M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Raynal, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
Est approuvé le
par les mots :
Il est donné acte du
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Ce matin, lors de la discussion générale, j’ai évoqué l’objet de cet amendement. L’article 1er du projet de loi vise à « approuver » un rapport annexé, qui fait notamment état des engagements de la France. Nous proposons de substituer l’expression donner acte à ce terme d’approuver.
Néanmoins, lorsque cet amendement a été étudié en commission des finances, j’ai compris que la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques emploie bien le terme d’approbation.
C’est pourquoi, à ce stade, je maintiens cet amendement, mais après les explications du rapporteur, je crois que je serai amené à le retirer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur. La commission des finances invite en effet les auteurs de cet amendement à le retirer, puisque la loi organique parle bien d’une « approbation » du rapport annexé. « Donner acte » serait contraire à cette disposition, c’est la raison pour laquelle la commission a souhaité le retrait de cet amendement. Je vois M. Carcenac hocher la tête, ce qui semble vouloir dire qu’il me donne acte de cette explication et qu’il va retirer cet amendement, et je l’en remercie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Carcenac, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
M. Thierry Carcenac. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’ensemble constitué par l’article 1er et le rapport annexé.
(L’article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
Chapitre Ier
Les objectifs généraux des finances publiques
Article 2
L’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné au b du 1 de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012, est fixé à -0,4 % du produit intérieur brut potentiel.
Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation, décrits dans le rapport mentionné à l’article 1er de la présente loi, l’objectif d’évolution du solde structurel des administrations publiques, défini au rapport annexé à la présente loi, s’établit, conformément aux engagements européens de la France, comme suit :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
||||||
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Solde structurel |
-2,2 |
-1,6 |
-1,0 |
-0,4 |
-0,4 |
-0,4 |
Ajustement structurel |
0,2 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,0 |
0,0 |
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 43, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
l’objectif d’évolution
par les mots :
l’évolution
2° Supprimer les mots :
, conformément aux engagements européens de la France,
III. – Alinéa 3, tableau, cinq dernières colonnes
Rédiger ainsi ces colonnes :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
-2,1 |
-1,8 |
-1,6 |
-1,2 |
-0,8 |
0,1 |
0,3 |
0,3 |
0,4 |
0,4 |
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement tend à revenir au texte initial du projet de loi, il est donc contraire à la position de la commission. Un tel retour n’est pas souhaitable, c’est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Après la brillante argumentation de M. le sénateur Richard (Sourires.), l’avis du Gouvernement ne peut qu’être favorable.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le Gouvernement n’aurait-il pas inspiré cet amendement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Pas du tout ! Le droit d’amendement est une liberté des parlementaires, monsieur le rapporteur…
En tout cas, cet amendement vise à revenir à la prospective voulue par le Gouvernement, et j’y suis donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote sur l’article 2.
M. Thierry Carcenac. L’article 2 prévoit notamment une trajectoire des finances publiques atteignant un solde structurel à moyen terme de 0,4 % du PIB en 2023. La majorité de la commission des finances a modifié cette trajectoire, afin que celle-ci soit conforme à nos engagements européens, ce qui signifie, en langage clair, une lourde aggravation de la baisse des dépenses publiques.
Pourtant, l’effort demandé par le texte initial nous semble déjà très significatif. En outre, comme la majorité sénatoriale le sait fort bien, le volet préventif du pacte de stabilité offre des souplesses, dont la France a déjà bénéficié.
Surtout, nous aimerions connaître la nature des économies que cette proposition de la majorité sénatoriale entraîne. Faut-il rappeler qu’un ajustement structurel annuel de 0,6 % de PIB représente plus de 2 milliards d’euros d’économies à réaliser par an ?
