M. Bernard Delcros. Nous devons donner aux bourgs-centres et aux petites villes-centres les moyens de conforter leur rôle de pôles de services et d’emplois et aux plus petites communes, les moyens de remplir leurs missions de service public de proximité.
Le soutien de l’État à l’investissement rural, que vous avez voulu, madame la secrétaire d’État, avec l’augmentation de la DETR, du Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire, le FNADT, la création du FSIL, les contrats de ruralité, la hausse de la péréquation, doit être maintenu.
L’État doit également maintenir un maillage suffisant de services publics dans les territoires ruraux, certains collègues l’ont rappelé. Il doit les doter des infrastructures nécessaires à leur développement, comme le très haut débit et la téléphonie mobile – on pourrait aussi parler du désenclavement routier ou du ferroviaire. Voilà quelle est aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, la responsabilité de l’État envers ces territoires.
En ouvrant le sujet de l’avenir des communes rurales, on pose en réalité la question de la ruralité de demain. Je veux le dire avec force : notre pays a besoin de sa ruralité ; une ruralité habitée, vivante, accueillante ; une ruralité innovante et connectée ; une ruralité qui peut répondre aux enjeux émergents de ce XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Républicains.
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi NOTRe a prévu des compétences obligatoires pour les communautés de communes, mais les concours de l’État vers les communautés de communes sont en baisse et, surtout, le mécanisme de péréquation horizontale, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, est particulièrement injuste.
Ce mécanisme présente des inconvénients. Tout d’abord, il se trouve que des communautés de communes qui étaient bénéficiaires du FPIC sont devenues contributrices.
M. Jean-Pierre Bosino. Eh oui !
M. Alain Marc. Plus grave encore, des communes faisant partie de ces communautés de communes – qui étaient par ailleurs, elles aussi, bénéficiaires et, pour certaines d’entre elles, assez pauvres et même très pauvres – doivent désormais reverser de l’argent…
M. Jean-Pierre Bosino. Voilà !
M. Alain Marc. Ce mécanisme est donc très certainement à revoir, afin de corriger les injustices qu’il provoque, notamment au niveau communal, lorsque des communautés de communes accueillent en leur sein une commune plus riche, sans que, pour autant, la richesse de la communauté de communes soit établie, et encore moins celle de chaque commune qui la compose.
Ensuite, on peut être choqué par le déséquilibre des mécanismes des dotations qui met les communes rurales, par principe, à un niveau inférieur à celles du monde urbain. Peu de personnes rappellent que la DGF des communes est, par habitant, deux fois moindre en milieu rural qu’en ville.
Permettez-moi une remarque : puisque le Conseil constitutionnel estime que les populations doivent être numériquement équilibrées lorsqu’il s’agit de définir les limites d’un canton, pourquoi ce principe ne s’appliquerait-il pas à la répartition des dotations et au calcul de la DGF par habitant, que la commune se trouve en zone rurale ou en zone urbaine ?
Paris et les métropoles ne résument pas la totalité de la France. Notre collègue Bernard Delcros vient de le dire fort brillamment : sans son milieu rural, la France ne serait pas la France, contrairement à d’autres pays qui ne possèdent pas le même maillage. C’est le cas de l’Espagne, par exemple : entre Madrid et Saragosse, on traverse un désert sur des centaines de kilomètres. Une telle situation ne se retrouve pas chez nous et il faut tenir compte de cette réalité, madame la secrétaire d’État !
Une autre piste peut être ouverte pour dégager des moyens, parce que l’on sait que, pour les communautés de communes comme pour les communes, l’argent est le nerf de la guerre.
