Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis étonné par les propos de Mme la secrétaire d’État. Il est clair que, compte tenu des principes sur lesquels s’arc-boute le Gouvernement, cette proposition de loi ne prospérera pas. Nous sommes peut-être en présence d’une proposition de loi d’appel, comme il existe des amendements d’appel… Quoi qu’il en soit, j’espère que vous trouverez des solutions, madame la secrétaire d’État, à certains problèmes, comme ceux soulevés par notre collègue Jean-Claude Luche.
Quand vous parlez d’artificialisation des territoires sur le littoral, vous faites référence au littoral atlantique et au littoral méditerranéen, constitués de plages de sable, de galets, de falaises. Dans les territoires ruraux, comme l’Aveyron, où la population rurale stagne, il faut envisager de façon différente le cas des lacs intérieurs. Le très bon amendement de Jean-Claude Luche vise à permettre de faire certaines choses au bord de ces lacs.
Vous allez me rétorquer : préservation des paysages. Certes, mais je vais prendre un exemple que je cite souvent. Comme vous le savez, beaucoup de gens sont contre les éoliennes, parce qu’elles dénatureraient le paysage. Or lorsque Claude Monet s’est rendu en Angleterre, au XIXe siècle, il y a peint plein de paysages industriels. Aujourd’hui, ces paysages industriels s’arrachent pour des dizaines de millions d’euros. La notion de paysage est donc extrêmement relative, subjective.
Pour ma part, je dis simplement une chose : des adaptations devraient être possibles autour d’un lac artificiel, fruit de la main de l’homme. Aujourd’hui, des agriculteurs ne peuvent même pas faire une stabulation à 800 mètres ou à un kilomètre d’un lac parce qu’ils sont en covisibilité. C’est d’un ridicule achevé !
Dans certains cas, il faut prévoir des adaptations. Tel est l’objet de cet amendement. Je proposerai une autre adaptation avec l’amendement n° 37. Il faut trouver une solution aux problèmes que soulèvent nos collègues tous les jours. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. J’ai cosigné cette proposition de loi, parce qu’elle a trait au développement durable des territoires littoraux, pas simplement au trait de côte, même si c’est quelque chose d’important. Au-delà de cette question, il est nécessaire de permettre un développement harmonieux des territoires littoraux.
Les propositions de Michel Vaspart me paraissent être empreintes de bon sens, car elles permettent de clarifier des situations qui font aujourd’hui obstacle au bon développement des territoires littoraux et qui conduisent l’homme à devoir déserter un certain nombre d’entre eux, simplement parce qu’il ne peut y implanter des activités ou son habitation.
Il est légitime de corriger les errements constatés dans la mise en œuvre de la loi Littoral, laquelle, je le rappelle, date d’il y a plus de trente ans. De même, il est nécessaire à mon sens de la réviser.
Je pense que c’est une extension un peu malheureuse qui a conduit à intégrer les lacs, notamment les lacs artificiels, dans les territoires littoraux, car il n’est pas logique de traiter de la même façon les territoires en bord de mer et les territoires possédant un lac artificiellement créé par la main de l’homme.
Je pense aussi que la proposition de Jean-Claude Luche est pleine de bon sens. Il convient de ne pas entraver le développement des territoires qu’il a évoqués, lesquels sont souvent handicapés par leur enclavement et subissent les conséquences de l’artificialisation des sols.
Pour conclure, il me semble qu’il convient de tenir compte de la morphologie précise du littoral dans notre approche du trait de côte. Les contraintes ne peuvent pas être les mêmes sur tout le littoral. Les parties comprenant des falaises, par exemple, ne sont pas sensibles à l’envahissement de l’eau. Il doit être possible d’y faire des choses. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Connaissez-vous le barrage de Serre-Ponçon ? (Oui ! sur les travées du groupe Union Centriste.) C’est absolument magnifique ! À Serre-Ponçon, comme autour de la plupart des grands barrages et des étendues d’eau artificielles, la protection des paysages représente un enjeu en termes de développement économique. Même si Monet a magnifiquement peint certains paysages industriels, je ne crois pas que les touristes s’y rendent en masse en car et en avion pour aller les contempler, alors qu’ils vont à Serre-Ponçon.
Je rends hommage à Mme la secrétaire d’État, qui, avec beaucoup de ténacité, rappelle systématiquement la position du Gouvernement.
