Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je ne comprends pas votre argumentaire, madame la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Ni moi le vôtre !

M. Pierre Ouzoulias. Au moins sommes-nous d’accord sur un point…

Vous nous expliquez depuis le début de ce débat que vous avez octroyé des moyens supplémentaires afin de créer les places pour accueillir tous les étudiants désireux d’entrer à l’université. Mais alors, pourquoi ce projet de loi ? Pourquoi changer la loi alors qu’elle prévoit déjà que tous les étudiants doivent accéder à l’université ? Si vous voulez changer la loi, c’est que vous avez un autre dessein. Assumez-le dès à présent s’il vous plaît, nous gagnerons du temps !

Mme Frédérique Vidal, ministre. La réussite !

M. Pierre Ouzoulias. En principe, au Sénat, on n’interrompt pas les orateurs, madame la ministre !

Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit, et de façon très claire, des notices sur le parcours extrascolaire seront demandées dans Parcoursup, ce qui n’était pas le cas dans APB. Pourquoi demander à un gamin de dix-sept ans de présenter un CV, si ce n’est pour valoriser les stages qu’il aura effectués à l’étranger ou l’été dans le cabinet d’avocat de ses parents ? C’est ce que nous appelons la sélection sociale ! Et tel est l’objet de votre projet de loi !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je vais pouvoir poursuivre et étayer mon intervention de tout à l’heure…

Selon les statistiques de l’INSEE de 2014, la France compte 2,4 millions d’étudiants, contre 400 000 en 1968 – je le précise pour ceux qui commémorent cette date. Parmi ces 2,4 millions d’étudiants, il n’y a que 10 % d’enfants d’ouvriers, la grande majorité des étudiants étant des enfants de cadres, de cadres supérieurs ou de professions libérales.

Le problème est que, oui, la sélection est sauvage. Nous n’avons pas tenu notre engagement, notre promesse républicaine, faute de moyens. Certes, il y a de plus en plus d’étudiants, ce qui est bien, mais il y a également de moins en moins de suivi personnalisé. Les amphis sont de plus en plus bondés et les facultés sont en état de décrépitude. Il faudrait beaucoup d’argent, et donc de l’ambition.

Dans le même temps, certains nous ont expliqué qu’il y avait trop de professeurs, et ils en ont réduit le nombre. Ils ont accrédité l’idée que l’on dépensait trop d’argent pour le service public de l’éducation. Nous savons pourtant aujourd’hui que l’éducation, et donc les moyens que l’on octroie à l’université et à la recherche, est une chance et un atout en termes de compétitivité pour un pays comme le nôtre. Ce sont les pays au top dans ces domaines qui gagneront et qui resteront de grandes nations.

Je veux bien qu’on nous dise que, le problème, c’est APB, que c’est l’affectation, et non l’orientation. Je suis pour l’orientation, mais je vois dans ce projet de loi trop d’affectation,…

M. David Assouline. … sans loi de programmation, sans collectif budgétaire. Il n’y a donc pas d’ambition derrière.

On tente de nous faire croire qu’on réduira les inégalités grâce à une meilleure technique d’affectation. Certes, cette technique devait probablement être améliorée, compte tenu de ce qu’a dit la CNIL, mais vous n’avez pas les moyens de votre ambition, madame la ministre. Votre projet de loi n’est pas au rendez-vous à cet égard. C’est la bataille qu’il nous faudra engager, tous, et avec détermination. (M. Jacques-Bernard Magner applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 173, présenté par MM. Paccaud, Allizard, Babary et Bas, Mme Berthet, MM. Bonne et Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et Bruguière, MM. Calvet, Cardoux et Carle, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Cornu, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Deseyne, Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. Forissier, Mmes Garriaud-Maylam et F. Gerbaud, M. Ginesta, Mme Giudicelli, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme M. Jourda, M. Kennel, Mmes Lamure, Lassarade et Lavarde, MM. de Legge, Le Gleut, Leleux, Leroux et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Puissat et Raimond-Pavero et MM. Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Schmitz, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

à tous les

par le mot :

aux

La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Je suis d’accord avec M. Assouline : ce texte est un projet de loi d’affectation, comme l’a très bien démontré notre vénérable collègue Guy-Dominique Kennel. Il comporte néanmoins de nombreuses avancées et il peut être amélioré.

