M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, mon intervention vient clore un concert unanime ou presque appelant à résoudre une énigme, celle de ce qu’on pourrait appeler le mauvais génie français : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Comme l’a souligné Mme la rapporteur, forte de l’unanimité de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la situation est ubuesque, kafkaïenne.
Ce serait risible, si soixante-quinze familles n’étaient pas en cause : non pas des investisseurs à haut niveau de revenus, ni des marchands de nuitées touristiques, mais, tout simplement, des familles, pour l’essentiel modestes, qui se sont endettées sur vingt-cinq, voire trente ans, comme l’a expliqué Françoise Cartron, en faisant confiance à un plan d’aménagement du littoral aquitain supervisé par l’État dans les années 1960.
Les planificateurs ne sont pas allés au bout de l’aménagement, car, comme par hasard, ils n’avaient pas prévu le recul du trait de côte. Le droit est rarement en amont des faits.
Depuis quatre ans, les propriétaires se voient interdire l’accès à leur bien, sans pour autant avoir été expropriés en droit, au motif que l’article L. 561–1 du code de l’environnement n’établit pas de lien formel entre l’érosion côtière et la menace grave pour la vie humaine. Par voie de conséquence, impossible pour eux d’être indemnisés par le fonds Barnier.
Cette absence de droit pose problème au regard de la responsabilité de l’État, comme l’a signalé notre rapporteur, puisque c’est lui qui a délivré le permis de construire, et de celle des collectivités territoriales – l’arrêté de péril sans expropriation, quelle hypocrisie ! –, mais aussi de l’égalité entre citoyens : quelques kilomètres plus loin, comme l’a rappelé Mme Cartron, d’autres zones ont bénéficié d’un enrochement. Au regard, aussi, des enjeux environnementaux, puisque si l’érosion rocheuse peut être prise en compte, tel n’est pas le cas de l’érosion sableuse.
Nous sommes bien en présence d’un vide juridique. Or un vide juridique est fait pour être comblé.
Tel est l’objectif de cette proposition de loi, d’une clarté à toute épreuve et d’une grande simplicité. Préciser l’article L. 561–3 du code de l’environnement, d’une manière limitée dans le temps, pour éviter toute dérive, on ne saurait faire ni plus simple ni plus efficace.
Avec ce texte, le cas qui nous préoccupe n’est pas noyé – sans jeu de mots – dans un dispositif global. Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, qu’il faut du courage pour prendre de la hauteur : pour moi, le courage consiste parfois à admettre qu’on ne détient pas la vérité. Une certaine humilité, c’est aussi une forme de courage !
M. Michel Vaspart. Très bien !
Mme Laurence Harribey. Ce matin, en commission des lois, nous avons entendu le Défenseur des droits présenter son rapport annuel d’activité pour 2017. Dans l’éditorial qui ouvre ce rapport, Jacques Toubon écrit : « Le droit est le ciment d’une commune humanité sans cesse à construire. » Madame la secrétaire d’État, je vous invite à un peu d’humanité et à moins de calculs politiciens dans cette affaire : l’ensemble de nos institutions en sortiront grandies ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – MM. Ronan Dantec et Yvon Collin s’exclament.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d’indemnisation pour les interdictions d’habitation résultant d’un risque de recul du trait de côte
Article unique
Le fonds mentionné à l’article L. 561-3 du code de l’environnement finance les indemnités allouées aux propriétaires d’un bien immeuble ayant fait l’objet d’une interdiction définitive d’habiter ou d’occuper les lieux prise en raison du risque de recul du trait de côte pour des faits intervenus avant le 1er janvier 2017, à l’exception des immeubles dont le permis de construire a été délivré par le maire au nom de la commune, en application d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme.
Ces indemnités sont évaluées sans prendre en compte ce risque et leur montant maximum est fixé à 75 % de la valeur estimée de chaque bien.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la secrétaire d’État, vous avez fait connaître, il y a quelques instants, votre avis négatif sur la proposition de loi.
C’est la cinquième fois en peu de temps qu’une proposition de loi reçoit un avis négatif du Gouvernement. Celle sur l’eau et l’assainissement, celle sur la loi Littoral, celle de Patrick Chaize sur le numérique et la mienne, sur le ferroviaire : autant de textes, portant sur des sujets variés et déposés par des groupes divers, auxquels le Gouvernement s’est opposé. Nous devrions donc être habitués !
