M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer. Certes, je le dis pour être très claire, une réforme réduira le nombre des parlementaires. Je le sais, tel n’est pas l’objet de votre question, qui concerne les élus locaux.
D’abord, le Président de la République a en effet prononcé une phrase qui a inquiété les élus. Il va y avoir, dans certains cas, par exemple, dans les communes nouvelles, une diminution mathématique du nombre des élus locaux.
Ensuite, un niveau de collectivités réfléchit lui-même à la baisse du nombre des élus. Je veux parler des régions. L’Association des régions de France, l’ARF, a entamé une discussion avec le Gouvernement. Vous le savez, les conseils régionaux sont actuellement constitués de tous les conseillers régionaux des anciennes régions, de sorte qu’ils ont parfois des dimensions très importantes.
L’ARF a posé le problème, qui n’est pas si facile ni évident. C’est une vraie question. Il faut en effet toujours maintenir la répartition, y compris dans les départements les plus ruraux.
Enfin, le Président de la République n’a aucune intention de toucher au nombre des élus municipaux. Je veux le rappeler, nous avons voté nous-mêmes ici, en 2013, une réforme, qui nous a donné l’occasion de ramener de neuf à sept le nombre des élus municipaux dans les communes de moins de 100 habitants. Nous répondions d'ailleurs à la demande des élus qui avaient du mal à établir des listes. Nous avons eu une discussion très intéressante sur le point de savoir si nous allions élargir cette réforme aux autres strates. Finalement, cela ne s’est pas fait.
Je vais vous donner mon avis, qui n’engage que moi.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour ma part, je siège dans une commune de 4 500 habitants. Nous sommes vingt-sept élus municipaux. Si nous étions vingt-cinq ou vingt-trois, je ne pense pas que cela changerait la face du monde !
En tout cas, le Gouvernement n’a aucune intention de réduire le nombre des élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je veux remercier le ministre de l’intérieur du soutien qu’il a apporté aux élus qui sont allés manifester l’autre jour contre les prières de rue. Merci et surtout, madame la ministre, tenez bon !
Hier, le Premier ministre a commencé son discours en disant : « Si j’étais encore maire, je serais inquiet. » Oui, la France est inquiète quand elle voit la façon dont le territoire est en train de se réorganiser autour des métropoles. Cela signifie que si, demain, vous n’habitez pas dans une ville desservie par une ligne de TGV, vous êtes condamné à disparaître à peu près sûrement !
La France est inquiète parce qu’elle voit aussi le découragement des élus, stigmatisés, montrés du doigt, voire quelquefois méprisés, et qui, pourtant, ont tant fait pour nos villes et nos villages.
Les lois de décentralisation avaient ravivé la démocratie, dont les communes étaient devenues le cœur battant. Que reste-t-il de l’esprit de cette décentralisation ? La présidence de M. Hollande a été une catastrophe pour les territoires et les élus. Alors que nous pensions démarrer ce mandat dans un climat de confiance, j’ai aujourd'hui l’impression de subir la double peine !
Cela a été dit par un certain nombre d’entre nous, les élus sont sous le choc et sont tous inquiets. Ils commencent à se réveiller et vont s’organiser parce qu’ils ont la légitimité populaire.
En vous écoutant, j’ai eu l’impression que nous assistons à une certaine recentralisation ou, en tout cas, à une remise sous tutelle.
Vous avez parlé du rôle des préfets. Pouvez-vous nous préciser quel sera demain leur rôle vis-à-vis des collectivités territoriales ? Pouvez-vous nous adresser – au cas où je me tromperais – quelques signes encourageants, de nature à redonner un peu de cœur et de passion à ces élus pour qu’ils gèrent de nouveau demain comme ils géraient hier, c'est-à-dire plutôt pas mal ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, s’il est vrai que le Premier ministre a prononcé cette phrase, il a dit aussi : « Compte tenu de l’importance des enjeux hier, j’aurais souhaité pouvoir discuter et échanger avec le Gouvernement. C’est ce que je veux faire. »
Monsieur le sénateur, comment vous répondre le plus simplement et le plus précisément possible ? Vous avez commencé votre propos en remerciant le ministre de l’intérieur, ce dont je vous sais gré. Nous sommes évidemment, tout comme vous, préoccupés par le sujet des prières de rue ; j’avais apporté une réponse sur ce point à l’occasion des questions d’actualité au Gouvernement.
