Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux pas laisser dire cela ! Quelle est la situation actuelle ? La loi Besson prévoit que ne sont assujetties à l’obligation de participer au schéma que les communes de plus de 5 000 habitants. Je propose, quant à moi, que les EPCI dans lesquels il n’y a que des communes de moins de 5 000 habitants n’y participent pas. C’est la même chose ! Ces communes ne participaient pas au système autrefois. Donc, cela ne tient pas debout.
Ensuite, je rappelle que les EPCI disposent de la compétence « accueil des gens du voyage », dans toutes ses dimensions. Vous nous opposez un problème avec les financements, mais pourquoi crée-t-on des EPCI, sinon pour éviter, justement, ce type de financements croisés ? C’est l’EPCI lui-même, en tant que tel, qui est responsable et les communes membres participent à travers leur contribution habituelle à la vie de l’établissement public. Je ne comprends pas ces arguments !
Je n’ergoterai pas sur tel ou tel défaut de rédaction, car je ne suis pas certain de n’avoir pas commis d’erreurs. Toutefois, une simplification affirmant que les EPCI exercent la totalité de la responsabilité – cela ne changera rien quant au nombre de communes qui participeront – et que la solidarité s’exprime à travers la vie de l’EPCI ne me semble pas extraordinaire. Pour une fois, on simplifierait !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur. Notre rédaction reprend tout cela, mais la vôtre me semble imparfaite.
M. François Bonhomme. C’est certain !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Vous serez sans doute satisfait du texte que nous avons proposé en commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 28.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Carle, Retailleau, Mouiller et Pillet, Mmes Primas, Bonfanti-Dossat et M. Mercier, MM. Longuet et Reichardt, Mme Deroche, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Cuypers, Bouchet, Dufaut, Chatillon et Vial, Mme Deseyne, M. Piednoir, Mme Deromedi, MM. Ginesta, Babary, Husson, Mayet et Bonne, Mmes Berthet, Bories, Lherbier, Lamure et Procaccia, MM. Cambon, D. Laurent, Kennel, Poniatowski, Forissier, Daubresse, Mandelli, Huré, Savary, Lefèvre et Bonhomme, Mmes Micouleau, Lassarade, Troendlé, Imbert, Dumas et L. Darcos, MM. Hugonet, Bizet, B. Fournier, Paccaud, Grosperrin, Calvet, Chaize, Grand, Danesi, Meurant, Rapin et Morisset, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ et Cardoux, Mmes Gruny et Morhet-Richaud, M. Paul, Mme Puissat et MM. Laménie, Gremillet, Perrin et Raison, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 5° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° – Les emplacements des aires permanentes d’accueil mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; ».
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cette disposition, qui a déjà été adoptée par la majorité sénatoriale lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, vise à soutenir les collectivités territoriales en prévoyant de comptabiliser dans le taux de logements locatifs sociaux les emplacements des aires permanentes d’accueil des gens du voyage.
En effet, ces aires permanentes d’accueil entrent pleinement dans le champ des hébergements sociaux puisque ce sont des lieux de séjour qui peuvent accueillir des personnes en situation de précarité et que celles-ci peuvent rester sur ces lieux plusieurs mois, voire plusieurs années.
De plus, ces aires représentent un coût non négligeable pour les collectivités locales qui en ont la charge. Ce sont des équipements pérennes et qui sont à la fois construits et gérés par les collectivités locales, avec un accès aux commodités.
Enfin, je rappelle que les dépenses, notamment foncières, faites par une commune pour la création d’une aire d’accueil des gens du voyage peuvent déjà être déduites au titre des pénalités de la loi SRU.
Il est donc légitime, à travers cet amendement, d’aller au bout de la logique en comptabilisant ces aires permanentes d’accueil des gens du voyage dans l’obligation de construction des logements locatifs sociaux.
M. François Bonhomme. Bien sûr ! C’est de bon sens !
Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Pellevat et D. Laurent, Mme Troendlé, M. Dufaut, Mme Lamure, M. Reichardt, Mme Canayer, M. de Legge, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre et Huré, Mme de Cidrac, M. Grand, Mme Imbert, M. Cambon, Mme Thomas, MM. Milon et Longuet et Mme Chain-Larché, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 6° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi modifié :
« …° Les aires d’accueil en état de service, dont la réalisation est prévue au schéma départemental d’accueil des gens du voyage ; ».
