M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 240 |
Contre | 85 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la ministre. Elle a pu constater quel voyage de rêve lui a offert le Sénat. (Sourires.)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’étape que nous franchissons aujourd’hui est majeure. Nous venons d’engager la transformation de notre système ferroviaire, pour qu’il s’adapte aux besoins et aux attentes de nos concitoyens.
Le Gouvernement avait pris auprès des Français des engagements, qu’il a tenus. Non seulement nous avons confirmé les grands principes de la réforme, à savoir l’ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation de la SNCF, l’arrêt du recrutement au statut des cheminots et la reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d’euros dans le cadre du quinquennat, mais aussi nous les avons enrichis, grâce aux discussions que le Gouvernement a voulu mener avec les syndicats et toutes les parties prenantes.
Ces enrichissements sont également le fruit d’un travail étroit avec la Haute Assemblée. Je tiens en particulier à remercier le rapporteur, M. Gérard Cornu (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.), ainsi que les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et son président, M. Hervé Maurey (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.), qui ont pris en compte les propositions du Gouvernement et les ont complétées.
Je souhaite saluer notre travail commun, qui a été très constructif, chacun dans son rôle, partageant le même objectif de faire avancer la réforme. Vous avez notamment voulu, mesdames, messieurs les sénateurs, apporter des réponses aux questions que les cheminots pouvaient encore se poser et marquer votre attachement aux enjeux d’aménagement du territoire que je partage.
Je tiens également à saluer M. le président du Sénat, Gérard Larcher (Applaudissements sur les mêmes travées et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.), qui, je le sais, a été attentif à ce que la Haute Assemblée, au-delà de nos divergences, joue pleinement son rôle dans ce débat, fidèle au sens du dialogue inscrit dans son ADN. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRCE et du groupe socialiste et républicain, je vous remercie de la qualité de nos débats. Nous avons un objectif en commun, celui d’assurer un meilleur service public ferroviaire aux Français, bien que nous ne soyons pas d’accord sur les moyens à mettre en œuvre.
La prochaine étape sera la commission mixte paritaire, que vous aborderez, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’en doute pas, dans le même esprit de dialogue, afin d’aboutir à un texte commun avec les députés. Pour les raisons que je viens d’évoquer, je suis confiante, car non seulement les grands axes de la réforme ont été confortés, mais la volonté d’aboutir à un accord pour l’avenir du système ferroviaire français est, je le sais, partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, en salle Clemenceau, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
Mme Annie Guillemot.
M. le président. La séance est reprise.
3
Débat sur le bilan de l’application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l’application des lois (rapport d’information n° 510).
Monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, chère Valérie Létard, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous voici réunis pour notre rendez-vous annuel consacré au bilan de l’application des lois. Il s’agit, pour Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, du premier débat, ici, sur l’application des lois, mais je suis certain qu’il répondra avec précision aux questions qui lui seront posées.
Le Sénat procède annuellement au contrôle de l’application des lois. C’est un exercice dans lequel notre assemblée a été pionnière, et auquel nous accordons, chacune et chacun, une grande importance : faire en sorte que le Parlement puisse contrôler l’action du Gouvernement avec efficacité.
Le groupe de travail sur la révision constitutionnelle a d’ailleurs œuvré en ce sens. Il a notamment proposé d’inscrire dans notre texte fondamental une obligation pour le Gouvernement de prendre les mesures générales d’application des lois.
Je forme le souhait que les débats que nous aurons prochainement sur le projet de loi constitutionnelle puissent participer à faire de la fonction de contrôle du Parlement une véritable priorité, de même rang que la fonction législative.
Au cours de l’année parlementaire 2016-2017, qui vit pour la première fois depuis le début de la Ve République se succéder élections présidentielle, législatives et sénatoriales, nous avons néanmoins voté 48 textes de loi, nécessitant 500 mesures d’application.
Sans plus attendre, je donne la parole à notre collègue Valérie Létard, qui préside la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle. Je la remercie pour la qualité de son rapport d’information sur le bilan de l’application des lois au 31 mars 2018.
Mme Valérie Létard, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de l’organisation de ce débat sur le bilan annuel de l’application des lois. En effet, nous n’avions pas eu la possibilité de l’organiser l’an dernier, en raison de l’interruption des travaux en juin.
