M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, puisqu’il s’agit de ma première intervention dans cet hémicycle en ce début d’année, permettez-moi de vous présenter tous mes vœux pour 2018.
Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, je vous ai écouté attentivement. Je partage certaines de vos interrogations et de vos préoccupations, mais pas nécessairement tous vos propos.
Personne dans cet hémicycle ne nie les dysfonctionnements qui ont eu lieu ces derniers mois. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur les événements survenus à la gare Montparnasse l’été dernier ou à Bercy à Noël, sans oublier le terrible drame survenu à Millas en fin d’année dernière. Vous le savez, les enquêtes sont en cours, il ne m’appartient donc pas de m’exprimer sur ce sujet aujourd’hui.
Vous le savez également, et vous l’avez rappelé, j’ai reçu les dirigeants du groupe SNCF, qui m’ont présenté leur nouveau plan de management des travaux qui vont intervenir sur le réseau, travaux qui sont une des causes de dysfonctionnement ; ils vont également engager un audit des grandes gares du pays. Cette décision a peut-être été prise un peu tardivement ; néanmoins, elle constitue un progrès, car ces grandes gares sont des points particulièrement sensibles. La moindre panne peut avoir des répercussions sur des dizaines de milliers de voyageurs.
Reste que, dans l’histoire ferroviaire des trente dernières années, qu’on se le dise clairement, ce n’est pas la SNCF seule qui a fait ces choix : l’État a sa part de responsabilité, avec un sous-entretien et un sous-investissement dans les réseaux existants, en lien avec une politique du tout-TGV qui a bénéficié de nombreux soutiens. Nous en débattrons au Sénat dans le cadre de la loi de programmation des infrastructures. C’est pourquoi le Gouvernement a clairement annoncé, comme l’a souligné le Président de la République le 1er juillet dernier, que notre priorité irait à l’entretien et à la modernisation des réseaux. C’est un choix courageux qui ne va pas de soi et qui ne fait pas que des heureux sur l’ensemble des territoires.
Dans cette logique d’une priorité accordée à l’entretien et à la régénération des réseaux, 5,2 milliards d’euros seront engagés en 2018. Mais investir plus de 5 milliards d’euros dans le réseau – ce qui est une bonne nouvelle, puisque cela signifie investir pour des infrastructures rénovées et plus efficaces, investir dans l’avenir et dans l’outil de production de la SNCF – engendrera, vous l’imaginez, des désagréments temporaires, car il faudra bien réaliser les travaux. Personne ne peut affirmer aujourd’hui que le réseau ne connaîtra pas de nouvelles pannes ou de nouvelles perturbations, ni garantir que nous serons capables de rattraper en quelques mois des décennies de sous-investissements. C’est pourquoi j’ai également demandé aux opérateurs d’être particulièrement vigilants quant à l’information des voyageurs, a fortiori lorsque la situation est perturbée. Je partage ici vos préoccupations : il n’est pas acceptable que les Français ne puissent pas bénéficier d’une information claire, simple et efficace sur les possibilités de déplacements qui s’offrent à eux.
Cependant, on ne peut pas évoquer uniquement les trains qui n’arrivent pas à l’heure ; je souhaite ici, devant vous, saluer le formidable investissement des agents de la SNCF et leur volonté quotidienne d’offrir aux Français les meilleures conditions de transport.
Alors que la SNCF célèbre ses quatre-vingts ans d’existence en 2018, le trafic a atteint en 2017 des records, qui sont la preuve de l’attachement des Français au transport ferroviaire.
En 2017, la fréquentation a progressé de 10 % dans les TGV, de 8 % dans les Intercités – je rappelle que l’État investira 3,7 milliards d’euros dans de nouveaux matériels –, de 4,6 % dans les TER et de 3,2 % en région parisienne. Cette croissance du trafic est également la preuve que la santé économique du pays s’améliore, car, quand la croissance est là, elle engendre plus de trafic, ce qui est un bon signe. Je ne parle pas uniquement du TGV ; je sais l’importance que vous accordez également aux autres lignes, aux trains qui desservent l’ensemble des territoires.
Concernant les TGV, je veux être claire : il ne s’agira pas d’aller vers moins de TGV, car je souhaite que le TGV soit populaire et accessible à tous.
