Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Josiane Costes. Madame la ministre, j’ai lu avec attention le compte rendu de votre entretien avec Guillaume Pepy, PDG de SNCF Mobilités, et Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, à la suite des dysfonctionnements qu’ont connus les grandes gares parisiennes ces derniers temps.
Vous avez annoncé que 5,2 milliards d’euros seront consacrés dès 2018 à l’entretien et à la régénération du réseau, lequel a souffert d’un sous-investissement dramatique depuis plusieurs décennies en raison des sommes très importantes mobilisées par la construction des lignes à grande vitesse, mais nous aimerions connaître le fléchage de ces financements.
Vous le savez, l’état de nombreuses lignes d’irrigation du territoire est lui aussi globalement mauvais. Or ces lignes sont absolument indispensables au désenclavement de nos départements ruraux.
Je prendrai l’exemple de mon département, le Cantal, l’un des plus enclavés de France.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
Mme Josiane Costes. La ligne Aurillac-Clermont risque de connaître une réduction de vitesse à 60 kilomètres par heure sur certaines portions du trajet si des travaux ne sont pas réalisés rapidement. La ligne Aurillac-Brive, qui ouvre le Cantal vers l’ouest, pourrait, quant à elle, connaître une suspension d’exploitation en 2021 si les 20 millions d’euros nécessaires ne sont pas débloqués.
Nos temps de trajet pour rejoindre Paris se sont rallongés – cinq heures trente en 1990 contre plus de six heures actuellement – et nous ne disposons d’aucun train direct, ce qui représente une vraie régression. La gare de Saint-Flour est en sursis. Vous le voyez, la situation du Cantal est absolument dramatique.
Ma question est donc simple : la régénération de ces petites lignes, essentielles à la vie de notre ruralité, est-elle bien budgétée dans les 5,2 milliards d’euros prévus ? La réalisation des travaux est urgente, indispensable pour que nous puissions sortir de chez nous et y revenir, et surtout pour donner corps à l’égalité des citoyens devant le service public et favoriser le développement de nos territoires déjà bien fragilisés. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je mesure parfaitement la difficulté que peuvent rencontrer des territoires tels que le département du Cantal ou la ville d’Aurillac. En effet, il faut plus d’une heure et demie pour rejoindre l’autoroute en toute sécurité et les lignes ferroviaires ont souvent vieilli. Quant aux liaisons aériennes d’aménagement du territoire, si elles sont soutenues par l’État, elles ne fonctionnent pas toujours au mieux.
De telles situations sont au cœur des priorités que le Gouvernement inscrira dans la future loi de programmation des infrastructures. J’ai déjà évoqué le projet de plan de désenclavement visant à l’achèvement de la mise à deux fois deux voies de nos réseaux – ou en tout cas leur mise à niveau, le passage systématique à deux fois deux voies n’étant pas nécessairement la réponse adéquate –, qui est reporté de contrat de plan en contrat de plan.
Nous prêterons bien sûr une attention particulière aux territoires enclavés, a fortiori ceux de zones de montagne comme le Cantal, pour lesquels la desserte ferroviaire a une importance particulière.
Je rappelle que 65 millions d’euros ont été investis au cours des dix dernières années sur la ligne Aurillac-Clermont. Par ailleurs, je me suis assurée que les crédits seront bien engagés en 2018 pour garantir la pérennité de cette ligne. Cela ne règle pas la question plus globale, que j’ai déjà évoquée, des investissements considérables nécessaires pour remettre en état la partie la plus fréquentée de notre réseau ferré national et pour assurer la pérennité de l’ensemble des lignes. S’agissant spécifiquement de la desserte d’Aurillac, je peux vous assurer que le nécessaire sera fait en 2018.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Laurent. Nous débattons aujourd’hui d’un sujet on ne peut plus prégnant au vu de l’actualité des derniers mois.
Les dysfonctionnements à répétition survenus récemment ont eu le mérite de mettre en lumière des situations que nous déplorons dans nos territoires. Nous n’avons eu de cesse, ces dernières années, d’alerter sur le fait que les infrastructures sont à bout de souffle. Certes, la SNCF n’est pas seule responsable de la situation. L’État n’a pas non plus été à la hauteur des enjeux et doit assumer sa part de responsabilité.
