M. Éric Bocquet. Cet amendement reprend la terminologie exacte de l’article 5 de la directive et précise le champ de la dérogation prévue pour les représentants du personnel. En effet, aux termes de la rédaction actuelle du texte, l’exercice par les représentants du personnel de leur mission risque d’être largement limité ou, à tout le moins, assorti de la crainte de sanctions.

Le code du travail prévoit déjà un assujettissement au secret professionnel sur les procédés de fabrication, ainsi qu’une obligation de confidentialité sur les données par nature confidentielles en ce que leur divulgation pourrait nuire gravement aux intérêts de l’entreprise.

Avec cette proposition de loi, si l’entreprise estampille à sa guise « secret des affaires » ses données, ce caractère s’imposera aux instances représentatives du personnel, les IRP. De plus, si l’obtention des informations est licite, il n’est pas prévu que, en conséquence, leur divulgation le soit tout autant. Se posera alors nécessairement un problème pour que les IRP puissent exploiter les informations obtenues en les partageant avec les salariés ou leurs organisations syndicales.

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Après le mot :

obtention

insérer les mots :

, l’utilisation et la divulgation

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le c de l’article 3 de la directive prévoit que « l’obtention, l’utilisation et la divulgation du secret des affaires sont licites » lorsqu’ils s’inscrivent dans le cadre de « l’exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation, conformément au droit de l’Union et aux droits nationaux et pratiques nationales. »

La Constitution prévoit un droit à la participation des travailleurs, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises. L’utilisation et la divulgation aux salariés d’informations font partie intégrante des conditions permettant à ceux-ci de déterminer collectivement leurs conditions de travail, sachant que, par ailleurs, les élus sont toujours tenus, envers les salariés, à une obligation de discrétion issue du code du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements reposent sur une lecture qui me semble un peu abusive de la directive en matière d’exceptions au secret des affaires concernant les représentants des salariés. La directive prévoit, de manière générale, trois hypothèses d’atteinte au secret : l’obtention illicite, l’utilisation illicite et la divulgation illicite.

Pour l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés et de leurs représentants, l’article 3 de la directive prévoit un cas d’obtention licite, pas d’utilisation ou de divulgation. Pour l’exercice légitime de leurs fonctions par les représentants des salariés, l’article 5 de la directive prévoit, lui, un cas de divulgation non illicite par un salarié, pas d’obtention ou d’utilisation, « pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice ».

Sur ces deux points, la proposition de loi est donc parfaitement conforme à la directive. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ne peut toutefois être engagée, par l’employeur ou le donneur d’ordre détenteur légitime du secret d’affaires, la responsabilité civile du salarié ou du salarié d’un de ses sous-traitants, que si ce salarié a eu l’intention manifeste de révéler ce secret des affaires et que l’obtention, la détention ou divulgation en cause a un lien direct et immédiat avec les actes de ce salarié.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’insertion de dispositions concernant les relations de travail au sein du code de commerce n’est pas sans poser problème, surtout quand le code du travail comporte déjà des mesures suffisamment explicites en la matière.

Ainsi, considérons le fonctionnement des comités sociaux et économiques créés par l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’une de celles qui ont été promulguées par la présente équipe ministérielle. L’article L. 2315-1 du code du travail est explicite quant aux compétences générales du comité social et économique : « Les conditions de fonctionnement du comité social et économique doivent permettre une prise en compte effective des intérêts des salariés exerçant leur activité hors de l’entreprise ou dans des unités dispersées. » Par ailleurs, aux termes de l’article L. 2315-3 du même code, « les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur. »

Le code du travail comprend donc d’ores et déjà – vous vous en êtes préoccupée, madame la garde des sceaux, avec votre collègue la ministre du travail – des dispositions protectrices de la propriété industrielle et des savoir-faire propres à une entreprise et à sa production.

Cette affaire me fait penser à ce que j’appellerai la parabole de l’ajusteur-outilleur, cet ouvrier de la métallurgie de la grande époque industrielle de notre pays qui faisait du moindre bout de métal l’outil dont ses collègues tourneurs, fraiseurs, finisseurs ou polisseurs avaient besoin pour que leur production fût exactement comme ils l’entendaient. Cette culture-là n’a pas besoin de secret des affaires, juste de transmission. Elle reste la marque de fabrique de la classe ouvrière de notre pays.

C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Gréaume, la proposition de loi prévoit à mon sens déjà assez clairement les exceptions au secret des affaires concernant les salariés. En outre, la formulation de cet amendement ne me semble conforme ni à l’esprit ni au texte de la directive.