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Cet amendement a été excellemment défendu par ma collègue Dominique Estrosi Sassone. Je rappelle simplement qu’une telle mesure est attendue par les collectivités territoriales.
M. Guy-Dominique Kennel. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’amendement n° 1 rectifié bis tend à comptabiliser les emplacements en aire permanente d’accueil dans les logements locatifs sociaux au titre de la loi SRU.
En l’état du droit, seuls les terrains locatifs familiaux sont comptabilisés comme logements sociaux.
Ainsi que l’a excellemment dit notre collègue Dominique Estrosi Sassone, une telle mesure se justifie pleinement, puisque ces aires, comme les logements sociaux, sont destinées à des personnes qui sont souvent en situation de précarité, que leur création, leur aménagement, leur entretien et leur gestion coûtent cher aux communes et EPCI et que les dépenses exposées à ce titre par les communes et leurs groupements sont déjà déductibles du prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’ont pas atteint le taux de logements sociaux prévu par la loi SRU.
L’avis est donc favorable.
Concernant l’amendement n° 5 rectifié, qui a le même esprit, je vous demande, monsieur Pellevat, de le retirer. En effet, la rédaction proposée par Mme Estrosi Sassone est plus aboutie.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme il a été dit précédemment, le sujet a déjà fait l’objet de débats à l’occasion de la discussion de différents textes, le dernier étant la proposition de loi dite « Raimbourg » relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
Il a toujours été considéré que les aires d’accueil des gens du voyage ne sauraient être assimilées à des logements pérennes destinés à des ménages modestes et dont la production nécessaire constitue l’essence même des dispositions de l’article 55 de la loi SRU. Elles ne sauraient donc être décomptées au titre de cette loi, et ce d’autant moins que, en l’absence de bail ou d’occupation de type locatif, aucun mécanisme ne vient garantir l’occupation effective de ces aires à des fins sociales par des personnes sous plafond de ressources, ce qui rendrait impossible une comptabilisation permettant de vérifier la satisfaction des objectifs SRU.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Il me paraît absolument normal qu’au bout de quelques années ces emplacements soient comptabilisés au titre des obligations que doivent remplir les communes.
Je ne comprends pas la logique qui préside au refus du Gouvernement de les considérer comme des logements sociaux de fait. Tous les maires, tous les élus locaux, connaissent le type de populations auquel ils ont affaire et les conditions dans lesquelles elles vivent. À tout cela s’ajoute le phénomène de sédentarisation, qui s’accroît depuis 15 ans.
Je ne comprends pas que ce refus soit justifié par l’absence d’assurances quant au caractère social. Celui-ci est pourtant évident : il n’est pas nécessaire de construire des mécanismes ou de mener des études poussées pour comprendre que l’on est en plein dans le sujet des logements à caractères sociaux. À mes yeux, ces aires entrent pleinement dans le champ des hébergements sociaux.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Je retire l’amendement n° 5 rectifié, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Sur ce même sujet, j’avais déposé un amendement lors de l’examen de textes précédents, visant à ce que ces emplacements soient comptabilisés dans les logements sociaux.
Quant à l’effectivité de l’occupation, il suffit de prendre en compte les taux d’occupation de l’aire, qui sont contrôlables et contrôlés.
Si un effort dans ce domaine est nécessaire, il existe des mécanismes pour nous aider à construire des logements sociaux pour les populations en voie de sédentarisation. J’étais en train de le faire dans la commune dont j’étais maire jusqu’il y a quelques semaines et, croyez-moi, c’est un parcours du combattant. J’ai passé quatre ans sur le dossier !
Il faut que l’on nous aide dans ce domaine, mais aussi que l’on accepte que les aires d’accueil dans lesquelles il y a un taux d’occupation soient comptabilisées dans les logements sociaux. Il me semble que c’est conforme à l’esprit de la loi SRU, laquelle ne doit pas être une bible absolument immuable, comme elle a trop souvent tendance à l’être, à mon goût.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’article 3 la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires permanentes d’accueil, des aires de grand passage et des terrains familiaux locatifs aménagés dans les conditions prévues à l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme » et les mots : « selon un calendrier déterminé » sont supprimés ;
b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la mise en demeure prévue au I, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l’État peut acquérir… (le reste sans changement). » ;
c) La seconde phrase du troisième alinéa est supprimée ;
3° (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 29 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Jean-Luc Fichet. Il s’agit d’un amendement de suppression. Nous considérons que l’article 2 est un encouragement à l’immobilisme. Il vide de sa substance le pouvoir de substitution du préfet aux communes et aux EPCI qui ne respectent pas le schéma départemental d’accueil des gens du voyage en réduisant son champ d’application et, surtout, en supprimant le dispositif de consignation de fonds auquel il est adossé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 29.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la suppression du mécanisme de consignation, qui a été créé par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité à la citoyenneté. Il constitue une amélioration du dispositif d’accueil des gens du voyage dans la mesure où il permet au représentant de l’État dans le département de prendre des mesures efficaces et pratiques lorsque les obligations prévues par le schéma départemental n’ont pas été accomplies par les communes ou les EPCI.
