Mme Nathalie Goulet. Je le confirme !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Ce rapport, effectivement assez dense, présente des données quantitatives statistiques importantes, dont la lecture peut paraître, au premier abord, sinon rébarbative, en tout cas parfois compliquée. Je l’ai dit, les deux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont la possibilité, depuis 2013, d’organiser un débat sur ce rapport, ce qui n’a jamais été fait. Elles peuvent également auditionner le président de la CIF. Par ailleurs, leurs présidents, comme leurs rapporteurs généraux, sont habilités à mener un contrôle sur pièces et sur place, à leur discrétion, pour obtenir les informations nécessaires, notamment celles qui permettent d’auditer et de tracer les décisions de la CIF ne donnant pas lieu à une transmission devant la justice.
À cet égard, la députée Émilie Cariou, qui est rapporteur de la mission d’information sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, a mis en œuvre ce droit de contrôle sur pièces et sur place et s’est rendue au sein de la CIF pour rencontrer les agents y exerçant et avoir ainsi les informations complémentaires dont elle avait besoin.
Nous sommes un certain nombre à défendre, depuis longtemps, dans différentes responsabilités, le principe d’un aménagement du « verrou de Bercy », pour aller vers plus de transparence et d’objectivité et pour donner les clés du « verrou de Bercy » au Parlement. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude qui vous sera présenté bientôt permettra d’inscrire dans la loi les critères et les conditions de la transparence, sans en venir, comme le prévoit le texte examiné aujourd’hui, à la suppression pure et simple du « verrou ». Il s’agira d’un aménagement de bon aloi permettant l’efficacité que nous recherchons tous en matière de lutte contre la fraude fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Nous avons essayé d’avoir le débat le plus serein possible, afin que la diversité des opinions puisse s’exprimer sur ce sujet. Nous l’avons fait dans la plus grande transparence et avec le maximum de pédagogie. Toutefois, j’ai parfois été choqué par l’imprécision de certaines interventions, celle-ci étant à l’origine d’un certain malaise. Les imprécisions, les fantasmes et les mythes minent notre démocratie et la question fondamentale du consentement à l’impôt.
J’ai entendu le chiffre de 80 milliards d’euros qui concerne la fraude fiscale et sociale. Or l’essentiel de la fraude fiscale et sociale est social. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Cela ne relève donc pas de Bercy, je suis désolé de vous le dire. Il faut continuer à être précis. À cet égard, je tiens à me faire le porte-parole du rapporteur général, que j’ai eu au téléphone tout à l’heure et qui vous prie, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de l’excuser de ne pas être parmi nous, en raison d’une mission aux États-Unis.
La commission des finances, sans doute avec l’aide de la commission des lois, travaillera pour trouver le point d’équilibre auquel nous aspirons tous, fondé sur le principe de réalité. Nous le savons, la suppression pure et simple du « verrou » ne fonctionnera pas. Il est donc nécessaire que nous cherchions tous ensemble le vrai point d’équilibre. Ce serait un beau travail sénatorial, alimenté par le rapport de nos collègues sur le sujet, mais nos travaux ont par ailleurs déjà largement défriché le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Emmanuel Capus et Pierre Louault applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi renforçant l’efficacité des poursuites contre les auteurs d’infractions financières et supprimant le « verrou de bercy »
Chapitre unique
Dispositions renforçant l’efficacité des poursuites contre les auteurs d’infractions financières et supprimant le « verrou de Bercy »
Article 1er
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 228 est ainsi rédigé :
« Art. L. 228. – Lorsque des faits sont susceptibles de donner lieu à des sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre, le procureur de la République territorialement compétent apprécie les suites à leur donner dans les conditions prévues aux articles 40-1 et 41-1 du code de procédure pénale. » ;
2° Le II de la section I du chapitre II du titre III de la première partie est complété par un article L. 225 B ainsi rédigé :
« Art. L. 225 B. – Sans préjudice de l’article 40 du code de procédure pénale, tout procès-verbal établi en application de la présente section est transmis au procureur de la République » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 229, après les mots : « Les plaintes », sont insérés les mots : « formées par l’administration » ;
4° Le dernier alinéa de l’article 230 est supprimé ;
5° À l’article L. 232, les mots : « sur la plainte » sont remplacés par les mots : « sur une plainte » ;
6° À l’article L. 233, les mots : « dans les poursuites engagées par les administrations fiscales » sont supprimés ;
7° Les articles L. 137, L. 228 A, L. 228 B et L. 248 sont abrogés.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je souhaite réagir aux propos qui viennent d’être tenus, pour vous inciter, mes chers collègues, à voter l’article 1er de cette proposition de loi et les suivants.