Sur certains territoires, il existe des établissements industriels produisant des énergies nouvelles – je pense à l’électricité d’origine éolienne ou photovoltaïque. Jusqu’à présent, des groupes privés étaient à l’initiative de ces projets et les communautés de communes ou les communes percevaient et perçoivent le produit fiscal de l’implantation de ces établissements industriels. Désormais, il me semble que la voie de l’investissement participatif ouverte aux communautés de communes et aux communes serait de nature à fournir des ressources assez importantes pour permettre à celles-ci, dans les vingt prochaines années – durée des contrats établis avec EDF –, de réaliser des gains grâce auxquels elles pourront à leur tour réaliser des investissements patrimoniaux et se comporter un petit peu comme des entreprises. En résumé, on dégage les moyens que l’on peut obtenir avec les moyens dont on dispose !
Il nous semble important de dégager de nouveaux moyens dans une période difficile, où la disette de l’État est avérée depuis de nombreuses années, et nous avons besoin de continuer à investir pour améliorer le confort des populations que nous administrons par un bon niveau d’équipement. Investir et ainsi créer de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jacques Mézard et Bernard Delcros applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.
M. Bernard Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les petites communes rurales sont plus que jamais à la croisée des chemins. En tant que président de l’Union des communes rurales de la Loire, je vois tous les jours qu’elles sont victimes d’un effet de ciseaux dévastateur, très bien résumé par l’intitulé de ce débat qu’a souhaité le groupe CRC.
Les moyens des communes rurales sont réduits à peau de chagrin ! Partout, nous voyons réellement l’effet de la baisse des dotations. Les maires, désormais, réduisent les services rendus aux habitants.
Concrètement, dans ma commune de Saint-Nizier-de-Fornas, qui compte 677 habitants, la DGF a baissé de 16 % entre 2014 et 2016 – elle est passée de 91 000 euros en 2014 à 76 611 euros en 2016. Et il y a bien pire !
Le projet de loi de finances pour 2017 entérine, pour la quatrième année consécutive, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. En cumulé, sur l’ensemble du quinquennat, ce sont 27 milliards d’euros en moins pour les budgets des collectivités territoriales.
Même si, face à la fronde des maires, François Hollande a décidé, cette année, de pondérer la pression supportée par les communes et les intercommunalités en la réduisant de moitié, il n’en reste pas moins que, en 2014, 2015 et 2016, l’effort financier consenti par le bloc communal a été considérable.
Il faut bien sûr mettre cet effort en relation avec les nouvelles charges imposées par le Gouvernement aux collectivités locales, par exemple, avec la réforme des rythmes scolaires dont la part du coût restée à la charge du bloc communal est estimée à 70 %.
Les capacités d’investissement des petites communes, et donc leurs moyens, subissent une forte contrainte. Voici un exemple très simple, mais pour moi extrêmement révélateur : il y a cinq ou six ans, je recevais à peu près une quinzaine de demandes par an de subventions au titre de la réserve parlementaire. Aujourd’hui, je reçois environ cinquante demandes par an de maires de petites communes, parfois pour des montants de 2 000 euros ou 3 000 euros.
On l’oublie souvent, les communes rurales représentent 22 millions d’habitants. Leurs dépenses moyennes d’équipement par habitant, en 2013, s’élevaient à 406 euros, alors qu’elles n’atteignaient que 396 euros dans les communes de plus de 3 500 habitants. On ne peut donc que constater une véritable inégalité.
Dans son très bon rapport intitulé Concours financiers de l’État et disparités de dépenses des communes et de leurs groupements, la Cour des comptes a très justement relevé plusieurs injustices, notamment sur la dotation globale de fonctionnement. En effet, la DGF par habitant est parfois de 1,5 à 2,5 fois plus élevée dans une commune urbaine que dans une commune rurale – 62 euros par habitant dans certaines communes rurales, contre 124 euros par habitant dans les villes.
Ce rapport démontre très clairement l’effet de redoublement qu’ont les différentes dotations forfaitaires sur les inégalités initiales de richesse fiscale, contribuant à figer les inégalités de dépenses par habitant qui en découlent.
