M. le président. Je mets aux voix l'article 9 ter, modifié.
(L'article 9 ter est adopté.)
Chapitre III
Accès au financement et pluralisme
Article 10
Après le titre III de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, il est inséré un titre III bis ainsi rédigé :
« TITRE III BIS
« DISPOSITIONS RELATIVES À LA MÉDIATION EN VUE DU FINANCEMENT DES CANDIDATS ET DES PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES
« Art. 16-1. – I. – Un médiateur du financement des candidats et des partis politiques est chargé de concourir, en facilitant le dialogue entre les candidats à un mandat électif et les partis et groupements politiques d’une part, les établissements de crédit et les sociétés de financement d’autre part, au financement légal et transparent de la vie politique, en vue de favoriser, conformément aux articles 2 et 4 de la Constitution, l’égalité de tous devant le suffrage, les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
« II. – Tout candidat, parti ou groupement politique peut saisir le médiateur afin qu’il exerce une mission de conciliation auprès des établissements de crédit et des sociétés de financement ayant rejeté ses demandes de prêt.
« Le médiateur favorise ou suscite toute solution de conciliation propre à assurer le financement de la campagne des candidats, partis ou groupements politiques présentant des garanties de solvabilité suffisantes.
« II bis (nouveau). – Tout mandataire financier d’un candidat, tout mandataire financier ou toute association de financement d’un parti ou groupement politique peut saisir le médiateur afin qu’il exerce une mission de conciliation auprès des établissements de crédit ayant refusé sa demande d’ouverture d’un compte bancaire ou postal ou des prestations liées à ce compte.
« Le médiateur favorise ou suscite toute solution de conciliation propre à remédier aux difficultés rencontrées dans l’ouverture et le fonctionnement de ce compte bancaire ou postal.
« II ter (nouveau). – Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle civile sans l’accord des parties.
« III. – Le médiateur du financement des candidats et des partis politiques est nommé par décret du Président de la République pour une durée de six ans non renouvelable, sur une liste de trois noms établie par le gouverneur de la Banque de France.
« IV. – Le secret professionnel protégé par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier n’est pas opposable au médiateur du financement des candidats et des partis politiques.
« V. – Le médiateur du financement des candidats et des partis politiques présente au Parlement un rapport annuel dans lequel il fait un bilan de son activité et peut présenter des recommandations relatives au financement des candidats et partis ou groupements politiques.
« VI. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« VII. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Le présent article crée un médiateur de la République à l’image du médiateur créé en 2008 pour les entreprises. C’est une bonne chose. Chacun sait que l’accès au financement et notamment au crédit peut être une démarche semée d’embûches pour les partis politiques et pour les candidats aux élections. Il s’agit là d’une entrave au bon déroulement de la vie démocratique de notre pays et d’un facteur d’inégalités entre les candidats.
Sur l’initiative de M. le rapporteur, la commission a modifié la dénomination de « médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques » en « médiateur du financement des candidats et des partis politiques ».
Nous approuvons l’élargissement des missions de ce médiateur. Notre seule interrogation réside dans son mode de désignation, à savoir la nomination par décret du Président de la République : cette procédure renforce encore la présidentialisation du régime. Nous en parlerons d’ailleurs en présentant un prochain amendement.
Sur le fond, l’accès au crédit et aux financements reste, pour la vitalité de notre démocratie, une véritable question qui ne peut être laissée à la seule appréciation du secteur bancaire privé de notre pays.
Pour cette raison, nous regrettons la suppression, à l’article 12, de la banque de la démocratie. Certes, le Conseil d’État a émis des réserves quant au fonctionnement de cette instance, et de nombreuses incertitudes planaient sur ce dispositif. Pour autant, il est aujourd’hui nécessaire de réguler l’accès au financement des organisations politiques comme des associations.
Nous ne souscrivons pas à l’argument selon lequel « seule une insuffisance avérée du marché de l’accès au crédit pour les candidats et les partis politiques, après intervention éventuelle du médiateur, pourrait justifier sous quelque forme que ce soit une intervention sous la forme d’une structure dédiée ».
Au contraire, nous pensons qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics de garantir l’accès de tous au financement. C’est une question éminemment démocratique.
