M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Quiconque a eu l’occasion de diriger un établissement d’importance doté d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sait l’enthousiasme et l’engagement des membres de ces comités, qui ont l’impression d’être chargés d’une mission particulière et d’avoir une responsabilité à l’égard de l’ensemble des salariés.
Bien sûr qu’ils sont casse-pieds ! Mais tout directeur, tout chef d’établissement sait qu’ils agissent comme un aiguillon, qu’ils attirent l’attention sur des problèmes que l’on aurait mieux aimé ne pas voir, parce qu’ils engendreront des modifications et des dépenses supplémentaires. Néanmoins, combien de maux ont été ainsi évités ? Combien de maladies, combien de handicaps, combien de difficultés les CHSCT ont-ils épargnés ?
Au fond, en vous écoutant, je me dis que nous sommes d’accord. La dilution à l’intérieur des CSE réduira la capacité d’intervention en matière de santé et de sécurité. (Mme la ministre proteste.) Mais si, puisque vous cherchez à apporter des palliatifs !
Le rapporteur nous a dit que dans certaines entreprises il sera possible de créer de telles instances. Devrions-nous nous en contenter ? Pourquoi ne pas l’inscrire plutôt dans le droit commun ? Voilà quelques instants, vous avez affirmé qu’il sera possible, par dérogation, d’obtenir plus de trois mandats. Pourquoi ne pas le faire figurer dans la loi ? C’est un aveu implicite : vous savez pertinemment que les commissions, si elles existent, ou à défaut les CSE, ne rempliront pas les fonctions qu’exerçaient les CHSCT !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Nous avons auditionné ce matin le numéro deux de Lactalis. Selon un rapport, qui a fait l’objet de plusieurs articles dans la presse spécialisée, la mise en place du lean management dans cette entreprise pourrait être à l’origine des problèmes de sécurité alimentaire. Cette question doit être étudiée de près. Le parquet en est saisi, nous verrons…
Quoi qu’il en soit, les délégués du personnel et du CHSCT avaient mis en garde la direction sur ces sujets.
M. le rapporteur a affirmé que les questions de sécurité au travail ne feront pas l’objet de moins d’attention. Bien sûr que si puisqu’il y aura moins de représentants et un seul organisme ! Pourtant, ces questions se posent à nous avec une acuité particulière. Cela doit nous interroger !
En effet, le fonds pour l’amélioration des conditions de travail, ou FACT, produit régulièrement des textes sur le sujet. Les questions de burn-out se posent aussi de manière aiguë. Il convient donc au contraire de mettre l’accent sur la santé au travail. C’est ce que font notamment des pays scandinaves. L’Allemagne s’y attache également avec beaucoup d’attention ; elle en fait d’ailleurs un élément de productivité au travail.
Par conséquent, je ne comprends pas très bien cette volonté de s’opposer à cet amendement et à tout ce qui se met en place dans les autres pays pour essayer de traiter au mieux la question de la santé au travail.
Pour finir, on a refusé voilà quelques instants de porter la durée globale des mandats à douze ans et, surtout, on veut limiter les mandats des représentants. Madame la ministre, pourquoi ne pas limiter également le temps de nomination des P-DG à la tête des entreprises ? C’est une boutade. Néanmoins, une chose est sûre : beaucoup de syndicats disparaîtront faute de délégués,…
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Martial Bourquin. … lesquels seront touchés par la limitation des mandats !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Le groupe La République En Marche soutiendra évidemment le Gouvernement. Mme la ministre a bien expliqué les choses en soulignant que certains propos étaient mensongers. On ne peut pas tout entendre. Les attributions du CHSCT n’ont pas disparu : elles ont été transférées au CSE, qui continuera à jouer un rôle de prévention et de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, ainsi qu’à améliorer leurs conditions de travail.
Par ailleurs, le texte a prévu la possibilité, voire l’obligation dans les entreprises et établissements d’au moins 300 salariés de créer une ou plusieurs commissions entièrement consacrées aux questions de santé, de sécurité, de conditions de travail.