Et pourtant… Comme vous l’avez compris aux réactions suscitées par votre intervention, tous, à quelque groupe que nous appartenions, nous sommes choqués par cette position du Gouvernement.
Tout simplement parce que, comme l’ensemble des orateurs l’ont expliqué, à commencer par l’auteur de la proposition de loi et la rapporteur, nous sommes face à des drames humains absolument épouvantables. Quand des familles ne peuvent plus habiter leur logement, mais continuent de payer des remboursements d’emprunt et doivent en même temps payer un loyer, ce qui les accule parfois dans des situations dramatiques, le « on verra plus tard » est juste tout à fait insupportable ! (Mme Françoise Cartron opine.)
Il est d’autant plus intolérable que l’État est totalement responsable de cette situation : c’est lui qui a aménagé, lui qui a délivré le permis de construire, lui encore qui n’a pas su prendre les mesures nécessaires pour éviter l’érosion côtière qui entraîne les difficultés actuelles.
Tous, madame la secrétaire d’État, quels que soient notre groupe et la région que nous représentons, nous ne pouvons pas comprendre la position que vous défendez.
Voilà quatre ans déjà, un de vos lointains prédécesseurs, M. Martin, éphémère ministre de l’écologie, avait affirmé que le gouvernement prendrait dans des délais très proches les mesures qui s’imposaient. Quatre ans plus tard, nous en sommes au même point, et le Gouvernement nous dit toujours la même chose. Ce n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l’article unique.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi s’inscrit pleinement dans la démarche et les compétences de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a pris une position unanime. Bien entendu, comme tous les membres de la commission, je la voterai.
Madame la secrétaire d’État, l’enjeu est extrêmement important : alors que la situation est catastrophique pour de nombreuses familles, on ne peut pas comprendre que l’on remette les décisions à plus tard.
Il se trouve que je siégeais dans cet hémicycle lorsque la loi Barnier a été votée. J’ai le souvenir précis que, si elle a été adoptée, c’est justement pour répondre à des situations correspondant à ces circonstances. La Seine-Maritime était directement concernée, à la suite d’événements que nous avions connus, mais d’autres territoires l’étaient aussi.
Madame la secrétaire d’État, alors que c’est l’État qui a pris les décisions et procédé aux aménagements, pourquoi s’opposer à une proposition de loi qui s’inscrit pleinement dans l’esprit de la loi Barnier ?
J’ai bien compris que, en s’appuyant sur le code de l’environnement, le Gouvernement considère qu’on ne peut pas recourir aux financements de la loi Barnier pour répondre à ces situations. Vous proposez donc de reporter les décisions, en y associant l’ensemble des partenaires concernés.
Je m’appuierai, moi, sur la démarche lancée par M. le Premier ministre, qui vient d’emmener le Gouvernement dans le Cher pendant trois jours pour voir comment les choses fonctionnent sur le terrain et se montrer proche de celui-ci, pour suggérer à M. le président de la commission que celle-ci se rende sur place, afin de souligner l’importance de l’enjeu et la nécessité de prendre en compte réellement et rapidement ces situations inacceptables ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, sur l’article unique.
M. Didier Mandelli. Madame la secrétaire d’État, vous ne serez pas surprise que mon intervention s’inscrive dans le droit-fil de celles des orateurs précédents.
Voilà quelques mois, j’ai été le rapporteur d’une proposition de loi de Michel Vaspart portant sur le même sujet, puisque son article 3 traitait le cas de l’immeuble Le Signal. Force est de reconnaître que la question n’a pas beaucoup avancé…
Ce qui me désole et m’exaspère, comme un certain nombre de mes collègues sur les différentes travées de notre assemblée, c’est que le texte précédent a été jeté aux orties et que celui-ci prendra le même chemin – vous nous l’avez d’ores et déjà annoncé – sans que la question posée soit résolue.
Je souhaite que, dans les semaines et les mois qui viennent, vous trouviez des solutions rapides. J’ose espérer que le fonds Barnier ne sera pas sollicité : cela voudrait dire que nous aurions perdu beaucoup de temps, que la difficulté aurait pu être résolue bien plus tôt.
En ce qui concerne le fonds Barnier, je rappelle que le gouvernement précédent avait procédé à une ponction de 55 millions d’euros. L’actuel, le vôtre, a ponctionné 71 millions d’euros, non pas directement, mais en plafonnant à 137 millions d’euros…
M. Charles Revet. Pour le budget de l’État !
M. Didier Mandelli. … le budget global de ce fonds, dont vous savez bien qu’il pourrait être utilisé – c’est un constat relativement partagé.
