M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Retailleau, P. Dominati, Husson, Allizard et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bonne, Mme Bories, MM. Calvet, Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Dufaut et Duplomb, Mmes Duranton et Eustache-Brinio, MM. Forissier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Hugonet, Lefèvre et H. Leroy, Mme Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, MM. Mouiller, Nougein, Paccaud, Pemezec, Pierre et Pillet, Mmes Primas et Raimond-Pavero, MM. Reichardt, Revet, Savary et Schmitz, Mme Troendlé et M. Vaspart, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Vous avez déjà bien compris notre argumentation, monsieur le ministre, puisque nous l’avons exposée lors de la discussion générale : votre démarche est sincère, mais votre décision est injuste.
La franchise de votre propos et la sincérité de votre expression ne valent pas selon nous blanc-seing pour une décision dont nous répétons qu’elle est injuste pour les entreprises et qu’elle constitue un mauvais signe en début de quinquennat. Certes, comme vous l’avez rappelé, des mesures intéressantes de plus long terme sont prises. Néanmoins, comme l’a dit M. Benjamin Griveaux lors de son audition avant-hier par notre commission, dans les situations d’urgence, on prend souvent de mauvaises décisions. Il faisait référence à des lois d’urgence. Je me suis permis de lui répondre que, de la même manière, on pouvait estimer qu’une décision comme celle-ci, prise dans l’urgence, obéissait à la même logique.
Je vous laisse encore le bénéfice du doute, monsieur le ministre, mais je considère là encore que les entreprises ont besoin d’un cadre stabilisé. Or la première mesure que vous prenez est effectivement de rompre la trajectoire que vous avez proposée et que nous approuvons, c’est-à-dire l’allégement progressif de la charge pesant sur les entreprises, notamment la charge fiscale, de façon à permettre à notre économie et à nos entreprises de repartir, ce qui favorisera à la fois le développement économique, la croissance et l’emploi. C’est un très mauvais signe qui est donné à nos entreprises.
Vous nous avez également fait un procès d’intention, monsieur le ministre, en déclarant que vous ne nous entendez pas proposer d’alternative. Nous avions pourtant expliqué que d’autres solutions existaient. Le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, aurait pu rendre des arbitrages pour dégager ces 5 milliards d’euros par d’autres biais : vente de participations de l’État ou économies dans la dépense publique.
Certes, vous aviez peu de temps à la suite de la décision d’inconstitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel. Néanmoins, dès l’été, on savait déjà qu’un gros risque de censure existait. Simplement, nous ne connaissions pas l’ampleur de la somme à rembourser. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je partage bien évidemment le sentiment de Philippe Dominati et Jean-François Husson sur la charge qu’on fait peser sur les entreprises.
Fondamentalement, comme M. le ministre l’a reconnu très honnêtement, nous sommes tous, les uns et les autres, gênés par le fait que les contributeurs ne sont pas forcément ceux qui bénéficieront des remboursements. Dans un monde idéal, qui n’existe pas, nous aurions évidemment fait peser une taxe sur les entreprises concernées, mais ce n’est évidemment pas possible. Je pense en particulier aux groupes mutualistes, qui ont été cités, mais aussi à d’autres entreprises. Il y aura plus de perdants que de gagnants, même si je partage l’analyse de Philippe Dominati : au final, il y aura quand même en général des perdants.
Je conviens également que cette contribution représente un mauvais signal quant à la pente de baisse de l’impôt sur les sociétés qui a été annoncée.
Néanmoins, la commission des finances doit faire montre de responsabilité. Nous avons pris un engagement vis-à-vis de nos partenaires européens, celui de faire passer le déficit sous les 3 % de PIB. Or il faut avouer que les solutions techniques pour rester en dessous de ce seuil sont finalement très limitées.
C’est pourquoi j’ai déposé l’amendement n° 2, que j’ai déjà présenté au cours de la discussion générale, amendement qui tend à ramener l’effort à ce qui est strictement nécessaire en le divisant par deux. Par cohérence avec cet amendement, qui a été adopté par la commission, je demande le retrait du présent amendement au profit de celui de la commission.