Cela signifie que vous avez aussi besoin du préfet et d’un État fort. C’est cet aspect qui est important. Le ministre de l’intérieur aime à le répéter, il faut un État puissant et des collectivités territoriales fortes. Nous avons besoin les uns des autres, en matière aussi bien de sécurité, qui est une fonction régalienne de l’État, que d’accompagnement des collectivités territoriales.
Pour être élue d’un département rural, je sais combien on y a besoin d’un État fort et d’un préfet présent pour accompagner les collectivités territoriales. Le préfet n’est pas là pour contrôler celles-ci ou, pour ainsi dire, faire le gendarme, mais bien pour accompagner les territoires dans leur volonté de réforme et de développement économique. Nous espérons tous que la reprise économique permettra de faire baisser le niveau épouvantable de chômage dont nous souffrons en France. Alors, les territoires pourront s’engager dans une évolution plus sereine : la création d’emplois et de richesses permettra à toutes les couches de la société d’évoluer.
Nous avons donc la volonté d’accompagner les collectivités locales. En tout cas, telle est ma philosophie et c’est pour cela que j’occupe mes fonctions actuelles. Je peux d’ailleurs vous dire, monsieur le sénateur, que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a la même démarche que moi. Nous avons tous les deux été élu local et maire ; nous savons ce que sont les collectivités locales et nous ne pourrions pas, à notre poste, ne pas continuer la même politique de soutien aux collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Claude Luche. En ces journées de congrès des maires, le Sénat est invité à débattre des collectivités locales. Après toutes les réformes territoriales, les discussions budgétaires et les questions d’organisation, il se trouve que les collectivités locales constituent encore un sujet de débats et de passions. Pour ma part, je resterai très pragmatique en évoquant une problématique à laquelle sont confrontées les collectivités, qui restent bien souvent démunies face à cette mission.
Il s’agit de la mise aux normes des bâtiments appartenant aux collectivités. Les élus souhaitent généralement répondre aux exigences et appliquer les principes émanant de différentes lois et aspirations : transition écologique, accessibilité, désamiantage, isolation, ou encore économies d’énergie. Oui, les élus le souhaitent, mais n’exagérons pas : il y a vraiment trop de normes dans ce pays !
Or, dans un contexte de restrictions budgétaires, les collectivités doivent choisir : vaut-il mieux préserver les dépenses de fonctionnement ou investir pour répondre à ces diverses normes ? Il arrive donc que les dépenses de mise aux normes soient reportées sine die. N’y voyez ni un manque de volonté ni de la mauvaise foi : les collectivités se retrouvent parfois très isolées pour la réalisation de ces travaux et sont incapables de leur donner la priorité.
Bien évidemment, chaque élu préférerait procurer une bonne isolation aux bâtiments de sa collectivité. Cela permettrait à la fois de répondre à un souci de transition écologique et d’alléger les charges par les économies d’énergie réalisées ; de même pour le désamiantage.
Alors, madame la ministre, prévoyez-vous, durant votre exercice, d’élaborer un plan en faveur de l’amélioration de notre bâti collectif ou d’y dédier des mesures financières ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous évoquez à votre tour le sujet très important des normes et, en particulier, de celles qui s’appliquent aux bâtiments des collectivités territoriales.
Ces normes feront l’objet de dispositions dans le projet de loi relatif au logement auquel travaille le Gouvernement. Il est envisagé de s’orienter davantage vers une obligation de résultat plutôt que vers une obligation de moyens. Cela ne sera peut-être pas très facile, mais il faut avancer dans cette voie parce que ce sera certainement moins contraignant.