Le président de la commission a énuméré les différentes propositions de loi qui ont été jetées, non pas en pâture à l’Assemblée nationale, mais dans des puits sans fond. Je regrette que celle-ci, déposée par Mme Cartron et bien rapportée par Mme Tocqueville, subisse le même sort.
Madame la secrétaire d’État, vous avez encore la possibilité de résoudre la question du Signal. À une situation exceptionnelle, vous devez pouvoir trouver une solution exceptionnelle. Le fonds Barnier pourrait être utilisé : il vous suffit d’accepter le dispositif que nous proposons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, sur l’article unique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui certes a un caractère exceptionnel, permet d’envoyer un message fort sur le registre du symbolique.
L’évolution du trait de côte est une préoccupation constante des riverains, qui se perçoivent comme des victimes potentielles. Je puis vous assurer que les porter à connaissance des zones rouges définies dans les plans de prévention des risques de submersion marine par les DREAL suscitent une grande anxiété, notamment dans le département de la Manche, qui a plus de 330 kilomètres de côte.
Il est donc indispensable que la représentation nationale s’approprie le sujet, s’agissant du droit des sols comme des processus de déplacement des activités et des populations – souvenons-nous de nos débats de janvier dernier sur la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux.
Nous devons également prévoir les modalités de mobilisation de nouveaux moyens pour faire face aux indemnisations.
Certes, il faut une approche globale ; mais le mieux est souvent l’ennemi du bien. Cette proposition de loi, bien que de portée limitée, constitue une avancée. Elle est l’expression du courage de traiter rapidement une situation exceptionnelle et d’une volonté immédiate, à l’inverse de ce qui pourrait être considéré comme une forme de mépris, consistant à toujours remettre les décisions à plus tard. C’est pourquoi je la voterai ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous n’en sommes pas encore aux explications de vote.
La parole est à Mme Françoise Cartron, sur l’article unique.
Mme Françoise Cartron. J’ai bien entendu l’exposé de Mme la secrétaire d’État. Sans répéter tout ce qui a été dit à propos du Signal, je voudrais souligner que cette proposition de loi illustre ce que peut être le travail parlementaire et le rôle d’initiative que peut jouer le Sénat, composé d’élus des territoires porteurs de la voix et des réalités de ceux-ci.
Il y a aujourd’hui dans notre pays une grande défiance envers les élus, les décideurs quels qu’ils soient et tous les gouvernements.
Mme Françoise Cartron. On a l’impression qu’ils sont impuissants à résoudre les problèmes les plus simples !
J’entends que, d’un point de vue technique, technocratique, il est très compliqué de trouver une solution en s’appuyant sur tel texte, amendement, contre-texte ou autre. Mais le résultat, c’est que, depuis cinq ans – ce n’est donc pas un procès fait à ce gouvernement –, nous sommes dans l’immobilité, alors que des gens sont expulsés de chez eux sans indemnité.
Peut-on imaginer cette violence ? D’une certaine manière, notre rôle de parlementaires n’est-il pas d’être la voix des plus faibles, de ceux qui subissent, face à une machine administrative parfois complètement inhumaine ?
Cette proposition de loi est une perche tendue au Gouvernement pour qu’il s’en saisisse. Il faut ou bien qu’elle soit adoptée, ou bien qu’une mesure dérogatoire soit prise ; mais, surtout, ne repartons pas dans des lois globales, ou des espèces de tables rondes où personne ne sera d’accord ! Car, au bout du compte, les habitants du Signal assisteraient, impuissants, à l’impuissance des politiques.
Rendons service à notre pays en nous montrant efficaces et pragmatiques, comme le dit souvent le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article unique.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, madame la rapporteur, mes chers collègues, quelle grande déception, vraiment, de devoir à nouveau discuter de cette question, que le Sénat a déjà tranchée à plusieurs reprises !
Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Tout simplement parce que, comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues, parmi lesquels Michel Vaspart, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, le Gouvernement et celui qui l’a précédé n’ont pas voulu prendre leurs responsabilités pour traiter ce problème.
Il y a, bien sûr, le problème de l’immeuble Le Signal, symptomatique des difficultés que nous rencontrons du fait du recul du trait de côte ; mais il n’épuise pas le sujet.
