M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Revet, vous souhaitez que les prestations versées aux familles soient plus généreuses, afin de permettre aux parents de prendre un congé parental et de s’inscrire dans une démarche d’accompagnement des enfants, tout en cumulant des droits à la retraite.
Tout cela existe déjà ! Aujourd’hui, les prestations allouées par la branche famille atteignent 50 milliards d’euros. Les droits à la retraite acquis lors des congés parentaux s’élèvent à 18 milliards d’euros. La question est de savoir s’il faut encore augmenter ces prestations ou si nous avons d’autres priorités.
Quant à la natalité, elle est une véritable priorité. Aujourd’hui, je suis convaincue que ce qui freine la natalité, c’est le recul d’année en année de l’âge des mères, ainsi que les difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle. Mes priorités sont donc l’accueil du jeune enfant, afin de permettre cette conciliation, mais aussi les familles les plus en difficultés, en situation de rupture, les questions liées à la parentalité et la médiation, car il y va de la cohésion sociale. Si nous voulons des jeunes en bonne santé physique et mentale, il faut qu’ils aient été élevés dans un environnement accueillant.
Nous devons aider les familles à faire en sorte que leur enfant grandisse dans un environnement favorable. À cet égard, le soutien à la parentalité est aujourd’hui un enjeu de cohésion sociale, et j’en fais ma priorité.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour la réplique.
M. Charles Revet. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je crois qu’il y a urgence, car c’est l’avenir de notre pays qui est en jeu, ainsi que celui de l’Europe. Je pense que nous devrons reparler de ces sujets, afin de bien prendre en compte la situation de la famille, en particulier celle de la femme et des enfants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.) Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai plusieurs observations.
Tout d’abord, la complexité de notre système le rend très difficilement compréhensible. Comment expliquer que les enfants de certaines familles ne bénéficient d’aucune aide de l’État, alors que, à titre d’exemple, une famille monoparentale avec quatre enfants perçoit jusqu’à 380 euros par mois et par enfant ?
Ensuite, les familles françaises sont segmentées en trois groupes : celles qui ont des revenus modestes et perçoivent de nombreuses aides ; celles qui ont des revenus élevés et bénéficient du quotient familial ; enfin, les classes moyennes, qui profitent le moins de ces dispositifs.
Conditionner l’octroi de l’aide au fait d’avoir deux enfants et plus est délicat. Premièrement, les conséquences de cette politique sur la natalité ne sont pas facilement mesurables. Deuxièmement, rien ne prouve que les coûts soient croissants en fonction du nombre d’enfants. Troisièmement, il est parfois difficile de définir le rang qu’occupe l’enfant dans des familles recomposées avant le remariage.
Madame la ministre, face aux limites de notre système que je viens d’évoquer, nous saisissons la proposition que formule M. Régent dans son ouvrage La Face cachée des prestations familiales pour vous interroger sur la création d’une allocation familiale unique. Mesure d’équité, de rationalisation et de simplification, cette AFU se substituerait aux aides familiales existantes, serait versée dès le premier enfant et supprimerait les effets de seuil des prestations familiales.
Il me serait agréable, madame la ministre, de connaître votre avis sur cette proposition.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Vanlerenberghe, vous posez une question importante. Les familles n’ayant qu’un seul enfant n’accèdent effectivement pas aux allocations familiales, mais cela ne signifie pas qu’elles ne sont pas aidées.
Vous le savez, elles bénéficient de l’allocation de base de la PAJE pour l’accueil du jeune enfant, de l’allocation de rentrée scolaire, de l’allocation de soutien familial si le parent est isolé, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et de l’allocation journalière de présence parentale, si besoin. En outre, quelque 30 % de ces familles bénéficient du quotient familial parce qu’elles sont suffisamment aisées. Je passe évidemment sur toutes les allocations de solidarité, comme l’allocation logement, le RSA, etc.
