M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Du point de vue de notre commission, l’application des lois est globalement satisfaisante, en dépit d’un certain nombre de retards dans la publication de décrets, dont le détail se trouve dans le rapport écrit.
Néanmoins, je vais de nouveau, comme chaque année – mon prédécesseur le faisait –, formuler ce qui devient une plainte récurrente. À force de nous répéter, peut-être finirons-nous par avoir satisfaction…
Cette année pas plus que les précédentes, en effet, nous n’avons reçu le bilan annuel, politique, opérationnel et financier des opérations extérieures, ou OPEX, – cette affaire est évidemment très importante – que le Gouvernement devrait nous transmettre en application de l’article 4 de la loi de programmation militaire de 2013. Nous le réclamons chaque année. Il y a trois ans, notre commission a même été obligée de se substituer au Gouvernement pour évaluer les efforts consentis.
Nous souhaitons vivement que le Gouvernement remplisse son obligation. Pourquoi ? Je rappelle brièvement la procédure : en application de l’article 35 de la Constitution, c’est le chef de l’État qui engage les opérations extérieures au titre de chef des armées, ce qui est bien naturel ; puis, le Parlement doit être informé, par tout moyen, dans les trois jours ; lorsque la durée de l’opération excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement.
Mais une fois que le Parlement a voté, l’autorisation est éternelle : elle peut durer des années. Nous sommes donc privés d’un contrôle normal des OPEX.
Or je rappelle que, dans les documents budgétaires, l’enveloppe s’élève à 400 millions d’euros et que la réalité des chiffres est supérieure au milliard. C’est pourquoi le Parlement doit pouvoir contrôler annuellement le déroulement des OPEX.
J’observe, du reste, que seules quatre opérations sont achevées sur l’ensemble des opérations extérieures. Les autres mobilisent des effectifs nombreux de nos forces armées, qu’elles exposent dans leur vie et dans leur sécurité, et des crédits très importants.
Il est normal de pouvoir programmer, chaque année, un débat avec le Gouvernement sur le déroulement de ces opérations extérieures. Profitons de la loi de programmation militaire – la LPM – qui sera, je l’espère, exécutée le plus scrupuleusement possible, puisqu’elle a été votée très largement par notre assemblée.
Je souhaite que nous puissions bénéficier de ce rapport sur les OPEX. C’est un point très important à la fois pour le dialogue et pour que nous sachions exactement dans quelles conditions sont engagées nos forces armées sur des terrains excessivement dangereux.
J’ai donc voulu, cette année, focaliser mon propos sur ce point particulier, qui est celui qui nous préoccupe le plus.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Je vous remercie de cette interpellation, monsieur le président de la commission, et je ne ferai pas de réponse fuyante.
S’agissant du bilan des opérations en cours, qu’elles soient extérieures ou intérieures, il est traditionnel de communiquer sous forme d’audition devant les commissions compétentes, et ce pour des raisons que chacun comprendra.
Mme la ministre des armées a présenté un bilan devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2017, puis s’est exprimée devant la commission de la défense le 8 mars 2018.
Vous avez raison, il convient de se méfier des autorisations éternelles : l’éternité fait toujours courir un risque, surtout dans la vie politique !
Il serait utile que la ministre, qui y est tout à fait disposée, vienne s’exprimer devant vous. Je sais qu’elle a apprécié les débats ayant eu lieu dans votre hémicycle lors de l’examen de la LPM. Elle est prête à venir présenter le bilan annuel politique et opérationnel des OPEX, à votre convenance, dans un cadre un peu différent de celui-ci.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Je prends acte des déclarations positives de M. le secrétaire d’État. Néanmoins, le Gouvernement fournit beaucoup plus d’éléments dans un rapport qu’il n’en livre au cours d’une audition, laquelle, par définition, est limitée dans le temps. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un premier pas. J’espère qu’à l’avenir, nous irons vers une plus stricte application de la LPM.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales, dans la période concernée, est touchée par 6 lois, qui appelaient 75 mesures réglementaires : 53 ont été prises.