Le CSE devra se réunir également au moins quatre fois par an sur ces sujets de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Je voterai donc contre l’amendement. (Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Nous voterons cet amendement de repli. (M. René-Paul Savary s’exclame.) Il n’est certes pas aussi ambitieux que nous le souhaiterions, mais il faut souligner que la santé au travail est un élément déterminant du niveau de santé. Nous sommes dans une société où le vieillissement va prendre de plus en plus de place. C’est pour beaucoup d’entre nous sur notre lieu de travail que se déterminera notre longévité. Je rappelle qu’il y a six ans d’écart entre une personne ayant exercé une profession libérale et un ouvrier. Il ne s’agit pas uniquement d’une question économique, d’une question sociale, c’est aussi une question sociétale.
Il y va de l’intérêt de l’ensemble de la société que nous prenions toutes les mesures pour prévenir le vieillissement précoce, les invalidités, les accidents du travail, les maladies professionnelles. Il me semble qu’il y aurait beaucoup à faire. Au lieu de réduire les possibilités de prévention, cherchons plutôt à les augmenter !
Madame la ministre, que vous le vouliez ou non, en reportant le débat sur les questions de santé au travail dans une commission, et plus largement en les fondant dans le CSE, vous les faites dépendre des questions stratégiques de l’entreprise.
Ces questions d’organisation du travail, ces questions liées à l’impact, par exemple, des restructurations et des suppressions d’emplois, vont se trouver noyées dans des discussions stratégiques sur le devenir de l’entreprise. Cela revient, à mon sens, à diminuer la portée des débats nécessaires sur les questions de prévention au travail.
Il s’agit, comme je l’ai souligné en introduction, d’un amendement de repli.
M. le président. Il faut conclure !
M. Dominique Watrin. En effet, si les CHSCT dans leur fonctionnement actuel ne sont pas toujours satisfaisants, c’est parce qu’ils manquent de moyens et que l’inspecteur ou le médecin du travail n’étaient pas présents.
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Dominique Watrin. Plutôt que de les supprimer, améliorons le système existant !
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, au respect des temps de parole. D’autant qu’en deux minutes et demie il est possible d’expliquer son vote.
La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.
Mme Catherine Fournier. Je voudrais réagir à certains propos, notamment sur le CSE.
Mes chers collègues, il serait temps de faire un peu confiance aux chefs d’entreprise.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Catherine Fournier. Ce sont des personnes responsables, de même que les personnels qui les entourent, comme les DRH. C’est un fait avéré : si le personnel se sent bien dans son entreprise, il travaillera correctement. J’aimerais que l’on ne remette plus en question ce point. Il faut que l’on évolue et que l’on arrête de tenir ce discours quelque peu archaïque. Ramenons le positionnement aux salariés, que je respecte !
Cela étant, en termes de prévention et de santé, je voudrais revenir sur mes propos lors de la discussion générale. Si l’on veut que les salariés soient bien protégés, mieux vaudrait à mon sens procéder à la professionnalisation de la médecine du travail. Nous attendons dans les prochains mois une refonte totale de cette médecine. Je préférerais, si vous le voulez bien, madame la ministre, faire confiance à des professionnels pour la prévention des salariés.
En tout état de cause, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les trois instances – délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT – sont transférées au CSE, avec la totalité de leurs prérogatives.
Pourquoi le CSE minimiserait-il la santé au travail, qui est très importante ? Je ne crois pas du tout que tel sera le cas. Je voterai donc contre l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 141, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2315-39 est supprimé ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement, qui fait suite à l’avant-dernier amendement que nous avons présenté, a pour objet de restreindre la possibilité pour l’employeur d’être assisté en réunion de tant de collaborateurs qu’ils formeraient un ensemble aussi nombreux que les représentants titulaires, avec le risque que les représentants des salariés siègent en face de leur supérieur hiérarchique.
Il s’agit de prévenir un risque d’entrave ou d’autocensure, qui sera immanquablement encouru dans certaines entreprises. Il n’est pas question de dire que les employeurs sont méchants (Marques d’ironie sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) ou de les stigmatiser, mais il faut fixer des cadres.
Il faut que la santé des salariés, ce bien précieux, irremplaçable, nécessaire et important – une meilleure santé au travail permet une meilleure productivité –, soit garantie. On le sait, un certain nombre d’employeurs ne font pas d’efforts dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle les CHSCT ont été créés.
