M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement ne vise pas à sortir ces bâtiments du champ de l’exonération ; il tend à rétablir l’exonération jusqu’en 2022. Son dispositif apporte donc une précision.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il est bouillant !
M. Philippe Dallier. Roger Karoutchi a raison : chaque fois que l’on débat de l’exonération de la taxe sur le foncier bâti, mon sang ne fait qu’un tour !
Au bout du compte, en effet, ce sont les communes qui paient l’addition. Cela fait longtemps que j’appelle de mes vœux une remise à plat de tout ce système.
Il peut y avoir de bonnes raisons d’exonérer les bailleurs sociaux, ne serait-ce que pour les aider, dans un contexte un peu particulier pour eux. Mais, alors, que l’État en assume la charge, au lieu du budget des collectivités territoriales.
Je ne voterai ni pour ni contre cet amendement ; je m’abstiens, car ce sujet doit être reconsidéré dans son ensemble, ce qui n’est pas le cas ici.
M. Jean-Raymond Hugonet. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’article 45 ter, modifié.
(L’article 45 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 45 ter
M. le président. L’amendement n° II-644 rectifié bis, présenté par Mme Cohen, MM. P. Laurent, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 45 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le IV de l’article 232 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de 2019, les taux prévus au premier alinéa du présent IV sont respectivement portés à 25 % et 50 %. »
II. – Le VIII du même article n’est pas applicable à la majoration de taxe découlant de l’application du I du présent article.
III. – Les I et II du présent article s’appliquent à compter du 1er janvier 2019.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Perçue au profit de l’Agence nationale pour l’habitat, l’ANAH, la taxe d’habitation sur les logements vacants fait l’objet depuis plusieurs années d’un plafonnement à un niveau – 21 millions d’euros – qui remet en cause sa raison d’être initiale.
Au total, les aides accordées en 2016 par l’ANAH se sont élevées à 581,9 millions d’euros, y compris le fonds d’aide à la rénovation thermique pour un montant de 80 millions d’euros.
Ils se répartissent de la manière suivante : 512,1 millions d’euros aux propriétaires pour le financement de leurs travaux ; 6,2 millions d’euros à l’humanisation des structures d’hébergement ; 52,2 millions d’euros à l’ingénierie ; 11,5 millions d’euros aux opérations de résorption de l’habitat insalubre.
Ces aides ont permis d’engager un volume de travaux éligibles de 1,26 milliard d’euros, soit l’équivalent de 21 000 emplois créés ou préservés.
Au total, 69 769 logements sont rénovés grâce à ces aides : 56 615 logements dans le cadre d’aides directes aux propriétaires ; plus de 13 000 logements au travers de 361 syndicats de copropriétaires ; 137 logements dans le cadre d’aides dédiées aux communes, c’est-à-dire de travaux d’office.
Notre proposition a deux objectifs.
Le premier, c’est de permettre la mise en location de logements aujourd’hui vacants, aux fins de contribuer à l’amélioration d’une situation du logement – tout le monde en conviendra – pour le moins préoccupante dans notre pays.
Le second, et ce n’est pas le moindre, c’est de fournir à l’ANAH le moyen de disposer de 80 millions de ressources complémentaires, susceptibles de générer 200 millions d’euros d’activité en plus, avec ce que cela signifie en matière d’activité et d’emploi.
Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’entends bien les arguments de Laurence Cohen en faveur de l’ANAH. La taxe d’habitation sur les logements vacants rapporte à l’Agence quelque chose comme 22 millions d’euros. Ce n’est donc pas grâce à elle qu’elle a réussi à engager pour plus d’un milliard d’euros de travaux.
Le taux de 50 % prévu par le présent amendement pour la deuxième année de déclenchement de cette taxe paraît confiscatoire ; il faut en effet y ajouter la taxe foncière.
J’ajoute que le relèvement du taux ne résoudrait pas, à mon sens, la question de la vacance de ces logements.
La vacance volontaire doit être combattue, bien sûr. Mais il y a d’autres raisons à la vacance de logements. Certaines personnes attendent qu’une succession soit réglée ; d’autres n’ont pas les moyens de mettre aux normes leur logement, même avec l’aide de l’ANAH ; des logements peuvent être inadaptés, les copropriétés dégradées…
Le sujet dépasse largement le champ de la taxe. Par conséquent, son relèvement, ici probablement confiscatoire, ne me semble pas la solution la plus efficace pour résoudre le problème de la vacance et inciter les propriétaires à remettre les biens sur le marché de l’immobilier.