Le Sénat a toujours été très vigilant sur la bonne application des lois et, en particulier, sur la publication en temps et en heure des textes réglementaires prévus par le législateur.
Comme les années précédentes, ce bilan est le résultat d’un travail minutieux de chaque commission pour les lois relevant de son ressort. Permettez-moi de saluer la qualité du dialogue avec les administrations et le secrétariat général du Gouvernement, témoignant de la volonté commune du Sénat et du Gouvernement d’une bonne application des lois.
Ce bilan s’appuie également sur les données statistiques issues de la base APLEG propre au Sénat. Cette base et la méthodologie utilisée permettent une homogénéité de la donnée dans le temps, garante de l’effectivité des comparaisons réalisées par la Haute Assemblée au fil des ans.
Ce bilan porte sur l’application des lois promulguées au cours de la session 2016-2017 au 31 mars 2018. Cette date de référence, six mois après la fin de la session concernée, est choisie en raison de l’objectif que s’est fixé le Gouvernement d’une publication des textes d’application dans ce délai.
La session 2016-2017 a été atypique. Pour la première fois depuis le début de la Ve République, se sont succédé au cours d’une même année parlementaire les élections présidentielle, législatives et sénatoriales. Cela a eu des conséquences sur nos travaux.
Hors conventions internationales, ce sont 48 lois qui ont été votées, soit 7 de moins que lors de la session précédente. Hors ceux pour lesquels la procédure accélérée est de droit, 35 de ces textes ont été examinés selon la procédure accélérée, soit 77 % d’entre eux. Cette proportion est en augmentation par rapport à la session précédente. J’ajoute que l’ensemble des projets des lois ont été votés selon cette procédure.
Sur le total des lois votées lors de la session, 21 lois sont d’origine parlementaire, dont 9 d’origine sénatoriale.
J’en viens maintenant au taux d’application des lois. Pour la session 2016-2017, 26 lois appelaient des mesures réglementaires d’application, les 22 autres étant d’application directe.
Le taux d’application de ces 26 lois s’élève, selon les calculs du Sénat, à 73 %. La légère différence avec le calcul du Gouvernement s’explique par le fait que notre suivi porte sur tous les textes réglementaires, y compris les arrêtés.
Une précision méthodologique est peut-être nécessaire : le taux d’application, qu’il soit calculé par le Sénat ou par le Gouvernement, est compris comme le rapport entre le nombre de mesures prises et le nombre de mesures attendues ; il ne tient donc pas compte des articles ou des lois n’attendant aucune mesure d’application.
Pour la session 2016-2017, ce sont ainsi 384 mesures, sur les 527 attendues, qui ont été prises.
Sur les 26 lois nécessitant des mesures d’application, 6 sont intégralement applicables, 18 le sont partiellement, et 2 n’ont donné lieu à aucune des mesures prévues. Il faut toutefois noter que ces deux dernières lois n’attendent qu’une seule mesure chacune, et pourraient donc très prochainement – je l’espère – être considérées comme totalement appliquées.
Le taux d’application des lois de la XIVe législature est très élevé : il dépasse 90 % et, hors lois votées lors de la dernière session, il atteint même 94 %. Sur l’ensemble de la législature, ce sont ainsi plus de 3 000 mesures réglementaires d’application qui ont été prises.
Ce taux élevé d’application des lois de la XIVe législature s’explique notamment par la très forte mobilisation de l’ancien gouvernement dans les derniers jours de son mandat : plus de 400 décrets ont été pris aux mois de mars et d’avril 2017 et dans les dix premiers jours de mai 2017, soit juste avant l’élection présidentielle. Par comparaison, sur la même période en 2016, 147 mesures avaient été prises.
Le délai moyen de prise des décrets pour les lois votées lors de la session 2016-2017 est en diminution : il est de cinq mois et dix jours, contre six mois et vingt-deux jours pour la session 2015-2016. Toutefois, encore 30 % des décrets pris le sont plus de six mois après la promulgation de la loi, dont 6 % plus d’un an après ladite promulgation.