On ne peut pas raisonner comme vous le faites, chers collègues. Vous parlez de stabulation, mais, sur cette question, il faut une dérogation et non remettre en cause la bande de 100 mètres. À chaque fois, au lieu de créer une dérogation, vous remettez en cause la règle générale. Cela ne peut pas marcher ! Du coup, on n’avance pas sur l’enjeu de notre discussion : comment trouver des consensus entre nous sur les dérogations ?
Je suis moi aussi convaincu, en tant que porteur des grandes lois de protection de l’environnement, qu’un certain nombre d’absurdités les fragilisent et qu’il faut trouver des mécanismes de dérogation, mais ce n’est pas en procédant comme vous le faites que nous y arriverons. Vous faites l’inverse de ce qu’il faut faire ; du coup, on n’avancera pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Il a été dit, à juste titre, que nous n’étions pas là pour modifier la loi Littoral. Je me demande donc si l’amendement de M. Luche a été bien lu.
Il est indiqué dans l’objet de cet amendement qu’il « vise à ouvrir de nouvelles possibilités de construction, en zone de montagne, à proximité des étendues d’eau artificielles ».
Je rappelle la définition du littoral : « Le littoral est la bande de terre constituant la zone comprise entre une étendue maritime et la terre ferme. » Un lac n’est pas une étendue maritime… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Laurent Duplomb applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je rappelle, mes chers collègues, que le texte qui vous est aujourd’hui soumis a été rédigé en tenant compte du travail de Pascale Got sur le trait de côte et des amendements que le Sénat avait adoptés en son temps pour revenir sur la jurisprudence, laquelle a détourné l’esprit de la loi Littoral.
Je vous rappelle également que nous sommes sur le fil du rasoir. La loi Littoral, on le sait, est un totem, c’est-à-dire que tous ceux, et je parle sous le contrôle de mon collègue Bizet, qui ont essayé d’y toucher depuis un certain nombre d’années s’y sont cassés les dents.
M. Jean Bizet. Même les dents creuses ! (Sourires.)
M. Michel Vaspart. Au-delà de la boutade, il est vrai que ce sujet est excessivement délicat et difficile.
Si nous allons trop loin, nous ne serons plus crédibles, je vous le dis tel que je le pense. Ce n’est pas dans cet esprit qu’a été déposée cette proposition de loi. Remettre la loi Littoral en cause, pourquoi pas ? Mais c’est au Gouvernement qu’il appartient de le faire et de déposer un projet de loi.
Il est vrai, pour reprendre un exemple qui a déjà été évoqué, qu’il est parfois invraisemblable que la loi Littoral s’applique à la totalité du territoire de la commune. Dans certaines communes, la loi s’applique jusqu’à dix ou douze kilomètres en retrait, quand d’autres communes, situées à 300 mètres, ne sont absolument pas concernées, comme l’a rappelé Michel Canevet. On le voit bien, cette loi pose des difficultés.
Cela étant dit, si on touche aux principes fondamentaux de la loi Littoral, on la remet profondément en cause. Or ce n’est pas du tout ce que je voulais faire. Pour ma part, je souhaite simplement corriger les excès de la jurisprudence. Attention à ne pas aller trop loin ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour explication de vote.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Si mon souhait le plus cher est que cette proposition de loi arrive à son terme, cet amendement me paraît néanmoins de bon sens et son adoption constituerait une avancée importante pour les acteurs de ces territoires de montagne situés à proximité de lacs artificiels. Je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Laurent Duplomb et Jacques Genest applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Loin de moi l’idée d’entamer une partie de ping-pong avec notre collègue Ronan Dantec, mais force est de constater que nous vivons des moments tout de même savoureux, ce qui nous ramène à la modestie du temps présent.
Nous aurons vu M. Dantec se faire le chantre des barrages artificiels et de la beauté de leurs paysages, alors qu’il serait le premier à s’opposer à tout projet de construction de tels ouvrages, même ceux de taille plus modeste, comme ce fut le cas, voilà quelques années, pour celui de Sivens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Laurent Duplomb applaudit également.)
La mutation de M. Dantec se manifeste également au travers de la promotion, qu’il fait aujourd’hui et qu’il ne manquera pas de poursuivre demain, de l’extension de l’aéroport de Nantes-Atlantique, qui touche le lac de Grand-Lieu : situé en zone Natura 2000, ce lac représente la deuxième zone humide de France en hiver.
