Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Jean-Pierre Leleux.
2. Saisines du Conseil constitutionnel
colonies de vacances et sécurité des enfants
Question n° 1601 de M. Michel Amiel. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Michel Amiel.
création d'une régie auprès du greffe du tribunal de mata utu
Question n° 1596 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ, en remplacement de M. Robert Laufoaulu. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
Question n° 1600 de Mme Gélita Hoarau. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; Mme Gélita Hoarau.
détournement des règles relatives au détachement de salariés dans le secteur aérien
Question n° 1591 de M. Vincent Capo-Canellas. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Vincent Capo-Canellas.
droit à l'image des monuments historiques
Question n° 1501 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
Question n° 1583 de M. Roland Courteau, en remplacement de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication ; M. Roland Courteau.
évolution de la profession des infirmiers anesthésistes
Question n° 1480 de M. Vincent Capo-Canellas, en remplacement de Mme Valérie Létard. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Vincent Capo-Canellas.
innovation en oncologie et recherche en cancérologie
Question n° 1495 de M. Alain Vasselle. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Alain Vasselle.
capacité d'accueil insuffisante des instituts médico-éducatifs
Question n° 1571 de M. Alain Vasselle, en remplacement de M. Jérôme Bignon. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Alain Vasselle.
évolution de la recherche sur la phagothérapie
Question n° 1577 de Mme Maryvonne Blondin. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Maryvonne Blondin.
syndrome d’alcoolisation fœtale
Question n° 1589 de M. Alain Milon. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Alain Milon.
prise en charge psychiatrique des 16-25 ans
Question n° 1590 de M. Yves Daudigny. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Yves Daudigny.
intolérance aux radiations électromagnétiques artificielles
Question n° 1552 de M. Alain Duran. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Alain Duran.
situation de l’hôpital jean-verdier de bondy
Question n° 1576 de M. Gilbert Roger. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Gilbert Roger.
maintien d’une liaison ferroviaire directe entre paris et malesherbes dans le loiret
Question n° 1597 de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Jean-Pierre Sueur.
sécurisation de la route nationale 248 à hauteur de la commune de frontenay-rohan-rohan
Question n° 1581 de M. Philippe Mouiller. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Philippe Mouiller.
maintien des engagements pour la ligne ferroviaire carcassonne-quillan
Question n° 1538 de M. Roland Courteau. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité.
demande de révision des dispositions de la convention de berne sur les loups
Question n° 1515 de M. Gérard Bailly. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Gérard Bailly.
concessions hydroélectriques des vallées du lot et de la truyère
Question n° 1593 de M. Alain Marc. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Alain Marc.
réfection des locaux du commissariat d'épernay
Question n° 1565 de Mme Françoise Férat. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; Mme Françoise Férat.
Suspension et reprise de la séance
augmentation des frais bancaires au 1er janvier 2017
Question n° 1592 de M. Dominique Bailly. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation ; M. Dominique Bailly.
dégradation du climat social au sein de l'office européen des brevets
Question n° 1578 de M. Richard Yung. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation ; M. Richard Yung.
Crédit impôt recherche et fermeture des centres de recherche et développement d'Intel en France
Question n° 1542 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
révision du zonage des zones défavorisées
Question n° 1595 de M. Jean-Marc Gabouty. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation ; M. Jean-Marc Gabouty.
Question n° 1519 de M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Patrick Masclet. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation ; M. Jean-François Rapin.
déséquilibres est-ouest dans l'agrément de bureaux en Île-de-France
Question n° 1531 de M. Christian Favier. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation ; M. Christian Favier.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
5. Modification de l’ordre du jour
6. Saisine du Conseil constitutionnel
7. Agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau. – Adoption d’une proposition de résolution
Discussion générale :
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de résolution
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution
Adoption de la proposition de résolution.
8. Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi. – Débat organisé à la demande du groupe écologiste
Mme Marie-Christine Blandin, au nom du groupe écologiste
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
9. Débat sur le bilan de l’application des lois
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances ; M. André Vallini, secrétaire d'État
Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente de la commission des affaires économiques ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales ; M. André Vallini, secrétaire d'État
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Philippe Bas, président de la commission des lois ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Thierry Foucaud ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Yvon Collin ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Michel Canevet ; M. André Vallini, secrétaire d'État
Mme Corinne Bouchoux ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Alain Richard ; M. André Vallini, secrétaire d'État
M. Philippe Dallier ; M. André Vallini, secrétaire d'État
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
10. Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? – Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen
Mme Cécile Cukierman, au nom du groupe communiste républicain et citoyen
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 16 février 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Saisines du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 20 février 2017, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une part, de la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, d’autre part, de la loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.
Le texte de ces saisines est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
colonies de vacances et sécurité des enfants
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, auteur de la question n° 1601, adressée à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
M. Michel Amiel. Monsieur le secrétaire d'État, j’attire l’attention du Gouvernement sur les conditions de sécurité des mineurs accueillis dans le cadre de séjours organisés à l’étranger.
Le 22 août 2009, lors d’une colonie de vacances aux États-Unis, deux jeunes filles, Léa et Orane, ont perdu la vie dans un accident de la route.
Cet accident a donné lieu à un rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, qui a établi un certain nombre de préconisations, dont l’une apparaît majeure : créer, pour les séjours itinérants de mineurs à l’étranger, un régime de déclaration renforcée applicable à chaque séjour et fondé sur des critères essentiels fixés par l’État, éventuellement issus d’une charte d’engagements élaborée par les structures professionnelles.
Que s’est-il passé depuis la publication de ce rapport en 2013 ? Pourquoi ne pas aller jusqu’à une procédure d’agrément pour les organismes en charge de tels déplacements ? Quelle est la position du Gouvernement sur cette mesure précise ainsi que sur les autres préconisations contenues dans ce rapport ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le dramatique accident de la circulation qui a coûté la vie, le 22 août 2009, à deux jeunes Françaises à l’occasion d’un séjour itinérant de mineurs organisé aux États-Unis a donné lieu, outre des enquêtes et procédures administratives et judiciaires, à un rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, remis en décembre 2013.
Dans ce rapport, un certain nombre de préconisations sont formulées visant à améliorer la sécurité des mineurs, notamment la création, pour les séjours itinérants de mineurs se déroulant à l’étranger, d’un régime de déclaration renforcée fondé sur des critères essentiels, éventuellement issus d’une charte.
Je veux vous assurer que la protection des mineurs en accueil collectif à caractère éducatif, dont font partie les séjours de vacances à l’étranger, est une priorité pour le Gouvernement.
Les organisateurs de ces séjours sont déjà soumis à une obligation de déclaration de leur accueil, ce qui permet aux services de l’État de vérifier le respect de la réglementation.
Cette déclaration comprend des informations relatives à l’organisateur, aux modalités d’accueil, au public accueilli ainsi qu’aux personnes qui assurent l’encadrement des mineurs.
Elle comprend également des précisions s’agissant de la date et du lieu des étapes lorsque le séjour est itinérant.
Dans le cas d’un séjour à l’étranger, les représentations françaises dans les pays concernés sont systématiquement informées des conditions dans lesquelles ces séjours vont se dérouler.
Par ailleurs, afin d’améliorer encore la sécurité des mineurs participant à des séjours de vacances à l’étranger, de nouvelles mesures ont d’ores et déjà été prises ou sont en passe de l’être.
À titre d’exemple, la réglementation prévoit depuis 2015 que toutes les sessions de formation au BAFA-BAFD – le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur et le brevet d’aptitude aux fonctions de directeur – des équipes d’encadrement peuvent être organisées à l’étranger. Ces sessions permettent de mieux appréhender les enjeux et les spécificités des séjours de vacances à l’étranger.
Un renforcement des conditions de déclaration est également à l’étude avec les organisateurs de ce type de séjours. Il pourrait par exemple s’agir d’imposer l’obligation de fournir des informations précises sur les modalités de transport mises en œuvre.
Enfin, depuis le 15 janvier dernier, l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs quittant le territoire national sans être accompagnés d’un titulaire de l’autorité parentale a été établie, ce qui renforce également leur sécurité et l’information de l’administration sur les départs à l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Je reste quelque peu sur ma faim, monsieur le secrétaire d’État !
Nous attendons surtout que la déclaration renforcée soit instaurée pour qu’un accident comme celui de 2009, après lequel l’enquête avait fait apparaître de graves carences, ne se reproduise plus jamais.
création d'une régie auprès du greffe du tribunal de mata utu
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, en remplacement de M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 1596, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, en remplacement de M. Robert Laufoaulu. Monsieur le secrétaire d'État, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Robert Laufoaulu, qui est souffrant et n’a pas été autorisé à prendre l’avion pour venir à Paris.
La question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et porte sur la nécessité de rendre pleinement applicable, sur le territoire des îles Wallis et Futuna, l’article R. 123-20 du code de l’organisation judiciaire, dont je rappelle les termes : « Il est institué auprès de chaque greffe, pour les opérations dont celui-ci est chargé autres que celles mentionnées à la section 2 une régie de recettes et une régie d’avances fonctionnant dans les conditions prévues pour les régies de recettes et d’avances des organismes publics ».
Afin de soutenir l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics à Wallis-et-Futuna, il est apparu indispensable de mettre en place une régie pour le recouvrement des créances par voie de saisie-arrêt des rémunérations, afin de réactiver le dispositif du Fonds de garantie à l’habitat. En 2014, le Gouvernement a donc instauré une sous-régie auprès du tribunal de Mata Utu, celle-ci étant rattachée au tribunal de première instance de Nouméa.
Or il s’avère que cette solution présente des inconvénients majeurs du fait de l’éloignement des sites. Il conviendrait par conséquent de créer une véritable régie auprès du greffe du tribunal de première instance de Mata Utu, conformément à ce que prévoit l’article R. 123-20 du code de l’organisation judiciaire.
Nous souhaiterions savoir ce que le Gouvernement compte faire pour répondre à cette nécessité et vous remercions par avance de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, l’assemblée territoriale avait sollicité la création d’une régie au sein du tribunal de première instance de Mata Utu pour mettre en œuvre le recouvrement des créances par la saisie des rémunérations, préalable nécessaire à la mise en place des prêts à l’habitat.
Le code de l’organisation judiciaire prévoit bien qu’il est institué auprès de chaque greffe une régie de recettes et une régie d’avances fonctionnant dans les conditions prévues pour les régies de recettes et d’avances des organismes publics. Cependant, cette disposition n’est pas applicable à Wallis-et-Futuna, compte tenu des dispositions d’adaptation prévues à l’article R. 531-1 de ce code.
La création d’une régie supposait donc une réforme profonde par un décret en Conseil d’État.
Pour éviter cette procédure, les directions des finances publiques de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna, relayées par la cour d’appel de Nouméa, ont invité le ministère de la justice à instaurer, par arrêté, une sous-régie à Mata Utu, rattachée au tribunal de première instance de Nouméa.
Mais la fragilité juridique inhérente à une sous-régie ainsi que l’incompatibilité des logiciels utilisés par le régisseur de Nouméa et par la sous-régie de Mata Utu représentaient des obstacles juridiques et techniques au bon fonctionnement de cette dernière.
Les chefs de la cour d’appel de Nouméa ont en conséquence demandé la création d’une régie à part entière à Mata Utu en 2015. La Chancellerie a répondu favorablement à cette demande, avec pour objectif une ouverture de la régie dans le courant du premier semestre 2017.
Un projet de décret en Conseil d’État est en cours de rédaction au sein des services de la Chancellerie, décret qui intégrera une modification de l’article R. 531-1.
Les ministères des finances et des outre-mer ont été saisis de ce projet de réforme. Les chefs de la cour d’appel de Nouméa sont par ailleurs étroitement informés de ce projet, pour lequel un appui de la Chancellerie en termes d’application informatique et de formation est d’ores et déjà acté.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Je transmettrai cette bonne nouvelle à mon collègue.
situation des chagos
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, auteur de la question n° 1600, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le secrétaire d'État, le pire malheur qu’un peuple puisse subir dans son histoire, c’est l’exil forcé hors de la terre natale.
La déportation imposée par de grandes puissances étrangères, c'est le sort qu’a connu le peuple chagossien, impitoyablement chassé de l’archipel des Chagos, situé en plein cœur de l’océan Indien, par la Grande-Bretagne et les États-Unis pour créer une base militaire américaine sur l’île de Diego Garcia.
Cette violation des droits humains a été perpétrée au tournant des années soixante-dix. Depuis un demi-siècle, les Chagossiens n’ont jamais cessé de revendiquer leur droit intangible de retourner vivre aux Chagos.
Après avoir procédé, en 1965, à l’excision de l’archipel des Chagos du territoire de Maurice, encore colonie britannique, la Grande-Bretagne a cédé, au moyen d’un bail stratégique, l’île de Diego Garcia aux États-Unis pour une durée initiale de cinquante ans, reconductible par périodes de vingt ans.
Les Chagossiens ont été abandonnés, déracinés et ont vécu misérablement dans des bidonvilles.
La série des procès intentés devant les tribunaux par Olivier Bancoult au nom du Groupe Réfugiés Chagos s’est tout d’abord soldée par des victoires reconnaissant les droits des Chagossiens, mais par une défaite au dernier acte, en 2008, à travers un jugement inique de la Chambre des Lords.
L’année 2016, cruciale, était celle du renouvellement du bail de Diego Garcia. Le gouvernement de Londres avait laissé nourrir l’espoir d’un avenant au bail permettant une réinstallation maîtrisée des Chagossiens aux Chagos. Il avait même commandé une étude de faisabilité sur les conditions du retour, qui avait conclu positivement.
Par ailleurs, Mme Theresa May s’était engagée en octobre 2016, à la veille de l’assemblée générale de l’ONU, à ouvrir la négociation avec Maurice et les Chagossiens.
Toutefois, au mépris de ces engagements, le 16 novembre dernier, Londres a brutalement opposé un non définitif à la revendication légitime des Chagossiens. Le bail liant la Grande-Bretagne aux États-Unis a été renouvelé que soit saisie l’occasion historique de réparer le crime.
Pour autant, la lutte des Chagossiens n’est pas brisée. Ils crient leur révolte et leur souffrance. Ce cri concerne toutes les personnes éprises de justice et de paix, à commencer par le gouvernement français, dont la valeur affirmée au plus haut a toujours été celle de la liberté des peuples.
Monsieur le secrétaire d'État, au vu de cette douloureuse histoire, le Gouvernement se décidera-t-il à défendre la cause chagossienne auprès de Londres et de Washington, et à plaider pour la seule réparation à la hauteur du mal commis, le retour effectif des Chagossiens aux Chagos ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’archipel des Chagos, plus précisément sur la situation des Chagossiens. Je voudrais tout d’abord apporter quelques précisions sur ce différend qui oppose le Royaume-Uni et la République de Maurice, différend sur lequel le gouvernement français ne saurait prendre position.
Le gouvernement mauricien revendique cet archipel de l’océan Indien, dont la population a été déplacée entre 1965 et 1973. Louée par le Royaume-Uni aux États-Unis, Diego Garcia, la principale île des Chagos, est devenue une base militaire américaine. Depuis leur départ forcé, les Chagossiens, estimés à 9 000 personnes, vivent principalement à Maurice, aux Seychelles et au Royaume-Uni.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que la France n’est pas indifférente au sort des Chagossiens. Après plus de quarante ans d’exil, les Chagossiens et leurs descendants continuent de rencontrer des difficultés d’insertion économique et sociale.
Le devenir de cette population déplacée doit, bien sûr, être pris en compte lors de la résolution du différend relatif à la souveraineté des Chagos.
Le gouvernement français continuera d’encourager le Royaume-Uni et la République de Maurice à régler ce différend et à trouver des solutions à la situation des Chagossiens par la voie diplomatique et du dialogue, lequel est engagé depuis plusieurs mois.
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je n’hésiterai pas à rapporter vos propos aux représentants des Chagossiens, qui viennent régulièrement à La Réunion, où nous nous tentons de leur apporter aide et solidarité.
détournement des règles relatives au détachement de salariés dans le secteur aérien
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la question n° 1591, adressée à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adressait en effet à Mme la ministre, mais je me réjouis que vous y répondiez, monsieur le secrétaire d’État, car elle concerne également les règles sociales et leur harmonisation au sein de l’Union. En outre, ma question portant sur l’utilisation abusive et le détournement des textes européens en matière de salariés détachés par certaines compagnies aériennes, une grande partie de la réponse ne pourra être apportée qu’au niveau communautaire.
Alors que les compagnies Vueling et Ryanair ont été récemment condamnées par la justice française pour travail dissimulé pour des faits remontant à plusieurs années, la Commission européenne, à la suite de plaintes déposées auprès d’elle par les compagnies concernées, a ouvert une procédure contre la France et lui demande de reconnaître les formulaires de détachement, dits E101 et E102, délivrés par l’Espagne et l’Irlande pour les personnels de Vueling et Ryanair, en application du droit européen.
Ce recours aux règles du détachement de salariés par les compagnies aériennes établies dans d’autres pays de l’Union européenne, mais qui opèrent au départ de la France, date d’une quinzaine d’années. Si la pratique du recours à ce statut a d’abord pris la forme d’une prestation de service, elle s’est ensuite transformée en une activité habituelle, stable et continue, et, de fait, contraire au cadre juridique du détachement. En effet, les personnels exerçant en France et prétendument détachés d’Espagne par Vueling et d’Irlande par Ryanair ne résidaient ni en Espagne ni en Irlande, et ne s’y rendaient pas non plus dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ainsi, les règles du détachement ont été détournées de leur finalité initiale afin de profiter du système social le plus avantageux.
Compte tenu de la situation du pavillon aérien français, il serait souhaitable de renforcer les contrôles par les pouvoirs publics de ces transporteurs low cost pour vérifier l’application des règles sociales françaises et l’absence de recours abusif au détachement de salariés.
Il conviendrait également, dans le cadre de l’action de lutte contre les pratiques de dumping social et de concurrence déloyale, de refuser de voir les formulaires E101 et E102 s’appliquer à ces situations de détachement, qui ont un caractère fictif.
Au-delà, il s’agit de s’assurer que les compagnies européennes exerçant une activité permanente en France versent les cotisations à l’URSSAF et aux régimes complémentaires de retraite.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles actions le Gouvernement compte-t-il prendre pour lutter contre ces pratiques de dumping social et de concurrence déloyale courantes dans le secteur aérien, notamment de la part de certaines compagnies low cost ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attentif à la question du recours abusif par certaines compagnies aériennes au détachement des salariés pour exercer une activité pérenne sur le territoire national.
Les autorités françaises ont mis en place un cadre juridique pour assujettir aux mêmes règles toutes les compagnies établies en France, dont les compagnies à bas coûts.
Elles ont instauré la notion de « base d’exploitation », à savoir l’ensemble des locaux et infrastructures à partir desquels une compagnie exerce son activité de façon pérenne, là où les salariés prennent leur service et retournent à la fin de celui-ci. C’est la base d’exploitation qui définit le droit du travail applicable. C’est sur ce fondement que les compagnies Vueling et Ryanair ont été condamnées par la justice française pour travail dissimulé et conduites à verser des dommages et intérêts.
Au niveau européen – et c’est en effet à ce niveau qu’il faut encadrer ces pratiques –, la directive de 2014 relative à l’exécution de la directive de 1996 concernant le détachement des travailleurs a permis de renforcer les modalités de mise en œuvre de cette dernière. Ces conditions ne sont cependant pas assez exigeantes et nous soutenons donc la révision de la directive concernant le détachement elle-même, révision qui sera un élément supplémentaire pour mieux lutter contre les abus et détournements.
En matière de protection sociale, les textes européens en vigueur, adoptés sur l’initiative de la France en 2012, prévoient que chaque personnel navigant est rattaché au système de sécurité sociale de l’État membre dans lequel se trouve sa base d’affectation. Dans le cadre de la révision engagée par la Commission des règlements portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la France proposera des modifications des textes en vigueur précisant les modes d’organisation du travail adoptés par certaines compagnies.
Plus généralement, la portée des formulaires attestant de la législation applicable en cas d’inexactitude, voire de fraude, devrait faire l’objet prochainement de précisions par la Cour de justice de l’Union européenne.
Les autorités françaises soutiendront en outre une évolution des dispositions permettant la remise en cause des formulaires qui attestent d’une décision de législation de sécurité sociale erronée ou obtenue par fraude.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Elle témoigne de l’attention que porte le Gouvernement à ce sujet et rappelle la base juridique des condamnations prononcées à l’encontre des compagnies low cost que j’ai citées.
Je prends acte de la mobilisation du Gouvernement sur le « front » européen, dans le cadre de la négociation sur la révision de la directive concernant le détachement.
J’insiste toutefois sur la nécessité de contrôles nationaux effectifs pour vérifier l’application de ces règles par les compagnies. La mobilisation des services de l’État sera, en la matière, particulièrement utile.
droit à l'image des monuments historiques
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 1501, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la ministre, je souhaitais vous interroger sur l’avancement de la réflexion concernant l’utilisation à des fins commerciales de l’image des monuments historiques.
Nous avons eu l’occasion d’amorcer ce débat lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, sans résultat concret.
Or, à l’heure actuelle, les solutions prétoriennes rendues en la matière se fondent sur le concept du trouble anormal causé, ce qui est loin d’être satisfaisant.
Il incombe donc au propriétaire d’un monument historique de lourdes charges d’entretien de son bien immeuble, sans qu’il puisse bénéficier du contrôle de son image, alors que, paradoxalement, les créations architecturales récentes sont protégées par le droit d’auteur. Il semble à tout le moins logique que toute personne tirant des revenus commerciaux de prises de vues ou de l’image d’un monument historique contribue pour une part de ces revenus à l’entretien du monument concerné, sauf si le propriétaire y renonce explicitement.
Il s’agirait là d’un système semblable à celui du mécanisme d’autorisation préalable du gestionnaire pour toute utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, mis en place par la loi du 7 juillet 2016.
Par ailleurs, et à titre de précision, j’insiste sur le fait que les dispositions concernant la liberté de panorama, votées à l’article 39 de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, protègent les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique faites par les particuliers pour leur usage personnel, notamment via les réseaux sociaux Twitter, Facebook ou Instagram.
Au vu de ces éléments, je vous remercie de nous faire part de votre position en la matière, madame la ministre, de même que des actions concrètes qui pourraient être engagées le cas échéant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, la disposition de la loi dite « LCAP » du 7 juillet 2016 relative au droit à l’image des domaines nationaux a été créée, par amendement parlementaire, pour cette catégorie spécifique de biens, dont la dimension symbolique, de par leur « lien exceptionnel avec l’histoire de la nation », justifie une protection toute particulière de leur image.
