M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite parler des grandes infrastructures routières circumparisiennes, vues du Val-d’Oise.
Le Val-d’Oise est le seul département de grande couronne qui n’a aucun débouché sur le boulevard périphérique par autoroute.
La situation n’est guère meilleure s’agissant de l’A 86, puisque l’A 15 aboutit sur l’une des sections les plus étranglées de cette autoroute, une zone à deux voies encombrée en permanence.
Enfin, le Val-d’Oise est un cul-de-sac pour la troisième grande structure à vocation circulaire qu’est la Francilienne pour l’Île-de-France.
En effet, si la liaison vers l’est, à partir de Cergy en passant par Roissy, a été réalisée, sur l’initiative, d’ailleurs, du conseil départemental et avec le soutien financier de la région – cette époque est révolue –, le bouclage vers l’ouest, par le prolongement de Méry-sur-Oise jusqu’à Orgeval, dans les Yvelines, reste une ardente nécessité.
À l’issue du débat public de 2006, l’État a retenu un tracé. Ce projet a été soutenu par l’assemblée départementale dans une motion unanime exprimant les attentes du département sur les communes d’Éragny et d’Herblay.
Depuis l’avis de la commission Mobilité 21, le bouclage de l’A 104 a été classé dans les secondes priorités. Le rapport de Philippe Duron préconise de poursuivre les études de réalisation et de statuer à nouveau vers 2030… Cela s’apparente fort à un renvoi aux calendes grecques pour des raisons budgétaires qui n’échappent à personne.
Madame la ministre, pensez-vous que la ville-monde que veut être le Grand Paris peut attendre 2050 – en étant optimiste – pour disposer enfin du grand anneau périphérique de liaison entre les principaux pôles de la grande couronne parisienne et de contournement de la zone la plus dense ? Que deviendrait alors l’un des grands projets fondateurs du Grand Paris, le port Seine-Métropole Ouest, à Achères ?
Quid du développement du bassin de vie de la confluence Seine-Oise, d’ampleur comparable à l’agglomération rouennaise ?
Enfin, quel est votre objectif en matière de programmation des étapes préalables nécessaires à la réalisation de cette grande infrastructure ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Bazin, je suis tout à fait consciente des enjeux liés à l’amélioration de la desserte du nord-ouest de l’Île-de-France.
Vous le savez, le projet de prolongement de la Francilienne entre Méry-sur-Oise et Orgeval soulève des difficultés importantes depuis de nombreuses années quant au choix du tracé et ses impacts environnementaux.
Vous avez mentionné les contraintes budgétaires. Certes, il s’agit d’un projet estimé à 3 milliards d’euros, pour lequel aucun plan de financement crédible n’a pour l’instant été identifié. Mais, au-delà, si un certain consensus a pu se dégager dans le Val-d’Oise, le projet pose des difficultés importantes d’insertion dans les Yvelines. Comme vous le soulignez, depuis que la commission Mobilité 21 a classé ce projet en secondes priorités, quel que soit le scénario financier considéré, les études et la concertation n’ont pas été poursuivies.
Le Conseil d’orientation des infrastructures a quant à lui mis en avant, outre les difficultés environnementales, la priorité à donner aujourd’hui aux solutions alternatives à la route dans le cœur de l’Île-de-France.
Pour l’ensemble de ces raisons, et compte tenu des gains que l’on entend tirer de ce projet, il nous faut rechercher et privilégier l’optimisation du réseau existant et le report des usagers sur les transports collectifs, la réalisation du prolongement de l’autoroute A 104 ne pouvant manifestement pas constituer une réponse de court terme.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Madame la ministre, vous avez dit il y a quelques instants qu’il était temps de sortir de décennies de promesses non financées pour s’engager sur une trajectoire claire, cohérente et sincère qui réponde vraiment aux attentes des citoyens.