Ainsi, très concrètement, je propose, au nom du groupe Les Républicains, de remplacer, au début de l’article 1er, les mots « à tous les » par le mot « aux ». Ce n’est ni une nuance sémantique ni une coquetterie. Cette nuance vise non pas à restreindre l’accès à l’enseignement supérieur, mais à permettre une meilleure orientation et, surtout, une prise de conscience.

Actuellement, l’accès direct à l’enseignement supérieur conduit de nombreux jeunes dans une impasse. Je ne rappellerai pas les chiffres, Guillaume Chevrollier, Jacques Grosperrin et Jean-Claude Carle les ayant déjà cités, mais ils doivent nous interpeller, car la sélection existe aujourd’hui, qu’on le veuille ou non. Et elle est la plus cruelle, la plus injuste qui soit : c’est la sélection par l’échec, par l’illusion aussi !

On donne en effet l’illusion que l’université pour tous permettrait la réussite de tous. En fait, le véritable dogme est celui non pas de l’université pour tous, mais de l’université obligatoire pour tous, lequel provoque de nombreuses déceptions. Or on peut réussir son orientation, s’épanouir, s’insérer socialement, professionnellement, sans forcément suivre les chemins de l’université. Bien d’autres parcours sont possibles.

Soyons lucides : pour être réussie, une orientation doit être beaucoup plus choisie que subie ; elle doit surtout être réaliste. Voilà ce à quoi nous devons tous travailler dans ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Cet amendement est intéressant, car il peut peut-être mettre fin au mythe de l’université ou de l’enseignement supérieur pour tous. Tout le monde n’est pas obligé de faire des études supérieures. Certains peuvent décider d’arrêter leurs études, d’autres de prendre une année de césure. Vous avez donc raison de poser le problème.

Par conséquent, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Avec cet amendement, monsieur le sénateur, vous soulignez que l’enseignement supérieur est multiple. Je ne peux être que d’accord avec vous. Plusieurs voies sont possibles au sein de l’enseignement supérieur : il y a bien sûr les universités, mais aussi les classes préparatoires ou les BTS, qui relèvent des établissements scolaires.

Le Gouvernement souhaite, car c’est extrêmement important, que l’on puisse considérer toutes les formes d’apprentissage comme des filières d’excellence. C’est pour cela que nous voulons revaloriser l’apprentissage dès avant le baccalauréat. Nous devons donc effectuer un véritable travail de fond, car les gens considèrent bien souvent que l’apprentissage est non pas un autre type de pédagogie convenant aux jeunes pour se former, mais une voie dans laquelle on s’engage quand on ne peut pas aller ailleurs. Selon moi, c’est une erreur. Muriel Pénicaud et moi travaillons donc sur cette question.

Jean-Michel Blanquer proposera le 14 février prochain un projet de réforme de l’organisation non seulement des années lycée, mais aussi du baccalauréat. Certes, il n’est pas illogique de penser que l’on aurait dû commencer par le lycée et le baccalauréat pour préparer le supérieur, mais, pour notre part, nous avons considéré que, pour une fois – j’insiste sur les mots « pour une fois » –, nous pouvions définir les attentes de l’enseignement supérieur avant d’organiser le cycle du lycée. Cette autre façon de voir les choses permettra peut-être de mieux rendre compte de la réalité et, je l’espère, de faire en sorte que, dans les années à venir, les jeunes choisiront l’université non plus par défaut, mais pour ce qu’elle est en mesure de leur apporter en termes de formation.

