Mme la présidente. L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par Mmes Keller et Eustache-Brinio, M. Laménie et Mme A.M. Bertrand, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les partis et groupements politiques respectent dans la composition de leurs listes un équilibre géographique entre leurs candidats en fonction des régions administratives et des collectivités d’outre-mer où ils sont domiciliés, au sens de l’article 120 du code civil. Le nombre de candidats figurant sur une même liste et habitant dans la même région administrative ou la même collectivité d’outre-mer est limité à un nombre fixé par décret en fonction du nombre d’habitants de ces régions administratives et collectivités. Ce nombre ne peut être ni inférieur à un ni supérieur à quinze. » ;
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission est défavorable à tous les amendements, y compris à ceux qui ont été retirés, ce qui fait gagner du temps à tout le monde ! (Sourires. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam s’exclame.)
Aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le suffrage est libre. Le Conseil constitutionnel, sur la base de ce principe, qui constitue, depuis longtemps, l’une des bases de notre vie républicaine, considère que la liberté de candidature et la liberté de choix de l’électeur ne doivent pas être entravées par des règles contraignantes.
M. Gérard Longuet. Et la parité ?…
M. Jean-Pierre Grand. La parité, c’est une belle contrainte !
M. Alain Richard, rapporteur. M. Longuet me donne l’occasion de raconter une mésaventure.
Lorsque je participais, en 1982, à l’élaboration de la loi qui a réformé le scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, loi désormais acceptée par tous, j’ai fait adopter par l’Assemblée nationale, presque à l’unanimité, un amendement tendant à instaurer le premier quota de femmes sur les listes de candidats, quota que nous avions fixé à 30 %.
Une fois adoptée, cette loi fut déférée au Conseil constitutionnel, sur un tout autre sujet, à savoir le partage de la prime majoritaire dans les arrondissements parisiens. Or le Conseil s’est lui-même saisi des dispositions que j’avais fait insérer et les a jugées inconstitutionnelles, au motif qu’elles étaient contraires à la liberté de candidature. C’est pourquoi, mon cher collègue, pour instaurer la parité, il a fallu modifier la Constitution elle-même.
Après vous avoir confié ce souvenir quelque peu cuisant (Sourires.), je puis souligner qu’instaurer des contraintes relatives à la composition d’une liste présentée librement par une association de candidats pose un risque sérieux d’inconstitutionnalité.
Ajoutons un élément qui a figuré dans le débat que nous avons eu en commission la semaine dernière : dès lors que l’on a fait le choix d’une liste nationale, chaque formation politique assume sa liberté et présente sa liste de la manière qu’elle juge opportune et, naturellement, convaincante vis-à-vis des électeurs.
Mes chers collègues, je vous ferai encore observer que le droit électoral français permet, ce qui s’est effectivement produit un certain nombre de fois, que des citoyens européens non français soient candidats sur une liste de candidats aux élections européennes. Cela serait interdit si l’on s’amusait à contraindre le rattachement des candidats à une région française, alors que c’est une liberté.
C’est la raison pour laquelle, quelles que soient les modalités proposées, la commission a considéré qu’il y a contradiction entre l’objet même du projet de loi, qui a été approuvé avec l’article 1er, et tout système qui contraindrait la composition des listes.
Le facteur de représentation géographique jouera dans la concurrence démocratique des listes, mais il n’est pas le seul : on pourrait aussi réclamer, dans la même logique, des quotas pour les catégories sociales défavorisées !
Par ailleurs, en poursuivant dans cette voie, on pourrait constater que certaines régions, démographiquement, pèsent trois ou quatre fois plus lourd que d’autres ; par conséquent, instaurer une égalité de représentation entre ces régions, au défi de la réalité démographique, ce serait également fausser l’expression du suffrage.
Pour toutes ces raisons, la commission a considéré qu’aucun de ces amendements ne pouvait prospérer et a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement n° 19 rectifié de M. Grand vise à imposer que les treize régions métropolitaines aient toutes un représentant dans le premier cinquième de chaque liste, de même que les outre-mer. Le Gouvernement ne peut qu’y être défavorable, car imposer aux listes de candidats une obligation d’alternance entre les différentes composantes, si je puis dire, du territoire national porte atteinte à la liberté de constitution des listes.