Je souhaitais souligner ce grand moment de l’histoire parlementaire pour qu’il figure au compte rendu de nos travaux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Pour conclure cette discussion riche, je rappellerai que, ce matin, la commission s’est prononcée contre l’adoption de cet amendement. La majorité sénatoriale dans son ensemble, même s’il peut évidemment y avoir des voix discordantes, s’est exprimée clairement.
Je pose la question : pourquoi ne cibler que les lacs artificiels et pas les lacs naturels, alors que la problématique est exactement la même ? La bande des cent mètres, que les auteurs de l’amendement veulent en l’espèce réduire à cinquante, s’applique à toutes les étendues d’eau, quelle qu’en soit l’origine.
Le vote sera souverain. Qu’il me soit tout de même permis de rappeler ce qu’a dit mon collègue Michel Vaspart, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets, avec notamment le président de la commission des lois, Jean Bizet ou Odette Herviaux : la loi Littoral de 1986 est un véritable totem, sur laquelle s’est appuyée la jurisprudence qui nous a guidés jusqu’à aujourd’hui. Si nous sommes ici réunis, c’est pour tenter de l’adapter, de l’ajuster.
Michel Vaspart l’a expliqué, oui, il est possible de toucher à la règle des 100 mètres. Je ne suis pas pour autant persuadé que la traduction qui pourrait en être faite sur l’intégralité de la proposition de loi conserve à ce texte toute sa crédibilité.
Nous aurons encore à débattre de cette notion de distance à l’amendement suivant. Sur cette question, il nous faut être crédibles vis-à-vis de l’ensemble des acteurs, professionnels comme élus locaux. Ce n’est pas notre rôle que de répondre à un point particulier, même si nous devons nous inspirer de ce qui se passe sur nos territoires pour décider ensemble.
Mes chers collègues, je vous invite à bien mesurer les conséquences de l’adoption d’un tel amendement au regard de l’objectif initial qui est à l’origine de cette proposition de loi.
La loi Littoral contient un certain nombre d’aspérités, qu’il nous faut gommer. Je souhaite que le Gouvernement s’en saisisse pour l’améliorer, dans le cadre d’une discussion réfléchie, concertée, avec l’ensemble des acteurs, élus locaux, professionnels, parlementaires. Mais ce n’est pas le sujet qui nous réunit aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, je le rappelle, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 14 rectifié decies, présenté par MM. Chaize, D. Laurent et Lefèvre, Mme Eustache-Brinio, MM. Bascher, Bazin et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Bonhomme, Bizet et Charon, Mmes Canayer, Estrosi Sassone et Imbert, M. Longuet, Mme Lopez, MM. de Legge et Paccaud, Mme Gruny, MM. Vogel et Milon, Mmes Lamure et de Cidrac, MM. Babary, de Nicolaÿ et Husson, Mmes Morhet-Richaud et Lassarade et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 121-17 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à l’article L. 121-4 du code de l’énergie » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 121-4 du code de l’énergie et L. 35 du code des postes et communications électroniques » ;
b) À la deuxième phrase, après le mot : « électriques », sont insérés les mots : « ou de communications électroniques » ;
c) À la troisième phrase, les mots : « du même code » sont remplacés par les mots : « du code de l’énergie » ;
2° L’article L. 121-25 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « définies à l’article L. 121-4 du code l’énergie » sont remplacés par les mots : « et d’intérêt général définies aux articles L. 121-4 du code de l’énergie et L. 35 du code des postes et communications électroniques » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « électriques », sont insérés les mots : « ou de communications électroniques ».
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à atténuer certains freins au développement du numérique et du très haut débit sur tout le territoire, en encadrant, sans l’interdire par principe, l’atterrage de nouveaux câbles sous-marins sur les côtes françaises. Le dispositif proposé s’inscrit pleinement dans l’engagement gouvernemental de résorber la fracture numérique et, en particulier, dans la démarche portée par le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En effet, en l’état actuel de la législation en matière d’urbanisme, aux abords de la bande littorale, des constructions ou installations nouvelles de câbles peuvent être interdites soit au titre de la protection légale des 100 mètres du littoral, soit au titre des espaces remarquables mis en place par une collectivité locale.