Nous avons fait un choix collectif depuis toujours d’avoir des TGV qui vont partout, au-delà du réseau à grande vitesse. Je ne remets pas en cause cette décision : les Français y sont très attachés. Mais il faut avoir conscience que ce choix collectif a un coût et qu’on ne peut pas demander tout à la fois que les TGV aillent partout, que le prix des billets soit moins élevé et que la SNCF paie très cher pour faire circuler ses trains sur le réseau des lignes à grande vitesse.
Aussi, mon devoir en tant que ministre chargée des transports n’est pas uniquement de faire en sorte que tout aille mieux en 2018. C’est aussi de prévoir l’avenir pour projeter la France et son modèle ferroviaire dans le XXIe siècle ; je veux rappeler ma détermination sur ce point.
L’État se dotera dès cette année d’une stratégie claire pour le ferroviaire. C’est le sens des missions confiées à Jean-Cyril Spinetta pour une réflexion d’ensemble sur le modèle ferroviaire. C’est également le sens des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron – Conseil auquel le Sénat a été pleinement associé par les sénateurs Maurey, Cornu et Dagbert.
Au vu de ces deux rapports qui seront rendus à la fin du mois, le Gouvernement proposera une stratégie ambitieuse. Au printemps, nous aurons à débattre du modèle ferroviaire et d’une programmation soutenable. Car nous devons collectivement redéfinir ce que notre pays attend de ses trains, remettre le modèle économique en état de marche – 3 milliards d’euros de dette par an, ce n’est pas soutenable – et réussir l’ouverture à la concurrence prévue par les textes européens et demandée par les régions, c’est-à-dire plus de voyageurs dans les trains, une plus grande satisfaction des clients, un meilleur rapport qualité-prix et des cheminots rassurés sur leur avenir.
Ma méthode est simple. Elle repose sur la concertation avec l’ensemble des acteurs. J’en veux pour preuve le succès des Assises nationales de la mobilité.
Préparer les mobilités des prochaines décennies, c’est-à-dire la mobilité pour tous et dans tous les territoires, est un véritable projet d’aménagement du territoire. Nous travaillerons donc avec tous les élus, ainsi qu’avec les régions et les agglomérations. Selon les choix qui seront faits, des investissements seront bien sûr réalisés. Mais il faut que nous tirions le meilleur parti de chaque solution. Le TER doit aussi être un transport de masse, avec davantage de voyageurs dans les trains. Je pense que le ferroviaire doit jouer un rôle plus important dans nos agglomérations.
Je tiens à le redire devant vous, une politique de mobilité ne se résume pas à une politique d’infrastructure. C’est tout l’esprit des Assises de la mobilité. Je pense à notre formidable capacité à innover, et je souhaite que nous puissions inventer de nouvelles réponses aux besoins de déplacements, qu’il s’agisse de véhicules autonomes, de covoiturage ou encore de l’ouverture des données.
Concernant la SNCF et son avenir, je le dis très sereinement, j’ai confiance dans le modèle ferroviaire français, dans sa capacité à évoluer et à se moderniser. J’ai confiance dans le regard que portent les Français sur leur opérateur historique et dans les agents qui y travaillent au quotidien. Nous aurons l’occasion au printemps de discuter ensemble dans un esprit constructif et de définir conjointement les grandes orientations du modèle ferroviaire de demain, pour les territoires que vous représentez et pour la Nation tout entière.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant m’efforcer de répondre du mieux possible à vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
Débat interactif
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.
J’appelle votre attention sur le fait que, à seize heures quarante-cinq, se tiendront les questions d’actualité au Gouvernement. J’encourage donc chacun à respecter strictement son temps de parole.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Je poserai donc une question à grande vitesse…
Les péages acquittés par les opérateurs et les autorités organisatrices de transport auprès de SNCF Réseau représentent environ 5,6 milliards d’euros par an.
À la demande de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, SNCF Réseau s’était engagée en 2015 à remettre à plat l’ensemble du système de sa tarification à l’horizon de 2018. Le système actuel de redevances date de 2008 et le niveau des péages aujourd’hui constaté, vous l’avez souligné, est le fruit d’évolutions successives qui ont obéi à des logiques budgétaires et peu prévisibles. En conséquence, les tarifs sont peu justifiés et manquent de lisibilité pour les opérateurs.