En outre, le délai de prise des décrets d’application est supérieur à celui du vote de la loi selon la procédure accélérée : cinq mois et six jours, soit 158,5 jours, sont en moyenne nécessaires pour les décrets d’application, contre 145 jours pour l’adoption de la loi selon la procédure accélérée.
On peut ainsi s’interroger sur le recours toujours plus accru à cette procédure accélérée, face à une lenteur supposée de la procédure législative : en définitive, le Gouvernement a besoin d’un délai supérieur pour prendre les textes d’application – et encore, il publie seulement une partie des textes prévus.
La période de référence comprend également deux lois de la nouvelle législature appelant des mesures d’application : les deux lois de septembre 2017 relatives à la confiance dans la vie politique. L’ensemble des décrets d’application de ces lois ont été pris.
En outre, les éléments transmis par M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, pour les lois votées depuis le 1er octobre 2017 témoignent d’un engagement fort du nouveau gouvernement.
À titre d’exemple, il ne reste qu’un décret d’application à prendre pour la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Il pourrait être pris avant la fin du mois de juin. Dans ces conditions, cette loi serait rendue totalement applicable dans un délai de moins de quatre mois.
Ce début de XVe législature est donc porteur d’espoir, et nous espérons qu’il annonce une prise de mesures d’application plus complète et plus rapide pour cette nouvelle législature.
Malheureusement, il reste un certain nombre de points noirs. Je n’en citerai qu’un, le trop faible nombre de rapports du Gouvernement remis, et ce malgré nos remarques réitérées chaque année.
Les rapports dits de « l’article 67 », qui doivent être déposés dans un délai de six mois suivant la date de promulgation de chaque loi et permettent de suivre son application, sont très peu remis : on en dénombre 5, seulement, sur les 26 lois de la session appelant des mesures d’application.
Les rapports demandés par le Parlement au Gouvernement dans le cadre d’une loi sont aussi trop rarement remis. Au cours de la session 2016-2017, près de 70 rapports au Gouvernement ont été demandés, dont 48 devaient être remis avant le 20 mai 2018. Or le taux de remise de ces rapports n’est que de 25 %.
Le Sénat est pourtant loin de faire un usage systématique de telles demandes ; il se prononce souvent contre les demandes de rapports qui ne sont pas susceptibles de lui apporter des informations substantielles. Dans ces conditions, il souhaite pouvoir disposer des documents dont le dépôt a été prévu par la loi.
Certains rapports sont remis avec un retard important. Dans d’autres cas, sans aucune explication, ces rapports sont prêts, mais ne sont pas transmis. Par ailleurs, certains rapports ne sont pas transmis officiellement au Parlement, au motif qu’ils sont rendus publics. Or le processus de transmission établi permet notamment de garantir une information rapide des parlementaires sur l’existence de ces rapports.
Mais le présent bilan ne saurait faire abstraction des discussions en cours sur une prochaine révision constitutionnelle. Nous nous sommes ainsi intéressés aux ordonnances, établissant ce constat : l’argument de la célérité de l’ordonnance comme véhicule normatif est à relativiser.
Le délai moyen de prise de l’ordonnance, calculé comme le temps constaté entre la demande d’habilitation et la prise de l’ordonnance, est de 571,5 jours – pour 4 ordonnances, il dépasse 1 000 jours. Ce délai est trois fois plus élevé que le délai moyen nécessaire pour le vote d’une loi pendant la session 2016-2017, qui représente 196 jours.
En outre, l’ordonnance peut elle-même nécessiter des décrets d’application, de nouveaux délais venant alors s’ajouter aux premiers, déjà importants.
Je rappellerai ici le contrôle qui vient d’être mené, au sein de la commission des affaires économiques, sur la loi du 1er juin 2016 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer Action logement. Alors que l’ordonnance a été adoptée rapidement, dans un délai de quatre mois et demi, le comité des partenaires du logement social, dont la création est prévue par l’ordonnance, n’est toujours pas installé, plus d’un an après la mise en œuvre de la réforme, faute d’adoption des décrets relatifs à sa composition et à son fonctionnement.
Or cette structure est fondamentale, car elle est censée jouer un rôle de vigie, qu’elle est seule à pouvoir remplir, au regard des orientations et de la distribution de la participation des employeurs à l’effort de construction entre les organismes et entre les territoires.