Pour ces raisons, de forme comme de fond, nous ne voterons pas cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation mentionnée à l’article 2 :
1° L’évolution du solde public effectif, du solde conjoncturel, des mesures ponctuelles et temporaires, du solde structurel et de la dette publique s’établit comme suit :
(En points de produit intérieur brut) |
|||||||
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
||
Solde public effectif (1 + 2 + 3) |
-2,9 |
-2,6 |
-3,0 |
-1,5 |
-0,9 |
-0,2 |
|
Solde conjoncturel (1) |
-0,6 |
-0,4 |
-0,1 |
0,1 |
0,3 |
0,6 |
|
Mesures ponctuelles et temporaires (2) |
-0,1 |
-0,1 |
-1,0 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
|
Solde structurel (en points de PIB potentiel) (3) |
-2,2 |
-2,1 |
-1,8 |
-1,6 |
-1,2 |
-0,8 |
|
Dette des administrations publiques |
96,8 |
96,8 |
97,1 |
96,1 |
94,2 |
91,4 |
; |
2° L’évolution du solde public effectif, décliné par sous-secteur des administrations publiques, s’établit comme suit :
(En points de produit intérieur brut) |
||||||
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Solde public effectif |
-2,9 |
-2,6 |
-3,0 |
-1,5 |
-0,9 |
-0,2 |
Dont : (ligne supprimée) |
||||||
- administrations publiques centrales (ligne supprimée) |
||||||
- administrations publiques locales (ligne supprimée) |
||||||
- administrations de sécurité sociale (ligne supprimée) |
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les différents secteurs et sous-secteurs des administrations publiques concourent, à raison de leurs besoins et capacités, à l’atteinte des objectifs fixés à l’article 2.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. S’il fallait trouver une inspiration à notre amendement sur cet article 3, nul doute qu’elle trouverait sa place dans une certaine sécheresse statistique… On nous parle d’un effort structurel d’un dixième de point de PIB – c’est peu mais représente quelque chose comme plus ou moins 2 milliards d’euros –, puis de deux dixièmes, soit 4 milliards d’euros. Et quand on arrive à huit dixièmes, on se retrouve alors avec un effort de 16 milliards à 17 milliards d’euros !
Je dois rappeler que l’hôpital public et la sécurité sociale, qui vont largement contribuer, vont atteindre l’objectif à moyen terme.
Sur la période sous revue, ce sont donc 2,1 % de PIB qui vont être extorqués aux budgets locaux et rien de moins que 3,9 % aux finances sociales, c’est-à-dire au total 6 % de PIB. Quelque chose comme 120 milliards d’euros de dépenses publiques va ainsi être économisé.
Vous avez déjà entendu mon point de vue sur la question de la dépense publique. Et pourquoi faites-vous tout cela ? Pour prendre en charge les 16 milliards d’euros – en valeur 2018 – de la suppression de l’ISF et de la déflagration de la bombe à retardement que constitue le prélèvement forfaitaire unique.
Pour supporter, en 2019, le poids de la transformation du CICE en allégements de cotisations sociales pérennes, on vient préempter dangereusement les quelques recettes supplémentaires escomptées de la croissance, que je qualifierais de molle, inscrite dans le cadre macroéconomique du projet de loi.
Enfin, pour s’acquitter du tribut de notre pays, on ne manquera pas de payer les marchés financiers, notamment si les taux d’intérêt à moyen et long termes connaissent une petite poussée de fièvre.
Au total, l’article 3 signifie moins de service public local et quelques déserts médicaux en plus, en échange de superbes cours de bourses et de juteux dividendes.
Tel est, dans les grandes lignes, le sens de l’amendement que nous avons déposé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement est bien sûr contraire à la position adoptée par la commission des finances.
Il est vrai que nous avons souhaité supprimer la déclinaison par sous-secteurs. En effet, nous avons estimé que l’effort demandé aux collectivités et la contribution des administrations de sécurité sociale au budget de l’État étaient excessifs.
Néanmoins, supprimer complètement la trajectoire de redressement du solde de l’ensemble des administrations publiques, comme le prévoit cet amendement, serait inacceptable et ôterait tout intérêt à la loi de programmation.
C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Si le raisonnement développé par M. Savoldelli peut être entendu in abstracto, il n’a finalement pas beaucoup de sens, puisque c’est l’État qui supporte l’essentiel du déficit. En fait, les transferts entre secteurs – État, sécurité sociale et collectivités locales – sont très importants.
Je n’ai pas encore entendu de critique sur le fait que le déficit de l’État augmente, alors que toutes APU le déficit de notre pays diminue, mais il faut bien comprendre que l’État supporte ce déficit à plus de 80 %.
