M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez été très sensible à la situation des CSE en les autorisant, dès lors qu’ils ont de l’argent en caisse, à utiliser une partie de l’excédent pour financer d’autres activités, non pas seulement des arbres de Noël, mais aussi des activités culturelles, sportives, voire sociales.
Vous ajoutez qu’en contrepartie de ce cadeau que l’on fait aux CSE, il faudra leur faire payer une contrepartie. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Si ! D’une part, vous mettez à leur charge 20 % du coût des expertises, ce qui n’existait pas avant ; d’autre part, dans le cas où ils ont droit à une prise en charge totale parce qu’ils n’ont pas réalisé d’excédent pendant trois ans, alors, pendant trois ans, ils ne pourront pas utiliser l’excédent éventuellement dégagé pour des activités sociales ou culturelles. Ce n’est pas une marque de générosité de votre part, mais un moyen de pression. Je trouve que ce n’est pas bien ! (M. Philippe Mouiller rit.)
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 41
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 2315-79 est abrogé ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article L. 2315–79 du code du travail, créé par l’ordonnance n° 2017–1386 du 22 septembre 2017, dispose : « Un accord d’entreprise, ou à défaut un accord conclu entre l’employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel, détermine le nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes prévues […] sur une ou plusieurs années. »
Ainsi donc, il sera possible de déterminer à l’avance le nombre d’expertises dans le cadre des consultations sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière de l’entreprise, ou la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi sur une ou plusieurs années. Cet article remet par conséquent en question le droit des représentantes et des représentants du personnel à expertiser les décisions prises par la direction.
Ce droit à l’expertise est-il si fondamental, me rétorquerez-vous ?
Nous pensons qu’il s’agit d’un droit important, d’autant que – on le voit au fil des propositions contenues dans ces ordonnances et d’un certain nombre d’amendements qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt des salariés – les droits des représentantes et des représentants sont remis en cause.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’ordonnance permet en effet aux partenaires sociaux dans l’entreprise de s’entendre à l’avance sur les expertises qui seront sollicitées dans le cadre des consultations récurrentes du CSE. Contrairement aux consultations ponctuelles, il sera possible de les anticiper.
Si leur périodicité n’a pas été modifiée par un accord, comme l’ordonnance le permet, le CSE devra se prononcer chaque année sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière et sa politique sociale, soit trois cas de recours à un expert. Il n’est pas déraisonnable de fixer ce nombre par accord collectif, les consultations ponctuelles n’étant évidemment pas concernées.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une possibilité résultant d’un accord d’entreprise ou d’un accord entre l’employeur et le CSE. Les représentants du personnel doivent donc y consentir. S’ils le font, c’est qu’ils y ont intérêt.
En outre, cette négociation ne peut avoir lieu que pour les consultations récurrentes du CSE. L’idée est de programmer d’un commun accord un rythme des expertises.
La négociation n’est pas applicable en cas de consultations ponctuelles, c’est-à-dire en cas de risque grave, de projet important, de droit d’alerte économique, d’opération de concentration, de licenciement collectif pour motif économique, d’offre publique d’acquisition, soit tout événement imprévu, et parfois imprévisible, qui survient dans l’entreprise.
Cela permettra d’associer les parties concernées plus en amont, d’avoir le temps de réfléchir sur les expertises qui seront faites, de passer commande d’un train d’expertises programmées, et contribuera au dialogue social et économique construit dans la durée, sans restreindre le recours à l’expertise ponctuelle, ou en urgence, ou sur des éléments nouveaux.
L’avis est donc également défavorable.
M. le président. L’amendement n° 142, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au 1°, la référence : « au 1° » est remplacée par les références : « aux 1° et 2° » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement a pour objet d’étendre le financement des expertises portant sur les projets importants, définies à l’article L. 2315–96 du code du travail.
La nouvelle disposition risquait en effet de priver certains CSE de leur droit à l’expertise, notamment sur des projets d’ampleur. Or cette capacité permet d’anticiper et d’éviter des problèmes relatifs à la santé au travail.
