Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour cinq minutes.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en 2016, le déficit des administrations de sécurité sociale, les ASSO, s’élevait à 2,9 milliards d’euros. Ce solde comprend les entités qui, par nature, sont en excédent, soit parce qu’elles ont vocation à couvrir des engagements futurs, comme le Fonds de réserve des retraites, soit parce qu’elles sont chargées d’amortir la dette, comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.
Hors CADES, le solde, en 2016, est de moins 14,9 milliards d’euros.
Par rapport à ce point d’entrée, le projet de loi prévoit un équilibre des comptes sociaux dès 2017, avec un excédent de 0,2 point de PIB. De fait, l’équilibre hors CADES serait atteint en 2019.
Le rythme d’augmentation des dépenses sociales serait très maîtrisé : 0,9 % en 2018, 0,4 % en 2019, 0,1 % en 2020, soit pratiquement l’équilibre.
À ce stade, les outils de pilotage que le Gouvernement entend mobiliser pour parvenir à ces résultats ne sont pas très clairs. La trajectoire des finances sociales qui nous est proposée est globalement satisfaisante puisque nous parvenons à l’équilibre, je viens de le rappeler. C’est d'ailleurs, à nos yeux, un impératif pour les comptes sociaux.
Cette trajectoire comporte cependant des zones d’ombre que l’état actuel des informations qui nous sont fournies ne permet pas totalement d’éclairer, monsieur le ministre.
L’assurance chômage reviendrait à l’équilibre en 2020, avec un excédent de 1,100 milliard d’euros. Cette projection est plus optimiste que celle qui est présentée par l’UNEDIC selon laquelle l’équilibre ne serait atteint qu’en 2021.
En revanche, les prévisions des dépenses sont globalement en ligne et elles ne ménagent aucune marge de manœuvre pour des dépenses nouvelles. Les annonces relatives notamment à l’élargissement de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants devront donc se faire au sein de l’enveloppe actuelle si l’on se réfère aux projections qui nous sont offertes dans le cadre d’une refonte globale des règles d’indemnisation. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions sur ce point.
Les retraites complémentaires seraient à l’équilibre en 2020, avec un excédent de 5,5 milliards d'euros. À la même date, les prévisions associées à l’accord AGIRC-ARRCO du 30 octobre 2015 présentent un déficit de 2,3 milliards d’euros. Il y a là une différence notable, qu’il faudra bien évidemment expliquer.
Les retraites complémentaires ne recouvrent pas que l’AGIRC et l’ARRCO. Comme nous ne disposons pas de la contribution au solde de chacune de ces administrations de sécurité sociale – ce n’est pas faute de l’avoir demandé, ni même d’avoir inscrit cette nécessaire information du Parlement dans la précédente loi de programmation –, il ne nous est donc pas possible de valider, ni d’infirmer, cette trajectoire. Monsieur le ministre, un amendement allant dans ce sens sera déposé par notre commission.
Les équilibres de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse se dégradent fortement sur la période de programmation, sans mesure de correction apparente, mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler avec la réforme systémique des retraites, même si elle n’est pas liée à ce paramètre précis.
À partir de 2019, l’excédent des ASSO serait stabilisé à 0,8 point de PIB par an, soit un montant légèrement supérieur à l’amortissement réalisé par la CADES.
Ainsi que l’indique le Gouvernement dans le rapport annexé, il s’agit de transférer à l’État une partie de l’excédent des ASSO afin de faire contribuer ce sous-secteur à l’amélioration du solde de l’État – c’est là une décision très importante, une quasi-fongibilité entre les comptes sociaux et les comptes de l’État.
Les modalités restent à définir. Un rapport est ainsi prévu par l’article 23 du texte sur la « rénovation » des relations entre l’État et la sécurité sociale, mais elles prendraient a priori la forme d’une moindre compensation des allégements de cotisations à la sécurité sociale dont la mise en œuvre a d'ailleurs déjà commencé au cours des années 2017 et 2018. C’est une mesure très importante, dont il nous faudra, bien sûr, débattre, et sur laquelle la commission des affaires sociales sera très vigilante.