Nous regrettons donc largement cette suppression, même si, je le répète, cette création passait par l’habilitation du Parlement au Gouvernement à agir par voie d’ordonnance. Nous espérons évidemment que cette discussion reprendra.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 219, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1, 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 4
Supprimer la référence :
Art. 16-1. -
III. – Alinéas 4, 10, 11 et 12
Remplacer les mots :
financement des candidats et des
par les mots :
crédit aux candidats et aux
IV. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
, sur une liste de trois noms établie par le gouverneur de la Banque de France
par les mots :
après avis des commissions compétentes en matière de lois électorales, conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et après avis du gouverneur de la Banque de France
V. – Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
VII. – Le présent article est applicable en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Plusieurs des modifications que la commission des lois a apportées à l’article 10 nous semblent bienvenues. Le Gouvernement soutient en particulier l’extension des missions du médiateur aux litiges relatifs à l’ouverture d’un compte bancaire et à l’accès aux prestations bancaires de base.
Pour autant, je ne peux soutenir ni le changement de nom du médiateur ni l’insertion du dispositif dans la loi du 11 mars 1988.
En effet, il nous semble que la mission centrale du médiateur demeure l’accès au crédit. En conséquence, il nous paraît indispensable que les parties prenantes puissent identifier aisément leur interlocuteur privilégié dans ce domaine : voilà pourquoi le nom de « médiateur du crédit » nous semble plus clair.
De plus, le nom de « médiateur du financement » et l’insertion du dispositif dans la loi de 1988 seraient, à nos yeux, sources d’ambiguïtés : le médiateur n'a pas vocation à intervenir sur les autres modes de financement des partis et des candidats, modes de financement que l’on sait très variés.
Enfin, le mode de nomination du médiateur doit être clair. La procédure prévue par l’article 13, alinéa 5, de la Constitution offre toutes les garanties nécessaires pour assurer la désignation d’un médiateur qualifié et indépendant. Le gouverneur de la Banque de France émettra un avis simple, alors que, comme vous le savez, les assemblées parlementaires pourront s’opposer à la désignation du médiateur. L’établissement d’une liste limitative de candidats par le gouverneur de la Banque de France, que prévoit le texte adopté par la commission des lois, ne paraît pas compatible avec cette procédure.
C’est pourquoi, de notre point de vue, il conviendrait de revenir sur ce point à la rédaction initiale du présent projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. – Le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques est nommé par décret pris en Conseil d’État sur proposition conjointe des deux présidents des assemblées après consultation des commissions compétentes, pour une durée de six ans non renouvelable, après avis de la Haute autorité de la transparence de la vie politique et du gouverneur de la Banque de France.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Sur cet article, nous défendons la position de la commission, mais nous souhaiterions également revoir le dispositif de nomination du médiateur du financement.
Dans le projet de loi initial, le médiateur était nommé pour un mandat de six ans, par décret du Président de la République, après avis des commissions compétentes en matière de lois électorales, conformément à la loi organique du 23 juillet 2010, et après avis du gouverneur de la Banque de France.
La commission a revu ce mode de nomination pour donner un réel pouvoir propositionnel au gouverneur de la Banque de France. C’est effectivement un pas positif, à ceci près que le gouverneur de la Banque de France est lui-même nommé par le Président de la République…
Pour notre part, nous contestons le fait que cette nomination soit liée à un décret du Président de la République. Nous estimons que ce dispositif contribue à l’hyperprésidentialisation du régime, que nous contestons très régulièrement.
Nous préconisons donc que le médiateur soit nommé, non par un simple décret du Président de la République, mais par un décret en Conseil d’État. Ce décret ferait suite à une consultation des assemblées par le biais des commissions compétentes et après avis non seulement du gouverneur de la banque de France, mais aussi de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
En effet, il semble important de s’adjoindre l’avis de la Haute Autorité au regard de l’exigence d’impartialité et de probité de ce futur médiateur placé au cœur du pouvoir politique et financier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission préfère s’en tenir à son texte : je m’en excuse auprès de Mme la garde des sceaux comme auprès de nos collègues du groupe CRC.