De mémoire, la fraude sociale représente 500 millions d’euros. Le chiffre de 60 à 80 milliards d’euros correspond à la fourchette donnée par les syndicats de Bercy, sur la base d’une extrapolation des résultats des 50 000 dossiers qui sont contrôlés chaque année. Bien entendu, personne ne dit qu’on va récupérer du jour au lendemain 80 milliards d’euros. Toutefois, dans la mesure où l’on recouvre aujourd’hui 5 % de la fraude estimée, il n’existe donc, je le répète, aucun travail de dissuasion.
Monsieur le secrétaire d’État, vous dites que les amendes sont faibles. Néanmoins, pour les 4 200 dossiers les plus graves, le Conseil constitutionnel a précisé que l’on pouvait cumuler sanctions administratives et sanctions pénales. On ne peut par conséquent pas opposer le montant des sanctions prononcées par les tribunaux au montant des sanctions administratives.
Je termine enfin sur la suspicion qui mine la démocratie. Je suis tout à fait d’accord avec M. Longuet, il convient de louer les services de Bercy pour leur sérieux, leur responsabilité et leur professionnalisme. Mais notre collègue évoque également leur discrétion, alors que j’estime pour ma part que c’est exactement cela qui mine la démocratie ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à cet article, comme elle le sera aux articles suivants.
Pour ma part, je préfère le secret fiscal, beaucoup moins bafoué, au secret de l’instruction.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 116 |
Contre | 226 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa de l’article 1741 du code général des impôts est complété par une phrase et trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, les poursuites sont engagées dans les conditions prévues par le code de procédure pénale :
« – lorsque les faits ont été portés à la connaissance de l’autorité judiciaire dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction ouverte pour d’autres faits ;
« – lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées qu’ils résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.
« L’administration est informée sans délai des poursuites engagées dans ces conditions. ».
II. – Après l’article L. 227 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 227-… ainsi rédigé :
« Art. L. 227-… – Pour le délit de fraude fiscale prévu à l’article 1741 du code général des impôts, l’administration fiscale a le droit, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger, après accord du procureur de la République ou du procureur de la République financier, dans les conditions définies aux articles L. 247 à L. 251 A du présent livre, lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées qu’ils résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228.
« L’acte par lequel le procureur de la République ou le procureur de la République financier donne son accord à la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l’action publique.
« L’action publique est éteinte lorsque l’auteur de l’infraction a exécuté dans le délai imparti les obligations résultant pour lui de l’acceptation de la transaction. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Un amendement similaire a déjà été adopté par le Sénat. Vous parliez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, d’aménagement. Je sais bien que ce n’est ni le bon moment, ni le bon texte, ni le bon jour, ni la bonne heure, mais l’adoption du présent amendement enverrait un bon signal.
Cet amendement tend à lever partiellement le « verrou de Bercy », en visant la possibilité pour l’autorité judiciaire d’engager des poursuites sans autorisation préalable de l’administration, d’une part, lorsque les faits sont apparus à l’occasion d’une enquête ou d’une instruction portant sur d’autres faits, d’autre part, lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou par le recours à diverses manœuvres.
Il vise en outre à ouvrir, sous le contrôle du parquet, une possibilité de transaction pénale pour les faits de fraude fiscale complexe commis dans les circonstances susvisées.
Il s’agit donc d’un aménagement préfigurant tous ceux que vous suggérerez ou validerez dans le cadre du projet de loi qui nous sera soumis dans quelques semaines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Cet amendement reprend un dispositif proposé en juillet 2013 par la commission des lois et adopté effectivement par cette commission, mais pas par le Sénat, ma chère collègue. Je tiens à repréciser les choses sur ce sujet important.