Il nous semble dommage, dans une logique de prévention, de fragiliser le recours à ces expertises par les CSE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ces expertises « projet important » entrent dans le cadre de celles qui, au titre des consultations ponctuelles du CSE, doivent être prises en charge à hauteur de 20 % par cette instance. Elles n’ont pas un caractère d’urgence ou de danger qui justifierait leur financement complet par l’employeur, comme c’est justement le cas des expertises commandées en cas de risque grave dans l’établissement.
Toutefois, l’employeur prendra bien en charge l’intégralité du coût de cette expertise dès lors que le budget du CSE ne le permet pas et que ce dernier n’a pas, au cours des trois dernières années, reversé un éventuel excédent à ses activités sociales et culturelles. En ce sens, aucun CSE ne devrait être privé de son droit à l’expertise, à l’exception peut-être de ceux qui, à l’avenir, préféreront privilégier leur compétence sociale sur leur compétence consultative.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Tous les éléments de ma réponse ayant déjà été donnés dans mes avis précédents, je n’y reviens pas.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Effectivement, ces expertises n’entrent pas dans le cadre de l’urgence, au sens d’un danger grave et imminent. Cependant, elles peuvent s’intégrer dans le contexte de projets de réorganisation. Lorsqu’un employeur souhaite mener un projet de réorganisation, il n’a pas envie d’attendre l’année suivante que le CSE ait les moyens de le faire…
C’est donc non pas une question d’urgence, mais d’opportunité du projet, lorsque l’on peut encore prendre davantage en compte les questions de conditions de travail et de prévention des risques professionnels.
Lorsque le budget le permet et lorsque les problématiques de conditions de travail et de santé au travail ne sont pas les seules prérogatives du CSE, on peut avoir d’autres priorités. Des élus qui ne sont pas spécialistes des conditions de travail peuvent préférer organiser des activités socioprofessionnelles, par exemple, et y consacrer le budget.
Vous me rétorquerez que c’est parce que les questions de conditions de travail et de santé au travail soulevées ne sont pas suffisamment importantes. Or ce sera tout de même suffisamment important, mais on en revient toujours au risque de dilution des problématiques pourtant essentielles de la prévention des risques au profit d’autres problématiques, également d’importance, mais qui doivent être traitées à part.
M. le président. L’amendement n° 197, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 43
Les mots :
Le 1° est
sont remplacés par les mots :
Au 1°, la référence : « L. 2315–96 » est remplacé par la référence : « L. 2315-94 » et l’alinéa est
et les mots :
qu’à l’article L. 2315–95
sont remplacés par les mots :
qu’au 3° du même article L. 2315–94
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 43
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au 2°, les mots : « et les consultations ponctuelles hors celles visées au deuxième alinéa » sont supprimés ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le nouvel article L. 2315–80 du code du travail prévoit désormais que plusieurs expertises ponctuelles devront être financées à 20 % par le comité social et économique, alors qu’elles étaient auparavant prises en charge par l’employeur.
L’expertise restera intégralement prise en charge si cette consultation porte sur la politique sociale et les conditions de travail et d’emploi, sur un projet de licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés sur une période de trente jours et, enfin, si elle porte sur un risque grave constaté dans l’établissement. En revanche, dans les autres cas, et notamment lors de consultations récurrentes sur les orientations stratégiques de l’entreprise ou de consultations ponctuelles demandées à tel ou tel moment, il est prévu que ceux qui en font la demande y contribuent à hauteur de 20 %, l’entreprise y participant, elle, à hauteur de 80 %.
Alors que les syndicats sont confrontés à des employeurs qui viennent accompagnés des meilleurs experts, le projet de loi réduit donc la capacité d’action des représentants des salariés. C’est pourquoi nous demandons la suppression de la fin de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’instauration d’un cofinancement, à hauteur de 20 %, du coût des expertises demandées par le CSE dans le cadre de certaines consultations ponctuelles vise avant tout à responsabiliser les représentants du personnel, non à les priver de leur droit de faire appel à un expert.