Le manque de moyens n’explique pas tout ; la désorganisation de la SNCF, la perte de compétences et de savoir-faire ont des conséquences directes sur la qualité des services.
Dans un contexte de mutations majeures de nos territoires, les transports et la mobilité doivent être une priorité de l’action publique, afin de répondre aux attentes de la population et des acteurs économiques.
La fracture territoriale en termes de mobilité est, dans nos territoires ruraux, une réalité qui ne peut perdurer. Il ne s’agit pas d’opposer le monde rural au monde urbain, mais il n’en demeure pas moins que les métropoles ont capté l’essentiel de la croissance, tandis que des territoires se dévitalisent, malgré les efforts des élus.
Le 9 décembre 2017, nous avons été contraints de bloquer les trains sur l’axe Saintes-Bordeaux. En effet, l’absence de travaux de maintenance a engendré des limitations de vitesse, induisant un allongement des temps de parcours pour les usagers et une qualité de service moindre.
Le 8 janvier dernier au soir, j’obtenais enfin un rendez-vous avec votre cabinet, madame la ministre. Je vous en remercie, mais j’attends toujours une réponse, que vous allez peut-être m’apporter aujourd’hui. Je déplore qu’il faille faire entendre fortement « nos voix sur les voies » pour être écoutés !
Cette baisse de performance aura des incidences sur tous les trains circulant sur l’axe Bordeaux-Saintes-Nantes, et ce, j’imagine, pendant plusieurs années.
Ce qui nous inquiète, c’est le désengagement de SNCF Réseau des lignes n’appartenant pas au réseau structurant. Le gestionnaire d’infrastructures ne pourra contribuer au financement de leur renouvellement qu’à hauteur des économies de maintenance liées à ces opérations, avec une implication de l’ensemble des parties prenantes dans le cadre des contrats de plan État-région.
Compte tenu des sommes en jeu et de la situation financière de la SNCF, nous restons circonspects et attendons des réponses et des propositions concrètes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la difficulté que vous soulignez montre, une fois de plus, la très grande fragilité de notre réseau ferré national, qui, je le redis, a souffert de décennies de sous-investissement.
Dans ce contexte, un rattrapage est indispensable, d’où l’investissement de 34 milliards d’euros sur les dix prochaines années dans le cadre du contrat entre l’État et SNCF Réseau. Ce contrat cible les investissements sur le réseau le plus fréquenté, le traitement des lignes au-delà de ce cœur de réseau devant être pris en compte dans le cadre des contrats de plan.
Je l’ai rappelé, ce sont 1,5 milliard d’euros qui seront investis dans les lignes ferroviaires du réseau secondaire sur la période 2015-2020. Il est clair que, avec cette enveloppe, on ne peut répondre à la totalité des besoins. En effet, l’ordre de grandeur des financements qu’il faudrait dégager pour assurer la pérennité de l’ensemble de ces lignes est de l’ordre de 5 milliards d’euros.
Je connais la situation dans la région Nouvelle-Aquitaine. Vous savez, monsieur le sénateur, qu’une réflexion a été engagée à l’échelon de la région, en lien avec le préfet, pour définir des priorités d’investissement en vue d’apporter, au cas par cas, la meilleure réponse et de ne pas laisser les territoires sans solution de transport.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République en Marche.
M. Arnaud de Belenet. Je voudrais saluer à mon tour l’outil formidable qu’est la SNCF et rappeler que, chaque jour, malgré des exigences toujours croissantes en termes de niveau de service et d’information, malgré la baisse des effectifs – il reste certes aujourd’hui encore 148 000 agents, mais des plans de restructuration sont encore prévus –, 15 000 trains circulent normalement et plus de 5 millions de voyageurs arrivent à destination.
Je salue les réponses que vous venez d’apporter, madame la ministre, concernant le choix stratégique qui a été opéré de mettre un terme à trente ans de priorité exclusive donnée aux lignes à grande vitesse. Cela permet d’envisager de nouveau une politique d’investissement dans les transports du quotidien et une remise à niveau de notre réseau.
Néanmoins, au-delà de cette option stratégique qui a prévalu pendant une trentaine d’années, une autre problématique tient à l’organisation même de la SNCF. Les trois structures existant aujourd’hui ne partagent pas nécessairement une même vision stratégique, n’ont pas de relations hiérarchiques et ne se financent pas entre elles. De ce fait, la SNCF ne pourrait sans doute pas accomplir ses missions sans l’engagement et la foi d’un certain nombre de ses agents.