En tout état de cause, si la divulgation d’un secret est le fait d’un salarié, il revient au juge d’apprécier la responsabilité de ce salarié en fonction de son intention de divulguer le secret, dès lors qu’il ne relèvera pas des exceptions prévues au titre de la communication entre les salariés et leurs représentants ou de l’exercice du droit à l’information des salariés.

Je ne peux qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’entraver ou de sanctionner le signalement ou la révélation d’une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à instaurer des sanctions pénales contre l’entrave au signalement d’une alerte ou la prise de mesures de rétorsion à l’encontre d’un lanceur d’alerte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, est déjà satisfait par l’article 13 de la loi Sapin II. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis, pour la même raison.

M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 14, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 5

« Protection de la mobilité des travailleurs

« Art. L. 151- – La connaissance d’un secret d’affaires acquise par un salarié dans l’exercice normal de son activité professionnelle ne peut justifier d’autres limitations à occuper un nouvel emploi que celles prévues à son contrat de travail.

« Une clause de non-concurrence insérée dans tout contrat de travail, accord ou convention collective doit dès lors être cumulativement : indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps, limitée dans l’espace, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, comporter une contrepartie financière dont le montant doit être proportionnel à l’ampleur de la sujétion imposée par la clause.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. La protection du secret des affaires est certes une question importante, mais doit-elle empiéter sur les droits des salariés ?

Que l’on me permette de citer l’article 15 de la Charte des droits fondamentaux :

« 1. Toute personne le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée.

« 2. Tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre.

« 3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l’Union. »

Au demeurant, le droit du travail encadre assez clairement les clauses d’exclusivité, dont il est quelque peu question ici, et il nous semble, dans l’absolu, que c’est au regard des règles fixées par le code du travail qu’il convient de prendre en compte le « secret des affaires ».

Qu’on le veuille ou non, c’est aussi le savoir-faire des salariés, leurs compétences, leurs « tours de main » qui font la fortune d’une entreprise, aussi sûrement que l’engagement de ses actionnaires ou la pertinence de sa stratégie en matière de développement de la clientèle. Aussi est-il somme toute assez logique que ce potentiel puisse trouver à s’exprimer par ailleurs, et il nous semble délicat de vouloir ainsi brider l’expression de compétences acquises.

Cet amendement vise en outre la protection de la capacité normale d’échange entre les salariés et leurs représentants. Il n’y a aucune raison que le dialogue naturel et normal entre salariés « de base » et représentants du personnel devienne un jeu d’énigmes parce que tout ne pourrait pas être dit.

M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mme Lienemann, MM. J. Bigot, Leconte et Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Assouline et Courteau, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 5

« Protection de la mobilité des travailleurs

« Art. L. 151- – Les présentes dispositions ne peuvent avoir pour effet d’imposer aux salariés dans leur contrat de travail des restrictions supplémentaires autres que celles imposées conformément au droit jusqu’alors en vigueur.

« Une clause de non-concurrence insérée dans tout contrat de travail, accord ou convention collective doit dès lors être cumulativement : indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps, limitée dans l’espace, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, comporter une contrepartie financière dont le montant doit être proportionnel à l’ampleur de la sujétion imposée par la clause.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à protéger la mobilité des travailleurs.

Aux termes du 3 de l’article 1er de la directive, « rien dans la présente directive ne peut être interprété comme permettant de restreindre la mobilité des travailleurs. En particulier, en ce qui concerne l’exercice de cette mobilité, la présente directive ne permet aucunement :

« a. de limiter l’utilisation par les travailleurs d’informations qui ne constituent pas un secret d’affaires […] ;

« b. de limiter l’utilisation par les travailleurs de l’expérience et des compétences acquises de manière honnête dans l’exercice normal de leurs fonctions ;

« c. d’imposer aux travailleurs dans leur contrat de travail des restrictions supplémentaires autres que celles imposées conformément au droit de l’Union ou au droit national. »

Or, dans notre droit national, les restrictions déjà existantes concernent les clauses de non-concurrence. Faute de texte de loi sur ce sujet, le droit des clauses de non-concurrence est purement jurisprudentiel. Notre amendement vise donc à reprendre dans la proposition de loi les principales restrictions dégagées par la jurisprudence, puisqu’il n’est pas possible de renvoyer à un texte de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces deux amendements, dont l’objet est très proche, tendent à restreindre la possibilité de prévoir des clauses de non-concurrence dans les contrats de travail en cas de connaissance d’un secret des affaires par un salarié.

La réglementation de ce type de clauses est un sujet distinct, qui relève du droit du travail et occupe bien les juges ! En tout état de cause, les salariés sont tenus à une obligation de confidentialité et au secret professionnel concernant les secrets dont ils peuvent avoir connaissance, indépendamment de toute clause de non-concurrence, sauf dans le cas des exceptions prévues par le texte en matière de communication avec les représentants des salariés.