Dès le mois de novembre dernier, mon ministère a établi une liste indicative d’une vingtaine de domaines, qui sera in fine fixée par décret en Conseil d’État. Cette liste a été soumise au ministre chargé des domaines, avant que les délimitations ne soient étudiées et soumises à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture.
Une liste de six domaines, dont le périmètre est clair et ne fait pas débat, lui a d’ores et déjà été présentée le 19 janvier dernier et elle a émis un avis favorable. Le décret correspondant vient d’être adressé au Conseil d’État.
Les autres domaines nationaux, nécessitant des études plus importantes pour en arrêter le périmètre au vu de leur histoire, devront faire l’objet de décrets complémentaires.
S’agissant des monuments historiques, la France compte environ 43 000 immeubles protégés à ce titre. Leur intérêt historique ou artistique est considérable, voire majeur, mais ils ne présentent pas, pour la plupart, la même dimension symbolique que les domaines nationaux.
Comme j’ai pu l’indiquer lors des débats parlementaires sur cette loi, nous ne souhaitons pas une « privatisation » de l’image du patrimoine monumental, qui correspondrait à une extension à l’ensemble des immeubles classés ou inscrits des dispositions relatives aux domaines nationaux.
Pour les monuments historiques dans leur ensemble, la jurisprudence de la Cour de cassation permet à un propriétaire d’obtenir une indemnisation dès lors que l’exploitation de la reproduction de son bien lui cause un trouble de jouissance anormal. Cette jurisprudence paraît suffisante, claire et appropriée.
Comme vous l’indiquez vous-même, le droit à l’image sur les créations architecturales récentes est établi au bénéfice de son concepteur, comme c’est le cas pour toute œuvre d’art ou de l’esprit. Les propriétaires, publics ou privés, des monuments historiques n’en sont pas les concepteurs, et ce droit ne saurait donc leur être transposé en l’état.
Il nous semble donc préférable, dans l’immédiat, de nous en tenir à la mesure adoptée pour les domaines nationaux et d’en analyser la mise en œuvre avant d’envisager toute généralisation à l’ensemble du patrimoine protégé.
Enfin, je souhaite rappeler l’effort fait par ce gouvernement en direction des monuments historiques. Pour les seuls monuments historiques, la hausse des autorisations d’engagement a atteint 6 % en 2017, soit 355 millions d’euros. En moyenne annuelle, les monuments historiques ont bénéficié de 335 millions d’euros d’autorisations d’engagement sous ce quinquennat, contre 313 millions d’euros sous le quinquennat précédent.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je comprends parfaitement que l’on ne fasse pas bénéficier nos 43 000 monuments historiques d’un droit à l’image.
Toutefois, au même titre que certains monuments nationaux sont répertoriés comme particulièrement reconnaissables, on pourrait sans doute trouver, en accord avec les associations, un moyen pour que certains monuments qui jouent un rôle touristique très important en bénéficient et ne soient pas utilisés pour la promotion de desserts glacés ou autres objets commerciaux.
Enfin, je vous remercie de l’augmentation des crédits alloués aux monuments historiques sous ce quinquennat, car il s’agit de la défense du patrimoine national.
émission la rue des allocs
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, en remplacement de M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1583, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Roland Courteau, en remplacement de M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, mon collègue Yannick Vaugrenard souhaite attirer votre attention sur l’émission La rue des allocs, diffusée par M6 les 17 août et 17 novembre derniers.
Dans cette émission, qui était curieusement présentée comme un « documentaire-réalité », des habitants du quartier de Saint-Leu étaient filmés. Classé en zone urbaine sensible, c’est l’un des quartiers les plus pauvres d’Amiens ; le chômage y atteint 19 % de la population.
Beaucoup d’entre nous ont été choqués de la stigmatisation de populations en grande difficulté financière et sociale. Nous l’avons aussi été des clichés véhiculés par cette émission, dont l’alcoolisme ou le travail au noir.
La FNARS, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, a appelé le Conseil supérieur de l’audiovisuel à intervenir pour suspendre la diffusion de ce documentaire qu’elle jugeait « stigmatisant et honteux face à la détresse sociale que vivent plus de huit millions de personnes pauvres en France ». Bien qu’il ait déploré le choix du titre de l’émission, le CSA n’a, étonnamment, relevé aucun manquement de M6 à ses obligations…
La divulgation de leurs adresses a jeté des habitants de Saint-Leu en pâture à des personnes qui, après les premières diffusions, les ont dérangés en tapant à leurs fenêtres, en les insultant, en les traitant de « cas sociaux » !
Cette émission stigmatisante est contraire à l’esprit de la loi du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, dont Yannick Vaugrenard est l’initiateur. Il est indispensable de ne pas autoriser la diffusion de telles émissions, particulièrement sans éclairage ni avis contradictoire émanant, notamment, des associations caritatives et humanitaires.
Nous traversons une période de crise qui n’est pas sans en rappeler d’autres, aux pires moments de notre histoire, et où d’aucuns cherchent des boucs émissaires.
Madame la ministre, être pauvre et stigmatisé est une double peine qui a assez duré ! Quelles mesures ont été engagées afin que de la diffusion de telles émissions ne se renouvellent pas ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, la diffusion de La rue des allocs sur M6 depuis l’été dernier a effectivement suscité l’émotion et l’émission a été critiquée comme étant porteuse de stigmatisation, de clichés et de préjugés à l’égard de personnes en situation de précarité.
Ce programme a entraîné de vives réactions non seulement de la part des téléspectateurs, mais aussi de celle d’associations, dont certaines ont saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Au nombre des plaignants, on trouvait en effet notamment la FNARS, qui avait demandé au CSA d’intervenir auprès de la direction de la chaîne pour « suspendre la diffusion de ce programme stigmatisant et honteux face à la détresse sociale que vivent près de huit millions de personnes pauvres en France ».
L’autorité indépendante a examiné cette émission. Vous l’avez rappelé, elle en a déploré le titre, à connotation péjorative et ne reflétant d’ailleurs pas la diversité des situations et des comportements des résidents du quartier de Saint-Leu à Amiens. Elle a cependant estimé que M6 n’avait méconnu aucune des obligations que doit respecter une chaîne de télévision lorsqu’elle décide de mettre un programme à l’antenne
En procédant ainsi, le CSA a exercé une mission que le législateur lui a confiée et qui est inscrite à l’article 3-1 de la loi relative à la liberté de communication : garantir l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle dans les conditions prévues par cette loi. Ce rôle dévolu au CSA appartient à lui seul. Vous comprendrez que ce n’est pas au ministre chargé de la communication de se substituer à une autorité indépendante qui exerce ses fonctions.
On peut, bien sûr, sur un plan personnel, ne pas se retrouver dans la représentation donnée par cette émission. La réalité de la vie dans un quartier populaire est toujours bien plus complexe que la vision, forcément partielle, que peut en donner une caméra. Les médias assument naturellement une responsabilité éditoriale.
Il appartient aussi au CSA, selon la loi, de contribuer « aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle ».
Mon souci constant, depuis un an, a été de renforcer l’action de l’instance de régulation sur ce sujet, et elle est désormais mieux armée. La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a précisément renforcé sa mission sur ce point, en modifiant l’article 3-1. Désormais, la loi prévoit explicitement que le CSA « veille à ce que la diversité de la société française soit représentée dans les programmes des services de communication audiovisuelle et que cette représentation soit exempte de préjugés ».
Plus que jamais dans la période que nous traversons, il nous faut lutter contre les préjugés. Il est de notre responsabilité que le débat public y concoure en tout premier lieu. C’est ce que permet la récente modification législative.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Yannick Vaugrenard et moi sommes très sensibles à toutes les stigmatisations et discriminations, en particulier à celles qui sont liées à la précarité sociale. De telles émissions sont, tout simplement, inadmissibles et indignes de la République. C’est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse et des initiatives que vous avez prises, qui, je l’espère, permettront d’éviter la diffusion de ce type d’émission.
évolution de la profession des infirmiers anesthésistes
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, en remplacement de Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 1480, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Vincent Capo-Canellas, en remplacement de Mme Valérie Létard. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Valérie Létard, retenue par une obligation en région des Hauts-de-France.
La profession d’infirmière anesthésiste forme une catégorie bien distincte, dont les compétences spécifiques sont sanctionnées par une formation de niveau master 2.
Un projet de décret relatif aux infirmiers anesthésistes diplômés d’État, les IADE, a été présenté en septembre 2016 ; il a reçu un avis favorable du Haut Conseil des professions paramédicales avant d’être transmis au Conseil d’État. Une concertation a ensuite été engagée entre la direction générale de l’offre de soins et les organisations syndicales représentatives, en vue de leur apporter un certain nombre d’avancées statutaires.
Par ailleurs, au terme des réunions des 12 et 25 janvier 2017, un relevé de conclusions a acté plusieurs propositions.
Il s’agit tout d’abord de créer un corps des infirmiers anesthésistes diplômés d’État, distinct de celui des infirmiers en soins généraux et spécialisés, disposant d’une grille spécifique revalorisée et de mettre en place une nouvelle bonification indiciaire équivalente à quinze points d’indice, soit une augmentation de 60 euros bruts par mois.
Ensuite, en ce qui concerne le volet indemnitaire, il est prévu d’augmenter de 50 % une prime spéciale attribuée aux IADE, laquelle passerait de 120 à 180 euros bruts par mois.
Enfin, un travail sur les conditions de la participation des IADE aux dispositifs de permanence des soins à l’hôpital doit être réalisé, travail sont les conclusions sont attendues pour la fin du mois de février.
Si certaines de ces mesures constituent des avancées, les propositions financières restent nettement insuffisantes par rapport à la grille indiciaire de catégories ayant un niveau d’études équivalent et par rapport aux responsabilités de ces professionnels après réactualisation de leurs compétences. On pense notamment à l’exclusivité des transferts secondaires de patients intubés ventilés, qui générera des économies conséquentes pour l’assurance maladie.
Il ne reste désormais que quelques semaines pour déboucler une négociation qui aura duré la quasi-totalité du quinquennat. Avez-vous l’intention, madame la secrétaire d’État, de finaliser un accord qui prenne réellement en compte les attentes d’une profession, certes peu nombreuse, mais dont l’importance dans le fonctionnement des blocs opératoires est essentielle ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, je souhaite tout d’abord excuser Marisol Touraine, qui accompagne le Premier ministre en Chine.
Les infirmiers anesthésistes, qui travaillent au bloc opératoire, sont des partenaires indispensables pour les médecins anesthésistes réanimateurs.
Ils expriment des attentes légitimes.
Comme vous l’avez indiqué, le Gouvernement a engagé, dès 2012, un travail avec eux.
Dans un premier temps, leur formation a été revue et une réflexion engagée sur les évolutions qui peuvent être apportées à l’exercice de leur profession.
Fin 2015, le ministère de la santé a piloté un groupe de travail impliquant ces professionnels, les médecins anesthésistes réanimateurs et les médecins urgentistes – métiers étroitement liés –, afin de définir les domaines dans lesquels une évolution de l’exercice des infirmiers anesthésistes est justifiée.
Ce travail a permis d’actualiser les dispositions définissant leur profession. Le décret, qui est actuellement examiné par le Conseil d’État, sera publié dans les toutes prochaines semaines.
Concernant ensuite la rémunération, la grille statutaire des infirmiers anesthésistes a évolué à deux reprises, en 2012 et en 2015.
Dans la continuité du travail engagé sur l’évolution de l’exercice du métier, des négociations devant conduire à des revalorisations salariales ont été engagées. Un certain nombre de propositions ont été adressées aux organisations syndicales, d’abord dans le cadre d’un long processus de négociation avec le ministère de la santé, puis dernièrement dans une approche interministérielle, en association avec le ministère de la fonction publique.
Ces propositions constituent un effort particulièrement important de la part du Gouvernement et démontrent l’attention spécifique accordée à la profession d’infirmier anesthésiste de bloc opératoire.
Le résultat de ces négociations, qui sont toujours en cours, sera présenté au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, qui se réunira le 16 mars prochain. L’accord, monsieur le sénateur, sera donc bien finalisé avant la fin de la mandature.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie de nous avoir apporté ces éléments de réponse, madame la secrétaire d’État. Je me réjouis que cette date du 16 mars laisse espérer une conclusion à brève échéance, tout en me permettant d’observer qu’il aura quand même fallu cinq années pour que ce dossier avance…
Aujourd’hui, les IADE positionnés sur des horaires de jour réalisent régulièrement des postes de nuit, afin de faire face aux besoins des services d’urgence et d’obstétrique, avec un retentissement évident sur leur vie personnelle et familiale, sans que cela ne donne toujours lieu à des compensations adéquates.
Actuellement, ces infirmiers anesthésistes terminent leur carrière avec un différentiel de 500 à 600 euros par rapport à d’autres catégories de la fonction publique, dont le niveau de qualification est équivalent. Je souhaite que les négociations se concluent rapidement sur cette question et j’espère, en tout cas, que vous ne la laisserez pas dans la corbeille du prochain gouvernement…
innovation en oncologie et recherche en cancérologie
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 1495, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Alain Vasselle. Ma question porte sur l’innovation en matière d’oncologie.
Les progrès de la recherche en cancérologie se sont accélérés ces dernières années. Ainsi, sur environ 355 000 nouveaux cas recensés chaque année dans notre pays, un cancer sur deux est guéri, notamment grâce aux meilleures performances de la recherche et aux différentes innovations thérapeutiques, qui contribuent également à améliorer la vie des patients atteints de cancer.
Depuis plusieurs années, ces progrès ont abouti au développement de nouveaux médicaments, appelés thérapies ciblées, qui permettent de préserver au maximum les cellules saines environnant une tumeur.
Plus récemment, les immunothérapies, traitements consistant à administrer des substances qui vont stimuler les défenses immunitaires de l’organisme, donnent des espoirs de guérison à des patients atteints de cancer jusqu’alors sans thérapies efficaces.
Vraisemblablement, ce sont les associations de molécules, thérapies ciblées et immunothérapies, qui constitueront, dans un avenir proche, de nouvelles pistes pour combattre les tumeurs résistantes et offriront aux patients de nouvelles options thérapeutiques.
Des réflexions sont en cours à l’échelle nationale sur le coût de ces traitements du cancer et sur les enjeux éthiques, qui ont fait l’objet de très nombreuses polémiques dans les médias.
En conséquence, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous indiquer au Sénat les actions que les pouvoirs publics, en particulier votre ministère, entendent mettre en place pour favoriser la recherche et l’innovation en oncologie ? Comment entendez-vous rendre compatibles le coût de ces traitements et le développement de la recherche et de l’innovation ? Chacun sait en effet qu’une nouvelle molécule coûte extrêmement cher. Enfin, comment faire bénéficier plus rapidement les patients des résultats des essais cliniques, la France étant sensiblement en retard en la matière ? Les associations de patients attendent vos réponses avec impatience et espoir.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, la recherche en oncologie fait l’objet d’un soutien actif du ministère de la santé, de l’Institut national du cancer, l’INCa, du secrétariat d’État à la recherche, dirigé par Thierry Mandon, et de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé, l’AVIESAN.
Tous les ans, le ministère de la santé finance un appel à projets dédié, le programme hospitalier de recherche clinique national en cancérologie, ou PHRC-K, permettant de soutenir des équipes développant des traitements de pointe en la matière.
En 2016, l’engagement de 20 millions d’euros a permis de soutenir plus de quarante projets, dont certains consacrés à l’immunothérapie ou à la combinaison de molécules thérapeutiques.
C’est l’INCa, agence sous tutelle conjointe du ministère de la santé et du secrétariat d’État à la recherche, qui gère le PHRC-K.
Par ailleurs, l’INCa, acteur national et international de premier plan, finance une douzaine d’appels à projets dédiés à divers aspects de la recherche en cancérologie, dont le développement de traitements innovants. L’institut est également en charge du suivi du troisième plan cancer et des actions en rapport avec la recherche et l’innovation dans ce domaine.
Le ministère de la santé participe également activement au plan France médecine génomique 2025, piloté par l’AVIESAN, dont une composante importante est la mise à disposition des techniques innovantes de séquençage à très haut débit pour le parcours de soins de patients souffrant de certains types de cancers, afin de leur offrir un traitement hautement adapté. Les deux premières plateformes seront ainsi financées en 2017 par le ministère de la santé et un projet pilote concernant l’utilisation du séquençage à très haut débit dans certains types de cancer est financé via le PHRC-K.
Le rapport d’étape du troisième plan Cancer, qui a été remis la semaine dernière au Président de la République, rappelle que la France entend poursuivre son effort de recherche, notamment fondamentale, en France et à l’international. Je souligne que nous disposons d’équipes de spécialistes, médecins et chercheurs, de renommée internationale.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : la prise en charge des patients atteints de cancer, tant lors du diagnostic que du traitement, connaît un virage et la recherche doit, bien sûr, être au rendez-vous de cette évolution pour que le plus grand nombre possible de patients bénéficient des nouveaux traitements. C’est la volonté de Marisol Touraine et celle de ce gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame la secrétaire d’État, je prends acte des efforts significatifs du Gouvernement en faveur de la recherche contre le cancer.
Une question reste toutefois pendante : comment réussir à favoriser la recherche tout en parvenant à mettre sur le marché des médicaments en rapport avec la capacité de l’assurance maladie à se financer ? Il nous faut éviter les polémiques qui placent au banc des accusés les laboratoires qui mettent à la disposition des patients des médicaments coûtant extrêmement cher. Notre réflexion doit nécessairement prendre en considération le lien, inévitable, entre le coût de la recherche, qui, en ce qui concerne le coût du médicament, devrait être diminué par les efforts faits, au niveau national, au bénéfice des laboratoires, et l’accès aux médicaments pour l’ensemble des patients.
Je souhaite que le Gouvernement poursuive sa réflexion dans ce domaine et que l’on puisse sortir de ces polémiques inutiles qui inquiètent de surcroît les patients.
capacité d'accueil insuffisante des instituts médico-éducatifs
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, en remplacement de M. Jérôme Bignon, auteur de la question n° 1571, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
M. Alain Vasselle, en remplacement de M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, mon collègue Jérôme Bignon m’a demandé d’interpeller le Gouvernement sur les problèmes que nous rencontrons, d’une manière récurrente en France, en ce qui concerne le nombre de places disponibles pour l’accueil des enfants et adultes handicapés.
Le cas des enfants et jeunes adultes sans solution pour un accueil et un accompagnement adaptés à leur handicap pose la question de l’égalité des chances dans une République sociale et solidaire.
Selon l’UNAPEI, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, 47 500 personnes attendent une place en structure, 6 500 autres sont accueillies en Belgique grâce à un financement public – sécurité sociale ou département –, faute de réponses en France. Les établissements belges sont une alternative, mais ne constituent pas un recours pour tous ; ils sont principalement tournés vers les enfants atteints d’autisme, moins vers ceux qui présentent d’autres formes de handicap.
Un programme visant à éviter ces départs a bien été lancé en 2015, avec un fonds d’amorçage de 15 millions d’euros.
La première question que pose Jérôme Bignon concerne la pérennité de ce fonds et son inscription dans le temps pour la mise en œuvre d’actions prioritaires. Qu’en est-il aujourd’hui, madame la secrétaire d’État ?
Le manque de places laisse des familles dans un désarroi abyssal.
L’accès aux IME, les instituts médico-éducatifs, pour des enfants et préadolescents orientés par les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, est aujourd’hui impossible, les listes d’attente étant interminables. Ces listes sont dues à la situation des jeunes adultes handicapés, contraints de prolonger leur séjour en IME, faute de places dans des établissements adaptés à leur âge et à leur évolution. L’allongement de la vie pour nos concitoyens handicapés en est une raison.
L’IME d’Abbeville est un exemple révélateur : plus de soixante enfants restent sans prise en charge adaptée et on annonce aux parents des délais d’admission pouvant aller jusqu’à cinq ans ! Le 10 décembre dernier, un collectif départemental est né pour faire entendre la voix des familles exaspérées.
La solution de l’inclusion scolaire, dont les moyens et les organisations sont d’ailleurs à revoir, s’avère inadaptée pour nombre d’enfants concernés, alors que des situations dramatiques ne peuvent être laissées sans recours.
Madame la secrétaire d’État, quelles dispositions d’urgence l’État compte-t-il mettre en œuvre pour permettre à ces enfants, adolescents et jeunes adultes d’intégrer, en temps, des établissements répondant à leur situation, les structures existantes pouvant dès maintenant les accueillir par simple extension de leur autorisation, comme le prévoit la réglementation actuelle ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les difficultés rencontrées par les parents d’enfants et d’adolescents en liste d’attente pour un institut médico-éducatif situé à Abbeville, dans la Somme.
Ces difficultés perdurent depuis de nombreuses années sur l’ensemble du territoire. Pourtant, depuis plus de dix ans, tous les gouvernements successifs ont favorisé l’ouverture, à un rythme soutenu, de places pour les enfants et les adultes en situation de handicap, que ce soit en établissement ou en service. À titre d’exemple, entre 2012 et 2016, 19 000 places ont été ouvertes partout en France. Malgré cela, il y a toujours des situations sans solution.
Quand je suis arrivée dans ce ministère, j’ai d’abord constaté que nous ne disposions pas réellement de chiffres, tant sur le nombre de places éventuellement disponibles que sur les besoins. En effet, les systèmes d’information des maisons départementales des personnes handicapées n’étaient pas uniformes et ne permettaient ni d’avoir des chiffres agrégés au niveau national ni de suivre les enfants et les adultes une fois qu’ils étaient orientés. Concrètement, personne ne savait combien de personnes orientées, par exemple en foyer d’accueil médicalisé ou en IME, trouvaient effectivement une place adaptée à leur situation.
Nous avons donc travaillé avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et l’association des MDPH pour la mise en place d’un système d’information idoine. Nous avons fait de même avec les agences régionales de santé. Un dispositif appelé ViaTrajectoire a ainsi été développé pour connaître l’état de l’offre en temps réel, dispositif qui va être généralisé.
Enfin, nous avons mis en place une nouvelle disposition permettant aux personnes qui n’ont pas de solution, alors qu’elles ont été orientées, de se retourner vers la MDPH. Grâce à la loi de modernisation de notre système de santé, promulguée en janvier 2016, celle-ci pourra, à compter du 1er janvier 2018, rassembler l’ensemble des acteurs concernés et mettre en œuvre un plan d’accompagnement global. Environ quatre-vingt-dix départements, dont la Somme, appliquent par avance cette démarche.
En ce qui concerne spécifiquement Abbeville, pour désengorger l’IME, qui est géré par l’ADAPEI, un service d’éducation spéciale et de soins à domicile de dix places a été créé pour accompagner des enfants vivant avec des troubles du spectre autistique.
En 2016, un travail spécifique sur l’ensemble des enfants en liste d’attente a été réalisé pour leur proposer des solutions individualisées. Je demande bien évidemment à l’ARS de faire le même travail pour 2017.