Par ailleurs, je rappelle que certains fonds, tels ceux de la DSIL, sont fléchés, notamment dans le cadre du Grand Plan d’investissement, en faveur des collectivités locales dans le domaine que vous avez évoqué.
Enfin, l’État a conclu des contrats dans le cadre du programme Territoires à énergie positive pour la croissance verte. Ces contrats pourront tous être financés – cela avait fait l’objet de tout un débat – parce qu’une enveloppe financière supplémentaire de 75 millions d’euros a été votée pour des travaux comme ceux que vous envisagez pour les bâtiments des collectivités. J’estime en tout cas que le passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultat est une piste qu’il faut poursuivre.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 72-2 de la Constitution, à son alinéa 5, prévoit des dispositifs de péréquation dont le but est de gommer les écarts de richesses entre collectivités locales et, ainsi, de réduire les inégalités territoriales.
En effet, comme vous le savez, tous les territoires ne sont pas également dotés ; ils connaissent des situations socio-économiques et géographiques fort différentes. À l’évidence, les territoires peu denses ne bénéficient pas des mêmes externalités que les métropoles, en termes d’infrastructures et de concentration de richesses. Si ces territoires ruraux sont capables d’innover, il arrive néanmoins qu’ils cumulent les handicaps, notamment géographiques. Il faut par conséquent des dispositifs ambitieux pour leur garantir les moyens d’intervenir et permettre de réduire les inégalités sociales et géographiques.
Le législateur a progressivement mis en place des mécanismes de péréquation verticale et horizontale. Leur empilement a conduit à une certaine illisibilité ; ils gagneraient à être optimisés. Une réflexion sur l’amélioration des mécanismes de péréquation a déjà été menée dans plusieurs rapports. Elle fait également l’objet, indirectement, de la mission actuellement confiée à MM. Alain Richard et Dominique Bur.
Or si la péréquation renvoie à un enjeu essentiel d’égalité des citoyens devant le service public et donc à un enjeu de démocratie, elle est également sous-tendue par une approche spécifique des mécanismes du développement territorial. C’est pourquoi ma question sera double.
Tout d’abord, à un moment où l’on prive les territoires, notamment ruraux, de certaines ressources et où les collectivités les plus importantes sont appelées à poursuivre leur contribution au redressement des comptes de la Nation, comment imaginez-vous refondre le système de péréquation pour optimiser la solidarité territoriale, garantir un équilibre entre le monde rural, le monde périurbain et les métropoles et ainsi limiter les fractures territoriales ?
Plus fondamentalement, sur quelle approche du développement territorial se fonderait cette refonte de la péréquation ? Choisirez-vous une métropolisation et un développement par ruissellement, si chers à votre gouvernement, ou bien préférerez-vous accompagner des dynamiques territoriales qui sont, elles, porteuses d’égalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur le rôle joué par la péréquation dans la préservation des équilibres territoriaux, en particulier entre le monde urbain et le monde rural.
Votre question me donne l’occasion de vous fournir quelques chiffres qui démontrent à quel point la péréquation, tant verticale qu’horizontale, bénéficie au monde rural. Je le dis sans provocation et en l’absence de M. Adnot : c’est pourquoi je n’entends aucune protestation ! (Sourires.)
Les territoires ruraux bénéficient du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC, davantage qu’ils n’y contribuent. En 2017, les territoires comprenant moins de 50 000 habitants perçoivent 34 % des ressources totales de ce fonds, alors que leurs prélèvements n’alimentent que 26 % de ces ressources. À l’inverse, les territoires urbains alimentent le FPIC plus qu’ils n’en bénéficient. C’est notamment le cas de la métropole du Grand Paris, qui fournit 34 % des ressources du fonds alors qu’elle ne bénéficie que de 4 % du reversement total.
Au sein du monde rural, 10 000 communes bénéficient de la dotation de solidarité rurale cible. Il apparaît que 87 % d’entre elles sont bénéficiaires nettes au titre du FPIC et que 92 % d’entre elles ont bénéficié cette année d’une progression de leur DGF. Par ailleurs, je note que les petites collectivités rurales ne sont pas concernées par la démarche contractuelle de maîtrise des dépenses de fonctionnement qui est proposée dans le projet de loi de programmation des finances publiques. Avec les communes rurales, nous faisons donc le pari de la confiance : nous faisons confiance aux élus pour gérer leurs collectivités.