Les premières analyses sur la réforme territoriale soulignent déjà que les incitations budgétaires pour encourager le développement de l’intercommunalité ont favorisé l’engagement de dépenses nouvelles plutôt que la recherche d’économies d’échelle.
Nous avons beaucoup parlé des moyens, mais les outils, eux aussi, sont de plus en plus faibles. Nos collectivités arrivent de moins en moins à assumer l’ensemble de leurs missions et sont de plus en plus souvent délaissées par les services déconcentrés de l’État.
En outre, lorsque les maires participent aux conseils communautaires, ils réalisent qu’ils n’ont malheureusement plus grand-chose à arbitrer. Il n’est plus question pour les communes de décider ensemble, en fonction du contexte et des possibilités locales, des compétences qui seront mises dans le « pot commun ». Dorénavant, c’est la loi qui fixe la liste, de plus en plus longue, des compétences communales qui doivent obligatoirement être transférées au niveau communautaire.
Dans toute la France, nous voyons les communes se dessaisir de leurs compétences – si j’ose dire – au profit des intercommunalités.
Alors que l’urbanisme était un domaine incontournable de la gestion des communes, le transfert aux communautés de la compétence relative aux plans locaux d’urbanisme illustre parfaitement cet effacement historique. Les communes rurales minoritairement représentées au sein du conseil communautaire n’auront plus aucun moyen de s’opposer à des décisions pourtant déterminantes pour l’avenir de leur territoire. Elles deviennent des coquilles vides !
Mes chers collègues, même si nous manquons encore de recul pour évaluer certaines réformes, j’ai bien peur que nous ne soyons en train de créer des usines à gaz qui découragent les maires ruraux et qui ne soient source d’aucune économie, bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC. – MM. Jacques Mézard et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis les années 2000, les territoires ont connu une série de réformes qui ont profondément chamboulé le paysage administratif et politique de la France, avec la création de nouveaux cantons rarement en rapport avec les bassins de vie, la création de nouvelles régions, le transfert de compétences du département à la région, la création de nouvelles communautés de communes – le Sénat a permis de maintenir un seuil de 5 000 habitants en zone rurale –, la création des pôles d’équilibre territorial et rural, les PETR, qui remplacent les pays, en regroupant des EPCI, et permettront de défendre des projets auprès de la région et de l’État.
Le maintien du département en milieu rural me paraît indispensable, puisqu’il faut conserver une administration de proximité pour gérer les aides sociales et apporter une aide aux communes. Puis-je faire observer que ma région, la Nouvelle Aquitaine, qui regroupe douze départements, est plus vaste que l’Autriche ?
Comment administrer mieux avec moins de moyens financiers, du fait de la baisse des dotations – plus de 10 milliards d’euros en quatre ans pour les communes ? Quels sont donc les moyens destinés aux collectivités territoriales en milieu rural, qui sont les plus nombreuses en France ? La réponse est simple : ils sont très nettement insuffisants à ce jour, mal adaptés, surtout pour les territoires hyper-ruraux. Je remercie donc le groupe CRC d’avoir pris l’initiative de ce débat.
Les comités interministériels aux ruralités, nous l’avons vu à Vesoul, madame la secrétaire d’État, énoncent certes des propositions intéressantes – maisons de service public, maisons de santé, numérique, stations-service, contrats de ruralité, zones de revitalisation rurale, zones franches –, mais les réalisations concrètes ont du mal à suivre. En voici un exemple : ma commune, qui compte 1 350 habitants, 130 kilomètres de routes pour une superficie de 7 000 hectares, située en milieu hyper-rural, a perdu près de 40 000 euros au titre de la DGF ; j’ai sollicité, depuis un an, une aide pour automatiser une station-service, mais cette aide ne vient pas, malgré plusieurs relances.
La réforme des zones de revitalisation rurale, les ZRR, était nécessaire, indispensable ; il fallait de nouveaux critères de classement. Un double critère prenant en compte la faiblesse de la densité de population et du revenu par habitant sera applicable à partir du 1er juillet 2017. C’est très bien, mais les exonérations octroyées représenteront un montant de 165 millions d’euros en 2017, contre 500 millions d’euros en 2009. Ce manque de moyens risque fort de réduire la portée de cette réforme.