Pour améliorer les sorties d’IME pour les jeunes adultes, des extensions ont été faites pour des établissements adultes afin de libérer des places : quatre places dans le foyer d’accueil médicalisé de Nouvion-en-Ponthieu et six dans la maison d’accueil spécialisé de Saint-Valery-sur-Somme. Il faut aussi noter la création d’un foyer d’accueil médicalisé de quinze places de semi-internat dans l’agglomération d’Amiens.
Enfin, je veux vous rassurer : le fonds de 15 millions d’euros dédié aux places en Belgique est pérenne. En outre, l’ARS des Hauts-de-France pourra engager 3 millions d’euros dès 2017sur l’enveloppe de nouveaux crédits de 180 millions d’euros annoncée par le Président de la République en mai dernier.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il y a peut-être eu quelques progrès en matière d’accueil d’enfants et de jeunes adultes handicapés, mais beaucoup reste à faire !
Certes, les quelques mesures d’extension dans des établissements du département de la Somme vont répondre à une partie de l’attente des parents, mais on est loin de la satisfaction de la totalité des besoins.
Madame la secrétaire d’État, je prends acte des informations que vous nous avez données et j’espère que l’absence, que vous avez dénoncée, de connaissance à la fois des besoins et de l’offre va vous amener à prendre des actions décisives.
Pour les familles concernées, il n’est pas vivable de se trouver dans l’attente d’une place dans tel ou tel établissement. J’ose espérer que la réunion de tous les acteurs au sein des MDPH permettra de faire avancer ce sujet et que nous n’aurons plus à questionner, de nouveau, le Gouvernement dans les années qui viennent.
évolution de la recherche sur la phagothérapie
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 1577, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d’État, en dépit des campagnes de prévention et de sensibilisation, les antibiotiques occupent toujours une place prépondérante dans la lutte contre les maladies infectieuses, en médecine humaine comme en médecine animale. Or, la France recense, chaque année, près de 160 000 cas d’infection due à un germe multirésistant et, selon les chiffres du Gouvernement, il y aurait 12 500 décès. Lors de sa réunion à New York en septembre dernier, l’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs retenu, comme thème de travail, la question de l’antibiorésistance.
Je salue l’engagement résolu du Gouvernement face à cette problématique universelle, qui nécessite bien sûr une action coordonnée entre les pays. Une feuille de route a été annoncée au mois de novembre dernier afin d’intensifier la politique de maîtrise de l’antibiorésistance ; 330 millions d’euros vont être mobilisés sur cinq ans à cet effet.
Cependant, en dépit de leur efficacité avérée au stade préclinique, l’utilisation des bactériophages, que je soutiens depuis des années, ne figure pas encore dans les mesures évoquées.
Or, la phagothérapie, qui consiste à utiliser des virus bactériophage pour traiter certaines infections d’origine bactérienne, constitue une voie très prometteuse, capable de répondre à des situations d’impasse thérapeutique. Cette solution a été délaissée après la découverte de la pénicilline et elle reste encore trop négligée par les pouvoirs publics.
Cette alternative aux antibiotiques rejoint les préoccupations de l’Union européenne. Depuis 2013, le projet européen Phagoburn a été mis en place et associe les hôpitaux militaires de Bruxelles et de Percy, ainsi que la Suisse ; ses résultats actuels s’avèrent positifs, mais là, encore, il y a des résistances.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur l’évolution du travail mené par le comité scientifique temporaire Phagothérapie et sur la recherche relative à ce sujet. Quel soutien votre ministère entend-il y apporter et quelle place cette technique pourrait-elle occuper dans la feuille de route gouvernementale dédiée à l’antibiorésistance ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, comme vous l’indiquez, l’utilisation de phages pour venir à bout d’infections bactériennes, en particulier à bactéries multirésistantes, est régulièrement évoquée.
Depuis plusieurs décennies, certaines infections bactériennes pulmonaires, cutanées, digestives sont traitées par les bactériophages en Géorgie, en Pologne et en Russie. En Europe, les bactériophages n’ont pour l’instant pas de statut spécifique, même si la définition du médicament est susceptible de leur être appliquée.
En France, depuis 2013, l’essai clinique européen Phagoburn est en cours à l’hôpital d’instruction des armées Percy, à Clamart, avec pour objectif d’apporter des preuves sur l’efficacité de la phagothérapie. Cette étude est conduite en coopération avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, l’Institut suisse des produits thérapeutiques, Swissmedic, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé belge, et l’Agence européenne des médicaments.
À ce stade, il n’existe pas de recommandations européennes sur le développement des bactériophages.
Néanmoins, l’ANSM, par décision du 13 janvier 2016, a créé le comité scientifique temporaire Phagothérapie, dont vous avez parlé. Ce comité est chargé de donner un avis quant aux situations cliniques pouvant justifier un accès précoce aux bactériophages et aux prérequis nécessaires pour une mise à disposition précoce dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, ou d’essais cliniques. Ce comité s’est réuni à plusieurs reprises au cours de l’année 2016.
Un consensus s’est dégagé sur trois critères justifiant une situation de besoin, applicables à tout type d’infections pour un accès précoce aux bactériophages, à savoir un pronostic vital engagé ou un pronostic fonctionnel menacé, une impasse thérapeutique et, enfin, une infection monomicrobienne.
Vous le voyez, madame la sénatrice, les phages sont aujourd’hui l’une des approches thérapeutiques innovantes. Des essais sont en cours, des recommandations ont été émises par le comité scientifique temporaire. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que d’autres approches thérapeutiques innovantes, reposant sur des biotechnologies souvent françaises, sont également prometteuses.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Je vous remercie de vos précisions, madame la secrétaire d’État. Effectivement, la phagothérapie n’est pas la seule solution dans la lutte contre l’antibiorésistance, mais elle a fait ses preuves. Par exemple, des amputations ont pu être évitées grâce à elle.
L’an dernier, un colloque s’est tenu à l’Assemblée nationale sur l’initiative de Mme Michèle Rivasi, qui défend ce projet au niveau européen. J’espère que la France va s’engager de manière volontaire dans l’étude de cette solution, sans négliger pour autant le développement d’autres thérapies, bien entendu !
syndrome d’alcoolisation fœtale
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 1589, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Alain Milon. Ma question s’adressait à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, mais le docteur Neuville pourra y répondre sans problème ! (Sourires.)
Elle concerne le format du message à caractère sanitaire à destination des femmes enceintes qui, en application de l’article L. 3322-2 du code de la santé publique, doit figurer sur le conditionnement des boissons alcoolisées et qui prend, en pratique, la forme d’un pictogramme.
Cette obligation résulte d’une initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, qui s’est engagée de longue date pour la prévention des pathologies liées à l’alcool, s’agissant notamment du syndrome d’alcoolisation fœtale, le SAF. Ce combat a été mené plus particulièrement par notre ancienne collègue, Anne-Marie Payet, sénatrice de La Réunion.
Dans le cadre de ses travaux de contrôle, notre commission a cependant constaté que la prévention de ce trouble devait urgemment être renforcée. Alors même qu’il est largement évitable, puisqu’il résulte principalement de la mauvaise information des femmes enceintes, le SAF continue en effet de constituer la première cause de handicap non génétique chez l’enfant. Dans les cas les plus graves, il peut entraîner la mort in utero ; la plupart du temps, il est à l’origine de troubles neuro-développementaux divers, qui ont des effets pendant toute la vie. Face à ce fléau, la communauté scientifique comme la classe politique ont montré une mobilisation accrue au cours des dernières années, qui devrait porter ses fruits à moyen terme.
Une action déterminante pourrait cependant être engagée dès aujourd’hui, par voie réglementaire, pour remédier à illisibilité du logo de prévention pour les femmes enceintes, caractère qui remet en cause sa pertinence. De très petite taille, il est en effet souvent à peine discernable, d’autant qu’il apparaît généralement en noir et blanc. Dans son rapport du 22 mars 2016, l’Académie de médecine relevait d’ailleurs que ce pictogramme est « à totalement reconsidérer dans sa taille, son symbole, son positionnement et sa lisibilité ». Je souhaite savoir si le Gouvernement a d’ores et déjà engagé des travaux pour y remédier.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez raison et il ne faut cesser de le répéter : la consommation d’alcool pendant la grossesse, même en faible quantité, peut avoir des conséquences très graves sur la santé de l’enfant.
C’est un enjeu majeur de santé publique puisque, en France, il s’agit de la première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. On estime que, chaque année, 700 à 1 000 nouveau-nés seraient concernés par le syndrome d’alcoolisation fœtale.
Les enquêtes périnatales l’ont montré, en 2010, 17 % des femmes enceintes déclaraient avoir consommé des boissons alcoolisées une fois par mois pendant la grossesse, et plus de 2 % d’entre elles en avaient consommé deux fois par mois ou plus, mettant ainsi en danger la vie de leur enfant.
Depuis 2007, vous l’avez dit, toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées doivent comporter soit un message sanitaire, soit un pictogramme, mais la lisibilité de ce pictogramme est clairement insuffisante. Nous savons que les fabricants favorisent l’harmonie du packaging, au détriment de la taille et de la lisibilité, c’est-à-dire des couleurs et du contraste utilisés. Ainsi, d’après l’enquête de la direction générale de la santé de 2012, un quart des buveuses déclarent ne même pas avoir remarqué ce pictogramme.
Si, dix ans après sa mise en place, l’étiquetage d’informations sanitaires sur les bouteilles d’alcool bénéficie toujours d’une forte approbation de la population, il voit en revanche sa notoriété baisser : 54 % de nos concitoyens sont au courant de son existence, contre 62 % en 2007.
Face à ce phénomène inquiétant, le Comité interministériel du handicap, lors de sa réunion du 2 décembre dernier, a décidé d’une mesure visant à améliorer la lisibilité et la visibilité du pictogramme, afin qu’il cesse d’être noyé dans le packaging, au détriment de la santé publique.
Des travaux interministériels vont s’engager dans les prochaines semaines, au début du mois de mars, sous l’égide du ministère chargé de la santé, avec tous les ministères concernés – mon secrétariat d’État, qui pilote les travaux du Comité interministériel du handicap, en fait partie –, afin d’élaborer une nouvelle charte graphique permettant la bonne diffusion de ce message de prévention indispensable.
Vous le voyez, jusqu’au dernier jour, c’est-à-dire jusqu’à la mi-mai, nous agirons pour améliorer la situation sanitaire du pays !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Je ne souhaite à personne de voir son dernier jour à la mi-mai ! Je nous souhaite à tous de vivre bien au-delà, d’un point de vue purement humain, abstraction faite de toute considération politique. (Sourires.)
J’avais bien sûr constaté que des décisions avaient été prises au mois de décembre. La commission des affaires sociales, à l’occasion d’un déplacement au mois d’avril dernier dans l’île de la Réunion où le SAF est particulièrement développé, a été extrêmement surprise de constater que le logo censé alerter les femmes enceintes est quasiment invisible.
Il faut donc bien évidemment que la signalétique soit plus visible, et vous y travaillez. Il faut aussi que les médecins soient formés pour qu’ils puissent prévenir leurs patientes des risques liés à la consommation d’alcool, afin que chaque femme enceinte ait conscience qu’elle joue à la roulette russe chaque fois qu’elle boit un verre d’alcool.
prise en charge psychiatrique des 16-25 ans
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 1590, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d’État, ma question a trait à la carence de prise en charge adaptée aux jeunes patients en psychiatrie, entre l’enfance et l’âge adulte.
Dans l’Aisne, les jeunes souffrant de troubles psychiatriques peuvent être accompagnés par une unité de pédopsychiatrie pour adolescent en cas d’hospitalisation à temps plein. Pour les hospitalisations de jour ou le suivi externe, cet accompagnement est réalisé par une des équipes du centre psychothérapeutique pour adolescents.
Selon son degré d’autonomie et d’avancement dans son parcours de soins, chaque jeune trouve une réponse adaptée à sa situation dans un délai raisonnable. Ces structures accueillent les patients jusqu’à l’âge de 16 ans.
À partir de 16 ans et 3 mois, les jeunes basculent vers la psychiatrie adulte. Alors que leurs maladies ne sont pas encore nécessairement installées et qu’ils apprennent à les appréhender, ils se trouvent en contact avec des patients adultes, à des stades différents de leurs maladies. Cette mixité pose problème tant dans la cohabitation des patients, néfaste pour les jeunes, que pour la prise en charge par les soignants, qui ne sont pas mesure d’adapter les actions de soin au public spécifique des jeunes.
Partant de ce constat, les soignants de l’établissement de santé mentale départemental de l’Aisne proposent la mise en place, à titre expérimental, d’une structure spécifique, adaptée aux jeunes de 16 ans à 25 ans, pour assurer une continuité dans leur parcours de vie et de soins. En évitant les ruptures de prise en charge à un moment déterminant dans la construction personnelle, des hospitalisations graves et onéreuses pourraient ainsi être évitées.
La structure envisagée devrait permettre d’accompagner le malade dans toutes les étapes, de la crise initiale à l’instauration d’un parcours de soin durable. Elle ferait le lien entre les nombreux partenaires que doit mobiliser un jeune adulte pour répondre à l’ensemble de ses problématiques.
Dans l’Aisne, département largement touché par les suicides, par l’alcoolisme et les addictions, sous-doté en personnel médical, plus particulièrement en psychiatrie, une telle structure pourrait être un outil de santé publique pertinent. Il permettrait de corriger les inégalités de moyens constatées entre les établissements d’autres départements et ceux de l’Aisne, au bénéfice de patients déjà fragilisés par une situation sociale difficile et un personnel soignant en grande tension.
C’est pourquoi j’ai souhaité appeler votre attention, madame la secrétaire d’État, sur ce projet d’expérimentation d’une nouvelle structure d’accompagnement des troubles psychiatriques des 16-25 ans dans le département l’Aisne qui, je l’espère, obtiendra votre entier soutien.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, la question de l’extension de la psychiatrie infanto-juvénile jusqu’à l’âge de 18 ans a fait l’objet de préconisations dans le cadre de récents rapports – celui de Michel Laforcade sur la santé mentale et celui de Marie-Rose Moro et Jean-Louis Brison sur le bien-être et la santé des jeunes – pour éviter une rupture trop brutale entre l’enfance et l’âge adulte, comme vous l’avez souligné.
Le Comité de pilotage de la psychiatrie, mis en place le 17 janvier 2017 sous la coprésidence du docteur Yvan Halimi et de la directrice générale de l’offre de soins, a identifié parmi ses thèmes de travail prioritaires la psychiatrie infanto-juvénile. Une réflexion approfondie sur la meilleure articulation entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie adulte sera donc menée dans ce cadre dans les mois à venir, en tenant compte de la démographie des professionnels.
Sous l’impulsion constante du ministère des affaires sociales et de la santé, un maillage complet du territoire national en maisons des adolescents a été mis en place, pour accueillir les jeunes de 11 ans à 25 ans.
La circulaire du Premier ministre du 28 novembre dernier relative à l’actualisation du cahier des charges des maisons des adolescents vise à renforcer davantage encore ce dispositif, qui a fait les preuves de son efficacité.
Par ailleurs, de nombreux établissements ont mis en place des unités spécialisées pour adolescents et jeunes adultes qui permettent d’offrir une réponse au besoin d’hospitalisation dans un cadre moins stigmatisant qu’une unité d’hospitalisation traditionnelle et mieux adapté aux spécificités cliniques de l’entrée dans l’âge adulte. En 2014, on recensait 209 équipes spécialisées dans la prise en charge des adolescents.
Le projet développé par l’établissement de santé mentale départemental de l’Aisne, sur lequel vous appelez l’attention de Marisol Touraine, vise à assurer aux jeunes de 16 ans à 25 ans présentant des troubles psychiques des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture. Mme la ministre demandera donc à l’agence régionale de santé des Hauts-de-France d’apprécier la faisabilité technique de cette expérimentation, qui paraît tout à fait intéressante, et d’étudier les modalités éventuelles d’un accompagnement financier sur des crédits du fonds d’intervention régional.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments d’information.
Il n’est pas utile d’insister entre nous sur la nécessité de maintenir la pédopsychiatrie et le lien de celle-ci avec la psychiatrie adulte au centre des préoccupations de santé publique. Le Sénat a d’ailleurs constitué une mission d’information sur la psychiatrie des mineurs.
Je voudrais également citer un ouvrage récemment publié Je suis ado et j’appelle mon psy, rédigé par Thierry Delcourt, pédopsychiatre qui exerce dans un département voisin du département de l’Aisne.
Permettez-moi enfin d’insister, madame la secrétaire d’État, sur les paradoxes et les contrastes que vit mon département, territoire de réussite, économique ou culturelle, mais aussi de grande souffrance humaine, dont les jeunes sont les premières victimes. Le projet que je vous ai présenté vise un double objectif : apporter la réponse la plus efficace à ces jeunes de 16 ans à 25 ans et prévenir la détérioration de leur santé, afin d’éviter à l’avenir des prises en charge et des hospitalisations coûteuses.
intolérance aux radiations électromagnétiques artificielles
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, auteur de la question n° 1552, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
M. Alain Duran. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation des citoyens intolérants aux radiations électromagnétiques artificielles.
J’ai été récemment saisi du cas d’une personne confrontée à des conditions de vie très problématiques, en raison de l’isolement auquel elle est contrainte pour se protéger des radiations électromagnétiques artificielles. Il en résulte des conséquences très lourdes en termes de conditions de vie, d’accès à l’emploi, à la sociabilité et aux services essentiels.
Cette situation risque de surcroît d’être dégradée par l’autorisation accordée en 2015 à Orange de démanteler le parc de cabines téléphoniques. L’entreprise restait tenue de maintenir ce parc, en vertu du principe de service universel en matière d’accès au téléphone, lequel est désormais relativisé par le développement de la téléphonie mobile.
Le retrait des dernières cabines téléphoniques en état de fonctionner risque de constituer une perte définitive, extrêmement préjudiciable, pour l’accès aux télécommunications. La personne ayant sollicité mon attention étant en effet contrainte de résider dans une habitation mobile, afin de rester éloignée des radiations, elle est dès lors privée de l’accès à la téléphonie fixe.
L’exemple personnel sur lequel s’appuie ma question témoigne d’une situation très certainement partagée par plusieurs autres de nos concitoyens. Pour eux, la cabine téléphonique garantit un lien avec leurs proches et le monde extérieur.
Je souhaite dès lors vous solliciter, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, pour connaître les mesures qu’entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation et aux conséquences négatives subies par les citoyens concernés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, l’article 129 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a retiré la composante « publiphonie » du périmètre du service universel des communications électroniques. Ce retrait a été largement avalisé par les élus locaux, en contrepartie de la relance des plans de couverture du territoire en services de téléphonie mobile.
Cette évolution du périmètre du service universel, nécessaire et ayant recueilli l’assentiment des élus, s’est néanmoins accompagnée d’un certain nombre de précautions visant à garantir le caractère progressif et négocié du démantèlement des cabines.
Orange s’est ainsi engagé, par lettre du 28 octobre 2015, à ne pas retirer de cabines dans des lieux qui ne seraient pas couverts par un service voix, à informer les maires au préalable et à organiser des réunions de concertation avec les élus concernés.
En ce qui concerne l’électro-hypersensibilité, dans son avis d’octobre 2009 sur l’expertise relative aux radiofréquences, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, indique qu’« aucune preuve scientifique d’une relation de causalité entre l’exposition aux radiofréquences et l’hypersensibilité électromagnétique n’a pu être apportée jusqu’à présent ».
Une expertise spécifique est en cours de réalisation au sein de la même agence. Le prérapport des travaux d’expertise a été mis en consultation publique du 28 juillet 2016 au 30 septembre 2016. Après examen des observations formulées lors de la consultation par les experts en charge des travaux, le rapport pourra être finalisé. Ce rapport et l’avis de l’ANSES devraient être publiés en 2017.
Toutefois, les souffrances rapportées par les personnes indiquant être hypersensibles aux champs électromagnétiques ne peuvent être ignorées. C’est pourquoi une étude visant à mettre en œuvre une prise en charge adaptée a été lancée en juillet 2012 par le service de pathologie professionnelle de l’hôpital Cochin de Paris.
Il s’agit d’une étude pilote d’une durée de quatre ans, financée dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique. Les patients ont été reçus dans le centre de consultations de pathologies professionnelles et de l’environnement de leur région. Un suivi des symptômes des patients a été effectué durant un an.
Le ministère des affaires sociales et de la santé s’appuiera, en 2017, sur les résultats de l’expertise de l’ANSES et sur ceux de l’étude coordonnée par l’hôpital Cochin pour établir, le cas échéant, des instructions concernant la prise en charge des personnes indiquant être hypersensibles aux champs électromagnétiques.
Enfin, l’article 8 de la loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’électro-hypersensibilité, rapport qui pourra faire état des orientations retenues sur une éventuelle prise en charge. Dans l’attente des conclusions du rapport scientifique de l’ANSES et de la publication des résultats de l’étude pilote, il nous semble prématuré d’introduire de nouvelles dispositions sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Cependant, nous avons tous conscience de la réalité des souffrances invoquées et nous attendons avec impatience les conclusions des rapports annoncés pour cette année. En tout état de cause, les personnes concernées ne peuvent plus attendre. Je me félicite donc de l’investissement dont vous faites preuve, madame la secrétaire d’État, ainsi que l’ensemble du gouvernement, pour apporter des réponses aux personnes électro-hypersensibles.
situation de l’hôpital jean-verdier de bondy
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 1576, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Gilbert Roger. Madame la secrétaire d’État, j’attire l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l’inquiétante situation de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy qui relève de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP.
En effet, depuis le regroupement des trois hôpitaux de Seine-Saint-Denis – Avicenne, Jean-Verdier et René-Muret – en un groupe hospitalier, la direction de l’AP-HP a décidé le départ des services de pointe de l’hôpital Jean-Verdier, notamment ceux de cancérologie et de chirurgie digestive. Un groupe de travail a par ailleurs été mis en place en vue de transférer, une fois encore, à l’hôpital Avicenne des services de Jean-Verdier tels que l’hépato-gastroentérologie, la réanimation, la radio interventionnelle, l’école d’infirmières, la maternité, la pédiatrie et la procréation médicale assistée – on est presque essoufflé à la lecture de liste de tous ces départs programmés !
Cette décision est d’autant moins acceptable que l’on apprend, dans le même temps, que l’AP-HP se renseigne pour valoriser les terrains situés dans la zone ouest de l’hôpital Jean-Verdier, où est implantée l’école d’infirmières, pour y réaliser une opération immobilière « juteuse », alors que cette parcelle pourrait accueillir des équipements médicaux de pointe.