Enfin, je rappelle que le baccalauréat est le premier diplôme de l’enseignement supérieur. Il est très important, dans cette vision globale, de garantir aux jeunes que l’obtention du baccalauréat ouvre la possibilité à ceux d’entre eux qui le souhaitent de poursuivre des études supérieures.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. En réponse à notre collègue Paccaud, je souligne que nous ne raisonnons que sur 50 % des filières. Les autres étant sélectives, nous n’en dirons rien ce soir. Je rappelle toutefois que ces dernières ne sont pas celles qui coûtent le moins cher à l’État…

Par ailleurs, comme Mme la ministre l’a dit très justement, les échecs en licence s’expliquent en grande partie par des orientations par défaut, tout simplement parce que seules 50 % des filières sont libres. Les gamins ont parfaitement compris que, dans un pays qui compte aujourd’hui 5 millions de chômeurs, la promotion sociale par le diplôme et par l’université était la seule façon de s’en sortir. Ils tentent donc leur chance à l’université, même lorsqu’ils ont un bac pro ou un bac technique, car ils savent que, sans cela, ce sera Pôle emploi. Ils atterrissent donc dans les filières histoire ou philosophie pour lesquelles ils ne sont pas faits. Ils font un choix par défaut, parce qu’ils n’ont pas d’autre solution. Les IUT, notamment, qui devraient les accueillir, ne le peuvent plus, car ils sont pris par les élèves des filières générales.

En tant qu’enseignant, j’ai fait face à des salles accueillant 50 étudiants pour 25 places. Ce n’est drôle pour personne. Quand on discute avec ces jeunes, ils nous disent qu’ils ont conscience que la filière dans laquelle ils se sont inscrits ne correspond pas tout à fait à leur formation, mais ils veulent tenter leur chance jusqu’au bout, l’université étant la petite lucarne qu’il leur reste pour espérer une promotion sociale. Ce soir, nous allons fermer cette lucarne. Je trouve cela terrible pour notre jeunesse.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Mme la ministre a dit quelque chose de très important à la fin de son intervention, qui n’avait pas encore été dit aussi clairement : le bac est le premier diplôme de l’enseignement supérieur et il doit permettre à ceux qui le souhaitent d’accéder à l’enseignement supérieur, sans autre barrage qu’une orientation.

Cela étant, dans ce débat, j’entends des énormités. Tout le monde ne doit pas être « obligé » d’aller à l’université ! Franchement, notre combat est-il celui-là ? Va-t-on organiser des manifs pour que tout le monde ne soit pas obligé d’y aller ? Est-ce vraiment ça le sujet ? Le véritable problème, c’est qu’il n’y a que 2,4 millions d’étudiants et que de nombreux jeunes n’accèdent pas à l’enseignement supérieur, car la sélection s’est faite bien avant.

La question est de savoir si vous considérez que le vice du système français est qu’il donne aux jeunes l’illusion que la majorité d’entre eux pourront obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur alors que ce n’est pas possible, car il existe une inégalité naturelle qui devrait les conduire à suivre un autre parcours. Là se situe, depuis très longtemps, la différence entre la gauche et la droite.

Nous, nous pensons qu’il faut permettre au plus grand nombre de jeunes d’accéder à l’enseignement supérieur et que toutes les couches sociales doivent se voir offrir les mêmes possibilités. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je le répète, seuls 10 % des enfants d’ouvriers vont à l’université. C’est donc que l’écrémage s’est fait avant. Comment corriger cette situation ?

On peut réformer le collège et le lycée, qui forment un tout. Or on discute toujours de ces questions par morceaux. Oui, une révolution pédagogique globale est peut-être nécessaire ! Les autres systèmes universitaires, aux États-Unis ou ailleurs, ne sont pas du tout les mêmes. Certaines choses sont mieux, d’autres moins bien.