Nous avons récemment adopté une proposition de loi, cosignée par Michel Vaspart, Bruno Retailleau et moi-même, mais aussi beaucoup d’autres parmi vous. À cette occasion, une quasi-unanimité s’est exprimée au Sénat pour une approche globale de toutes les conséquences à tirer pour l’action publique du recul du trait de côte, s’agissant y compris du redéploiement des installations et de la construction dans les dents creuses, sans oublier l’évolution du fonds Barnier et de ses financements.
Il n’est pas admissible que, chaque année, le gouvernement détourne pour le budget de l’État une partie du produit de ce fonds (M. Jean-Paul Émorine opine.),…
M. Charles Revet. Voilà !
M. Philippe Bas. … qui vient tout de même des assurances ! Alors que nous avons les moyens d’agir avec le fonds Barnier, on le dégonfle artificiellement pour utiliser cet argent à d’autres fins que celles pour lesquelles il a été institué !
Je préférerais de beaucoup qu’on élargisse les possibilités de financement du fonds Barnier et que l’on traite l’ensemble des questions, y compris celles qui sont relatives à la construction, quand il n’y a pas de vue sur le littoral, sur les terrains compris entre deux terrains construits, sans altérer en rien nos paysages.
Que le Gouvernement prenne ses responsabilités en inscrivant à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale les textes que nous avons votés ! Je lui dis : n’ayez pas d’amour-propre d’auteur, car le problème est de régler les difficultés qui assaillent de très nombreux Français devant le recul du trait de côte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article unique.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, vous avez invoqué la volonté de traiter ce sujet dans un texte global. La proposition de loi de notre collègue Michel Vaspart sur le développement durable des territoires littoraux est un texte global… Puisqu’il semble qu’on nous oppose aujourd’hui une fin de non-recevoir, il est urgent d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, en écho à la remarque de notre collègue Françoise Cartron sur l’immobilisme, je tiens à souligner, à l’heure où l’on parle beaucoup de révision constitutionnelle, que, sur cette question, le Sénat démontre son efficacité et sa persévérance, en jouant tout son rôle pour défendre les territoires et les gens en situation d’extrême difficulté ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Efficace et pragmatique, a dit Mme Cartron. C’est bien ainsi que le gouvernement auquel j’appartiens entend travailler, contrairement au gouvernement précédent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Marc Daunis. Argument facile !
M. Patrick Kanner. Résistez à votre administration ! Soyez à la hauteur de votre tâche !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme la secrétaire d’État poursuivre.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’entends bien poursuivre… Contrairement à la méthode du gouvernement précédent, nous voulons, sur cette question-là, adopter une approche à la fois globale et spécifique : c’est le fameux « en même temps ». (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Kanner. On vous en donne l’occasion !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Une approche globale, parce que l’érosion du trait de côte est une réalité dans notre pays, et que vous, élus des territoires, serez peut-être confrontés à d’autres questions comme celle-là.
M. François Bonhomme. Vous avez l’air convaincue…
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La France a un domaine littoral et des côtes partout !
Cela n’empêche pas, madame Cartron, que nous entendions les personnes modestes dont vous avez parlé, qui souffrent de cette situation.
M. Daniel Laurent. Non, vous ne les entendez pas !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. C’est pourquoi nous allons nous attaquer à la question de façon spécifique. Nous pourrions vous faire croire, comme on l’a fait par le passé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), que nous allons tout régler. Je vous dis, moi, que c’est difficile.
M. Philippe Bas. Vous nous avez dit la même chose il y a trois mois, et vous n’avez rien fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Françoise Cartron. Eh oui !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous n’allons pas entrer à cet instant dans ce débat particulier.
M. Philippe Bas. Nous sommes là pour cela !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Discutez-en aussi avec vos collègues de l’Assemblée nationale, dont certains travaillent sur une proposition de loi globale. En janvier, nous avons essentiellement parlé de la loi Littoral. (M. Philippe Bas fait un signe de dénégation.)
M. Charles Revet. Inscrivez donc la proposition de loi Vaspart à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Pour ce qui est de l’immeuble Le Signal, nous allons travailler en liaison étroite avec vous, madame Cartron, pour trouver une solution pragmatique.