Par le démantèlement de ces services, c’est le droit à l’accès aux soins pour tous qui est menacé. L’hôpital Jean-Verdier doit rester un hôpital universitaire de proximité répondant aux besoins de la population. L’AP-HP doit pouvoir se développer autour de deux axes complémentaires, la médecine spécialisée de centre hospitalier universitaire et la médecine d’hôpital général de proximité, et renoncer à ces funestes décisions.
Je demande donc à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé de bien vouloir mettre un terme à ces transferts de services du CHU Jean-Verdier vers le CHU Avicenne.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, qui m’a chargée de vous répondre.
L’hôpital Jean-Verdier de Bondy, de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris est un des acteurs majeurs de la santé de l’adulte et de l’enfant dans votre département.
Comme vous l’avez rappelé, il forme avec les CHU Avicenne et René-Muret le groupe hospitalier universitaire Paris-Seine-Saint-Denis depuis 2011. L’objectif du groupe hospitalier est de mutualiser des fonctions techniques et administratives entre les trois hôpitaux et de proposer des « parcours-patients » complets aux habitants de Seine-Saint-Denis, fondés sur une exigence de qualité, de sécurité et de modernité des conditions d’accueil.
Cette coopération doit permettre de relever les défis du virage ambulatoire, de s’adapter à la démographie médicale et d’organiser les transformations de l’offre hospitalière en prise avec les besoins des habitants d’un territoire.
Aussi, le groupe hospitalier universitaire Paris-Seine-Saint-Denis poursuit des réflexions sur l’organisation de l’offre de soins, notamment sur certaines disciplines de pointe et reconnues, aujourd’hui situées à Bondy, et dont la communauté médicale estime qu’elles pourraient bénéficier de synergies en se rapprochant des spécialités hospitalo-universitaires situées à Avicenne.
Pour autant, si des réflexions médicales existent, elles ne préjugent pas des décisions qui seront ensuite arrêtées par la direction générale de l’AP-HP, qui devra s’assurer que ces orientations respectent effectivement l’impératif d’accès aux soins pour tous les habitants de ce territoire.
Enfin, je saisis cette occasion pour vous rappeler combien l’AP-HP est précisément attachée à l’hôpital Jean-Verdier, dont les urgences adultes et pédiatriques, ainsi que l’unité médico-judiciaire, feront l’objet très prochainement d’une opération de modernisation de plus de 8 millions d’euros.
Une structure ambulatoire innovante pourrait y voir le jour pour allier soins de proximité et excellence universitaire et mieux répondre aux besoins de la population, aujourd’hui confrontée à un fort déficit en consultations de médecine générale et de médecine spécialisée.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Madame la secrétaire d’État, avec tout le respect que je vous dois, l’AP-HP a demandé à la communauté médicale non pas d’envisager son devenir, mais d’organiser le déplacement et le transfert de tous les services vers Avicenne. Voilà la réalité !
Ensuite, des investissements de 8 millions d’euros vont certes être engagés pour moderniser quelques services qu’Avicenne ne veut pas accueillir. Parallèlement, rien que la vente des terrains occupés aujourd’hui par l’école d’infirmières suffira à compenser ces dépenses.
Je maintiens que la disparition de Jean-Verdier est programmée par les Parisiens !
maintien d’une liaison ferroviaire directe entre paris et malesherbes dans le loiret
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1597, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d’État, je souhaitais appeler l’attention de M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche sur la liaison ferroviaire directe entre Paris et Malesherbes, qui appartient désormais à la commune nouvelle du Malesherbois.
Cette commune est la seule du département du Loiret reliée directement à Paris par le réseau express régional, ou RER. La ligne est fréquentée par environ 600 personnes par jour. Celles-ci doivent aujourd’hui effectuer un trajet qui est relativement long, eu égard aux nombreux arrêts, et sur lequel on compte un nombre trop élevé de retards.
Le projet de mettre fin à cette liaison directe et d’imposer un changement de train à Corbeil aurait immanquablement pour effet de dégrader les conditions dans lesquelles les usagers du Malesherbois effectuent leurs déplacements et d’en augmenter sensiblement la durée.
De surcroît, il apparaît que 12 000 usagers environ prennent leur train dans les gares situées au sud de Corbeil seraient également touchés et verraient eux aussi leurs conditions de circulation dégradées.
En outre, un tel dispositif se traduirait immanquablement par un report des circulations du train vers la voiture, nombre d’usagers du Malesherbois choisissant alors de se rendre à Étampes pour retrouver une liaison directe avec Paris. Cela n’irait pas dans le sens du respect de l’environnement, puisque cela accroîtrait la circulation et les besoins en stationnement. Un tel transfert serait également préjudiciable à tous ceux qui doivent se rendre, chaque jour, à Paris pour y travailler.
Il apparaît donc souhaitable que cette liaison ferroviaire soit maintenue, d’autant plus que j’ai reçu une lettre de la SNCF en date du 13 janvier…
M. le président. Estimez-vous heureux !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce bonheur est tout relatif, monsieur le président, puisque cette lettre m’indique que la liaison doit être supprimée pour permettre l’amélioration des conditions générales de transport, grâce à la mise en service de nouveaux matériels qui réduiront le nombre des retards – je prends à témoin mon collègue Roland Courteau, dont l’expertise est grande en la matière !
Étant quelque peu habitué à cette rhétorique qui nous invite à accepter de mauvaises solutions dans l’attente d’un avenir magnifique, je maintiens donc ma question et attends avec espoir votre réponse, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la desserte du Malesherbois, à l’occasion d’une évolution des services du RER D.
Je voudrais tout d’abord rappeler la constante préoccupation de M. le secrétaire d’État chargé des transports quant au renforcement et à la modernisation des réseaux existant de transports collectifs, ainsi qu’à l’amélioration des services. La qualité des transports du quotidien, pour tous, est essentielle.
Le RER D a connu depuis le début des années deux mille une croissance annuelle de son trafic de 2,4 %, pour atteindre 615 000 voyageurs par jour. Cette croissance, comme les analyses le montrent, va se poursuivre. Or elle met évidemment à l’épreuve et l’infrastructure et l’organisation actuelle du service.
La ponctualité du RER D ne s’élève aujourd’hui qu’à 85,5 %, et elle est même réduite à 64 % au sud de Corbeil-Essonnes. Entre 2010 et 2013, elle a perdu un point par an. Depuis 2014, les efforts de la SNCF et une réorganisation partielle du service ont permis de regagner quelques points, mais la hausse du trafic continue de peser sur la ponctualité, qui reste insatisfaisante.
D’ici à 2025, la mise en œuvre des schémas directeurs et le remplacement décidé de tous les anciens trains devraient améliorer considérablement la situation, mais, pour obtenir des résultats avant cette échéance, il est envisagé de modifier la structure de l’offre ferroviaire sur le RER D au sud.
Dans ce contexte, le Syndicat des transports d’Île-de-France, qui est l’autorité organisatrice compétente, prévoit de modifier le plan de transport de la ligne. Le 11 janvier dernier, il a délibéré sur les évolutions à mettre en œuvre, validant les grands principes du service annuel 2019.
Sous l’égide du STIF, la SNCF a conduit un travail d’analyse, en concertation avec les élus et les associations d’usagers. Elle s’est également appuyée sur une expertise extérieure, l’EPFL 2015, menée donc par l’École polytechnique de Lausanne, qui avait suggéré notamment de mieux structurer les lignes à plusieurs bifurcations.
La SNCF a identifié les causes des faiblesses actuelles : premièrement, de Goussainville à Châtelet, le soir ; deuxièmement, la complexité des circulations à Corbeil ; troisièmement, la saturation prévisible entre Melun et Paris le matin.
Pour chacune de ces fragilités, des pistes d’action ont été étudiées. Ainsi, la simplification du nœud de Corbeil conduirait à réduire la longueur du RER D vers le sud et à envisager la suppression de la desserte directe de Malesherbes, qui ne fonctionne pas bien.
Une correspondance robuste entre la branche de Malesherbes et le tronc principal du RER D serait alors organisée. Des avancées spécifiques seraient ainsi offertes aux passagers de cette branche grâce à de meilleures fréquences, notamment en soirée, et à la modernisation à venir du matériel roulant, comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur. Ils bénéficieraient en outre de la régularité retrouvée sur le reste de la ligne D, et il en résulterait un temps de parcours vers Paris comparable à celui d’aujourd’hui, mais avec un confort sensiblement amélioré.
Le secrétaire d’État aux transports a néanmoins pris note des réticences d’un certain nombre d’usagers sur cette nouvelle organisation. Il va donc demander au STIF d’examiner dans quelle mesure des trains directs pourraient être maintenus.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux tout d’abord remercier Mme la secrétaire d’État de l’ensemble des informations qu’elle a bien voulu nous donner.
Madame la secrétaire d’État, vous avez vous-même reconnu qu’il y avait un taux de retard de 64 %. Mes chers collègues, je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais cela veut dire que pratiquement un train sur deux n’est pas à l’heure…
M. Jean-Pierre Sueur. Certaines subtilités peuvent m’échapper, madame la secrétaire d’État…
M. le président. C’est impossible ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Toujours est-il qu’il est très difficile d’expliquer – M. Gaudin, qui est un homme avisé, ne me contredira pas (Nouveaux sourires.) – qu’en supprimant une ligne qui ne va pas bien et en ajoutant un transfert à la gare de Corbeil la situation va s’améliorer.
J’ai remarqué que vous avez d’abord parlé avec assurance, avant de passer au conditionnel, ce qui m’a fait chaud au cœur. Surtout, je tiens à vous remercier de la dernière phrase de votre propos, que j’attendais avec impatience. En effet, vous m’annoncez que M. le secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies, va demander au STIF de réexaminer la possibilité de maintenir une ligne directe. Je puis vous dire que, avec les élus concernés, je vais de mon côté prendre contact avec la SNCF et le STIF pour travailler dans cette direction. Je me réjouis de cette ouverture, et j’espère que l’on pourra maintenir cette liaison directe. Je vous remercie sincèrement.
sécurisation de la route nationale 248 à hauteur de la commune de frontenay-rohan-rohan
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 1581, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Mouiller. Madame la secrétaire d’État, ma question, qui concerne le département des Deux-Sèvres, où je suis élu, porte sur la sécurisation de la route nationale 248, à hauteur de la commune de Frontenay-Rohan-Rohan.
Cette zone étant particulièrement accidentogène, les élus de la commune, ainsi que les usagers du secteur, souhaiteraient qu’elle puisse être sécurisée.
Le contrat de plan État-région 2015-2020 préconise la mise en œuvre de dispositifs d’amélioration de la desserte du littoral, dont la sécurisation de la RN 248, à hauteur de la commune. En effet, il est prévu à l’axe 1, article 1er, sur l’amélioration de la desserte du littoral charentais, que subsistent entre l’A 10 et La Rochelle deux sections en route bidirectionnelle, à savoir la RN 248 et une section de la RN 11. La priorité d’aménagement est la mise en deux fois deux voies de la RN 11 au droit du contournement de Mauzé-sur-le-Mignon, ainsi que la sécurisation de la RN 248 par l’aménagement du carrefour de Frontenay-Rohan-Rohan, d’un coût total de l’ordre de 26 millions d’euros. Sur la période 2015-2020, le montant des premiers aménagements et engagements est de l’ordre de 16 millions d’euros.
Cette opération d’aménagement routier a été retenue dans le cadre du volet mobilité multimodale du contrat de plan État-région. Seulement, cette opération est à l’état d’étude pour la période 2017-2020, les crédits n’ayant pu être alloués sur l’exercice 2016. Aujourd’hui, nous n’avons aucune vision pour l’année 2017.
Je vous serai reconnaissant de bien vouloir nous indiquer dans quel délai nous pouvons espérer la mobilisation des premiers crédits et nous communiquer le calendrier des travaux de sécurisation de ces carrefours, laquelle devrait déjà être achevée.
Je vous remercie des éléments que vous serez en mesure de nous fournir.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, vous interrogez Alain Vidalies, secrétaire d’État en charge des transports, de la mer et de la pêche, sur la sécurisation de la route nationale 248, à hauteur de la commune de Frontenay-Rohan-Rohan, dans les Deux-Sèvres.
Je tiens à vous assurer que l’État a pleinement conscience de l’importance des enjeux de sécurité sur cet itinéraire, qui supporte un trafic de l’ordre de 7 500 véhicules par jour, dont 13 % de poids lourds.
Comme vous le soulignez, une enveloppe de 16 millions d’euros est inscrite au contrat de plan État-région 2015-2020, afin d’améliorer la desserte du littoral depuis l’A 10. La sécurisation de la RN 248, par l’aménagement de ses carrefours, est notamment citée.
Deux carrefours avec le réseau secondaire départemental sont identifiés dans le cadre de cet aménagement : celui avec la RD 118, dit carrefour du silo, et celui avec la RD 102. Ceux-ci, qui sont situés sur la commune de Frontenay-Rohan-Rohan, sont très rapprochés, à moins de 1,5 kilomètre. Alain Vidalies est conscient de la nécessité d’un aménagement améliorant la gestion des flux des réseaux secondaires, en organisant l’échange en un seul point avec la RN 248 par un carrefour dénivelé.
Toutefois, l’important programme d’opérations engagé, tant en travaux qu’en études par les services de l’État en région, ne permet pas de commencer cette opération dès 2017 au vu des disponibilités budgétaires. Les études d’opportunité visant à identifier le meilleur parti d’aménagement seront donc lancées à partir de 2018. Une fois celui-ci approuvé, les études techniques et environnementales seront conduites et les acquisitions foncières réalisées afin de pouvoir engager les travaux tels qu’ils sont prévus par l’actuel contrat de plan.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Madame la secrétaire d’État, la première partie de votre réponse, en écho aux propos de M. Vidalies s’agissant de l’importance de ces travaux, est plutôt satisfaisante. Vous avez bien souligné, techniquement et dans le descriptif, les enjeux de tels aménagements.
Néanmoins, la seconde partie de la réponse ne laisse pas de m’inquiéter. La programmation va jusqu’en 2020, et vous évoquez la date de 2018, voire 2019, pour le début des travaux. En espérant que les crédits soient reconduits, cela signifie que les habitants verront la réalisation de cette opération à une échéance assez lointaine. Je crains que cette réponse ne soit un motif supplémentaire d’inquiétude pour les élus locaux, qui sont dans l’attente.
maintien des engagements pour la ligne ferroviaire carcassonne-quillan
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1538, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, j’ai alerté à de nombreuses reprises M. Vidalies, ici même ou dans son ministère, sur la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan, et plus particulièrement sur les travaux de régénération la concernant. Alors que ceux-ci devaient débuter en janvier sur le tronçon Carcassonne-Limoux, la direction régionale de SNCF Réseau aurait planifié la fermeture du segment Limoux-Quillan pour la fin de l’année 2017.
Je tiens donc à rappeler ici que, dans le cadre du contrat de plan État-région, ces deux partenaires et la SNCF se sont engagés dans le processus de rénovation et d’exploitation sur la totalité de la ligne Carcassonne-Quillan. J’y insiste : la totalité !
Cette perspective suscite la plus totale réprobation, tant de l’association pour le maintien et le développement de la ligne ferroviaire que des élus et des populations concernés.
Une telle annonce est inacceptable, d’autant que cette ligne connaît depuis plusieurs années une fréquentation en hausse.
Permettez-moi de souligner, une fois encore, l’importance de cette infrastructure pour le développement économique de ces territoires. Les projets de fret sur cette ligne sont nombreux, mais ils ne se concrétisent pas, faute d’opérabilité de cet outil. Je ferai la même remarque concernant les projets touristiques.
L’enjeu environnemental doit aussi être pris en compte, au moment où l’on déplore les dégâts provoqués par les gaz à effet de serre ou, plus généralement, les pollutions de l’air.
Je souhaite donc que soient réaffirmés et garantis les trois points suivants : la ligne doit rester en totalité dans le périmètre de l’État ; la continuité des circulations ferroviaires doit pouvoir être assurée, et il convient donc d’effectuer les travaux de maintenance et d’entretien nécessaires ; le tronçon Limoux-Quillan devra, pour sa régénération, être inscrit au contrat de plan État-région de 2021.
Je crois d’ores et déjà pouvoir assurer que le conseil régional s’engagera pour cette deuxième tranche de travaux. Dès lors, l’ALF, l’association de défense de la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan, les élus et les populations comptent bien obtenir des garanties sur ces trois points, les enjeux sociaux, économiques et environnementaux étant majeurs pour cette haute vallée de l’Aude.
Madame la secrétaire d’État, quelles assurances le Gouvernement peut-il aujourd’hui m’apporter à ce sujet ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, l’état de la ligne Carcassonne-Limoux-Quillan a conduit à la mise en place de limitations de vitesse sur plusieurs sections de l’axe.
M. Roland Courteau. Et pour cause !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Le contrat de plan État-région 2007-2013 a été l’occasion de mener des études sur les opérations nécessaires pour remettre à niveau la ligne. Les besoins de régénération et les travaux à effectuer en priorité ont été définis, pour un total d’un million d’euros.
L’État et la région ont souhaité inscrire dans le CPER 2015-2020 une enveloppe de 11 millions d’euros. D’après les études, ce montant permet de traiter la section entre Carcassonne et Limoux, où circulent le plus grand nombre de trains. C’est donc un engagement fort en faveur de cette ligne et de la haute vallée de l’Aude qui a été pris dans le cadre du CPER.
L’ensemble des partenaires, dont l’État, ont mobilisé en 2016 les crédits nécessaires au lancement des travaux sur cette section. La première phase s’achèvera en mars 2017, tandis que la seconde sera réalisée au premier trimestre 2018. La rénovation de l’ensemble de la voie ainsi que de six ouvrages d’art sur fonds propres de SNCF Réseau permettra d’assurer la pérennité des circulations pour une quinzaine d’années.
S’agissant de la section Limoux-Quillan, dont vous appelez la rénovation de vos vœux, les travaux correspondants représenteraient, pour cet itinéraire de 30 kilomètres, un investissement de l’ordre de 40 millions d’euros, qui n’est pas financé à ce jour.
De façon plus générale, l’avenir de la ligne Carcassonne- Quillan, ligne de desserte fine du territoire, doit être envisagé à l’échelle régionale afin d’identifier les réponses les plus pertinentes à apporter en termes de mobilité durable, en fonction des caractéristiques des territoires.
L’initiative du nouvel exécutif de la région Occitanie d’organiser des états généraux du rail et de l’intermodalité, qui a été un moment fort de concertation entre tous les citoyens et les acteurs locaux, va dans ce sens. Leur restitution en décembre dernier a mis en exergue la nécessité de sauvegarder la ligne Carcassonne-Quillan avec cinq autres lignes régionales identifiées comme prioritaires.
Le soutien financier de l’État aux lignes de desserte fine du territoire s’inscrit dans le cadre des contrats de plan État-région, comme c’est le cas pour la section Carcassonne-Limoux. Dans ces conditions, les investissements en faveur de la section Limoux-Quillan devront donc soit relever d’une intervention des collectivités territoriales, en fonction de leurs priorités au niveau régional, soit être abordés dans le cadre de la prochaine révision du contrat de plan.
demande de révision des dispositions de la convention de berne sur les loups
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 1515, adressée à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est non seulement en tant que président du groupe d’études de l’élevage, mais aussi en tant qu’éleveur, avec mes convictions et même mes tripes, que je voudrais interroger Mme la secrétaire d’État en charge de la biodiversité sur les actions conduites par la France pour réviser les dispositions ayant trait à la protection des loups dans la convention de Berne du 19 septembre 1979, laquelle est en application depuis le 1er juin 1982.
S’il est vrai qu’en 1979 le nombre de loups était très limité, force est de constater qu’il n’en va plus de même puisqu’on estime désormais à environ 500 le nombre de loups sur le sol français.
Au départ signalée uniquement dans les Alpes du Sud, la présence du loup est désormais avérée dans tous les massifs français de l’est de la France, jusqu’en Lorraine. Cette prolifération est également rapide et importante dans le Massif central, tout particulièrement en Lozère et en Aveyron. Les différents « plans loup » n’ont pas permis d’enrayer leur progression ni le nombre de territoires concernés par la présence de l’animal. Il en est résulté traumatismes, mécontentements et fortes inquiétudes des éleveurs d’ovins, de chèvres et même de jeunes bovins, qui doivent faire face aux attaques répétées de leurs troupeaux par les loups. À quand les humains ?
Veut-on complètement décourager nos éleveurs d’ovins, alors même qu’ils doivent déjà faire face à de nombreuses autres contraintes ? Va-t-on encore longtemps considérer le loup comme une espèce protégée, laissant les éleveurs face à d’innombrables contraintes pour protéger leurs cheptels ? Alors que l’on attend à juste titre des éleveurs qu’ils aient le souci du bien-être animal, va-t-on encore tolérer pendant longtemps que les loups déchiquètent de façon horrible plus de 9 000 ovins et caprins chaque année, mais aussi de jeunes bovins, les condamnant tous à une mort atroce ? J’ai ici des photos qui illustrent de façon crue ce que je viens de dénoncer.
Où est L.214 ? Étonnamment, on ne les entend pas sur le sujet…
Enfin, que comptez-vous faire pour les éleveurs, aujourd’hui pris en tenaille entre l’obligation de protéger leurs troupeaux des loups avec des chiens patous et les ennuis, voire les procès, que les agressions causées par ces chiens à des randonneurs peuvent leur valoir ?
Pour ma part, je pense qu’il est urgent de revoir les dispositions de la convention de Berne, d’autant que, selon le journal Le Progrès du 4 février 2017, que je tiens à votre disposition, nos voisins italiens ont recensé, dans les Alpes entre 100 et 150 loups et, dans les Apennins, entre 1 070 et 2 472 loups ! Au vu de tels chiffres, qui peut croire que le loup soit une espèce en voie de disparition ?
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je souhaite que vous indiquiez à la représentation nationale si le Gouvernement a fait une demande de révision de la convention de Berne au sujet du loup. Dans l’affirmative, nous aimerions savoir à quelle date elle a eu lieu, quelles ont été les procédures suivies, et bien sûr, quelle réponse lui a été donnée ?
Demain après-midi se tiendront à l’Assemblée nationale les rencontres parlementaires sur la prédation du loup, réunissant députés, sénateurs, élus locaux, scientifiques, juristes et représentants des organismes agricoles et agropastoraux. C’est vous dire, madame la secrétaire d’État, si votre réponse, que nous souhaitons la plus précise possible, est importante.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, la question du loup est un sujet très important, en termes tant de protection du patrimoine naturel que d’économie, à travers la sécurité des élevages et le maintien du pastoralisme, pratique à laquelle nous sommes, je le crois, tous très attachés.
Le loup est une espèce protégée au titre de la convention de Berne et de la directive européenne habitats-faune-flore. La France se doit de respecter strictement ses engagements internationaux et donc d’assurer la protection et le bon état de conservation d’une population estimée aujourd’hui à 300 loups sur l’ensemble du territoire. (M. Gérard Bailly fait une moue dubitative.)