Le présent amendement a pour objet d’harmoniser le traitement des ouvrages de communications électroniques avec celui des ouvrages électriques, nécessaires à l’exercice des missions de service public telles que définies à l’article L. 121-4 du code de l’énergie. Ces ouvrages de communications électroniques remplissent également des missions de service public et d’intérêt général comme définies à l’article L. 35 du code des postes et des communications électroniques. Ce faisant, il prévoit bien que ces installations fassent l’objet du même niveau d’exigence que les ouvrages électriques, à savoir qu’elles soient à la fois « souterraines et toujours celles de moindre impact environnemental ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’adoption de la disposition que nous propose Patrick Chaize, grand spécialiste des questions numériques, permettrait effectivement de faciliter le déploiement de câbles dont l’importance est avérée pour améliorer la connexion entre les îles et le continent ou pour établir des liaisons internationales. Il s’agit de composantes essentielles aux réseaux à très haut débit.
Partageant la priorité définie par le Gouvernement en faveur de l’aménagement numérique du territoire, ces ajustements nous semblent pertinents et d’autant plus justifiés qu’ils se rattachent, concordance bienvenue, à un régime existant pour l’électricité.
J’ajoute qu’un tel dispositif présente de vraies garanties environnementales, puisque les articles visés exigent le recours à des techniques souterraines et toujours celles de moindre impact environnemental. Par ailleurs, ces opérations sont précédées d’une enquête publique.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le sujet mérite d’être approfondi, alors que la couverture du territoire par les réseaux de communications électroniques est une priorité du Gouvernement et que nous avons déjà beaucoup avancé en la matière. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par Mme Canayer, MM. Chaize et Daubresse, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Cambon, Gremillet et Grosdidier, Mmes Gruny et Lherbier, MM. Lefèvre, Pellevat et Meurant, Mme Lopez, MM. Priou, Savary, Vogel et Brisson, Mme Lamure et MM. Revet et Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 121-24 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des changements de destination tels que définis à l’article L. 151-11 peuvent être autorisés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Je présente cet amendement au nom de ma collègue Agnès Canayer.
Le patrimoine architectural situé dans les zones classées au titre des espaces et milieux remarquables participe pleinement et conjointement à la valorisation du littoral et des sites classés. Il s’agit donc de permettre un changement de destination de ces bâtis remarquables pour empêcher leur disparition par l’élaboration d’un projet touristique et économique nouveau. Cette valorisation doit se faire dans le respect et en harmonie avec le site et le projet de territoire définis par les communes.
Cette autorisation de changer la destination des immeubles bâtis situés dans un espace remarquable se ferait sous certaines conditions. En effet, la protection des sites ne doit pas obérer le développement durable de ces derniers. Il s’agit donc de permettre la valorisation des patrimoines locaux remarquables qui s’inscrivent dans le paysage tout en donnant les moyens à des projets locaux d’émerger ; je pense notamment à des projets touristiques venant en complément des activités agricoles. Ce changement de destination se ferait conformément aux règles en vigueur définies à l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme.
En Normandie, par exemple, on trouve ainsi, pas forcément au bord du littoral, mais à proximité, des anciens clos-masures abritant des locaux remarquables, qu’il s’agirait de maintenir dans le cadre du développement touristique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à permettre les changements de destination des constructions dans les espaces et milieux remarquables. En réalité, les changements de destination n’y sont pas interdits par principe. Il revient aux collectivités territoriales de préciser dans leurs documents d’urbanisme les règles relatives à ces changements selon les espaces considérés et de les appliquer dans le cadre des autorisations d’urbanisme.
À ce titre, nous ne voyons pas bien l’intérêt d’un tel ajout, sauf à envisager un changement qui serait « de droit », auquel cas cela remettrait en cause les compétences d’urbanisme des collectivités territoriales. Laissons les collectivités territoriales gérer leur développement et leur zonage. C’est donc une demande de retrait qu’exprime la commission sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’adoption de cet amendement reviendrait à organiser le changement de destination de bâtis compris dans les espaces et milieux remarquables du littoral, en dépit des règles prises par le plan local d’urbanisme et de l’instruction des autorisations du droit des sols assurée par l’autorité compétente.
Serait instauré par la loi un régime dérogatoire, qui priverait les collectivités locales de leurs compétences en matière d’aménagement. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Revet, l’amendement n° 17 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Si je comprends bien les propos de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État, il appartient à la collectivité de définir ce qui doit perdurer, dès lors que le patrimoine en cause n’est plus exploité puisqu’il s’agit, comme dans le cas des clos-masures, de domaines agricoles. Il y a donc la possibilité de le faire, mais c’est à la municipalité d’en décider.