À l’approche de l’ouverture à la concurrence, cette dimension organisationnelle ne constitue-t-elle pas un véritable enjeu si l’on veut conserver la qualité de service de la SNCF en refusant le modèle anglais, qui conduit à la hausse des tarifs ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, l’organisation issue de la réforme de 2014 repose effectivement sur trois entités : un EPIC gestionnaire de l’infrastructure, un EPIC regroupant l’ensemble des services de mobilité et un EPIC de tête chargé d’assurer la cohérence du réseau.
Je voudrais souligner que l’architecture générale découle des règles européennes, lesquelles prévoient une séparation entre le gestionnaire de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires. Par le passé, cela avait conduit à une organisation RFF-SNCF dissociant la gestion opérationnelle de l’infrastructure de la propriété du réseau, confiée à SNCF Réseau. On peut sans doute estimer, a posteriori, qu’elle n’a ni simplifié la modernisation du réseau ni conduit à placer au premier plan des préoccupations la modernisation de l’infrastructure ferroviaire.
L’organisation issue de la réforme de 2014 est conforme au cadre fixé par les directives européennes. Des questions ont été soulevées, notamment sur la place des gares dans cette organisation. Cela fait partie des sujets examinés dans le cadre de la mission globale confiée à Jean-Cyril Spinetta. Des propositions avaient été faites, y compris par les parlementaires, quant aux évolutions possibles dans ce domaine. Nous pourrons revenir sur ces sujets lorsque nous débattrons des conclusions du rapport que nous remettra très prochainement Jean-Cyril Spinetta.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Ce débat sur la situation de la SNCF proposé par le groupe Les Républicains a pour objectif de nous faire croire que tout marcherait beaucoup mieux si l’entreprise publique était privatisée et si le service de transport était totalement ouvert à la concurrence. (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi protestent.)
Nous ne croyons pas à ces sornettes libérales. Il n’est plus à démontrer que toutes les expériences menées en ce sens ont conduit à une réduction du service rendu aux usagers, à une hausse des tarifs et à des problèmes de sécurité.
Nous ne voulons pas de ce modèle pour notre pays. Il est vrai que la SNCF, dont on fête les quatre-vingts ans cette année, est confrontée à des difficultés majeures, mais celles-ci sont liées aux injonctions du Gouvernement d’abaisser les coûts et d’accroître toujours la rentabilité, ce qui entraîne la suppression de certaines dessertes et l’abandon de certaines activités, comme les trains de nuit. Elles sont liées au désengagement des pouvoirs publics de ce service d’intérêt général, puisque la France ne finance aujourd’hui qu’à hauteur de 32 % ses infrastructures ferroviaires, quand nos voisins Allemands et Suédois financent les leurs respectivement à concurrence de 50 % et de 90 %.
Ce sont 2 000 suppressions d’emplois qui sont annoncées pour demain. Le très mauvais état des infrastructures, la gestion à flux tendu, la maintenance en souffrance engendrent trop de dysfonctionnements, sans parler de la privatisation des filiales.
Si la SNCF se comporte désormais comme un opérateur privé, en mettant en œuvre des idées coûteuses et parfois inutiles, par exemple renommer le TGV « InOui », c’est que le Gouvernement souhaite casser toute notion de service public pour faire place à de nouveaux entrants, en dépit des exigences d’aménagement du territoire et de transition écologique. Aujourd’hui, la reprise annoncée des lignes capillaires par les régions porte une grave atteinte à l’unité du réseau ferroviaire et fait craindre leur abandon en certains endroits, faute de moyens et de volonté.
Je vous le demande solennellement, madame la ministre : comptez-vous engager concrètement le redressement de l’entreprise publique par des financements nouveaux pour le rail, en faisant des transports une vraie priorité nationale pour l’avenir ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je ne veux pas laisser penser que la nation ne consacrerait pas des sommes importantes au soutien au transport ferroviaire. Je rappelle que 11 milliards d’euros de concours publics sont affectés annuellement au secteur ferroviaire, les recettes perçues s’élevant à 10 milliards d’euros, soit un ratio tout à fait comparable à ceux que l’on peut observer chez nos voisins européens.
