M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 163 est présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 60.
M. Christian Favier. Il est proposé de supprimer cet article qui prévoit de proroger l’échéance de la période transitoire prévue en matière de travail du dimanche aux I et II de l’article 257 de la loi de 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, s’agissant des « communes d’intérêt touristique ou thermales », des « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » et des « périmètres d’usage de consommation exceptionnelle ».
Alors même que la commission des affaires sociales du Sénat a porté le délai de douze mois à trente-six mois, cet article constitue un recul sévère pour les droits des salariés tout autant qu’un danger pour le petit commerce local.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 163.
M. Jean Desessard. Nous avons déjà débattu de ces questions cet hémicycle. Doit-on travailler le dimanche ? Doit-on banaliser le dimanche ? Doit-on faire travailler les salariés pour vendre des sandwiches dans les centres commerciaux, alors qu’ils seraient mieux en famille, à s’occuper de leurs enfants ? Je ne prolongerai pas ce débat jusqu’à dimanche… (Sourires.)
Les écologistes sont opposés au travail dominical. Il faut conserver cette pause importante pour la convivialité citoyenne. C’est la raison pour laquelle je me rallie à la position de mes collègues du groupe CRC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 163.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes Yonnet, Lienemann et Jourda, M. Labazée et Mme Monier, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
trente-sixième
par le mot :
trentième
La parole est à Mme Évelyne Yonnet.
Mme Évelyne Yonnet. Cet article prévoit de proroger d'une année supplémentaire la période transitoire prévue en matière de travail du dimanche par l'article 257 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
Au regard de l'application d'ordonnances remettant en cause les modalités de négociation des accords et conventions dans le domaine salarial, il convient que cette prorogation ne s’étende que jusqu'à l'application du droit actuel. Cette mesure permettrait aux entreprises qui n’auraient pas trouvé un accord collectif concernant le travail dominical dans les zones touristiques internationales de disposer d’un délai supplémentaire de six mois pour mettre en place un tel accord.
Cet amendement vise donc à modifier l’article 257 de la loi du 6 août 2015 pour porter à trente mois la période transitoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. La durée de trente-six mois que prévoit l’article 7 correspond en effet à la position du Sénat en 2015.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3132-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
« Aucune dérogation à ce principe n’est possible à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 est ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. » ;
3° L’article L. 3132-23 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. » ;
4° L’article L. 3132-25 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.
« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
5° L’article L. 3132-25-3 est abrogé ;
6° L’article L. 3132-25-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25-4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. » ;
7° L’article L. 3132-27 est abrogé ;
8° Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 est complété par un sous-paragraphe ainsi rédigé :
« Sous-paragraphe …
« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche
« Art. L. 3132-27-1-1. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-27-1, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.
« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.
« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.
« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« Art. L. 3132-27-1-2. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-27-1, bénéficie de droit d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.
« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.
« Art. L. 3132-27-1-3. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-1-2, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-27-1 présente à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnel, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.
« Art. L. 3132-27-1-4. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.
« Le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie au premier alinéa.
« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il en informe préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 3132-27-1-5. – Aucune sanction l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement est retiré, monsieur le président. Nous le représenterons à une autre occasion.
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié est retiré.
L'amendement n° 148, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mmes de Rose et Mélot, MM. Morisset, Commeinhes, César, Lefèvre, Bonhomme, D. Laurent et Savary, Mmes Lopez et Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet et de Legge, Mmes Morhet-Richaud et Billon, MM. Rapin, Kern et Pellevat, Mmes Debré, Deromedi et Di Folco et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3132-29 du code du travail est ainsi rédigé : « Lorsqu’au sein d’une zone géographique déterminée, un accord sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs représentatives d’une profession, le préfet… (le reste sans changement) ».
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Il s’agit de s’assurer que les accords sociaux concernant le travail du dimanche soient conclus par des interlocuteurs représentatifs des professions concernées.
Le parallélisme des formes doit être rétabli. Dès lors que des organisations syndicales représentatives peuvent demander au préfet l’abrogation de l’arrêté, il est logique de prévoir que les organisations syndicales demandant au préfet l’adoption de cet arrêté soient, elles aussi, représentatives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit d’un sujet technique. Cet amendement vise à ajouter une condition à l’édiction des arrêtés préfectoraux de fermeture dominicale prévue à l’article L. 3132-29 du code du travail. Les accords sur lesquels ils s’appuient devraient être conclus par des organisations représentatives.
Une telle mesure est difficilement applicable, car les périmètres des arrêtés de fermeture sont aujourd’hui départementaux et infradépartementaux. La profession à laquelle ils peuvent s’appliquer peut recouvrir de nombreuses branches – ainsi, pour la vente de pain, le commerce de détail alimentaire, la boulangerie-pâtisserie… Prendre en compte la représentativité des organisations syndicales d’employeurs à un échelon infradépartemental et intermétiers poserait une multitude de difficultés. Cela deviendrait rapidement une usine à gaz et compliquerait le travail des préfets.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Cela ne règle pas le problème ! La situation est confuse, les arrêtés du préfet pouvant être remis en cause par certains.
