M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Gontard, il ne s’agit pas d’un acharnement de la majorité sénatoriale. C’est en fait le droit européen qui ne permet pas d’écrire ce que vous proposez.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. La relance du fret ferroviaire a besoin d’une politique d’ensemble et non d’une déclaration de principe inscrite dans un projet de loi. Je mène ce combat au niveau européen pour restaurer les conditions d’une concurrence loyale, tant sur le plan social qu’en matière de financement des infrastructures.
Cela passe aussi par des choix d’investissement que nous aurons à faire, notamment dans la continuité des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Il s’agit d’avoir des sillons de qualité, une politique de péage adaptée et de promouvoir une politique d’aide au transport combiné.
C’est l’ensemble de ces éléments qui constitue le plan de relance du fret ferroviaire que je présenterai prochainement.
Je voudrais redire que le mouvement social actuel met en grande difficulté notre fret ferroviaire et les entreprises qui en dépendent.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense que la situation actuelle ne contribue pas à donner confiance dans le fret ferroviaire, et donc dans sa relance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. Michel Vaspart. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 263 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 248 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 90, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État, majoritairement représenté au conseil de surveillance de la SNCF, propose au directoire, et notamment au vice-président représentant SNCF Réseau, l’instauration d’un moratoire sur la fermeture des gares de triage, les points de desserte fret et la suppression des effectifs à Fret SNCF.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, les cheminots apprécieront sûrement la déclaration que vous venez de faire. Vous les rendez responsables de la situation, alors que c’est l’ouverture à la concurrence qui a divisé par deux la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises.
Depuis quinze ans, 400 gares de triage et points de desserte ont fermé. Ce n’est pas la grève des cheminots qui a conduit à cette situation : c’est la politique d’ouverture à la concurrence ! Puisque vous continuez d’affirmer votre attachement à une relance de la politique du fret, vous serez d’accord avec notre amendement, qui a pour objet d’instaurer un moratoire sur la fermeture de ces gares de triage et points de desserte. Vous savez très bien que, si la fermeture de ces infrastructures continue, cela coûtera extrêmement cher et rendra plus difficile encore la relance du fret ferroviaire dans notre pays.
Nous enverrions un signal fort en décidant un tel moratoire, ce qui nous donnerait des atouts supplémentaires dans la politique de reconstruction nécessaire du fret ferroviaire. De toute façon, elle sera indispensable, mais nous espérons qu’elle sera mise en œuvre avant que la catastrophe climatique et environnementale causée par l’envahissement des camions n’ait causé trop de ravages sur les routes de France et d’Europe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Laurent, je partage vos préoccupations sur l’avenir du fret, mais je partage également les propos de Mme la ministre.
Cette grève perlée, comme on dit, ne nous aide vraiment pas. Je n’accuse personne, mais je crains que cette grève longue ne provoque de sacrés dégâts dans le fret ferroviaire.
M. Pierre Laurent. Votez cet amendement et vous enverrez un signal positif !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Les déclarations ne suffisent pas.
Vous allez voir les conséquences de cette grève pour le fret. On reparlera dans quelque temps des responsabilités…
Cela étant, cet amendement contient une injonction au Gouvernement, ce qui n’est pas conforme au principe de séparation des pouvoirs. Il ne relève pas du domaine de la loi de régler ces différents sujets. L’avis est donc défavorable.
Je le répète, je suis très préoccupé par l’avenir du fret avec ce qui se passe actuellement.
Mme Éliane Assassi. Vous ne prenez pas le bon chemin pour régler le problème !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne peux pas partager l’idée d’un moratoire. L’activité de fret ferroviaire est fortement dépendante des évolutions structurelles des secteurs industriels et agricoles. Il est donc indispensable que les outils de production de transport de marchandises que sont les gares de triage et les points de desserte puissent tenir compte des évolutions de l’économie.
Il n’en demeure pas moins que je suis particulièrement attentive aux changements apportés sur ces sites, qui ont besoin d’être remis en état, tout comme le réseau ferré principal. Dans le cadre du plan de relance du fret ferroviaire que je présenterai prochainement, il y aura un programme d’investissements pour les voies de service, afin de rénover ces sites. En attendant, je ne pense pas que l’on serve le fret ferroviaire en figeant les outils de production. Il faut au contraire savoir les faire évoluer, je le répète, pour tenir compte des évolutions de l’économie.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je m’abstiendrai sur cet amendement.