Président de la région Guyane pendant dix-huit ans, je peux témoigner des paroles non tenues par les gouvernements successifs qui se sont engagés à désenclaver le territoire par la route du fleuve reliant le littoral à Maripasoula. Dans cette commune qui est la plus étendue de France avec ses 17 000 kilomètres carrés de superficie, et qui est accessible uniquement par voie fluviale ou aérienne, le prix d’une simple bouteille d’eau ou de gaz est trois fois plus élevé que sur le littoral.
Notons qu’un premier tronçon de 54 kilomètres de cette route indispensable a vu le jour en 2009, intégralement financé par les élus guyanais, sans aucune aide de l’État ou de l’Union européenne. Cent quatre-vingts kilomètres restent aujourd’hui à construire et figurent à ce titre dans le schéma d’aménagement régional validé par le Conseil d’État.
Dans son rapport, le Conseil d’orientation des infrastructures juge prioritaire de réduire les inégalités territoriales en prenant en compte les besoins spécifiques des outre-mer, notamment à travers les assises de l’aérien et celles des outre-mer.
Vous le savez, les caractéristiques géographiques, climatiques et démographiques de nos territoires ne sont pas sans incidence sur la construction et l’entretien des réseaux routiers se révélant très coûteux.
Aussi, et sans présager du résultat des Assises, j’aurais aimé avoir votre sentiment, madame la ministre, sur le développement des infrastructures routières en vue du désenclavement des outre-mer, en particulier en Guyane. Cette problématique aura-t-elle toute sa place dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités ?
Si nous devons naturellement avoir recours au transport aérien et au transport fluvial, je reste convaincu que le véritable désenclavement, celui qui participe activement au développement économique et social d’un territoire, passe nécessairement par la route. Nous n’avons rien inventé : voilà plus de deux mille ans, les Romains l’avaient déjà compris !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a lancé des Assises des outre-mer à l’automne dernier, conformément à un engagement de campagne du Président de la République.
Celles-ci sont l’occasion de mettre en lumière les enjeux majeurs que représentent l’accessibilité et le désenclavement pour les territoires d’outre-mer. Je suis personnellement très attachée à ces questions.
En ce qui concerne la Guyane, le plan d’urgence mis en place en 2017 est très ambitieux en matière d’infrastructures routières : l’État s’y est engagé à investir 300 millions d’euros dans les deux routes nationales existantes, la RN 1 et la RN 2.
Si la desserte de Maripasoula ne figure pas dans ce plan d’urgence, je peux vous assurer que l’État tient ses engagements en Guyane. Nous sommes pleinement mobilisés pour mettre en œuvre le plus rapidement possible les aménagements identifiés dans le plan d’urgence, et ce dans le respect des procédures, bien sûr.
Un avenant signé le 26 juillet 2017 entre l’État et la collectivité territoriale de Guyane a permis d’ajouter 100 millions d’euros au contrat de plan État-région, financés à 100 % par l’État, afin de réaliser le doublement du pont du Larivot.
Les services de l’État en Guyane sont également pleinement mobilisés pour faire avancer les études et les procédures qui permettront, à terme, l’aménagement à deux fois deux voies de la RN 1 et de la RN 2 à la sortie de Cayenne, routes aujourd’hui soumises à des congestions très importantes.
Comme vous pouvez le constater, nous partageons avec vous l’ensemble de ces enjeux et l’État est au rendez-vous de ses engagements.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour la réplique.
Vous disposez de trente secondes, mon cher collègue.
M. Antoine Karam. Comme l’a dit un précédent orateur, la France hexagonale compte 30 000 kilomètres de voies routières nationales et autoroutières pour 551 000 kilomètres carrés ; avec une superficie de 84 000 kilomètres carrés, équivalente à celle de l’Autriche, la Guyane compte 407 kilomètres de routes, dont 7 kilomètres de voies rapides.
Avec votre permission, madame la ministre, je vous ferai parvenir une vidéo de six minutes pour vous permettre de mieux comprendre le sens de notre interpellation, de nos besoins et de nos exigences. Il y va non seulement du développement économique de la Guyane, mais aussi de son futur !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une bonne chose de débattre aujourd’hui du rapport Duron, qui dresse la liste des projets à réaliser en matière d’infrastructures routières et propose des moyens pour y parvenir.