J’ai bien entendu la réponse, voilà un instant, de M. le ministre ; nous ne révisons pas l’hypothèse de croissance, mais nous considérons qu’il y a une meilleure élasticité des recettes. Au final, selon nous, cela devrait permettre de demander moins aux entreprises tout en maintenant le déficit sous le seuil des 3 %. Je demande donc le retrait de cet amendement, tout en comprenant bien et en partageant largement l’intention de ses auteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il est défavorable pour les raisons que j’ai déjà explicitées. Je rappelle que l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence que le déficit public serait, en 2017, au-dessus de 3 % du PIB. Par conséquent, il serait impossible pour la France de sortir durant les années à venir de la procédure pour déficit public excessif ; elle est le dernier pays dans cette situation.
Tout cela n’est pas fait de gaîté de cœur, que M. Husson le sache. Croyez-moi, je me serais bien passé d’avoir à porter le fardeau de décisions qui entraînent une charge supplémentaire de cette ampleur pour les finances publiques. C’est pourtant mon rôle de ministre de l’économie et des finances de prendre les décisions nécessaires pour que les comptes soient bien tenus et que nos engagements européens soient respectés. C’est aussi ma responsabilité de le faire rapidement. En effet, ce projet de loi de finances rectificative est nécessaire aujourd’hui parce que, si les sommes ne sont pas reçues avant le 20 décembre, elles ne seront pas comptabilisées pour l’exercice 2017.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. J’ai exprimé tout à l’heure, lors de la discussion générale, la position de mon groupe : nous n’approuvons évidemment pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On peut comprendre les difficultés de M. le ministre dans cette situation. Il est vrai que, lors de l’audition de M. Griveaux avant-hier, nous lui avons posé différentes questions tout à fait légitimes ; on peut difficilement comprendre comment on en est parvenu à une telle situation. Nous avons également évoqué la qualité de notre haute administration.
Cependant, lors de la réunion de la commission des finances, le rapporteur général a lui aussi donné sa position. Le monde économique est fortement concerné – 319 entreprises – et, en particulier, les groupes mutualistes. Nous sommes face à un dilemme.
À titre personnel, je partage d’une certaine manière les motivations de cet amendement. Néanmoins, par souci de cohérence avec la réduction du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, je m’abstiendrai.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 194 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 4, présenté par M. Longuet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
euros
insérer les mots :
et dont le résultat fiscal cumulé de 2012 à 2017 est bénéficiaire, soit en cumul à l’issue de la période couverte par la taxe instaurée par l’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012,
II. – Alinéa 5
Après le mot :
euros
insérer les mots :
et dont le résultat fiscal cumulé de 2012 à 2017 est bénéficiaire, soit en cumul à l’issue de la période couverte par la taxe instaurée par l’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012,
III. – Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le critère relatif aux résultats fiscaux positifs mentionné aux premiers alinéas des I et II s’applique au niveau du résultat fiscal d’ensemble sur la période de cinq ans concernée.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement a pour objet de rappeler que nous sommes dans une situation paradoxale. Les entreprises qui ont payé l’impôt censuré par le Conseil constitutionnel sont sollicitées de nouveau et ont, pour la plupart d’entre elles, accepté – on ne paye jamais l’impôt avec enthousiasme – qu’il fallait faire cet effort.
Vous avez, monsieur le ministre, engagé une négociation sur la base d’une répartition moitié-moitié. Seulement, s’il y a la moitié incombant à l’État, il y a aussi celle qui est imposée aux entreprises. Or vous ne reconstituez pas en son sein – sans doute était-ce difficile de le faire – la catégorie de celles qui, ayant payé, auront le bonheur d’être peu ou prou remboursées. Vous créez en revanche une nouvelle catégorie : celles des entreprises qui, se trouvant en situation économique difficile, n’ont pas distribué de dividendes et n’ont pas réalisé de bénéfices pour réinvestir, qui ont donc été, malgré elles, épargnées par cet impôt et qui sont aujourd’hui sollicitées pour concourir à cette contribution alors que, pour beaucoup d’entre elles, de 2012 à 2017, leurs résultats cumulés ne sont pas bénéficiaires. Seule l’année 2017 pourrait l’être.
