M. le président. L’amendement n° 172 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 587, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les employeurs installés et exerçant leur activité le 5 septembre 2017 dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy peuvent demander, avant le 30 avril 2018, à l’organisme de sécurité sociale dont elles relèvent un sursis à poursuites pour le règlement de leurs cotisations et contributions sociales patronales dues auprès de cet organisme au titre des périodes postérieures au 1er août 2017, ainsi que des majorations de retard et pénalités y afférentes.

Cette demande entraîne immédiatement et de plein droit, jusqu’au 31 octobre 2018, la suspension des poursuites afférentes auxdites créances ainsi que la suspension du calcul des pénalités et majorations de retard afférentes.

Les obligations déclaratives doivent continuer à être souscrites aux dates en vigueur. Toutefois, jusqu’au 31 décembre 2017, les pénalités ne sont pas applicables en cas de retard de déclaration.

II. – Durant le délai compris entre l’exercice de la demande et le terme du sursis à poursuite, un plan d’apurement est conclu entre l’employeur et l’organisme mentionné au précédent alinéa. Ce plan entre en vigueur au plus tard le 1er novembre 2018. Cette date pourra cependant être reportée, dans des conditions fixées par décret tenant compte de l’évolution de la situation économique locale, jusqu’au 1er janvier 2020.

Ce plan d’apurement peut être conclu pour une durée maximale de cinq ans. Il porte sur l’ensemble des dettes constatées à la date de sa conclusion, y compris celles antérieures au 1er août 2017.

Il peut prévoir l’abandon de la totalité des pénalités et majorations de retard pour les dettes apurées selon l’échéancier qu’il prévoit.

III. – Le plan peut comporter un abandon partiel des créances de cotisations et contributions sociales patronales dues au titre des rémunérations versées pendant la période comprise entre le 1er août 2017 et le 30 novembre 2018, dans la limite de 50 % des sommes dues, afin de tenir compte des événements climatiques survenus dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy entre le 5 et le 7 septembre 2017. Cet abandon de créances est accordé sous réserve, le cas échéant :

1° Du paiement préalable de la part salariale des cotisations et contributions sociales restant dues ou, à défaut, de leur inclusion dans le plan d’apurement ;

2° Et du respect des échéances du plan d’apurement.

IV. – Les employeurs faisant face à des difficultés de paiement des cotisations et contributions sociales patronales dues au titre des périodes comprises entre la date de conclusion du plan et le 31 décembre 2018 peuvent demander à modifier celui-ci pour que ces créances soient prises en compte dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues au II.

V. – L’entreprise qui bénéficie du sursis à poursuites prévu au I ou a souscrit et respecte un plan d’apurement prévu au II est considérée à jour de ses obligations de paiement des cotisations sociales.

VI. – L’entreprise ne peut bénéficier des dispositions du présent article lorsque l’entreprise ou le chef d’entreprise a été condamné en application des articles L. 8211-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail au cours des cinq années précédant la demande mentionnée au I.

Toute condamnation de l’entreprise ou du chef d’entreprise pour les motifs mentionnés au précédent alinéa ou, après mise en demeure, le non-respect de l’échéancier du plan d’apurement ou le non-paiement des cotisations et contributions sociales dues postérieurement à la signature de ce plan entraîne sa caducité.

VII. – Le présent article s’applique aux entreprises et aux travailleurs indépendants, y compris dans les secteurs agricoles et maritimes, pour les cotisations et contributions sociales prévues par la loi.

Le présent article ne s’applique pas pour les sommes dues suite à un contrôle prévu à l’article L. 243-7.

En cas de réduction partielle du montant des cotisations d’assurance vieillesse dans les conditions prévues au II, les droits sont minorés dans une proportion identique.

VIII. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet d’instaurer des mesures exceptionnelles pour les entreprises des territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui, comme vous le savez, doivent faire face à de graves difficultés économiques à la suite du cyclone Irma.