J’ajouterai que l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à faire réaliser par une commission un rapport sur l’évolution du FPIC. On pourra ainsi déterminer sur quels critères il faudrait jouer pour encore améliorer la péréquation entre les territoires riches et ceux qui sont plus pauvres.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour le groupe Les Républicains.
Mme Marie Mercier. La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 a créé une nouvelle compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations, dite compétence GEMAPI, et l’a confiée aux communes et à leurs groupements. Vous connaissez bien, madame la ministre, les quatre missions importantes qui constituent cette compétence.
Deux ans plus tard, la loi NOTRe a imposé le transfert de cette compétence aux communautés d’agglomération et de communes, au sein du bloc des compétences obligatoires, au 1er janvier 2018. Deux questions se posent alors.
Premièrement, cette nouvelle attribution nécessite une ligne budgétaire, puisque l’entretien du patrimoine et les investissements – barrages, berges ou digues – incomberont dorénavant aux EPCI à fiscalité propre. Pour ce faire, nos élus locaux vont donc devoir trancher, comme d’habitude, entre deux options : diminuer les dépenses, c’est-à-dire économiser sur certaines politiques publiques, ou augmenter les recettes, c’est-à-dire les impôts. À ce jour, la « taxe GEMAPI », même si elle n’est pas encore entrée en vigueur, est une composante de la taxe d’habitation et de la taxe foncière. Or la suppression de la taxe d’habitation, qui affectera 80 % des ménages, nous obligera à réfléchir à une autre solution : en effet, il ne restera que 20 % des contribuables actuels pour payer la taxe GEMAPI.
Ma seconde question concerne l’organisation institutionnelle de cette compétence. Si l’on souhaite mener une politique territoriale cohérente, la GEMAPI doit englober l’ensemble d’un bassin. Un pilotage par les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, qui disposent de personnels formés et des compétences techniques nécessaires, est donc primordial. Néanmoins, un nombre important de communes ou de groupements s’appuient sur les associations syndicales autorisées, qui ont la connaissance du terrain, pour mettre en œuvre la GEMAPI. Aussi voudrais-je savoir, madame la ministre, quel sort vous comptez réserver à cette catégorie d’associations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous avez évoqué la question de la compétence GEMAPI et son évolution à la suite des lois MAPTAM et NOTRe. Vous avez surtout posé le problème du financement de cette compétence par la taxe GEMAPI, qui est liée à la taxe d’habitation.
Nous avons devant nous trois ans de tranquillité, si je puis dire, puisque la taxe d’habitation n’est pas supprimée, mais continue d’exister. Simplement, une partie des contribuables continue de la payer et, progressivement, l’État prend la place de certains autres. Nous n’aurons donc pas de difficultés pendant trois ans ; après, il faudra envisager un autre système.
Vous m’avez également interrogée sur les structures. Naturellement, la loi MAPTAM a préservé les compétences en la matière des syndicats et des associations syndicales autorisées ; il n’est pas envisagé de revenir sur ce point.
Enfin, un député, M. Marc Fesneau, a déposé une proposition de loi qui revient sur certains points relatifs à cette compétence de manière à améliorer sa mise en œuvre. Il ne s’agit pas, à l’évidence, de revenir sur le transfert de cette compétence ou sur les autres points déjà évoqués. Cette proposition de loi est néanmoins très intéressante et je vous conseille de lui octroyer une grande attention. Elle comporte trois points majeurs, mais le temps me manque pour vous les détailler.
M. Guy-Dominique Kennel. Il serait intéressant de les connaître !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. Loi d’affirmation des métropoles, loi de création des grandes régions, loi sur la politique de la ville, loi Montagne récemment révisée : je fais le constat que la ruralité n’a toujours pas fait l’objet, à ce jour, d’un grand dessein national.