J’attire l’attention des représentants des formations politiques qui siègent dans cet hémicycle sur un danger : instaurer de nombreuses normes – utilisons le mot – qui contraindraient la composition des listes, c’est se priver d’une liberté et d’une capacité réelle d’équilibre bien choisi au sein d’une liste.
Par ailleurs, comme le code électoral n’impose comme critère d’éligibilité, outre la majorité et la capacité juridique, que la qualité d’électeur, sans considération de la commune d’inscription ou de résidence, je puis vous confirmer, mesdames, messieurs les sénateurs, que vos propositions présentent un risque juridique au regard du principe de liberté des candidatures.
Je ne doute pas, comme je l’ai dit hier, que les différentes listes disposeront de candidats représentant la diversité des territoires, au même titre qu’elles présenteront des candidats aux profils variés, qui représenteront même, peut-être, des courants différents au sein même d’une famille politique – cela peut arriver !
En outre, je rappelle que les représentants français au Parlement européen ont vocation à y représenter, non pas notre diversité territoriale, mais la France dans ses équilibres politiques nationaux. Et il existe l’Assemblée des régions d’Europe…
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le rapporteur, quoique vous soyez un fin praticien de la dialectique, vous ne m’avez pas convaincu. En effet, on fait parfois des fléchages, notamment dans les élections locales ; de fait, compte tenu du nombre de personnes fléchées, les listes s’en trouvent contraintes, ce qui affecte aussi l’avenir de la vie municipale intercommunale.
Pour le reste, je pense pour ma part qu’il faut tenter le coup, et tant pis si ces dispositions sont ensuite censurées ! Il y va d’une forme de démocratie et du respect de nos territoires et de leur diversité. Si, demain, les dix premiers d’une liste sont des apparatchiks qui résident dans le VIIe arrondissement de Paris, ou dans le dix-huitième, ils ne seront pas, à mes yeux, la représentation nationale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Yves Leconte. Avec un tel profil, ils ne seront pas élus !
M. Jean-Pierre Grand. Voilà pourquoi j’estime nécessaire d’adopter cet amendement. Le Conseil constitutionnel le censurera, mais nous aurons fait valoir, vis-à-vis de l’ensemble de nos territoires et des Français vivant à l’étranger, ce que nous pensons devoir faire valoir, c’est-à-dire la démocratie et le respect de nos territoires et de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le rapporteur, je voulais vous remercier de nous avoir rappelé les règles de droit, et vous, madame la ministre, d’avoir déclaré qu’il ne pouvait y avoir d’entrave à la liberté de candidature.
Appliquerez-vous le même raisonnement quand vous nous proposerez de faire en sorte que personne ne puisse accomplir plus de trois mandats d’affilée ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Il me semble que l’argument est réversible ! Lorsque l’on a envie de faire passer une mesure, on trouve de bonnes raisons. Pour ma part, je propose que l’on s’en tienne à la liberté absolue de candidature ; c’est la raison pour laquelle je voterai avec plaisir et enthousiasme les amendements de M. Grand.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié bis.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 88 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 1 |
Contre | 343 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Compte tenu du dernier vote, je retire les amendements nos 19 rectifié et 20 rectifié, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 19 rectifié et 20 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, compte tenu de l’équilibre des forces en présence, je retire également l’amendement n° 55 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. J’en fais de même pour l’amendement n° 75 rectifié bis, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 62, présenté par M. Bizet, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 63 est présenté par M. Gattolin et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 14
insérer six alinéas ainsi rédigés :
…) Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, adresse et région administrative ou collectivité d’outre-mer du domicile, au sens de l’article 102 du code civil, et profession de chacun des candidats. » ;
…° Le 2° du II de l’article 9 est ainsi rédigé :
« 2° Sa nationalité, l’adresse et la région administrative ou collectivité d’outre-mer de son domicile sur le territoire français au sens de l’article 102 du code civil ainsi que sa dernière adresse dans l’État membre dont il est ressortissant ; »
…° L’article 9 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – La région administrative ou collectivité d’outre-mer du domicile, au sens de l’article 102 du code civil, de chaque candidat est indiquée sur le bulletin de vote de sa liste à côté de son nom. » ;
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 63.