Ces mesures renforcent les facilités de paiement octroyées depuis septembre 2017 aux entreprises concernées à la suite d’une instruction ministérielle. L’objectif est d’accompagner sur une période longue, allant jusqu’à décembre 2018, ces entreprises dans leur démarche de redémarrage de leurs activités, et de garantir leur pérennité, vitale pour la vie économique de ces territoires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. C’est bien entendu un vote favorable que j’émettrai, avec le soutien de mes collègues du RDSE, et, je pense, de l’ensemble de mes collègues sénateurs.

Madame la ministre des solidarités, pour avoir accompagné sur place M. le Président de la République et M. le Premier ministre, avec un certain nombre d’autres ministres, vous avez pu vous rendre compte de la détresse et des difficultés consécutives au passage du cyclone Irma.

C’est vrai, le monde socioéconomique a toujours tendance à demander plus d’exonérations, etc. Mais pour une fois, dans ce cas précis, c’est justifié, et je voudrais, en mon nom propre, et, pourquoi pas, au nom des acteurs économiques, remercier le Gouvernement de la promptitude avec laquelle il a fait voter ces mesures, d’autant que, çà et là, on entend un peu trop souvent, hélas, que les choses ne vont pas assez vite. C’est une main tendue au monde économique, qui, je l’espère, saura l’apprécier à sa juste valeur. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 587.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.

Chapitre III

Dispositions relatives à la fiscalité comportementale

Articles additionnels après l'article 11
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Article 12 (interruption de la discussion)

Article 12

I. – À compter du 1er mars 2018, l’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 575 A. – Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

50,8

59,9

Cigares et cigarillos

30,5

31,4

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

44,5

68,5

Autres tabacs à fumer

48,1

21,5

Tabacs à priser

53,8

0

Tabacs à mâcher

37,6

0

« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 261 € pour mille cigarettes et à 166 € pour mille cigares ou cigarillos.

« Il est fixé par kilogramme à 218 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 99 € pour les autres tabacs à fumer. »

II. – À compter du 1er avril 2019, l’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 575 A. –Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

51,7

61,1

Cigares et cigarillos

32,3

38,5

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

45,6

72,5

Autres tabacs à fumer

49,0

23,4

Tabacs à priser

55,0

0

Tabacs à mâcher

38,5

0

« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 279 € pour mille cigarettes et à 192 € pour mille cigares ou cigarillos.

« Il est fixé par kilogramme à 239 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 108 € pour les autres tabacs à fumer. »

III. – À compter du 1er novembre 2019, l’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 575 A. –Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

52,7

62,0

Cigares et cigarillos

33,8

46,2

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

46,7

76,2

Autres tabacs à fumer

49,9

25,3

Tabacs à priser

56,2

0

Tabacs à mâcher

39,3

0

« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 297 € pour mille cigarettes et à 219 € pour mille cigares ou cigarillos.

« Il est fixé par kilogramme à 260 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 117 € pour les autres tabacs à fumer. »

IV. – À compter du 1er avril 2020, l’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 575 A. – Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

53,6

62,5

Cigares et cigarillos

34,9

54,4

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

47,7

79,3

Autres tabacs à fumer

50,6

27,2

Tabacs à priser

57,1

0

Tabacs à mâcher

40,0

0

« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 314 € pour mille cigarettes et à 245 € pour mille cigares ou cigarillos.

« Il est fixé par kilogramme à 281 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 126 € pour les autres tabacs à fumer. »

V. – À compter du 1er novembre 2020, l’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 575 A. – Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :

 

«

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

54,6

62,7

Cigares et cigarillos

35,9

63,3

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

48,7

82,1

Autres tabacs à fumer

51,3

29,1

Tabacs à priser

58,0

0

Tabacs à mâcher

40,6

0

« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 333 € pour mille cigarettes et à 271 € pour mille cigares ou cigarillos.

« Il est fixé par kilogramme à 302 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 134 € pour les autres tabacs à fumer.