Il y a aujourd’hui un impensé de la place des territoires ruraux dans l’avenir de la France. Certes, dans le contexte de mondialisation-globalisation que nous connaissons, notre pays a besoin de métropoles fortes et en développement ; c’est indispensable et vital ! Le rural que je suis en est convaincu et y contribue. Mais nous devons aussi penser la place des ruralités – la ruralité française est diverse et plurielle – en partant du principe, qui doit être un objectif politique partagé par le plus grand nombre, que les territoires ruraux et périphériques peuvent accueillir des populations et contribuer significativement à la création de valeur et de richesse nationale.
Mme la ministre rappellera peut-être, à juste titre, les dispositifs qui existent au bénéfice des territoires ruraux, mais mon propos ne consiste pas à dire que rien n’est fait. Je constate toutefois, sur le terrain, des phénomènes de déprise économique et démographique, les fermetures de services publics, les cessations d’activité de médecins, qui ne sont pas remplacés, et, parfois, le déménagement d’entreprises à des fins de développement.
Ne pas traiter ces questions, dans le cadre d’une approche globale, ne fera qu’alimenter le sentiment d’abandon et de défiance des citoyens à l’égard de l’action publique. Ce sentiment croît toujours plus : nous en constatons l’inquiétante traduction d’élection en élection.
Ma question sera en réalité une proposition faite au Gouvernement : madame la ministre, l’État doit reconnaître les ruralités françaises et leurs habitants en engageant l’élaboration, largement participative, d’un projet de loi de reconnaissance et de développement des ruralités. Merci de nous donner votre avis sur une telle initiative, si cela vous est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, je connais bien la ruralité, puisque j’y vis, et je suis sensible à vos propos. Je connais les difficultés que vous avez évoquées.
Une difficulté que j’estime majeure pour notre pays est la désertification médicale, qui touche la ruralité et parfois aussi les banlieues. Mme la ministre des solidarités et de la santé a annoncé un plan qui constitue déjà une avancée ; il faudra peut-être le compléter par d’autres mesures, parce que le problème est très grave. J’estime également qu’il est très important de travailler de façon plus concertée avec les médecins, leur ordre et l’université. Le Premier ministre a rappelé hier cette nécessité.
Je veux également, monsieur le sénateur, souligner que des outils existent, par exemple les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR. Je le dis devant votre collègue, Raymond Vall, qui est président de l’Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays.
Par ailleurs, monsieur Montaugé, vous avez réalisé quelque chose d’exemplaire dans votre région, avec la métropole de Toulouse : les contrats de réciprocité. Cela constitue à mes yeux une avancée très intéressante pour le partage des ressources et des richesses.
Cela dit, vous me demandez si l’on peut faire un projet de loi sur la ruralité.
M. Franck Montaugé. Les ruralités !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En effet, les ruralités ! Faut-il élaborer un tel projet de loi ou plutôt essayer, pour chaque politique, de considérer son impact sur le monde rural et de l’adapter en conséquence ? C’est ce que nous avons fait, par exemple, lors du débat sur l’eau et l’assainissement. Je n’ai pas de réponse ferme à cette question de priorité entre l’approche thématique et l’approche géographique, si je puis dire. Nous poursuivrons en tout cas le débat.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la contractualisation proposée par le Gouvernement entre l’État, via le préfet, et les collectivités locales.
Cette contractualisation concerne exclusivement les 319 plus grandes collectivités de France, lesquelles sont à l’origine de 80 % de la dépense publique locale. L’État leur demande, jusqu’en 2022, un effort de 13 milliards d’euros d’économies sur leurs dépenses de fonctionnement ; la hausse des dépenses est plafonnée à 1,2 % par an.
Madame la ministre, vous avez déclaré que cette contractualisation serait un « travail de dentelle » qui prendrait en compte différents critères, comme la taille de l’agglomération, l’évolution de sa démographie ou l’importance des charges de fonctionnement.