Il ne s’agit pas d’une mesure coercitive, il s’agit d’une disposition incitative, de bonne application de la loi, que le préfet peut utiliser avant, éventuellement, de mettre en œuvre le mécanisme de substitution prévu à l’article 3 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
En outre, l’introduction récente du mécanisme de consignation ne laisse aucun recul sur l’efficacité de sa mise en œuvre. Il est donc particulièrement inopportun, à notre avis, de le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’article 2, qui lui-même supprime la procédure de consignation de fonds à l’encontre des communes et EPCI défaillants dans leurs obligations de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.
Contrairement à ce qu’a dit M. Fichet, la commission n’a pas remis en cause la possibilité pour le préfet de se substituer à une commune ou un EPCI défaillant, non plus que les précisions apportées par la loi « égalité et citoyenneté » sur les modalités d’application de cette procédure de substitution. Nous n’y touchons pas.
La commission a seulement estimé que la procédure de consignation de fonds était inutilement attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales.
Si le préfet se substitue à une commune ou à un EPCI, les dépenses qu’il engage pour réaliser des aires ou des terrains d’accueil constituent des dépenses obligatoires pour cette commune ou cet EPCI. Il suffit donc à l’État de faire l’avance des fonds.
Permettez-moi d’ajouter, madame la ministre, qu’il est assez déplaisant de voir l’État frapper d’anathème les élus locaux alors que lui-même se désengage.
Si l’État tient à ce que les aires et terrains manquants soient construits, il faut qu’il en rétablisse le subventionnement. Il sera temps de déterminer, dans quelques années, si les progrès accomplis sont suffisants. Donnez les moyens aux communes d’exercer leurs compétences !
MM. Jean-Claude Carle, Guy-Dominique Kennel et Claude Kern. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je soutiens la position de Mme la ministre. Ce dispositif de consignation a été créé après une longue concertation, parce que le pouvoir de substitution du préfet n’a jamais été mis en œuvre et ne fonctionne pas. On a donc essayé de trouver une autre solution, par le dialogue.
C’est l’équilibre que vous avez tant vanté, en particulier vous-même, monsieur Carle, lors de votre intervention dans la discussion générale, qui serait remis en cause (M. Jean-Claude Carle fait un signe de dénégation.) si l’on supprimait l’outil destiné à pallier le fait que les communes qui ne respectent pas la loi pèsent sur celles qui la respectent.
On ne peut pas renoncer à cet outil, il a été pensé pour cela et nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour évaluer son efficacité. Évidemment, pour vous, ce n’est pas grave de ne pas se préoccuper des communes qui ne respectent pas des obligations déjà bien anciennes !
Ces amendements de suppression me semblent donc vraiment utiles.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement n° 15 rectifié ter, qui suit, étant de facture comparable et concernant le même problème, ce que je vais dire maintenant servira donc également à le présenter, ce qui nous permettra de gagner un peu de temps.
Il faut être un peu cohérent. Nous ne pouvons pas avoir une chance de sortir des difficultés dans lesquelles nous sommes si nous n’essayons pas de tenir la balance en équilibre. Que les collectivités fassent leur travail et que les préfets fassent respecter l’ordre !
Supprimer cette contrainte, qui vise à inciter les élus à mettre en place les dispositifs appropriés, ne me semble pas être une bonne mesure, d’autant que, à partir du moment où la compétence appartient aux EPCI, elle me paraît beaucoup plus facile à exercer que lorsqu’une seule commune devait faire face à des obligations qu’elle avait peut-être des difficultés à assumer.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 29.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié ter, présenté par M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cohen, M. P. Laurent, Mme Cukierman, M. Foucaud, Mme Prunaud, MM. Watrin, Gay et Ouzoulias, Mme Gréaume, MM. Savoldelli et Gontard et Mme Benbassa, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
et les mots : « selon un calendrier déterminé »
II. - Alinéas 4, 6 et 8
Supprimer ces alinéas
Cet amendement a été présenté. (M. Pierre-Yves Collombat opine.)