Je retire cet amendement, mais il faudra éclaircir ce point, madame la ministre !
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Article 8
(Non modifié)
Pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1er à 7, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.
M. le président. L'amendement n° 158, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La discussion s’accélère… (Sourires.)
Cet amendement vise justement à critiquer la précipitation de la méthode des ordonnances. Les sujets abordés auraient mérité de plus amples débats. Il aurait fallu connaître les positions des organisations syndicales,…
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jean Desessard. … étudier les exemples qu’a donnés à foison Mme la ministre, bref mieux travailler le dossier.
À cet égard, je regrette que le groupe CRC ait retiré son amendement sur l’ubérisation. Sur ce sujet, il y a urgence ! Nous avons besoin d’un débat sur l’ubérisation de notre économie et les moyens de financer la sécurité sociale. Cet amendement posait une vraie question qui méritait d’être traitée en urgence.
Mme Laurence Cohen. Il fallait le reprendre !
M. Jean Desessard. Je maintiens cet amendement, mais je comprends que vous vouliez aller encore plus vite, madame la ministre, monsieur le rapporteur ! Ce n’est plus « en marche », c’est « au galop » ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je vais tout de même prendre le temps de souligner la malice de M. Desessard et des cosignataires de cet amendement de suppression !
L'article 8 fixe le délai de dépôt des projets de loi de ratification à trois mois à compter de la publication des ordonnances. Il s’agit d’une obligation constitutionnelle, dont le non-respect entraînerait la caducité des ordonnances…
M. Jean Desessard. Vous l’avez vu ? C’est dommage !... (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je salue également l’habileté de la tentative, mais suis bien évidemment défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis
(Non modifié)
Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement afin de procéder à une évaluation précise de l’effet des ordonnances prises sur le fondement des articles 1er à 8. Ce rapport doit plus particulièrement permettre de mesurer l’impact des mesures prévues par ces ordonnances sur la compétitivité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises, ainsi que sur la protection des salariées et des salariés. Un débat peut être organisé au Parlement sur la base des conclusions de ce rapport.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Nous clôturons nos travaux sur ce projet de loi par l’examen d’un article et de quatre amendements portant article additionnel visant à demander au Gouvernement de réaliser des rapports à destination du Parlement. Je réitérerai sur mon opposition et celle de la commission des affaires sociales – bien ancrées, mais pas absolues – à cette pratique, en me fondant sur des exemples récents tirés de la discussion des dernières lois majeures relatives au droit du travail.
Dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, le Gouvernement s’était engagé à remettre au Parlement quinze rapports, le dernier au plus tard le 31 décembre 2015. Seuls deux nous ont été communiqués.
Aucun des cinq rapports prévus par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale n’a été transmis au Parlement. Idem pour les trois rapports prévus par la loi Rebsamen du 17 août 2015.
Enfin, ce sont déjà cinq rapports prévus par la loi El Khomri du 8 août 2016 qui sont en retard. Je vous informe d’ailleurs, madame la ministre, que vous devez transmettre au Parlement, avant le 8 août prochain, un rapport dressant le bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales – c’est l’article 20 de la loi El Khomri –, un rapport sur l’état des discriminations syndicales en France – c’est l’article 30 –, ainsi qu’un rapport présentant des propositions pour renforcer l’attractivité de la carrière de médecin du travail – c’est l’article 104.
Mme Éliane Assassi. Bonnes vacances, madame la ministre ! (Sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. Je peux dire, à titre d’exemple, que nous espérons toujours obtenir un jour le rapport sur l’articulation entre le code du travail et les statuts des personnels des chambres consulaires, qui aurait dû être remis le 31 décembre 2013, en application de l’article 26 de la loi du 14 juin 2013, ou encore celui sur la redéfinition, l’utilisation et l’harmonisation des notions de jour dans le code du travail, que je sais cher à Nicole Bricq et qui aurait dû nous être remis avant le 9 mai dernier en application de l’article 13 de la loi El Khomri.
Je tiens enfin à lever un malentendu qui est apparu lors de la discussion ce matin de l’amendement n° 177 rectifié ter à l’article 3, relatif au télétravail. À cette occasion, il a bien été fait mention d’un rapport, très utile d’ailleurs, sur ce thème. Il s’agit toutefois non d’un rapport du Gouvernement au Parlement, mais du résultat de la concertation engagée par les partenaires sociaux en application de l’article 57 de la loi El Khomri.