Les contrats de ruralité semblent constituer un nouvel outil intéressant. Ils seront financés par le FNADT, mais sans augmentation de l’enveloppe.
M. Alain Marc. Là est le problème !
M. Daniel Chasseing. L’étude réalisée par notre collègue Bernard Delcros montre que les contrats sont aussi financés par un tassement des fonds alloués aux contrats de plan État-régions et d’une partie du FNADT non contractualisée, ainsi que par une baisse de quelque 2 millions d’euros des aides versées aux bourgs-centres.
Sans vouloir lister toutes les enveloppes destinées aux territoires, je constate le non-renouvellement des pôles d’excellence rurale, les PER, une baisse de l’enveloppe du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC – 10 millions d’euros de crédits de paiement, contre 65 millions d’euros en 2010 – et une diminution de la prime d’aménagement du territoire.
Outre les contrats de ruralité, nous venons de voir paraître la circulaire du 24 janvier 2017 relative à la dotation de soutien à l’investissement public local, pour aider à la rénovation thermique, la mise aux normes, la rénovation de l’hébergement, le numérique, mais quel est le montant exact des crédits qui lui seront affectés ?
Encore une fois, si les propositions formulées dans les comités interministériels en faveur des territoires ruraux vont dans le bon sens, nous constatons une baisse des dotations, une diminution des crédits de paiement pour les fonds alloués à la ruralité, qu’il s’agisse du FISAC ou des ZRR. Cette réalité réduit dans certains cas les réunions de ce comité interministériel à des effets d’annonce.
Je suis donc très inquiet quant à l’avenir des territoires hyper-ruraux qui auraient besoin d’aides spécifiques, avec des crédits en augmentation, pour la réalisation de projets de développement afin d’éviter la désertification. C’est encore possible !
Pour cela, il faut permettre le maintien des services au public dans les bourgs-centres – médiathèques, accueils de loisir sans hébergement, etc. –, assurer le maintien à domicile, accélérer le déploiement du numérique avec le haut débit, garantir une offre de soins avec l’implantation de médecins et de dentistes, en augmentant le numerus clausus par région, et en ouvrant des maisons de santé, développer le tourisme, notamment le tourisme social, avec des crédits de réalisation ou de réhabilitation, encourager l’implantation des entreprises avec la mise en place, par l’État, de ZRR et de zones franches pour une baisse des charges – c’est par le biais du guichet unique, en aidant les porteurs de projet, que les emplois nécessaires seront créés.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Chasseing. Le maintien de l’agriculture est essentiel.
Sans moyens ni aides spécifiques, il en résultera une désertification.
Il faut instaurer pour l’espace rural une véritable politique adaptée, prendre quelques mesures simples et les financer véritablement par des aides directes, telles que des subventions, et des aides indirectes, comme les allégements ou suppressions de charges, afin de rendre attractif le développement de l’économie et inciter les gens à s’installer.
Je vous présente, mes excuses, madame la présidente, pour le dépassement de mon temps de parole, mais j’ai presque terminé. (M Claude Raynal sourit.)
Avec une réelle volonté du politique, on pourra parler d’une véritable politique d’aménagement en faveur des zones rurales, qui constituent les deux tiers de la France, et ainsi éviter la désertification de ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC. – MM. Michel Canevet et Jacques Mézard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le groupe communiste républicain et citoyen d’avoir pris l’initiative de l’organisation de ce débat aujourd’hui.
Il intervient en toute fin de session parlementaire, signe que, jusqu’au bout de la législature, la Chambre Haute aura pleinement joué son rôle constitutionnel de représentante des collectivités territoriales.