Je note tout de même que les autoroutes concédées sont les grandes absentes de ce tour d’horizon. Or la grande question qui se pose aujourd’hui en matière de transports est celle du financement. C’est la raison pour laquelle je souhaite aborder, dans ce débat, le sujet de la renationalisation des concessions d’autoroutes.
Selon nous, il s’agit d’un scandale d’État qui se caractérise par la captation par le privé d’une rente financée via l’impôt. Les concessionnaires d’autoroutes rackettent les usagers, alors que les contrats de concession ne permettent même pas à l’État de bloquer les tarifs, qui augmentent sans cesse.
Pire, les plans successifs – le dernier, en 2017 – prévoient un financement des investissements par les usagers et les collectivités, le rendement des actionnaires étant seul garanti.
Se pose donc une véritable question sur le financement des infrastructures : va-t-on encore longtemps laisser le privilège de cette rente aux actionnaires des autoroutes ?
Timidement, le rapport Duron indique que l’anticipation de la fin des principales concessions autoroutières mérite d’être examinée dès à présent et que cela doit même constituer une priorité absolue.
Si la politique des transports a souffert des promesses non financées, elle a peut-être surtout souffert de cadeaux faits au privé, comme s’apprête encore à en faire le Gouvernement à travers le nouveau pacte ferroviaire.
Il suffirait aujourd’hui de dénoncer ces concessions et d’indemniser les concessionnaires pour reprendre la main sur un rendement de 1 à 2 milliards d’euros par an, ce qui n’est pas une bagatelle.
Nous avons déposé une proposition de loi allant dans ce sens. Allez-vous vous servir de ce texte, madame la ministre, pour reprendre la main et engager progressivement la renationalisation des concessions d’autoroutes ?
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Éliane Assassi, je vous remercie de me donner l’occasion de redire très clairement qu’il n’a jamais été question de privatisation dans le domaine ferroviaire. (Mme Éliane Assassi sourit.) Nous aurons prochainement l’occasion d’en débattre au Sénat lors de l’examen du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.
Le Gouvernement a déjà inscrit dans ce texte que SNCF Réseau et SNCF Mobilités sont à cent pour cent publiques, leurs titres étant intégralement détenus par l’État, ce qui me semble plus protecteur que de parler d’incessibilité.
Toutefois, le débat qui se tiendra bientôt dans votre Haute Assemblée sera l’occasion d’ajouter cette mention, certes quelque peu redondante, mais qui aura manifestement le mérite de lever certains malentendus.
Mme Éliane Assassi. Vous pouvez compter sur nous, madame la ministre ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Borne, ministre. S’agissant maintenant des concessions autoroutières, madame Assassi, un groupe de travail constitué de parlementaires a rendu un rapport en février 2015 sur la question de la renationalisation du réseau routier concédé, concluant que le besoin de financement s’élèverait à plusieurs dizaines de milliards d’euros, soit un enjeu considérable pour nos finances publiques – et je ne suis pas sûre que nos concitoyens souhaitent aujourd’hui avoir à supporter une telle charge.
Pour autant, les contrats des sociétés concessionnaires ont été modifiés pour y insérer des clauses plafonnant la rentabilité desdites sociétés qui peuvent conduire à réduire la durée des concessions ou à limiter – voire à baisser – les tarifs de péage. Des indicateurs de performance ont également été introduits dans les contrats.
Par ailleurs, depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, autorité de régulation indépendante, dispose d’un pouvoir de contrôle et de sanction sur l’activité des concessionnaires.
Vous le voyez, madame la sénatrice, des instruments existent pour une bonne régulation du secteur autoroutier. J’espère que cela répond à vos attentes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Madame la ministre, le 6 mars dernier, je vous ai rencontrée avec les autres élus aveyronnais, parmi lesquels des parlementaires, le président du conseil départemental et la représentante de la région Occitanie, afin de vous convaincre de la nécessité de porter à deux fois deux voies la RN 88 reliant Toulouse à Lyon.
