loi !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Nous avons déjà eu l’occasion de répondre à cette question.
Ce que je sais, monsieur le sénateur, c’est que, grâce au dispositif Parcoursup, 75 % des candidats bacheliers connaissent aujourd’hui leur destination pour la rentrée de septembre, et c’est une excellente nouvelle.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la moindre des choses !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. En effet, voilà un an – il est important d’avoir de la mémoire, ici comme ailleurs ! –, aucun candidat bachelier n’avait d’informations sur cette destination. Aucun ! Nous pouvons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, être rassurés sur ce point.
Le dispositif – peut-être illégal – du tirage au sort était de règle depuis de trop longues années, et vous savez quels dégâts il a pu faire.
Le Gouvernement a donc fait le choix de s’adresser aux candidats au baccalauréat et de sortir d’un système inique pour mettre en place un autre système, qui soit le plus efficace possible. Souhaitons collectivement qu’il soit à la fois le plus efficace et le plus juste possible, et qu’il mette un terme à ce scandale démocratique qu’était le tirage au sort.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Vous n’avez pas répondu à ma question sur l’application anticipée de la loi, monsieur le secrétaire d’État.
Par ailleurs, si, l’année dernière à la même date, les candidats au bac n’avaient pas reçu de réponse, c’est tout simplement parce que le portail n’était pas ouvert ! Il a ouvert un peu plus tard… (M. Pierre-Yves Collombat s’amuse.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Je vous le confirme, monsieur le sénateur, je suis moi-même parent d’élève et, l’année dernière à la même date, alors que ma fille passait son bac quelques semaines plus tard, nous étions dans l’incertitude… Mais on peut avoir la nostalgie d’un système qui ne fonctionnait pas !
Je vous ai répondu de façon assez politique en disant que le Gouvernement avait fait un choix, qui n’était pas celui du statu quo.
Nous nous sommes déjà expliqués à plusieurs reprises sur cette question. J’ai moi-même affirmé, dans l’hémicycle du Sénat, notre volonté de ne pas laisser l’incertitude et l’injustice être la règle, tout en acceptant le débat parlementaire.
C’est un choix. On peut le regretter, mais les candidats au bac, notamment celles et ceux qui échapperont au tirage au sort, ne manqueront pas de l’apprécier.
M. le président. Je rappelle que nous discutons du bilan de l’application de la loi… Nous notons que, l’an prochain, nous ferons le bilan de la loi ORE !
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans les médias, on ne parle aujourd’hui que du projet de loi ÉLAN.
Alors, parlons-en : son article 15 menace la protection du patrimoine et prévoit de transformer l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France, l’ABF, en avis simple pour l’installation d’antennes relais, ainsi que pour la résorption de l’habitat insalubre dans les secteurs protégés au titre du patrimoine.
En cas de recours par la mairie ou l’établissement public de coopération intercommunale – EPCI – sur l’avis d’un ABF, le silence gardé par le préfet vaudra acceptation du recours.
Ces dispositions peuvent profondément fragiliser la protection du patrimoine. Elles remettent en cause, en particulier, les dispositifs de sauvegarde des sites patrimoniaux remarquables.
À l’Assemblée nationale, le rapporteur de la commission des affaires culturelles a bien tenté de rééquilibrer un peu le dispositif par amendement, en instaurant la possibilité de recourir à un médiateur dans le cas des recours déposés contre les avis des ABF. Mais c’est cosmétique !
Si le texte devait être adopté en l’état, les plans de sauvegarde et de mise en valeur ou les plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine pourraient tout simplement être contournés, au prétexte de lutter contre l’habitat insalubre. Or les régimes de protection des sites patrimoniaux remarquables ont été mis en place voilà même pas deux ans, par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite LCAP.
Le décret d’application des articles concernés date du 29 mars 2017. Sur quel bilan de la loi LCAP le Gouvernement se fonde-t-il pour remettre aujourd’hui en cause les équilibres de protection patrimoniale de ce texte ?