« Les montants de part spécifique et de minimum de perception de chacun des groupes de produits sont relevés au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Cette proportion est exprimée avec un chiffre significatif après la virgule, ce dernier étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Ce relèvement ne peut excéder 1,8 %. Le tarif est publié au Journal officiel par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget. »

VI. – À compter du 1er mars 2018, le tableau du quatrième alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

42,9

32,5

Cigares et cigarillos

15,2

27,5

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

21,7

34,4

Autres tabacs à fumer

30,3

5,8

Tabacs à priser

27,6

0

Tabacs à mâcher

20,1

0

 »

VII. – À compter du 1er avril 2019, le tableau du quatrième alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

44,4

36,3

Cigares et cigarillos

17,8

31,9

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

25,1

40,4

Autres tabacs à fumer

32,9

8,7

Tabacs à priser

31,4

0

Tabacs à mâcher

22,7

0

 »

VIII. – À compter du 1er novembre 2019, le tableau du quatrième alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

45,8

40,1

Cigares et cigarillos

20,4

36,4

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

28,5

46,3

Autres tabacs à fumer

35,5

11,6

Tabacs à priser

35,2

0

Tabacs à mâcher

25,2

0

 »

IX. – À compter du 1er avril 2020, le tableau du quatrième alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

 

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

47,3

43,9

Cigares et cigarillos

22,9

40,9

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

31,9

52,3

Autres tabacs à fumer

38,1

14,5

Tabacs à priser

39

0

Tabacs à mâcher

27,8

0

 »

X. – À compter du 1er novembre 2020, le tableau du quatrième alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

 

«

Groupe de produits

Taux proportionnel (en %)

Part spécifique (en euros)

Cigarettes

48,8

47,6

Cigares et cigarillos

25,5

45,4

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

35,2

58,3

Autres tabacs à fumer

40,8

17,5

Tabacs à priser

42,8

0

Tabacs à mâcher

30,4

0

»

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, sur l'article.

M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est peu dire que le tabac est un véritable fléau en France, puisqu’il totalise à lui tout seul 80 000 décès par an. Si l’on fait la somme des pathologies dues au tabac, que ce soit dans le domaine cardiovasculaire ou dans le domaine du cancer, on s’aperçoit que ce fléau constitue un problème majeur de santé publique.

En matière de prévalence, la France détient le triste record d’être le premier pays consommateur de tabac.

Il a été montré qu’agir sur la fiscalité en augmentant le prix du tabac est un outil efficace. C’est pour cela que le Gouvernement a fait ce choix, et nous le soutiendrons sur ce point.

Pour autant, cette mesure doit s’accompagner d’un certain nombre d’autres mesures, comme des campagnes de prévention et d’éducation à la santé, tout particulièrement chez les plus jeunes.

Il faudra aussi accompagner cette mesure d’un programme de lutte contre la fraude et la contrebande du tabac, faute de quoi la mesure serait bien évidemment inefficace.

Je terminerai ce très bref propos en attirant votre attention sur un point particulier : on constate une véritable épidémie, selon le terme employé par une étude récente, de cancers pulmonaires chez la femme. C’est même le seul domaine où l’on peut parler d’épidémie en matière de cancer, tant cette maladie a fortement augmenté chez les femmes. C’est une raison de plus pour s’attaquer à ce fléau au moyen non seulement, et c’est l’objet de l’article, de dispositions relatives à la fiscalité, mais aussi, comme le veut d’ailleurs la philosophie générale de ce PLFSS 2018, d’une grande campagne de prévention et d’éducation à la santé.

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, sur l'article.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour apporter ma contribution au débat sur cet enjeu important qu’est la lutte contre le tabagisme en abordant une question qui, manifestement, n’a pas du tout été évoquée dans les amendements qui vont venir en nombre tout à l’heure.

Je souscris bien évidemment à ce que disait notre collègue Amiel sur tous les aspects préventifs, et ma proposition s’inscrit dans cet esprit.

La nouvelle augmentation générale du prix des tabacs prévue à l’article 12 du PLFSS correspond globalement aux ambitions du précédent gouvernement, qu’il avait définies dans le programme national de réduction du tabagisme.

Je souscris pleinement à cette mesure de santé publique de premier plan. Inutile ici de rappeler le bilan désastreux du tabac : comme le disait notre collègue, 80 000 décès par an, c'est-à-dire à peu près 200 par jour.

