M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, débattre, même brièvement, de la question des collectivités peut être l’occasion d’une réflexion sur l’environnement dans lequel évoluent ces dernières.
En ce sens, je veux centrer mon propos sur les relations entre l’État déconcentré et l’État décentralisé.
Cette question des relations entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État est aussi ancienne que la décentralisation.
Après un nouvel acte de décentralisation mené à terme durant le quinquennat précédent, les élus locaux aspirent à une pause dans les réformes.
Ces réformes ne sont pas encore pleinement appliquées, ne serait-ce que parce que le législateur a souhaité mettre en place des délais raisonnables d’application pour certaines dispositions.
Il est nécessaire que les élus locaux disposent en ce sens, sur la durée de cette période, du soutien de l’administration déconcentrée.
Or on note de la part du Gouvernement une volonté de recentrer le corps préfectoral selon une logique descendante. Plus qu’hier, le préfet se fait la voix du Gouvernement, ce qui fait partie de son rôle, mais ce qui ne saurait le résumer.
Un renoncement au rôle de conseil des administrations déconcentrées pose un véritable problème, notamment en zone rurale.
À cela s’ajoute également une problématique fondamentale : la décentralisation dans notre pays ne pourra se faire pleinement sans une réflexion, point par point, sur ce qui relève de l’État et ce qui dépend d’une ou plusieurs collectivités, dans chaque champ de compétences de la puissance publique.
Il faut noter qu’il existe aujourd’hui, parallèlement au souhait de stabilité, une demande forte de meilleure coordination entre les politiques déconcentrées et décentralisées.
Le Gouvernement semble s’engager dans une politique que l’on peut, à certains égards, qualifier de recentralisatrice.
Je pense, pour ne prendre qu’un exemple, au pacte qui est proposé aux 319 plus grandes collectivités.
Au-delà de l’intérêt apparent de cette solution, force est de constater que ce mode d’action, s’il paraît novateur, n’en est pas moins en rupture avec les pratiques passées de responsabilisation des collectivités et pourrait aboutir à une diminution de leur marge de manœuvre en matière de conduite de l’action publique.
La crainte existe donc que le Gouvernement ne fasse pas les choix qui devraient permettre de renforcer la décentralisation et l’efficacité des politiques publiques locales. Je vous remercie, madame la ministre, de nous éclairer sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. J’ai bien entendu vos préoccupations, monsieur Botrel. Vous êtes un vrai décentralisateur, je le sais, mais vous contrebalancez aussi cette conviction avec la nécessaire présence de l’État déconcentré.
Au fond, c’est toute l’articulation de notre pays, avec cette recherche d’équilibre entre le pouvoir des collectivités locales et un État que nous voulons toujours fort et présent ; c’est l’héritage de l’évolution des collectivités françaises et de notre esprit à la fois girondin et jacobin.
Le Président de la République a la ferme volonté politique, je peux vous l’assurer, de redonner du pouvoir aux préfets de département. Nous avons assisté à une régionalisation avec pour conséquence des préfets de département qui, parfois, n’avaient pas suffisamment la main sur des politiques conduites par des administrations entièrement régionalisées.
Par ailleurs, la politique des contrats dont vous avez parlé n’est pas un signe de recentralisation. C’est une manière d’essayer de lutter ensemble contre le déficit public. Les contrats seront individualisés et porteront sur les seules dépenses de fonctionnement. On tiendra compte également des efforts déjà effectués, de l’évolution de la population, des caractéristiques socio-économiques et de la construction de nouveaux logements. C’est donc vraiment une politique qui se veut constructive entre l’État et les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les collectivités locales ne veulent pas de big bang territorial imposé d’en haut. Elles veulent au contraire être libres d’adapter leur organisation aux réalités locales, que ce soit par des fusions de communes, de départements, ou encore par l’approfondissement du fait métropolitain.
En effet, les territoires, dans leur diversité, savent mieux que quiconque l’organisation qui est la plus pertinente pour eux.