Le retour naturel du loup dans notre pays n’est pas neutre : il marque une avancée majeure, dans un contexte général de perte de biodiversité, mais, vous avez raison, monsieur le sénateur, et il serait absurde de le nier, il est aussi synonyme de bouleversements profonds et parfois très douloureux dans la gestion des troupeaux dans les zones concernées.
Je suis déterminée à ce que le dossier loup ne soit plus traité seulement au coup par coup. Nous avons pris des mesures d’urgence pour éviter que les éleveurs ne se retrouvent seuls dans cette situation, mais nous avons besoin d’une stratégie claire sur le long terme, partagée par tout le monde.
C’est pourquoi j’ai lancé le 7 juillet dernier une démarche d’évaluation prospective du loup en France à l’horizon 2025-2030.
Elle comprend deux volets.
Il y a tout d’abord la réalisation de deux expertises collectives pour disposer des données scientifiques qui doivent rester la base de notre action : l’une sur la biologie de l’espèce et sur sa répartition sur le territoire ; l’autre sur les aspects sociologiques et les relations entre l’homme et le loup, car on sait que cet animal s’adapte et réagit aux mesures mises en place face à lui.
Ensuite, il y a l’élaboration d’une stratégie à l’horizon 2025-2030, en concertation avec tous les acteurs concernés. Bien évidemment, les éleveurs et les organisations agricoles sont autour de la table.
J’ai la conviction que la politique a un rôle à jouer sur la question du loup, comme pour d’autres espèces, et peut-être plus encore compte tenu du symbole que représente le loup.
Il faut bien avoir à l’esprit que, depuis près de cent ans, les éleveurs ont vécu sans le loup, et nous leur demandons de vivre de nouveau avec. Il s’agit donc de retrouver des pratiques d’élevage compatibles avec la présence du loup, de les adapter au monde d’aujourd’hui et de les diffuser. Tout cela ne se fait pas en un jour et demande du temps.
Monsieur le sénateur, en conclusion, je peux vous dire que l’État est aux côtés des éleveurs pour sauvegarder cette belle pratique du pastoralisme. Cette stratégie de long terme permettra d’agir concrètement, c’est-à-dire de regarder ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans ce qui est mis en place actuellement pour essayer de trouver ensemble les meilleures adaptations. La question des patous et de la formation des éleveurs se pose. Faut-il forcément utiliser ces chiens ou bien avoir recours à d’autres protections ? Bref, c’est un débat de long terme qu’il faut mener. En attendant que cette stratégie soit mise en place, nous perpétuons les mesures qui ont déjà été prises « en urgence ».
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse, mais j’ai posé une question beaucoup plus précise sur la convention de Berne.
À une question posée ici même par mon collègue Daniel Gremillet, le 9 juin 2016, vous répondiez que la ministre chargée de l’environnement avait adressé un courrier à la Commission européenne au sujet de cette convention le 27 juillet 2015, voilà donc dix-neuf mois. Qu’a-t-il été répondu à cette lettre ?
Madame la secrétaire d’État, dans la perspective des travaux qui vont se dérouler demain à l’Assemblée nationale, pouvez-vous nous renseigner sur ce point, qui pose un vrai problème ?
Par ailleurs, en cette période où l’argent public ne coule pas à flots, je veux rappeler les faits suivants : il a été dépensé 1,32 million d’euros pour la prévention en 2004, 12 millions d’euros en 2014, et 18,2 millions d’euros en 2015 ; en outre, une somme de 2,62 millions d’euros a été débloquée pour les éleveurs. Ces chiffres ne cessent d’augmenter, ce qui pose aussi problème.
M. Gérard Bailly. Surtout, madame la secrétaire d’État, je suis bouleversé par le sort de ces quelque 10 000 animaux qui meurent dans des conditions atroces. Il faut mettre fin à cette hécatombe. Je vous le dis avec mes tripes d’éleveur : je préfère que l’on tue dix, cinquante ou cent loups !
concessions hydroélectriques des vallées du lot et de la truyère
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 1593, adressée à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
M. Alain Marc. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la possibilité d’utiliser la prorogation des concessions hydroélectriques au bénéfice des vallées du Lot et de la Truyère.
Dans le récent rapport d’information parlementaire consacré à la mise en application de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, il a été rappelé le rôle déterminant de l’hydroélectricité dans le mix énergétique français et dans la transition énergétique à venir. Ce rôle est d’ailleurs confirmé par la programmation pluriannuelle de l’énergie, récemment publiée, et qui consacre une place centrale à l’hydroélectricité comme complément idéal des productions éoliennes et solaires, et appelle de ses vœux des développements nouveaux de cette énergie.
La loi a introduit la possibilité pour l’État de prolonger des concessions hydroélectriques pour y réaliser des investissements. Il semble que cette option soit retenue pour les concessions de la vallée du Rhône.
Or des projets s’inscrivant parfaitement dans les objectifs de la loi de transition énergétique existent sur les vallées d’importance nationale du Lot et de la Truyère. Ces projets pourraient être lancés rapidement dans le cadre d’une prolongation. Ils auraient un impact très positif sur le développement de nos territoires ruraux, en termes tant d’emplois que de ressources nouvelles pour nos collectivités.
Alors que nos territoires ont tant besoin d’investissements et que notre pays doit relever le défi de la transition énergétique, pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement s’agissant de la prorogation des concessions du Lot et de la Truyère ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte consolide le régime des concessions hydroélectriques et garantit le respect des enjeux de service public de l’hydroélectricité française : accélération du développement des énergies renouvelables ; sécurité d’approvisionnement en électricité ; sûreté des barrages ; sécurité des personnes ; contribution à la continuité écologique des cours d’eau et, enfin, ancrage territorial des concessions, qui contribuent au développement économique local, avec le maintien des compétences et des emplois dans les barrages et les usines.
Le Gouvernement défend une mise en œuvre équilibrée de la loi grâce à différents outils : le regroupement des concessions, la prolongation des concessions en contrepartie d’investissements et la possibilité de constituer des sociétés d’économie mixte lors du renouvellement des concessions.
Dans ce cadre, le Gouvernement soutient la réalisation de nouveaux investissements pour le développement de l’hydroélectricité. Certains pourraient être réalisés dans le cadre d’une prolongation de concession existante, qui devra alors respecter les droits français et européen applicables aux contrats de concession.
Ce dossier fait actuellement l’objet d’échanges avec la Commission européenne, dans le cadre de la procédure ouverte par la mise en demeure adressée en octobre 2015 à la France. Le traitement des concessions hydroélectriques dans la vallée du Lot et de la Truyère s’inscrira dans la réponse globale et équilibrée que la ministre recherche avec la Commission européenne.
En tout état de cause, le régime concessif des installations hydroélectriques permet un contrôle public fort, au travers de la réglementation et des contrats signés entre l’État et le concessionnaire. Il permettra donc d’assurer la réalisation des investissements souhaités par l’État, que ce soit dans le cadre de prolongations ou de nouvelles concessions, tout en garantissant un partage équitable des bénéfices de l’exploitation.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Je voudrais compléter un peu la réponse de Mme la secrétaire d’État. Ces installations du Lot et de la Truyère représentent 10 % de l’énergie hydroélectrique produite en France. C’est donc capital.
Avant d’être sénateur, j’ai été député, membre de la commission des affaires économiques. À l’époque, tous mes collègues, quel que soit leur bord politique, étaient d’accord avec moi pour continuer à nous mobiliser afin qu’EDF poursuive l’exploitation de ces centrales, ce qui est un enjeu majeur pour la France.
Nous ne pouvons pas nous passer de certaines usines ou barrages hydroélectriques, qui sont essentiels dans le grand mécano industriel et énergétique français. Certes, nous pouvons accepter de les concéder, mais les céder à des investisseurs venant de l’étranger nous paraît tout simplement inconcevable.
réfection des locaux du commissariat d'épernay
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 1565, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur l’avancement du projet de rénovation du commissariat de police d’Épernay, dont l’état de conservation ne permet pas aux fonctionnaires de travailler et de recevoir les usagers dans des conditions adéquates.
La vétusté de ces locaux perturbe l’action de la police nationale, malgré les efforts entrepris par les agents. Notamment, le public ne bénéficie pas de la confidentialité nécessaire lors d’un dépôt de plainte en raison de la configuration du commissariat.
Même si des travaux d’urgence ont été effectués, ceux-ci ne suffisent pas.
Ce dossier constituait, il y a quelques mois, l’un des sujets prioritaires de la zone du secrétariat général pour l’administration de la police de Metz. Il a été rejoint aujourd’hui par le commissariat de Reims, qui est aussi particulièrement dégradé.
Je tiens à vous rappeler les propos de votre collègue Hélène Conway-Mouret, le 19 novembre 2013, en réponse à la même question : « En ce qui concerne le commissariat d’Épernay, ses locaux sont effectivement vétustes et inadaptés aux besoins des services. […] Si les contraintes budgétaires extrêmement fortes n’ont malheureusement pas permis l’inscription de cette opération dans la programmation budgétaire triennale 2013-2015, vous pouvez être assurée que ce dossier continuera de faire l’objet de toute l’attention du ministre et de ses services, qui sont parfaitement conscients de son importance, tant pour les habitants et leurs élus que pour les fonctionnaires de police. » Or, depuis, rien n’a été entrepris !
Devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’était déjà engagé, fin décembre 2012, à traiter ce dossier avec la plus grande attention et à examiner sa faisabilité dans le cadre de la prochaine programmation triennale, programmation aujourd’hui échue !
Le 26 octobre dernier, le Premier ministre a fait part « d’une enveloppe globale de 250 millions d’euros et d’une enveloppe supplémentaire afin d’assurer l’entretien du parc immobilier et les travaux de maintenance les plus urgents dans les commissariats de police et les casernes de gendarmerie ».
Je peux vous assurer, madame la secrétaire d'État, que les crédits ne sont pas encore arrivés dans la Marne !
Au regard des différents engagements de vos gouvernements, le commissariat d’Épernay doit faire l’objet d’une requalification complète des locaux. La ville voisine de Reims devra aussi bénéficier de soutien pour la rénovation de l’hôtel de police.
Madame la secrétaire d'État, ma question sera simple : où en êtes-vous de vos engagements ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, les conditions de travail des policiers sont un sujet essentiel. Aux policiers, aux citoyens et aux victimes, l’État se doit d’offrir des commissariats à la hauteur des exigences d’un service public moderne et respectueux de ses agents et de leur engagement quotidien.
C’est pour toutes ces raisons que les crédits d’équipement et d’investissement des forces de l’ordre sont en hausse depuis le début du quinquennat.
Toutefois, les besoins sont considérables et de trop nombreux commissariats de police sont dans un état indiscutablement médiocre, voire inadapté ou vétuste. C’est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur a lancé, fin octobre, un important plan sécurité publique, qui représente une enveloppe globale de 250 millions d’euros. Il prévoit en particulier une enveloppe budgétaire de 16 millions d’euros dédiée à l’immobilier pour pallier les problèmes les plus urgents de vétusté et d’inadaptation de certains commissariats. Ces crédits ont été délégués dès le 4 novembre directement aux services territoriaux de police.
S’agissant du commissariat d’Épernay, ses locaux sont indiscutablement vétustes et inadaptés aux besoins.
Des travaux de réhabilitation d’urgence et de rénovation sont donc régulièrement réalisés, et ce depuis plusieurs années.
En 2015 et 2016, par exemple, l’accueil a été rénové et des travaux de sécurisation du site ont été effectués. Par ailleurs, grâce aux crédits exceptionnels du plan sécurité publique, des travaux ont été réalisés en urgence au commissariat d’Épernay – équipements de sécurité incendie et réfection de la tuyauterie sur le circuit de chauffage. D’autres travaux sont encore nécessaires.
À plus long terme, il faudra – vous avez raison – aller bien au-delà. Plusieurs hypothèses de relogement du commissariat ont été examinées ou évoquées au cours de ces dernières années : construction neuve sur le site actuel, construction neuve sur un autre terrain, extension-réhabilitation du bâtiment existant. Cette dernière option semble techniquement la plus fiable et les services locaux ont déjà travaillé en 2014 et 2015 sur le programme technique détaillé. Toutefois, dans le contexte budgétaire contraint que vous connaissez, cette opération, qui se monterait en études et en travaux à plus de 6 millions d’euros, n’a pas encore pu être programmée.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Le constat reste donc le même depuis 2012 ! Des travaux urgents ont été effectués, j’en conviens, mais, je suis désolée de vous le dire, je ne classe pas dans la catégorie des travaux importants la reprise d’un linteau ou la réfection d’un tuyau en souffrance ! C’est, encore une fois, de l’affichage. J’entends citer des sommes qui ne sont pas utilisées, alors même que l’état de vétusté de ce commissariat est vraiment avéré.
Comme les choses ne changent pas, je vais, dès à présent, demander à M. le ministre de l’intérieur de trouver une date pour venir constater sur place l’état de délabrement du commissariat d’Épernay, délabrement que le commissaire du Grand Est dénonce lui-même. M. le ministre de l’intérieur pourra ainsi apprécier les conditions dans lesquelles travaillent les policiers.
À tout moment, et particulièrement dans cette période difficile, nous soulignons la qualité du travail de nos policiers, nous insistons sur leur engagement et nous félicitons de leur motivation. S’il est bon de le faire, car il nous appartient, en effet, de saluer les forces de police, il vous revient, madame la secrétaire d'État, à vous et à votre gouvernement, de créer des conditions de travail qui soient pour le moins convenables.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à midi.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 1592, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d'État, en fin d’année 2016, les établissements bancaires ont annoncé une augmentation importante de leurs tarifs, qui concerne trois postes principaux.
D’abord, les frais de tenue de comptes augmentent en moyenne de 13 %, atteignant même des pics supérieurs à 90 % pour La Banque Postale et dépassant 40 % pour la Banque Populaire.
Ensuite, les cotisations des cartes bancaires sont relevées. Prenons l’exemple de la carte à débit immédiat : elle coûte aujourd'hui environ 40 euros et augmentera en moyenne de plus de 3 %. Cette hausse atteint même 5 % pour des établissements comme la Banque Populaire ou la Caisse d’Épargne.
Enfin, la tarification des retraits d’argent dans les distributeurs d’autres établissements bancaires est fortement augmentée. Le nombre de retraits gratuits autorisés par mois est réduit. Le prix annuel moyen pour cinq retraits dans une banque extérieure augmente en moyenne de plus de 4,5 %. L’on constate, là aussi, des hausses de 23 % des tarifs dans certaines banques, les banques populaires, par exemple. Celle du Nord a ainsi prévu de multiplier son tarif par trois, en faisant payer 1 euro par retrait déplacé.
Certes, l’attention portée par le Gouvernement à l’évolution de ce secteur bancaire est à souligner. De nombreuses réformes ont été engagées permettant, par exemple, aux clients de faire jouer plus facilement la concurrence entre les différents établissements bancaires. Je tiens cependant, madame la secrétaire d'État, à vous interroger sur les actions envisagées pour inciter les établissements bancaires à limiter tous ces frais dont l’augmentation impacte nombre de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le président, je vous prie d’abord d’excuser mon arrivée tardive dans l’hémicycle. J’ai été retenue à l’Élysée avec le Président de la République.
Monsieur le sénateur, Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances, m’a demandé de répondre en son nom à votre question.
La protection des consommateurs est un enjeu central de l’action du Gouvernement en matière de réglementation financière. Nous portons une attention particulière au sujet que vous évoquez, celui des frais bancaires appliqués aux consommateurs par les établissements de crédit et de paiement. Nous sommes d’autant plus vigilants que nous sommes conscients de l’impact social de ces frais, qui touchent le plus souvent des personnes en difficulté.
Afin que l’évolution des tarifs soit maîtrisée, le Gouvernement a mobilisé deux leviers d’action.
Pour actionner le premier levier, la loi du 26 juillet 2013 a permis de procéder à l’encadrement de certains tarifs bancaires qui ne l’étaient pas du tout auparavant. Le plafond des commissions d’intervention a ainsi été fixé à 80 euros par mois et à 8 euros par opération pour l’ensemble des clientèles des banques. Il a été limité à 20 euros par mois et à 4 euros par opération pour les populations en situation de fragilité qui souscrivent l’offre spécifique instituée par la loi ou bénéficient des services bancaires de base dans le cadre du droit au compte bancaire. De plus, la tarification de l’offre spécifique a elle-même été plafonnée à 3 euros par mois.
Le second levier d’action, au-delà du plafonnement des tarifs, a consisté à créer les conditions d’une concurrence qui soit la plus efficace possible. Cela passe par la mise en place de règles strictes en matière de transparence de l’information à l’adresse du consommateur sur les tarifs pratiqués par les banques. Celles-ci sont désormais tenues d’informer gratuitement leurs clients avant tout prélèvement des frais d’incident, dont la terminologie utilisée a été encadrée. Afin de faciliter la comparaison entre les tarifs, les banques doivent également utiliser dans leurs plaquettes tarifaires une dénomination commune des principaux frais et services bancaires. Enfin, un comparateur public des tarifs bancaires a été mis en ligne depuis le 1er février 2016.
Depuis le 6 février de cette année, les clients peuvent tirer toutes les conséquences des progrès obtenus dans le domaine de la comparabilité : le dispositif de mobilité bancaire permet de changer d’établissement de crédit sans formalités excessives, notamment si les clients ne sont plus satisfaits des services ou des conditions tarifaires qui leur sont appliqués.
S’agissant de la question spécifique de la généralisation des frais de tenue de compte, le président du Comité consultatif du secteur financier a été chargé de réaliser un rapport. Remis à l’automne dernier, celui-ci souligne que ces frais bénéficient d’exonérations et sont facturés à moins de la moitié des clients des établissements bancaires.
Dans ce domaine, les travaux ne sont certes jamais achevés : les réflexions doivent se poursuivre, et je vous remercie de votre engagement, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Je remercie Mme la secrétaire d'État pour toutes ces informations.
dégradation du climat social au sein de l'office européen des brevets
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 1578, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Richard Yung. Ma question, malheureusement récurrente, porte sur la dégradation du climat social au sein de l’Office européen des brevets, l’OEB.
Depuis 2010, les mesures mises en œuvre par la direction de l’OEB entraînent un recul des droits fondamentaux du personnel : je pense notamment à la limitation du droit de grève, à la remise en cause de la liberté syndicale ou à l’atteinte au droit à la négociation collective.
Il semble que l’OEB soit l’organisation la plus souvent mise en cause devant le tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail, instance appelée à se prononcer sur les conflits du personnel dans les organisations internationales.
Dans un arrêt de 2015, la cour d’appel de La Haye a jugé illégales plusieurs mesures prises par la direction de l’OEB. Cette dernière s’est pourvue en cassation, invoquant l’immunité d’exécution, dont bénéficient en effet les organisations internationales.
Depuis le début de l’année 2016, plusieurs sanctions ont été prononcées à l’encontre de délégués syndicaux : trois licenciements et une rétrogradation. De plus, des enquêtes et des procédures disciplinaires sont en cours.
Dans une résolution adoptée le 16 mars 2016, le conseil d’administration de l’OEB, qui est son instance supérieure, demande notamment au président de l’Office de « veiller à ce que les sanctions et procédures disciplinaires soient non seulement équitables, mais aussi considérées comme fortes, et d’étudier la possibilité de faire appel à une instance externe de réexamen, d’arbitrage ou de médiation ».
Cette résolution a été ignorée par la direction de l’OEB, laquelle s’est contentée d’organiser une conférence sociale « à la Potemkine », pourrait-on dire.
Le Parlement de Bavière s’est récemment saisi de la question et en a débattu, même si l’immunité de juridiction et d’exécution dont bénéficie l’OEB rend difficile une action des États.
Le bon fonctionnement de l’OEB est l’une des conditions indispensables au succès du brevet européen, qui est avéré, et à la mise en œuvre du futur brevet à effet unitaire. Je demande donc au Gouvernement quelles solutions il envisage de proposer, notamment par le truchement de la délégation française au conseil d’administration de l’OEB, afin de favoriser la reprise du dialogue social et l’émergence d’un nouveau mode de gouvernance, ainsi que le réexamen des sanctions.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le sénateur, l’Office européen des brevets, créé par la convention sur le brevet européen du 5 octobre 1973, est une organisation intergouvernementale opérationnelle depuis 1977. Il emploie près de 7 000 agents issus de trente États différents. Son conseil d’administration, qui réunit les représentants de trente-huit États membres, a décidé de réformer le statut des fonctionnaires de l’OEB afin d’assurer sa viabilité financière à long terme.
Cette réforme, qui couvre l’ensemble du cadre social – pensions, rémunérations, prestations sociale… –, doit être mise en œuvre en concertation avec les représentants du personnel. Voilà le début de l’histoire…
En février 2015, la cour d’appel de La Haye a en effet mis en cause certaines décisions prises en interne à l’OEB. L’Office s’est pourvu auprès de la cour suprême des Pays-Bas, qui, dans une décision du 20 janvier 2017, a annulé les jugements des tribunaux de La Haye et confirmé l’immunité juridictionnelle de l’Office.
En mars 2016, la France a soutenu l’initiative prise par le conseil d’administration de l’OEB, lequel a voté une résolution pour souligner l’urgence de résoudre la problématique sociale agitant cette organisation.
Cette résolution, votée il y a près donc d’un an, prévoyait notamment la réalisation d’un audit social, la présentation au conseil d’administration d’une évolution du règlement du personnel et la suspension des procédures disciplinaires engagées.
Qu’en est-il aujourd'hui ?
L’étude objective, indépendante, réalisée par le cabinet PricewaterhouseCoopers, présentée en octobre 2016, met en évidence la dégradation du climat social au sein de l’Office. Cette dégradation nuit à l’image de l’organisation ; elle nuit aussi, indirectement, mais certainement, à l’image de la France à l’étranger et au sein des organisations internationales, et ce malgré des conditions de rémunération des agents très favorables par rapport aux autres organisations internationales.
Cette étude préconise des axes d’amélioration des procédures disciplinaires existantes.
La résolution de mars 2016 prévoyait la révision par le conseil d’administration du statut des personnels de l’OEB, pour faire évoluer les lignes directrices sur les investigations internes et les procédures disciplinaires. Les représentants français au conseil d’administration seront très attentifs pour faire en sorte que cette révision soit porteuse d’apaisement du dialogue social au sein de l’établissement. En effet, c’est bien cela qui est en jeu.
Pas moins de cinq ministres se sont mobilisés aux côtés des parlementaires pour expliquer ces enjeux : Emmanuel Macron, Michel Sapin, Christophe Sirugue, moi-même, mais aussi le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Nous nous sommes fortement impliqués pour que les décisions adoptées lors des conseils d’administration de l’OEB respectent bien les règles et la jurisprudence du droit international.