Depuis des années, on le sait, des voies ont malheureusement été démontées sur des sites de triage dans beaucoup d’endroits. De l’autre côté, même si je respecte le droit de grève, des clients rencontrent des difficultés d’acheminement. L’un de nos collègues avait évoqué le problème lors d’une question d’actualité. C’est le cas dans l’agroalimentaire, avec les silos, par exemple. Le trafic du fret est réellement perturbé. Il risque donc de perdre encore des clients, comme la branche voyageurs, d’ailleurs.
Soyons extrêmement prudents, car il y va de l’avenir de la SNCF et de son personnel. Je me permets d’insister modestement sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mettre en place un moratoire ne veut pas dire geler les outils de production. Vous devriez plutôt prendre notre amendement comme point d’appui pour votre future loi, madame la ministre. Je me réjouis d’ailleurs de vous avoir entendu dire dans l’hémicycle que vous alliez présenter une loi pour relancer le fret ferroviaire, même si nous serons très attentifs à son contenu, car, comme l’a dit Pierre Laurent, nous assistons depuis quinze ans à une casse du fret et nous entendons depuis des années des promesses, dont aucune n’est tenue. Nous allons finir par arriver à un point de non-retour, ce qui sera grave pour la santé publique.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites : vous allez voir, les grévistes vont mettre en péril le fret ferroviaire. Mais enfin, à quoi est due la grève, qui est, rappelons-le, l’exercice d’un droit démocratique ? Elle est causée par une réforme qui heurte de plein fouet le statut des cheminots et le service public. Parmi les voyageurs qui sont effectivement gênés parfois par cette grève, j’en vois qui soutiennent le mouvement, car il y va de l’intérêt public d’avoir des trains qui arrivent à l’heure et de meilleures conditions de transport. Sinon, il n’y aurait pas ce degré d’adhésion du public ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Arrêtez d’asséner des contre-vérités !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 89, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 juin 2018 un rapport sur l’opportunité de créer de nouvelles sources de financement au bénéfice du système ferroviaire et notamment de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France. À ce titre, le rapport évalue notamment l’intérêt d’une renationalisation des concessions d’autoroutes, de la création d’un livret de financement des infrastructures ainsi que de la mise en œuvre d’une écotaxe sur les poids lourds.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous avions déjà proposé cet amendement lors de la discussion de la proposition de loi de M. Maurey voilà deux mois. Son objet est simple : créer de nouvelles ressources afin de pérenniser les financements du système ferroviaire à la fois pour le désendetter et pour renforcer l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Créée en 2004, l’AFITF a très vite été vidée de sa substance et des moyens qui lui étaient alloués, notamment avec la privatisation des autoroutes – nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle –, à tel point que la Cour des comptes estime aujourd’hui qu’il s’agit d’une coquille vide. Autant dire que cette agence n’a pas les moyens de ses ambitions, lesquelles, d’ailleurs, sont réduites à très peu. En effet, il manquerait dans son budget, pour les cinq ans à venir, quelque 10 milliards d’euros.
La mission d’intérêt général du transport ferroviaire est d’assurer un maillage suffisant du territoire national et de proposer un mode de transport non émetteur de gaz à effet de serre. Je pense que nous sommes toutes et tous d’accord ici. C’est pourquoi il est impératif de dégager des ressources à même de financer des investissements de rénovation, ainsi que de nouveaux projets. Pour ce faire, en vertu du principe « pollueur-payeur », nous proposons que la route finance le rail, d’où la renationalisation des autoroutes. La manne financière que constitue cette rente s’élève à près de 2 milliards d’euros et serait beaucoup plus utile dans les caisses de SNCF Réseau que dans les poches des actionnaires d’Eiffage ou de Vinci.
Dans la même logique, nous proposons la mise en œuvre d’une écotaxe poids lourds, qui sera à même de lever 1 milliard d’euros supplémentaires et qui aura également un effet incitatif pour favoriser le fret ferroviaire, que vous appelez de vos vœux, madame la ministre, si j’ai bien compris.