Depuis 2010, les collectivités territoriales ont été soumises sans cesse à d’importants changements du point de vue de leurs compétences ou de leurs structures, empêchant les élus de se projeter dans l’avenir avec sérénité, et ce d’autant plus que les collectivités ont également subi une baisse drastique des dotations versées par l’État, alors que lui-même était très loin d’avoir réalisé les économies qu’il leur avait imposées.
Actuellement, les collectivités font face à deux évolutions avec la montée en puissance de grandes intercommunalités, de métropoles et le rôle nouveau dévolu aux régions. Cette période de mutation conduit à s’interroger sur le rôle et la place des départements et des communes, notamment en milieu rural.
La commune, échelon de proximité, a montré qu’elle savait s’adapter aux changements de notre temps. C’est tout le sens de la « révolution silencieuse » des communes nouvelles, qui se sont orientées vers un vrai projet de territoire, voulu, partagé et non imposé par l’État !
Aujourd’hui, les collectivités veulent être mieux prises en compte, mieux associées à la prise de décision, mieux écoutées, mieux respectées.
Madame la ministre, il faut faire confiance aux territoires, faire le pari de leur intelligence collective et de leur capacité à mener à bien les grands projets. Pouvez-vous nous assurer de votre volonté de retisser un lien de confiance avec les collectivités territoriales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Oui, monsieur le sénateur, c’est vraiment notre volonté ! Ce n’est pas simplement une posture. Nous avons la volonté de travailler avec l’ensemble des collectivités territoriales.
Vous avez rappelé les difficultés passées et la tension qui est apparue entre l’État et ces collectivités.
Je vous confirme que le Président de la République ne veut pas faire de grande réforme territoriale pendant ce quinquennat. Il demande simplement à ses services sur le terrain, aux préfets d’accompagner les élus locaux dans leur volonté d’évolution.
Vous avez évoqué l’exemple pertinent des communes nouvelles. Lors du débat précédent, nous avons insisté sur le fait que ces dernières étaient réellement des nouvelles communes et qu’elles devaient entrer dans le champ de référence d’une organisation de base de la République française.
Je tiens d’ailleurs à vous préciser que seules les communes ont la capacité de mettre en place des politiques dont elles ont besoin, c’est-à-dire qu’elles ont la liberté de se saisir de compétences. C’est ce qu’on appelle la clause de compétence générale, que les départements et les régions n’ont plus puisqu’elles ont des compétences affectées.
L’État, qui n’entend pas bouleverser les structures et est animé par la volonté de garantir l’existence des communes, s’emploiera à être l’accompagnateur des territoires qui voudront évoluer.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne un outil bien connu des parlementaires et des élus locaux : la réserve parlementaire.
Madame la ministre, il s’agit non de reproduire ici les débats qui ont précédé l’adoption de la loi dite pour la confiance dans la vie politique, mais de vous interroger sur les dispositifs destinés à remplacer ladite réserve.
Je me souviens, comme beaucoup, de la promesse d’une dotation de solidarité locale de 50 millions d’euros pour les collectivités et de 30 millions d’euros pour les associations. Je note à cet égard que, comparé au montant de la réserve pour 2017, le compte n’y est pas.
La première enveloppe, dans un premier temps intégrée comme une part de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, a été transférée avec la dotation d’équipement des territoires, la DETR, lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Si cette évolution apporte une amélioration, elle n’emporte pas totalement l’adhésion.
Tout d’abord, parce que je me souviens du décret du 20 juillet dernier ayant rendu les 260 millions d’euros de crédits DETR et DSIL pour l’exercice 2017.
Ensuite, parce que la réserve parlementaire finançait en zone rurale de petits projets qui, souvent, n’étaient pas éligibles à la DETR.
Enfin, parce que la composition et le fonctionnement de la commission départementale prévue à l’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales, le CGCT, ne sont pas satisfaisants. Il apparaît notamment que ces commissions sont, au mieux, des chambres d’enregistrement des décisions de la préfecture, et encore, seulement pour les plus grosses opérations.