Monsieur le secrétaire d’État, quand le Gouvernement compte-t-il prendre le ou les décrets concernant le comité des partenaires du logement social ?
Je terminerai cette présentation en évoquant les propositions en matière d’application des lois émises par le groupe de travail du Sénat mis en place dans la perspective de la révision constitutionnelle.
Parmi ces propositions, figure la création d’un nouvel article 37-2 obligeant le Gouvernement à prendre les mesures générales d’application des lois. En outre, sur le modèle de la saisine du Conseil constitutionnel, il est proposé de permettre aux présidents des deux assemblées, ainsi qu’à une soixantaine de députés ou une soixantaine de sénateurs de saisir le Conseil d’État en l’absence de publication des mesures réglementaires d’application d’une loi dans un délai raisonnable.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, notre institution est très attachée à l’application effective des lois que nous votons.
M. le président. Merci, madame la présidente. Il y a, dans votre rapport, quelques chiffres à méditer ; de cette méditation doivent sortir des solutions !
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour cinq minutes. Nous commençons à nous habituer, y compris le Gouvernement ! (Sourires.)
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la présidente Valérie Létard, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir pour ce premier exercice annuel, en cette législature, de bilan et de dialogue sur l’application des lois.
Vous l’avez dit, monsieur le président, madame la présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, l’application des lois n’est pas une question technique. C’est d’ailleurs la raison de cette initiative et de cette volonté affirmée du Sénat. Il s’agit – je le pense profondément – d’un paramètre important de l’action gouvernementale comme de l’exigence du législateur, en tant que contributeur à l’exercice de la loi.
Chacun ici le sait, une loi qui ne serait pas appliquée ne produirait pas tous les effets annoncés et attendus. Elle se limiterait à l’intention, à l’incantation. Or nos concitoyens ont aujourd’hui une exigence d’efficience, parfaitement légitime, et vous êtes évidemment dans votre rôle en relayant cette exigence.
Je sors un instant de mon texte pour dévoiler une information que je ne devrais sans doute pas dévoiler. Le Président de la République a organisé la semaine dernière un séminaire gouvernemental, comme le font les présidents de la République, et l’un des sujets à l’ordre du jour de ce séminaire était justement celui de l’application des lois.
J’ai donc dû plancher devant les membres du Gouvernement, sans doute pour rappeler les principes que vous avez vous-mêmes portés, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi – tout comme dans votre bilan, nous avons réduit notre réflexion à six mois – pour signaler les quelques retards qui peuvent exister, tout en saluant – vous l’avez fait, j’y reviendrai – une bonne exécution sur ces six premiers mois.
Il est essentiel de se prêter à un tel exercice. Il faut même aller un peu plus loin, et constater que les retards dans l’exécution peuvent parfois être liés à l’adoption d’amendements parlementaires. Il se pourrait que notre administration soit alors moins attentive à mettre en œuvre des initiatives parlementaires que des dispositions déjà présentes dans le texte du Gouvernement, qu’elle soutient. Ce suivi est donc important.
Je tiens vraiment à vous remercier, et à remercier les présidents de commission, pour le travail exhaustif que vous effectué, ce recensement minutieux qui nous sert aussi. C’est un outil précieux, qui nous permet de confronter nos données aux vôtres et d’objectiver un certain nombre de constats, lesquels peuvent même conduire à des interpellations politiques – mais je laisserai cet exercice au président du Sénat. (Sourires.)
Bien que les méthodologies de calcul en matière d’évaluation de l’application des lois – vous l’avez dit, madame la présidente – diffèrent légèrement, quoiqu’à la marge, les résultats du Sénat et du Gouvernement vont dans le même sens. On constate une diminution constante du délai moyen d’application des lois, qui est passé de six mois et vingt-deux jours en 2015-2016 à cinq mois et dix jours en 2016-2017, et le maintien à un niveau élevé du taux d’application pour la session 2016-2017, à 75 %.