En tout cas, l’enjeu de ce débat est clair : veut-on réellement faire en sorte que chacun puisse être orienté ou doit-on acter le fait qu’il n’y a pas de place pour tout le monde dans l’enseignement supérieur, que seules les élites y ont droit et que les autres – c’est très social – doivent faire autre chose ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Je trouve très intéressant qu’on commence l’examen de ce texte par un amendement qui pourrait paraître anodin, puisqu’il ne vise qu’à remplacer « à tous les » par « aux ». Or ce n’est pas rien ! Un tel changement modifierait considérablement la valeur et la nature même du baccalauréat.

À cet égard, je suis très heureuse que la ministre ait rappelé que l’obtention du baccalauréat donnait accès, si le jeune le souhaite, à la poursuite d’études supérieures. Plus que cela, il ouvre droit à une orientation et à un accompagnement pour accéder à l’enseignement supérieur.

Or cet amendement vise à franchir ce qui pour nous est une ligne rouge. Il tend à prévoir une sélection plus forte dès le départ, quand nous voulons commencer par ouvrir, c’est-à-dire par mettre en place des dispositifs afin d’offrir une orientation et un accompagnement à tous les bacheliers. Il s’agit de réunir toutes les conditions permettant de garantir leur réussite.

Il est très symptomatique que cet amendement ouvre le débat. Notre groupe votera contre, bien sûr. Il y a véritablement une différence de valeur entre nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.

M. Antoine Karam. Avec cet amendement, nous ne faisons pas que jouer sur les mots. Disant cela, je m’adresse à mon collègue qui veut remplacer les mots « à tous les » par le mot « aux ». En fait, il va plus loin que cela. Il indique en effet dans l’objet de son amendement : « Il y a quelques mois, le Président de la République déclarait vouloir mettre un terme au mythe de “l’université pour tous” ». Moi qui suis curieux, j’ai cherché la citation exacte du Président de la République, que je vous livre : « Nous ferons en sorte que l’on arrête par exemple de faire croire à tout le monde que l’université est la solution pour tout le monde ». Nous n’en faisons pas la même traduction, mais le français est une langue très subtile…

Je pense, comme ma collègue, que nous devons faire très attention, car ce simple changement de mots pourrait remettre en cause toute la philosophie du projet de loi. Il faut mieux orienter les bacheliers, mieux accompagner les étudiants, afin qu’ils trouvent une voie adaptée à leurs envies, à leur parcours, à leurs compétences, et leur offrir collectivement une chance.

Si cet amendement était adopté, je serais très inquiet pour les étudiants qui se retrouveraient dans une impasse. En ce qui nous concerne, nous voterons contre. (MM. Abdallah Hassani et Martin Lévrier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Cet amendement vise à répondre à des préoccupations que nous partageons sur l’échec à l’université, sur les problématiques d’orientation. Néanmoins, comme vous l’avez dit, monsieur Paccaud, il n’est pas qu’une simple coquetterie. Il vise à modifier assez fondamentalement l’accès non pas à l’université, mais à l’enseignement supérieur. En faisant du bac une condition nécessaire, mais plus suffisante, pour accéder à l’enseignement supérieur, vous posez une question fondamentale : qu’allons-nous proposer aux jeunes qui auront leur bac, mais qui ne seront pas forcément acceptés dans l’enseignement supérieur ?

On ne peut pas aborder cette question comme cela, par voie d’amendement, sauf si le but est simplement d’engager une réflexion. En tout cas, on ne peut pas modifier l’accès à l’enseignement supérieur dans ce projet de loi, qui, on le sent bien, est assez sensible, pour ne pas dire anxiogène, car il concerne l’avenir de nos jeunes.

Gardons également à l’esprit ce qu’a déjà indiqué le rapporteur lors de la discussion générale : ce texte est attendu par 850 000 jeunes qui préparent actuellement leur baccalauréat. Ils ne comprendraient pas, j’en suis sûr, que, dans le cadre d’une discussion parlementaire, nous modifiions assez substantiellement les conditions d’accès à l’enseignement supérieur au cours de leurs années de lycée.