Il ne serait donc ni juste ni logique que votre assemblée adopte cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je prends la parole sur cet amendement, mais je vais m’exprimer sur l’ensemble de la problématique.
Monsieur le ministre, vous disiez en introduction que beaucoup souhaitent ici que vous fassiez plus de restrictions, mais pour ma part, je vous appelle, avec d’autres collègues, à en faire moins !
La société du risque que vous appelez de vos vœux est déjà là. Pour les classes populaires et les classes moyennes, le risque est permanent, omniprésent, qu’il soit lié au déclassement ou à la précarité ; il peut être fatal pour ces populations, mais celui que vous appelez de vos vœux pour les plus aisés est faible : perdre un peu quand on a beaucoup !
En comparaison, pour nombre de Français, le seul amortisseur du risque, ce sont les services publics. Pour les solidifier, puisque nous sommes sortis du déficit excessif, il faut actionner tous les leviers à notre disposition, mais il ne faut évidemment pas réduire l’ISF ou, comme vous le faites, accorder des cadeaux.
Il faut, au contraire, remettre en cause le calcul du déficit structurel, qui nous est défavorable – contrairement à celui du FMI, qui l’est moins – et actionner les clauses de flexibilité, telles que celle qui concerne la non-prise en compte des dépenses de défense. Je rappelle que ces dépenses comptent pour 15 % des crédits de paiement du projet de loi de finances pour 2018.
Si nous retirions du calcul le budget de la défense et si nous n’appliquions pas une politique fiscale si injuste, alors il serait beaucoup plus aisé de rentrer dans les objectifs du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG.
Vous allez me dire que je veux dépenser de l’argent que nous n’avons pas.
M. Vincent Delahaye. Oui !
Mme Sophie Taillé-Polian. C’est pourtant ce qui a été fait entre 2007 et 2012, période où le déficit de la France a dérapé jusqu’à 5 % et où le taux d’endettement a grimpé de 25 %.
Je crains, en outre, que vous-mêmes ne dépensiez un argent que vous n’avez pas, puisque, à ma connaissance, il n’a pas été répondu aux inquiétudes soulevées par l’économiste Gabriel Zucman, qui estime à environ 10 milliards d’euros supplémentaires par an le coût du prélèvement forfaitaire unique que vous proposez. Évidemment, ce coût n’a pas été intégré à votre prospective.
Des réponses seront peut-être apportées à toutes ces questions durant le débat et, en ce qui concerne l’amendement, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 5, tableau, quatre dernières lignes
Rétablir ces lignes dans la rédaction suivante :
Dont : |
||||||
– administrations publiques centrales |
-3,3 |
-3,3 |
-4,0 |
-2,7 |
-2,4 |
-1,9 |
– administrations publiques locales |
0,1 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
0,6 |
0,8 |
– administrations de sécurité sociale |
0,2 |
0,5 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. On le voit bien, le désaccord entre la majorité de la commission, d’une part, et le Gouvernement et nous-mêmes qui le soutenons, d’autre part, porte en réalité sur la crédibilité de l’exercice.
La France est en situation de déficit excessif au sein de l’Union européenne depuis plus d’une décennie. Le consensus est tout de même assez large, parmi les responsables politiques, pour faire en sorte que nous sortions vraiment de cette situation, c’est-à-dire que nos engagements publics pris par voie législative soient clairs pour tous nos partenaires et pour la Commission européenne.
Brouiller le tableau macroéconomique, en ne souhaitant plus préciser qui assume quelle part de la modération des dépenses et de la lutte contre les déficits, ce n’est évidemment pas faciliter cette négociation de sortie du déficit excessif, dont, me semble-t-il, nous souhaitons tous l’aboutissement.
Bien entendu, et en particulier dans cette assemblée, le wishful thinking – pardonnez-moi l’incursion dans le franglais – consiste à dire que le maximum d’économies doit être réalisé par l’État et le minimum par les collectivités territoriales. Mais toutes nos expériences, dont certaines sont récentes et déplaisantes, montrent que les politiques d’économies menées par l’État ont généralement une répercussion – plutôt incommode – défavorable aux collectivités territoriales.