Aujourd’hui, nous avons identifié 100 000 ménages avec un enfant qui perçoivent en général au moins 45 euros d’aide via ces différentes prestations, mais peut-être devrions-nous cibler ces familles, peu nombreuses, avec des aides particulières, par exemple en faisant évoluer le complément familial majoré. Une telle mesure devrait être compatible avec la trajectoire de nos finances publiques. Nous travaillons sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. J’ai bien compris le sens de votre intervention : vous pensez comme moi qu’il faudrait aider un peu plus les familles avec un enfant.
Je pense néanmoins que l’on va complexifier le système. Si l’on accordait une allocation à chaque enfant, l’on créerait une sorte de revenu universel par enfant. Nous y gagnerions en lisibilité, en clarté. Tout le monde serait gagnant, au moins les familles de condition modeste. Les familles les plus aisées y perdraient, j’en conviens, mais c’est un choix politique qu’il faudra faire.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, repenser la politique familiale outre-mer est une nécessité. En effet, nous connaissons dans nos territoires ultramarins des problématiques statutaires, démographiques, culturelles et sociologiques très différentes, qui nécessitent une politique familiale adaptée à nos particularités.
Pour autant, il demeure impératif de permettre aux acteurs locaux d’adapter, d’expérimenter et de différencier le droit commun, loin d’une vision monolithique des outre-mer.
Ainsi, les Assises de la famille, organisées sur l’initiative de la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe, Mme Josette Borel-Lincertin, ont permis, au cours de plusieurs mois de concertation, de repenser le vivre ensemble en Guadeloupe. Par ce biais, les acteurs de terrain ont pu présenter des idées innovantes et concrètes sur la politique familiale. Ils proposent une nouvelle gouvernance de l’action sociale territoriale, permettant d’ailleurs de moderniser l’accompagnement de la parentalité outre-mer.
Il faut savoir que la Guadeloupe a connu ces dernières semaines la fermeture de plusieurs crèches. Or tous les enfants devraient, si leurs parents le souhaitent, bénéficier d’un droit de garde. L’idée est donc de mettre en place un dispositif comparable au système du tiers payant, quel que soit le mode de garde retenu par les parents.
Dans des territoires fortement touchés par les violences intrafamiliales, faciliter l’accueil et la prise en charge des jeunes enfants, au sein de structures privées ou publiques, favoriserait leur socialisation et leur épanouissement, ce qui est fondamental. Cette prise en charge permettrait également de mieux éduquer les enfants contre la violence.
Il s’agirait aussi de mettre en place un partenariat entre la CNAF et les collectivités locales, afin de mettre en adéquation le mode de financement des structures d’accueil et les ressources des familles, à l’aide d’une majoration dérogatoire de la prestation de service unique, la PSU.
Ces pistes de réflexion émanant de nos territoires d’outre-mer, lesquels sont largement sous-dotés en équipements de la petite enfance, tiennent compte au plus près de leurs réalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Jasmin, vous avez tout à fait raison de pointer la particularité de certains départements d’outre-mer et la nécessité de travailler spécifiquement, car ces territoires ont parfois des besoins différents.
Ils n’ont pas le même problème de natalité. En revanche, ils ont d’importantes difficultés en termes de modes d’accueil et comptent de nombreuses familles monoparentales. Il s’agit d’un vrai sujet, et nous devons évidemment mener des politiques spécifiques.
Dans le cadre de l’élaboration, qui est en cours, de la convention d’objectifs et de gestion, la COG, entre l’État et l’Union des caisses nationales de sécurité sociale, nous effectuons un travail pour adapter nos politiques familiales dans les départements d’outre-mer, chaque territoire étant différent.
Les CAF ont la possibilité, vous le savez, de verser des compléments financiers spécifiques aux familles. Elles le font déjà, notamment à Mayotte. Nous savons néanmoins qu’il existe des lacunes. La COG actuelle sera l’occasion de mieux aider ces familles, en tenant compte de toutes les particularités.
Votre question me donne l’occasion de m’exprimer sur ce sujet et de vous faire part de mon souhait d’être au plus près des territoires et des besoins.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.