Le tronçon qui concerne le département de l’Aveyron occupe une quarantaine de kilomètres entre Rodez et Sévérac-le-Château.
À l’instar de ce qui a déjà été réalisé sur le tronçon Albi-Rodez, le conseil départemental de l’Aveyron et le conseil régional Occitanie vous ont proposé une prise en charge du financement de ce projet par les collectivités à hauteur de 50 % – les détails restant évidemment à « caler » avec ces dernières, et sous leur autorité.
Le conseil départemental a proposé d’en assumer la maîtrise d’ouvrage déléguée, comme j’ai pu le faire, à titre personnel, pour le tronçon Rodez–Causse Comtal lorsque je présidais la collectivité départementale.
Intéressée par cette proposition, vous nous avez promis de nous répondre rapidement sur cet engagement à moindre coût de l’État. Qu’en est-il à ce jour ?
Madame la ministre, nous attendons seulement le financement que l’État acceptera d’allouer à la réalisation de cet axe, majeur pour notre département et dont il est urgent de renforcer la sécurité. Depuis le début de l’année, on dénombre déjà trois décès, qui viennent s’ajouter à des dizaines d’autres par le passé.
Cette situation n’a que trop duré. Je prends à témoin les cinquante collégiens de Baraqueville, riverains de cette route nationale, présents dans notre hémicycle aujourd’hui. Faut-il attendre que ces jeunes soient à la retraite pour voir cette route correctement aménagée ? De quelles avancées pouvez-vous nous faire part sur le sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la mise à deux fois deux voies de la RN 88, en particulier dans sa partie aveyronnaise.
Vous savez mon attachement à l’achèvement rapide du désenclavement routier de notre pays. Je suis consciente de l’impérieuse nécessité d’assurer à nos concitoyens des conditions de circulation sécurisées et confortables, avec des temps de parcours fiables.
Comme vous l’avez rappelé, nous avons eu l’occasion d’en discuter au mois de mars dernier avec le président du conseil départemental de l’Aveyron.
La situation a avancé aux environs de Toulouse, avec notamment deux aménagements inscrits au contrat de plan. Ainsi, 13 millions d’euros ont été programmés en 2018 pour les travaux de contournement de Baraqueville, qui ont été engagés en 2015, et dont on espère l’achèvement mi–2020. D’autres opérations sont inscrites dans le contrat de plan sur la dénivellation des carrefours de la rocade de Rodez.
S’agissant de l’aménagement de l’ensemble des infrastructures linéaires à deux fois deux voies entre la RN 88 et l’autoroute A 75, le coût est estimé à environ 350 millions d’euros, ce qui suppose d’envisager un phasage. Or ce dernier est loin d’être évident, car le tracé retenu s’éloigne assez largement de la route actuelle.
J’ai donc demandé au préfet d’étudier les différentes possibilités de phasage et les aménagements pouvant être réalisés sur l’itinéraire actuel de façon à disposer de tous les éléments nécessaires et à choisir la meilleure solution pour améliorer la liaison entre Rodez et l’A 75.
Je vous propose de refaire le point sur ce sujet d’ici à la mi-juin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour la réplique.
Vous disposez de trente secondes, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Luche. Madame la ministre, je m’excuse de vous le dire ainsi, mais les collectivités vont se saigner pour accompagner l’État sur ces projets, alors qu’il s’agit de sa responsabilité.
Elles sont pourtant prêtes à financer la moitié des 350 millions d’euros que vous évoquez. Il ne reste donc que 150 à 170 millions d’euros à la charge de l’État, déjà propriétaire de tout le foncier. Il est vraiment urgent de trouver une solution.
Vous avez également évoqué la question du phasage : non, ce n’est pas si difficile ! On pourrait envisager au moins deux tronçons – je ne sais lequel sera prioritaire de Rodez, de Laissac ou de Sévérac-le-Château, mais on peut en discuter.