Le mécanisme prévu par l’amendement soulève plusieurs difficultés de fond. En effet, quel sera l’impact sur les services de justice et sur l’administration ? Par exemple, l’interdiction de lancer des transactions sans passer par le parquet suscite des interrogations sur la réactivité du dialogue entre l’administration et le contribuable, comme sur la préservation du secret fiscal.
S’agissant de l’égalité entre les citoyens, au nom de quoi introduirait-on une procédure spéciale pour certains cas de fraude fiscale ? Toutes les affaires graves doivent aller devant le juge pénal, qu’elles relèvent ou non des conditions fixées par cet amendement. C’est justement l’avantage de la procédure actuelle, qui permet l’application de critères homogènes grâce au contrôle de la CIF.
Il convient également de réfléchir au périmètre du mécanisme prévu par l’amendement. Les cas de fraude fiscale aggravée sont ceux qui justifient le plus le renvoi devant l’autorité judiciaire, mais ce sont aussi ceux pour lesquels la compétence technique de l’administration est essentielle. Cela ne s’oppose en rien au dépôt de plainte. Certes, il manque à l’administration des moyens spéciaux pour mener l’enquête, nous en avons parlé, mais elle peut d’ores et déjà les obtenir par la procédure d’enquête judiciaire fiscale instaurée en 2009, sous le double contrôle de la commission des infractions fiscales et du parquet.
Avec l’adoption de cet amendement, il faudrait craindre une désorganisation du fonctionnement actuel, ce qui aurait finalement une incidence catastrophique sur la qualité du recouvrement des impôts et des pénalités.
S’agissant de la première partie de l’amendement, c’est précisément lors des débats portant sur ce point que l’Assemblée nationale a décidé de constituer une mission d’information. À un moment donné, il serait souhaitable d’avoir un minimum de cohérence !
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission vous demande, madame Goulet, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il est identique à celui de la commission. En présentant votre amendement, vous avez vous-même relevé, madame la sénatrice, que le moment était sans doute inopportun.
Quoi qu’il en soit, votre proposition mérite d’être examinée. Je l’ai déjà dit, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la fraude fiscale, nous aurons la possibilité de procéder à des aménagements du « verrou de Bercy », pour le rendre à la fois plus transparent et plus objectif, afin de dissiper les doutes et les interrogations.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il sera au regret d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet amendement va dans le bon sens et fait tomber un certain nombre d’arguments avancés par ceux qui s’opposent à ce texte, jugé jusqu’au-boutiste. Toutefois, pour le rapporteur comme pour le Gouvernement, c’est encore trop ! En fait, le blocage, que nous ne pouvons plus comprendre, vient d’ailleurs.
En effet, quand on parle du « verrou de Bercy » en dehors de l’hémicycle, même des sénateurs de droite estiment qu’il faut arrêter cet archaïsme, qui ne correspond ni à ce qui se passe à l’étranger – on nous montre souvent en exemple un certain nombre de pays – ni au principe de séparation des pouvoirs qui guide notre République. Quand on fait des entorses à des principes fondamentaux, on peut toujours avoir recours à des arguties, mais on décrédibilise les fondements mêmes de notre République.
Par ailleurs, si ce gouvernement s’assoit parfois sur les grands principes, il ne cesse en revanche de se réclamer de l’efficacité économique. Or comment peut-il justifier le fait de renoncer à une somme évaluée entre 60 et 80 milliards d’euros, même si l’on sait qu’on ne pourra jamais la recouvrer totalement ? Avez-vous une idée de ce qu’on peut financer en récupérant ne serait-ce que 10 milliards d’euros supplémentaires ? Au moment où il n’y a plus d’argent dans les caisses, où les services publics ne sont plus assurés sur l’ensemble du territoire, où les hôpitaux publics sombrent dans le marasme, ce qui menace la santé de nos concitoyens, comment peut-on se priver de la recherche de mécanismes permettant de faire entrer plus d’argent dans les caisses de l’État, tout en envoyant un signe de respect du principe d’égalité à l’ensemble de la société ? Même si l’on dispose des meilleurs conseils juridiques, on ne doit pas être mieux loti que les simples citoyens assujettis à l’impôt.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’examen de cet amendement est caractéristique du double discours et d’un traitement peu agréable du Parlement.