Je voudrais aussi souligner l’importance de l’engagement dans la durée que constitue le contrat entre l’État et SNCF Réseau. Ce contrat tend à donner une vision pluriannuelle du niveau des investissements qui doivent être réalisés sur notre réseau. À la suite de la réflexion conduite par Jean-Cyril Spinetta, des ajustements pourront être apportés, notamment sur la soutenabilité des trajectoires de péage. Il faudra également vérifier que les 3 milliards d’euros qu’il est prévu de consacrer à l’entretien et à la régénération des réseaux répondent bien aux besoins pour ramener rapidement notre réseau ferroviaire aux standards attendus au XXIe siècle. En tout cas, je ne voudrais pas laisser croire qu’il n’y aurait pas de soutien public au développement du transport ferroviaire.
L’ensemble du modèle économique mérite certainement d’être remis sur pied, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire. La difficulté tient au fait qu’aujourd’hui le secteur s’endette à hauteur de 3 milliards d’euros par an et que la dette de SNCF Réseau atteindra 50 milliards d’euros en 2018. Il faudra donc agir pour retrouver une trajectoire soutenable.
Je voudrais vraiment insister sur le fait qu’aujourd’hui le secteur ferroviaire bénéficie de soutiens financiers à la mesure de son importance dans notre politique des transports.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Michèle Vullien. Madame la ministre, le moins que l’on puisse dire, c’est que vous n’êtes pas restée inactive, et je tiens à saluer votre engagement.
Au quatrième trimestre de 2017, vous avez organisé les Assises de la mobilité et lancé de grands chantiers de réflexion sur les principales infrastructures. Vous avez également occupé le devant de la scène médiatique à la suite des différents incidents qu’a connus la SNCF ces derniers mois.
Je sais que le travail de réflexion est en cours au sein de votre ministère et que le présent débat vient sans aucun doute un peu tôt. Néanmoins, l’ensemble des acteurs de la mobilité ont d’ores et déjà besoin de voir se dégager une ligne directrice.
Tout se joue sur le rôle qui sera assigné demain à la SNCF. L’alternative est la suivante : soit la SNCF continue d’être un acteur de la mobilité parmi d’autres, principalement concentré sur la grande vitesse ; soit, au contraire, on lui assigne un objectif prioritaire d’aménagement et de désenclavement pour en faire la colonne vertébrale de la mobilité sur l’ensemble du territoire national.
Là réside la question clef, parce que, dans la première hypothèse, tous les autres acteurs de la mobilité – le bus, le métro, le tramway, les modes actifs, le covoiturage, l’autopartage, et j’en oublie – devront continuer d’imaginer tant bien que mal, comme c’est le cas aujourd’hui, des solutions de compensation. En revanche, si la priorité est donnée à la SNCF, leur rôle sera de compléter un maillage ferroviaire développé et performant, sur lequel ils n’auront plus qu’à se greffer.
Ma question est donc très simple : la SNCF constituera-t-elle demain l’axe central de l’intermodalité en France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir souligné que, à côté des travaux engagés par Philippe Duron et Jean-Cyril Spinetta, nous avons conduit pendant les trois mois d’automne, au travers des Assises nationales de la mobilité, une vaste consultation sur les besoins de mobilité et les solutions qui pourraient être apportées, en y associant les territoires, les élus et les entreprises, petites ou grandes.
Les constats établis à l’occasion de ces assises nous interpellent : un Français sur quatre a refusé un emploi ou une formation faute de solution pour s’y rendre, 80 % du territoire, représentant 30 % des Français, n’est pas aujourd’hui couvert par une autorité organisatrice de transports, chacun étant alors livré à lui-même.
Comme vous l’avez indiqué, assurer la mobilité pour tous dans tous les territoires nécessitera de combiner toute la palette des nouvelles mobilités qu’offre la révolution numérique à des modes plus structurants, comme le chemin de fer, qui joue un rôle irremplaçable en matière de transport de voyageurs, notamment en périphérie des agglomérations.
Tel est le défi que nous devons relever. La future loi d’orientation des mobilités devra permettre de définir et de structurer des réponses de mobilité pour tous les Français, dans tous les territoires, autour des modes les plus puissants, comme le transport ferroviaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, j’apprécie votre volontarisme et le fait que vous affirmiez la nécessité de faire des transports quotidiens et de la réfection des lignes une priorité.