Cette refonte tarifaire est obligatoire pour mettre en conformité les barèmes des péages avec les règles européennes qui imposent une tarification « au coût direct », c’est-à-dire au prix permettant de couvrir le coût lié à la circulation d’un train, ce qui n’est pas le cas de la redevance de circulation facturée aujourd’hui aux TER et aux trains de fret. Pour couvrir, au-delà du « coût direct », tout ou partie des coûts fixes du réseau, les majorations tarifaires doivent être justifiées.
Le déséquilibre persistant de la situation financière de SNCF Réseau est bien évidemment une réalité qu’il importe d’intégrer. Pour autant, ce déséquilibre ne saurait détourner le gestionnaire de l’infrastructure d’un objectif indispensable de la réforme ferroviaire : rétablir de bons signaux économiques incitant à optimiser l’utilisation du réseau et à rationaliser les choix d’investissement.
Ce sont plus de 5 milliards d’euros qui seront engagés cette année dans le cadre des 1 700 chantiers programmés sur le réseau pour l’année 2018. SNCF Réseau est ainsi dans son rôle, mais doit aussi composer avec une dette abyssale de plus de 45 milliards d’euros.
Voilà autant de freins incompressibles pour imaginer que la situation évolue favorablement ; il est donc essentiel que l’État puisse être à la manœuvre pour imaginer des solutions permettant de sortir de cette spirale infernale.
Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les pistes aujourd’hui imaginées pour sortir de cette impasse financière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’aurai l’occasion de revenir dans la suite du débat sur la structure des péages.
La capacité à maîtriser l’évolution de la dette de la SNCF, en réduisant les déficits annuels de SNCF Réseau et en revenant à l’équilibre, est un sujet majeur de préoccupation pour le Gouvernement. Au demeurant, l’Europe nous interroge également. Ce point se trouve au cœur du contrat entre l’État et SNCF Réseau, qui prévoit une stabilisation de la dette à l’horizon de 2026 à un niveau de 63 milliards d’euros, soit largement au-dessus des 50 milliards d’euros que nous atteindrons cette année.
Les efforts prévus dans le cadre du contrat sont également complétés par le dispositif dit de la « règle d’or », qui interdit à SNCF Réseau d’investir dans de nouvelles infrastructures tant que le ratio entre la dette et la marge opérationnelle n’est pas inférieur à 18. SNCF Réseau ne pourra pas, chacun doit bien l’avoir en tête dans les discussions que nous aurons sur les nouvelles infrastructures, participer financièrement aux investissements de développement.
Par ailleurs, si la trajectoire du contrat constitue aujourd’hui une référence, les réflexions sur l’assainissement financier de ce secteur doivent se poursuivre. En particulier, les hypothèses très dynamiques de péage retenues posent question au regard de leur soutenabilité par les entreprises ferroviaires. La mission confiée à Jean-Cyril Spinetta vise à porter un regard d’ensemble sur le modèle économique du ferroviaire et à interroger les hypothèses sous-jacentes à ce contrat. Dans ce cadre, la question du traitement de la dette historique de SNCF Réseau sera nécessairement posée.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. La privatisation du rail imposée par Bruxelles et présentée par beaucoup comme l’ultime solution n’est pas souhaitable si l’on veut conserver un véritable service public pour tous. Le ferroviaire est un élément tellement indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique qu’il est aberrant que la puissance publique se dessaisisse de ses prérogatives stratégiques sur le rail.
On oublie de rappeler que les pays qui sont souvent cités en exemple de la libéralisation – la Suède, l’Allemagne – subventionnent par ailleurs très largement leur réseau ferré et ont mis en place une véritable politique de développement du rail – voyageur ou fret – sur leur territoire.
J’ai déjà eu l’occasion de saluer les choix du Gouvernement de suspendre certains grands projets de lignes à grande vitesse pour réorienter une partie des financements vers le réseau secondaire, comme vous l’avez rappelé, ce réseau régional de proximité si essentiel qui fait au quotidien la vitalité de nos territoires. C’est le cas, notamment, de l’étoile ferroviaire de Veynes, seule liaison ferrée entre le nord et le sud du massif alpin. Mais, comme de nombreuses autres à travers le pays, cette ligne, faute de financements suffisants, se dégrade lentement et perd des usagers à mesure qu’elle perd en qualité, s’enfermant dans un cercle vicieux.