M. le secrétaire d’État l’affirme, reprenant ainsi une expression de M. Gérald Darmanin que l’on ne comprend d’ailleurs pas très bien, le Gouvernement a décidé « de donner les clés du verrou de Bercy au Parlement ». Cela tombe bien, car nous, parlementaires, sommes chargés de faire la loi !
On peut être en accord ou en désaccord avec ce que nous proposons ici, mais comment peut-on dire une phrase pareille ? Ou alors, le Sénat n’est pas le Parlement, comme je le comprends malgré tout.
J’entends également M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, ce qui me surprend davantage, évoquer la nécessité d’aménager, de trouver des critères, de ne pas engorger la justice, etc. Or notre collègue Nathalie Goulet, que personne ne peut soupçonner de s’intéresser à ces questions sous le coup de l’émotion, puisqu’elle y travaille depuis plusieurs années, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, propose un mécanisme constituant un début d’aménagement. Cela correspond d’ailleurs à la décision prise, voilà plusieurs années, par la Cour de cassation, qui voulait exclure du « verrou » le blanchiment de fraude fiscale. Il s’agit donc d’un dispositif identifié d’un point de vue juridique.
Pourtant, une telle proposition ne convient toujours pas ! Monsieur le rapporteur, nous allons, dans quelques semaines, voire quelques jours, travailler sur ce sujet. Que direz-vous, alors que vous refusez aujourd’hui, dans un bel élan et de concert avec le Gouvernement et, sans doute, la majorité du Sénat – j’ai cru comprendre que c’est ainsi que se dessinaient les accords internes –, ce modeste aménagement, que le groupe socialiste et républicain, considérant qu’il est important d’avancer, souhaite voter ?
Ce double discours est absolument regrettable et peu positif pour le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai entendu deux fois, et même trois, en comptant la dernière intervention, évoquer l’idée d’un double discours sur cette disposition. Mais s’il fallait supprimer le « verrou » fiscal, pourquoi le groupe socialiste n’a-t-il pas voté en faveur de l’amendement de M. Bocquet, le 5 juin 2016 ? Pour quelle raison ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous êtes en responsabilité aujourd’hui !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Avec toute l’estime que j’ai pour beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je me demande ce qui empêchait votre groupe de le faire.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous sommes en 2018 ! Que fait-on ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. De la même manière, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, dont je faisais partie, a toujours voté le rétablissement du « verrou » fiscal lorsqu’il était question de le supprimer purement et simplement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais aujourd’hui, que faites-vous ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Nous l’avons dit et répété pendant cinq ans ! Souvenez-vous-en !
Pendant cinq ans, nous avons dit que nous étions opposés à la suppression pure et simple du « verrou de Bercy ». Parce que vous êtes dans l’opposition, vous militeriez aujourd’hui, en vertu de je ne sais quelle amnésie, pour cette suppression pure et simple ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il y a six mois, vous étiez contre le budget de l’État ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! C’est vous qui êtes amnésique !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est donc vous qui tenez un double discours !
Je le répète : nous sommes - et j’ai toujours été, à titre personnel - favorables à l’aménagement du « verrou ».
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Alors, faites-le !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement travaillera, avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, de manière à aménager le « verrou » dans le sens d’une efficacité renforcée.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je regrette que nous ayons ce type de discussion. Je crois en effet que la lutte contre la fraude fiscale peut nous rassembler et nous faire avancer.
Mais, en l’occurrence, objectivement, nous sommes devant un refus. Ce ne serait pas le moment ! Je ne sais ce qui aura changé dans un mois et demi ; peut-être un nouveau scandale aura-t-il éclaté. Sinon, rien n’aura changé !
On aurait donc tout à fait pu avancer, par exemple en adoptant un amendement émanant d’autres groupes que le nôtre – je salue, à ce titre, le travail de Nathalie Goulet ; sa proposition constitue en quelque sorte une solution de repli, et nous la soutiendrons, notre état d’esprit étant, comme je l’ai dit, d’avancer.
Un certain nombre de choses ont été faites au cours du précédent quinquennat, notamment la création du Parquet national financier – cela a été rappelé. Des dispositifs ont été mis en place – ils sont désormais opérationnels –, conditions nécessaires à la suppression du « verrou de Bercy ». Nous disposons désormais d’outils qu’il convient de déployer pour permettre cette suppression et faire cesser cette logique qui n’est pas du tout dissuasive. Or il faut que nous entrions dans une logique dissuasive !