Parmi celles qui ne l’ont pas été, deux concernent particulièrement la commission des affaires sociales.
Premièrement, les pratiques avancées des professionnels paramédicaux prévues par l’article 119 de la loi de modernisation de notre système de santé sont essentielles pour l’évolution des prises en charge des patients, surtout dans un contexte de désertification sanitaire de plus en plus prégnante. L’application de cet article dépend évidemment de négociations qui paraissent difficiles. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer l’état d’avancement de ces négociations et les principaux termes de celles-ci ?
Deuxièmement, notre responsabilité est grande sur la question de l’amiante. Le repérage amiante avant travaux, pour lequel un décret a été pris, n’est toujours pas effectif, faute des arrêtés nécessaires. C’est un problème de santé publique extrêmement important. Quel est, monsieur le secrétaire d’État, l’avancement de ce dossier ?
Mon intervention ayant été courte, j’attends des réponses courtes, mais précises de la part du Gouvernement…
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Concernant l’article 119 de la loi de modernisation de notre système de santé, le déploiement de la pratique avancée pour les auxiliaires médicaux fait partie des priorités du Gouvernement et des élus. Tous les sénateurs ici présents – du Vaucluse, des Alpes-de-Haute-Provence ou des autres départements – savent combien c’est important.
Le Premier ministre a décidé de prioriser, dans un premier temps, la pratique avancée pour la profession d’infirmière, en fixant comme objectif une entrée en formation dès la prochaine rentrée universitaire.
Le dispositif réglementaire est composé d’un décret en Conseil d’État et de deux arrêtés définissant le périmètre de compétence du futur cadre infirmier en pratique avancée, et ses conditions d’exercice. L’ensemble des textes d’application devrait être publié au début du mois de juillet pour préparer au mieux la rentrée et permettre, comme je l’indiquais, à une première promotion d’infirmières de pratique avancée, ou IPA, de commencer sa formation dès septembre 2018.
En ce qui concerne la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, 6 arrêtés seront nécessaires pour l’application complète du dispositif de repérage de l’amiante avant travaux, dont l’entrée en vigueur était prévue au plus tard au 1er octobre 2018.
Votre alerte va dans le bon sens. Il est nécessaire que l’on puisse progresser sur ce sujet et le Gouvernement est mobilisé en ce sens. Aujourd’hui, seul l’arrêté concernant le domaine des immeubles bâtis devrait respecter cette date butoir. Je l’avoue, et j’assume la part de reproches que vous pourriez nous adresser : nous ne sommes pas en mesure de procéder à l’application complète du dispositif de repérage de l’amiante avant travaux. Mais le secteur des immeubles bâtis représente à lui seul 80 % des opérations de traitement de l’amiante, soit environ 20 000 chantiers par an.
Nous aurons donc un petit décalage. L’objectif est de respecter l’échéance pour 80 % des opérations, mais évidemment sans abandonner les 20 % restants, le Gouvernement y veillera.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Puisque M. le secrétaire d’État a fait allusion à la Provence, je lui signale qu’il existe à l’heure actuelle une volonté forte de la part des facultés de médecine de prendre en charge les écoles d’infirmière, ce qui ne me semble pas obligatoirement une bonne solution. Attention, donc !
M. Gérard Dériot. Très juste !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. La commission de la culture a été saisie d’un très petit nombre de textes législatifs au cours de la session écoulée. Sur 5 textes, 3 étaient des propositions de loi d’origine sénatoriale, émanant de trois groupes différents. C’est à leur sujet, monsieur le secrétaire d’État, que je souhaiterais aujourd’hui vous interroger.
Plus d’un an après leur promulgation, la loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat et la loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs ne sont pas encore complètement appliquées.