Encore une fois, il est vraiment urgent de trouver une solution !
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des priorités figurant dans le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures porte sur le développement de la performance des transports et la lutte contre la congestion routière et la pollution.
En accord avec cette proposition, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur le problème national de la congestion numérique des infrastructures routières.
En effet, l’utilisation massive des technologies d’information du trafic en temps réel par GPS engendre un report du trafic, notamment celui des poids lourds, sur des axes secondaires. Toutes les zones, aussi bien rurales qu’urbaines, sont concernées.
Comme vous le savez, nombre de collectivités locales sont régulièrement confrontées à la gestion du trafic des poids lourds, qui est détourné par des applications fondées sur des algorithmes visant le trajet le plus court et/ou le moins cher.
Cette situation provoque des dégradations irrémédiables pour les voiries locales. Les collectivités, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, peinent à faire face à ce phénomène.
Les riverains sont bien sûr affectés de plein fouet par ces reports numériques du trafic : bruit, insécurité, pollution de l’air, dépréciation de l’immobilier…
Par ailleurs, la recrudescence des véhicules utilitaires légers sur nos routes, liée à l’explosion de la vente par internet, renforce ce surplus de trafic. Et c’est sans compter le coût environnemental induit !
L’efficacité du transport routier de marchandises ne peut se faire au prix d’une aggravation des conditions de vie de nos concitoyens et au mépris des infrastructures financées par les collectivités.
Les élus locaux tentent bien de couper le trafic à coup d’arrêtés d’interdiction de circulation. Mais cela ne fait qu’entraîner de nouveaux reports et ne règle pas le problème à la racine.
Afin de conserver un niveau satisfaisant de service et de ne pas accroître la « dette grise » du réseau routier, quelles actions et quelles mesures concrètes en faveur des collectivités luttant contre ce nouveau trafic – loin d’être virtuel tant pour les usagers que pour les riverains – le Gouvernement entend-il prendre dans le futur projet de loi d’orientation sur les mobilités ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Joël Bigot, les évolutions technologiques des dernières années et l’émergence depuis quinze ans de systèmes communautaires tels que Coyote ou Waze ont entraîné l’arrivée d’opérateurs privés dans le domaine de la diffusion aux usagers d’informations en lien avec l’exploitation routière.
Dans ce cadre, l’objectif du Gouvernement est évidemment d’assurer la meilleure prise en compte des politiques publiques d’information routière par les opérateurs privés.
Il est bénéfique pour tous d’aller vers une plus grande ouverture et un plus grand partage entre acteurs des données des gestionnaires routiers. C’est tout le sens de la mise en place, depuis le 1er septembre 2016, sur le site du ministère, d’un portail sur le réseau routier national à même d’informer, par exemple, sur l’état des chaussées ou sur celui des réseaux. Ce dispositif a été conçu de manière concertée avec les opérateurs privés.
Les échanges se poursuivent pour améliorer la qualité de l’information routière. Toutefois, comme vous le soulignez, il faut aussi limiter les effets secondaires liés à l’utilisation de plus en plus massive de ces données. Je pense qu’il est possible de travailler à la fois avec ces opérateurs et les collectivités sur les bonnes informations à fournir et les restrictions à mettre en place sur ces itinéraires.
Enfin, vous l’avez rappelé, le cœur du sujet reste de traiter le problème à la racine, notamment dans le cadre des discussions en cours sur le paquet Mobilité à l’échelon européen. Il s’agit d’éviter le dumping auquel on assiste aujourd’hui via le détournement de la réglementation sur le transport routier de marchandises au profit des véhicules utilitaires légers.
Je tiens à souligner la qualité du rapport du député Damien Pichereau sur cette question, rapport qui constitue une base de travail très importante dans la perspective de la discussion du futur paquet Mobilité, afin d’éviter cette multiplication de véhicules utilitaires légers pénalisants à la fois en termes d’environnement et de sécurité routière.
Vous pouvez compter sur ma détermination dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les besoins en matière d’entretien des routes françaises sont bien connus et le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures appelle à financer l’innovation routière pour ne pas être dépassé.