M. André Gattolin. Comme nous sommes favorables à la circonscription unique, il nous a semblé intéressant de bénéficier d’une sorte de traçabilité géographique de l’origine des membres des différentes listes, sans pour autant imposer de contrainte en matière d’équilibre.
Il est vrai que le sujet est quelque peu compliqué. On a pu constater, lors des précédents scrutins, que certaines têtes de liste habitaient de manière permanente dans une autre « eurorégion ». Je me rends compte également qu’il est possible, aux élections européennes, qu’un citoyen européen non français soit candidat sur une liste en France. Nous devons réfléchir à la question suivante : comment faire en sorte que les partis politiques ménagent un réel équilibre dans la provenance de leurs candidats, aussi bien pour les outre-mer que pour l’ensemble des régions ?
Malheureusement, je n’ai pas encore trouvé la formulation idoine, mais il faudrait au moins que, dans le matériel électoral, les partis expliquent leur volonté de représenter clairement l’ensemble des citoyens français sans que les vingt ou vingt-cinq premiers candidats de la liste soient tous issus de la région parisienne ou d’une autre.
Tel est l’objet de cet amendement. J’ai conscience de son imperfection ; c’est la raison pour laquelle je le soumets à la sagacité de la commission et du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission s’est montrée défavorable à cet amendement pour deux raisons.
La première, je l’ai évoquée tout à l’heure lors de mon dialogue avec Jean-Pierre Grand. Une seule liste, peut-être, obtiendra vingt-cinq élus au prochain scrutin européen ; ce serait un triomphe, alors que soixante-quatorze sièges seront à répartir et qu’il y aura peut-être trente listes en compétition. Certaines listes auront douze ou quinze élus, mais beaucoup en auront seulement quatre, cinq ou six.
Par conséquent, que se passera-t-il, si, par ce système de fléchage géographique, vous poussez les listes à mettre la priorité sur une représentation régionale ? Sur pratiquement toutes les listes, ce sont les régions comptant le plus d’électeurs, c’est-à-dire celles où l’appel régional sera le plus efficace, qui se retrouveront surreprésentées. Les malheureuses régions de 2,5 millions ou 3 millions d’habitants seront reléguées en fin de liste.
M. Michel Savin. Autrement dit, il n’y aura que des Parisiens sur la liste !
M. Alain Richard, rapporteur. Une seconde raison doit être avancée. Lors d’une élection, la façon normale de situer géographiquement un candidat français, c’est son lieu d’inscription électorale. Or, nous le savons, celle-ci est mobile. Les élections européennes se tenant au mois de mai, celui qui pense avoir une chance de figurer à une place éligible aura jusqu’au 15 avril – c’est-à-dire la date limite d’inscription –, pour trouver un garage à louer dans la région où il veut se présenter. Par conséquent, ce dispositif n’apportera pas grand-chose.
Pour parer ce risque, les auteurs de l’amendement ont choisi de retenir le domicile personnel, ce qui nous place dans le droit civil. Si une autre liste conteste la domiciliation de M. Dupont ou de Mme Durand, qui figure à la vingt-septième place de la liste adverse, il faudra saisir le juge civil pour vérifier si le domicile était bien celui-là à la date du dépôt de la liste.
À partir du moment où l’on choisit la liste nationale, on applique le principe de liberté de candidature. Naturellement, les listes qui considéreront qu’afficher d’où viennent leurs candidats constitue un avantage dans la compétition démocratique pourront le faire. L’imposer à toutes les listes risque toutefois de donner lieu à des manœuvres et offre une garantie de représentativité partielle.