Toutefois, débattre de l’avenir de la SNCF, c’est en quelque sorte vouloir résoudre une équation complexe, dont l’une des principales inconnues, pour les parlementaires que nous sommes, est la contribution financière de l’État à la réduction de la dette de SNCF Réseau et au financement des projets ferroviaires régionaux.
En Dordogne, plusieurs décisions sont attendues avec impatience tant par les citoyens et les usagers que par les élus locaux, qui sont très fortement sollicités. C’est notamment le cas s’agissant de la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, qui illustre parfaitement à mes yeux cette problématique.
Je vous ai interrogée à plusieurs reprises sur ce dossier, sans obtenir de réponse de votre part. C’est pourquoi je réitère ma question.
Vous qui connaissez parfaitement le dossier, madame la ministre, pouvez-vous nous dire si le plan de financement est bouclé, comme le prétendent certains ? Quelle sera la participation de l’État ?
J’ose espérer que votre réponse sera aussi claire que celle que vous avez apportée à ma collègue sénatrice du Cantal, car je considère que la Dordogne est un département rural aussi enclavé que ce dernier et confronté à des problématiques similaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, nous avons déjà en effet eu à plusieurs reprises l’occasion de parler de la ligne Bergerac-Libourne, qui fait partie des nombreuses lignes régionales de Nouvelle-Aquitaine accusant un retard important en termes d’entretien.
Cela mérite d’être redit : alors que nous avons inauguré quatre lignes à grande vitesse au cours des dix-huit derniers mois, 5 300 kilomètres de notre réseau souffrent aujourd’hui de ralentissements. Pour assurer la pérennité de l’ensemble des lignes dites « secondaires », les besoins de financement sont de l’ordre de 5 milliards d’euros sur les dix prochaines années.
Vous le savez, un travail est engagé au sein de la région Nouvelle-Aquitaine, en lien avec l’État, pour définir les priorités d’investissement dans ce contexte. Je ne doute pas qu’il devrait conclure au caractère prioritaire de la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, compte tenu de sa fréquentation et de sa compétitivité par rapport aux alternatives routières.
Une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés tient à la réévaluation du coût des travaux qui a été faite par SNCF Réseau postérieurement à la conclusion du contrat de plan État-région. Afin de pouvoir disposer de tous les éléments, j’ai demandé à SNCF Réseau d’avancer à la fin de l’année 2017 les études visant à permettre de déterminer précisément le montant nécessaire. Les conclusions de ces études nous seront remises très prochainement. Sur ces bases, nous pourrons dégager les financements appropriés dans le cadre du contrat de plan État-région avec la région Nouvelle-Aquitaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous souhaite pour 2018 santé, bonheur et trains à l’heure ! (Rires.)
Ma question portera sur le transport régional et les enjeux afférents pour les collectivités locales.
Les débats des derniers mois au sein de la commission de l’aménagement du territoire ont mis au jour les inquiétudes des sénateurs quant à la place du transport régional dans le contrat de performance de la SNCF.
Si lors de son audition, en avril dernier, M. Jeantet, le PDG de SNCF Réseau, semblait se féliciter que 500 millions d’euros soient affectés aux lignes régionales, alors qu’il faudrait entre 2,5 milliards et 3 milliards d’euros, il a également déclaré qu’il entendait augmenter ce budget pour atteindre le milliard d’euros au terme du contrat de performance.
Plusieurs questions se posent.
Ce contrat est signé pour dix ans, et il serait souhaitable de connaître le rythme annuel de progression du budget dédié au transport régional.
En outre, nombreux sont les sénateurs qui se sont interrogés sur la sincérité des ambitions de ce contrat reposant sur des engagements financiers de l’État et des régions, lesquels ne sont à ce jour aucunement garantis.
On peut d’autant plus être inquiet que le président de l’association Régions de France avait regretté que l’avis des régions sur le contrat n’ait pas du tout été pris en compte, alors qu’elles cofinancent largement les investissements ferroviaires locaux. Et je ne parle pas du rapport très sévère de l’ARAFER, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, rendu le 29 mars 2017 et faisant état « d’hypothèses économiques fragiles et peu crédibles »… Il est donc nécessaire que l’État clarifie ses intentions sur le financement du transport ferroviaire régional et sur les moyens qu’il affectera aux contrats de plan État-régions.