L’adoption de cet amendement pérenniserait les financements du système ferroviaire tout en renforçant l’effort de transition écologique dans le secteur du transport.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er novembre 2018, un rapport sur la possibilité et l’opportunité de créer un livret d’épargne sécurisé concourant au financement de projets et d’investissements visant à améliorer les infrastructures de transport.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. La question du financement des investissements nécessaires à la remise en état du réseau ferré comme à son développement à venir est évidemment directement posée par le présent projet de loi.
On aura observé que le changement de statut de la SNCF prévu par le texte présente, de ce point de vue, un risque. En effet, même si elle donne quelques poussées d’urticaire aux instances européennes, l’actuelle forme juridique de la SNCF, à savoir celle d’un EPIC, lui donne un accès de grande qualité aux marchés financiers, par la combinaison du caractère de long terme de l’investissement ferroviaire et du statut d’EPIC. De fait, l’EPIC SNCF bénéficie d’une « garantie implicite et illimitée de l’État », ce qui lui permet à la fois de négocier des emprunts à taux et à conditions privilégiés et d’être prémuni contre tout défaut de paiement.
Pascal Savoldelli en a déjà parlé, mais je préfère rappeler aux adeptes de la transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux d’État que l’abandon du statut d’EPIC risque fort de conduire à la « banalisation » des financements accordés à l’entreprise, donc à une remontée des taux d’intérêt grevant sa dette. C’est d’autant plus vrai que, bien qu’activement gérée, la dette de la SNCF a un aspect « boule de neige », qui se traduit par une forme de fuite en avant, les intérêts de la dette amortie devenant le capital de la dette inscrite au bilan. Ajoutons qu’un ajustement comptable à 12 milliards d’euros a ruiné les fonds propres du groupe…
Il est donc temps de se demander s’il n’y aurait pas lieu de créer, comme nous le proposons, un livret d’épargne défiscalisée, sur le modèle du livret A ou du LDD, pour financer les investissements ferroviaires et, de manière plus générale, les investissements nécessaires à l’atteinte de nos objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques.
Nous prenons le Gouvernement au mot, madame la ministre ! Au moment où une révision constitutionnelle entend inscrire dans le domaine de la loi la lutte contre les changements climatiques, pourquoi ne pas donner à celle-ci les moyens de devenir réalité en en appelant au sens civique et à l’épargne des Françaises et des Français ?
Tel est le sens de cet amendement, que je vous propose d’adopter, mes chers collègues.
M. le président. L’amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement présentant le bilan de la situation du fret ferroviaire en France et à l’échelle de l’Union européenne et ce dans la perspective des nouveaux financements qui devraient résulter de l’adoption des dispositions issues de la révision de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. La SNCF a annoncé qu’elle procéderait, d’ici à 2020, à la filialisation de sa branche de fret ferroviaire, en vue de sa recapitalisation. De son côté, le Gouvernement a annoncé qu’il présenterait prochainement un plan de relance du fret ferroviaire.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons que mener un bilan de l’ouverture du fret à la concurrence engagée en 2006 constitue un préalable. Le soutien au fret ferroviaire est indispensable du fait des externalités positives qu’il représente, en termes de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Cette activité doit demeurer sous maîtrise entièrement publique, car elle constitue un levier fondamental de la transition énergétique. Il paraît donc aujourd’hui prématuré de filialiser cette activité, cette filialisation pouvant constituer une étape vers son externalisation et sa privatisation.
Par ailleurs, dans son référé du 3 juillet 2017 sur la situation du transport de marchandises par le groupe SNCF Mobilités, la Cour des comptes a souligné que, à défaut d’un dispositif financier permettant de prendre en compte les externalités négatives de la route, « qui aurait pu durablement inciter les chargeurs à se reporter sur le transport ferroviaire, l’État devrait pouvoir afficher une stratégie de long terme de soutien au fret ferroviaire, qu’il s’agisse de la pérennité des aides financières aux opérateurs de combiné (aide à la pince) ou du maintien de la compensation aux péages fret, permettant de maintenir l’attractivité de ce mode de transport face à l’aptitude très forte de la route à comprimer ses coûts ».