Je veux d’emblée, dès l’introduction de mon propos, saluer l’engagement de votre assemblée autour des sujets qui intéressent les territoires. Je fais partie de cette génération d’élus locaux qui n’a connu qu’un État décentralisé, et qui pense que les solutions pour nos concitoyens s’élaborent aussi, et peut-être d’abord, à l’échelle locale.
Puisque nous sommes appelés à nous revoir un peu moins souvent, permettez-moi de saluer l’implication du Sénat sur ces questions et la qualité de son travail législatif.
De plus, au moment où s’ouvre le temps de la campagne présidentielle, je ne peux malheureusement que constater, j’imagine, comme vous, que les enjeux territoriaux peinent à émerger dans les débats nationaux. Or je suis convaincue que ces questions ne doivent pas rester le parent pauvre des prochaines échéances électorales, car lorsque l’on parle de collectivités territoriales, on parle en réalité du cadre d’organisation des services publics locaux et donc de la vie quotidienne de nos concitoyens. Il nous revient, chacun à notre place et avec nos convictions, de plaider pour que ces sujets émergent.
Le débat qui nous réunit aujourd’hui permet de remettre en perspective l’ensemble de ces éléments et de redonner cette vision globale si chère au président Mézard.
La réforme territoriale menée sous ce quinquennat, qui a permis de clarifier le « qui fait quoi ? », était une nécessité largement admise, à droite comme à gauche, mais sa réalisation en avait sans cesse été repoussée. Le Gouvernement, quoi que l’on pense de cette réforme – j’ai bien écouté chacune de vos interventions –, s’y est attelé.
Les régions sont désormais d’une taille adaptée au concert européen et sont dotées de compétences stratégiques en matière d’aménagement du territoire et de développement économique.
M. Jean-Pierre Bosino. À quel prix !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Elles disposent d’outils puissants pour les assurer : le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2017, et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Ils doivent constituer de véritables stratégies globales et cohérentes.
Les départements, à la faveur d’un large débat parlementaire sur leur devenir, ont été quant à eux confortés dans leurs missions en matière de solidarités humaines et territoriales, et même renforcés sur la question de l’ingénierie territoriale et sur le cadre de l’élaboration du schéma d’accessibilité des services publics. En outre, ils interviendront toujours dans les domaines de compétences partagées comme le sport, la culture ou le tourisme, pour lesquels ils conservent une échelle d’intervention pertinente.
L’un des piliers de la réforme territoriale est la refonte de la carte intercommunale. J’en profite pour saluer à mon tour, à l’instar de MM. Labbé et Raynal, l’excellent rapport de M. Alain Bertrand sur l’hyper-ruralité. Simplement, je rappelle que l’une de ses quatre recommandations était la constitution d’intercommunalités fortes. Je crois que cette piste a été pleinement suivie dans le cadre de la loi NOTRe, avec un seuil remonté de 5 000 habitants à 15 000 habitants et adapté en fonction de la densité démographique des départements. Cette disposition est le fruit d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat trouvé en commission mixte paritaire.
Les intercommunalités étant les relais au niveau local des grandes orientations stratégiques portées par les régions, la priorité était donc de leur donner des périmètres adaptés aux bassins de vie des habitants, qui sont les territoires de la vie quotidienne des Français.
Au 1er janvier 2016, la France comptait 2 062 EPCI ; elle en compte désormais 1 266. Pour répondre à ceux qui ont évoqué les travaux en commission départementale de coopération intercommunale, je rappelle que 85 % des périmètres soumis à la discussion ont été validés par les élus dans le cadre de ces commissions, qui ont donné lieu à une grande mobilisation des élus. Cela représente une réduction de 39 % du nombre des structures.
Les intercommunalités pourront ainsi exercer au mieux les nouvelles compétences qui leur seront transférées : en 2017, la collecte et le traitement des déchets, même si, nous le savons, de nombreuses intercommunalités disposent déjà de cette compétence, ainsi que l’économie et l’accueil des gens du voyage ; en 2018, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ; en 2020, de manière obligatoire, l’eau et l’assainissement – j’ai d’ailleurs bien entendu les préoccupations du Sénat à ce sujet.