J’insiste : il n’y a pas que la représentativité par zone géographique. Par ailleurs, ce serait contraire à la possibilité d’accueillir des candidats d’autres pays de l’Union européenne.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l’amendement n° 63 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. J’entends bien les arguments de M. le rapporteur. Pour ma part, je suis plutôt favorable à ce que l’on appelle en anglais la soft law, c’est-à-dire la régulation ou la corégulation avec les acteurs. (M. Michel Savin s’exclame.)
Poser des contraintes juridiques, qui plus est de nature législative, pourrait donner lieu à une série de polémiques et d’appels, ce qui ne me convient pas. Le dépôt de cet amendement était aussi une façon d’inviter les partis à être vertueux, à faire en sorte que leurs listes soient équilibrées et à valoriser cet aspect, si telle est leur volonté.
C’est la raison pour laquelle j’accepte de retirer cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 63 est retiré.
L’amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Grand et Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Raison, Mme Deromedi et MM. Revet et Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au 3°, après le mot : « domicile », sont insérés les mots : « ainsi que, le cas échéant, la commune de la liste électorale sur laquelle il est inscrit » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié est retiré.
L’amendement n° 58, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
et après le mot : « français » sont insérés les mots : « et européens »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Je retire également cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 58 est retiré.
L’amendement n° 13, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 25, les mots : « ou au ministre chargé de l’outre-mer » sont supprimés ;
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 25 de la loi du 7 juillet 1977 prévoit que l’élection des représentants au Parlement européen peut, durant les dix jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin, être contestée par tout électeur devant le Conseil d’État statuant au contentieux. Ce même droit est ouvert au ministre de l’intérieur ou au ministre chargé de l’outre-mer, s’il estime que les formes et conditions légalement prescrites n’ont pas été respectées.
L’article 9 prévoyait quant à lui que les déclarations de candidature résultaient du dépôt au ministère de l’intérieur ou, pour la circonscription outre-mer, auprès des services du représentant de l’État.
Dès lors que l’ensemble des déclarations résultera désormais d’un dépôt au ministère de l’intérieur, il est proposé, par cohérence, de supprimer la faculté laissée au ministre chargé de l’outre-mer de contester l’élection.
En effet, le ministère de l’intérieur assure sur tout le territoire le maintien et la cohésion des institutions du pays. Il a notamment pour mission d’élaborer et de faire respecter les règles garantissant aux citoyens l’exercice des libertés publiques, notamment par le suffrage universel. Dans ces conditions, le ministre chargé de l’outre-mer n’a plus lieu d’exercer cette prérogative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Je m’exprime avec d’autant plus de prudence que c’est le ministère de l’intérieur qui se trouve au banc du Gouvernement ! (Sourires.)
M. Grand est tout à fait fondé à défendre ce point de vue, car je rappelle – il n’est pas inutile de le faire de temps en temps – que l’État est un.
M. Jean-Pierre Grand. Bien sûr !
M. Alain Richard, rapporteur. Le ministre chargé des élections est le ministre de l’intérieur. Nul besoin de décret en ce sens. On pourrait donc s’en tenir là.
Nos collègues d’outre-mer qui défendaient d’autres propositions hier soulignaient que, malgré tout, au sein de l’État unifié, il existait un ministère de l’outre-mer, mais aussi des spécificités et des garanties de droit distinctes pour leurs territoires.
L’ancien texte prévoyait, y compris quand il y avait la circonscription unique, que, en cas d’irrégularités constatées outre-mer, le ministre de l’outre-mer exerçait la vérification de la légalité dans ces départements et collectivités ; il est légitime qu’il ait également accès directement à la juridiction administrative pour contester une élection. D’ailleurs, de mon point de vue, ce point relève à peine du domaine législatif.
Ces considérations ont conduit la commission à ne pas suivre cette proposition et à conserver le double accès au juge, par le ministre de l’intérieur et par le ministre chargé de l’outre-mer.
Sur ce sujet, toutefois, l’avis du Gouvernement sera précieux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans la mesure où il n’y a pas de circonscription outre-mer, il ne semble pas nécessaire de laisser au ministre de l’outre-mer la faculté de contester l’élection.