Ces constats positifs s’ajoutent à celui d’un taux d’application élevé des lois votées sous la XIVe législature, qui atteint 93,5 % au 22 mai 2018. Je note en outre que les taux d’application des projets et des propositions de loi sont proches : ils s’élèvent respectivement à 95 % et 91 % – c’est un bon indicateur.
Le Gouvernement entend évidemment rester mobilisé pour assurer l’effectivité des mesures que vous votez et je vous donne acte, madame Létard, des propos par lesquels vous avez qualifié de « prometteur » le début de la XVe législature.
Mais je voudrais témoigner du fait que tous les Premiers ministres, en prenant leurs fonctions à Matignon, commencent par produire une circulaire pour rappeler que toute norme nouvelle devra être compensée par la suppression d’une norme existante. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a été plus ambitieux encore : pour toute norme nouvelle, a-t-il dit, il faut en supprimer deux.
J’ai pu noter que le secrétaire général du Gouvernement avait donné à cette règle le sens d’une injonction comminatoire : il y veille ! Dans certains cas, il a su bloquer des décrets pour obliger les cabinets ministériels, et les ministères, à entrer dans cette logique et à travailler d’abord sur l’efficience de l’exécution, avant d’imaginer produire de nouvelles normes. Ces pratiques vont, me semble-t-il, dans le bon sens.
Outre l’organisation de réunions interministérielles pour chaque loi nouvelle, le suivi de l’application des lois fait toujours l’objet de communications en conseil des ministres. Je ferai de nouveau une communication spécifique sur ce sujet le 4 juillet prochain, soit, conformément à la demande que j’ai formulée auprès du Premier ministre, après notre rencontre de ce jour.
Par ailleurs, nous organiserons en septembre un comité interministériel de l’application des lois, avec le secrétaire général du Gouvernement et l’ensemble des directeurs de cabinet des membres du Gouvernement, pour maintenir la pression.
Nous sommes en effet convaincus, comme vous, qu’un déficit de pression pourrait susciter, sur ces questions, quelque relâchement – il nous faut donc faire preuve de vigilance.
À cette occasion, je ne manquerai pas de souligner l’importance d’entreprendre une action résolue afin que les rapports au Parlement, qu’il s’agisse des rapports dits « de l’article 67 » ou des rapports demandés par le Parlement, soient remis dans les formes. J’ai entendu votre message.
Vous m’avez interpellé, madame la présidente, sur d’autres sujets, qui devraient revenir au cours du débat. Si vous me le permettez, je ne les traite pas immédiatement ; à supposer que je n’aie pas l’occasion, pendant notre discussion, de revenir complètement sur l’une ou l’autre de vos demandes, s’agissant notamment des ordonnances ou du comité des partenaires du logement social, je le ferai à l’issue du débat, afin de respecter mon temps de parole et d’éviter ainsi de me faire gronder par le président du Sénat. (Sourires.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif. Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes maximum et que le Gouvernement peut, s’il le souhaite, répondre à chaque orateur pour une durée équivalente.
Je vais tout d’abord donner la parole aux présidents des commissions ou à leurs représentants.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur les 18 lois dont l’application est suivie cette année par notre commission, nous n’en comptons que 6 totalement applicables, dont seulement 3 – je dois le dire – d’application directe. Cette année encore, aucune loi n’apparaît, et c’est heureux, comme totalement inapplicable.
Plus particulièrement, l’examen de l’application des lois d’août 2015 relative à la transition énergétique et de février 2017 ratifiant les ordonnances relatives à l’autoconsommation d’électricité me conduit à déplorer l’absence d’application réglementaire de deux mesures en faveur des consommateurs en situation de précarité énergétique.
La première a trait à la mise à disposition d’afficheurs déportés, qui permettraient aux consommateurs possédant déjà un compteur communicant de consulter en temps réel leurs données de consommation. Deux arrêtés sont annoncés pour les prochains mois. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous être plus précis sur le calendrier et les modalités de déploiement de ces afficheurs ?
La seconde mesure est certes plus ponctuelle, mais non moins essentielle pour ses bénéficiaires : elle concerne l’accompagnement des consommateurs aux revenus modestes qui devraient remplacer un équipement en cas de changement de la nature du gaz distribué – tel sera le cas dans le nord de la France.