Par conséquent, l’idée selon laquelle l’État disposerait de marges énormes et pourrait, en appuyant sur un bouton, dégager des économies considérables alors que les collectivités territoriales sont à l’os – je me rends compte qu’en disant cela, je risque d’apparaître comme un sénateur pas tout à fait digne de l’appellation contrôlée – me paraît tout simplement inexacte !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission des finances, qui approuve globalement la trajectoire retenue, a choisi de supprimer la déclinaison par sous-secteurs, et ce pour deux raisons.
D’une part, j’ai bien entendu l’appel à la clarté que M. Alain Richard vient de lancer, mais le montant des transferts entre l’État et la sécurité sociale n’est absolument pas documenté. Nous ne disposons d’aucune précision à ce sujet !
D’autre part, si l’on peut souscrire à l’exercice s’agissant des collectivités territoriales, celui-ci doit être honnête. Or le même tendanciel n’est pas pris pour l’État et pour les collectivités locales, comme cela sera démontré au moment de l’examen de l’article 10. En corrigeant le tendanciel, nous obtenons un effort demandé aux collectivités bien supérieur à ce que la loi exige.
Voilà pourquoi la commission des finances a, en quelque sorte, corrigé l’exercice et supprimé la déclinaison par sous-secteurs.
Cet amendement, tendant à rétablir le texte dans sa rédaction initiale, est évidemment contraire à sa position, et l’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je voudrais compléter les propos que j’ai pu tenir, ce matin, lors de la discussion générale.
Je n’ai pas insisté, à cette occasion, sur la répartition des efforts entre l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales, mais nous savons tous, ici, que celles-ci ont été extrêmement sollicitées au cours des dernières années.
L’examen du tableau qu’il nous est proposé, à travers cet amendement, de rétablir montre que l’on essaie, grâce à la sécurité sociale et aux collectivités locales, d’atteindre en cinq ans une situation d’équilibre, objectif au demeurant totalement illusoire. Nous pouvons prendre rendez-vous pour dans quatre ans, afin de dresser le bilan avant l’achèvement du quinquennat, mais, pour ma part, je pense que cette échéance ne sera pas respectée. Elle devrait être plus longue.
Il faut tout de même rappeler que les collectivités territoriales ont une règle d’or. J’aimerais bien que celle-ci s’applique aussi à l’État !
Les collectivités locales doivent avoir plus de recettes que de dépenses et l’excédent qui en découle doit permettre de rembourser le capital de la dette. Il s’agit là, déjà, d’une règle d’or que je qualifierais de majeure.
En définitive, ce que l’on appelle le déficit des collectivités territoriales, c’est ce que ces dernières doivent emprunter. La seule contrainte qu’on devrait leur imposer devrait donc porter sur l’endettement, et pas forcément sur la réduction des dépenses.
Que l’État limite ses dotations aux collectivités en fonction de l’évolution de ses propres dépenses, cela me semble justifié. Le reste ne l’est pas vraiment !
Je souhaiterais donc que l’État réalise des efforts bien plus importants que ceux qui sont aujourd’hui proposés.
J’ai bien conscience que nous sommes en début de quinquennat et que des réformes sont annoncées, dont on ne connaît pas encore le résultat. Mais s’il peut être concevable que les efforts en termes d’économies ne soient pas encore traduits dans le projet de loi de finances pour 2018, ils devraient être mentionnés beaucoup plus clairement dans les perspectives à plus long terme. Or aujourd’hui, ils ne sont pas documentés.
Prévoir une répartition telle que, en définitive, le budget de l’État se retrouve équilibré grâce aux collectivités locales et à la sécurité sociale me semble anormal. Ce n’est pas juste, et absolument pas équilibré.
Je préfère donc en rester à la version de la commission. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. La question soulevée par l’amendement de M. Alain Richard – et à travers votre intervention, monsieur Delahaye – est tout à fait intéressante.
Elle appelle quelques brefs commentaires de ma part.
Premier point, je suis toujours un peu étonné par certaines distinctions, qui laisseraient penser qu’il existe une nette et profonde différence entre l’État, les collectivités locales et la sécurité sociale.