Le secrétaire d’État chargé de l’industrie, Christophe Sirugue, qui a eu plusieurs échanges avec la direction de l’OEB, continue à être pleinement mobilisé pour réaffirmer la volonté de la France de voir normalisée une situation sociale inacceptable.
Cette normalisation est indispensable pour créer les conditions d’une plus grande efficacité de l’OEB dans le contexte de la mise en place du brevet européen à effet unitaire, qui doit permettre à l’Europe de se démarquer sur le plan de la propriété intellectuelle et industrielle dans le monde de l’innovation.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, je pense, comme vous, que la situation actuelle est préjudiciable au personnel, dont elle affecte la motivation, et à l’Office dans son ensemble. De plus, elle entache la réputation de notre pays, et je crains qu’il n’en reste des séquelles.
Tout en prenant note de l’action déterminée du Gouvernement, je constate que les choses se passent, en réalité, au conseil d’administration de l’OEB, qui est l’instance déterminante. C’est donc là que la France doit faire entendre sa voix.
Une autre possibilité, prévue par la convention de Munich, serait de convoquer un Conseil des ministres chargés de la propriété industrielle. Il pourrait débattre d’un certain nombre de questions : le brevet à effet unitaire, que vous avez évoqué et qui doit bientôt rentrer en vigueur, les brevets de végétaux, ainsi que la gestion du personnel de l’OEB.
C’est une proposition que je livre à votre sagacité, madame la secrétaire d'État.
crédit d'impôt recherche et fermeture des centres de recherche et développement d'intel en france
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 1542, transmise à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, je veux d’abord déplorer que ma question, initialement posée au ministre du budget, qui fut mon interlocuteur lors de la commission d’enquête sénatoriale sur le crédit impôt recherche, ait été redirigée vers le secrétariat d’État chargé de l’industrie.
L’été dernier, Intel, géant mondial des semi-conducteurs, a annoncé la fermeture de la totalité de ses centres de recherche et développement en France. Les sites de recherche et développement de Toulouse, Sophia-Antipolis, Montpellier, Aix-en-Provence et Rennes sont concernés.
Cela signifie la disparition de 80 % de leurs effectifs sur notre sol. Il s’agit d’un véritable plan de suppressions d’emplois, qui vise 750 postes, pour l’essentiel des chercheurs et ingénieurs.
Or, Intel, en plus d’avoir bénéficié en 2009 d’une prime à l’aménagement du territoire de 650 000 euros sur des fonds publics pour l’ouverture du site toulousain, a également bénéficié du crédit impôt recherche. Je le rappelle, l’un des objectifs du crédit impôt recherche est de permettre la création du type d’emploi qu’Intel supprime aujourd'hui ! Le magazine Challenges évoque, pour le géant américain, des créances de crédit impôt recherche de 8 millions d’euros en 2015 et s’élevant même à 28,5 millions entre 2010 et 2015.
Ce dispositif fiscal permet en effet une baisse très importante du « coût » du chercheur afin de rendre « attractive », nous dit-on, l’installation de centres de recherche et développement en France.
Or le même magazine constate que si « le crédit d’impôt recherche a attiré en France de nombreux géants de la tech » pour ces entreprises technologiques, « ces centres sont une aubaine pour soigner leur popularité en France et cultiver leurs liens avec les pouvoirs publics ». L’article de conclure à une « mesure dispendieuse aux faibles retombées ».
Dans le cas d’Intel, cela se solde par une casse sociale et un gaspillage d’argent public.
La situation est d’autant plus intolérable qu’en 2015 Intel a réalisé un chiffre d’affaires de 55 milliards de dollars, dégageant 12 milliards de dollars de bénéfices, ce qui lui aurait permis de verser 7,6 milliards de dollars de dividendes à ses actionnaires.
J’ai pris l’exemple d’Intel, madame la secrétaire d'État, mais il est loin d’être isolé. Ma question est donc simple : pourquoi ne pas avoir accepté de vous interroger sur l’efficacité de ce dispositif fiscal ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Madame la sénatrice, les sites français d’Intel sont aujourd'hui affectés par un plan mondial de réorganisation du groupe qui conduit à une réduction globale des effectifs à l’échelon international de 11 %, soit l’équivalent de 12 000 emplois.
Ce plan s’inscrit dans une réorientation de la stratégie du groupe par rapport à des activités initialement liées à la fabrication de mobiles et de tablettes et dans une logique de rationalisation consistant à fermer les centres de recherche et développement composés de moins de 500 salariés.
C’est ainsi que, en France, Intel prévoit la suppression d’environ 750 emplois sur le millier que compte la société dans notre pays.
Situés au cœur d’écosystèmes dynamiques dans le domaine de la microélectronique, les sites de Toulouse et de Sophia-Antipolis constituent les sites de référence de la société en France, avec respectivement près de 280 et 380 salariés. Les compétences de ces derniers dans le domaine des communications mobiles et sécurisées sont reconnues à l’échelon mondial et sont pleinement adaptées pour relever les défis technologiques de la société numérique d’aujourd’hui et de demain : objets connectés, villes et infrastructures intelligentes, véhicules autonomes, industrie 4.0…
La restructuration d’Intel bénéficie d’un suivi très attentif du secrétariat d’État chargé de l’industrie et de mes services au sein de la direction générale des entreprises, en particulier du bureau chargé de l’innovation et du numérique. Les dirigeants d’Intel pour l’Europe ont ainsi été reçus à plusieurs reprises par Christophe Sirugue et par moi-même. Le Gouvernement a demandé au groupe d’étudier toutes les alternatives au plan tel qu’il a été initialement annoncé. Il lui a notamment demandé de préserver l’activité sur les sites de Toulouse et de Sophia-Antipolis. Les pouvoirs publics sont pleinement mobilisés pour apporter leur appui et leur expertise aux projets devant permettre de préserver l’emploi.
À ce jour, des projets de reprise sérieux ont été identifiés. La question du remboursement des primes d’aménagement du territoire sera minutieusement examinée.
Madame la sénatrice, je ne peux évoquer la réforme du crédit d'impôt recherche dans le peu de temps qui m’est imparti, mais soyez assurée de notre entière détermination à maintenir une activité industrielle sur les sites d’Intel, dont celui de Toulouse. Nous restons en particulier vigilants quant au respect par Intel de ses obligations sociales, d’une part, et de l’obligation de revitalisation des bassins d’emploi touchés, d’autre part, prévue par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Même à Bruxelles, le CIR est vu comme un « outil de dumping fiscal ». Les travaux que j’ai conduits dans le cadre de la commission d’enquête sur le crédit d'impôt recherche appelaient aussi à envisager une harmonisation de la fiscalité des entreprises. Selon les services du commissaire européen Pierre Moscovici, « il n’y aura pas de régimes dérogatoires nationaux, il faut nettoyer les niches ». Certes, madame la secrétaire d'État, on constate une légère progression du nombre de projets de recherche-développement étrangers en France, mais les créations d’emplois correspondantes stagnent. On peut vraiment s’interroger sur la pertinence d’un tel investissement de fonds publics au regard de l’efficacité du dispositif.
révision du zonage des zones défavorisées
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, auteur de la question n° 1595, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Jean-Marc Gabouty. La révision en cours de la carte des zones défavorisées, et notamment son incidence sur l’indemnité compensatoire de handicap naturel, préoccupe la profession agricole.
Au mois de septembre 2016, le ministère de l’agriculture a présenté une carte – première étape de la révision qui doit être achevée au plus tard en 2018 – tenant compte des huit critères biophysiques définis par l’Europe pour la détermination des communes affectées de handicaps naturels. Cette version provisoire, qui exclut du nouveau zonage des communes aujourd’hui classées en zone défavorisée simple, est source d’inquiétude tant pour les communes que pour les agriculteurs installés sur ces territoires.
Ainsi, un certain nombre de communes de mon département de la Haute-Vienne, notamment sur le territoire du Haut-Limousin, sortiraient du zonage, alors qu’elles ne présentent pourtant pas de différences géographiques, climatiques ou géologiques avec les communes immédiatement voisines et que l’activité agricole y est principalement orientée vers l’élevage bovin et ovin. Les agriculteurs de ces communes déclassées ne pourraient plus bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, seule subvention permettant de corriger les inégalités existant entre les zones défavorisées et les autres. Cette situation serait aggravée par la suppression des aides à l’installation – modulation des dotations jeunes agriculteurs et bonification des prêts – et de certaines aides à l’investissement présentant un taux supérieur pour les agriculteurs situés en zone défavorisée.
Alors que la deuxième étape de la redéfinition du zonage est en cours, l’État a la possibilité de mettre en avant des spécificités qui lui sont propres. À cette fin, depuis le mois d’octobre 2016, le ministre de l’agriculture pilote des réunions avec les partenaires concernés, en particulier les organisations professionnelles agricoles, pour définir les critères nationaux ; des simulations ont été menées pour mesurer concrètement leurs effets et les optimiser.
Un premier communiqué de presse en date du 23 novembre dernier fait état de marges de manœuvre importantes. Dans une réponse à l’une de mes collègues, en date du 29 décembre dernier, le ministère de l’agriculture a fait état de la méthodologie employée et d’un certain nombre d’hypothèses avancées pour la constitution de la deuxième partie du zonage, sans pour autant apporter d’assurances formelles aux agriculteurs concernés.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous communiquer les résultats des simulations effectuées et leur impact sur la redéfinition du zonage pour le département de la Haute-Vienne, et nous indiquer quelles mesures le Gouvernement pourrait mettre en œuvre pour rassurer les exploitants agricoles et les communes dont les spécificités justifient le maintien en zone défavorisée ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Stéphane Le Foll, qui préside en ce moment même un conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire réunissant tous les représentants nationaux du monde agricole.
La révision des zones dites « défavorisées simples » crée en effet des inquiétudes fortes, en particulier chez les éleveurs. La réactualisation des règles applicables était nécessaire. La réforme, issue d’un rapport de la Cour des comptes européenne de 2003, a conduit la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen à décider d’une objectivisation des critères de classement en 2010. Ces critères dataient des années soixante-dix et étaient devenus trop nombreux et divers pour être objectifs à l’échelle de l’Europe. Il fallait en changer afin de sauvegarder ce dispositif de soutien et d’aide aux agriculteurs dans son ensemble.
La première carte, publiée à la fin du mois de septembre, ne constituait qu’une première étape, celle de l’application en France des huit critères biophysiques définis précisément à l’échelon européen et remplaçant la centaine de critères socioéconomiques utilisés jusqu’à présent.
Le travail est toujours en cours, après la publication de trois cartes aux mois de septembre, de novembre et de décembre. La deuxième et la troisième carte ont d’ores et déjà permis de réduire le nombre de communes « sortantes » de moitié. Ce travail consiste à déterminer tous les critères nationaux additionnels qui permettront d’utiliser au mieux la marge de 10 % du territoire dont nous disposons, en complément des critères européens, cela sans élargir trop le classement, ce qui engendrerait une baisse inacceptable du soutien à l’hectare aux agriculteurs versé au titre de l’ICHN.
Concernant votre département, monsieur le sénateur, l’application des seuls nouveaux critères européens conduisait à exclure quelques communes lors de la publication de la première carte. Je tiens à vous signaler que, avec le choix fait au mois de novembre dernier d’appliquer un critère complémentaire national permettant de classer les zones où l’élevage extensif à l’herbe est prédominant, le département de la Haute-Vienne tout entier est intégré à ce jour dans la nouvelle carte qui entrera en vigueur à partir de 2018. C’est d’ailleurs le cas de la très grande majorité du bassin allaitant français, au premier chef du Limousin.
En ce qui concerne les territoires pour lesquels la carte de décembre n’a pas encore réglé toutes les difficultés, le Gouvernement et les services déconcentrés de l’État sont à l’œuvre, en concertation avec la profession agricole, pour rechercher de nouveaux critères permettant de conserver dans la nouvelle cartographie les zones où l’élevage est prédominant et objectivement défavorisé. La prochaine réunion à l’échelon national est prévue le 23 février. Une nouvelle carte résultant de l’application de nouveaux critères sera alors publiée. Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est actif sur ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions et de ces confirmations rassurantes pour mon département. Vous savez combien est sensible et précaire la situation de l’agriculture dans notre pays, en particulier dans le domaine de l’élevage. Les agriculteurs attendent du Gouvernement un soutien affirmé. Qu’ils puissent continuer à bénéficier d’aides est important tant pour le maintien de la production que pour un aménagement harmonieux des territoires ruraux.
école en milieu rural
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Patrick Masclet, auteur de la question n° 1519, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Patrick Masclet. Dans le département du Nord, environ un quart de la population vit en milieu rural. Dans ce dernier, où les élèves sont confrontés à des difficultés en matière de déplacements, où l’offre éducative est moins riche qu’en milieu urbain, avec un réseau de petites écoles soumis chaque année à des évolutions de la carte scolaire difficiles à anticiper et à gérer, l’école constitue un enjeu majeur.
Si les élèves scolarisés dans les écoles et collèges ruraux semblent mieux réussir que les autres, leurs trajectoires scolaires sont souvent moins ambitieuses, comme l’attestent les taux d’orientation en seconde.
Par ailleurs, les bénéficiaires des mesures de carte scolaire, notamment du dispositif « plus de maîtres que de classes », se trouvent presque exclusivement dans les zones urbaines. Les communes rurales connaissant des difficultés sociales majeures ont en effet été exclues de la nouvelle politique de la ville, étant requalifiées en « territoires de veille active ».
Le département du Nord et l’Association des maires du Nord ont travaillé avec les services départementaux du ministère de l’éducation nationale sur cette problématique spécifique, pour aboutir, le 8 février dernier, à la signature d’une charte de l’école rurale, qui contient des engagements en faveur de 241 communes du département – sur plus de 600 –, devant être mis en œuvre à compter de la rentrée 2017-2018.
Ces mesures, destinées à améliorer l’éducation dans ces territoires, sont encourageantes. Toutefois, après cette première étape, il conviendra d’amplifier le mouvement dans les prochaines années, afin de permettre à ces territoires fragiles d’accéder à un enseignement de qualité. De plus, de nombreuses communes rurales classées en « territoires de veille active » sont situées hors du périmètre de cette charte.
Doit-on le rappeler ? L’école a pour mission de garantir la réussite de tous les élèves, quels que soient leur lieu de résidence et leur condition sociale. Dans cette perspective, quelles mesures fortes le Gouvernement entend-il prendre afin de permettre aux élèves de ces zones rurales défavorisées d’accéder à un enseignement de qualité ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le sénateur, soyez-en assuré, la ministre de l’éducation nationale mesure toute l’attente des territoires ruraux dans le cadre de la répartition des moyens alloués aux écoles et aux élèves. Dans ce processus, les postes d’enseignants dans le premier degré et les heures d’enseignement dans le second degré sont pleinement mobilisés pour couvrir les besoins liés à la démographie et maintenir la présence du service public dans les 241 communes « rurales » du Nord.
Depuis la rentrée 2015, nous avons mis en place un modèle d’allocation des moyens, qui permet un rééquilibrage progressif de la répartition des emplois en faveur des territoires fragilisés. Nous revenions de loin ! Je le dis sans esprit polémique, nos prédécesseurs avaient effectué un travail de sape. Après des années de destruction de postes, l’effort que nous avions engagé ne suffisait pas et il aura fallu créer les conditions d’un dialogue durable avec les élus locaux, par le biais de conventions « ruralité » mises en place depuis 2013, pour assurer la reconquête des territoires ruraux par l’école.
Depuis la rentrée de 2015, 240 emplois ont été spécifiquement consacrés au soutien à cette démarche. Le développement et la pérennisation des conventions se font avec les élus, en lien avec les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public. Cette approche nouvelle a vocation à prendre en compte l’identité et la spécificité des territoires. Il s’agit de « coller » à la réalité démographique et sociale des territoires, notamment ruraux.
C’est dans le prolongement de ce travail qu’une charte a été signée le 8 février dernier par le président de l’Association des maires, le président de l’Association des maires ruraux, le préfet, le recteur et le directeur académique de votre département pour apporter des solutions concrètes : taux d’encadrement plus favorables pour les territoires ruraux, avec l’annulation de dix-sept fermetures, concertation à l’échelle des intercommunalités, maintien du nombre de postes attribués aux nouveaux regroupements pédagogiques pendant une durée de trois ans et mise en œuvre d’une véritable politique d’attractivité pour faire venir les enseignants.
Concernant le dispositif « plus de maîtres que de classes », un accompagnement alternatif des regroupements pédagogiques intercommunaux de quatre classes et plus a été mis en place, avec la création de sept postes supplémentaires.
Au total, dans le cadre de la préparation de la rentrée de 2017, vingt-quatre postes ont été consacrés au traitement de la problématique de la ruralité dans le département du Nord.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, les efforts consentis par le Gouvernement sont tout à fait réels. L’engagement de la ministre de l’éducation nationale en faveur d’une école rurale de qualité est tenu dans votre département, comme dans tous les territoires ruraux de France.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, la signature de cette charte est tout à fait récente. Espérons qu’elle donnera tous les résultats qu’elle promet et qu’elle pourra s’appliquer dans de nombreux territoires.
déséquilibres est-ouest dans l'agrément de bureaux en Île-de-France
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 1531, transmise à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics.
M. Christian Favier. L’année 2016 a été une année record pour l’immobilier d’entreprise en Île-de-France, avec une augmentation de 20 % de la production de bureaux. Cette embellie cache toutefois de très fortes disparités, emblématiques de la fracture économique qui affecte notre région.
Au premier semestre de 2016, 75 % des surfaces nouvellement agréées se situaient dans les Hauts-de-Seine et à Paris, avec une concentration maximale dans le secteur de La Défense et dans les trois arrondissements de l’ouest de la capitale, contre seulement 8 % et 0 %, respectivement, dans les départements du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne.
Cet écart gigantesque ne fait qu’accentuer une tendance lourde à l’œuvre depuis dix ans, 47 % des nouveaux bureaux franciliens étant implantés dans le seul département des Hauts-de-Seine. Il est à l’origine de véritables déséquilibres à l’échelle de la région et emporte des conséquences très pénibles pour des centaines de milliers de salariés contraints à des déplacements quotidiens de plus en plus difficiles.
Qui plus est, l’immobilier de bureaux concentrant la moitié des emplois de la région, cette situation engendre de fortes inégalités économiques entre les territoires. Moins de surfaces de bureaux agréées, c’est moins d’entreprises, moins d’emplois, donc plus de chômage, mais aussi moins de contribution économique territoriale pour les communes et moins de moyens pour mener des politiques de redistribution sociale.
Madame la secrétaire d’État, faire venir les entreprises dans le Val-de-Marne, c’est possible. Tous les facteurs sont réunis : des espaces sont disponibles, le volontarisme des élus locaux est incontestable, les talents sont là, le futur métro est en chantier et constituera un atout exceptionnel, d’où mon incompréhension. Quelles mesures nouvelles le Gouvernement est-il disposé à prendre pour favoriser un rééquilibrage est-ouest en matière d’agrément de surfaces de bureaux en Île-de-France, donc pour permettre l’implantation d’entreprises et d’emplois dans l’est francilien ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le sénateur, votre question soulève des enjeux économiques, mais aussi sociaux et sociétaux. Elle donne au Gouvernement l’occasion de saluer les bons résultats que nous enregistrons en matière de développement des bureaux en Île-de-France, en particulier sur le territoire de la métropole du Grand Paris : la barre des 2 millions de mètres carrés a été franchie, ce qui constitue un record.
La dynamique des projets se retrouve également dans les surfaces de bureaux agréées. En 2016, la réalisation de 2,14 millions de mètres carrés de surface de planchers a été autorisée par l’État, soit une augmentation de 70 % par rapport à 2015. Il s’agit d’un record depuis 2000, la barre des 2 millions de mètres carrés de bureaux n’ayant été approchée qu’en 2007 et en 2011.
Votre question, précise, porte sur la répartition entre les territoires des agréments accordés par l’État, dans l’esprit des objectifs du schéma directeur de la région d’Île-de-France. Il est à noter que la surface totale de bureaux agréés à Paris diminue légèrement – de l’ordre de 4 % –, alors que le reste de la métropole du Grand Paris connaît un rebond remarquable, après une baisse en 2015 par rapport à 2014. Plus précisément, la hausse atteint 128 % dans les Hauts-de-Seine, 162 % en Seine-Saint-Denis, 216 % dans le Val-de-Marne. Il est parfaitement exact que les Hauts-de-Seine concentrent 52 % du total des surfaces agréées sur le territoire de la métropole, et un peu moins de 46 % à l’échelle de la région. Cela étant, puisque votre question faisait état d’une tendance, monsieur le sénateur, je dois vous faire remarquer que la croissance des surfaces agréées est beaucoup plus forte en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne : dans ce dernier, elles ont plus que doublé.
Le Gouvernement compte poursuivre dans cette voie, afin de corriger le déséquilibre que vous avez souligné à juste titre et de mieux équilibrer le développement des territoires.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui, cependant, ne me satisfait que très partiellement. En effet, au-delà des chiffres que vous avez cités, le déséquilibre entre l’ouest et l’est parisien reste extrêmement important. Les mesures qui avaient été prises, notamment la réforme de la taxe sur les bureaux, demeurent tout à fait insuffisantes. Pour qu’elles produisent véritablement un effet, il aurait fallu porter à 1 500 euros, au lieu de 400 euros, le montant par mètre carré de la taxe pour création de bureaux ou de commerces pour la première circonscription, qui regroupe Paris et les Hauts-de-Seine.
Seules des mesures incitatives fortes permettront de favoriser un rééquilibrage des réimplantations ou des implantations de bureaux au bénéfice de l’est parisien. La situation actuelle a, nous le savons, des conséquences extrêmement lourdes en termes d’emploi. Elle est en outre source de pénibilité pour un grand nombre de salariés qui doive effectuer parfois jusqu’à trois heures de transport par jour pour se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail et inversement, sachant que la répartition des logements est elle aussi très déséquilibrée : les logements sont à l’est, les emplois à l’ouest. Il faut donc également consentir des efforts pour que davantage de logements puissent être proposés dans l’ouest parisien à des prix accessibles aux salariés.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
4
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d’application de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois et à celle de l’aménagement du territoire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Le Gouvernement a demandé d’avancer à dix heures, le jeudi 23 février, le débat sur le bilan du choc de simplification pour les entreprises, qui était initialement prévu à dix heures trente.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 23 février 2017 s’établit comme suit :
À dix heures : débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises.
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze : proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.
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Saisine du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 21 février 2017, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau
Adoption d’une proposition de résolution
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 247).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le rôle du législateur – notre rôle – est d’élaborer et d’évaluer les lois, mais il est également de les faire évoluer. Tel est précisément l’objet de la présente proposition de résolution, qui vise à bonifier la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA ».