Les régions sont, on peut le comprendre, extrêmement prudentes, et je ne voudrais pas revivre dans ma région, en matière de transport, la situation que nous connaissons aujourd’hui s’agissant du financement de la réhabilitation du logement minier : faute d’engagement de l’État, le président du conseil régional a différé, à juste titre, la mobilisation des crédits régionaux.
Je rappelle aussi les enjeux, pour le département du Pas-de-Calais, en particulier pour le bassin minier, liés au Réseau express Grand Lille, qui doit relier Lille à Hénin-Beaumont, et aux investissements financiers des collectivités. Aujourd’hui, les retours sur investissements urbains ne sont pas garantis.
L’État doit donc préciser ses ambitions et ses intentions en ce qui concerne le réseau des lignes régionales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, un contrat ambitieux a été signé entre l’État et SNCF Réseau pour donner de la visibilité, notamment, sur la trajectoire de régénération pour les dix prochaines années.
Ce contrat vise à flécher prioritairement les investissements de régénération sur le cœur du réseau et prévoit à ce titre 34 milliards d’euros pour les dix prochaines années.
En ce qui concerne le réseau régional, que l’on pourrait qualifier de secondaire, il ne faudrait pas renouer avec les injonctions contradictoires au groupe ferroviaire. C’est à l’État et aux régions d’assurer le financement de la régénération et de la modernisation de ce réseau, et non à SNCF Réseau dans le cadre de son contrat de plan, via les 3 milliards d’euros que cet EPIC consacre prioritairement au cœur du réseau.
C’est dans le cadre des contrats de plan État-région – je rappelle qu’un engagement de 1,5 milliard d’euros est prévu au titre du contrat de plan 2015-2020 – que des priorités doivent être définies, région par région, quant aux lignes pouvant faire l’objet d’une régénération et d’une modernisation.
Dans cet esprit, alors que l’État a annoncé une pause dans les grands projets d’infrastructures, je rappellerai que les contrats de plan, quant à eux, n’ont pas fait l’objet d’une telle pause, dans la mesure où ils concernent les transports de la vie quotidienne et des infrastructures dont la mise à niveau est très fortement attendue par nos concitoyens. Ces contrats se poursuivent, sans qu’ils puissent malheureusement permettre de régler l’ensemble des difficultés que peuvent rencontrer aujourd’hui les lignes secondaires.
Des discussions doivent donc être engagées avec chacune des régions, comme cela a déjà été fait avec la Nouvelle-Aquitaine, afin de trouver la bonne manière de traiter les problèmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.
Mme Fabienne Keller. En ce début d’année, je voudrais à mon tour exprimer tout notre soutien aux cheminots, tant aux personnels de la SNCF qui exploitent les lignes qu’à ceux qui sont mobilisés sur les chantiers.
Ces chantiers, pour partie à l’origine des difficultés rencontrées en 2017, se déroulent dans des conditions très contraintes. Ils sont nécessaires pour remettre progressivement à niveau le réseau.
Si vos arguments budgétaires sont lourds et réels, madame la ministre, je voudrais néanmoins attirer votre attention sur la nécessaire ambition que nous devons avoir pour le réseau ferroviaire de notre pays.
Depuis plusieurs semaines, la presse donne à entendre qu’il est envisagé de supprimer certaines dessertes TGV. J’ai bien conscience que des économies sont nécessaires, mais il faut rappeler que des territoires ont contribué à financer ces lignes. Si des villes comme Sélestat, Colmar, Épinal ou Charleville-Mézières n’étaient plus desservies, l’engagement moral pris au début de la construction du TGV Est ne serait pas tenu.
Je voudrais aussi aborder la question du maillage territorial par les trains régionaux, qui se construit en lien avec les conseils régionaux et permet de relier les territoires entre eux. Je prendrai l’exemple de la liaison entre Strasbourg et Saint-Dié-des-Vosges, qui permet de désenclaver une vallée. Deux allers et retours quotidiens seulement sont assurés. Cette ligne pourrait bénéficier de rabattements afin d’irriguer plus largement les territoires, mais encore faut-il que le niveau d’exploitation soit satisfaisant.
Quels efforts en matière d’investissements et d’exploitation envisagez-vous, madame la ministre, pour désenclaver les territoires ruraux, auxquels nous sommes très attachés ?