M. François Bonhomme. Quand vous serez ministre !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il est vrai qu’il y a des personnes qui souffrent, là-bas : nous ne voulons pas les abandonner ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Reste que, sur les territoires, d’autres immeubles pourraient se trouver dans la situation du Signal dans les années et les décennies à venir, parce que la réalité du changement climatique, elle est maintenant. C’est pourquoi nous voulons aussi agir à cette échelle : c’est le fameux « en même temps », auquel nous tenons ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Marc Daunis. Ce n’est pas parce qu’on parle de côtes qu’il faut ramer ainsi !
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Avant donc de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, j’ai été très touché par la dernière intervention de Françoise Cartron, qui m’a semblé très juste.
Dans cette situation inextricable, où la responsabilité de l’État est engagée, il faut une réponse rapide. Il ne faut surtout pas mélanger la situation du Signal et les réponses à l’évolution du trait de côte liée au réchauffement climatique.
M. Marc Daunis. Évidemment !
M. Ronan Dantec. Si vous faites les deux à la fois, vous n’arriverez à rien !
Il faut que vous agissiez de manière extrêmement rapide, probablement – parlons clair – en faisant un chèque aux habitants de cet immeuble, parce que la responsabilité de l’État est engagée.
Ainsi nous sortirons de cette situation qui nous empêche d’avoir un vrai débat sur la loi Littoral, à propos de laquelle, monsieur Bas, il n’y a pas de consensus : la zone d’activité résiliente et temporaire instaurée par la proposition de loi Vaspart est un dispositif extrêmement mauvais, qui créerait de nombreux Signal !
Une partie des dispositions de cette proposition de loi ne doivent pas être suivies, même si, dans de nombreuses situations – M. Vaspart et moi-même en discutons souvent –, il faut trouver des solutions, y compris en construisant des consensus dérogatoires, comme je le propose depuis longtemps.
En tout cas, ne mélangeons pas les deux questions. Que l’État trouve d’abord les quelques millions d’euros qui régleront le problème du Signal, problème qui envoie un message extrêmement négatif sur sa capacité à répondre aux injustices – il est important de le faire tout de suite. Ensuite, madame la secrétaire d’État, il faudra que vous mettiez rapidement les acteurs autour de la table pour trouver des consensus sur la loi Littoral.
En ce qui concerne la proposition de loi sénatoriale, je tenais à rappeler qu’il n’y avait pas eu de consensus,…
M. Didier Mandelli. Mais il y avait une majorité !
M. Ronan Dantec. … et que nous avions été nombreux à voter contre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Mme la secrétaire d’État plaide pour une approche globale : très bien, mais alors, comme l’a fait observer Mme Billon, pourquoi ne pas avoir inscrit la proposition de loi de Michel Vaspart à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?
Si, madame la secrétaire d’État, ses dispositions ne vous conviennent pas, il est tout loisible à l’Assemblée nationale de les modifier. Je suis désolé de faire un petit cours de droit constitutionnel, mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord avec un texte voté par le Sénat qu’on ne doit pas l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale… (M. Philippe Bas opine.) Les députés peuvent modifier un texte qui ne correspond pas aux souhaits de la majorité de l’Assemblée nationale et du Gouvernement.
De même, pourquoi ne pas avoir inscrit à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi de notre collègue députée Pascale Got, examinée deux fois par l’Assemblée nationale sous la précédente législature et que la fin des travaux parlementaires l’année dernière nous a empêchés d’examiner en deuxième lecture ?
D’un côté, on n’inscrit pas à l’ordre du jour les textes qui ont une approche globale, sans que nous sachions pourquoi ; de l’autre, quand il y a un texte spécifique, on dit qu’il faut une approche globale !
Monsieur Revet, je suis tout prêt à aller avec la commission à Soulac-sur-Mer,…
M. Charles Revet. Très bien !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. … mais je crois qu’il faudrait surtout convaincre Mme la secrétaire d’État d’y aller.
M. Daniel Laurent. Et le Président de la République !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Si elle voyait la situation sur le terrain et rencontrait les familles plongées dans des drames, peut-être le Gouvernement aborderait-il la question de manière différente.
Quoi qu’il en soit, j’observe que, pour la troisième fois, nous allons voter un dispositif qui remédie à cette situation dramatique, et que, pour la troisième fois, notre vote ne servira à rien. Pour la troisième fois, on nous dit : on verra plus tard…
Dans ces conditions, je ne puis malheureusement que rejoindre Mme Cartron : une fois de plus, on va donner l’image d’un Parlement impuissant et qui ne sert à rien, et j’en suis navré ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)