Nonobstant les améliorations que la navette parlementaire pourra apporter, via le projet de loi de finances, je souhaite connaître les dispositions que vous entendez prendre pour améliorer les modalités d’attribution, afin de ne pas pénaliser les petites communes. En effet, en 2018, elles ne pourront pas compter, madame la ministre, sur la bienvenue réserve parlementaire ! (Mme Nadia Sollogoub et M. Bernard Fournier applaudissent.)
M. Rémy Pointereau. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. En effet, la réserve parlementaire n’existera plus. À l’Assemblée nationale, en première lecture, la DETR a été augmentée de 50 millions d’euros, afin de financer les projets d’investissement de proximité portés par les petites communes qui bénéficiaient souvent de la réserve parlementaire.
La complémentarité entre la logique de déconcentration et la logique de décentralisation, qui caractérise la DETR, me semble tout à fait adaptée.
D’abord, la commission en cause, composée, bien sûr, d’élus locaux, fixe les règles. Un long débat sur la présence des parlementaires a eu lieu à l’Assemblée nationale. Vous le savez, deux députés et deux sénateurs par département seront désormais associés à cette commission DETR. (M. Yvon Collin fait un signe de protestation.)
On ne peut pas faire en sorte que les députés et les sénateurs soient plus nombreux que les élus locaux, sauf à manquer au respect dû à ces derniers et à la confiance qu’il faut leur faire.
En outre, l’Assemblée nationale a abaissé à 100 000 euros le seuil de consultation de la commission. Évidemment, il faut aussi savoir que la DETR, comme la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local, qui a été pérennisée et qui sera inscrite dans le CGCT, n’auront plus de seuil. Cela signifie que les plus petites communes pourront avoir accès à la DSIL et à la DETR. Nous répondrons ainsi aux besoins des communes, sans oublier qu’un fonds spécifique de 25 millions d’euros a été voté pour les associations.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.
M. Yvon Collin. Je vous remercie, madame la ministre. Nous allons rester très vigilants sur ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains.
M. Rémy Pointereau. En 2014, le président Gérard Larcher a souhaité faire du Sénat le moteur de la simplification des normes, notamment celles qui sont applicables aux collectivités locales.
La mission qui m’a été confiée au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a consisté à suivre les différents textes de loi pour limiter à la fois le flux et le stock des normes.
Puis, nous avons voté un certain nombre de textes de loi poursuivant cet objectif. Ainsi, nous avons permis de simplifier la saisine du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Nous avons adopté une résolution qui tendait à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales. Nous avons également voté une proposition de loi constitutionnelle qui pose trois principes forts : pour une norme créée, deux normes supprimées ; le principe de prescripteur-payeur ; une interdiction de sur-transposition européenne.
Et nous avons fait voter, à l’unanimité, une proposition de loi visant à simplifier les dispositions du code de l’urbanisme. Malgré les demandes répétées du président du Sénat, l’Assemblée nationale n’a jamais donné suite à cette requête, pourtant utile pour nos élus locaux.
Madame la ministre, en cette période de diète financière pour les collectivités territoriales, à laquelle s’ajoute le coût normatif des textes de loi examinés en 2016, qui s’élève, selon le dernier rapport du CNEN, à 6,9 milliards d'euros, ma question simple est double : allez- vous faire du poids et du coût des normes une priorité du Gouvernement ? Allez-vous enfin inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale notre proposition de loi visant à accélérer les procédures et à stabiliser le droit de l’urbanisme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, cher Rémy Pointereau, je vais parler au nom du Gouvernement. Je ne m’exprimerai pas pour le compte de l’Assemblée nationale, car tel n’est pas mon rôle.