De plus, cette règle ne s’appliquera pas si le budget de fonctionnement du CSE est insuffisant pour couvrir ce coût : comme l’a prévu l’amendement gouvernemental adopté à l’Assemblée nationale sur ce point, l’employeur prendra alors en charge l’intégralité de la rémunération de l’expert.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 196, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
3° Le premier alinéa de l’article L. 2321–1 est complété par les mots : « à l’exception des accords qui sont soumis à des règles spécifiques de validité prévus notamment aux articles L. 1233–24–1, L. 2314–6, L. 2314–12 et L. 2314–27 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir une exception à la règle selon laquelle le conseil d’entreprise était seul compétent pour négocier et conclure des accords d’entreprise.
Cette exception figurait dans l’ordonnance d’origine, mais elle a été supprimée par la sixième ordonnance du 20 décembre 2017. Or certains accords sont soumis à des règles de validité spécifiques, notamment d’unanimité, qu’il convient de préserver.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je n’ai pas bien compris l’amendement de la commission, qui revient à détruire le conseil d’entreprise. La différence entre un comité social et économique et un conseil d’entreprise, c’est justement que le conseil d’entreprise a la capacité de négocier sur tous les sujets. On retrouve la fonction de délégué syndical, qui détient un pouvoir de négociation, en complément des autres qui avaient un pouvoir d’information et de consultation, au sein du conseil d’entreprise. C’est cette instance qui a le pouvoir de négocier sur l’ensemble de sujets, en suivant les règles de majorité habituelles.
L’amendement conduirait à supprimer la différence entre comité social et économique et conseil d’entreprise. Je suggère son retrait, car il résulte d’une mauvaise compréhension entre nous.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 196 est-il maintenu ?
M. Alain Milon, rapporteur. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 196 est retiré.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 171 rectifié bis est présenté par MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville et Vall.
L’amendement n° 176 rectifié est présenté par Mme Lamure, MM. Gabouty et Adnot, Mme Billon, M. Bouchet, Mme Berthet, M. Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet et Danesi, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, M. Forissier, Mmes C. Fournier et Gruny, MM. Kennel et Le Nay, Mmes Loisier et Morhet-Richaud et MM. Nougein, Paul, Pierre et Vaspart.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 64 de la loi n° 2016–1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est abrogé.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 171 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a créé, au sein des réseaux de franchise, une instance centrale de dialogue placée auprès du franchiseur et représentant les salariés des franchisés.
Or la mise en place de cette instance nous semble en totale contradiction avec le principe même de la franchise, puisque chaque franchisé est un entrepreneur indépendant, lié par un contrat de distribution avec le franchiseur. Je le répète, la franchise repose sur une totale indépendance du franchiseur et du franchisé, ainsi qu’entre les franchisés.
La commission des affaires sociales l’avait souligné à l’époque : il n’est pas possible d’imposer à un employeur de chercher à reclasser, en cas de licenciement économique, un de ses salariés chez un autre franchisé, avec lequel il n’entretient aucun lien juridique ou économique, ou de permettre à un hypothétique délégué syndical de réseau de franchise d’accéder à une entreprise dont il n’est pas salarié.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 176 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement prévoit la suppression de la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise. En effet, cette mesure remettrait en cause le statut de la franchise. Le franchisé est un commerçant indépendant du franchiseur, et qui encourt les mêmes risques économiques et supporte les mêmes responsabilités juridiques qu’un entrepreneur non franchisé.
Cet article a d’ailleurs été déclaré partiellement contraire à la Constitution en raison de l’atteinte disproportionnée qu’il représentait à la liberté d’entreprendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission partage le point de vue des auteurs de ces amendements : cette instance est pour le moins atypique, dans le mauvais sens du terme. En effet, elle crée, au sein d’un réseau de franchise, un lien entre le franchiseur et les salariés de ses franchisés, alors qu’il n’existe aucun lien de subordination de ces derniers envers lui. Le franchiseur ne saurait être tenu pour responsable des choix faits en matière d’organisation du travail par ses franchisés, la relation qu’il entretient avec eux étant de nature purement commerciale.