Ce renforcement des intercommunalités n’est pas un mouvement supracommunal. Je suis, comme vous le savez et comme vous me le reprochez parfois aussi, une fervente militante de l’intercommunalité. Pour autant, je n’ai jamais considéré que celle-ci s’opposait au fait communal.
Je n’ai d’ailleurs jamais bien compris cette opposition, puisque les assemblées communautaires sont formées d’élus municipaux. Au contraire, je crois profondément en leur complémentarité. En écho à ce que disait M. Delcros, je pense plus largement que la commune conserve toute sa place dans cette nouvelle organisation territoriale en tant qu’échelon de proximité et de solidarité. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.)
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu’elle conserve sa clause de compétence générale, contrairement aux autres niveaux de collectivité, car la commune, comme vous l’avez tous rappelé avec conviction, incarne cette proximité, non seulement symboliquement et affectivement, mais également de façon concrète. En effet, nous le savons, les administrés se tournent d’abord vers le maire dans la vie quotidienne pour quantité de démarches. La commune demeure l’épine dorsale de notre pays, même s’il ne faut pas sous-estimer les tendances lourdes qui la traversent, comme en témoigne d’ailleurs l’abstention grandissante, y compris lors des scrutins municipaux.
J’ajoute, car je ne veux pas cacher ce point sous le tapis, tout en espérant un soutien actif d’un certain nombre de sénateurs et sénatrices, que la modernité d’un échelon a aussi à voir avec sa capacité à s’ouvrir aux femmes. Or je ne peux, comme vous tous, j’imagine, me satisfaire que notre pays ne compte que 16 % de femmes maires (Mme Patricia Schillinger applaudit.), sans même parler des 8 % de femmes à la tête des intercommunalités,…
Mme Éliane Assassi. À qui la faute ? Il faut la proportionnelle intégrale !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … qui sont des lieux de décision importants, comme vous le savez.
Je sais que le renforcement de l’intercommunalité peut nourrir des craintes chez les élus municipaux. Au contraire, il me semble qu’elle permet une plus grande solidarité entre les territoires d’un bassin de vie, si variés soient-ils : territoires riches, pauvres, urbains, périurbains, ruraux.
L’intercommunalité n’a pas vocation à opposer ces territoires. À cet égard, je suis une fervente partisane des pactes financiers et fiscaux qu’il faut élaborer et approfondir partout (M. Daniel Chasseing s’exclame.), car il n’est plus acceptable d’avoir des communes pauvres dans des intercommunalités riches. À mon sens, il s’agit d’un enjeu majeur pour les intercommunalités. Dans les différentes lois de finances, nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs d’assouplissement, visant notamment les attributions de compensation, qui permettent d’établir des pactes financiers et fiscaux pour que la redistribution des richesses s’effectue aussi à l’intérieur des intercommunalités. C’est, je le répète, un enjeu important et une condition de leur réussite à venir, ainsi qu’une contrepartie du renforcement de leurs compétences.
Cette ambition de solidarité, même si le Sénat en fait un constat contrasté, est également portée par les territoires métropolitains, qui n’ont pas qu’une vocation de moteur économique, mais qui doivent également relever le défi de l’inclusion avec les territoires auprès desquels ils rayonnent spontanément. D’ailleurs, vous le savez, dans le cadre du pacte État-métropoles, le premier contrat de réciprocité ville-campagne a été signé entre la métropole de Brest et le Pays du Centre-Ouest-Bretagne. (M. Daniel Chasseing s’exclame.)
M. Jean-Marie Morisset. Les zones rurales !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. M. Canevet ne peut que souscrire à l’intérêt de cette démarche.