Vous avez rappelé un certain nombre de choses, dont la charte de partenariat conclue le 23 juin 2016 entre le Conseil national d’évaluation des normes et le Sénat qui permet une coordination des initiatives prises en matière de simplification des normes. À titre d’exemple, le CNEN avait saisi le Sénat sur les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales en matière d’obligations applicables à celles-ci dans le domaine du service public d’eau potable. Sur ce sujet, une proposition de loi de simplification, déposée par MM. Bernard Delcros et René Vandierendonck, a été adoptée par la Haute Assemblée en septembre 2017. Voilà donc un exemple de coopération particulièrement fructueuse.
Plus généralement, la problématique de la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales s’inscrit dans le cadre du chantier de la Conférence nationale des territoires visant à une meilleure maîtrise du stock des normes.
D’ores et déjà, la circulaire du Premier ministre, en date du 26 juillet, que vous avez rappelée tout à l’heure, a institué la règle selon laquelle toute norme nouvelle doit être gagée par la suppression de deux normes existantes. Je le dis au passage, tout le monde – les assemblées, bien sûr, les professionnels, l’Europe – crée des normes. Or chacun doit veiller à ne pas trop en créer.
Le secrétaire général du Gouvernement est venu personnellement présenter les effets de cette règle au CNEN et montrer que le Gouvernement la fait strictement respecter.
Le Gouvernement est décidé à aller plus loin. Le CNEN aura un rôle fondamental dans le processus, à la fois sur le flux et sur le stock. Il faudra, en particulier, lui donner une vision consolidée des projets de normes, afin qu’il puisse se prononcer en pleine connaissance de cause.
Pour ce qui concerne l’urbanisme, le Gouvernement va présenter un projet de loi relatif au logement qui poursuit bien un objectif de simplification.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Je prends acte de ce que vient de dire Mme la ministre. Je regrette la disparition du ministère chargé de la simplification des normes. Il aurait été quand même bon de le maintenir afin de pouvoir continuer à travailler sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, faute d’avoir réussi à choisir parmi tous les sujets sur lesquels nous aurions pu zoomer, vous me permettrez, je l’espère, une intervention un peu plus générique.
Nous partageons tous le même constat : après la réforme de la taxe professionnelle, le gel ou la baisse brutale des dotations depuis 2011, les contraintes, les réformes subies et chronophages, notamment les réformes institutionnelles, la perte d’autonomie, en particulier sur le plan financier, les élus locaux sont épuisés. Ils naviguent sans visibilité et se défient de l’État.
Face à l’insoutenabilité de la dépense publique, face aux besoins d’efficience, le Gouvernement nous propose de relever ces défis collectivement. Il refuse la brutalité à l’égard des collectivités, il refuse la facilité, la baisse drastique des dotations – mieux, il les maintient ! Il fait le choix du courage, de la confiance et de l’intelligence collective. Le projet de loi de finances en est un signal. Le Gouvernement souhaite un pacte de confiance sur des orientations claires et qui ont été rappelées ici, en particulier autour du dispositif fiscal fondamental sur lequel Alain Richard est missionné.
Madame la ministre, ma question sera finalement simple et double. Aujourd'hui, une inquiétude singulière est exprimée par de nombreux élus locaux, particulièrement préoccupés par les baisses que vous venez d’évoquer et par le devenir du fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL. Ce qu’ils perçoivent, c’est une diminution des crédits affectés. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
D’une manière générale, si quelques-uns sont sincères en manifestant leur inquiétude, d’autres la nourrissent avec une bonne foi relative. Cela pose la question du calendrier. Quand arriverons-nous au terme de ces réformes pour que chacun y voie clair et que les mauvaises langues s’arrêtent ?
M. Didier Rambaud. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Merci pour votre question, monsieur le sénateur ! Vous avez rappelé les inquiétudes des élus, héritées d’une histoire des relations entre l’État et les collectivités locales. Face à ces inquiétudes, il faut faire un travail très important de pédagogie.