Je crois qu’il faut aller également au-delà du porte-monnaie et repenser la problématique générale de la consommation en s’intéressant notamment aux incitations culturelles à fumer. Je pense, par exemple, au cinéma, qui valorise la pratique. La Ligue contre le cancer démontre dans une étude que 70 % des nouveaux films français mettent à l’image au moins une fois une personne en train de fumer.

Cela participe peu ou prou à banaliser l’usage, si ce n’est à le promouvoir auprès des enfants et des adolescents, qui sont les premiers consommateurs de séries et de films, sur internet notamment. Des solutions doivent être envisagées pour mener une véritable politique de prévention prenant en compte cette sorte de publicité détournée pour la consommation de tabac.

J’aurais souhaité, madame la ministre, avoir votre position sur cet état de fait. Je précise, par ailleurs, que cette mesure ne comporte pas de coût financier pour le PLFSS.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Je souhaiterais vous faire part de cinq réflexions.

Première réflexion : je l’ai dit lundi, ce fut l’honneur de Marisol Touraine de mener avec détermination la lutte contre le tabagisme. Toutefois, le très récent Panorama Santé dressé par l’OCDE compte encore 22,4 % de fumeurs en France, contre une moyenne de 18,4 % dans le reste des pays. Le prix du paquet à 10 euros, une augmentation substantielle des prix – mesure que nous avions d’ailleurs recommandée dans un rapport rédigé par Catherine Deroche et moi-même – sont des moyens reconnus pour dissuader de fumer nos concitoyens, notamment les plus jeunes d’entre eux ; nous avons tous en tête les 73 000 décès par an dus au tabagisme.

Deuxième réflexion : la France dispose de frontières ouvertes avec des pays qui jouissent d’une fiscalité sur le tabac bien inférieure à la nôtre. Baisse des ventes chez les buralistes ne signifie donc pas baisse de la consommation. Celle-ci s’explique aussi par le déport de l’achat de tabac du circuit officiel vers le marché noir ou, dans les départements frontaliers, vers des achats légaux à l’étranger. Le marché parallèle représente, selon le chiffre des douanes, 27 % du tabac consommé en France. Il serait impératif d’accélérer l’harmonisation fiscale européenne, mais les intérêts des pays sont très divergents. En revanche, la traçabilité des cigarettes de l’usine de fabrication jusqu’à la vente au consommateur final doit être mise en place. C’était un objectif du protocole de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, protocole adopté en 2012 à Séoul et élaboré avec le concours de 180 pays.

La hausse du prix du tabac doit être assortie d’un plan de lutte contre le marché parallèle, en liaison avec la gendarmerie, la douane, la police et la justice, sans oublier le contrôle des ventes sur internet. Aujourd’hui, en deux clics, me dit-on, il est possible de se faire livrer chez soi des cartouches de cigarettes de l’ancienne marque au paquet rouge.

Troisième réflexion : quelle place, quel rôle éventuel pour la cigarette électronique ? La vapoteuse ne peut-elle pas être envisagée comme un moyen d’arrêt du tabac ?

Quatrième réflexion : les mesures de prévention mises en place doivent être inventives, notamment en direction des jeunes. Là encore, il faut avoir les chiffres en tête : avec 40 % de fumeurs réguliers chez les 16-25 ans et 19 % chez les adolescents, la France est gravement touchée par ce problème du tabagisme des jeunes.

Cinquième et dernière réflexion – monsieur le président, je termine – : quelle diversification, quel avenir pour les 24 000 buralistes en France, dont 43 % sont implantés dans des communes de moins de 3 500 habitants ? Ils constituent encore ce qui est parfois l’un des derniers lieux de vie et de rencontre dans de nombreux villages et petites villes. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. On a bien vu que les interventions se regroupent et plaident toutes pour la prévention, l’accompagnement. J’irai moi aussi dans ce sens.

Le tabagisme est une question de santé publique et il est en effet important que l’on essaye de s’y atteler toujours et encore afin de dissuader au maximum nos concitoyens et nos concitoyennes.

Il me semble important de signifier que la fiscalité comportementale doit s’accompagner d’une politique de prévention ambitieuse pour obtenir des résultats en matière de santé publique. Il ne suffit pas, il est vrai, de le décréter. Il y a beaucoup de chemins pour y parvenir, d’autres l’ont dit avant moi.