Mme Victoire Jasmin. Je vous remercie, madame la ministre. Je compte vraiment sur vous ! Et je remercie le groupe La République En Marche d’avoir proposé ce débat sur la politique familiale en France, notamment dans les outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’un des tristes héritages du gouvernement précédent et de sa majorité est sans nul doute la remise en cause systématique de l’une des politiques qui marchait le mieux dans notre pays et qui faisait, du moins le pensait-on, l’unanimité sur toutes les travées : une politique familiale efficace reposant sur un principe clair, celui de l’universalité de ses allocations. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nadine Grelet-Certenais. Voilà un discours tout en nuances…
M. Édouard Courtial. Nous en connaissons les origines, qui remontent au général de Gaulle, en 1945, et la finalité, qui demeure tout à fait actuelle.
Quel est le résultat de ce revirement de vos prédécesseurs ? La fécondité moyenne est historiquement en baisse depuis trois ans et vient de passer sous le seuil critique de 1,9 enfant par femme.
Mme Nadine Grelet-Certenais. C’est ridicule !
M. Édouard Courtial. Pourtant, dans un rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la politique familiale, un député de la majorité préconise d’aller encore plus loin que ce qui a été fait ces cinq dernières années ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre collègue Gilles Lurton, corapporteur Les Républicains, s’en est désolidarisé.
Je vous le dis sans ambages, madame la ministre, remettre en cause le quotient familial serait une erreur majeure, politique, économique et historique.
Politique, tout d’abord, car, ne nous y trompons pas, nos compatriotes percevraient cette mesure avant tout comme une hausse d’impôt déguisée, alors que la pression fiscale ne diminue pas et que la lutte contre la fraude doit être une priorité – en 2017, quelque 45 000 fraudes ont été constatées, soit une hausse de plus de 5 %.
Économique, ensuite, à l’heure où notre système de retraite par répartition, qui n’est pas assuré, aux conditions actuelles, pour nos enfants, a toujours besoin de jeunes actifs pour compenser les départs à l’autre bout de la chaîne.
Historique, enfin, car plus que supprimer des allocations ou un simple avantage fiscal, ce serait renier une tradition tournée vers l’avenir, qui vise à donner à la France des artisans de sa propre histoire.
Madame la ministre, le débat sur la politique familiale ne doit pas se résumer à un prétendu clivage entre conservatisme et progressisme ou entre dogmatisme et réformisme. Ne l’emprisonnons pas dans une fausse lutte des classes, hors d’âge et dépassée (M. Fabien Gay s’esclaffe), ou dans une politique de compensation court-termiste, mais prenons de la hauteur.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Édouard Courtial. C’est pourquoi j’en appelle aujourd’hui à la plus grande prudence sur ce sujet, au nom des principes de solidarité et de responsabilité qui nous lient vis-à-vis des générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Courtial, comme vous, je suis inquiète en ce qui concerne le taux de natalité, dont je suis l’évolution avec attention. Il était une fierté de notre pays. Il est à noter toutefois que nous restons le pays d’Europe où le taux de natalité est le plus élevé. Ce taux, je tiens à vous rassurer, a beaucoup évolué au cours des années. Je serai attentive au taux de cette année, en espérant qu’il remonte.
La baisse de ce taux – je me suis exprimée à plusieurs reprises sur ce sujet – est liée à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer et de la fertilité.
Vous m’interpellez ensuite sur l’universalité de la politique familiale. La politique familiale s’exprime de différentes façons : par les prestations, bien sûr, mais aussi par l’accessibilité aux modes de garde, par des aides financières et par le quotient familial, qui est évidemment une forme de solidarité interfamilles. La politique familiale est, et restera, universelle, je m’y engage. Le Gouvernement s’est d’ailleurs engagé à ce qu’il n’y ait pas de coupe ou de modifications s’agissant du quotient familial.
Enfin, il faut en être conscient, si nous touchions à l’universalité des allocations familiales pour les plus hauts revenus, cela rapporterait en fait assez peu. Ce ne serait pas une politique très performante et cela ne conduirait pas à un bouleversement des prestations qui sont d’ores et déjà offertes aux familles.
Tout cela est évidemment examiné de très près. Je le répète, je ne souhaite pas un bouleversement des équilibres actuels. En revanche, j’ai défini des priorités : la parentalité, le soutien aux ruptures et l’intérêt de l’enfant, qui n’apparaît pas toujours assez clairement dans la politique familiale que nous menons. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution démographique à laquelle est confrontée l’Europe tout entière, notamment la France, est sans précédent : baisse des mariages, augmentation des divorces, taux de natalité en berne, taux élevé d’avortements, vieillissement de la population.