Notre commission, sur l’initiative de Jean-Marc Gabouty qui était alors son rapporteur, avait supprimé cette disposition lors de l’examen de la loi Travail, et le Sénat avait partagé sa position.
Par cohérence, la commission émet donc un avis favorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable. Selon nous, ce sujet n’entrait pas dans le champ de la loi d’habilitation que vous avez votée. (Sourires sur plusieurs travées.) Nous ne l’avons jamais évoqué, et nous n’aurions même pas osé le faire !
Par ailleurs, à notre connaissance, personne n’a sollicité une telle disposition, qui est donc en quelque sorte virtuelle. Elle ne gêne pas l’action puisqu’elle n’a été mise en place nulle part. Ce n’est pas une raison de fond pour la rejeter, mais au vu du degré d’urgence de ce sujet et du fait qu’il ne relève pas du champ de la loi d’habilitation, j’y suis défavorable à l’instant t, car je ne vois pas pourquoi nous aborderions cette question aujourd’hui.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 171 rectifié bis et 176 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 38, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27 du code de commerce, les mots : « supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le » sont remplacés par les mots : « inférieur au ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement vise à renforcer la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Celle-ci est en effet très insuffisante en France, car limitée aux seules grandes entreprises. En comparaison, en Allemagne, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration pour les entreprises comprenant entre 500 et 2 000 salariés et la moitié des sièges dans les très grandes entreprises.
Il est ici proposé de s’inspirer du fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges des conseils d’administration des entreprises.
Madame la ministre, vous présentez souvent la codécision comme un modèle pour l’entreprise. Pour y parvenir, il faut commencer par renforcer la présence des salariés et de leurs organisations partout, y compris dans les instances décisionnaires où s’élaborent les modalités de gestion et la stratégie des entreprises. Les salariés ont beaucoup de choses à dire.
Notre amendement tend à transformer le plafond actuel en seuil plancher. Celle disposition constituerait un saut qualitatif indéniable en termes de représentation des salariés dans les organes de décision des entreprises et participerait de la bonne gestion des intérêts collectifs de long terme de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Outre les dispositions introduites depuis 2013 rendant obligatoire, dans les plus grandes entreprises, la présence d’administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration, les entreprises pouvaient déjà, de leur propre initiative, en accueillir.
Cet amendement vise à rigidifier cette possibilité en disposant que l’entreprise ne pourra plus le faire que si ces représentants composent au moins le tiers du conseil d’administration. Voilà une proposition qui est de nature à décourager les entreprises qui n’ont pas d’obligation, en la matière, d’expérimenter en ce sens. Si, à terme, elles pourraient décider d’augmenter le nombre d’administrateurs salariés, elles souhaiteront sans doute mettre en place progressivement cette représentation.
La commission a donc émis pour l’instant un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. La participation des représentants des salariés dans la gouvernance des entreprises est un sujet sur lequel le droit comme les mentalités évoluent au fil du temps. C’est effectivement la loi Travail d’août 2015 qui a abaissé à 1 000 salariés le seuil à partir duquel des représentants sont membres du conseil d’administration. Cette mesure est mise en œuvre depuis quelques mois puisqu’elle était applicable à partir du deuxième semestre de l’année 2017.
Avec cette loi, la France est, à notre connaissance, le deuxième pays le plus avancé en Europe, après l’Allemagne que vous avez citée, monsieur le sénateur, en termes de participation – je ne parle pas des représentants du personnel qui siègent en plus au conseil d’administration – d’administrateurs salariés.
Ce débat a été amorcé pendant les concertations avec les partenaires sociaux et avait été d’ailleurs rapidement abordé au moment de la discussion de la loi d’habilitation.
Aujourd’hui, les questions qui sont posées sont de plusieurs ordres.