Nous avions fait des propositions pour y remédier : le régime du « Borloo ancien », devenu le « Cosse », qui semble plus incitatif. On peut aussi s’interroger sur les mécanismes permettant de viser un public à faibles revenus, par le biais d’associations prenant en charge les travaux. Tout cela me semble plus efficace que la simple taxation.
La commission demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Au-delà des arguments développés par M. le rapporteur général, le Gouvernement souhaite en rester à la majoration des taux décidée en 2013. Au-delà, ils pourraient apparaître disproportionnés.
Avis défavorable, donc.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° II-644 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-644 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-600, présenté par Mmes Lienemann et Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne et MM. Courteau, Daunis, Duran, Tissot et Montaugé, est ainsi libellé :
Après l’article 45 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au III de l’article 1384 A du code général des impôts, le mot : « neuf » est supprimé.
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration du prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit de permettre des opérations de location-accession dans l’ancien lorsque les logements sont réhabilités.
Le prêt social location-accession, ou PSLA, est l’outil le plus social de l’accession au logement. Aujourd’hui, il concerne essentiellement les logements neufs.
Or tout le monde est bien conscient de la nécessité de ne pas encourager l’étalement urbain. Nous avons besoin d’outils pour aider à la rénovation de centres urbains ou de centres-bourgs.
L’idée est de créer les conditions du recours au PSLA dans l’ancien faisant l’objet de travaux restructurants, et de ne pas seulement encourager l’achat dans l’ancien.
Le PSLA repose sur deux piliers : la TVA à 5,5 % et l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, ou TFPB.
Bénéficier, dans ce cadre, d’une TVA à 5,5 % est possible dans l’état actuel du droit. En revanche, les critères ouvrant droit à l’exonération de TFPB sont beaucoup plus restrictifs, notamment dans leur définition des gros travaux. Ils rendent très difficile le recours au PSLA dans l’ancien.
J’ai bien entendu les arguments de Philippe Dallier sur ce type d’exonération et je comprends sa réaction. Ce sujet mérite d’être discuté.
Pour autant, je rappelle que l’enveloppe de PSLA est contingentée, à hauteur de 10 000 opérations par an. Il ne s’agit donc de rien d’autre, ici, que de permettre d’y avoir recours dans le neuf comme dans l’ancien restructuré. Les collectivités territoriales auraient de toute façon à supporter l’exonération de TFPB si tous les projets de l’enveloppe se faisaient dans le neuf.
Je connais l’intérêt que les collectivités territoriales portent à la rénovation des centres-bourgs et de l’ancien. Je ne pense donc pas qu’une telle mesure les ruinerait.
Le PSLA est un outil pertinent et efficace pour restructurer le bâti existant. On ne restructurera pas qu’avec du locatif, mes chers collègues, et l’accession sociale me paraît une solution intéressante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’après ce que je comprends, ma chère collègue, vous soulignez une divergence d’appréciation quant à la notion de logement neuf dans les dispositions autorisant le recours à une TVA réduite et celles permettant l’exonération de TFPB. Est-ce bien cela ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le dispositif de votre amendement semble néanmoins un peu radical, puisqu’il tend à supprimer la notion de logement « neuf ».
La commission n’a pas pu l’expertiser, et penche donc pour une demande de retrait. En tout état de cause, cet amendement peut donner l’occasion au Gouvernement de donner son interprétation du caractère neuf d’un logement, et de clarifier ainsi les différences existant entre les règles relatives au taux réduit de TVA et à l’exonération de TFPB.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous proposez d’étendre l’exonération de TFPB de quinze ans, applicable aux constructions de logements neufs, aux logements anciens ayant fait l’objet de travaux d’une importance suffisante pour être assimilés à des constructions neuves.
L’exonération de TFPB en question est expressément réservée aux immeubles neufs, afin de favoriser leur construction ou l’extension de bâtiments existants. Cette exonération est déjà large, puisqu’elle peut concerner les ventes en l’état futur d’achèvement dans les constructions nouvelles, mais aussi les opérations de reconstruction ou les additions de constructions.
Qu’un immeuble soit, au regard de la TVA, assimilé à une construction neuve et bénéficie d’un taux réduit au titre de la location-accession est déjà favorable. Cette situation n’emporte pas pour autant exonération de TFPB, chaque impôt devant conserver sa propre logique.
Le dispositif de cet amendement pose également une difficulté rédactionnelle. Les travaux dits de « réhabilitation » ne nous paraissent pas suffisamment définis. Il nous est donc difficile d’accepter cet amendement en l’état.