En France, en 2017, le taux de fécondité s’élève à 1,88 enfant par femme. Nous ne pouvons donc faire l’économie d’une politique nataliste forte et ambitieuse.
Pour les familles ayant de jeunes enfants, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle apparaît souvent complexe, notamment pour les femmes, bien sûr. La PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant, est un pilier de la politique familiale qui facilite le désir de concilier vie familiale et vie professionnelle. L’allocation contient en effet la prime à la naissance ou à l’adoption, l’allocation de base, la prestation partagée d’éducation de l’enfant, enfin le complément de libre choix du mode de garde, qui permet aux parents qui travaillent de financer la garde de leurs enfants.
Or votre gouvernement a diminué cette allocation, désormais alignée sur le montant du complément familial. La baisse de la PAJE entraîne une perte totale de 500 millions d’euros pour les familles. Selon l’Union nationale des associations familiales, la PAJE a un rôle certain dans l’augmentation du taux d’emploi des femmes.
Le Président de la République a fait de la défense de l’égalité femmes-hommes la grande cause de son quinquennat. Je vois une contradiction entre cette ambition et la casse de la politique familiale menée par votre gouvernement, dans la continuité d’ailleurs du gouvernement précédent. Ma question est donc la suivante : quelle est votre position, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Chevrollier, vous m’interrogez sur les choix que nous avons faits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, mais vous ne donnez qu’une seule des informations, c’est-à-dire, effectivement, l’alignement du plafond de revenus pour la PAJE.
Nous avons de fait majoré de 30 % le complément de mode de garde pour les familles monoparentales, ce qui était un choix stratégique. Nous avons débloqué la prime de naissance qui était gelée dans cette prestation, soit une augmentation de 18,5 euros par mois. Nous avons aussi aligné l’allocation de base de la PAJE sur le complément familial pour des raisons de lisibilité et de simplification. En effet, les familles ne comprenaient pas pourquoi leur prestation était modifiée lorsque leur enfant atteignait l’âge de trois ans, ni pourquoi le plafond de revenus permettant l’accès à cette prestation changeait.
Je rappelle qu’il n’y a pas de perdants, puisque les modifications des règles d’accessibilité à cette prestation ne concerneront que les seuls enfants nés après le 1er juillet 2018. Nous avons veillé à ce que le montant de la prestation ne diminue pour aucune famille ayant un enfant né avant cette date. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Je vous remercie, madame la ministre. La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle doit faire l’objet d’une stratégie globale. Je pense que faire de la politique familiale une variable d’ajustement financier est une erreur. Les parents ont besoin de visibilité et de stabilité concernant les allocations.
Une bonne politique familiale doit soutenir de manière équitable toutes les familles avec enfants, compenser partiellement la perte de niveau de vie et favoriser véritablement la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la politique familiale est le parent pauvre des politiques publiques. Elle semble n’être pensée que comme une variable d’ajustement de la politique de redistribution, bien que les deux choses n’aient rigoureusement rien à voir.
Surtout, la politique familiale, héritage du Conseil national de la Résistance, se réduit chaque année comme peau de chagrin. Les allocations familiales sont désormais distribuées sous condition de ressources. La majoration de retraite pour les mères de trois enfants et plus a disparu. Il est même question de s’attaquer, cela vient d’être dit, au quotient familial. Et je ne parlerai pas du ministère de la famille, qui, depuis quelques années, joue les Arlésiennes.
Le résultat est là, sans appel : le nombre de naissances diminue sans cesse depuis 2015, et l’arrivée à l’Élysée du président Macron n’a pas inversé la tendance, bien au contraire ! (Sourires. – M. Martin Lévrier s’esclaffe.)