La commission des affaires sociales regrette que cette rénovation et le rapport qui doit la présenter soient postérieurs à la définition d’une trajectoire qui l’intègre d’ores et déjà. On peut comprendre le principe de cette solidarité entre sous-secteurs. Il n’y a en fait qu’un seul et même déficit public.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. J’ai presque terminé.
Il semble à la commission des affaires sociales que l’on fait peu de cas de la dette sociale hors CADES, qui s’élève à 100 milliards d'euros à la fin de l’année. Ce choix nous paraît difficilement compréhensible si l’on veut bien voir que c’est majoritairement une dette à court terme, laquelle est soumise aux aléas du marché.
Compte tenu des positions prises par la commission des finances, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur la partie programmatique du projet de loi et invite à compléter sur quelques points la partie relative au pilotage des finances publiques.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales observations de votre commission des affaires sociales sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de quelques instants, afin de permettre à la commission de se réunir et d’examiner la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance sera de nouveau suspendue, dans une dizaine de minutes, pour la cérémonie d’hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Assassi et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 54.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (n° 57).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la motion.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai trouvé dans ce projet de loi, que vous devez connaître par cœur, monsieur le ministre, trois cents occurrences du mot « dépenses » et seulement deux mentions de la notion de « service public »… Si la logométrie pouvait suffire à mesurer et qualifier une politique, nul doute que nous trouverions là matière à réflexion !
Il est par ailleurs fort probable que le mot « crédits » est compris, dans ce projet de loi et son annexe, comme le générateur d’une dépense budgétaire plus que comme l’activité bancaire qui, dans notre système économique, est censée porter l’activité économique générale. Il est tout de même étrange de constater que la dépense publique attire plus l’attention ici que l’impôt !
Je vous ai néanmoins écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, parler de l’impôt, que l’on peut qualifier, par compromis, de mal « nécessaire » pour donner sens à la démocratie, puisque la dépense publique est l’expression de la solidarité et du commun.
Toutefois, nous sommes là, mes chers collègues, pour expliquer à quel point ce projet de loi de programmation des finances publiques ne diffère, somme toute, qu’assez peu des lois de programmation que nous avons pu examiner depuis que la France a passé contrat avec l’Europe sur des objectifs de déficit, de dette publique, de niveau d’inflation et de taux d’intérêt, c’est-à-dire depuis Maastricht.
Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez été très explicite, honnête et sincère ; vous avez dit, avec vos mots, que ces engagements découlent du traité de stabilité budgétaire passé entre les États de la zone euro, qui leur fait obligation de se conformer à un certain cadrage macroéconomique.
Je relève néanmoins une omission, monsieur le ministre : ce traité a été signé par la France, à Bruxelles, non pas en 2015 ou en 2016, mais bien le 2 mars 2012. Nos travaux et nos obligations remontent à un traité de 2012 !
Or la situation actuelle est préoccupante : notre déficit public est tout juste parvenu à passer, péniblement, sous la mythique barre des 3 % du PIB. Nous sommes plutôt en forme quant à l’inflation et au taux d’intérêt, mais voilà que notre dette publique excède largement le seuil de 60 %, fleuretant depuis quelque temps avec les 100 % du PIB.
Permettez-moi donc une conclusion rapide : il faudrait tout faire pour la réduction de la dette, y consacrer nos efforts, y vouer nos décisions politiques et les sacrifices imposés, encore, à la population. Pourtant, cela va déjà mieux en matière de dette sociale et locale, et les taux d’intérêt sont bas – mais cela, il ne faut pas le dire trop fort !
Pour le Gouvernement, réduire la dette et améliorer la situation des comptes publics passe, étrangement, par la mise en œuvre des mêmes choix politiques que ceux qui ont été pratiqués depuis vingt-cinq à trente bonnes années et qui nous ont conduits là où nous sommes. Tout changer pour ne rien changer, en quelque sorte, comme dit le prince Salina dans Le Guépard. Eh bien, nous ne marchons pas ! Nous ne sommes pas séduits par ce que je qualifierai de « passions tristes ».
Tout, à la lecture du rapport annexé au projet de loi comme à celle des articles mêmes du texte, conduit à penser que les questions fondamentales se posant à notre pays resteront sans réponse. Emploi, qualité du travail – sujets peu ou pas mentionnés –, développement économique et social, mal-logement, inégalités sociales et spatiales, inégalités dans l’accès au savoir et à la culture, inégalités même devant l’espérance de vie et la santé, tout cela restera présent, sans que la situation des comptes publics s’améliore pour autant !