J’entends votre argument relatif au contingentement des PSLA à hauteur de 10 000 par an, madame la sénatrice, lequel serait garant d’une forme de neutralité de la mesure proposée sur les finances locales. Seulement, le contingentement peut aussi être révisé, avec les conséquences mises en lumière tout à l’heure par Philippe Dallier.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n’est, à ce stade, pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vous appelle à voter cet amendement, mes chers collègues.
Si le dispositif de l’amendement pose un problème rédactionnel, si le mot de « réhabilitation » n’est pas assez précis, nous pouvons y travailler dans le cadre de la navette.
Il n’existe aucun outil d’accession sociale dans la restructuration du tissu ancien existant qui soit raisonnablement social, si je puis dire.
Toutes les opérations de PSLA passent par un taux réduit de TVA et l’exonération de TFPB. Nous ne sommes même pas foutus d’établir des critères cohérents pour les deux piliers du PSLA, alors même que le nombre de projets est limité : avouez quand même que l’on fait mieux en matière de simplification !
Cette situation tue toute une série de projets, qui seraient pourtant utiles, les PSLA venant souvent en complément d’autres opérations. Pardonnez-moi, mais j’appelle cela « enfiler des perles » !
L’intention politique visant à affirmer la neutralité du choix entre le neuf et l’ancien dans le PSLA est une bonne chose.
Quant à la révision du contingentement de PSLA, elle passe par la loi. Ce n’est pas, je crois, à l’ordre du jour.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Nous allons pouvoir aborder ces questions dans un texte spécifique, au printemps prochain. Certes, les mesures dont nous discutons relèvent de la loi de finances.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Mais peut-être pourrions-nous, à l’occasion de l’examen du texte à venir, recenser toutes les situations similaires à celle que vous soulignez, ma chère collègue ?
Je suis prêt à entendre vos arguments. Je considère, pour ma part, que le PSLA est un outil extrêmement intéressant, notamment dans les cas que vous venez d’exposer.
Nous pourrions néanmoins nous donner un tout petit peu de temps pour recenser toutes ces situations, pour faire le point sur ce que coûtent ces exonérations de TFPB, qui, encore une fois, sont payées par les communes. Les communes, oui, qui font le plus d’efforts pour construire du logement social ! Il y a ici quelque chose de paradoxal. Les aides devraient relever du budget de l’État…
Donnons-nous un peu de temps, ma chère collègue ; faisons le point pour le printemps et adoptons, dans le prochain projet de loi de finances, les mesures permettant de régler ces problèmes et, je l’espère, de transférer le coût des exonérations de TFPB sur le budget de l’État, ou autre, et non plus des communes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire l’amendement n° II-600, monsieur le président. Je fais confiance à Philippe Dallier pour que nous avancions ensemble sur ce dossier l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° II-600 est retiré.
Article 45 quater (nouveau)
I. – Après l’article 1388 quinquies B du code général des impôts, est inséré un article 1388 quinquies C ainsi rédigé :
« Art. 1388 quinquies C. – Sur délibération de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis, la base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties des magasins de commerce de détail dont la surface commerciale est inférieure à 400 mètres carrés peut faire l’objet d’un abattement pouvant varier de 1 % à 15 %.
« Le bénéfice de l’abattement mentionné au premier alinéa est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. »
II. – Le 1.2.4.1 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le coefficient multiplicateur peut être compris entre 0,8 et 1,3 pour les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui ont mis en place des abattements sur la base d’imposition à la taxe foncière en application de l’article 1388 quinquies C du même code. » ;
2° Le huitième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce coefficient maximal peut atteindre 1,3 pour les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui ont mis en place des abattements sur la base d’imposition à la taxe foncière en application de l’article 1388 quinquies C du code général des impôts. »
M. le président. L’amendement n° II-540, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à supprimer l’article 45 quater, introduit par l’Assemblée nationale, qui tend à redynamiser le commerce de centre-ville en permettant aux élus locaux de réduire la taxe foncière due par les commerces de détail de moins de 400 mètres carrés et, pour garantir les recettes des collectivités territoriales, d’augmenter en contrepartie la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.
La solution proposée n’est pas aberrante en soi, mais elle ne constitue pas l’outil pertinent susceptible de redynamiser le commerce de centre-ville.