Cet amendement a pour objet d’appeler votre attention sur cette injustice : certaines sociétés ne toucheront rien, mais sont sollicitées pour un effort qu’en tout état de cause elles n’auraient pas pu assumer. Je le fais en élu lorrain, puisque tel est particulièrement le cas des entreprises sidérurgiques, dont les activités sont fortement cycliques et qui ont traversé une période extraordinairement difficile pendant laquelle elles se sont efforcées de maintenir à la fois l’emploi et l’outil de production. Retrouvant aujourd’hui une petite prospérité, elles se trouvent frappées sans bénéficier d’aucun remboursement, puisque l’impôt ne les a pas touchées : elles n’étaient pas en mesure à l’époque de distribuer de dividendes puisqu’elles ne réalisaient aucun profit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends très bien l’analyse de Gérard longuet, mais deux difficultés apparaissent.
Sur la forme d’abord, un problème de rédaction se pose. (M. Gérard Longuet acquiesce.) En effet, avec l’expression « en cumul à l’issue de la période couverte par la taxe instaurée par l’article 6… », on établit un lien avec la taxe qui a été censurée. Dès lors, on risque une nouvelle censure. La solution proposée par le Gouvernement a l’avantage de la simplicité : elle ne crée aucun lien avec l’ancienne taxe et évite ainsi le risque constitutionnel qui est maintenant très clairement identifié.
Sur le fond ensuite, ce que souhaite Gérard Longuet me semble déjà satisfait par le dispositif du Gouvernement. Les règles de droit commun apportent en effet une solution au problème qu’il a soulevé : peut-être le ministre nous apportera-t-il des éclaircissements sur ce point, mais les règles de report des résultats cumulés devraient s’appliquer.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux saluer la volonté de Gérard Longuet de tenir compte de la situation économique des entreprises, ce sur plusieurs années.
Comme l’a très bien expliqué le rapporteur général, en créant un lien avec la précédente taxe, nous courons un risque fort d’inconstitutionnalité. Or je ne veux prendre aucun risque de cette nature. C’est d’ailleurs ce qui m’a amené à refuser le plafonnement, alors que, du point de vue de la justice fiscale, un tel élément aurait été efficace. Ce faisant, nous aurions encouru une annulation par le Conseil constitutionnel de toute la recette, ce qui aurait de nouveau mis les finances publiques dans une situation très difficile.
En revanche, pour ce qui est du report des exercices défavorables, je vous confirme que cette possibilité reste ouverte et permettra à des entreprises qui ont été déficitaires cette année de reporter ce déficit sur leurs exercices dans le cadre du droit fiscal commun.
M. le président. Monsieur Longuet, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
et jusqu'au 30 décembre 2018
L'amendement n° 6, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer l’année :
2018
par l’année :
2020
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter ces deux amendements.
M. Pascal Savoldelli. Ces deux amendements visent à prolonger la perception de la contribution exceptionnelle, eu égard à la situation des comptes publics. C’est une question de cohérence.
Nous souhaitons ainsi que soit pérennisée la majoration de l’impôt sur les sociétés. Je rappelle que l’on vient de demander 4,5 milliards d’euros à des entreprises qui ont tout de même cumulé 1 620 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 45 milliards d’euros de bénéfice fiscal !
M. Jean-François Husson. Cela ne veut rien dire !
M. Pascal Savoldelli. Relativisons : elles ne sont tout de même pas sur la paille !
Par ailleurs, on a accordé aux entreprises près de 50 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales et 27 milliards d’euros dans le cadre du CICE.
Il va falloir un jour rendre des comptes au monde du travail. Le capital existe aussi parce que des millions de femmes, d’hommes, de jeunes travaillent ; il n’y a pas que le travail abstrait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements participent de la même philosophie : ils visent à étendre cette contribution exceptionnelle le premier jusqu’en 2018, le second jusqu’en 2020. Cela va totalement à l’encontre de ce prévoit le projet de loi de finances pour 2018, à savoir la baisse annoncée de l’impôt sur les sociétés.
La contribution que nous créons au cours de cette soirée un peu singulière est tout à fait exceptionnelle. En anglais, on dirait one shot. N’en parlons plus. Nous n’avons surtout pas envie de prolonger l’exercice et de maintenir en France un taux élevé d’impôt sur les sociétés, qui – les uns et les autres l’ont rappelé – est parmi les plus forts en Europe.
Par conséquent, la commission est très défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je me suis exprimé à ce sujet en commission des finances, mais j’aimerais que celle-ci, avec le concours de vos services, monsieur le ministre, explore les mécanismes de la dette privée en France.