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons énoncées précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Après l’article 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article 9-2 ainsi rédigé :
« Art. 9-2. – Afin d’organiser l’accueil des personnes dites gens du voyage, tout stationnement d’un groupe de plus de cent cinquante résidences mobiles est notifié par les représentants du groupe au représentant de l’État dans la région de destination, au représentant de l’État dans le département et au président du conseil départemental concernés trois mois au moins avant l’arrivée sur les lieux pour permettre l’identification d’une aire de stationnement correspondant aux besoins exprimés.
« Le représentant de l’État dans le département concerné informe le maire de la commune et le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sur le territoire desquels est située l’aire désignée pour cet accueil deux mois au moins avant son occupation. Il précise les conditions de cette occupation. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Longeot, Cigolotti et Delcros, Mmes Loisier et Vermeillet, M. Moga, Mmes Vullien et de la Provôté, MM. Laugier, Canevet et Kern, Mmes Billon, Gatel, Goy-Chavent, Sollogoub et Micouleau et M. Chatillon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout stationnement d’un groupe de moins de cent cinquante résidences mobiles est notifié par les représentants du groupe au maire de la commune d’accueil au moins 24 heures avant l’arrivée sur les lieux. »
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Si les déplacements de résidences mobiles de plus de cent cinquante unités, comme les pèlerinages aux Saintes-Maries-de-la-Mer ou à Lourdes, semblent aujourd’hui encadrés, ce n’est pas le cas s’agissant des mouvements de moindre importance.
Cet amendement a pour objet de permettre aux maires d’être informés au moins vingt-quatre heures à l’avance de l’arrivée dans leur commune d’un groupe de moins de cent cinquante résidences mobiles. Il vise donc à faire obligation aux responsables du convoi d’avertir les autorités locales vingt-quatre heures avant l’arrivée sur les lieux.
Cette mesure permettra d’anticiper au mieux l’accueil des personnes dites « gens du voyage » et d’organiser leur arrivée et leur stationnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement vise à soumettre le stationnement de groupes de moins de cent cinquante résidences mobiles à un régime de déclaration préalable : il devrait être notifié au maire au moins vingt-quatre heures à l’avance.
Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur la faculté d’apporter des restrictions aux libertés constitutionnellement garanties, telles que la liberté d’aller et venir, afin de les concilier avec d’autres objectifs de valeur constitutionnelle, tels que le maintien de l’ordre public. Ces restrictions peuvent notamment consister en un régime d’autorisation ou de déclaration préalable.
Toutefois, on peut s’interroger sur la proportionnalité de la mesure proposée, d’autant qu’aucun seuil n’est fixé : n’importe quel groupe de caravanes, fût-ce de deux unités, devrait, avant de stationner sur le territoire d’une commune, en informer le maire au moins vingt-quatre heures à l’avance. Il n’est d’ailleurs pas précisé si cette obligation s’appliquerait seulement lorsque les personnes concernées envisagent de stationner sur un terrain public, ou si elle s’appliquerait aussi en cas de stationnement sur un terrain privé, qui pourrait même appartenir au propriétaire des caravanes.
Or le stationnement de quelques caravanes n’est pas, par lui-même, de nature à porter atteinte à l’ordre public.
Mon cher collègue, je vous invite donc à retirer cet amendement, dont une version plus aboutie pourrait être déposée dans la suite de la navette.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Tout d’abord, comme le rapporteur vient de le dire, il porterait certainement atteinte à la liberté de circulation des gens du voyage.
En outre, nous considérons que cette proposition n’est pas applicable.
Mme la présidente. Monsieur Médevielle, l’amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Médevielle. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement est très important, d’abord parce qu’il vise à créer un climat de confiance entre les deux parties en disant à celles et ceux qui vont venir dans la commune qu’on les accueillera dans de bonnes conditions.
Sans doute peut-on fixer un seuil à deux ou trois caravanes, mais en n’approuvant pas cette mesure, on prend le risque que l’arrivée d’un certain nombre de gens du voyage alors qu’il y en a déjà sur les aires d’accueil ne conduise à des difficultés et à des conflits, ainsi que cela a été dit dans la discussion générale. Cet amendement a pour objectif de tenter de régler ces problèmes.