S’agissant de la loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français, il faudrait préalablement qu’un décret fixe la liste des formations dans lesquelles l’admission en seconde année du deuxième cycle conduisant au master peut dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Chacun ici est bien conscient des raisons pour lesquelles le Gouvernement a souhaité d’abord s’attaquer au chantier de l’orientation des étudiants, mais ne perdons surtout pas de vue la mise en œuvre de la sélection lors de la poursuite des études.
S’agissant de la loi visant à préserver l’éthique du sport, plusieurs textes manquent encore pour son application. Je pense, notamment, au décret relatif au droit à l’image des sportifs. Après une période d’hésitation, voire de réticence, j’ai cru comprendre que ce texte était désormais sur les rails. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le secrétaire d’État, et nous apporter des précisions ?
Au-delà de ces deux textes qui ont été adoptés lors de la session 2016-2017, nous nous félicitons de la parution de la quasi-intégralité des mesures d’application de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, pour laquelle le Sénat a joué un rôle important – le texte avait été voté pratiquement à l’unanimité en juillet 2016.
Par-delà le décompte des mesures réglementaires, je regrette qu’il existe parfois un décalage entre la volonté du législateur et la mise en œuvre de la loi. Je pense, par exemple, au permis de faire ouvert en matière d’urbanisme à titre expérimental, que le nouveau gouvernement a souhaité généraliser avant même la mise en place de l’expérimentation. Ce choix politique différent est, bien sûr, le signe de notre vie démocratique…
En revanche, le décret relatif au service public d’archives datant de mai 2017 laisse entière la définition du service public des archives, renvoyée bien sûr au décret lors de nos débats parlementaires. Mais nous avions souhaité, à l’époque, que soient établis des critères précis.
Enfin, je dirai un mot sur le manque de parution de rapports. Certains sont attendus parfois depuis plusieurs années. Je constate avec regret que ce retard traduit simplement, dans un trop grand nombre de situations, une méconnaissance, encore une fois, de la volonté du législateur.
C’est le cas pour les emplois de docteur dans les corps de fonctionnaires de catégorie A. Mais j’allais dire ironiquement : nul besoin de rapport à ce sujet puisqu’aucune mesure d’application de cette disposition de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche n’a jusqu’à présent été prise !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Pour la rentrée 2018, le projet de décret relatif au diplôme conférant le grade de master et modifiant l’article évoqué est dans le circuit des contreseings depuis le 4 mai. Il sera publié très prochainement afin que sa mise en œuvre soit effective pour la prochaine rentrée.
S’agissant de la loi du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, un certain nombre de sujets ont été soulevés : l’exploitation commerciale de l’image, du nom, de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel susceptible de donner lieu au versement de redevances. Tout cela a fait l’objet d’une concertation dématérialisée, qui s’est terminée le 18 avril dernier. Le dossier est désormais sur le bureau du Premier ministre et donnera lieu rapidement à un arbitrage sur le coût du dispositif pour les finances publiques.
S’agissant de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, vous avez bien noté, madame la présidente de la commission, que le permis de faire, proposé à titre expérimental, était devenu la règle.
Pour ce qui est de la définition de la notion de service public d’archives, le décret prévoit qu’un « service public d’archives a pour missions de collecter, de conserver, d’évaluer, d’organiser, de décrire, de communiquer, de mettre en valeur et de diffuser des archives publiques ». C’est sur cette base que nous devons travailler.
Vous avez enfin cruellement rappelé le retard accumulé dans la production des rapports gouvernementaux. C’est effectivement le cas de celui que vous évoquez, ce qui m’amène, hélas ! une fois encore, à reconnaître une part de responsabilité.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je vous remercie de ces réponses.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Le bilan d’application des lois suivies par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est, cette année, contrasté.
Certaines grandes lois du dernier quinquennat, en particulier la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, sont presque totalement applicables, ce qui est un motif de satisfaction.