En effet, dans la mesure où l’on fait beaucoup de comparaisons entre les dettes publiques des États de l’Union européenne, il me semble opportun que l’on examine les mécanismes de la dette privée de chaque pays européen. J’ai commencé à le faire : les chiffres sont assez surprenants, surtout quand il s’agit de pays auxquels on compare souvent la France – je pense à l’Allemagne où, qu’on le veuille ou non, le patronat a été moins aventureux qu’ailleurs.
La dette privée, nous la payons ! L’État la paye, monsieur le ministre, vous le savez très bien. C’est une question importante, même si, à cette heure, c’est une digression. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le pourcentage :
15 %
par le pourcentage :
7,5 %
II. – Alinéa 6
Remplacer le pourcentage :
15 %
par le pourcentage :
7,5 %
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une élasticité des recettes de 0,1 point supérieure à ce qui est prévu entraînerait 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Cela permettrait de diminuer d’autant la contribution et de la diviser par deux.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé tout à l’heure que cette contribution porterait sur l’exercice 2018. Je ne lis pas de la même manière la lettre que vous avez adressée à la Commission européenne : vous y faites bien référence aux derniers encaissements comptables recueillis à la fin du mois de septembre, c'est-à-dire à l’actualité immédiate.
S’il y a de meilleurs encaissements, une meilleure élasticité des recettes, cela devrait se traduire par un surcroît des recettes. Une élasticité des prélèvements obligatoires de 0,1 point représente 2,5 milliards d’euros. Cela signifie que le taux de la contribution devrait passer de 15 % à 7,5 % et que l’on demande aux entreprises non pas 5 milliards d'euros, mais 2,5 milliards d'euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce qui nous est proposé là, c’est un pari. Connaissant le rapporteur général, c’est évidemment un pari raisonnable, réfléchi et sage, mais cela reste un pari. Or nous ne pouvons pas nous le permettre et considérer que l’élasticité sera suffisante pour passer sous les 3 %.
C’est pour cela que, tout en saluant le caractère imaginatif et réfléchi de cette proposition, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Il s’agit là d’un amendement de fond, important et intéressant, mais contre lequel nous voterons, et ce pour trois raisons.
Premièrement, si les prévisions de l’INSEE sont de 1,8 %, celles de l’Union européenne restent à 1,7 % et celles du FMI à 1,6 %. Une prévision de 1,7 % me paraît donc toujours raisonnable et prudente.
Deuxièmement, nous avons réfléchi à la façon dont nous élaborons la loi, lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. Je trouve donc paradoxal de vouloir, à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative d’urgence, très particulier et avec un objet unique, revoir les hypothèses de croissance. Ce n’est vraiment pas le lieu !
Troisièmement, s’il y a de bonnes nouvelles, comme une meilleure croissance que prévu, elles peuvent être utilisées à meilleur escient.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Monsieur le rapporteur général, comme l’a bien rappelé M. le ministre, ce n’est pas une question d’équilibre ou de risque, ce n’est pas non plus une discussion de boutiquiers : c’est un problème d’éthique. Nous étions contre cette taxe il y a cinq ans, voilà la réalité. Je ne sais pas si cinq ans de socialisme ont fait évoluer la vision que vous pouvez avoir sur cette taxe.
Toujours est-il qu’il ne s’agit pas de ne prendre que la moitié de la pénalité qui frappe ces entreprises et le monde économique. Il ne s’agit pas non plus de savoir si, lorsque l’État est responsable d’une faute avérée, le financement de celle-ci est automatiquement assuré par moitié ou par tiers, que cela concerne les entreprises, les individus ou les familles.
Vous êtes là en train d’établir un principe comptable : à partir du moment où il y a faute et que l’État le reconnaît, le financement est assuré automatiquement par moitié. Ce n’est pas ainsi que le groupe Les Républicains analyse la situation et c'est la raison pour laquelle il votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Nous voterons également contre cet amendement, assez antinomique avec le projet de loi de programmation des finances publiques qui vient d’être adopté. Sur votre initiative, monsieur le rapporteur général, nous avons adopté un amendement prévoyant que, si bonnes nouvelles il y avait, elles devaient être consacrées d’abord à la baisse de la dette. Or, à la première occasion, vous proposez une utilisation différente de cet argent !