La tare originelle des politiques d’austérité passées ou à venir, dont ce texte est malheureusement porteur, c’est qu’avant de vouloir résoudre les problèmes posés – j’ai bien vu votre réaction aux soucis exprimés sur ce point par l’un de nos collègues, monsieur le ministre – vous comptez d’abord servir les riches, les grands groupes, les entreprises engagées dans la mondialisation financière et dans la course permanente à l’optimisation fiscale et à la réduction des coûts. (M. François Bonhomme s’exclame.)
Signe des temps, le mot « salaires » ne figure qu’à cinq reprises – et il faut voir comment ! – dans le projet de loi et son rapport annexé, et la notion de « point d’indice » n’est mentionnée qu’une fois, dans un paragraphe consacré à la maîtrise de la masse salariale de l’État !
Ce projet de loi de programmation contiendrait une grande innovation. À en croire certains ici, tout change : il faut considérer que ce texte est sincère et moderne ; notre rapporteur général a même dit « crédible ». Or cette grande innovation sincère, crédible et moderne serait simplement de solliciter la sécurité sociale et les collectivités territoriales pour parvenir à réduire le pourcentage de la dette. Quelle innovation, franchement !
Il est donc nécessaire, de notre point de vue, d’opérer un changement politique dès le budget 2018. Ce changement, illustré par nos propositions, mais aussi par celles d’autres groupes politiques, doit évidemment se faire dans l’intérêt de nos entreprises, de nos citoyens, de nos territoires et de nos collectivités locales.
Pour faire une citation qui vous sera peut-être familière, monsieur le ministre, « là où il y a une volonté, il y a un chemin. » (M. le ministre sourit.)
M. François Bonhomme. Original !
M. Pascal Savoldelli. En l’occurrence, ce chemin participe de quatre axes principaux.
Premièrement, plutôt que de réduire les dépenses publiques, il faut selon nous donner la priorité au développement de nouveaux services publics. C’est une confrontation entre deux choix de société !
Les besoins sont en effet immenses dans la santé, l’éducation, la recherche, l’écologie, la sécurité ou la justice.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Et j’en passe ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Il y a toujours débat entre le quantitatif et le qualitatif ; il faudrait à la fois moins de fonctionnaires et plus d’agents publics, qui soient mieux qualifiés et dotés de meilleures perspectives professionnelles, bénéficiant d’un statut consolidé, dynamisés par de nouveaux droits à la mobilité choisie et à la formation. C’est de la schizophrénie !
Ces dépenses pour de nouveaux services publics sont précisément ce dont l’économie a besoin pour que croissent ensemble demande et efficacité productive.
Que l’on ne s’y trompe pas : comment se fait-il que certains territoires soient plus attractifs que d’autres ? On peut toujours, si l’on a un ego très fort, juger que son territoire est le plus beau et le meilleur… Mais en vérité, et sans idéologie, sur la carte de notre belle France, les territoires qui, plus que d’autres, attirent les entreprises et les emplois qualifiés sont ceux où les services publics et les infrastructures de transport sont réellement développés, où l’appareil de formation et les structures éducatives présentes à proximité sont vrais, hauts et dignes.
Deuxièmement, pour financer l’expansion des services publics, il faut une économie beaucoup plus dynamique dans la création de richesses. Cela exclut les politiques de baisse du coût du travail, celles qui incitent et favorisent les placements financiers – suppression de l’ISF ou prélèvement forfaitaire unique – ou encore celles qui sécurisent les licenciements abusifs plutôt que le contrat de travail. Pour sortir de l’austérité, il faut sécuriser l’emploi et la formation pour tous.
Pourquoi, d’ailleurs, si l’on veut du changement, ne pas avoir l’audace d’étendre la souveraineté au domaine économique ?
M. François Bonhomme. Vous voulez nationaliser ?
M. Pascal Savoldelli. Pourquoi craindre cette souveraineté économique ? Vous me direz, monsieur le ministre, que c’est une autre conception de la liberté.