Certes il y a des transferts, et l’on peut se poser la question, comme M. le rapporteur l’a fait, de l’exactitude de ces transferts.
D’ailleurs, à la demande de certains membres de l’Assemblée nationale – Mme Valérie Rabault et M. François Pupponi, notamment –, j’ai donné mon accord, et je suis le premier ministre des comptes publics à l’avoir fait, à l’élaboration d’un rapport portant sur l’exact montant des transferts entre l’État et les collectivités locales. Si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le ferai parvenir.
Désormais, un rapport est donc établi en toute objectivité par le Gouvernement – il met en lumière un certain nombre de problèmes, mais permet aussi de mettre fin à certains fantasmes – et je suis parfaitement prêt à mener de telles « opérations vérité ».
Cela étant, le fait qu’il existe un transfert entre la sécurité sociale et l’État n’a rien d’anormal et in fine ce sont les Français qui payent ou qui font des économies.
C’est bien le même budget, toutes administrations publiques confondues, qui est examiné par la Cour des comptes ou encore par la Commission européenne et qui, en définitive, est soumis à l’opinion publique.
Il convient donc d’éviter d’établir des distinctions un peu trop politiques et de nous rejeter mutuellement la faute.
Deuxième point, le sénateur Alain Richard a, me semble-t-il, parlé d’or lorsqu’il a évoqué les conséquences, pour les territoires, des efforts menés par l’État afin de dégager des économies ou tenter de diminuer la dépense publique.
Ces mêmes territoires, alors que leurs représentants demandent à l’État de faire plus d’économies, se plaignent de devoir faire ce que l’État ne fait plus. Avouons-le, nous sommes parfois confrontés à une difficulté de compréhension de la complexité du monde.
Troisième point, monsieur Delahaye, je n’ai pas bien compris quelles pistes vous proposiez pour dégager des économies…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il y aura des amendements !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends bien, monsieur le rapporteur, et je ne voudrais pas vous provoquer inutilement, mais il faudra qu’il y ait correspondance avec les baisses envisagées de dépenses publiques.
D’ailleurs, il me semble avoir constaté une légère contradiction entre ce que vous avez très courageusement évoqué, à l’instar, d’ailleurs, de M. Gilles Carrez à l’Assemblée nationale – honneur lui en soit rendu –, et les demandes sectorielles. On va être pour la baisse de la dépense publique en général, et ne plus l’être du tout dès lors qu’on va considérer la question thématique par thématique. C’est un peu étonnant !
Ainsi, le sénateur Jean-François Rapin, pour qui j’ai beaucoup d’estime et d’amitié, a expliqué qu’aucune réforme structurelle n’était menée, en particulier dans le secteur du logement. Il me semble pourtant qu’il y en a une en cours, qu’elle est même d’ampleur et contestée, en partie, par cette assemblée !
Quatrième point, il n’est pas juste de dire que les collectivités locales ont freiné leurs dépenses. Sur une période longue, de 1983 jusqu’à ce jour, leurs dépenses ont très fortement augmenté.
M. François Bonhomme. Et le rapport de la Cour des comptes ?
M. Gérald Darmanin, ministre. La politique consiste non pas à décrire une opinion, mais à essayer de décrire une vérité, que l’on pourra, ensuite, discuter et interpréter.
Depuis 1983, 60 % des augmentations de dépenses publiques sont dues à la décentralisation, contre 40 % qui n’ont rien à voir avec cette évolution. On pourrait d’ailleurs porter ces augmentations au crédit de l’État puisque c’est lui qui décentralise… Cela signifie non pas que les collectivités locales dépensent mal, mais simplement qu’elles dépensent aussi !
La baisse de 1,7 % des dépenses mentionnée dans le dernier rapport de la Cour des comptes s’inscrit, vous le savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un cycle électoral tout à fait compréhensible. Mais il est vrai que l’on a pu assister, par le passé, à une baisse des dotations aveugle et, selon moi, un peu absurde, qui a découragé l’investissement local et n’a favorisé ni la discussion ni le bon ordre de nos finances publiques.
Je ne cherche pas de responsables ! Il vient un moment où lorsqu’on n’est plus ministre, on est parlementaire et lorsqu’on n’est plus parlementaire, on est élu local… Chacun a donc peut-être, dans cette histoire, une petite part de responsabilité.