Or l’actualité européenne nous rattrape. Les députés européens viennent de voter le rapport de la députée européenne Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy proposant de rendre de nouvelles redevances obligatoires à partir de 2021, pour tenir compte des externalités négatives de la route selon le principe du pollueur-payeur. Les ressources issues de cette euroredevance seront fléchées vers les transports propres. Le rail devrait donc pouvoir bénéficier à un horizon proche de nouvelles ressources financières, raison pour laquelle le fret ferroviaire en tant que levier de la transition énergétique doit rester public et intégré dans le groupe public SNCF.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que le plan de relance du fret ferroviaire doit être conçu dans la perspective de ces nouvelles ressources financières. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un bilan de la situation du fret ferroviaire en France et à l’échelle de l’Union européenne, dans la perspective des nouveaux financements qui devraient résulter de l’adoption de l’euroredevance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je m’attendais à ce que l’on nous soumette des demandes de rapport, pratique désormais habituelle, avec une dizaine de rapports demandés pour chaque texte de loi examiné.
Vous connaissez mon allergie à cette multiplication des demandes de rapport, qui, il faut bien le dire, servent souvent à pallier l’absence de mesures véritables et qui mobilisent des effectifs importants dans les ministères, sans être généralement suivis d’effets concrets.
M. Michel Canevet. C’est vrai !
M. Gérard Cornu, rapporteur. D’ailleurs, comme l’a souligné Hervé Maurey, président de notre commission, lors de la présentation du bilan annuel de l’application des lois, à peine la moitié des rapports demandés sont effectivement remis, ce qui doit quand même nous inciter à une certaine retenue en la matière.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 89, le Gouvernement a déjà conduit un certain nombre de réflexions à ce sujet dans le cadre des Assises nationales de la mobilité ainsi qu’au travers du rapport de M. Philippe Duron. Il ne s’agirait pas de faire des rapports sur des rapports ! Il nous faut désormais des avancées concrètes. Nous comptons sur la loi d’orientation sur les mobilités pour apporter des solutions pratiques dans ce domaine.
La commission est donc très défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons, elle émet également un avis défavorable sur les deux autres amendements, qui visent eux aussi au dépôt de rapports : l’amendement n° 93, qui porte sur le même sujet, et l’amendement n° 230 rectifié, qui concerne le fret ferroviaire, auquel je répète que je suis très attaché.
J’y insiste, il nous faut des mesures concrètes plus que des rapports.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il me semble un peu exagéré de dire que l’AFITF est une coquille vide. Certes, il faudra augmenter ses ressources, qui s’élèvent actuellement à 2,4 milliards d’euros par an, mais c’est justement le sens des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures que M. le rapporteur a mentionnés.
Comme l’a dit celui-ci, la loi d’orientation sur les mobilités permettra, dans son volet consacré à la programmation, d’éclairer les enjeux du développement des infrastructures et des financements correspondants, l’objectif étant bien de disposer désormais d’une vision pluriannuelle, avec une programmation équilibrée en ressources et en dépenses.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 89.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 93, je rappelle, au moment où nous reprenons 35 milliards d’euros de la dette ferroviaire, que notre objectif n’est pas de recréer de la dette. Or un livret d’épargne, c’est de la dette. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Si vous prêtez votre épargne à la SNCF, celle-ci contracte une dette à votre égard, parce que vous pouvez espérer récupérer votre argent un jour. Sinon, il s’agit de subventions ou de financement participatif. Un livret d’épargne a, lui, vocation à être remboursé.
Le Gouvernement ne souhaite pas réendetter le système ferroviaire, raison pour laquelle il émet un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 230 rectifié, je pense que la situation du fret en Europe est déjà bien connue. L’heure n’est plus aux rapports. Je souhaite, pour ma part, proposer un plan de relance, un plan d’action.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je veux préciser notre proposition de « livret vert », notamment sur la base de la directive 2012/34/UE.
En son article 8, cette directive dispose : « Les États membres développent l’infrastructure ferroviaire nationale en tenant compte, le cas échéant, des besoins généraux de l’Union, y compris celui de coopérer avec les pays tiers voisins. Ils publient, à cette fin, au plus tard le 16 décembre 2014, après consultation des parties intéressées, une stratégie indicative de développement de l’infrastructure ferroviaire visant à répondre aux futurs besoins de mobilité en termes d’entretien, de renouvellement et de développement de l’infrastructure et reposant sur un financement durable du système ferroviaire. Cette stratégie couvre une période d’au moins cinq ans et est reconductible.