En un mot, la politique familiale, qui fut longtemps une marque distinctive de la France, disparaît rapidement. J’ajoute que, à l’origine, dans les années vingt, après la Grande Guerre, notre politique familiale avait pour objectif d’encourager la natalité en France et la fécondité des Françaises. Aujourd’hui, ce qui reste de la politique familiale est devenu l’une des innombrables pompes aspirantes de l’immigration. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Nous le constatons à Mayotte de manière éclatante.
Certains ministres et parlementaires de gauche ont déclaré que l’objectif de l’État était d’arracher les enfants à leurs déterminismes familiaux, estimant sans doute que l’État était un meilleur éducateur que les parents. Est-ce pour encourager ce déracinement que vous dites détricoter systématiquement notre politique familiale ?
Quoi qu’il en soit, en faisant abstraction des calculs politiciens et des idéologies sectaires, il me semble que, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, nous devrions pouvoir tomber d’accord sur le fait que les parents sont les meilleurs éducateurs pour leurs enfants et que l’État devrait soutenir leurs actions, d’autant que la génération et l’éducation sont les plus beaux investissements que nous puissions faire pour l’avenir du pays.
M. le président. Il faut conclure !
M. Sébastien Meurant. Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il une nouvelle direction pour notre politique familiale, afin de mettre l’argent des contribuables français au service de la natalité et de l’éducation des Français, au lieu d’en faire une énième pompe aspirante de l’immigration ou une énième source de financement de l’assistanat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Meurant, deux de vos affirmations concernant la politique familiale sont fausses, selon moi.
Il est faux de dire que la politique familiale est une variable d’ajustement budgétaire. Elle est au contraire une véritable réussite. Les budgets n’ont cessé d’augmenter. À cet égard, permettez-moi de détailler nos investissements, car c’est ainsi que je les appelle, en faveur des familles aujourd’hui.
La branche famille concentre 50 milliards d’euros de dépenses chaque année. Les autres branches de la sécurité sociale concourent à la politique familiale, notamment via les indemnités journalières et les congés de maternité et de paternité, pour un total évalué à 12 milliards d’euros. Le droit à la retraite issu de ces congés est estimé à 18 milliards d’euros et les dépenses fiscales réalisées via le quotient familial sont de l’ordre de 14 milliards d’euros. On ne peut donc pas dire que la politique familiale française soit chiche. Il est à mon avis injustifié de résumer notre politique familiale à une « pompe aspirante de l’immigration ».
Mais il est également faux de dire qu’il n’y a pas de ministère de la famille ! Mon ministère, celui des solidarités et de la santé, est également celui de la famille. Je suis totalement engagée en faveur de la politique familiale et de la protection de l’enfance. Je ne conçois donc pas que l’on puisse imaginer aujourd’hui que les familles ne seraient pas représentées.
Je vous ai présenté mes priorités ; tout le monde ici les a comprises. Elles ne sont pas financières. Nous voulons être, je le répète, auprès des familles en difficulté, au moment des ruptures. Cela concerne des familles dont les moyens ne sont pas très faibles : les divorces sont une véritable rupture, ainsi que des situations à risques pour toutes les familles.
Nous voulons également soutenir la parentalité, car, je le répète, c’est pour moi un enjeu de cohésion sociale. C’est miser sur l’avenir, en permettant à nos enfants d’être éduqués dans un environnement favorable à leur épanouissement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie nos collègues du groupe La République En Marche d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat sur la politique familiale en France, qui est un véritable sujet de société.
La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est un enjeu important, cela a été rappelé. Pour cela, il faut maintenir et amplifier les investissements dans les crèches, les haltes-garderies et les mini-crèches, surtout en milieu rural. Les crèches privées permettent souvent de combler le manque de crèches municipales. C’est bien pour l’entreprise, mais seules les familles disposant d’un certain revenu y ont accès.
La loi de financement de la sécurité sociale prévoit que les caisses d’allocations familiales doivent maintenir et amplifier leur soutien aux places créées dans les crèches collectives, à hauteur de 2 000 euros environ. N’oublions pas que les haltes-garderies des collectivités territoriales, qui offrent des plages horaires souples, permettent à des mères de famille de chercher du travail, de suivre des formations, donc de se réinsérer dans le monde du travail.