Si nous avons appelé ce médiateur « médiateur du financement », et non « médiateur du crédit », c’est parce qu’il ne s’occupera pas seulement de crédit : il se chargera également de l’ouverture des comptes bancaires des candidats. Il est bon que le titre de cette autorité soit ajusté à l’extension de son périmètre d’intervention.
Quant aux modalités de désignation que nous avons fixées, je conçois qu’elles ne satisfassent pas nos collègues du groupe CRC, et je comprends parfaitement les raisons pour lesquelles ils ne pourront pas les approuver, mais nous sommes tout de même allés plus loin que le Gouvernement.
Celui-ci avait prévu un avis du gouverneur de la Banque de France. Pour notre part, nous nous sommes un peu inspirés des modalités de nomination des magistrats du siège. Nous avons estimé que, si le gouverneur de la Banque de France fait une proposition, la procédure lie davantage le Président de la République. Mais il ne faut pas trop le lier non plus.
Nous avons donc prévu que le gouverneur de la Banque de France fasse la proposition de trois noms. Parmi ces derniers, le Président de la République choisira de désigner un médiateur pressenti, lequel se présentera devant les commissions des lois de chacune des deux assemblées. Si, par un vote à la majorité qualifiée, celles-ci repoussent ce choix, il faudra recommencer la procédure.
Ce sont là des garanties d’indépendance auxquelles s’ajoute, comme dans toute haute autorité indépendante, l’indépendance statutaire. À mon sens, on peut difficilement aller plus loin dans notre système républicain. En conséquence, je souhaite que le Sénat s’en tienne à la position de la commission des lois.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 103 ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le médiateur du crédit doit être nommé d’une manière indépendante et transparente : je comprends parfaitement cette préoccupation. Mais il me semble que l’article 13 de la Constitution répond parfaitement à cette exigence.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Après la 43e ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Médiateur du financement des candidats et des partis politiques |
Commission compétente en matière de lois électorales |
» .
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 220, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
financement des candidats et des
par les mots :
crédit aux candidats et aux
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Bien sûr, je maintiens la position que j’ai précédemment exposée. Néanmoins, le Sénat vient de voter le changement de nom du médiateur du crédit. Par cohérence, je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 220 est retiré.
M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour que les candidats, partis et groupements politiques soumis à la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique puissent, en cas de défaillance avérée du marché, le cas échéant après intervention du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, assurer le financement de campagnes électorales pour les élections présidentielles, législatives, sénatoriales et européennes par l’obtention de prêts, avances ou garanties.
Ce dispositif peut prendre la forme d’une structure dédiée, le cas échéant adossée à un opérateur existant, ou d’un mécanisme spécifique de financement. L’ordonnance en précise les règles de fonctionnement, dans des conditions garantissant à la fois l’impartialité des décisions prises, en vue d’assurer le pluralisme de la vie politique, et la viabilité financière du dispositif mis en place.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. M. Grand a suggéré que les membres du Gouvernement ne connaissaient pas la réalité, et je le regrette : il se trouve que j’ai été très jeune élue locale…
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … et dû conduire une liste alors que j’avais à peine trente ans. En tant que tête de liste, j’ai parfaitement pu mesurer les difficultés financières qui se présentaient pour accéder et aux comptes et aux crédits.
Quoi qu’il en soit, l’ensemble des propos qui ont été tenus ici militent pour le rétablissement de la banque de la démocratie. Sans m’attarder davantage sur le constat, dressé par tous, des difficultés rencontrées par les candidats aux fonctions électives, je souhaite dire quelques mots à ce propos.
Dans le cadre des campagnes électorales, le recours à l’emprunt bancaire est en recul. Il représentait 35 % du financement des candidats à l’élection présidentielle et 25 % du financement des candidats aux élections législatives en 2012. Il représentait en outre près de 10 % du financement des candidats lors des dernières élections sénatoriales.
Face à ce constat, le Gouvernement a proposé deux mesures : d’une part, la création d’un médiateur du crédit – je maintiens le nom ! – aux candidats et aux partis politiques, et, d’autre part, la création d’une structure pérenne de financement.
Ces deux mesures nous semblent complémentaires.