M. Philippe Mouiller. Qu’avez-vous fait depuis 2012 ?
Mme Sophie Taillé-Polian. J’insiste, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur l’ensemble des employeurs, mais il faut tout de même regarder la réalité en face. Des scandales touchant à la santé au travail ont montré que certains d’entre eux ne faisaient pas le minimum. (Mme Catherine Fournier et M. Jean-François Longeot s’exclament.)
Il faut non seulement garantir à tous ce minimum, mais s’engager à faire du mieux possible. C’est la santé des Français qui est en question !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à interdire à l’employeur de se faire assister par des conseillers techniques lors des réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail.
La commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail, qui seront nécessairement désignés au sein du CSE, bénéficieront à ce titre du statut de salarié protégé, qui favorise et protège leur liberté d’expression pleine et entière au sein de la commission.
Des sujets techniques y seront souvent abordés, comme c’est déjà le cas au sein des CHSCT, où des conseillers techniques sont toujours présents. La nature du débat ne changera donc pas. Ce qui importe, c’est la liberté d’expression pleine et entière, laquelle est garantie par le statut de salarié protégé.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 187, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 31
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le sous-paragraphe 5 du paragraphe 3 de la sous-section 6 de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre III est abrogé ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la décision prise en commission de maintenir le caractère obligatoire d’une commission des marchés dans les CSE les plus importants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. La commission a souhaité corriger sur ce point l’ordonnance, qui prévoyait que le CSE pouvait organiser ses travaux.
Je comprends la logique de l’amendement, lequel vise à encourager la transparence en faisant référence à des règles connues de tous.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 155, présenté par Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
aa) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’employeur verse au comité social et économique une subvention de fonctionnement d’un montant annuel équivalent à 0,22 % de la masse salariale brute dans toutes les entreprises. » ;
II. – Alinéa 34
Rédiger ainsi cet alinéa :
ab) Les 1° et 2° sont abrogés ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Dans un souci de simplification, et afin de permettre un même financement dans toutes les entreprises au bénéfice de tous les salariés, nous proposons de fixer le montant de la subvention de fonctionnement versée par l’employeur au comité social et économique, quel que soit le nombre de salariés dans l’entreprise, à 0,22 % de la masse salariale brute.
Dans notre pays, les salariés des plus petites entreprises sont souvent beaucoup moins favorisés que ceux des grandes, comme nous l’avons évoqué lors de notre récent débat sur la prévention des risques.
Nous souhaitons donc aligner leurs statuts pour ce qui touche au fonctionnement du CSE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à porter de 0,2 % à 0,22 % de la masse salariale la subvention de fonctionnement du CSE versée par l’employeur dans les entreprises comptant entre 50 et 2 000 salariés, qui correspond au niveau auquel cette subvention a été portée par l’ordonnance dans les entreprises d’au moins 2 000 salariés.
Il n’est pas démontré que ce niveau soit insuffisant pour permettre au CSE de remplir ses missions. Le reliquat des moyens consacrés aux activités sociales et culturelles peut, par ailleurs, être désormais reversé au budget de fonctionnement. Un accord collectif peut également prévoir un niveau plus élevé. En revanche, je ne pense pas souhaitable de faire peser sur les entreprises de taille moyenne une charge financière supplémentaire.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit, encore une fois, d’en revenir à la cohérence du texte. Il faut tenir un discours clair aux entreprises comme aux salariés.
Les ordonnances relatives au renforcement du dialogue social ont mis l’accent sur l’importance pour les petites et moyennes entreprises d’être opérationnelles. Augmenter la charge pesant sur elles ne me paraît donc pas opportun.
Je rappelle que nous avons prévu un abondement supplémentaire pour les grandes entreprises car la complexité de leur fonctionnement entraîne de fait, comme l’expérience a permis de le constater, un besoin plus important d’expertise. Dans les petites entreprises, en revanche, les sujets peuvent être plus facilement appréhendés.
L’avis est donc également défavorable.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 99, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 40, 41, 44 et 45
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Les dispositions des alinéas 41 et 45 portent atteinte à la liberté du comité social et économique de disposer de ses propres fonds. Si nous sommes hostiles au principe de cette fongibilité, il est évident que dès lors qu’elle est rendue possible par les ordonnances, elle doit être complète.