Madame la ministre, comment créer des moyens d’accueil suffisants alors que les budgets des caisses d’allocations familiales dédiés au soutien à la création de places dans les crèches semblent baisser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Laménie, vous pointez du doigt une réalité de nos territoires : les crèches ne répondent pas aujourd’hui à la totalité des besoins des familles françaises.
Nous devons impérativement diversifier les modes d’accueil, notamment dans les territoires ruraux, où une individualisation est nécessaire. Ainsi, dans certains territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, il faut parfois s’adapter aux horaires décalés des familles. Il est donc impératif de développer des services, modulés autour de la garde d’enfants. Il peut s’agir de mini-crèches, de crèches familiales, de maisons d’assistantes maternelles, d’assistantes maternelles individuelles, lesquelles sont absolument nécessaires dans de nombreux territoires ruraux.
Les modalités de garde d’enfants ont été longuement discutées avec les associations qui gèrent ces différentes crèches, avec les représentants des assistantes maternelles et avec les départements de France. Une politique diversifiée est nécessaire, car le modèle unique de crèches, tel que nous le connaissons en ville aujourd’hui, ne répond pas aux besoins d’un certain nombre de familles. Nous devons mener une politique plus volontariste et plus adaptée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Madame la ministre, je vous remercie beaucoup de votre réponse, qui nous éclaire. La lutte contre la pauvreté des familles et des enfants et le soutien à la parentalité sont des sujets de société importants. Ils doivent être des combats permanents.
Je vous remercie de cet engagement, qui est d’ailleurs partagé à tous les niveaux – par l’État, par les collectivités territoriales, par la sécurité sociale et, naturellement, par les familles.
M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie d’avoir participé à ce débat et à la mise en commun de nos réflexions sur ce sujet primordial et complexe qu’est l’avenir de la politique familiale de notre pays. Ainsi, nous avons pu mettre en lumière de manière élargie à la fois des constats et des visions.
De manière pragmatique, il est nécessaire, d’une part, d’évaluer les évolutions des modèles familiaux français et, d’autre part, de considérer les changements de la politique familiale, qui est passée, au fil des décennies, d’une politique purement nataliste à l’accompagnement des ménages sur les thèmes les plus larges : conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, égalité dans la liberté de choix.
L’argument nataliste ne doit plus primer. Manque d’études globales, biais temporel entre l’action politique et l’observation éventuelle, effet sur la natalité, il a toujours été difficile d’établir un lien de cause à effet entre les politiques mises en œuvre et leurs répercussions dans la société.
Que la politique familiale ait, jusqu’ici, eu un effet ou non sur la natalité des Français, celle-ci ne suffit apparemment plus à maintenir le seuil de fécondité au-dessus du seuil symbolique et tant recherché de deux enfants par femme. Dès lors, avec près de quatre-vingts ans de recul, la pertinence de l’objectif nataliste de notre politique familiale est à questionner.
Les échanges constructifs que nous avons eus nous auront permis de partager un constat large, faisant état de la nécessité de la dimension redistributive de la politique familiale, mais aussi de l’accompagnement des familles au moment des incidents de la vie, du peu d’attractivité du congé de paternité et de la faible reconnaissance des professions dites « familiales ».
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous appuyer sur un modèle familial unique pour construire les politiques familiales de demain. Le nombre croissant des familles recomposées ou monoparentales en est une illustration significative, parmi d’autres. Les familles monoparentales, souvent confrontées à une situation financière précaire, notamment, sont l’une des priorités du Gouvernement.
Plus largement, la stratégie de prévention de la pauvreté du Gouvernement a pour ambition de lutter plus efficacement contre la pauvreté des enfants, donc des familles, quelque 20 % des enfants vivant sous le seuil de pauvreté.
Des visions différentes ont également été exposées pendant nos échanges. Elles alimentent une vue d’ensemble de nos points de vue.
La moitié des femmes passe à temps partiel ou bien cesse son activité rémunératrice après l’arrivée du premier enfant au sein du ménage. Érigée en grande cause nationale, l’égalité entre les femmes et les hommes se joue dans la sphère tant professionnelle que familiale, et les solutions de modes de garde sont bel et bien à la croisée de ces deux mondes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)