M. Gérard Longuet. C’est une dette en moins !
M. Claude Raynal. Je veux être en phase avec ce que vous avez proposé, monsieur le rapporteur général… (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, nous sommes face à un problème de finances publiques. La solution qui est proposée n’est pas satisfaisante, brillante ou équitable, mais il nous faut être réalistes et, si l’élasticité permet de dégager 2,5 milliards d’euros supplémentaires de recettes et que celles-ci sont affectées au désendettement de notre pays, cela me semble répondre à l’intérêt général.
Je défends très souvent les entreprises, non par principe, mais parce qu’elles sont à mon sens le moteur de notre économie et même de la solidarité nationale.
Dans le cas qui nous occupe, les entreprises payent plus d’un milliard d’euros d’impôt. Certaines – quelquefois même des grandes entreprises – peuvent être dans des situations difficiles, mais la base, c’est l’impôt sur les sociétés. Si les entreprises réalisent un résultat imposable moindre, leur contribution sera relativement faible, fût-elle majorée d’un certain nombre de points.
Pour la plupart de ces structures, contrairement à nombre de PME, le taux réel d’imposition sur les sociétés n’est pas de 33 % : il oscille très souvent entre 5 % et 20 %, à partir du moment où elles dégagent un chiffre d’affaires de 1 milliard ou de 3 milliards d’euros. (M. Philippe Dominati s’exclame.)
De plus, certains crédits d’impôt permettent d’échapper à la base imposable. C’est le cas du CICE – une erreur du gouvernement précédent –, ce qui pose des problèmes dans sa transformation en charges sociales, ou du crédit d'impôt recherche.
D’une certaine manière, ce que l’on va reprendre aujourd’hui de façon ponctuelle a déjà été financé par des avantages fiscaux de l’État.
Même si, sur le principe, je comprends tout à fait les arguments développés par le rapporteur général, il nous faut nous en tenir à la proposition du Gouvernement et nous montrer pragmatiques, d’autant que le Gouvernement a pris l’engagement de baisser l’impôt sur les sociétés pour le ramener de 33 % à 25 % – j’espère qu’il s’y tiendra, sinon, nous le lui rappellerons. C’est tout de même le premier à prendre une telle initiative depuis une vingtaine d’années.
Essayons de lui faciliter les choses pour qu’il atteigne ses objectifs européens de passer sous la barre des 3 % de déficit public et de réduire la dette publique. C’est pourquoi nous devons le soutenir dans sa démarche de récupérer 5 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. La disposition prévue par cet amendement ouvre un débat intéressant. Néanmoins, je tiens à rappeler à mon tour que l’une de nos priorités fortes, c’est de réduire les déficits et la dette publique.
Par ailleurs, cette contribution exceptionnelle s’adresse à des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard ou 3 milliards d’euros et l’essentiel de la recette est concentré sur des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 14 milliards d’euros. En outre, cette contribution ne s’applique que sur les bénéfices et pour une année.
Par conséquent, il faut s’en tenir à la proposition du Gouvernement, si l’on veut être dans une logique de non-dégradation du déficit public.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Pour ma part, je défends la proposition du rapporteur général.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que c’est un pari. Oui ! Mais vous avez une marge de manœuvre, ce sont les participations de l’État. L’État est un actionnaire extrêmement important dans notre pays et, comme pour tous les propriétaires, le rôle d’un patrimoine, c’est d’amortir les coups durs.
Nous vivons un coup dur, dont vous n’êtes pas responsable et dont la faute incombe au gouvernement précédent que – si ma mémoire est bonne –, comme moi, vous combattiez.
Aujourd'hui, il faut tirer un trait sur le passé. Jouons donc l’avenir avec les promesses de développement et de croissance que vous annoncez à travers un certain nombre de réformes qu’à titre personnel, et comme l’ensemble du groupe Les Républicains, je soutiens.
Le rapporteur général propose un compromis. C’est d’ailleurs bien cela qu’avec cette contribution exceptionnelle vous avez conclu avec les entreprises : le remboursement incombera pour moitié à elles, pour moitié à la dépense publique. Là, il s’agit d’un compromis de plus : pour ce qui concerne la dépense publique, une moitié serait financée par des allégements du patrimoine de l’État, qui est actionnaire dans des conditions parfaitement inutiles de toute une série de réussites industrielles. Cette réserve interviendra si le nouveau pourcentage que propose le rapporteur général n’est pas suffisant.