Toutefois, nous émettons un doute sur les augmentations qui ont eu lieu sur le prix du paquet de tabac. En effet, d’après les études, elles ont un impact assez minime sur la consommation. C'est pourquoi il faut essayer de trouver des modes d’accompagnement. Que l’on ne se méprenne pas, je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas augmenter le prix du tabac, je dis qu’il faut multiplier les accompagnements !

Il me paraît aussi important, dans le cadre de cet accompagnement, de trouver des palliatifs et, pour ce faire, de penser à nos concitoyens les plus précaires et de réfléchir à un remboursement total par la sécurité sociale.

La consommation de tabac entraîne, cela a été dit, des dégâts, elle serait la cause de plus de 30 % des cancers et provoquerait également des maladies graves, telles les maladies respiratoires et cardiovasculaires. Pour ne pas plagier la contre-publicité, c’est vrai que le tabac nuit gravement à la santé. Nous devons donc nous emparer de ce dossier.

Il me semble que pour ce faire, il faut mettre à contribution les grands producteurs de tabac. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous allons soutenir un amendement proposé par nos collègues du groupe socialiste et républicain visant à augmenter la participation des fournisseurs de tabac au Fonds de lutte contre le tabac, organisme destiné à financer les actions d’information et de prévention du tabagisme.

À cette heure un peu tardive, je profite de mon intervention pour relayer une question qui nous a été posée et vous demander, madame la ministre, monsieur le ministre, de nous préciser si les cigares sont taxés à la même hauteur que les cigarettes. J’aimerais avoir quelques précisions.

Par ailleurs, il me semble aussi important que l’État fasse en sorte d’augmenter les moyens affectés aux services des douanes afin de lutter, comme cela a été dit par plusieurs de mes collègues, contre les marchés de contrebande qui distribuent des produits encore plus nocifs.

Je dirai, pour terminer, que nous allons nous abstenir sur cet article et nous inscrire contre les amendements qui ont été dictés par les lobbies du tabac.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le constat est clair. Notre pays a des spécificités en termes de consommation du tabac. D’abord, le tabagisme des jeunes et des adolescents défie toute concurrence. Ainsi, parmi les pays européens, nous sommes, me semble-t-il, proches de la Slovénie, c’est-à-dire que nous sommes avant-derniers en termes de prévalence du tabagisme des jeunes, avec un jeune sur trois qui fume quotidiennement et 250 000 adolescents qui entrent chaque année dans le tabagisme.

Autre spécificité française, le tabagisme des femmes. Dans ce domaine, nous enregistrons l’un des pires chiffres au monde. Une étude datant de quatre ans de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSSAET, montrait que dans notre pays, la prévalence du tabagisme chez les femmes de 20 à 50 ans était de l’ordre de 40 à 50 %, dont 40 % pour les femmes de 40 ans. On note une explosion – cela a été dit par M. le sénateur – des cancers liés au tabac chez la femme. À ce propos, je rappelle qu’il ne s’agit pas seulement du cancer du poumon : le tabac est aujourd'hui responsable de dix-sept localisations de cancers différents, dont le cancer du col de l’utérus, dont certaines leucémies, dont le cancer de la vessie, et j’en passe.

Cela induit également des décès cardiovasculaires. Chez la femme, en particulier, comme on pense rarement à l’infarctus, il est souvent diagnostiqué avec du retard, et elles en pâtissent. Il s’ensuit donc des décès inacceptables, 200 morts par jour, autant que dans un crash d’avion ! Il est aujourd’hui indispensable de prendre le taureau par les cornes.

Nous le savons, l’augmentation du prix du tabac est, au-delà de l’accompagnement dont nous allons évidemment parler, le meilleur levier existant. Nous n’allons pas nous limiter à l’augmentation du prix du tabac, qui est juste une mesure inscrite dans le PLFSS. Tout le reste suivra, bien entendu, mais l’augmentation du prix du tabac est le levier le plus efficace. Toutes les études internationales montrent que 10 % de hausse du prix du tabac aboutit à réduire de 4 % la prévalence du tabagisme. Tous les autres pays ont réussi ce virage. Au Royaume-Uni, où l’on trouvait voilà dix ans, comme en France, 30 % de fumeurs, il y a actuellement 17 % de fumeurs, alors que notre pays compte aujourd'hui toujours 32 % de fumeurs quotidiens.