Néanmoins, si cette contractualisation est aussi technique à établir, pourquoi ne pas l’avoir proposée de prime abord à l’ensemble des collectivités locales pour déterminer un barème national, plutôt que d’en réserver le périmètre aux seules communautés d’agglomération de plus de 150 000 habitants, ainsi qu’aux communes de plus de 50 000 habitants ?
Cette contractualisation exclut les villes moyennes, les petites communes et les villages. Elle envoie un très mauvais signal à ces territoires tout en renforçant l’inquiétude budgétaire et le sentiment d’abandon des élus qui les représentent.
De plus, dans le cadre de ce contrat proposé aux grandes collectivités locales, certaines d’entre elles n’ont pas toujours été vertueuses ces dernières années. Comment ne pas voir dans la contractualisation, pour les collectivités les plus dispendieuses, un effet d’aubaine, puisqu’elles se raviseront dans leur gestion ?
Les collectivités locales qui ont choisi d’être vertueuses depuis longtemps, car elles sont gérées par des élus responsables et courageux, seront également désavantagées, puisque leurs efforts passés ne seront pas récompensés. Pourtant, ces collectivités ne méritent pas cette menace d’assèchement fiscal.
Madame la ministre, comptez-vous mettre en place un dispositif mesurant les efforts et les économies déjà consentis dans le passé, et non pas seulement à la date d’effet du contrat, afin de ne pas soumettre ces collectivités à une double peine budgétaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, le contrat de mandature entre l’État et les collectivités locales repose effectivement sur la confiance. Le projet de loi de programmation des finances publiques définit un cadre et des objectifs, mais la méthode pour y parvenir sera laissée à l’appréciation de chaque collectivité. Telle est la philosophie du pacte de confiance que nous entendons nouer entre l’État et les collectivités.
À ce stade de l’examen du projet de loi de programmation, trois dispositifs sont prévus. Outre le débat d’orientation budgétaire en matière de dépenses de fonctionnement, il sera instauré une règle d’or renforcée pour les communes de plus de 10 000 habitants et les intercommunalités de plus de 50 000 habitants. Cela signifie, en exagérant quelque peu pour mieux le faire comprendre, que l’on devra s’assurer que les emprunts ne courent pas sur trente ou quarante ans.
Enfin, certaines collectivités, si elles le veulent, pourront s’engager dans cette contractualisation même si elles n’appartiennent pas aux 319 collectivités qui, par leur population, doivent y prendre part. Je tiens, à ce propos, à préciser que MM. Bur et Richard proposent une définition quelque peu différente des collectivités concernées : il s’agirait d’élargir le champ de la contractualisation aux collectivités dont le budget s’élève au moins à 30 millions d’euros par an. Cela concernerait à peu près 600 collectivités, au lieu de 319, et 80 % de la dépense publique locale au lieu de 70 %. Il faut en discuter, afin de déterminer quelle méthode appliquer.
Je voudrais enfin insister sur un point : les critères de la contractualisation incluent les efforts déjà consentis par les collectivités. Il est impossible de ne pas tenir compte du passé !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains.
M. Dominique de Legge. En 2010, le Gouvernement décidait la suppression de la taxe professionnelle au motif que les éléments servant à son calcul étaient anti-économiques. Il en est résulté une perte de 13 milliards d’euros, qui a été compensée dans les conditions que vous savez.
Aujourd’hui, madame la ministre, vous nous proposez la suppression de la taxe d’habitation.
M. Dominique de Legge. Cela permettra peut-être d’améliorer le pouvoir d’achat des familles, mais on aurait pu faire un autre choix que celui d’obérer les marges de manœuvre des communes. On estime aujourd’hui à 18 milliards d’euros le manque à gagner pour le bloc communal.
Aussi deux questions se posent-elles. Premièrement, quel avenir réserver aux deux impôts locaux qui restent aux communes, les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, qui sont des impôts peu dynamiques et aux taux déjà fort élevés ? Deuxièmement, les impôts locaux, qui représentaient 50 % des recettes du bloc communal en 2000, n’en représenteront plus que 20 % en 2020 : considérez-vous que cette évolution est compatible avec l’article 72-2 de la Constitution ?