« Dans le respect des articles 93, 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les États membres peuvent en outre accorder au gestionnaire de l’infrastructure un financement compatible avec ses fonctions visées à l’article 3, point 2, la dimension de l’infrastructure et les besoins financiers, notamment pour couvrir des investissements nouveaux. Les États membres peuvent décider de financer ces investissements par des moyens autres que le financement direct par l’État. En tout état de cause, les États membres se conforment aux exigences visées au paragraphe 4 du présent article. »
Nous tirons du point 1, entre autres conclusions, que la Banque centrale européenne a un rôle particulier à jouer dans le financement des infrastructures ferroviaires de l’ensemble de l’Union européenne, notamment pour la reprise de la dette.
Quant au point 2, il nous montre que notre proposition de livret d’épargne est cohérente et correspond aux possibilités de financement retenues. L’Allemagne, qui est souvent donnée en exemple, n’a-t-elle d’ailleurs pas fait ainsi après la Seconde Guerre mondiale ?
Ne l’oublions jamais, l’épargne populaire est tout de même ce qui a financé le logement social, le développement local, les infrastructures d’intérêt local, le développement touristique, et j’en passe. Elle peut demain, si on le décide, participer au financement de la transition énergétique et écologique, singulièrement par le renouvellement et le développement de notre réseau ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Sur la forme, je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur les demandes de rapport, qui ont un caractère superfétatoire.
Sur le fond, en ce qui concerne les amendements nos 89 et 230 rectifié, il importe que nous rappelions, puisque c’est la commission de l’aménagement du territoire qui a été chargée de produire le rapport sur le projet de loi, que, pour des considérations d’aménagement du territoire, justement, le projet d’écotaxe qui a, un temps, émaillé l’actualité de notre pays risquait justement de conduire au « déménagement du territoire ».
Je veux donc appeler l’attention de notre assemblée sur la nécessité de s’engager vers ce type de taxation de manière précautionneuse, pour ne pas handicaper davantage nos entrepreneurs installés au plus loin de notre territoire. Je rappelle que la taxation sur les carburants est déjà assez pénalisante pour les territoires les plus excentrés. Il ne conviendrait pas de rajouter des taxations supplémentaires.
J’appelle donc à la mesure sur ce sujet, pour éviter qu’on ne ressorte les bonnets rouges.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je veux, à propos de l’amendement n° 89, évoquer la « remise en selle » de l’écotaxe, que j’aborderai en tant qu’élue de la péninsule bretonne.
Mes chers collègues, nous parlons, dans ce débat, d’aménagement du territoire, de maillage de la desserte et de présence économique.
Je tiens à dire ce soir, sans bonnet rouge, paisiblement et avec beaucoup de sérieux, que, s’il est nécessaire d’évoquer des sources de financement inspirées par des préoccupations écologiques, il faut veiller de manière extrêmement attentive à ne pas pénaliser durement des territoires déjà marginalisés par leur localisation géographique, au fin fond de l’extrême Ouest de la France et de l’Europe.
Si l’on veut conserver des emplois en Bretagne centrale, notamment dans l’agroalimentaire et la production de produits frais, dont bénéficient les villes et alors qu’il n’y a pas d’autre desserte que la route et que le rail ne sera jamais suffisant, il ne faut pas pénaliser de nouveau la région, encore sous le coup de l’abandon regrettable du projet de Notre-Dame-des-Landes.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, je voudrais comprendre.
Vous dites que les livrets d’épargne créent de l’endettement.
Mme Fabienne Keller. C’est évident !
M. Pascal Savoldelli. Par conséquent, tous les Français qui détiennent un livret A rémunéré et exonéré d’impôts provoquent de l’endettement ?
M. Pascal Savoldelli. Je ne veux pas polémiquer, mais vous savez très bien que, depuis très longtemps, l’épargne populaire a été un élément du financement du logement social – pour ma part, je regrette que ses effets soient de plus en plus limités. Pour produire de l’investissement, et c’est vrai pour le transport ferroviaire comme pour le logement, il faut donc s’endetter.