C’est l’occasion de souligner, pour conclure, que ce même article prévoyait que le Gouvernement remettrait au Parlement avant le 1er décembre 2016 un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liée à l’utilisation des outils numériques. Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, nous l’attendons toujours… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Je partage tout à fait l’analyse du rapporteur. En disant cela, je ne me prononce pas sur les demandes de rapport que nous aurons à examiner dans quelques instants.
Lorsque je présidais la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, qui a été dissoute depuis et dont les travaux ont été salués, j’ai redit tous les ans que le Parlement ne s’honorait pas à faire des demandes auxquelles il ne croyait pas lui-même.
M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. David Assouline. En effet, ce faisant, il dévalorise son propre travail. Le taux de remise des rapports prévus dans la loi est tellement ridicule qu’il devient presque humiliant de continuer à faire semblant… La pratique a peut-être un peu décliné, mais elle perdure. On m’avait même appris, lorsque j’étais jeune sénateur, que si l’amendement que je souhaitais présenter n’était pas recevable, il suffisait de demander un rapport pour être sûr que le sujet serait abordé !
M. Antoine Lefèvre. C’était la vieille école !
M. Roger Karoutchi. C’était le monde d’avant !
M. David Assouline. Il n’est guère souhaitable que la Haute Assemblée poursuive dans cette attitude quelque peu adolescente. Je ne suis pas opposé par principe aux demandes de rapport, mais quand on en présente systématiquement et à tout propos, le Gouvernement ne se sent plus tenu à aucune obligation à cet égard, la tâche étant impossible, sauf à ne se consacrer qu’à cela.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis.
(L'article 8 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 bis
M. le président. L'amendement n° 144 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente, au plus tard le 31 décembre 2017, un rapport d’évaluation sur les dispositifs de sécurisation de l’emploi existants et les axes d’amélioration en vue de mettre en place une sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés.
Ce rapport s’attache plus particulièrement à présenter les pistes de réflexion permettant d’assurer à chacun un travail décent ou un revenu de remplacement, ainsi que des droits sociaux continus en matière de salaire, de formation, de qualification, d’ancienneté, et de représentation syndicale.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise précisément à demander au Gouvernement la remise, au plus tard le 31 décembre 2017, d’un rapport d’évaluation des dispositifs de sécurisation de l’emploi existants et des axes d’amélioration, en vue de mettre en place une sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés. Je ne rappellerai pas ici les propos tenus par Ambroise Croizat et les membres du Conseil national de la résistance lorsqu’ils ont mis en place la sécurité sociale. Peut-être pourraient-ils figurer dans ce rapport…
S’appuyant sur la proposition de loi n° 4413 pour une sécurité de l’emploi et de la formation, déposée le 25 janvier 2017, cet amendement vise à lancer le débat sur la mise en œuvre d’une véritable sécurité sociale professionnelle pour tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Compte tenu des plaidoyers du rapporteur et de M. Assouline, avis défavorable !
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport examinant la possibilité de conserver au salarié concerné par un licenciement économique les éléments du statut de salarié lui permettant de maintenir un lien avec l’entreprise pendant la durée d’une formation qualifiante.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Il y a une erreur dans la rédaction de cet amendement : c’est non pas un rapport, mais une réflexion qui est demandée au Gouvernement ! (Rires.)
Nous vivons une période de chômage qui dure depuis plus de trente ans et la vérité, c’est que le chômage ne disparaîtra pas. Il connaîtra peut-être des reculs, mais ils seront suivis de périodes de recrudescence, car nous sommes dans une économie qui évolue.
Or, même s’il pourrait ne pas en être une, le chômage est vécu comme une malédiction pour celui qui le subit, autant pour des raisons financières lorsqu’il se prolonge que pour des raisons psychologiques et sociétales. Il induit un sentiment d’humiliation, la perte d’estime de soi, la peur du regard des autres, la perte des savoir-faire.
Le nombre de suicides liés au chômage est considérable. Selon une étude, dont j’ignore si elle est véritablement scientifique, 500 000 cancers dans le monde seraient liés au chômage. Les traumatismes subis sont souvent irréversibles et ont des conséquences sur la vie familiale, la capacité éducative – quand on a perdu l’estime de soi, on ne peut plus s’intéresser aux autres, en particulier à ses enfants –, et peuvent entraîner des conduites addictives et l’exclusion sociale.
Le maintien d’un lien avec l’entreprise, lorsque celle-ci n’a pas disparu, permettrait d’éviter ce type de trauma, sans entraîner de coût supplémentaire.
L’indemnisation du chômage représente 40 milliards d'euros. La formation des chômeurs coûte 30 milliards d’euros. Ces 70 milliards d’euros dépensés chaque année seraient peut-être mieux utilisés s’ils permettaient de conserver au salarié son statut pendant la période de formation, ce qui éviterait cette humiliation, ces difficultés, ces traumatismes.