En revanche, pour les lois de la session 2016-2017, le bilan est loin d’être satisfaisant puisque, sur les 39 mesures d’application prévues, seules 13 ont été prises au 31 mars dernier, soit un taux d’application de 33 %. De plus, seulement 23 % de ces mesures avaient été prises dans les six mois suivant la promulgation.
Plus grave encore, l’État a récemment été condamné, à deux reprises, par le Conseil d’État pour n’avoir pas pris certaines mesures d’application de la loi Grenelle 2, qui date de 2010. Il s’agit de mesures concernant la pollution lumineuse. Dans une décision du 28 mars, le Conseil d’État a enjoint le Gouvernement de respecter ces dispositions et de prendre dans un délai de neuf mois les arrêtés nécessaires, sous peine d’une astreinte de 500 euros par jour.
Sur la biodiversité, dans une décision du 9 mai, le Conseil d’État a aussi ordonné au Gouvernement d’édicter dans un délai de six mois un décret fixant la liste des habitats naturels à protéger. Cette injonction est également assortie d’une astreinte de 500 euros par jour.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quand ces mesures d’application seront prises ? Au-delà, quelles sont les raisons d’un tel retard ?
De manière plus générale, sur les 28 lois relevant des domaines de compétence de la commission adoptées au cours des dix dernières années et prévoyant des mesures d’application, 10 nécessitent encore une ou plusieurs mesures réglementaires.
Enfin nous constatons, comme chaque année, que plus de la moitié des rapports demandés au Gouvernement dans des dispositions législatives n’ont pas été remis au Parlement. En particulier, 5 des 6 rapports prévus dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages n’ont pas été établis dans les délais prévus. Où en sommes-nous ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Vous avez évoqué, monsieur le président de la commission, les retards sur la loi Grenelle 2 et le risque de sanctions par le Conseil d’État à l’encontre du Gouvernement.
J’ignore si la pression que le Parlement fait aujourd’hui peser sur moi, et que je répercuterai sur les autres membres du Gouvernement, sera plus efficace que celle qu’exerce le Conseil d’État. En tout état de cause, vos deux actions conjuguées devraient conduire à davantage d’efficacité.
Vous m’avez interrogé sur quelques sujets ciblés, notamment sur la lutte contre la pollution lumineuse. L’arrêté est en cours d’élaboration pour que la consultation du public ait lieu en septembre, avant celle du Conseil national d’évaluation des normes et du Conseil national de la protection de la nature. Notre objectif est de publier les arrêtés avant la fin de cette année, ce qui nous permettra d’éviter l’astreinte que vous avez rappelée.
Vous avez évoqué les rapports demandés au Gouvernement dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Je me félicite du taux d’application de ce texte – 80 % –, alors même que le nombre des articles avait doublé durant la navette parlementaire. N’oublions pas, je l’ai rappelé, que les services peuvent éprouver une certaine réserve face à des propositions n’émanant pas d’eux.
Bref, si le niveau atteint n’est pas satisfaisant, puisqu’il ne s’établit pas encore à 100 %, il est néanmoins élevé.
Vous m’avez interrogé sur certains rapports en particulier.
Sur le rapport relatif à la conversion de certaines aides publiques monétaires en valeurs d’usage et sur le rapport relatif aux expérimentations menées en matière d’affichage de la durée de vie des produits, nous accusons effectivement un retard beaucoup trop lourd. Je transmettrai votre demande au ministre de la transition écologique et solidaire.
Le rapport sur les broyeurs d’évier, quant à lui, a nécessité une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME ; il est en cours de validation.