Ce qui nuit au potentiel de croissance de notre pays, c’est non pas l’insuffisance de fonds propres des PME, avec un taux de marge redressé à 31,5 %, mais bien plutôt la persistance de l’existence d’une « armée industrielle de réserve » de plusieurs millions de travailleurs, tantôt privés d’emploi au fil d’ajustements conjoncturels des coûts de main-d’œuvre de plus en plus répétés, tantôt inscrits sur les listes de Pôle Emploi.
Nous laissons ainsi se perdre qualification, compétence et productivité, comme nous y laissons se perdre la formation initiale et parfois continue que ces travailleurs privés d’emploi durable ont pourtant acquise.
Réduire le contingent de cette humanité de réserve créerait des entreprises plus capables de répondre à une demande accrue, pour des productions répondant aux besoins de développement des êtres humains.
Plus d’emplois qualifiés et plus de valeur ajoutée, c’est enfin davantage de rentrées dans les caisses de l’État et de la sécurité sociale, sans qu’il soit besoin d’augmenter la pression fiscale sur chaque foyer.
Un impôt sur le revenu plus progressif, un allégement des taxes sur la consommation et une fiscalité locale socialement plus juste et économiquement plus efficace prendraient alors tout leur sens. Cela vaudrait mieux, en tout cas, que la suppression de la taxe d’habitation, qui mettrait les collectivités territoriales à la merci des financements de l’État.
Je voudrais à cet égard vous remercier, monsieur le ministre, de nous avoir donné, tout à l’heure, l’autorisation de nous réunir pour appréhender la question de l’endettement de nos collectivités…
Peut-être ai-je mal compris, mais il m’a semblé que vous endossiez, certes sans arrogance, le rôle du gendarme vis-à-vis des collectivités. Pardonnez-moi, mais celles-ci bénéficient du principe de libre administration : croyez que les maires et les présidents de conseils départementaux et régionaux, quelles que soient leurs opinions politiques, se préoccupent de l’endettement de leurs collectivités !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Je m’y résigne, madame la présidente, puisque c’est pour rendre hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France : vous connaissez mon attachement à la République et à ce moment important.
Monsieur le ministre, vous entendez passer un contrat avec 320 collectivités, mais vous avez ouvert le dialogue en retirant 1,7 milliard d’euros de crédits à la cohésion des territoires et au logement. Le dialogue commence mal !
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !
M. Pascal Savoldelli. Comme il faut de l’argent pour toutes ces politiques, monsieur le ministre, je vous poserai une question : où sont passés les 2 200 milliards d’euros injectés par la banque centrale européenne sur les marchés, sous forme de liquidités nouvelles, depuis 2014 ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux, afin de vous permettre, conformément à l’usage, de rejoindre M. le président du Sénat et les membres du bureau en haut de l’escalier d’honneur, où va se dérouler la cérémonie d’hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France.
La séance reprendra à l’issue de cette cérémonie.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la motion n° 54 tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que celle-ci a été présentée, au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, par M. Pierre Savoldelli.
Personne ne demande la parole contre la motion ?…
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Une fois n’est pas coutume, certains des amendements déposés par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste sur ce projet de loi de programmation ont recueilli un avis favorable de notre commission. Je ne voudrais surtout pas priver ce groupe de la possibilité de voir ses amendements adoptés par notre assemblée ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Il serait donc dommage, pour ce groupe, que la présente motion soit adoptée.
Au-delà de ces considérations, on ne peut s’opposer à la programmation des finances publiques. Nous partageons avec vous, monsieur le ministre, un certain nombre d’orientations ; nous souhaitons en corriger d’autres. Ce débat mérite d’avoir lieu, et nous sommes favorables à l’adoption de ce projet de loi de programmation, tel qu’il sera amendé par le Sénat.
Dès lors, bien sûr, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Savoldelli, vos arguments peuvent être entendus, mais ils incarnent, comme vous l’avez vous-même précisé à plusieurs reprises, une vision de la société très différente de la nôtre. Vous préconisez des dépenses publiques supplémentaires sans nous expliquer exactement comment créer les richesses que vous souhaitez voir redistribuées.