Oui, nous serons présents lors de la discussion du projet de loi Darmanin. Vous nous trouverez ici même, avec des propositions. Mais il eût été possible, et souhaitable, que le Parlement prenne ses responsabilités aujourd’hui, ici, au Sénat, pour faire des propositions, afin que l’on avance sur le chemin de la lutte contre la fraude fiscale.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. J’interviens d’autant plus volontiers que j’ai été pris à partie directement.
Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue Sophie Taillé-Polian sur le fait que nous sommes tous profondément attachés à la lutte contre la fraude fiscale.
Mme Sophie Taillé-Polian. Prouvez-le !
M. Emmanuel Capus. Nous divergeons un tantinet sur la définition des moyens efficaces, et sur l’opportunité de judiciariser exclusivement ou pas le mode de règlement de ce type de litiges. La divergence porte simplement sur le type de moyens.
Vous l’avez compris : il me semble, à titre personnel, que supprimer totalement la voie administrative, au profit exclusif de la poursuite pénale, n’est pas le moyen le plus efficace.
Mme Sophie Taillé-Polian. Vos réserves sont levées par les dispositions de l’amendement !
M. Emmanuel Capus. S’agissant de l’amendement de Mme Goulet, l’idée d’une levée partielle, dans certains cas, du « verrou de Bercy » mérite d’être étudiée très sérieusement – je partage cette analyse avec le rapporteur du texte.
Il me semble que la proposition de Mme Goulet, qui consiste à développer le recours à la transaction pénale en cas de refus de la solution transactionnelle durant la phase administrative, constitue un compromis intéressant, et nous pourrons en débattre.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Pourquoi pas aujourd’hui ?
M. Emmanuel Capus. Je dis juste que ce n’est ni le lieu ni le moment. Nous allons avoir un débat. Le texte qui va être proposé et les discussions qui ont lieu à l’heure actuelle à l’Assemblée nationale, et qui seront rendues publiques le 22 mai prochain, nous permettront d’avancer. C’est juste une question de timing. Mais je salue le travail effectué par Mme Goulet.
Vous aurez compris, mes chers collègues, que, à ce stade de la discussion, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre le présent amendement.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Oui, monsieur le président.
Cette disposition ne fait que découler de ce qui a été auparavant voté dans cette maison. Elle a déjà été adoptée, notamment dans le cadre d’un texte relatif à la lutte contre le financement du terrorisme, via un amendement déposé par Éric Bocquet.
Il ne s’agit pas d’engorger les tribunaux ; il s’agit simplement de pouvoir délester, le cas échéant, le « verrou », dans l’hypothèse d’instructions connexes. Ce n’est quand même pas la mer à boire, d’autant plus que l’article 1er de cette proposition de loi a déjà été rejeté par le Sénat et que le texte n’a aucune espèce de chance d’arriver jusqu’à l’Assemblée nationale, puisque nos collègues du groupe Les Républicains ont demandé un deuxième scrutin public !
Je trouve donc que l’image donnée n’est pas du tout satisfaisante. Il s’agit d’une simple procédure ; on peut parfaitement imaginer adopter cette disposition à titre de signal en faveur de l’assouplissement promis ; de toute façon, dans quelques semaines, au mois de juillet, lorsque le projet de loi qui a été évoqué arrivera devant nous, cet amendement sera de nouveau déposé. Et je doute que, d’ici à juillet, il fasse l’objet d’une expertise plus poussée, et qu’on ait le temps d’expertiser les autres mesures.
Je ne parle pas de double discours, monsieur le secrétaire d’État – je ne pense pas que vous teniez un double discours. Je dis simplement que les échéances que vous évoquez, qui sont à quelques mois, ne sont absolument pas une garantie. Compte tenu de la capacité générale des gouvernements successifs à accompagner leurs textes d’études d’impact, je doute que l’ensemble des mesures d’assouplissement que vous allez nous proposer soient plus expertisées que les dispositions du présent amendement du groupe Union Centriste, que je maintiens. (Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-Marie Janssens applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)