Faute d’avoir pu introduire lui-même une aide pécuniaire dans la loi, le Sénat avait demandé un rapport, que le Gouvernement n’a pas remis au Parlement. Là encore, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en est la mission confiée à pas moins de trois corps d’inspection pour étudier les différentes options juridiques et financières et pour définir les contours de cette aide ? Je le redis, le temps presse !
Je n’évoquerai pas ici la loi de juin 2016 réformant Action logement, sinon pour préciser que je partage toutes les interrogations de notre collègue Valérie Létard. Puisque vous nous y invitez, je réitère sa question sur la mise en place des outils de gouvernance, notamment du comité des partenaires du logement social, seul lieu où les élus peuvent siéger.
Pour finir, je tiens à insister sur la défaillance constante dont fait preuve l’administration en matière de remise de rapports.
Les chiffres sont éloquents : un tiers des rapports de l’article 67 attendus par notre commission ont été établis par le Gouvernement.
Certains rapports au Parlement restent sur le bureau des ministres, comme celui, demandé à l’article 32 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, qui concerne la mise en œuvre d’un statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l’hébergement et de l’accompagnement. Depuis le début de l’année 2017, ce rapport est sur le bureau du ministre chargé du logement – et, vous le savez, nous avons pour ce dernier, au Sénat, une affection spéciale.
D’autres rapports, notamment du Conseil général de l’environnement et du développement durable, ne sont pas officiellement transmis au Parlement, au motif qu’ils sont rendus publics. Nous le regrettons : leur transmission officielle constitue une marque de respect et un témoignage d’élégance à l’égard du Parlement.
Monsieur le secrétaire d’État, comment expliquez-vous de tels retards ? Pourquoi les procédures de transmission ne sont-elles pas respectées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Madame la présidente de la commission, vous avez regretté l’absence d’une pleine application de la mesure relative aux afficheurs déportés.
La mise en place de ces dispositifs était effectivement prévue au I de l’article 28 de la loi que vous avez citée. Trois arrêtés devaient être publiés. Ces trois arrêtés sont aujourd’hui rédigés, mais une évaluation du coût du dispositif par le ministère de la transition écologique et solidaire est en cours. C’est sur le fondement de cette évaluation qu’ils seront publiés. Nous allons relancer la demande, pour pouvoir avancer sur ce sujet.
Sur l’aide au remplacement d’un équipement en cas de changement de la nature du gaz distribué, vous aviez effectivement demandé un rapport. Ce rapport a été confié à trois corps d’inspection, qui sont en train d’étudier les différentes modalités, explorant les options juridiques et financières possibles. Ce travail vous sera communiqué.
Vous avez raison, globalement, sur les retards dans la remise des rapports au Parlement. La situation actuelle n’est pas satisfaisante – cela a été rappelé, je n’en disconviens pas. Comme je l’ai dit, j’aurai l’occasion, lors d’un prochain comité interministériel sur l’application de la loi, de faire un rappel à l’ordre sur ce portage nécessaire.
Je profite des quelques secondes qu’il me reste pour répondre rapidement sur un sujet que je n’ai pas abordé, sur lequel vous m’avez relancé : celui du comité des partenaires du logement social.
Il faut avoir en tête que ce comité relève d’un décret d’application prévu par l’ordonnance du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction.
La difficulté que nous rencontrons aujourd’hui est la suivante : si 4 mesures, sur les 9 prévues, ont été appliquées, cette ordonnance est en cours de ratification dans le cadre du projet de loi ÉLAN portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dont l’examen pourrait en bouleverser quelques équilibres.
Il ne s’agit donc pas d’une ratification « sèche ». Dans le cadre dudit projet de loi, quelques modifications seront apportées à l’application et aux dispositions de l’ordonnance, ce qui explique le retard partiel et une volonté de suspension sur certains sujets.
Cette explication ne vaut pas spécifiquement pour le comité des partenaires du logement social, mais il est vrai que la mobilisation des services sur la préparation de la loi ÉLAN leur a fait un peu lever le pied pour engager, justement, une approche plus globale. Si, au terme du vote du projet de loi ÉLAN, le législateur valide le dispositif, il faudra que nous soyons vigilants pour ne pas repartir dans six mois d’attente.