Nous comprenons les préoccupations qui sont les vôtres, mais nous ne pouvons pas voter cet amendement sous cette forme. Telle est la position du groupe Union centriste. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je répéterai ce que vient de dire M. Lafon : cet amendement est intéressant, car il ouvre un vrai débat, mais il serait tout de même gênant que l’un des fondements de notre République, à savoir le baccalauréat, grade universitaire, disparaisse par simple voie d’amendement.

À mon tour, je pose la question : que peut-on faire lorsque l’on est bachelier ? Dans le projet de loi, il est question non pas d’université, mais bien d’enseignement supérieur. Mme la ministre a évoqué tout à l’heure les différentes voies possibles après le bac, dont l’apprentissage. Pour ma part, j’aurai quelques difficultés à dire à un bachelier que les portes du post-bac lui sont fermées, parce que je me demande quelle autre porte il pourra ouvrir !

J’entends tout ce qui a été dit par Olivier Paccaud et par certains collègues sur le taux d’échec insupportable à l’université et sur les erreurs en matière d’orientation, mais je ne peux pas non plus vous suivre totalement, madame la ministre, tant le fait de discuter de votre projet de loi avant d’avoir travaillé sur le segment lycée-licence, autrement appelé le segment –3/+3 par les spécialistes, sur la bascule entre le lycée et l’université qu’est le baccalauréat, me paraît être un contresens, comme cela a été dit tout à l’heure. Le fait que ce projet de loi soit examiné avant la réforme du lycée et du baccalauréat que devrait annoncer M. Blanquer est un dysfonctionnement. On voit très bien en effet que la question posée par Olivier Paccaud est celle de l’orientation au lycée.

Je suis d’ailleurs persuadé, madame la ministre, que le texte dont nous débattons ce soir nécessitera un toilettage, voire une transformation, pour être adapté à la rénovation du baccalauréat et du lycée, une fois que celle-ci aura été faite. Voilà pourquoi je ne pourrai ni vous suivre, madame la ministre, ni suivre Olivier Paccaud.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.

Mme Sonia de la Provôté. Les mots sont souvent aussi têtus que les chiffres, et la sémantique est en effet tout sauf une coquetterie. Les mots « à tous les » signifient non pas que l’université est obligatoire, mais qu’elle est possible pour tous. Là est la différence. Il s’agit d’ouvrir, non pas d’obliger. À titre personnel, je tiens à ce « on n’oblige pas ».

La question posée est celle du libre choix. Or le choix n’est libre que s’il est éclairé. Il s’agit surtout de permettre aux jeunes de faire leur choix en conscience et de pouvoir intégrer la meilleure filière, celle dans laquelle ils réussiront le mieux.

Le mot « aux » pose la question de l’exclusion. Qui exclut-on ? Comment exclut-on ? Comment aide-t-on à ne pas choisir ? On ne répond pas à ces questions.

Je pense que cet amendement est prématuré. Il vaut mieux offrir aux jeunes les moyens positifs de choisir plutôt que de leur donner l’impression, à travers cet amendement, que d’autres décideront à leur place. (M. Martin Lévrier et Mme Denise Saint-Pé applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Que mon amendement soit prématuré, c’est évident, car, malheureusement, avec ce projet de loi, on met la charrue devant les bœufs. Pour véritablement traiter la problématique de l’orientation, il aurait d’abord fallu faire la réforme du lycée et du bac. Étant mis devant le fait accompli, il nous faut nous positionner.

Je ne peux pas laisser dire que « aux » exclut. Peut-être est-ce le cas dans votre esprit, mais, je suis désolé de le dire, quand on parle français, on sait que cela n’exclut personne.