Quant au petit jeu, fort amusant au demeurant, de comptage de divers mots, qui révélerait la philosophie inconsciente du Gouvernement, crier le mot « liberté » ne rend pas forcément libres ! Votre méthode, monsieur le sénateur, ne me semble donc pas tout à fait juste et, comme George Orwell l’a démontré dans 1984, ce n’est pas parce que l’on écrit des mots qu’on les pense forcément !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. Bien évidemment, nous avons des divergences avec M. le rapporteur général de la commission des finances et avec le Gouvernement sur ce sujet. Néanmoins, nous devons aborder le fond de ce texte. La présente motion ne peut donc qu’être rejetée.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 54, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, même si j’ai bien entendu certaines observations qui nous éclairent déjà sur le projet de loi de finances pour 2018.
Bien que ce type d’exercice ait montré ses limites par le passé, cette programmation semble fondée sur des prévisions de croissance robustes et réalistes. Elle révèle, de la part du Gouvernement, un engagement politique fort en faveur de la maîtrise des comptes publics.
De cette trajectoire ambitieuse d’assainissement des finances publiques, je retiendrai en premier lieu la maîtrise de la dépense publique. Nous avions atteint, ces dernières années, des niveaux de dépense publique tout à fait invraisemblables. Je salue la volonté du Gouvernement d’inverser cette trajectoire intenable, pour recentrer l’action de l’État sur ses missions essentielles ; je salue également à cet égard, monsieur le ministre, votre effort de sincérité budgétaire en matière de contrats aidés.
Le présent projet de loi de programmation prévoit en outre la résorption progressive du déficit public, la baisse des prélèvements obligatoires et une amorce de désendettement qui intervient après plus de dix années de fuite en avant.
Au total, les efforts consentis par l’ensemble des administrations publiques devraient permettre à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dès 2018 et d’approcher de l’équilibre budgétaire à la fin du quinquennat.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue ces perspectives encourageantes et ces décisions responsables. Nous examinerons ce texte avec bienveillance, mais nous maintiendrons notre vigilance sur plusieurs points.
Premièrement, les efforts inscrits dans ce projet de loi de programmation nous semblent insuffisants pour combler notre retard sur les autres pays de la zone euro et, en particulier, sur l’Allemagne. Ainsi, notre trajectoire de désendettement est nettement en deçà de celle de nos voisins.
Ces différences laissent augurer une perte d’influence durable de la France en Europe. Si nous demeurons le maillon faible d’un couple franco-allemand déséquilibré, nous n’aurons pas la force d’entraînement nécessaire pour relancer l’Europe. L’enjeu de l’assainissement de nos finances publiques est donc une question politique majeure et urgente, qui mérite des mesures fortes, à la mesure des efforts consentis par nos voisins.
Deuxièmement, si notre groupe regarde avec bienveillance les efforts du Gouvernement pour faire respecter les engagements de la France au niveau européen, nous ne souhaitons pas que cet objectif occulte le vrai but des politiques économiques, c’est-à-dire la prospérité de la France et le bien-être de ses citoyens.
On ne gouverne pas qu’avec des chiffres, et le respect de la parole donnée n’empêche pas la vision de long terme. Nous ne voulons plus des vieilles astuces budgétaires, des coups de rabot et des rustines qui reportent les difficultés sur l’avenir. L’exemple malheureux de la taxe à 3 % sur les dividendes nous rappelle ce que le court-termisme et la précipitation peuvent coûter aux entreprises et aux contribuables français. La revue des politiques publiques que vous avez annoncée, monsieur le ministre, va de ce point de vue dans le bon sens.
Troisièmement, nous serons vigilants sur le traitement réservé aux collectivités territoriales durant ce quinquennat. Nous avons conscience que les collectivités doivent prendre toute leur part de l’effort collectif que décrit cette programmation. Néanmoins, si la responsabilité est commune, elle doit être différenciée. L’État doit prendre en compte les spécificités de chacune des collectivités et leurs facultés contributives ; surtout, il ne saurait méconnaître les efforts importants déjà consentis.
Nous estimons ainsi que les mécanismes de contractualisation entre l’État et les collectivités qui sont prévus dans le projet de loi vont dans le bon sens. Nous saluons l’esprit de confiance qui vous anime, monsieur le ministre. Néanmoins, ces mécanismes demeurent flous et peu contraignants. Nous veillerons à ce qu’ils soient les garants d’une responsabilité partagée et d’engagements réciproques.