Est-ce ainsi que je dois comprendre vos propos, madame la secrétaire d’État ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’ai précisé, monsieur le sénateur, que la décision relevait de l’autorité compétente.
M. Charles Revet. Donc, du conseil municipal ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cela peut être l’intercommunalité.
M. Charles Revet. Dans ces conditions, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 37, présenté par MM. A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled et Luche, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement et au dernier alinéa de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 1 500 ».
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. J’ai entendu précédemment parler de la loi Littoral comme d’un totem. Voilà une image somme toute assez sympathique, et j’imagine déjà les Indiens tourner autour en dansant… Or il est de notre responsabilité de législateur de toucher aux totems, surtout lorsque les remontées du terrain nous indiquent que l’application de la loi Littoral, par certains côtés, confine à la bêtise. D’où notre volonté de l’aménager.
J’y reviens, une différenciation très nette doit être faite entre le littoral de mer ou d’océan et les lacs intérieurs. Je propose à cet égard une mesure relativement simple, mais dont la mise en œuvre permettrait sans doute de résoudre bon nombre de problèmes. Il s’agit de porter de 1 000 à 1 500 hectares la superficie des plans d’eau intérieurs au-delà de laquelle ceux-ci seraient soumis à la loi Littoral.
Tel est l’objet de mon amendement. J’espère que mes collègues ici présents qui, comme moi, ont défendu avec beaucoup d’ardeur l’amendement n° 8 rectifié bis présenté par Jean-Claude Luche, me soutiendront également dans ma démarche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je serais tenté de dire : « Même motif, même punition. » C’est un marqueur absolu de la loi Littoral qui est ici remis en cause. Pourquoi, alors, ne pas porter cette superficie à 3 500 hectares, ce qui permettrait d’éviter à Nantes-Atlantique toute difficulté pour agrandir l’aéroport ?
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Plus sérieusement, cet amendement vise à changer la définition des plans d’eau intérieurs relevant de la loi Littoral, en ciblant une superficie supérieure à 1 500 hectares, contre 1 000 dans le droit en vigueur. Une telle modification aurait une portée considérable, car elle reviendrait à soustraire à la loi Littoral toutes les communes situées autour d’un lac d’une telle superficie, même en dehors de l’Aveyron ! Plusieurs lacs et étangs sortiraient de ce régime et perdraient les protections qui résultent de la loi, sans qu’aucune étude d’impact préalable ait été établie.
Nous nous échinons à le rappeler depuis le début de l’après-midi, il nous semble très hasardeux de modifier fondamentalement le périmètre d’application de la loi Littoral, à laquelle nous sommes très attachés. De tels changements auraient des conséquences majeures pour la préservation du patrimoine naturel, que nous ne maîtrisons pas en l’absence, j’y insiste, d’une étude d’impact.
C’est donc un avis défavorable qu’a émis la commission sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Vous le savez tous ici, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que les réflexions sur l’adaptation des territoires littoraux à l’érosion du trait de côte ne doivent pas être l’occasion de remettre en cause la loi Littoral, qui participe de la protection des espaces naturels et permet de lutter contre l’artificialisation des sols.
Cela étant, je tiens à saluer l’esprit de modération et d’équilibre, parfois très difficile à trouver, ayant guidé les inspirateurs de cette proposition de loi. Je suis persuadée qu’à l’avenir nous pourrons trouver des voies et des issues pour travailler main dans la main à défendre notre paysage, notre biodiversité, tout en adaptant la législation aux réalités locales.
En tout état de cause, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, une situation ponctuelle ne pouvant justifier une remise en cause de la loi Littoral.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. Vraiment, mes chers collègues, la mission que nous avons reçue, c’est de participer, en fonction de nos responsabilités, au développement de notre pays. C’est aussi ce que le Gouvernement s’efforce de faire au quotidien. Or, à écouter les débats qui ont eu lieu tout au long de l’après-midi, j’ai l’impression d’être dans l’immobilisme le plus complet. J’appelle chacun d’entre vous à lutter, si ce n’est aujourd’hui, du moins dans les semaines et les mois à venir, contre cet état de fait.
Cet immobilisme, le milieu rural le perçoit clairement. Ne vous étonnez donc pas du résultat des élections dans ces territoires.