L’interdiction de transfert est une disposition que l’on peut qualifier de « perverse ». En effet, pour que l’employeur prenne en charge les frais d’expertise, elle implique que le CSE n’ait pas transféré d’excédent annuel du budget de fonctionnement sur les activités sociales et culturelles durant les trois années précédentes. De plus, si l’employeur prend en charge les frais d’expertise, le CSE ne pourra opérer de transfert durant les trois années suivantes, ce qui pourrait pénaliser le financement des activités sociales et culturelles destinées aux salariés. Dans ces conditions, ne risque-t-il pas de renoncer à des expertises ?
Vous avez dit, madame la ministre, qu’il n’était pas opportun de surcharger le budget des entreprises. Vous n’avez pas hésité, malgré tout, à alourdir le budget du CSE en lui imposant de financer 20 % du coût de certaines expertises.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 44 à 46
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vient d’être excellemment défendu. Nous estimons qu’une sorte de chantage, insupportable, est mise en place au travers de ces dispositions.
M. le président. L’amendement n° 101, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 44 et 45
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 2315-83 est complété par une phrase ainsi rédigée : À cette fin, l’expert a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise et, « plus généralement, à tous les documents nécessaires à l’exercice de sa mission. » ;
L’amendement n° 100, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Toutefois, le coût des expertises est intégralement pris en charge par l’employeur dans les entreprises de moins de 500 salariés ou dont la subvention de fonctionnement n’atteint pas au moins 50 000 €. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter ces deux amendements.
M. Jean-Louis Tourenne. Sur l’amendement n° 101, on m’a laissé entendre en commission que notre sollicitation était satisfaite. Par conséquent, je le retire.
M. Jean-Louis Tourenne. J’en viens à l’amendement n° 100. En pratique, le dispositif de cofinancement à hauteur de 20 % sur le budget de fonctionnement va priver un grand nombre de comités sociaux et économiques du droit à l’expertise. Il s’agit de tous ceux qui ne reçoivent aucune somme mobilisable puisque leurs moyens de fonctionnement leur sont donnés « en nature » par leur employeur, et de tous ceux dont la taille trop petite leur rend impossible tout cofinancement.
Je vais prendre un exemple. Dans une entreprise de 100 salariés peu qualifiés au sein de laquelle le salaire brut annuel moyen est de 20 000 euros et la masse salariale brute de 2 millions d’euros, le montant de la subvention de fonctionnement sera de 4 000 euros.
Cette subvention modeste de 4 000 euros va d’abord être largement utilisée par la documentation, la formation, les déplacements, l’informatique ou encore la téléphonie et internet…
En prenant l’hypothèse qu’un maximum de 10 % de cette subvention puisse servir à rémunérer une expertise, cela fait un budget de 400 euros. Si la hauteur de cofinancement est de 20 %, cela signifie que le budget d’expertise, avec la participation de l’employeur, sera de 2 000 euros. Ce montant très faible montre bien que le droit à l’expertise ne sera plus opérationnel.
Au travers de cet amendement, nous vous proposons une dispense du cofinancement en fonction de la taille de l’entreprise ou du montant de la masse salariale.
M. le président. L’amendement n° 194, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Remplacer cet alinéa par dix alinéas ainsi rédigés :
2° ter Le 1° de l’article L. 2315-85 est complété par les mots : « , en l’absence d’accord d’entreprise ou d’accord conclu entre l’employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, le définissant » ;
…° L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 10 de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre III est ainsi rédigé :
« Paragraphe 3
« Autres cas de recours à l’expertise
…° La division et l’intitulé du sous-paragraphe 3 de la sous-section 10 de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre III sont supprimés ;
…° L’article L. 2315-96 devient l’article L. 2315-94 ;
…° L’article L. 2315-94 est ainsi modifié :
a) Au 2° , après les mots : « En cas », sont insérés les mots : « d’introduction de nouvelles technologies ou » et le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
b) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements restant en discussion.