Nous saluons également la nouvelle version de l’objectif d’évolution de la dépense locale, plus favorable à l’investissement et plus respectueux des réalités locales.
Plus largement, nous approuvons l’esprit de ce texte, tourné vers une dépense publique plus saine et mesurée. Nous souhaitons qu’il serve de cadre à une action publique rénovée, qui soit au service de la croissance et de l’investissement dans l’avenir de notre pays.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc en faveur de ce texte, tout en restant particulièrement vigilant à l’égard des points que j’ai mentionnés.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces orientations budgétaires ont été établies par deux ministres de droite, pour un Premier ministre lui aussi de droite et un Président de la République ancien ministre d’un gouvernement de gauche. Elles ont le mérite de rappeler à quel point l’opposition entre droite et gauche n’est qu’une opposition de la salive, qui ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Les déclarations et les positionnements médiatiques d’hier ont laissé la place à une clarification politique : les convictions européistes sont appliquées par tous. Des renégats de la droite aux hollandistes honteux, tous les membres du Gouvernement travaillent d’arrache-pied à la déconstruction de la France, de sa souveraineté et de ses libertés, notamment de sa liberté budgétaire.
Une déferlante migratoire qui non seulement constitue un poids financier énorme, mais qui fragmente notre unité nationale par un communautarisme militant, un terrorisme qui s’enracine, un nombre de chômeurs réel qui dépasse les cinq millions, neuf millions de pauvres, des millions de mal-logés, tel est le bilan de plusieurs décennies d’une politique dictée par Bruxelles.
Loin d’en tirer les enseignements, monsieur le ministre, vous persistez dans la doctrine mondialiste. Vos prévisions sont en trompe l’œil, car, avec une inflation supérieure à vos prévisions, tout s’effondrera, et les beaux chiffres que vous couchez sur papier, annonçant une augmentation de dépenses de fonctionnement, se transformeront en baisse des volumes.
Pieds et poings volontairement liés au carcan européiste, et appliquant avec zèle la feuille de route rédigée par la chancellerie allemande, vous ne nous laissez aucune latitude pour protéger notre modèle budgétaire national.
Ainsi, les budgets et les prévisions budgétaires se suivent et se ressemblent, obsédés et contraints que nous sommes par la règle absurde de réduction du déficit public sous la barre des 3 % du PIB.
Concernant l’article 12, vos orientations ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, pour ce qui est de la défense, la promesse de M. Macron d’atteindre 2 % du PIB en 2025 n’est pas suffisante. Nous maintenons notre souhait de voir le budget de notre défense atteindre les 3 % du PIB, tant les enjeux sont immenses pour la sécurité et la protection de nos soldats et de nos compatriotes, pour la lutte contre le terrorisme et pour la préservation des intérêts de la France dans le monde.
Vous vous targuez, monsieur le ministre, d’accorder 1,8 milliard d’euros supplémentaires aux armées, alors que, en juillet dernier, vous geliez les crédits pour 2017 et vous leur supprimiez 850 millions d’euros de crédits.
Vous retirez d’une main ce que vous promettez de donner de l’autre, et l’on sait depuis Jacques Chirac que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Je note une faible hausse, de 80 millions d’euros, pour la mission budgétaire consacrée à la culture, alors que c’est en remettant en avant patrimoine et culture que nous réapprendrons à des centaines de milliers de jeunes Français hors sol, déracinés et intoxiqués par la repentance, véritable masochisme d’État, à aimer la France.
Votre fiscalité confiscatoire fait chuter de 3,1 milliards d’euros le budget alloué à la cohésion des territoires, du fait, notamment, de la baisse des aides publiques au logement. Or, dans le même temps, vous augmentez le budget de la mission « Immigration » de 260 millions d’euros. Visiblement, l’austérité n’est pas imposée à tous ! C’est tout à fait insupportable : nous ne pouvons pas cautionner qu’une telle injustice soit infligée à nos compatriotes.
Nous dénonçons donc des prévisions insincères et soumises au diktat de Bruxelles, qui permettent de maintenir cette politique de trique budgétaire, qui a prouvé chez nos voisins, en particulier les Grecs, son inutilité, mais aussi sa nocivité.