Si, dans un certain nombre de cas, l’intervention du médiateur est de nature à remédier aux difficultés que rencontrent les candidats et les partis dans l'obtention des crédits, elle ne permettra pas de surmonter tous les obstacles auxquels se heurteront les candidats aux élections confrontés à un besoin immédiat de financement en vue d'une élection déterminée.
Une structure de financement des candidats apparaît donc comme une réponse indispensable pour pallier les carences du financement bancaire privé.
Pour ce qui concerne la structure de financement envisagée, nous souhaitons demander au Parlement l’habilitation de légiférer par ordonnance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’habilitation que nous vous proposons de nous donner est bien entendu assez large, parce qu’elle prévoit plusieurs options. Elle comporte cependant les dispositions nécessaires pour assurer le respect de l’article 38 de la Constitution, comme l’a d’ailleurs précisé le Conseil d’État dans son avis.
L’habilitation prévoit que la structure de financement interviendra en cas de défaillance avérée du marché et, le cas échéant, après intervention du médiateur. La banque de la démocratie pourra accorder des prêts, des avances ou des garanties.
De plus, l’amendement présenté par le Gouvernement tend à resserrer le champ de l’habilitation au financement des campagnes électorales présidentielles, législatives, sénatoriales et européennes.
La banque de la démocratie pourra être un établissement doté de la personnalité morale, adossé à un établissement de crédit existant, ou bien prendre la forme d'un mécanisme de financement spécifique.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous : une mission va être confiée en ce sens à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale de l’administration. Ainsi pourra-t-on déterminer la forme la plus adéquate de cette structure pour qu’elle puisse atteindre au mieux les buts qui lui sont fixés. Par la même occasion, les conditions de sa mise en place pourront être établies.
Enfin, l’habilitation précise que les règles de fonctionnement de la structure devront garantir l’impartialité des décisions qui seront prises, de manière à préserver le pluralisme de la vie politique et la viabilité financière du dispositif mis en place.
Comme le précise l’étude d’impact, les décisions pourront être prises par une autorité collégiale ne recevant aucune instruction du Gouvernement non plus que d’une autre autorité, afin de préserver l’indépendance de la banque de la démocratie.
Les décisions de la banque pourront se fonder sur les perspectives raisonnables de remboursement, reposant elles-mêmes sur des critères objectifs tels que, par exemple, le patrimoine du demandeur ou l’existence de garanties et de sûretés.
Concrètement, le critère d’appréciation appliqué par la banque de la démocratie devra être la solvabilité. Ce critère permettra également d’objectiver le cadre d’intervention de la banque.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette demande d’habilitation n’est pas la conséquence d’une quelconque impréparation du Gouvernement, comme j’ai parfois pu l’entendre et le comprendre. Au contraire, elle témoigne de la prudence dont fait preuve le Gouvernement dans la définition d’une structure qui soit la plus appropriée pour permettre le financement des campagnes électorales et pour garantir ainsi le pluralisme politique visé par l’article 4 de notre Constitution.
Au demeurant, cette habilitation n’est pas plus imprécise que bien des habilitations votées, par le passé, par le Parlement.
Mme Nicole Bricq. C’est sûr !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite disposer des moyens d’instituer une banque de la démocratie. Cette instance nous semble totalement indissociable des autres mesures réformant le financement de la vie politique, que vous examinez aujourd’hui.
Voilà pourquoi je vous propose de rétablir l’article 12 du présent projet de loi.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la garde des sceaux, sur ce point, nous avons un désaccord irréductible.
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous ne sommes pas, par principe, hostiles à toute habilitation, mais une jurisprudence très fournie du Conseil constitutionnel établit clairement que, pour qu’une habilitation soit constitutionnelle, elle doit être suffisamment précise. Or, en l’occurrence, nous considérons qu’elle ne l’est pas.
Bien sûr, vous l’avez rappelé, les finalités sont définies, mais la nature de la structure qui serait mise en place reste tout à fait vague. Elle est d’ailleurs si vague que – vous l’avez dit vous-même – le Gouvernement entend choisir entre trois options. Pour trancher, il attendra le résultat de l’étude qu’il a confiée conjointement à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale de l’administration.