Madame le ministre, j’ai particulièrement apprécié votre intervention, mais j’ai toutefois été surpris par votre conclusion. Vous avez notamment évoqué l’apprentissage. Il y a effectivement beaucoup à faire dans ce domaine. Je sais que le gouvernement auquel vous appartenez désire avancer et mettre en valeur cette voie d’excellence.

Si j’ai pu donner à penser par l’amendement que je porte que ma famille politique a la volonté d’exclure de l’accès à l’enseignement supérieur une partie des jeunes bacheliers, j’en suis profondément navré, car tel n’est pas le cas.

Il faut toutefois bien se rendre compte de la situation aujourd’hui. Je vous invite ainsi à vous rendre dans une UFR de STAPS – je ne prends pas cet exemple au hasard –, même si nous ne sommes encore qu’au mois de février. Pour ma part, je me suis rendu à celle d’Amiens il y a quelques semaines. Alors que cette UFR comptait 1 500 étudiants à la rentrée, elle en a perdu 750 en l’espace de quatre mois. Ceux qui ont arrêté pensaient s’orienter vers les métiers du sport, mais ils n’en avaient pas les capacités. Ils n’avaient pas les qualités requises par l’UFR pour suivre cette formation. On les a bercés d’illusions. Je trouve que c’est très injuste pour ces jeunes. Le système est profondément responsable de cette situation. Il faut donc le corriger. C’était l’un des objectifs de mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 173.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 58 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l’adoption 147
Contre 179

Le Sénat n’a pas adopté. (M. David Assouline applaudit.)

L’amendement n° 143 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Costes, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix dans les conditions prévues par le présent article.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’article L. 612-3 du code de l’éducation dispose que « tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix ».

Le groupe du RDSE est profondément attaché à ce principe, permettant au candidat de choisir son orientation et d’envisager une éventuelle mobilité géographique, qui peut être justifiée par diverses raisons, telles que l’absence d’une formation dans son académie de résidence ou encore des charges de famille. Nous considérons que le droit en vigueur doit être maintenu sur ce point et que ce principe ne doit connaître d’exception que lorsque les capacités d’accueil ont été dépassées.

Si l’avis du Conseil d’État du 16 novembre 2017 constate l’abrogation de cette disposition, il souligne que le projet de loi « réaffirme le principe de liberté d’inscription du candidat dans l’une des formations de son choix ».

Madame la ministre, comme vous l’avez indiqué à plusieurs reprises, le Gouvernement n’a pas pour intention d’instaurer la sélection à l’entrée de l’université. C’est la raison pour laquelle, je l’espère, vous ne verrez aucun inconvénient à ce que l’on préserve explicitement dans la loi le libre choix du candidat. Tel est l’objet du présent amendement, que nous déposons dans le but de garantir l’exigence constitutionnelle d’égal accès de tous à l’instruction, tout en reconnaissant qu’il puisse y avoir des exceptions, conformément aux dispositions prévues par le présent article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. J’ai évoqué au cours de la discussion générale un article du Monde disant : le niveau en licence, un débat sensible ; des enseignants alertent sur les lacunes des étudiants.

Certains de mes collègues présents en séance, qui ont enseigné à l’université, se rappellent peut-être que les enseignants n’aiment pas enseigner en première année, parce qu’ils ont conscience des difficultés auxquelles ils vont être confrontés et de l’écrémage qui interviendra en fin d’année. Ainsi, les enseignants-chercheurs commencent souvent à enseigner en deuxième, troisième ou quatrième année.

C’est tout l’intérêt des attendus. Le fait que des filières deviennent sélectives – je ne sais pas si cela sera le cas de toutes les filières –, qu’il y ait au moins concordance entre le choix du candidat et celui de l’établissement me paraît fondamental. C’est la garantie d’un contrat gagnant-gagnant, parce que, mes chers collègues, je peux vous assurer que l’échec subi par certains étudiants au sein des filières a un effet beaucoup plus durable sur la suite de leur avenir professionnel.

La commission a donc émis un avis défavorable.