Le rapport sur l’impact économique de l’interdiction des sacs plastiques devrait pouvoir être remis d’ici à la fin du deuxième semestre 2018, tout comme le rapport sur le principe de la réversibilité du stockage des déchets, qui devrait également vous être remis avant la fin de cette année.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à ma question sur le décret devant fixer la liste des habitats naturels à protéger. J’imagine que sa publication ne saurait plus tarder…
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Tout à fait ! Il s’agit d’une injonction du Conseil d’État et nous avons obligation de le publier avant le 9 novembre 2018. Nous avons six mois pour éviter à la fois l’astreinte du Conseil d’État et les foudres du Sénat, et nous nous tiendrons à ce délai !
M. le président. Bien évidemment, et conformément à notre mission de contrôle, nous vérifierons l’an prochain que les engagements pris auront été tenus.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. La commission des finances constate cette année un taux de mise en application des lois promulguées de 83 %, supérieur à celui de la session précédente, qui n’était que de 76 %. Elle note également des délais en amélioration : alors que, l’an passé, moins de 30 % des mesures d’application avaient été prises dans le délai de six mois, ce taux dépasse 65 % cette année.
Dans l’ensemble, les textes réglementaires attendus ont été publiés et sont conformes à leur objet, ce qui est un motif de satisfaction.
Cependant, nous ne pouvons bien évidemment pas nous contenter de vérifier si les décrets et arrêtés sont pris dans l’année suivant la promulgation des lois, puisque certaines dispositions législatives nécessitent une mise à jour régulière de leurs mesures d’application.
Je citerai, à cet égard, deux exemples.
Tout d’abord, en application de l’article 238-0-A du code général des impôts, la liste des États et territoires non coopératifs doit être actualisée au moins une fois chaque année, ce qui n’a pas été le cas depuis avril 2016 et l’affaire dite des « Panama papers ». Le Gouvernement entend-il mettre à jour cette liste, comme le prévoit la loi, sans attendre qu’une nouvelle affaire conduise à des révisions en urgence ?
Ensuite, l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit que le classement des zones tendues, qui emporte des conséquences importantes dans l’application des politiques du logement, notamment pour les dispositifs fiscaux intéressant notre commission, soit révisé au moins tous les trois ans. Or sa dernière révision date du 30 septembre 2014, voilà plus de trois ans et demi. Le Gouvernement entend-il faire quelque chose ?
Enfin, la commission a pu constater que l’ensemble des mesures d’application de l’article 60 de la loi de finances pour 2017 introduisant le prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu ont été prises dans le délai de six mois suivant la promulgation de la loi. Toutefois, alors que l’entrée en vigueur de cette disposition est désormais toute proche, des instructions fiscales semblent encore nécessaires pour préciser notamment certaines dispositions transitoires. À quelle échéance toutes les mesures d’application seront-elles prises ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Effectivement, le code général des impôts prévoit que la liste des États et territoires non coopératifs soit actualisée au moins une fois par an. C’est important. Or cela n’a plus été fait, comme vous l’avez rappelé, depuis avril 2016.
Cette liste sera actualisée sur la base de l’adoption du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, déposé sur le bureau de la Haute Assemblée, et qui fixera les nouveaux critères d’identification de ces États. Ainsi, nous actualiserons et étendrons la liste nationale actuelle, en tenant compte de la liste noire européenne.
Une mise à jour immédiate, destinée à s’appliquer pendant un laps de temps aussi court, ne serait pas utile. Mais après l’adoption de ce projet de loi, qui devrait intervenir rapidement, il faudra que nous puissions procéder à cette actualisation le plus vite possible.
En ce qui concerne la mise à jour du classement des zones tendues, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur la pertinence des zonages. Cela sera fait au mois de septembre. C’est à la lumière de ce rapport et des débats qu’il suscitera au sein du Parlement que s’opérera la mise à jour. Elle pourrait intervenir avant l’adoption définitive du projet de loi de finances, pour répondre aux sollicitations du président Éblé.