Par conséquent, sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse bienveillante de la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Grand. Je vais fâcher Mme Girardin ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, mais elle était particulièrement curieuse de connaître l’avis du Gouvernement sur cette question.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Grand et Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Raison, Mme Deromedi et MM. Revet, Magras et Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 14 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est complété par une phrase ainsi rédigée : « À la suite de leur signature, les candidats apposent la mention manuscrite suivante : “La présente signature marque mon consentement au retrait de la liste à l’élection au Parlement européen menée par (indication des nom et prénoms du candidat tête de liste).”. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. La loi du 31 janvier 2018 sécurise les modalités de dépôt de candidature aux élections, en prévoyant notamment l’apposition d’une mention manuscrite des candidats visant à recueillir leur consentement.
Ainsi, pour les élections européennes, l’article 9 de loi du 7 juillet 1977 prévoit que, à la suite de sa signature, « chaque candidat appose la mention manuscrite suivante : “La présente signature marque mon consentement à me porter candidat à l’élection au Parlement européen sur la liste menée par (indication des nom et prénoms du candidat tête de liste)”. »
L’article 14 de cette même loi précise les modalités du retrait des listes complètes avant l’expiration des délais prévus pour le dépôt des déclarations de candidature. Cette déclaration de retrait doit comporter la signature de la majorité des candidats de la liste.
Afin de sécuriser les retraits comme les dépôts de candidature, il est proposé de prévoir l’apposition d’une mention manuscrite manifestant expressément l’accord du candidat pour le retrait de la liste. La signature ne suffit pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Notre collègue renverse le raisonnement.
Dans la loi du 31 janvier 2018, nous avons voulu – de façon unanime, je crois – empêcher les situations constatées un peu partout de « candidats malgré eux », dont la signature avait été usurpée pour qu’ils soient inscrits comme candidats. A donc été prévue une mention explicite dans laquelle les candidats signaient qu’ils se déclaraient bien comme tels.
Par ailleurs, pour toutes les élections, lorsqu’une liste a été déposée, avec le consentement de tous les candidats qui la composent, la règle est la suivante : si la tête de liste veut le retrait de la liste, elle doit obtenir la signature de la majorité des candidats de la liste.
Quel est l’objet de cet amendement ? Dans la mesure où chaque membre doit apposer la mention au terme de laquelle il autorise son chef de liste à retirer la liste, ce dernier n’a plus besoin de la majorité des membres de sa liste – sa seule voix suffit.
Si la mention proposée était facultative et que certains membres de la liste acceptaient, en déposant leur candidature, que la tête de liste décide en leur nom du retrait de cette liste, nous pourrions être favorables à cet amendement. Or cette possibilité n’est offerte qu’à la tête de liste.
Au demeurant, ce système n’existe même pas pour les élections municipales ! J’ai rappelé tout à l’heure mes vieux souvenirs de l’examen de la loi de 1982, dans laquelle ce système-là a été adopté pour la première fois. Il a été décidé que, pour les fusions au deuxième tour, la tête de liste ne déciderait pas toute seule et qu’il lui faudrait l’accord de la moitié des membres de sa liste.
Si elle était adoptée, cette disposition donnerait un pouvoir exorbitant à la tête de liste, puisque l’on lui permettrait de retirer toute seule, d’un revers de main, tous les autres candidats, alors que ces derniers se sont engagés et croient à quelque chose en commun, puisqu’ils se sont présentés aux élections européennes. Cela ne nous paraît pas légitime.
La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Bien sûr !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme cela vient d’être rappelé, l’obligation d’apposer une mention manuscrite, qui date de la loi du 31 janvier 2018, vise à protéger ceux qui n’auraient pas manifesté leur volonté de figurer sur la liste.
À l’inverse, monsieur le sénateur, l’amendement que vous proposez tend à protéger la tête de liste des autres membres de cette liste, à laquelle elle a souhaité se rattacher initialement. Il n’y a donc pas de symétrie entre les deux dispositions. Le Gouvernement a naturellement soutenu le premier cas de figure, qui nécessitait l’intervention du législateur. Ce que vous proposez vise à régler des problèmes entre candidats d’une même liste, ce qui, vous en conviendrez, ne requiert pas une telle intervention.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.