Pour cette raison, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur les amendements nos 14 et 50.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est également défavorable.

Aux termes de ces amendements, le dispositif légal de protection du secret des affaires ne pourrait avoir pour effet d’imposer aux salariés d’autres limitations que celles qui sont imposées par leur contrat de travail. Je rappelle qu’aucune disposition de la proposition de loi ne comporte de modification du droit du travail. Tel n’est d’ailleurs pas l’objet de la directive, ainsi que le rappelle la disposition interprétative figurant à l’article 1er de celle-ci. Il me semble donc inutile de prévoir une disposition expresse en ce sens.

La seconde disposition qu’il est proposé d’introduire vise à encadrer les clauses de non-concurrence prévues par le contrat de travail. Les conditions dans lesquelles ces clauses peuvent être prévues entre un salarié et un employeur sont aujourd’hui très solidement fixées par une jurisprudence constante. Il n’est donc absolument pas justifié que la transposition de la directive conduise à remettre en cause l’état du droit sur ce point. Le considérant 13 de la directive le dit de manière extrêmement claire.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la ministre, il est tout de même indispensable que le texte puisse être complet, afin d’assurer la protection, au regard des clauses de non-concurrence, des travailleurs qui auront connaissance de secrets des affaires. La rédaction des clauses de non-concurrence est laissée, en l’état de la jurisprudence, aux entreprises. Or, au regard des termes de cette directive, qui permet d’ailleurs d’exiger que les travailleurs ne révèlent pas des secrets des affaires, elle sera imprécise. Il est donc important pour les salariés de notre pays que les clauses de non-concurrence soient encadrées par la loi, et je ne comprends pas que le Gouvernement n’y soit pas attentif.

Nous voterons ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. J. Bigot, Leconte et Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Assouline et Courteau, Mmes Taillé-Polian, Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 41

Compléter cet alinéa par les mots :

si ce dernier est un organe de presse, même relevant du statut des sociétés commerciales, devant le tribunal de grande instance, par dérogation à l’article 721-3

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise simplement à donner compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître des actions en responsabilité civile dès lors que les personnes poursuivies par une entreprise qui se considèrerait victime de la violation d’un secret des affaires s’adressent à un organe de presse.

Si la personne attaquée est un lanceur d’alerte, un journaliste, une personne physique ou une association, le tribunal de grande instance sera compétent.

En revanche, si l’action vise un organe de presse qui a le statut de société commerciale, la compétence reviendra, en vertu du code de commerce, au tribunal de commerce. Or, s’il est normal que celui-ci soit compétent pour les litiges entre sociétés commerciales, j’estime que les actions en responsabilité civile ou en cessation d’une atteinte au secret des affaires engagées contre des organes de presse doivent relever de la chambre civile du tribunal de grande instance, que vous avez vous-même désigné tout à l’heure, madame la ministre, comme le garant des libertés.

J’attends donc de votre part un avis favorable, de même que de celle du rapporteur, puisque j’ai rectifié l’amendement pour tenir compte des observations qu’il a formulées ce matin en commission…

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 58

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Section…

« De la compétence des tribunaux

« Art. L. 152-2- - Il est donné une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour toutes les actions menées.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement relève du même esprit que le précédent, mais il étend le champ du dispositif aux organes de presse ayant le statut de société de droit privé. Il me paraît important de donner une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour toutes les actions menées à l’encontre des organes de presse.

M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 58

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Section…

« De la juridiction compétente

« Art. L. 152-2- - Il est donné une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour toutes les actions menées.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Dans le même esprit, cet amendement tend à introduire une section spécifique relative aux règles de compétence. Il est proposé d’attribuer une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris.

Il y a un risque pour la protection des lanceurs d’alerte, des journalistes, des ONG, des syndicats, si le tribunal de commerce est saisi. En effet, le présent texte expose ces acteurs à des procédures judiciaires pour prouver qu’ils se situent dans le cadre de dérogations au secret des affaires.

Face à la presse, les juges des tribunaux de commerce pourraient se retrouver en situation d’être à la fois juges et parties. En effet, ce sont des bénévoles, commerçants ou dirigeants d’entreprise, élus par les délégués consulaires et par leurs pairs. Il existe donc un risque prégnant de conflit d’intérêts.

Il importe de protéger la liberté d’informer, cette proposition de loi semblant à cet égard susceptible d’avoir un effet dissuasif.

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 75 à 85

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 76

Supprimer les mots :

ou commerciales

II. - Alinéa 77

1° Avant la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le tribunal compétent en premier ressort est le tribunal de grande instance.