Les régions, qui ont fourni un effort considérable pour préserver le ferroviaire régional, subissent aujourd’hui des baisses de dotations, ce dont pâtit grandement le réseau. SNCF Réseau, propriétaire des lignes et bénéficiaire des péages ferroviaires, ne finance plus les travaux de rénovation qu’à hauteur de 15 % de leur montant. L’argent collecté par les péages n’est plus totalement réinjecté sur l’entretien des lignes. Les régions se retrouvent dans la situation d’un locataire dans l’obligation de prendre à sa charge les travaux de rénovation de son appartement en lieu et place du propriétaire défaillant.
Une nouvelle organisation est à envisager pour ces lignes locales. Si la « régionalisation » est une piste, notamment en ce qui concerne l’exploitation, elle ne doit pas se traduire par un désengagement complet de l’État. Madame la ministre, comment comptez-vous donner davantage de moyens aux régions pour exercer ces éventuelles nouvelles missions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la ligne que vous mentionnez est en effet une des illustrations des défauts d’entretien et d’investissement qu’a connus notre réseau, je le redis, au cours des dernières décennies. C’est ce qui justifie la priorité accordée à l’entretien et à la modernisation du réseau. J’ai eu l’occasion de le souligner : 5 300 kilomètres de lignes font aujourd’hui l’objet de ralentissements.
Plus de 5 milliards d’euros seront dépensés pour l’entretien et la modernisation au cours de l’année 2018. Je pourrais également mentionner les 34 milliards d’euros prévus dans le cadre du contrat entre l’État et SNCF Réseau sur les dix ans à venir, qui seront investis sur le cœur du réseau. Les incidents qui ont été évoqués montrent à quel point ce réseau a besoin d’être modernisé.
Malheureusement, ces investissements ne portent pas sur les lignes « secondaires », qui ont vocation à être prises en compte dans le cadre des contrats de plan État-régions à hauteur de 1,5 milliard d’euros dans le contrat de plan 2015-2020. Il apparaît aujourd’hui clairement que cette somme ne sera pas suffisante. Il faudrait débloquer environ 5 milliards d’euros pour pouvoir assurer la pérennité de l’ensemble de ces lignes secondaires. Gérer à la fois la remise à niveau du cœur du réseau et faire face à des besoins aussi importants pour assurer la pérennité de l’ensemble du réseau est un défi.
Tout cela renvoie à des discussions qui auront lieu entre l’État et les régions, c’est-à-dire les autorités organisatrices, sur les meilleures modalités pour faire face à cette situation et pour répondre aux besoins de nos concitoyens, avec un objectif clair : maintenir une accessibilité dans ces territoires, quel qu’en soit le mode.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Dominique Vérien. Depuis 2009, l’ARAFER doit formuler des avis sur les conditions d’accès aux infrastructures ferroviaires : des avis juridiquement contraignants sur les tarifs et des avis consultatifs sur les conditions techniques et contractuelles.
Or, par le décret du 7 septembre 2017, le Gouvernement est venu au secours de SNCF Réseau, qui faisait face à un avis défavorable de l’ARAFER en matière de tarifs. Ce décret supprime le caractère « juridiquement contraignant » de l’avis de l’ARAFER sur SNCF Réseau et permet à celle-ci d’augmenter ses prix au détriment des opérateurs et, par conséquent, des usagers et des régions. Le Gouvernement a ainsi assoupli le contrôle de l’ARAFER, et ce contre l’avis, entre autres instances, du CNEN, représentant les collectivités territoriales, en particulier les régions.
Le 8 janvier dernier, vous avez souligné, madame la ministre, la nécessité de conduire un audit au sein de SNCF Réseau… Ce qui se comprend bien, parce qu’avoir supprimé le caractère contraignant des avis de l’ARAFER sur SNCF Réseau pose clairement un problème pour s’assurer que l’entreprise respecte bien ses engagements contractuels à l’égard de l’État. Comment en sortir ? On ne voit pas bien en quoi un énième audit réglera la question.