M. le président. C’est donc plutôt sur le bilan de la loi que porte la question…
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Justement, monsieur le président, il va m’être difficile de répondre. Philippe Bas nous invitait précédemment à atteindre l’idéal en matière d’exécution. En l’occurrence, l’idéal serait que je puisse évoquer les modalités d’application d’une loi qui n’a pas encore été votée ! (Exclamations.)
Je propose donc, pour ce qui concerne le premier volet, que l’on prenne le temps d’attendre le débat parlementaire.
Sur la partie relative à l’architecture et au patrimoine, vous évoquez notamment, monsieur le sénateur, les modalités de délivrance et de retrait du droit de reproduire vis-à-vis des services administratifs, qui seraient aujourd’hui contraires, selon les indications dont nous disposons, au droit communautaire.
Après un avis négatif du Conseil d’État, le Gouvernement a décidé de ne pas prendre cette mesure. Nous sommes donc, sur ces sujets, en attente de précisions. La discussion parlementaire nous permettra d’avancer et de tenter de répondre à ce moment-là. Cela se fera peut-être dans le cadre de l’examen du projet de loi ÉLAN, mais je ne peux pas le garantir.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Pour ce qui est de l’approche quantitative, 41 mesures ont été appliquées sur les 43 attendues.
M. le président. Il en reste donc deux…
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. J’ai expliqué pourquoi l’une d’entre elles n’avait pas été traitée, sans entrer dans le détail.
L’autre, introduite par l’article 53 de la loi LCAP, concerne les missions de recherche des enseignants des établissements d’enseignement supérieur dans la création artistique, dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer qu’après consultation interministérielle des organisations syndicales, il a été décidé que la réforme du statut des enseignants était nécessaire avant de prendre cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme je l’ai fait en commission des affaires économiques, je voudrais prolonger notre propos sur le contrôle de l’application des lois en l’élargissant à un sujet qui me tient à cœur et pour lequel j’ai récemment présenté deux propositions de loi : l’une a été votée à l’unanimité par notre chambre – il s’agit de la proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d’impact des projets de loi – ; l’autre a été renvoyée à la commission.
Sans vouloir froisser personne, même si nous en mesurons l’utilité, le bilan présenté dans le rapport de Valérie Létard, que je tiens à remercier, est essentiellement quantitatif. La norme de l’exercice le veut ainsi. Mais, en définitive, ce qui nous intéresse en tant que législateur, c’est, au-delà de leur mise en œuvre effective, l’effet de l’application des lois que nous votons dans la vie de nos concitoyens.
L’article 24 de la Constitution nous confie la responsabilité d’évaluer les politiques publiques. L’exercice d’aujourd’hui relève de notre mission de contrôle, mais comment contrôler efficacement sans évaluer l’effet des textes promulgués, et inversement ?
J’observe qu’en mars dernier, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale a publié un rapport, dont je partage totalement le diagnostic en ce qui concerne les insuffisances de l’évaluation des politiques publiques par les parlementaires, même si je peux émettre des réserves sur les solutions proposées. Celles-ci consistent en effet à externaliser un travail que nous devrions être en mesure d’accomplir par nous-mêmes, et selon des méthodes accessibles à tous.
Le 19 avril, le journal Le Monde a publié une tribune signée de députés de toutes tendances, dressant le même constat. Ces députés appellent à la création d’« un office d’évaluation des politiques publiques, avec en son sein une unité de chiffrage transpartisane et indépendante de l’administration et des groupes d’intérêt ».
C’est en substance ce que je présentais le 7 mars dernier, en séance publique, devant notre Haute Assemblée, en proposant un conseil parlementaire d’évaluation des politiques publiques et du bien-être, tout en promouvant l’utilisation de nouveaux indicateurs de richesse, complémentaires du produit intérieur brut, ou PIB. Cette proposition a été renvoyée à la commission.
Comme il faut être exigeant avec les siens, je souhaite que le Sénat soit moteur à l’avenir dans ce domaine.
J’ajoute cette question à l’adresse du Gouvernement : entendez-vous, monsieur le secrétaire d’État, donner une suite à la proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d’impact des projets de loi, votée par le Sénat le 7 mars dernier à l’unanimité, et qui s’inscrit dans la démarche actuelle des députés ?