En effet, les difficultés rencontrées par ces commerces résultent non pas uniquement du poids de la fiscalité, mais d’un ensemble varié de facteurs – changements d’habitudes de consommation des ménages privilégiant le e-commerce, existence ou non d’une diversité d’équipements dans la périphérie, etc. Surtout, le dispositif proposé par les députés conduirait à pénaliser certains magasins de centre-ville, en particulier ceux dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés, qui peuvent constituer des pôles d’attractivité.
En outre, les effets des deux mesures pourraient s’annuler pour les magasins de moins de 400 mètres carrés qui appartiennent à des chaînes et dont la surface de vente cumulée excède 4 000 mètres carrés : en effet, ces magasins sont soumis à la TASCOM.
La solution proposée ne permet donc pas de cibler les magasins de centre-ville. Je vous invite donc, mes chers collègues, à supprimer cet article en adoptant cet amendement.
Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai dès à présent l’amendement suivant n° II-721 rectifié, car il est dans le même esprit.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons débattu à plusieurs reprises au Sénat de la question du commerce en ligne, au sujet de divers types de fraude, notamment celle à la TVA.
Tandis que le développement du commerce en ligne est considérable, certains commerces « physiques » sont aujourd’hui désertés. Cette situation entraîne une perte de recettes pour les collectivités qui perçoivent la taxe sur les surfaces commerciales.
Alors que les magasins « physiques » de plus de 400 mètres carrés sont soumis à la TASCOM, les entrepôts de vente du e-commerce et les lieux d’emport sur commande, que l’on appelle aussi drive, y échappent. Cela représente donc, à terme, une érosion de la base de la TASCOM que perçoivent les collectivités locales.
Le risque encouru est donc une multiplication des entrepôts de e-commerce et une diminution du nombre de commerces physiques qui s’acquittent de cette taxe.
Cet amendement vise à remédier à cette distorsion fiscale injustifiée, tout en s’inscrivant dans la philosophie que nous défendons, celle de la neutralité du législateur par rapport aux choix des consommateurs.
En effet, il ne revient pas au législateur de décider si le consommateur doit faire ses achats dans un commerce « physique » ou via le commerce en ligne, s’il doit utiliser un taxi ou un VTC, s’il convient de réserver une chambre dans un hôtel ou sur une plateforme d’hébergement en ligne.
Il est en revanche de notre responsabilité de législateur, en particulier lors de l’examen du projet de loi de finances, de garantir un minimum d’équité fiscale entre les différentes formes de commerce.
La distorsion fiscale entre la situation des commerces physiques, qui paient la TASCOM, et celle du commerce en ligne, qui y échappe, nous paraît injustifiée.
Nous proposons donc de créer une taxe analogue à la TASCOM, mais pesant exclusivement sur les locaux de stockage utilisés par les plateformes de e-commerce et les drive. Le produit de cette taxe serait réparti entre les communes et les EPCI ayant bénéficié d’une aide au titre du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, en fonction de leur population, afin d’aider à la revitalisation des centres-villes les plus en difficulté.
Il est temps d’avancer sur cette question dont nous avons déjà débattu, et de trancher.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les dispositions que M. le rapporteur général et la commission des finances proposent de supprimer ont été introduites dans le projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, lequel avait atténué, à l’occasion d’une deuxième délibération, l’ampleur de la hausse de la TASCOM prévue par les auteurs de l’amendement.
Le Gouvernement ayant échoué à empêcher l’introduction de la disposition, puis ayant été suivi pour ce qui concerne sa modulation, il s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° II-540.
Sur l’amendement n° II-721 rectifié, l’avis est défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, d’un point de vue constitutionnel, il ne nous paraît pas évident que les entrepôts du seul secteur du commerce électronique constituent une catégorie objective et rationnelle et que la taxe proposée ne donne pas lieu à des contentieux. Ensuite, d’un point de vue pratique, certains entrepôts sont utilisés de façon mixte. L’application du dispositif préconisé serait donc compliquée.
Vous soulevez cependant des questions intéressantes, déjà posées lors de plusieurs débats. À cet égard, le Gouvernement prépare actuellement une mission portant sur la fiscalité économique.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux apporter des réponses précises aux questions légitimes posées par M. le secrétaire d’État.
S’agissant de l’égalité fiscale, il existe actuellement des seuils. Les commerces dont la surface est inférieure à 400 mètres carrés ne sont pas soumis à la TASCOM ; ceux dont la surface est supérieure à ce seuil sont redevables de cette taxe. Il y a donc des différences de situations objectives qui justifient des différences de taxation.