L’état du réseau routier est aujourd’hui encore très convenable. Toutefois, plusieurs rapports ont souligné la baisse des dépenses consacrées à la voirie par les collectivités : de 2013 à 2015, elles ont chuté de 19 %, soit 15 milliards d’euros, en partie en raison d’une baisse des dotations de l’État. Cette somme représente à peine 0,6 % de la valeur totale du patrimoine routier national.
À ce rythme, il faudrait donc cent soixante années pour renouveler l’ensemble du réseau. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation : priorité devra donc être donnée aux transports du quotidien.
L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs va redessiner la carte de France des mobilités locales. Le rapport préconise en conséquence de miser sur quelques lignes à haute performance.
Mais c’est oublier que la France, c’est aussi un tissu territorial de 36 000 communes qui communiquent entre elles. La promotion de ces axes routiers et le déploiement d’une nouvelle palette de routes locales sont donc complémentaires pour assurer la vitalité de nos territoires.
Madame la ministre, la prochaine ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs va appauvrir la desserte de certains territoires. Les grandes lignes seront sauvées et le Gouvernement s’est engagé à assurer le maintien des petites lignes. Cette promesse pourra-t-elle être tenue ?
Comment comptez-vous assurer une cohérence entre votre politique en matière d’infrastructures ferroviaires et celle en matière d’infrastructures routières ? Quels investissements souhaitez-vous mettre en place pour développer les infrastructures locales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je voudrais le dire très clairement, il n’est pas question que l’ouverture à la concurrence se traduise par une moindre desserte ferroviaire des territoires.
Quand on regarde autour de nous, c’est tout le contraire qui s’est produit. Il s’agit de l’un des enjeux du nouveau pacte ferroviaire dont nous discuterons au Sénat d’ici quinze jours. C’est bien l’ouverture à la concurrence qui a permis à nos voisins allemands, par exemple, de redynamiser beaucoup de lignes jusqu’alors faiblement fréquentées – certaines sont ainsi passées de quelques centaines de voyageurs à plus de 10 000, grâce à une politique plus dynamique et plus attractive.
Je peux vous assurer de la détermination du Gouvernement à maintenir ces lignes et à accompagner les régions dans le cadre des contrats de plan. J’ai déjà eu l’occasion de le dire et je suis heureuse de le répéter devant vous : les engagements de l’État pris dans le cadre de ces contrats de plan à hauteur de 1,5 milliard d’euros sur les lignes 7 à 9 seront tenus.
Ces politiques ferroviaires seront d’autant plus efficaces que l’on saura articuler les dessertes avec des offres de mobilité dans l’ensemble des territoires. Accompagner la mise en place d’autorités organisatrices de la mobilité dans tous les territoires est l’un des enjeux du projet de loi d’orientation sur les mobilités que je présenterai prochainement. Nous voulons proposer des solutions à tous nos concitoyens, y compris des modes de rabattement sur les infrastructures ferroviaires.
Le transport ferroviaire est donc la colonne vertébrale d’une vision d’ensemble de la mobilité qui doit s’appuyer sur toute une politique, raison pour laquelle nous proposerons bientôt de nouveaux outils aux collectivités.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.
Vous disposez de quarante-quatre secondes, mon cher collègue.
M. Alain Fouché. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.
Pourriez-vous transmettre un message au Premier ministre, visiblement très branché « limitation de vitesse à 80 kilomètres-heure et amendes » ? Aujourd’hui, 2 millions de personnes sont flashées par les radars embarqués gérés par la police ; le ministre de l’intérieur a indiqué que, si ces radars étaient confiés demain à des entreprises privées, ce sont 12 millions d’automobilistes qui seraient flashés…
Les Français attendent du Gouvernement qu’il consacre l’intégralité de ces sommes à la sécurité routière. En effet, des routes sécurisées, c’est autant d’accidents en moins et donc autant de besoins en moins pour les hôpitaux.
Merci de faire passer le message !