Je voudrais également vous dire quelques mots sur les communes nouvelles, qui représentent une manière, pour certains élus municipaux, d’envisager l’avenir du fait communal dans notre pays. Il y avait jusqu’à une date récente 36 700 communes en France. Pour un certain nombre de maires et d’équipes municipales, il existe des voies d’évolution, dans le respect des identités communales, avec les communes nouvelles. Certains estiment que le processus de fusion permet d’avoir des communes renforcées, plus efficientes, c’est-à-dire mieux à même de jouer le rôle essentiel d’échelon de proximité et de répondre à tous les besoins du quotidien des citoyens. Selon moi, ce dispositif a vocation à se développer. Il s’appuie sur des bases volontaires et la souveraineté de la décision continue d’appartenir aux conseils municipaux. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre électif que nous connaissons, les propositions visant à supprimer 30 000 communes ne me semblent ni souhaitables ni nécessaires.
La loi du 16 mars 2015, ou loi Pélissard-Pires Beaune, et, plus récemment, la loi Sido du 8 novembre 2016 ont permis de moderniser le dispositif des communes nouvelles pour le rendre plus attractif. Je vous rappelle qu’il s’agissait d’une initiative parlementaire transpartisane.
Des incitations financières, visant plus à faciliter qu’à déclencher les démarches, ont également été prévues. Notre pays a ainsi connu un essor sans précédent du nombre de création de communes nouvelles : 517 communes nouvelles ont vu le jour grâce à la fusion de plus de 1 700 communes historiques regroupant une population totale de 1,8 million d’habitants. Comme le relevait le rapport du Sénat sur le sujet, il s’agit là d’une véritable « révolution silencieuse ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des questions institutionnelles, cette réforme territoriale vise un objectif concret : maintenir partout et pour tous des services publics accessibles et de qualité et porter des politiques publiques qui encouragent le développement de nos territoires. Les communes, de par leur vocation de proximité, sont bien évidemment en première ligne pour relever ce défi.
S’agissant de l’accès à la santé, thématique peu abordée dans vos interventions, à l’exception de celles de MM. Laménie et Alain Marc, même si je sais qu’elle vous préoccupe tous, le Gouvernement a mené un politique pragmatique pour tenter de lutter contre les déserts médicaux, grâce aux 1 500 contrats d’engagement de service public à destination des étudiants, au contrat de praticien territorial de médecine générale, à la modulation régionale du numerus clausus, mais surtout grâce à la création des maisons de santé pluriprofessionnelles. Elles étaient 174 en 2012, 600 en 2014, et nous atteindrons l’objectif de 1 000 maisons en service en 2017. Le dernier comité interministériel aux ruralités a en outre prévu la création de 400 maisons supplémentaires en 2018.
Cela représente un effort considérable, même s’il ne répond pas à toutes les situations. Je sais combien les élus et les administrés sont attentifs à cette question, et je mesure tout ce qu’il reste à faire dans certains territoires.
Sur ce sujet essentiel pour l’attractivité du monde rural – qui est hétérogène et, à cet égard, je souscris aux propos de MM. Mézard et Raynal – et des villes moyennes, je nous engage à continuer à explorer toutes les pistes d’amélioration, qu’elles concernent les dispositifs nationaux ou locaux. Je crois utile que ces dernières réflexions soient conduites à l’échelle des intercommunalités pour éviter les concurrences parfois très féroces que se livrent les communes pour attirer de nouveaux professionnels de santé.
Nous ne réglerons pas cette question du jour au lendemain, et nous n’infléchirons pas des trajectoires démographiques lourdes en un claquement de doigts, mais la mobilisation des moyens et des énergies va dans le bon sens. Il faut poursuivre nos efforts.
L’école, sujet soulevé par M. Bosino, est également un objet de préoccupation fort dans les communes rurales, d’autant plus que la compétence scolaire primaire relève du bloc communal. Afin de garantir une école de qualité pour tous, partout sur le territoire, le Gouvernement a souhaité concentrer d’importants efforts sur les zones rurales.