Enfin, en ce qui concerne l’échéancier de parution des instructions fiscales sur le prélèvement à la source, l’objectif de publication est fixé à la fin du mois de juin 2018.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Dont acte !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le secrétaire d’État, quand après plus d’une année, encore 28 % des textes d’application des lois ne sont pas pris – et c’est le cas pour les textes concernant la commission des lois –, même s’il s’agit d’un progrès, on ne peut se dire satisfaits, ou alors c’est que l’on se contente de peu. Le seul chiffre acceptable après un tel délai serait bien sûr 100 % ! Ne croyez-vous pas que le Gouvernement a encore un très gros effort à fournir ?
Par ailleurs, vous avez admis très justement que le Gouvernement subissait, pour la publication des décrets, le pouvoir d’injonction sous astreinte du Conseil d’État et la pression politique que peut exercer le Parlement.
Comme l’a rappelé la présidente Valérie Létard, le Gouvernement serait bien avisé d’accepter, dans la réforme de la Constitution, que les parlementaires puissent saisir le Conseil d’État pour que celui-ci décide éventuellement d’une astreinte. Le propos que vous avez tenu à l’instant laisse bien augurer de l’intention du Gouvernement, mais si vous pouviez préciser votre position de la manière la plus claire, ce serait pour nous réconfortant.
De plus, il y a les aspects quantitatifs, mais il y a aussi les aspects qualitatifs. La loi pour une République numérique a été promulguée le 7 octobre 2016, mais ses deux principales mesures n’ont fait l’objet d’aucun décret d’application et restent donc lettre morte : il s’agit de la « mort numérique » et du principe « dites-le-nous une fois », qui dispense de produire une deuxième fois un document déjà transmis à l’administration.
Enfin, au-delà des décrets d’application, il y a aussi les ordonnances…
Nous avons essayé de faire comprendre au Gouvernement que son idée de banque de la démocratie était parfaitement nébuleuse. C’était un objet politique non identifié. Le Gouvernement a insisté, contre notre avis, pour qu’une ordonnance soit prise avant le 15 juin 2018. Les délais sont explosés et, à moins d’un véritable miracle, vous n’y arriverez pas – il faudrait d’ailleurs que vous saisissiez avant le Conseil d’État.
Que comptez-vous faire pour satisfaire l’exigence de l’ancien garde des sceaux, François Bayrou, et pour que, si cette ordonnance n’est pas prise, un projet de loi soit déposé rapidement ? (Exclamations.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Nous rêvons tous du parfait, monsieur le président de la commission des lois, en l’occurrence du 100 % !
Vous souhaitez que le Parlement puisse saisir le Conseil d’État. Vous aurez ce débat sur les évolutions constitutionnelles avec la garde des sceaux. Je ne doute pas que nous pourrons nous retrouver sur ces questions, car nous partageons cet objectif d’idéal !
En ce qui concerne la loi pour une République numérique, le travail se poursuit au niveau interministériel. Un groupe de travail présidé par Mme Anne Caron-Déglise devrait rendre son rapport au mois de juillet 2018. Nous avons souhaité attendre cette publication, mais celle du décret devrait suivre.
En ce qui concerne l’habilitation à légiférer par ordonnances afin de créer une banque de la démocratie, vous avez raison : quelques retards sont à craindre d’ici au 15 juin. Une mission commune de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, a réalisé un travail sérieux pour mesurer l’ampleur du besoin, comme le Gouvernement s’y était engagé dans le cadre des échanges qui ont eu lieu, notamment au Sénat.
Après des auditions et des questionnaires adressés à des milliers de candidats, elle a conclu que le problème résidait moins dans le refus de crédits pour les candidats que dans les délais pour obtenir ces crédits et dans le manque d’information des candidats sur les démarches à accomplir pour obtenir ces prêts. Le besoin semble moins être celui du financement public que d’un accompagnement dans les relations avec les banques.
Nous travaillerons donc à trouver une solution permettant de garantir le financement de la démocratie. Cette solution sera peut-être plus légère que celle qui consiste à créer un établissement bancaire.