Nous vous faisons réellement crédit des intentions qui sont les vôtres pour améliorer le financement des campagnes électorales et nous sommes tout à fait prêts à débattre avec vous. Cependant, dans ce domaine hautement dérogatoire aux droits du Parlement, nous ne pouvons pas vous accorder une habilitation qui, selon nous, ressemblerait trop à une sorte de chèque en blanc.
Je sais bien que tel n’est pas votre point de vue, et je le respecte. Mais, par exemple, outre la nature de la structure, une question fondamentale est complètement absente de l’habilitation : les prêts seront-ils accordés en fonction de critères de solvabilité de l’emprunteur, de critères politiques ou d’éléments combinés ? Il ne nous est pas indifférent de le savoir.
Au fond, si vous ne parvenez pas à obtenir cette habilitation, qui pose problème au Parlement, rien ne vous empêche, puisque vous avez engagé ce travail, de revenir le moment venu devant les deux assemblées, soit avec un nouveau projet de loi d’habilitation, soit avec un projet de loi créant cette banque de la démocratie.
Le sujet est tellement nouveau, l’idée est si créative que, je le comprends bien, vous n’avez pas matériellement eu le temps d’aller plus loin. Vous avez sans doute besoin d’être davantage éclairée avant de pouvoir nous éclairer vous-même, mais, dès lors que nous ne sommes pas suffisamment éclairés, nous ne pouvons vous déléguer le pouvoir législatif que la Constitution nous confère.
C’est la raison pour laquelle je confirme l’avis défavorable de la commission sur votre amendement, ce qui ne vous étonnera pas.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est la marque du Sénat, madame la garde des sceaux ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. La création d’une banque de ce type est non seulement une bonne idée, mais une nécessité. Peut-être le titre de « banque de la démocratie » est-il, sinon pompeux, du moins un peu ambitieux. Toutefois, monsieur le rapporteur, nous vivons une période fondamentalement nouvelle.
M. Philippe Bas, rapporteur. Cela n’interdit pas de respecter la Constitution !
Mme Nicole Bricq. Il ne faut donc pas s’étonner que des nouveautés soient soumises au vote des parlementaires,…
Mme Catherine Di Folco. Ne mélangeons pas tout !
Mme Nicole Bricq. … car cela fait partie de l’exercice. La période actuelle est tout de même assez exceptionnelle, et je pense que cela va continuer.
Cette précision étant faite, il me semble important, en la matière, de distinguer la forme et le fond.
Sur le fond, on ne peut à mon sens qu’être favorable à cette institution, dans la mesure où elle est une garantie de pluralisme – j’insiste sur cet enjeu – et d’indépendance. J’ajoute que la banque de la démocratie permettra de savoir d’où vient l’argent : je n’en dis pas plus, mais je relève que le financement de certaines campagnes électorales a suscité beaucoup de débats. À mes yeux, il s’agit là de missions utiles, et même essentielles.
Ensuite, vient la question de la forme et de la méthode.
Vous contestez le recours aux ordonnances. Nous allons débattre une semaine entière en séance publique de la réforme du droit du travail, qui fait l’objet d’une telle demande d’habilitation. Or j’ai cru comprendre qu’en la matière vous n’étiez pas défavorable à la méthode des ordonnances. Quand la nécessité ou l’urgence l’imposent, il faut vraiment donner cette habilitation à l’exécutif.
M. Bruno Sido. Nous l’avons tous fait…
Mme Nicole Bricq. À mon sens, nous avons intérêt à résoudre ce problème aujourd’hui. Sinon, quand le ferons-nous ? Dans une nouvelle loi bancaire ? Je ne le crois pas. Par un cavalier introduit dans un véhicule législatif ? Je ne le crois pas. Dans une loi de finances ? Je ne le crois pas.
Ce sujet est consubstantiel du présent projet de loi. Cela étant, je peux comprendre que vous ayez des interrogations quant aux critères d’attribution des financements accordés par cette institution.
Madame la garde des sceaux, sur ce sujet, vous vous apprêtez à lancer une mission conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration. Au terme de leur travail, ces deux instances vous remettront un rapport. Peut-être serait-il intéressant que vous en rendiez compte au Parlement, afin que nous puissions avancer.