On peut évoquer le sujet de la place des femmes dans les conseils d’administration des sociétés non cotées, maintenant que la loi est appliquée et qu’il y a bien 40 % de femmes dans les sociétés cotées.
La question des administrateurs salariés, quant à elle, est à la fois quantitative et qualitative, car les débats portent sur les conditions d’exercice. Pour éviter tout risque de délit d’initié, les débats du conseil d’administration sont confidentiels. Cela provoque un débat au sein de certaines organisations syndicales, car l’administrateur salarié n’est, par conséquent, plus vraiment en contact avec son organisation ou, plus exactement, ne peut pas lui donner d’informations.
Il faut évoquer, par ailleurs, la mise en œuvre dans les entreprises. Au-delà de 1 000 salariés, on trouve des entreprises de taille intermédiaire, patrimoniales, dont le conseil de gouvernance n’est souvent composé que de trois ou quatre membres. Comment les choses vont-elles se mettre en place dans ces entreprises ? Là aussi, c’est une nouveauté.
Enfin, le champ non couvert par la loi fait débat. Celle-ci excluait ainsi paradoxalement l’économie sociale et solidaire, en considérant que, dans ce domaine déjà régi par une logique paritaire, il n’était pas nécessaire de prévoir des administrateurs salariés supplémentaires. Il faut aussi évoquer – j’aurais ainsi fait le tour de la question – les entreprises à statut européen, qui échappent à cette réglementation.
Je voulais évoquer l’ensemble de ces points pour montrer que le sujet ne peut être traité par le biais d’un amendement sans avoir fait le tour de la question. Pour cette raison, la question de la gouvernance fait partie des sujets que Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard étudieront dans le cadre de la mission que Bruno Le Maire, Nicole Belloubet, Nicolas Hulot et moi-même leur avons confiée.
J’ai simplement dressé la liste des questions, mais vous pouvez constater qu’elle est déjà assez longue… Il nous a paru prématuré d’étudier ce sujet dans le cadre des ordonnances, car nous parvenons seulement au moment où la loi s’applique aux entreprises de plus de 1 000 salariés, mais nous n’avons pas encore de recul sur la question. Il faut faire le tour de l’ensemble des questions avant de procéder à un éventuel aménagement législatif qui, s’il devait être décidé, figurerait dans le cadre du projet de loi PACTE au printemps prochain.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est prématuré de se poser la question au travers d’un amendement. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 102, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 225-27-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, la première occurrence du mot : « mille » est remplacée par les mots : « cinq cents » et les mots : « dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, » sont supprimés ;
b) Les deuxième et troisième alinéas du I sont supprimés ;
c) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, de cinq cents à mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux.
« Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, de mille à cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal au tiers des administrateurs.
« Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à la moitié des administrateurs.
« L’élection des administrateurs représentant les salariés sur le fondement du 1° du III du présent article respecte la parité conformément à l’article L. 225-28 du présent code. » ;
2° L’article L. 225-79 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Il peut être stipulé » sont remplacés par les mots : « Il est stipulé » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre des membres du conseil de surveillance élus par les salariés correspond au tiers des membres composant le conseil de surveillance. »
L’amendement n° 103, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, la première occurrence du mot : « mille » est remplacée par les mots : « cinq cents » et les mots : « dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, » sont supprimés ;
2° Les deuxième et troisième alinéas du I sont supprimés ;
3° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, de cinq cents à mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux.
« Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, de mille à cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal au tiers des administrateurs.
« Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à la moitié des administrateurs.
« L’élection des administrateurs représentant les salariés sur le fondement du 1° du III du présent article respecte la parité conformément à l’article L. 225-28 du présent code. »
L’amendement n° 104, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la première occurrence du mot : « mille » est remplacée par les mots : « cinq cents » et les mots : « dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, » sont supprimés ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
L’amendement n° 105, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du I de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° La première occurrence du mot : « mille » est remplacée par les mots : « cinq cents » ;
2° Les mots : « dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, » sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter ces quatre amendements.