J’ai personnellement assisté à une quinzaine de congrès départementaux de maires. Ainsi, pour les dotations d’investissement – qu’il s’agisse de la DETR, de la DSIL ou de la dotation politique de la ville, la DPV – il nous a fallu expliquer qu’elles étaient maintenues à un haut niveau, 1,8 milliard d’euros. Nous avons dû sans cesse nous battre contre cette idée constamment véhiculée de la baisse de dotations. C’est vrai, il faut faire beaucoup de pédagogie.
On peut, à la limite, dire que ce n’est pas ainsi qu’il faut s’y prendre. Mais les faits et les chiffres sont têtus ! Ils témoignent en effet d’un maintien des dotations d’investissement, qui sont très importantes.
Quel est le calendrier des réformes ? Beaucoup de réformes d’ampleur sont prévues, et elles doivent intervenir lors du quinquennat. Nous espérons que certaines d’entre elles, telle celle de la fiscalité locale, pourront être rapidement mises en place. Quand je dis « rapidement », je sais que cela ne se fera pas en trois mois. Je vous le rappelle, sous le précédent quinquennat, après des mois et des mois de discussions sur la DGF, on n’a pas pu aboutir. Là, en nous y prenant dès maintenant, j’espère que nous aboutirons pour permettre, dans le prolongement de la politique suivie en matière de taxe d’habitation, de trouver de nouveaux impôts locaux. Il faut donc à la fois travailler sur le temps long et essayer de trouver assez rapidement des réponses aux problèmes qui se posent.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la teneur des questions posées aujourd’hui révèle l’immuable nécessité de faire part des doléances des collectivités locales. Il y en aurait tant à formuler !
Pour ma part, je concentrerai mon propos sur la complexité de la relation entre l’État et les collectivités locales.
Comme vous le savez tous, contrairement à l’État, les collectivités sont soumises, dans la gestion de leur budget, à la règle de l’équilibre réel qui implique l’existence d’un équilibre entre leurs recettes et leurs dépenses, ainsi qu’entre les différentes parties du budget – sections de fonctionnement et d’investissement.
Or, en parallèle à la gestion, différents transferts de compétences, toujours plus nombreux, sont réalisés. Les derniers en date, par exemple, en matière d’état civil, sont l’établissement du PACS, les changements de nom ou de sexe. Il arrive aussi que des frais soient imposés, comme ceux qui sont liés au dédoublement des classes de cours préparatoire à l’école primaire. Les communes s’évertuent à boucler leur budget, c’est un fait.
Mais il y a pire encore : elles sont pieds et poings liés et elles n’ont aucune visibilité sur l’avenir, aucune possibilité d’emprunter afin d’investir pour nombre d’entre elles, car elles n’ont aucune visibilité sur les dotations à venir de l’État, pas de calendrier fixe et pérenne. Elles n’ont également aucune vision sur les compensations : je pense, par exemple, à celles qui sont relatives à l’abattement de la taxe d’habitation, comme l’a souligné mon collègue Pascal Savoldelli.
De plus, si les communes les plus denses disposent de moyens importants, notamment d’une administration étoffée qui leur permet de recueillir l’information plus facilement et ainsi d’anticiper, nombre de petites communes n’ont pas à leur disposition de cadres, ou simplement de personnels formés leur permettant de recueillir l’information sur les budgets à venir.
Aussi, ma question est la suivante : quelles mesures concrètes et efficaces comptez-vous mettre en place pour améliorer la relation entre l’État et les collectivités et, dans un souci d’égalité de traitement, permettre à toutes les communes, quelle que soit leur taille, leur importance, d’accéder au même niveau d’information en provenance du Gouvernement, notamment en matière de dotation ou de compensation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Vous avez rappelé, à raison, l’équilibre du budget des collectivités territoriales, ce que l’on appelle la règle d’or. En même temps, on ne peut pas opposer les résultats de l’État et ceux des collectivités locales. Il faut, à un moment, que le budget de la Nation soit pris en compte, notamment au regard de nos engagements européens et du respect des fameux 3 % du PIB. (Mme Michelle Gréaume fait un signe de protestation.) Oui, chère amie, nous vivons dans ce système !