Sur le caractère mixte de l’utilisation des entrepôts, j’entends votre argument. Je crois cependant que vous n’avez pas eu connaissance de la bonne version de l’amendement n° II-721 rectifié, car celui-ci tient précisément compte de cet usage mixte et vise la taxation des seules activités relevant du commerce électronique.
En effet, dans certains entrepôts, une partie du stock est destinée à des magasins « physiques », éventuellement soumis à la TASCOM. L’amendement n° II-721 rectifié concerne la partie des marchandises destinée au commerce électronique, non soumis à la taxe.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de reconnaître qu’il s’agit d’un problème d’ampleur. Il existe une véritable distorsion de concurrence entre des commerces qui sont redevables de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, de la TASCOM, et les entreprises de l’e-commerce qui se développent, avec les problèmes de TVA que nous connaissons, sans que les collectivités locales en bénéficient en termes de ressources.
Le problème de distorsion de concurrence se double donc d’un manque de ressources pour les collectivités.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je remercie le rapporteur général d’avoir soulevé ce problème. L’application des nouvelles bases de fiscalité locale au commerce et aux entreprises a mis au jour un certain nombre de difficultés, qui touchent particulièrement les centres-villes.
Dans mon département, la Marne, j’ai demandé que des simulations soient faites dans plusieurs villes comptant des commerces analogues. Dans certains cas, la situation reste inchangée ; dans d’autres, les commerces de centre-ville sont affectés.
Les grandes surfaces seront les bénéficiaires du nouveau calcul des bases. Or je ne suis pas certain que tel était l’effet recherché au départ. Le commerce de centre-ville connaît des difficultés grandissantes. On n’envoie pas là un bon signal, surtout si l’on veut revitaliser nos centres-bourgs, dont l’importance est tout à fait essentielle.
Sont également touchés par cette nouvelle réforme les écoles privées à but non lucratif et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Là encore, le signal envoyé n’est pas positif. Les établissements qui prennent en charge les personnes âgées subissent en effet la « double peine » : d’une part, leurs impôts locaux vont augmenter de façon significative ; d’autre part, le nouveau calcul de la tarification devra tenir compte des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, et de l’état des prévisions de recettes et de dépenses, l’EPRD.
Les établissements publics seront les perdants de cette réforme, même si celle-ci s’étend sur plusieurs années.
Du fait de ces deux mauvais signaux, les tarifs des EHPAD risquent d’augmenter encore, ce qui est inquiétant quand on connaît les difficultés en matière de prise en charge des personnes âgées.
Puisque les amendements présentés par le rapporteur général tendent à améliorer la situation, je les soutiens bien volontiers.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je soutiens l’amendement n° II-540 du rapporteur général, et je souhaite soumettre à la commission des finances un problème auquel sont confrontés les commerces de centre-ville.
Une révision des valeurs locatives est en cours, pour laquelle les premières simulations indiquent une augmentation des bases foncières qui permettent de calculer la taxe foncière des commerces de centre-ville, ainsi qu’une baisse de ces bases pour les grandes surfaces de périphérie, ce qui est un paradoxe. Cette situation peut être atténuée par les coefficients de localisation décidés par les communes.
Il est paradoxal de faire payer davantage de taxe foncière aux commerces de centre-ville, que l’on souhaite conserver, qu’aux grandes surfaces.
Par ailleurs, j’ai entendu les remarques du rapporteur général sur les commerces de centre-ville dits « moyennes surfaces », dont la surface est supérieure, de mémoire, à 300 mètres carrés et qui sont soumis à autorisation. Ces commerces constituent la part la plus profitable de la grande distribution, dont les établissements de proximité sont plus rentables que ceux, de grande taille, de la périphérie. C’est tout à fait contre-intuitif, et j’en ai moi-même été surpris ; je vous soumets donc cette information afin qu’elle nourrisse nos débats.
Je souhaite que nous ayons, au sein de la commission des finances, une réflexion sereine et élargie sur ces questions, notamment sur la fiscalité.
Le problème des EHPAD, souligné par René-Paul Savary, est très important. L’une des conséquences de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement est que les établissements publics de ce secteur sont désavantagés par rapport aux établissements privés en termes de tarif dépendance. Il faut éviter d’aggraver cette situation ; il conviendra même de la revoir.
Autre effet, inattendu, de cette loi, le « clapet anti-retour » : si les départements ont franchi un certain cap de dépenses au titre du tarif dépendance des établissements, il leur est impossible de faire marche arrière ; le système ne fait qu’augmenter, même si des sources d’économies sont trouvées. Là encore, c’est paradoxal.