Il n’empêche que nous dépensons beaucoup trop et que chacun doit apporter sa contribution, à proportion de sa part dans la dépense publique. C’est ce que nous proposons.
Il faut donc raisonner en sous-secteurs et, en même temps, ne pas considérer ces sous-secteurs comme disjoints les uns des autres.
L’État doit continuer à faire des économies, mais il n’est pas le seul à devoir en faire : la sécurité sociale et les collectivités locales sont aussi concernées car, en définitive, il s’agit de l’argent public, de l’argent des Français.
M. François Bonhomme. L’effort n’est pas partagé !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
I. – L’objectif d’évolution des dépenses des administrations publiques, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, mentionné au b du 1 de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012, s’établit comme suit :
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Dépenses pilotables nettes (en valeur) |
2,2 |
2,2 |
1,6 |
1,2 |
1,9 |
1,6 |
Dépenses pilotables nettes (en volume) |
1,5 |
1,0 |
0,3 |
-0,3 |
0,1 |
-0,2 |
II. – L’évolution du ratio d’endettement des administrations publiques corrigé des effets de la conjoncture s’établit comme suit :
(En points de PIB potentiel) |
||||||
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Variation du ratio d’endettement corrigé des effets de la conjoncture |
1,3 |
1,0 |
1,4 |
-0,3 |
-1,3 |
-2,2 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Pascal Savoldelli. Nous souhaitons la suppression de l’article 3 bis, non pas du fait de la portée normative limitée de cet ajout au texte du projet de loi, mais parce que les mouvements affectant la dette publique peuvent être d’une importance autrement plus significative que ce qui est inscrit dans cet article.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur cette dette publique : depuis une bonne dizaine d’années, elle est devenue une sorte d’épouvantail à moineaux, destiné à paralyser par avance toute proposition économique qui sortirait de l’ordinaire des politiques libérales et austéritaires en vigueur dans la zone euro.
S’agissant de la dette sociale, nous avons pu constater que nous risquions de nous retrouver, aux alentours de 2024, en situation de fermer la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, après rien de moins que vingt-huit années de bons et loyaux services, pendant lesquelles, pour effacer les dettes d’Édouard Balladur et de quelques-uns de ses émules, les assurés sociaux français auront payé aux alentours de… 100 milliards d’euros d’intérêts !
S’agissant de la dette locale, qui tend à décroître sous les effets conjugués de la baisse des taux, de la hausse des impositions locales et de la réduction des investissements, n’oublions jamais l’essentiel : un, les collectivités locales sont aujourd’hui en situation d’autofinancer une bonne partie de leurs équipements ; deux, face à une dette maîtrisée, elles ont engendrées en trente-cinq années de décentralisation plus de 1 000 milliards d’euros de patrimoine collectif.
Les rapports entre l’État et les collectivités territoriales doivent donc être extrêmement respectueux, parce que, indépendamment de leur couleur politique, les exécutifs nationaux sont bien contents de pouvoir compter sur les collectivités territoriales : je le répète, celles-ci ont créé plus de 1 000 milliards d’euros de patrimoine collectif, ce qui les met largement en situation d’actif net.
Ajoutons que, depuis 2011, la dette locale a progressé de 30 milliards d’euros, environ, quand les collectivités se voyaient priver de 66 milliards d’euros de dotation globale de fonctionnement – DGF. Vous nous demandez la vérité, monsieur le ministre… Si mes chiffres sont erronés, je les corrigerai ! Mais, dans ce cas, il faudra bien évidemment m’en fournir d’autres ! (M. le ministre sourit.)
Il me semble donc, mes chers collègues, que l’on peut nettement améliorer la situation.
Les taux de la dette publique locale et de la dette sociale sont généralement plus élevés que celui de la dette de l’État. Une démarche de restructuration de ces dettes, comme de celles de certains opérateurs de l’État, nous apparaît nécessaire.
On peut penser qu’une partie des facilités de paiement généreusement distribuées sous forme de liquidités nouvelles depuis plus de 30 mois par la Banque centrale européenne ont déjà été mobilisées pour cela.