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 194 que présente la commission est relatif à la simplification des modalités de recours à l’expertise par le CSE et aux types d’experts. Il vise à supprimer notamment la notion d’expert technique, qui n’avait jamais été véritablement définie, et à confirmer que les experts seront désormais habilités par un organisme d’accréditation, comme le COFRAC, le Comité français d’accréditation, et non plus agréés par le ministère du travail, ce qui permettra de garantir leurs compétences.
J’en viens à l’avis de la commission sur les autres amendements.
L’amendement n° 99 tend à supprimer les règles encadrant l’utilisation par le CSE de l’excédent de son budget de fonctionnement.
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a complété les dispositions issues de l’ordonnance, qui fixe désormais comme principe que le CSE devra participer à hauteur de 20 % à la prise en charge du coût de certaines expertises – orientations stratégiques de l’entreprise, consultations ponctuelles sauf en cas de plan de sauvegarde de l’emploi, risques graves dans l’établissement –, afin de tenir compte des situations dans lesquelles son budget de fonctionnement sera insuffisant pour apporter cette participation financière.
Il a fixé comme principe, dans ce cas, que l’employeur devra financer l’intégralité du coût. Toutefois, pour s’assurer que le CSE ne mettra pas en place une stratégie de diminution artificielle de ses moyens pour mettre l’employeur systématiquement à contribution, cette prise en charge a été conditionnée à l’absence de transfert de l’excédent du budget de fonctionnement aux activités sociales et culturelles durant les trois années précédentes. De plus, si l’employeur est amené à financer la totalité d’une expertise à ce titre, le CSE ne pourra pas procéder à un tel transfert au cours des trois années suivantes.
Les auteurs de cet amendement veulent supprimer cette disposition, en affirmant qu’il s’agirait d’un moyen de faire diminuer le recours à l’expertise par le CSE. Je pense que c’est, une fois encore, faire bien peu confiance aux élus du personnel. Leur mission première reste d’émettre des avis sur les projets de l’employeur, avant d’assurer la gestion des activités sociales et culturelles, les ASC. Il serait bien peu responsable de leur part de favoriser l’arbre de Noël de fin d’année au détriment des expertises nécessaires aux consultations ponctuelles dont ils sont saisis.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que la possibilité de reverser aux ASC l’excédent du budget de fonctionnement est une nouveauté introduite par l’ordonnance. Il n’est donc pas ici question de revenir sur des pratiques anciennes ou de changer des habitudes bien établies.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement, de même que sur les amendements nos 33 et 100.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je souhaite revenir sur la raison de ce débat : nous avons introduit dans les ordonnances la possibilité d’une fongibilité vers les activités sociales et culturelles. On constatait en effet que, dans nombre de CE, le budget de fonctionnement n’était pas entièrement utilisé, mais ne pouvait pas être transféré aux ASC.
Le point de départ est donc de permettre de libérer ces sommes. Dans de grandes entreprises, des millions d’euros sont parfois bloqués pendant des années : on ne peut rien en faire et les salariés n’en sont pas bénéficiaires.
Par ailleurs, nous avons estimé qu’il était nécessaire de mettre en place un cofinancement à 80 %–20 %, pour certains types d’expertise. Or il ne fallait pas que cela puisse annuler la mesure précédente. Nous avons donc prévu une limitation de la fongibilité, mesure que souhaitent supprimer les auteurs des amendements. Il fallait aussi éviter de mettre en péril le cofinancement.
Est également prévu le cas des petites entreprises qui ne disposeraient pas de financement suffisant pour l’expertise : l’employeur doit alors prendre le financement à sa charge, ce qui correspond à l’esprit, et non pas à la lettre, de l’amendement n° 100, car nous n’avons pas voulu fixer de seuil précis, mais plutôt prévoir une évaluation au cas par cas.
Pour résumer, nous souhaitons confirmer dans la loi de ratification le principe d’une possibilité de fongibilité en cas d’excédent de fonctionnement, laquelle fongibilité ne doit pas se faire au détriment de la codécision sur certains types d’expertise exceptionnelle.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 99, 33 et 100. Il est favorable, en revanche, à l’amendement n° 194, qui prévoit une meilleure rédaction s’agissant des interventions de l’expert.