Madame la ministre, envisagez-vous de revenir sur le décret du 7 septembre 2017 ou, à défaut, de confier à l’ARAFER les moyens de s’assurer que SNCF Réseau respectera bien ses engagements contractuels ?
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, l’ARAFER a effectivement prononcé un avis défavorable sur le projet de tarification pour 2018 soumis par SNCF Réseau en soulevant des questions de fond sur la structuration des péages, sur la nature des coûts à répercuter et sur la prise en compte du marché, comme le permet la réglementation européenne. Il n’est pas apparu possible, en l’espace des quelques semaines dont disposait le Gouvernement, de revoir en profondeur les principes de tarification applicables pour l’année 2018. C’est dans ce contexte qu’un décret a permis d’assurer une simple indexation de la tarification qui existait en 2017.
Pour 2019, le projet de tarification a été adopté par le conseil d’administration de SNCF Réseau le 30 novembre dernier. Il est actuellement soumis à l’avis conforme de l’ARAFER, qui rendra ses conclusions début février.
L’ARAFER, comme je l’ai souligné, a souhaité un meilleur reflet des coûts. C’est ce qui est intégré dans le projet de tarification pour 2019, lequel, sans entrer dans des détails trop techniques, comprendra une redevance de circulation tenant compte du poids des trains, la prise en considération de l’évolution du modèle de coût pour les coûts directement imputables et une redevance de marché visant à rendre compte de la possibilité offerte de tarifer au-delà du coût marginal si le marché s’y prête.
Cette nouvelle tarification suppose une adaptation du cadre réglementaire. C’est pourquoi un décret revoyant la structure de la tarification, en lien avec les demandes de l’ARAFER, a été préparé par le Gouvernement. Il sera très prochainement soumis à l’avis de l’ARAFER pour disposer d’un cadre répondant aux enjeux économiques de SNCF Réseau et respectant à la fois les principes fixés par la loi et par les décrets, ainsi que les exigences de l’ARAFER.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Michel Houllegatte. L’ouverture prochaine à la concurrence, conformément aux règles européennes, n’est pas sans susciter de vives inquiétudes chez les salariés du groupe SNCF. Certains pointent le risque lié à un manque d’anticipation et dénoncent l’absence de cadrage précis des conditions de cette ouverture.
Deux thématiques sont principalement mises en avant.
La première est relative aux périmètres concernés par cette ouverture. Ils doivent en effet être strictement définis et leurs impacts évalués sur le plan économique, social et fonctionnel, et ce préalablement au lancement de chaque appel d’offres. Il semble également, afin de ne pas déstabiliser le système, qu’une progressivité dans l’ouverture de ces appels d’offres serait nécessaire.
La seconde thématique concerne bien évidemment les personnels, qui souhaitent, en cas de transfert, une garantie sociale assurant aux agents de la SNCF le maintien du statut et des droits qui y sont associés. Ils souhaitent également la mise en place d’une garantie de l’emploi pendant la durée du marché. De même, la création d’un droit au transfert avec option du salarié, permettant ainsi aux agents de choisir leur avenir, est souvent évoquée. Ce dernier point me semble d’ailleurs fondamental, témoignant ainsi de l’attachement de bon nombre de cheminots au groupe public ferroviaire en dépit des mobilités géographiques qu’il imposera pour ceux qui choisiraient de rester au sein du groupe.
Ma question est donc la suivante : quelles sont les modalités, quelles démarches ont été ou seront engagées pour anticiper cette ouverture à la concurrence, notamment sur les aspects sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, l’ouverture à la concurrence, si elle n’est pas une surprise, est néanmoins une transformation profonde que nous devons préparer et discuter avec l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des autorités organisatrices régionales ou, bien sûr, des cheminots. C’est le sens de la mission qui a été confiée à Jean-Cyril Spinetta.
Il s’agit de prendre le temps de réfléchir, dans une approche globale, au modèle d’ouverture à la concurrence, en regardant en face l’ensemble des difficultés que peut rencontrer notre modèle ferroviaire. La mission confiée à Jean-Cyril Spinetta vise à étudier la place que la Nation veut donner au train dans le cadre de la politique de mobilité – le monde a changé, il existe désormais des offres aériennes low cost et des cars Macron. A contrario, nos métropoles se sont beaucoup développées ; or, bien souvent, le réseau ferré n’a pas accompagné leur développement. Quelle place devons-nous et pouvons-nous donner au train, y compris en ce qui concerne le fret ? Quel modèle économique soutenable pouvons-nous proposer à notre groupe public ferroviaire ?