Je rejoins ce que dit Mme Cohen pour considérer que la hausse du tabac en elle-même n’a pas d’impact si elle est filée. Les augmentations n’ont d’impact que si elles sont brutales et importantes. C'est la raison pour laquelle nous augmentons de 1 euro par an cette fiscalité liée au tabac. L’objectif, c’est de montrer aux fumeurs la détermination des pouvoirs publics et de leur donner le temps de s’engager, en trois ans, dans une démarche d’arrêt. En effet, on le sait, la plupart des démarches d’arrêt ne fonctionnent pas du premier coup. Il faut essayer à plusieurs reprises.

Ce que l’on n’a pas dit, c’est le coût sanitaire et le coût social du tabac. Il est évalué par la Cour des comptes en termes de coût social à 120 milliards d'euros par an, entre les pertes de vie, les arrêts de travail. Pour la sécurité sociale le coût du tabac est aujourd'hui de 26 milliards d’euros. Si on soustrait les taxes liées au tabac, cela fait un déficit pour les finances publiques de 13 milliards d'euros par an. Vous voyez l’enjeu pour les finances de la sécurité sociale.

Pour vous rassurer et parce que c’est important, je vous dresserai la liste de l’ensemble des mesures qui vont entourer l’augmentation du prix, qui n’est que le levier financier, budgétaire, dirais-je, du PLFSS.

Je laisserai Gérald Darmanin parler de la lutte contre la fraude et de l’accompagnement des buralistes.

Cela a été dit, nous allons également agir sur la traçabilité. Il est impératif que nous ayons des mesures de traçabilité très dures, sur lesquelles nous négocions aujourd’hui avec l’Union européenne dans le cadre de la préparation de la directive européenne qui doit être votée d’ici à la fin de l’année.

De plus, nous allons rédiger un deuxième plan national de réduction du tabagisme. Le premier, lancé en 2014, figurait dans le plan Cancer. Il va de soi que ce deuxième plan national de réduction du tabagisme empruntera la voie du marketing social. Conscients que les grandes campagnes d’information ne fonctionnent pas, nous devons travailler sur les réseaux sociaux à la dénormalisation de l’image du tabac dans la société, notamment vis-à-vis des jeunes.

À ce propos, et je rejoins complètement ce qui a été dit par Mme la sénatrice Grelet-Certenais sur le cinéma français, je veux que notre pays engage une action ferme sur le sujet. Je ne comprends pas l’importance de la place qu’occupe aujourd'hui la cigarette dans le cinéma français. Il se trouve que j’en ai parlé ce matin au conseil des ministres à Mme Françoise Nyssen pour l’alerter. Il y aura donc des mesures en ce sens, mais elles ne seront évidemment pas les seules.

Nous édicterons aussi des mesures d’interdiction de fumer devant les écoles et les lycées. De très nombreuses pistes seront présentées dans le cadre du programme national de santé publique sur lequel nous travaillons. Ce deuxième plan national de réduction du tabagisme visera notamment les personnes les plus vulnérables. On le sait, aujourd'hui, 50 % des chômeurs fument. On le sait aussi, les femmes enceintes françaises fument beaucoup trop. Nous prendrons des mesures dédiées à des publics cibles.

Enfin, cette hausse du tabac va permettre d’abonder, à hauteur de 130 millions d’euros par an environ, le Fonds de lutte contre le tabac, institué au sein de la CNAM. Grâce à cet apport, nous pourrons prendre des mesures d’accompagnement très incitatives vis-à-vis des fumeurs qui souhaitent s’arrêter et vis-à-vis des jeunes. Nous allons intensifier l’opération « mois sans tabac » et multiplier les lieux d’accueil des fumeurs afin de les aider à s’arrêter de fumer, notamment dans les lieux fréquentés par les publics vulnérables. Tout cela sera dévoilé au printemps. Je vais maintenant laisser la parole à Gérald Darmanin.