En effet, dix ans après l’adoption de cette loi, j’ai pu constater, au cours de mes travaux réalisés au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, que les quatre pans suivants pouvaient être améliorés : la gestion qualitative de l’eau, sa gestion quantitative, la simplification des procédures et l’allégement des normes, la planification et la gouvernance.
Je ne referai pas la genèse de la LEMA ; nous avons déjà eu l’occasion de la faire lors du débat sur l’eau du 19 octobre dernier. Aujourd’hui, je veux surtout prendre le temps de vous présenter chacune des préconisations formulées dans cette proposition de résolution, sachant que l’un des fils conducteurs de ma réflexion a été la simplification.
En ce qui concerne le premier pan, la gestion qualitative de l’eau, le « thermomètre » normatif change trop souvent, alors que l’ensemble des acteurs de l’eau, particulièrement les agriculteurs et les collectivités, ont fait et font encore des efforts considérables pour satisfaire aux critères fixés par la directive-cadre sur l’eau, la DCE, et par la loi Grenelle.
Je vous invite donc, madame la secrétaire d’État – je ne cesserai de le répéter –, à veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au strict respect des directives européennes.
M. François Bonhomme. Très bien !
M. Rémy Pointereau. Je vous invite également à fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, afin de pouvoir mesurer les progrès réels enregistrés en matière de politique de l’eau. Car des progrès, les acteurs de l’eau en font énormément.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Rémy Pointereau. Récemment, l’agence de l’eau Loire-Bretagne a indiqué que la qualité physico-chimique de l’eau s’était fortement améliorée depuis dix ans, ce qui prouve que les nouvelles pratiques agricoles contribuent fortement à l’amélioration de la qualité de l’eau. Pour que cela puisse continuer, une stabilité normative est évidemment nécessaire.
En outre, je considère que les ponctions sur les budgets des agences de l’eau au profit du budget de l’État font peser un réel danger sur l’investissement des collectivités, et donc sur l’emploi local. Elles ne peuvent que pénaliser les collectivités dans leurs travaux d’investissements, mais également dans la réalisation des engagements européens. C’est pourquoi je vous invite à supprimer ces ponctions, afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau et le respect des objectifs de qualité de l’eau fixés à l’échelon européen. En mettant fin à ce prélèvement, dont le montant atteint 500 millions d’euros depuis 2014, nous pourrons redonner vie au principe, fondamental selon moi, selon lequel l’eau doit payer l’eau.
Lors des auditions que j’ai menées, j’ai pu observer un manque de concertation sur les décisions prises et de directives claires. J’ai également constaté que les diagnostics diffusés par les services du ministère, notamment par l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, se fondent uniquement sur les points négatifs des ouvrages, sans jamais tenir compte de leurs apports positifs éventuels, comme le potentiel de production hydro-électrique ou le maintien d’un niveau d’eau, avec une humidité des sols, dans les parcelles jouxtant les ouvrages. Le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, avait par exemple mis en évidence, en 2013, un manque de données, d’études et de concertation sur l’abaissement des seuils, lequel a en outre une incidence négative sur l’érosion des berges et sur la qualité agricole des sols. J’invite le Gouvernement à favoriser les solutions au cas par cas, acceptables économiquement et socialement.
Mes chers collègues, les moyens manquent pour assurer la mise en œuvre et le fonctionnement des aires d’alimentation des captages, ainsi que l’animation locale à même d’instaurer une dynamique vertueuse, en concertation avec les agriculteurs. Nous savons aussi que les collectivités chargées de la mise en œuvre des aires d’alimentation et des actions de lutte contre les pollutions manquent de moyens financiers.
Par ailleurs, je considère que la suppression, prévue dans le projet de loi de finances pour 2017, de la taxe finançant le Fonds de garantie du risque de développement lié à l’usage des boues en agriculture ou sylviculture risque de se traduire, sur le terrain, par la remise en cause des plans d’épandage, et donc par d’importantes difficultés, pour certaines collectivités, en matière d’élimination de leurs boues d’épuration.
C’est pourquoi je vous invite dans un premier temps, madame la secrétaire d’État, à renforcer les moyens financiers des collectivités territoriales pour la protection des captages, les réseaux d’assainissement et les stations d’épuration. Dans un second temps, je vous demande de rétablir ladite taxe, afin de maintenir ce fonds de garantie, voire d’étendre son champ d’intervention à d’autres matières résiduaires épandables, afin de satisfaire les besoins de sécurité exprimés par les acteurs agricoles de la filière.
En ce qui concerne le deuxième pan d’amélioration, à savoir la gestion quantitative de l’eau, les organismes auditionnés nous ont fait part d’une information inquiétante : 20 % de l’eau traitée et mise en distribution est perdue en raison des fuites dans les réseaux d’eau potable, ce qui représente une perte annuelle d’un milliard de mètres cubes d’eau, soit près d’un tiers des prélèvements d’eau destinés à l’irrigation, dont on sait qu’elle est trop souvent contestée.
Ces fuites peuvent être liées à la vétusté des installations et des canalisations, aux évolutions et aux mouvements des sols ou encore à la pression élevée de l’eau dans les canalisations. Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de soutenir financièrement les collectivités, particulièrement en zone rurale, dans leur lutte contre ces fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable. Je souhaite également que l’on puisse avoir une connaissance plus approfondie de ces réseaux.
Je souhaiterais aussi évoquer l’absence de sécurité juridique des organismes uniques de gestion collective, les OUGC. Ces organismes ont été créés afin de mettre en œuvre la gestion volumétrique prévisionnelle de l’eau instaurée par la LEMA. Malheureusement, j’ai pu constater que leur mise en œuvre pratique se heurte à un certain nombre de difficultés. Il n’y a, en effet, aucun lien contractuel entre les membres de ces organismes. Sur le terrain, les OUGC ont des formes juridiques variées. Pour le Conseil d’État, ces organismes sont des « objets juridiques non identifiés ». J’invite donc le Gouvernement à les sécuriser juridiquement en clarifiant les liens entre les OUGC et les irrigants. Il faut aussi renforcer la présence des acteurs et professionnels concernés au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion collective.
Améliorer la gestion quantitative de l’eau nécessite également de mettre en place une meilleure gestion du stockage de l’eau. La quantité d’eau disponible sur notre planète ne varie pas, mais elle est de plus en plus mal répartie. Il faut donc stocker l’eau. Malheureusement, on constate, sur le terrain, une diminution des surfaces irriguées, à cause de la complexité des autorisations de pompage et des difficultés liées à l’instruction des dossiers de demande de stockage d’eau pour l’agriculture, personne n’ayant la même interprétation du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE. Je considère que la ressource en eau pour l’agriculture doit redevenir une priorité et être reconnue comme une richesse en termes de diversification des cultures –c’est une obligation européenne – et une assurance pour les récoltes, notamment pour les semences.
Enfin, madame la secrétaire d’État, la réglementation française en matière de réutilisation des eaux usées, définie par l’arrêté du 25 juin 2014 qui fixe les prescriptions techniques particulières pour les systèmes d’irrigation et d’arrosage par aspersion, est beaucoup trop complexe.
Je vous invite donc à clarifier la définition des SDAGE. Les projets de stockage d’eau donnent lieu à de nombreux contentieux, comme on l’a vu dans les Charentes ou à Sivens.
Je vous demande également de définir des plans d’action conciliant protection de la qualité de l’eau et potentiel de production et prenant mieux en compte l’évaluation des risques – inondation, sécheresse –, en favorisant par exemple la création de bassins d’écrêtement des crues, de favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiage, ainsi que les retenues de substitution et collinaires, en permettant un remplissage dès lors que les niveaux d’eau sont suffisants ou excédentaires en période de crue.
Enfin, je vous invite à encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau et la réutilisation des captages d’eau potable abandonnés pour des usages non alimentaires, tels l’irrigation ou l’arrosage public.
En ce qui concerne le troisième pan, à savoir la simplification des procédures et l’allégement des normes applicables à l’eau, mes travaux m’ont permis de constater que, selon la classification des cours d’eau – ruisseau, rivière, canal ou simple fossé –, les possibilités d’entretien diffèrent, qu’une demande préalable à l’entretien doit être effectuée par les services départementaux, que les procédures administratives ne sont pas toujours d’une rapidité suffisante, que le mauvais entretien des cours d’eau est pointé comme un facteur aggravant des inondations.
Au regard de cette complexité, je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir faire en sorte que l’ONEMA fasse plus de pédagogie et moins de répression, de simplifier au maximum toutes les autorisations dites « loi sur l’eau », à commencer par les procédures de nettoyage des rivières et des fossés, de raccourcir les procédures et d’alléger les contraintes d’autorisation de pompage et de mise en œuvre des OUGC, de réduire les délais d’instruction des dossiers de création de réserves en eau et de les sécuriser juridiquement.
J’invite également le Gouvernement à prévoir, dans le code de l’environnement, une application du principe de continuité écologique qui tienne compte de la petite hydroélectricité, laquelle est la première source d’énergie renouvelable, développée pour l’essentiel par les moulins. À cet égard, je voudrais que l’on agisse avec pragmatisme et discernement en matière d’arasement des seuils, afin de préserver le fonctionnement des moulins.
En ce qui concerne le quatrième pan, à savoir la gouvernance de l’eau, la complexité des SDAGE ne permet pas aux acteurs de l’eau d’en comprendre les fondements. Certains d’entre eux, comme les industriels, les irrigants, les jeunes agriculteurs, sont sous-représentés au sein des instances de bassin. J’invite donc le Gouvernement à revoir le contenu des SDAGE, en y intégrant notamment un volet prospectif sur l’anticipation du changement climatique, à rééquilibrer la composition des instances de bassin en prévoyant qu’elles seront constituées, par tiers, de représentants des consommateurs, des collectivités et des utilisateurs industriels et agricoles.
Mme la présidente. Je vous invite à conclure, mon cher collègue.
M. Rémy Pointereau. Il importe surtout de reconnaître les propriétaires ruraux comme des acteurs environnementaux.
Il s’agit d’agir avec discernement et pragmatisme. Telle est la feuille de route que nous proposons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Bérit-Débat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de résolution présentée par notre collègue Rémy Pointereau, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, cosignée par plusieurs de ses collègues. Elle fait suite au débat que nous avons eu ici même, le 19 octobre dernier, sur les conclusions de deux rapports publiés au printemps 2016 relatifs à la problématique de la gestion de l’eau. On me permettra de reprendre plusieurs des observations que j’avais formulées à cette occasion devant vous-même, madame la secrétaire d’État.
Avant d’en venir au fond du sujet et aux préconisations de cette proposition de résolution, il me semble opportun de réaffirmer que cette thématique nous oblige, en tant que citoyens, bien sûr, mais aussi et surtout en tant que législateurs. Il n’est pas vain de rappeler à quel point la gestion de l’eau est vitale, non seulement pour l’avenir de notre planète et de la biodiversité, mais aussi pour celui de l’espèce humaine.
L’accès à l’eau et la gestion durable de cette ressource sont des enjeux majeurs dans le contexte d’un réchauffement climatique de plus en plus prégnant, comme cela a été rappelé à maintes reprises au cours de nos précédents échanges.
Il ne fait aucun doute que la problématique des conflits d’usage liés à l’eau constitue l’un des grands défis que l’humanité devra relever au cours des prochains siècles, sous l’effet conjugué d’une baisse de la ressource en eau et de l’augmentation des demandes d’usages induite par la hausse continue de la population mondiale. À l’heure où 40 % de celle-ci ne bénéficie pas encore aujourd’hui d’un accès suffisant à l’eau potable, vous conviendrez aisément avec moi, mes chers collègues, qu’un partage plus équitable et une gestion plus économe de cette ressource sont des impératifs qui s’imposent d’eux-mêmes.
L’eau est, par essence, une ressource à usages multiples. Les ménages, l’industrie, l’agriculture, mais aussi les activités nautiques ou encore la pêche en sont dépendants, ce qui engendre une concurrence parfois forte dans certains territoires.
Certaines activités humaines, plus que d’autres, sont confrontées à des difficultés d’approvisionnement récurrentes, jusqu’à parfois courir le risque de disparaître. Je fais ici notamment référence à l’agriculture, secteur qui me tient particulièrement à cœur et auquel je consacrerai une partie de mon propos.
Venons-en au texte de la proposition de résolution qui nous est présentée aujourd’hui.
Le dixième anniversaire de la LEMA, que nous avons célébré à la fin de l’année 2016, nous a déjà donné l’occasion d’établir un premier bilan. Si je partage sur plusieurs points le constat dressé par notre collègue auteur de la proposition de résolution, notamment concernant la mise en œuvre de cette loi, encore largement imparfaite, je suis, sur le fond, comme un certain nombre de mes collègues, en désaccord avec plusieurs observations formulées.
Tout d’abord, je tiens à mettre en avant la nécessité de penser les politiques de l’eau sur le temps long. Dans cette perspective, mes chers collègues, je vous invite à apprécier les progrès réalisés à leur juste valeur avant de prôner de nouveaux chocs de simplification, qui risquent être sans lendemain, et de nouvelles réformes, qui risquent être vaines. Là où, hier, les différents acteurs ne dialoguaient pas, où l’administration imposait une gestion centralisée et où les conflits de voisinage étaient innombrables, la LEMA a apporté des solutions réelles.
Avec la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République, en 2015, et la loi MAPTAM de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, en 2014, une nouvelle étape nécessaire dans la réforme de la gouvernance de l’eau a été franchie. La gestion de l’eau et de l’assainissement a été confiée aux EPCI – pour l’heure tout au moins –, et la compétence GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – a été créée. Cette réforme prolonge un effort de décentralisation louable…
Un sénateur du groupe Les Républicains. Avec quels moyens ?
M. Claude Bérit-Débat. … et améliore encore l’implication des élus, ce dont nous pouvons nous féliciter. Elle participe également – je voudrais insister sur ce point – à l’amélioration de la cohérence territoriale et à la régionalisation de la gestion de l’eau, engagée voilà déjà plusieurs années avec la création des comités de bassin.
Si l’empilement administratif a longtemps constitué un frein à la rationalisation de la gestion de l’eau, la technocratisation des structures et la complexité des démarches sont bien aujourd’hui, à mon sens, les véritables défis que la nouvelle gouvernance décentralisée que nous souhaitons doit permettre de relever. Dès lors, stabilité et rationalisation doivent aujourd’hui s’imposer, afin de permettre aux élus de s’approprier cette réforme et de s’adapter à ces évolutions.
J’aborderai maintenant l’aspect plus spécifique de la gestion qualitative de l’eau.
Les textes communautaires exigeaient le bon état écologique des deux tiers des masses d’eau de surface dans notre pays en 2015. Cet objectif n’a pour le moment pas été atteint. Est-ce faire preuve de zèle ou de velléités de surtransposition que de simplement vouloir s’y conformer ? Je ne le pense pas, mes chers collègues.
Les objectifs ambitieux qui sont les nôtres, nous les avons nous-mêmes définis dans la directive-cadre sur l’eau, tant au niveau national qu’au niveau communautaire, et la révision des SDAGE pour la période 2016-2021, voulue par le Gouvernement, devrait nous aider à les atteindre. Les remettre en cause serait, je le pense, un renoncement, au regard des marges de manœuvre existantes.
Ces priorités ont d’ailleurs été replacées au cœur des programmes d’intervention des agences de l’eau, qui bénéficient, quoi qu’on en dise, d’un important soutien financier de l’État.
Quant à l’extension des missions des agences de l’eau, si j’entends les réticences exprimées, ayant moi-même partagé certaines d’entre elles, je suis forcé de reconnaître que l’élargissement de leur champ d’action à la biodiversité terrestre permettra désormais de traiter la problématique de la gestion de l’eau dans sa globalité, au travers d’une extension des compétences et des types de financement.
À ce sujet, j’ai bon espoir que le discernement prôné par l’auteur de cette proposition de résolution permette de voir dans cet élargissement l’occasion d’instaurer une plus grande complémentarité dans l’intervention des services publics d’État, plutôt qu’une atteinte au principe, assez rigide parfois, selon lequel l’eau doit payer l’eau.
J’en viens à la délicate question de la gestion quantitative de l’eau, deuxième axe du texte examiné.
Élu d’un territoire éminemment rural, comme beaucoup de mes collègues, j’ai été, l’été dernier encore, singulièrement touché par les témoignages de nombreux agriculteurs de mon département, la Dordogne, gravement affectés par l’épisode de sécheresse qui a vu le déficit pluviométrique atteindre jusqu’à 85 % en juillet et 70 % en août.
La filière céréalière, l’élevage et même la trufficulture ont été particulièrement touchés : ces filières ont dû gérer les conséquences d’une baisse de production.
L’augmentation des moyens de stockage, grâce à la création d’un nombre de réserves en eau adapté aux besoins de chaque territoire, est un enjeu crucial, d’autant qu’une partie importante du Sud-Ouest, au premier chef le bassin Adour-Garonne, connaît une situation préoccupante en raison d’un très faible nombre de retenues et de très vastes surfaces cultivées. Or cette solution permet de sécuriser à la fois l’abreuvement des animaux et l’irrigation des cultures, tout en maintenant un étiage satisfaisant.
Sans être pour autant l’unique remède, les réserves et les retenues collinaires sont donc une alternative efficace aux prélèvements en milieu naturel en période de sécheresse. Prévue par la LEMA, la réalisation de telles réserves continue de relever du chemin de croix, malgré la levée du moratoire sur le financement de ces retenues par les agences de l’eau en 2013 ou l’affirmation du cofinancement de ces projets par ces mêmes agences dans l’instruction du 4 juin 2016.
Je ne peux que déplorer cette situation. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, les agriculteurs n’ont pas la même échelle de temps que le législateur. Il nous revient de leur proposer des solutions adaptées. Le bon sens et le pragmatisme doivent prévaloir sur ce sujet,…
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Claude Bérit-Débat. … de même que la prise en compte des réalités locales. Ensemble, ces éléments doivent concourir à privilégier les projets de territoire, idée qui, je m’en réjouis, semble aujourd’hui faire consensus.
Les écueils sont cependant toujours nombreux. La lourdeur de la réglementation, par exemple, demeure une réalité tenace, même si des efforts ont été réalisés, comme en atteste la simplification des procédures en matière d’autorisation unique pour les projets soumis à la loi sur l’eau.
Aussi, à mes yeux, ne pourrons-nous faire l’économie d’efforts supplémentaires en matière d’allégement de la législation, de simplification des démarches, de réduction des délais d’instruction des dossiers ou d’amélioration de la coordination des financements.
De même, un tel effort est particulièrement souhaitable dans le domaine de la mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, dont les procédures, malgré certains progrès, restent très indigestes et les périmètres encore trop souvent incohérents.
À ce stade, je voudrais dire un mot sur un autre sujet d’importance, cheval de bataille de nombreux élus ruraux : le curage des fossés, le nettoyage des rivières et le classement des cours d’eau. Je délivrerai là encore une mention « encouragement », eu égard à l’élaboration de la cartographie visant à distinguer cours d’eau et fossés lancée en 2015 par le Gouvernement. La lisibilité doit rester une priorité, afin de faire en sorte que les relations entre élus, agriculteurs et services de l’État soient les plus saines possible.
J’évoquerai enfin les moulins et installations hydroélectriques qui jalonnent les cours d’eau de notre pays. Très nombreux dans mon département, ils constituent un patrimoine unique au monde.
Je n’avais pas manqué, lors de ma précédente intervention, à l’automne dernier, d’exprimer un certain nombre d’inquiétudes relatives au conflit opposant préservation de la continuité écologique des cours d’eau et protection de ce patrimoine.
Très opportunément, l’adoption du projet de loi ratifiant deux ordonnances sur l’énergie est venue apporter, la semaine dernière, une solution de compromis, soutenue par la Mme Ségolène Royal ; je m’en félicite. En réservant la dispense des règles applicables aux moulins existants aux ouvrages situés sur les cours d’eau classés en liste 2, le dispositif adopté en commission mixte paritaire a écarté le risque d’effacement qu’ils couraient jusqu’à présent. C’est une belle avancée.
Enfin, sur la question de la gestion de l’eau, je souhaite redire une fois de plus qu’il nous appartient de ne pas opposer préservation de l’environnement et poursuite des activités humaines. La gestion durable de cette ressource, que seule une prise de conscience de l’ensemble des acteurs, économiques comme non économiques, peut permettre, doit être fondée sur des pratiques plus économes et respectueuses de l’environnement.
L’agriculture, par le développement de l’irrigation de précision, de l’agroécologie, de nouvelles pratiques culturales, a réalisé des progrès remarquables dans ce domaine, notamment au cours des cinq dernières années. Le volontarisme à toute épreuve de notre ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, y est pour beaucoup : je tiens à lui rendre hommage.
Pour conclure, si le constat que j’ai esquissé semble globalement faire consensus sur nos travées, vous aurez compris que mon avis, comme celui de mes collègues du groupe socialiste et républicain du Sénat, sur un certain nombre des préconisations de cette proposition de résolution est bien plus nuancé. C’est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, moins d’un mois après le Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture, qui s’est tenu à Berlin du 19 au 21 janvier 2017, le Sénat se penche à nouveau sur la question de la gestion optimisée de la ressource en eau et de sa performance économique.
Je tiens tout d’abord à saluer la qualité des travaux de notre collègue Rémy Pointereau,…
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Daniel Gremillet. … dont les conclusions ont le mérite de proposer un certain nombre de pistes d’action à propos de cet enjeu stratégique pour notre pays. À cet égard, je regrette l’absence de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
M. François Bonhomme. Elle est à l’ONU !
M. Daniel Gremillet. Cette proposition de résolution offre une feuille de route pour les années à venir. Si la gestion de l’eau est une urgence déclarée, elle est également une formidable chance pour la France et ses territoires, à condition de relever les défis avec pragmatisme, pour reprendre la formule de notre collègue Rémy Pointereau.
Agir avec pragmatisme signifie mettre en œuvre une véritable politique nationale de l’eau, une politique dynamique. Ne l’oublions pas, madame la secrétaire d'État, notre territoire a la chance de bénéficier d’une pluviométrie assez exceptionnelle. Dès lors que nous avons l’intelligence de gérer et de stocker l’eau à bon escient, la France dispose de capacités formidables en la matière.
Il y a un siècle, alors que notre pays comptait moins de 40 millions d’habitants, ceux qui nous ont précédés ont su créer un patrimoine, en termes de stockage de l’eau, autrement plus important que ce que nous parvenons à faire aujourd'hui, avec plus de 20 millions d’habitants supplémentaires.