2° Supprimer les mots :

ou commerciale

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous touchons là à un point nodal du texte : quelle juridiction sera compétente pour traiter du secret des affaires ?

Le texte, en laissant la possibilité au plaignant de saisir, au choix, la juridiction commerciale ou la juridiction judiciaire, favorisera nécessairement le recours aux tribunaux de commerce. En effet, il sera toujours plus confortable, pour les entreprises, que ces affaires soient traitées comme de simples différends commerciaux, plutôt que de les faire juger par l’ordre judiciaire, d’autant que les juges des tribunaux de commerce ne sont pas des magistrats professionnels : eux-mêmes issus du monde de l’entreprise, ils sont plus enclins à entendre les arguments des plaignants, quand ils ne sont pas tout simplement en plein conflit d’intérêts. Ce fut le cas à propos de la non-publication annuelle des comptes de Lactalis : on s’aperçut que le vice-président du tribunal de commerce de Laval, qui devait traiter cette affaire, était le numéro deux de l’usine de Craon de Lactalis !

Que les tribunaux de commerce traitent les dossiers de violation du secret des affaires lorsqu’elles opposent deux entreprises peut se comprendre, mais il n’est pas acceptable qu’ils soient aussi compétents pour les affaires opposant une entreprise à un organe de presse, à une association ou à un lanceur d’alerte, par exemple.

Telles sont les raisons pour lesquelles notre amendement vise à exclure du champ du dispositif les tribunaux de commerce. S’il était adopté, seules les juridictions civiles seraient compétentes pour traiter ces affaires. Cela éviterait tout risque de conflit d’intérêts et permettrait, sur des sujets aussi sensibles, de s’appuyer sur des magistrats professionnels.

Enfin, cet amendement répond aussi aux observations de LES France, association professionnelle regroupant 560 industriels et professionnels de la propriété intellectuelle, ainsi que des acteurs industriels majeurs qui sont favorables à ce que soit privilégiée la compétence des juges judiciaires des tribunaux de grande instance, sans pour autant que soit nécessairement retenue la compétence exclusive des juridictions parisiennes, comme c’est le cas en matière de brevets.

M. le président. L’amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 76

Supprimer les mots :

ou commerciales

II. - Alinéa 77

Supprimer les mots :

ou commerciale

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 74 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéa 76

Supprimer les mots :

ou commerciales

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le principe posé étant celui du secret, la charge de la preuve étant inversée, il appartiendra à la personne poursuivie de faire la preuve de la non-violation du secret, notamment quand il s’agira d’un journaliste.

Le risque est grand que l’entreprise, afin d’obtenir une décision favorable, saisisse le tribunal de commerce de cette violation, en agissant non contre le journaliste, mais contre l’organe de presse, société de droit privé. Il faut donc prévoir une règle spécifique d’attribution de compétence au tribunal de grande instance.

M. le président. L’amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 78

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Prendre seul connaissance de cette pièce, limiter sa communication ou sa production à certains éléments, en ordonner la communication ou la production sous forme de résumé et en restreindre l’accès à certaines personnes ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La rédaction du 1° de l’article L.153-1 adoptée par la commission des lois du Sénat diffère du texte de l’Assemblée nationale sur deux points.

D’une part, la possibilité pour le juge de prendre seul connaissance d’une pièce couverte par le secret des affaires devient un préalable systématique à tout aménagement du principe de contradiction.

Or il me semble préférable de laisser au juge toute latitude pour décider de la mesure la plus adaptée en vue de protéger le secret dans le respect des principes fondamentaux de la procédure civile, ainsi que le prévoyait le texte issu de l’Assemblée nationale.

D’autre part, est supprimée la faculté offerte au juge de ne communiquer la pièce litigieuse qu’aux seuls avocats des parties. Cette possibilité est importante en pratique, en particulier lorsque le juge a besoin d’être éclairé d’un point de vue technique sur la pertinence d’une pièce pour la solution du litige et qu’il ordonne une expertise à laquelle seuls les avocats peuvent assister. Elle protège efficacement le secret des affaires puisque, en application de l’article L.153-2, l’avocat est soumis à une obligation de confidentialité à l’égard de son client.

Cette mesure est autorisée par le paragraphe 2 de l’article 9 de la directive, qui est d’harmonisation minimale. Elle est strictement encadrée. Le juge ne peut envisager de limiter la communication d’une pièce aux seuls avocats que si la protection du secret des affaires ne peut être autrement assurée et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense. Il ne pourra jamais y recourir si la pièce est nécessaire à la solution du litige.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir le texte de l’Assemblée nationale.