Cela dit, le Gouvernement s’est bien engagé à mettre fin aux transferts de charges rampants mal compensés. Vous avez évoqué l’état civil, qui est un problème particulier. À ce sujet, j’apporte une précision : quand ils interviennent à ce titre, la commune et le maire exercent une mission au nom de l’État dont ils sont les agents.
De plus, le Gouvernement s’est engagé à la stabilité des dotations sur cinq années. Nous nous inscrivons donc dans une prévisibilité assez longue.
Je ne reviens pas sur la taxe d’habitation, sujet à propos duquel j’ai répondu à votre collègue.
Vous avez parlé du manque de moyens techniques et d’accompagnement pour les petites communes. Deux solutions coexistent : d’abord, un accompagnement à l’échelon de l’intercommunalité ; ensuite, les communes, notamment les plus petites d’entre elles, pourront profiter des conseils de l’État, conseils que le Gouvernement a l’intention de développer sur les territoires.
Si, dans certains domaines, le nombre des fonctionnaires est réduit par le non-remplacement de ceux qui partent à la retraite, il n’en va pas de même dans les préfectures où la présence des fonctionnaires a été renforcée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, il est prévu que la suppression de la taxe d’habitation se fasse par dégrèvement et sur une période de trois ans. L’État va, nous dit-on, compenser à due concurrence la perte des recettes des communes.
Pouvez-vous nous confirmer que l’État compensera également pour ce qui concerne les constructions en cours et celles à venir ? Il s’agit de recettes actuellement inexistantes et sur lesquelles l’État n’a pas la main puisqu’il ne décide pas des constructions dans les différentes communes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, oui, je vous le confirme. Cela s’appelle l’évolution des bases, qui sont calculées chaque année et intègrent les constructions nouvelles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Conférence nationale des territoires avait suscité des espoirs, qui ont aujourd’hui laissé place aux doutes.
Les nombreuses mesures défavorables aux collectivités et aux territoires ont fini par affecter profondément la relation de confiance avec l’État. Les sujets de préoccupation s’accumulent, notamment depuis l’annulation de crédits dédiés aux quartiers et à la ruralité, la baisse des contrats aidés, ou encore l’atteinte majeure aux équilibres du logement social. De plus en plus, la perspective d’une contractualisation entre l’État et les plus grandes collectivités fait craindre un contrat unilatéral et non un engagement réciproque.
On est bien loin de la démarche de décentralisation, conduite en France depuis François Mitterrand en 1981 !
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
Mme Corinne Féret. Si les collectivités sont, bien entendu, favorables au rétablissement des comptes publics, elles s’inquiètent pour leur capacité à investir et à maintenir des services ou des équipements publics locaux de qualité. Sur le terrain, l’instabilité juridique et financière actuelle est source de préoccupation, tout comme la remise en cause du principe de libre administration des collectivités.
Les élus déplorent également la stigmatisation dont ils font l’objet. Dire qu’il y a trop d’élus locaux en France et que ceux-ci ont un coût, comme l’a déclaré le Président de la République, c’est oublier que notre pays compte près de 580 000 élus locaux, dont une très grande majorité de bénévoles ! Personne ne peut nier dans cette enceinte le dévouement et la disponibilité de ces élus de terrain, de ces femmes et de ces hommes qui traitent des petits et des grands sujets de la vie locale dans nos villages, nos communes et nos quartiers.
Comme nous peinons à comprendre le sens de cette annonce relative au nombre d’élus locaux, pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer ce que le Gouvernement entend par « réduction du nombre d’élus » ? Cela signifie-t-il aussi que vous allez réduire le rôle des élus locaux, des maires au premier chef, en transférant à l’administration certaines compétences qui leur étaient jusqu’ici dévolues ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)