À mon sens, il ne s’agit pas du tout d’une contrainte. J’ai été maire durant vingt et un ans et j’avais installé avec certains groupes un climat de confiance. C’est bien l’objet de cette proposition, qui n’est en rien une condamnation des gens du voyage. Certains me téléphonaient en me disant « Je viendrai dans trois ou quatre jours » et nous les accueillions correctement. Ce climat entre nous était vraiment important.
Il ne faut donc pas envisager cet amendement négativement. Son objectif n’est pas d’apporter des contraintes, mais bien d’être positif pour chacune des parties.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. J’entends bien votre préoccupation, mon cher collègue, mais je me permets d’insister : cet amendement mériterait tout de même une rédaction plus précise, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Soit nous l’adoptons maintenant et nous le rectifions au cours de la navette, soit nous attendons la navette pour en présenter une version un peu plus aboutie. En l’état actuel, il présente quelques difficultés d’interprétation.
S’il était retiré, nous pourrions mieux le travailler.
M. Pierre Médevielle. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Carle et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, en cas de stationnement de plus de cent cinquante résidences mobiles sur le territoire d’une commune, le maire, s’il n’est pas en mesure d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, peut demander au représentant de l’État dans le département de prendre les mesures nécessaires. »
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Cet amendement tend à se substituer à l’alinéa 5 de l’article 3, qui n’a pas été retenu, à juste titre, par la commission, car il risquait de porter atteinte aux prérogatives des maires, même si ceux-ci auraient sans doute été moins contrits de perdre cette prérogative que de voir disparaître la taxe d’habitation ! (Sourires.)
Cet amendement vise donc à donner la possibilité aux maires de demander l’aide du préfet, sans pour autant abandonner leur pouvoir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement tend à accorder au maire, s’il n’est pas en mesure d’assurer lui-même l’ordre public à l’occasion du stationnement de plus de cent cinquante résidences mobiles dans sa commune, la faculté de demander au préfet de département de prendre les mesures nécessaires.
Dans sa version initiale, l’article 3 de la proposition de loi prévoyait de transférer de plein droit au préfet le pouvoir de police générale du maire lors des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage.
M. Jean-Claude Carle a entendu les réticences exprimées par votre commission à l’idée de ce transfert, lequel aurait privé les maires de toute possibilité légale d’agir pour maintenir l’ordre public lors de ces événements, et il propose ici un dispositif différent.
Il convient de rappeler qu’en l’état actuel du droit le préfet dispose de la faculté de se substituer, après mise en demeure, à un maire qui refuserait de prendre les mesures nécessaires pour maintenir l’ordre public dans sa commune. Le préfet agit alors en lieu et place du maire, et il engage la responsabilité de la commune en cas de faute, même simple, dans l’exercice de ce pouvoir de police municipale.
En outre, en cas de trouble grave à l’ordre public et face à la carence du maire, si le préfet ne fait pas usage de son pouvoir de substitution, il est susceptible d’engager la responsabilité de l’État pour faute lourde.
Le présent amendement envisage une hypothèse différente, selon laquelle le maire ne refuse pas d’agir, mais se trouve dans l’impossibilité matérielle de le faire. Il pourrait alors demander au préfet de prendre les mesures nécessaires. Le préfet conserverait cependant la faculté de rejeter la demande et de laisser au maire le soin d’assurer l’ordre public, quitte à se substituer à lui en cas de carence, après mise en demeure.
Il s’agit donc d’une innovation, afin de répondre aux préoccupations de certains maires de petites communes qui s’estiment démunis pour faire face aux grands passages et grands rassemblements de gens du voyage.
En revanche, plusieurs questions se posent.
Premièrement, en cas d’acceptation par le préfet de la demande du maire, il semble résulter de la rédaction proposée que le préfet agirait au nom de l’État. Toute faute commise dans l’exercice de ses pouvoirs engagerait donc la responsabilité de l’État. Toutefois, le maire conserverait-il la possibilité légale d’agir ? La commune serait-elle déchargée de toute responsabilité en cas de dommages liés à un trouble à l’ordre public ou à l’exercice des pouvoirs de police ?
Deuxièmement, en cas de refus du préfet, celui-ci devrait-il être motivé ? Un refus injustifié engagerait-il la responsabilité de l’État ?
Cet amendement pose donc des questions qui méritent plus ample réflexion afin, notamment, de lever toute incertitude sur la répartition des responsabilités entre la commune et l’État.
Aussi, pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat et je demande l’avis du Gouvernement.