Il faudra certainement envisager une forte implication de la Nation dans la mise à niveau de notre modèle économique, avec une ouverture à la concurrence qu’il importera, en effet, d’organiser sans attendre le dernier moment, contrairement à ce que l’on a pu faire par le passé. Cette ouverture doit se faire progressivement, en rassurant les agents sur leur avenir. Tel est l’objectif de la mission de Jean-Cyril Spinetta. Je vous invite, monsieur le sénateur, à attendre encore quelques jours pour connaître les conclusions de cette mission, dont nous aurons certainement à débattre dans cette enceinte.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Fouché. Un petit rappel historique me paraît important.
L’année 2017 a été marquée par une série d’incidents dans plusieurs grandes gares. Des améliorations sont nécessaires. La SNCF en est consciente. Pour ce faire, elle a déjà pris des mesures, notamment avec le programme ROBIN.
Les critiques formulées en France, il faut le savoir, ont des conséquences sur l’exploitation du groupe à l’international. Or, la SNCF, ce ne sont pas que des retards. Ce sont 14 220 trains sur le réseau par jour, avec un taux moyen de ponctualité de 88 % pour le Transilien, de 89 % pour les TGV et de 91 % pour les TER. Ce sont également 30 000 kilomètres de lignes exploitées, dont 2 600 en grande vitesse. La SNCF est aussi responsable du transport quotidien de cinq millions de voyageurs, le tout en assumant le nouveau risque terroriste.
J’ai siégé pendant plusieurs années au conseil d’administration de RFF, qui a poursuivi les dossiers déjà engagés par la SNCF. J’ai pu me rendre compte du rôle de l’État dans la définition des stratégies du groupe et des considérations parfois étrangères à l’intérêt général. Si, aujourd’hui, il y a des pannes et des retards, c’est en partie la faute de l’État et des politiques de tous horizons, qui ont préféré investir dans les LGV plutôt que dans la rénovation du réseau.
Je citerai un exemple parmi d’autres, à savoir le projet de LGV Poitiers-Limoges. Initié par Jacques Chirac, le projet a été relancé par François Hollande en 2016 après que le Conseil d’État eut pourtant jugé illégale la déclaration d’utilité publique. En plus de dix ans, le coût des études de ce projet à l’arrêt s’élève à près de 200 millions d’euros pour une voie !
Aujourd’hui, l’âge moyen du réseau français est de trente-trois ans, ce qui justifie de nombreux ralentissements. Aussi, je me réjouis, madame la ministre, de vos annonces.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, il est en effet urgent de réorienter les investissements sur l’entretien et sur la modernisation du réseau. Il est également important de sortir le groupe public ferroviaire des injonctions contradictoires dans lesquelles il a trop longtemps dû agir.
On ne peut pas non plus ignorer les difficultés que rencontrent les voyageurs, notamment dans les transports au quotidien.
M. Charles Revet. Ça, c’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cela appelle une priorisation et un ciblage des investissements très importants qui seront consentis par l’État et le groupe public dans les prochaines années pour remettre à niveau notre réseau. C’est bien le sens du diagnostic qui a été lancé par SNCF Réseau pour anticiper les points de fragilité dans les grandes gares, qu’elles soient parisiennes ou en région, et les traiter afin d’éviter de perturber le transport de dizaines de milliers de voyageurs.
Mais je pense aussi qu’il est important de pouvoir évaluer la qualité du service offert par la SNCF au-delà des réactions d’agacement que chacun peut avoir – comme je le disais précédemment, dans leur écrasante majorité, les trains arrivent à l’heure, fort heureusement ! C’est dans cette perspective que la SNCF mettra en place dans les prochains jours un indicateur de gravité des incidents, à l’instar de ce qui existe dans d’autres domaines, comme la météorologie ou le nucléaire. Il importe que la SNCF manifeste la plus grande transparence sur la performance de son service. C’est la raison pour laquelle elle publiera désormais, à J+1, des indications relatives à la régularité des trains sur chacun des sous-réseaux.