À cet égard, l’amendement visant à assouplir les règles administratives relatives aux petits ouvrages et aux moulins pour favoriser le développement de la petite hydroélectricité va dans le bon sens. Je souhaiterais d'ailleurs que le travail réalisé par le Sénat lors de l’élaboration de la loi Montagne – je pense en particulier aux mesures visant à faciliter le recours à l’irrigation gravitaire en zones de montagne – soit placé au centre de la feuille de route.
Agir avec pragmatisme signifie aussi recentrer la politique de l’eau sur les territoires et les acteurs locaux. Sur ce point, je partage pleinement le point de vue de l’auteur de la proposition de résolution. Il est essentiel de redonner le pouvoir à celles et ceux qui agissent sur les territoires, aux maires, aux structures intercommunales. C’est l’échelon le plus adapté pour traiter la problématique de l’eau.
Agir avec pragmatisme signifie également capitaliser sur la recherche et l’innovation, ainsi que surmonter les barrières psychologiques et réglementaires. L’apport absolument formidable des technologies nouvelles nous permet d’être optimistes. Ainsi, dans l’industrie agroalimentaire, on est capable de récupérer 70 % de l’eau lors de la fabrication de poudre de lait. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, la réglementation n’autorise pas la réutilisation de ces millions de mètres cubes d’eau à des fins alimentaires, parce qu’ils ne proviennent pas d’un réseau d’eau. C’est un véritable gâchis ! Je rappelle que certains pays autorisent l’emploi de cette eau, qui est tout à fait pure. Ainsi, comme l’avaient souligné Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach dans leur rapport, la limite n’est pas technologique, elle est réglementaire.
En conclusion, la gestion de l’eau est un enjeu stratégique pour les années à venir, sur les plans économique et environnemental. Les générations précédentes ont su gérer la ressource en eau ; gageons que les générations futures le sauront également. C’est dans cet esprit que nous soutenons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Tandonnet et Alain Bertrand applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous occupe aujourd’hui est le premier d’une série de trois traitant de la question de l’eau, chacun sous un angle particulier. C’est la preuve, s’il en était besoin, de l’intérêt que nous portons tous à ce sujet. Droit à l’eau, gestion de la ressource, partage de celle-ci : chacun de ces aspects mérite qu’on s’y arrête, même si l’on peut regretter que nos débats restent parfois sans lendemain et qu’aucune vision globale ne se dégage.
« Agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau » : tel est l’intitulé choisi par notre collègue Rémy Pointereau pour cette proposition de résolution. Nous partageons cette ambition. Cependant, une lecture attentive du texte présenté nous amène à constater que la nécessaire adaptation aux changements climatiques n’y est pas évoquée. Or, la ressource ne se crée pas, elle se gère ; si elle se raréfie, nous devons nous adapter. L’anticipation de la raréfaction de la ressource, notamment dans le sud de la France, mais aussi à Mayotte, où la population est privée d’eau potable deux jours sur trois depuis la mi-décembre dans le sud de l’île, voilà le véritable défi qui s’impose à nous.
Concernant le texte de la proposition de résolution, si les trois premiers « attendus » se réfèrent à la Constitution, à la loi et au rapport d’information de notre collègue, les autres s’appuient sur des observations et des avis de M. Pointereau, qui, s’ils partent de faits objectifs, interprètent ces derniers d’une façon que nous ne pouvons pas reprendre à notre compte.
J’en viens maintenant aux mesures préconisées par cette proposition de résolution.
Tout d’abord, celles qui concernent la gestion qualitative de l’eau portent essentiellement sur les normes et les moyens. Nous avons nous-mêmes dénoncé à de nombreuses reprises les prélèvements opérés par l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau. Cette pratique et la dénonciation d’une fonctionnarisation au rabais avaient d’ailleurs motivé une grève des personnels de ces dernières, en décembre. Le sujet est d’autant plus important aujourd’hui que ces agences voient leurs missions s’élargir depuis le vote de la loi sur la biodiversité. Nous savons tous que les moyens des collectivités diminuent alors même que les besoins augmentent.
Cependant, la qualité de l’eau, c’est d’abord celle de l’eau telle que nous la trouvons. C’est pourquoi nous plaiderons une fois de plus pour des politiques préventives, visant à éviter la pollution de l’eau. Parler de la préservation de l’eau, qu’elle soit qualitative ou quantitative, sans parler des pollutions ne permet pas d’établir un diagnostic à la fois juste et partagé.
La moitié des masses d’eau est aujourd'hui dégradée du fait des pollutions diffuses, d’origine essentiellement agricole, liées à l’utilisation de produits divers et variés. Préserver la ressource impose donc de faire évoluer nos modes de production, en reconnaissant l’unicité du cycle de l’eau, quels que soient les usages. Préserver la ressource doit ainsi nous inciter à limiter l’emploi des pesticides, voire à l’interdire. Or, sur cette question, la position du groupe Les Républicains est claire : les amendements que nous avons déposés en ce sens n’ont jamais obtenu son soutien. Pourtant, interdire les pesticides, c’est protéger la santé de tous, en premier lieu celle des agriculteurs, parmi lesquels on ne compte plus les cas de cancers précoces.
J’évoquerai ensuite les propositions relatives à la gestion quantitative de l’eau. Lutter contre les fuites d’eau des réseaux et en donner les moyens aux collectivités est primordial ; nous sommes bien évidemment d’accord sur ce point. Le reste des propositions concernent essentiellement l’agriculture : c’est le cœur de cette résolution. Il s’agit au fond de faire en sorte que la ressource en eau soit gérée prioritairement par et pour l’agriculture. Or, nous avons toujours considéré que la ressource devait être partagée équitablement entre tous les acteurs, en répondant à la diversité des besoins. L’eau est un bien commun et assurer la consommation humaine d’une eau de qualité est notre priorité. Je le redis, la ressource ne peut, malheureusement, que diminuer. L’agriculture doit chercher non pas à augmenter sa part - ce qui se ferait immanquablement au détriment des autres utilisateurs -, mais à s’adapter à une ressource moindre, ce qui n’est pas contradictoire avec une meilleure gestion de la ressource sur toute l’année.
Par ailleurs, la simplification des procédures et des normes est le sujet privilégié de M. Pointereau. Il est certes souhaitable de simplifier les procédures de nettoyage des rivières et des fossés, mais l’on ne nettoie pas n’importe quand et n’importe comment, sauf à tout détruire, et parfois pour longtemps. Le sujet est complexe, et simplifier ne doit pas signifier laisser faire, libéraliser ou déréguler. La norme n’a pas que des aspects négatifs ; elle sert aussi, souvent, à protéger l’intérêt général.
Enfin, sur la question de la gouvernance, nous notons avec intérêt la demande d’un volet prospectif concernant les changements climatiques. Nous souscrivons à la proposition de gérer les milieux aquatiques et de prévenir les inondations au niveau des bassins versants, le transfert de cette compétence aux intercommunalités constituant un désengagement évident de l’État. Pour autant, nous souhaiterions que la responsabilité soit partagée en bonne intelligence entre les différents acteurs et l’État.
À la suite de l’entrée en vigueur des différentes lois de réforme territoriale, il est nécessaire de réintroduire de la cohérence et de la souplesse dans une architecture territoriale complexifiée, pour une meilleure rationalisation des services de l’eau et de l’assainissement.
Pour conclure, cette proposition de résolution constitue une réponse aux enjeux liés à l’eau bien trop limitée à nos yeux, tant en matière de protection de la ressource qu’en prévision des dérèglements climatiques.
En termes de gouvernance et de moyens, nous sommes pessimistes quant au soutien apporté aux collectivités, rien ne laissant présager une fin prochaine des politiques d’austérité auxquelles celles-ci sont aujourd'hui confrontées, si l’on en juge par les programmes défendus par certains candidats à l’élection présidentielle…
J’ajoute que cette proposition de résolution laisse de côté la question sociale, pourtant essentielle, de l’accès à l’eau et de la maîtrise publique.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne soutiendrons pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
MM. Charles Revet et Bruno Sido. C’est dommage !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’état écologique de seulement 44 % des masses d’eau de surface est jugé « bon » ou « très bon », ce qui signifie qu’il est mauvais pour près de 60 %… Quelques progrès ont été accomplis.
Notre collègue Rémy Pointereau nous soumet la présente proposition de résolution, fondée sur son rapport établissant un bilan dix ans après l’adoption de la loi LEMA sur l’eau et les milieux aquatiques.
Le groupe du RDSE partage une partie des constats dressés et les propositions formulées par les auteurs de ce texte. En effet, la gestion de l’eau demeure trop complexe, comme beaucoup de choses dans notre pays. La politique de l’eau implique par nature une gestion équilibrée, à laquelle nous sommes tous attachés.
Si la législation applicable est complexe, elle a fait régulièrement l’objet d’assouplissements ces dernières années. Pourtant, elle bloque ou freine les choses en matière de prévention des inondations, de travaux agricoles ou de valorisation du patrimoine et du milieu naturel ou halieutique.
Certes, il n’est pas évident de distinguer un cours d’eau d’un fossé ou d’une rase, comme on dit dans le Massif central. L’État a réuni récemment les agriculteurs, ses services, les fédérations de pêche en vue de la réalisation d’une cartographie. Cet exercice a été utile, parce qu’il a permis à chacun de réfléchir.
Des évolutions ont été récemment introduites pour ce qui est des moulins et de l’hydroélectricité, en évitant une déréglementation excessive qui porterait préjudice à tous, comme l’a souligné Claude Bérit-Débat. Pour autant, la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, qui était une condition sine qua non posée par la directive « qualité », n’est pas assurée.
En matière de protection contre les inondations, mon groupe n’est pas d’accord avec les auteurs de la proposition de résolution. La compétence GEMAPI, chère à Pierre-Yves Collombat, apportera de la cohérence. Il est possible d’agir par bassin, par sous-bassin, par bassin versant, et d’instaurer une « taxe GEMAPI ».
M. François Bonhomme. Et voilà !
M. Bruno Sido. Une de plus !
M. Alain Bertrand. En ce qui concerne la quantité, mais aussi la qualité, des marges de manœuvre importantes existent, notamment dans le secteur agricole. On ne devrait plus voir, lorsque l’on circule sur les autoroutes du Sud-Ouest, des espèces de lances d’arrosage cracher d’énormes jets d’eau en plein soleil ! Il existe des dispositifs plus modernes. Les agriculteurs eux-mêmes sont d’accord pour améliorer leurs pratiques.
Par ailleurs, un soutien renforcé doit être apporté aux collectivités ; nous sommes tous d’accord sur ce point.
Pourquoi nous abstiendrons-nous ? Le texte de notre collègue Pointereau est excellent, mais il manque encore d’ambition.
Il conviendrait de réaffirmer la nécessité de donner la priorité à l’amont, c'est-à-dire de commencer la dépollution par les zones sommitales ou apicales.
Nous aurions aimé que soit abordée la question de la baisse considérable de la valeur patrimoniale nationale de nos cours d’eau. Qu’il s’agisse du Jura, des Alpes, des Vosges, de l’arc méditerranéen, de la zone frontalière avec la Suisse, de la Bretagne, du Sud-Ouest, des Pyrénées,…
M. Charles Revet. Toute la France, en fait !
M. Alain Bertrand. … notre patrimoine de rivières et de cours d’eau s’est déprécié grandement !
M. Bruno Sido. Pas en Haute-Marne !
M. Alain Bertrand. En Haute-Marne, la Voire, qui est une excellente rivière à truites, est aujourd'hui dans une situation difficile. Je la connais, comme presque toutes les rivières de France, pour y avoir pêché ! (Sourires.)
Nous déplorons également l’absence, dans ce texte, de mesures permettant la restauration et les travaux en cours d’eau. Aux États-Unis, dans le Montana, où la pêche et l’agriculture tiennent une grande place, lorsqu’une rivière a été détournée par les crues, ensablée, qu’elle déborde et entrave l’agriculture, on autorise les travaux sur quinze ou vingt kilomètres. En France, c’est impossible. Il aurait fallu évoquer ce point.
Nous regrettons en outre une insuffisante affirmation du principe pollueur-payeur, l’absence de mention de solutions nouvelles, tels les barrages intelligents, les barrages de soutien d’étiage ou les nouvelles possibilités techniques de production hydroélectrique, ainsi que l’absence d’évocation des grandes plus-values économiques – je pense au plan saumon, qui avait été imaginé par M. Valéry Giscard d’Estaing. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) L’Allier est fermé à la pêche, les gaves de Pau et d’Oloron sont menacés, de même que les rivières bretonnes : cela relève d’une véritable incurie ! J’aurais voulu que l’on nous parle de l’extinction des droits de pêche professionnelle contre rémunération, que l’on évoque une nouvelle doctrine d’emploi de la police de l’eau. Il faudrait creuser à la pelle mécanique le lit de certaines rivières menacées d’ensablement, mais on en reste à une situation de blocage, alors que tout le monde y a intérêt : l’agriculteur, l’aménageur, de même que le pêcheur, les caches et les habitats piscicoles ayant disparu.
Bref, cette proposition de résolution n’évoque pas la totalité des sujets qui me préoccupent ! Je rêve que les usiniers, les agriculteurs, les aménageurs, les pêcheurs, tous les utilisateurs de l’eau unissent leurs intelligences afin de forger un meilleur avenir pour nos eaux, nos poissons, nos rivières. C’est possible !
Nous nous abstiendrons sur votre proposition de résolution, mon cher collègue Pointereau, tout en soulignant que vous avez bien fait de la présenter. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2006, la LEMA a tenté de prendre en compte la question de l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau. Depuis, le dérèglement climatique ne cesse de s’accentuer et emporte des conséquences extrêmes dans le domaine de l’eau. Nous devons prendre la mesure de l’urgence et anticiper ces évolutions pour ne pas les subir.
Je salue donc l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, qui a dressé un bilan de l’application de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques dix ans après son adoption, en rappelant les grands principes posés par ce texte et en constatant que leur mise en œuvre concrète est parfois problématique.
Cette proposition de résolution décline des mesures de simplification, de planification, de gestion qualitative et quantitative de l’eau, dont bon nombre me paraissent intéressantes. Le temps qui m’est imparti ne me permettant pas de revenir sur chaque point, j’évoquerai principalement la gestion de la ressource et la gouvernance.
En matière de gestion de la ressource, la première des solutions qui vient à l’esprit est d’économiser l’eau. Cela paraît évident, mais ce n’est pas si simple.
D’abord, nous élus locaux le savons bien : les réseaux de distribution sont largement perfectibles, de 20 % à 25 % de l’eau prélevée n’arrivant pas à l’usager. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’il s’agit, le plus souvent, d’eau traitée et rendue potable, donc chère. Comme le souligne la proposition de résolution, un soutien financier aux collectivités serait nécessaire pour mettre en place un plan de contrôle et de renouvellement des canalisations en vue de lutter contre ces fuites.
Économiser l’eau doit aussi rester un objectif pour le monde agricole : il s’agit de produire plus, durablement, avec moins d’eau. L’engagement progressif de l’agriculture française dans des initiatives en faveur de l’irrigation de précision et de l’agrobiologie doit être encouragé et soutenu.
Nous devons cependant rester lucides : la simple gestion de la ressource existante ne suffira pas à répondre aux besoins durant les périodes de crise, qui vont se multiplier. Il faut favoriser la recherche et tracer de nouvelles pistes de réflexion sur la réutilisation des eaux usées, mais aussi et surtout sur les réserves d’eau.
Plutôt que de considérer les eaux usées comme étant chargées en polluants et dangereuses, il conviendrait de les traiter et de les réutiliser comme une ressource possible, dans le cadre d’une économie circulaire.
L’Espagne est actuellement le leader européen en matière de réutilisation des eaux usées. Barcelone, par exemple, réutilise déjà 300 000 mètres cubes d’eau recyclée par jour, pour l’irrigation, l’alimentation de la rivière et la recharge des nappes.
Je ne dis pas que nous devons appliquer la même politique ; je pense néanmoins que nous devons prendre en compte le fait que le marché du traitement des eaux usées connaît une croissance à l’international de plus de 20 % par an environ. Il représente une belle opportunité pour les entreprises françaises du secteur de l’eau, qui promeuvent des avancées technologiques en la matière et sont en mesure d’apporter des solutions permanentes au marché. La réglementation française ne laisse que très peu de marges de manœuvre pour les projets nationaux. Par conséquent, nos entreprises manquent de repères et d’expérience pour faire valoir leurs solutions sur ces marchés internationaux en attente de solutions innovantes. Nous devons donc franchir le cap de la réutilisation des eaux usées, déjà pratiquée dans de nombreux pays.
En matière d’amélioration de la gestion quantitative de l’eau, la proposition de résolution préconise de « favoriser les retenues de substitution et collinaires ». Je partage totalement l’idée de constituer des réserves d’eau en période d’abondance pour les utiliser en période de pénurie.
M. Charles Revet. C’est le bon sens !
M. Henri Tandonnet. Quelle que soit leur nature ou leur capacité, les réserves d’eau peuvent servir à de nombreux usages : irrigation, maintien du débit d’étiage, prévention des inondations, réponse aux besoins des ménages et de l’industrie, ainsi qu’à ceux de la production d’énergie d’origine hydraulique ou nucléaire pour les grosses réserves.
La création de réserves d’eau pour l’agriculture constitue une sécurité primordiale en vue d’assurer la pérennité et la contractualisation des récoltes. Les besoins de l’irrigation sont ceux de l’alimentation : sans eau, pas de nourriture ! Les consommateurs doivent prendre conscience que la production d’aliments représente des quantités d’eau importantes. On peut parler d’« eau virtuelle » pour évoquer le volume d’eau nécessaire à la production des biens de consommation, dont le consommateur final ignore souvent l’ampleur.
Notre indépendance alimentaire dépend beaucoup de la disponibilité de l’eau pour l’agriculture. Rien ne sert de se priver de nos ressources si nous devons importer d’autres pays bien plus fragiles que le nôtre nos produits alimentaires, et ainsi y provoquer des dégâts écologiques.
Enfin, je soutiens l’idée, avancée par les auteurs du texte, d’encourager « la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiage », autre forme de stockage pertinente.
Il faudra du temps pour que les mesures d’économie et de constitution de réserves produisent leurs effets, en vue d’une part de faire évoluer les mentalités et les comportements, d’autre part d’aboutir à la réalisation d’investissements coûteux. Il sera donc essentiel de prendre en compte ces réflexions lors de l’élaboration d’une prochaine loi structurante dans le domaine de l’eau.
Je souhaite maintenant aborder la question de la gouvernance, car il est aussi urgent de travailler sur la façon d’appréhender le partage commun de la ressource.
L’organisation autour des agences de bassin est pertinente. Elle permet d’avoir une vue d’ensemble de toute la problématique de l’eau sur la totalité du bassin. C’est un échelon cohérent tant au niveau technique que sur le plan environnemental. Si les résultats se sont fait attendre, cela tient à la gestion bien trop centralisée des bassins, qui est à remettre en cause.
Les comités de bassin, qui ont pour mission d’arrêter les grandes orientations pour l’eau dans leur secteur, ne peuvent malheureusement pas être assimilés à un parlement de l’eau : leur rôle reste purement consultatif. Il est grand temps de leur donner un réel pouvoir, pour organiser une gestion décentralisée par bassin et sous-bassin territorial, en lien avec une mobilisation de tous les acteurs autour de projets territoriaux partagés, et non imposés. Une maîtrise d’ouvrage décentralisée doit aller de concert avec une gouvernance réellement décentralisée, et non déconcentrée, recevant directement de Paris des instructions déconnectées des réalités du bassin.
Enfin, la création de la compétence GEMAPI me semble être une bonne piste puisque, sur le terrain, il faudra croiser les politiques agricoles, d’urbanisme, de gestion des milieux aquatiques pour adapter la ressource aux besoins, et mobiliser tous les acteurs autour des projets locaux.
La proposition de résolution évoque cependant le département comme échelon à favoriser pour l’exercice de la compétence GEMAPI ; je ne partage pas ce point de vue et préfère la solution actuelle, beaucoup plus souple.
M. Bruno Sido. Qui paiera ?
M. Henri Tandonnet. Pour conclure, aujourd’hui, la politique de l’eau reste marquée par une vision très anglo-saxonne, c’est-à-dire par l’idée que l’eau est une ressource abondante, dont nous ne manquons absolument pas.
La LEMA doit être révisée selon un prisme bien plus méditerranéen, en prenant vraiment en compte l’ampleur du changement climatique, qui s’accentue, et des conflits d’usage qui l’accompagnent. Si nous anticipons vraiment la situation, l’eau constituera une réponse à la crise climatique.
Le groupe UDI-UC soutient la majorité des mesures contenues dans cette proposition de résolution, qui nous permet d’envisager l’avenir et de réfléchir à des axes d’amélioration de la politique de l’eau. Nous la voterons donc. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau.
M. Charles Revet. C’est un beau programme !
M. Jean Desessard. Les ambitions des auteurs de ce texte à l’intitulé flatteur semblent louables.
Les précédents intervenants ont souligné la nécessité de préserver l’eau : d’une part, nos ressources en eau ne sont pas inépuisables et le réchauffement climatique accélère fatalement leur appauvrissement en ce qu’il entraîne un désordre de la pluviométrie ; d’autre part, en plus d’être reconnu comme un droit de l’homme par les Nations unies, l’accès à l’eau potable constitue une nécessité pour la survie de l’espèce humaine. Concilier ces deux enjeux nous semble indispensable. C’est pourquoi, sur le principe, nous ne pouvons que vous rejoindre, monsieur Pointereau, sur la nécessité d’une bonne gestion de ce que l’on appelle, à juste titre, l’« or bleu ».
Une partie du texte répond aux enjeux. Il est évident que nous devons encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau, qu’il faut accorder un soutien financier aux collectivités pour lutter contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et que le contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux doit tenir compte de l’anticipation du changement climatique.
À juste titre, vous préconisez de mettre fin à la politique de ponction des budgets des agences de l’eau pour alimenter celui de l’État. Ces établissements publics ont pour mission de contribuer à réduire les pollutions de toutes origines et de protéger les ressources en eau et en milieu aquatique. Eu égard aux enjeux, nous refusons que les budgets de ces établissements puissent jouer le rôle de variables d’ajustement.
Cependant (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), les mesures présentées nous semblent insuffisantes pour préserver nos réserves en eau face au réchauffement climatique. La proposition de résolution préconise une application a minima des directives européennes sur l’eau et la fixation d’objectifs réalistes, pragmatiques et stables.
Le droit européen, certes, affirme que l’eau n’est pas un bien marchand, mais un patrimoine qu’il convient de défendre et de protéger comme tel.
À ce titre, la directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000 et les textes européens ultérieurs ont fixé un certain nombre d’objectifs en termes d’amélioration de la qualité de l’eau. L’affirmation de ces objectifs réalistes, qui ont ensuite été transposés en droit français, constitue une réponse au changement climatique qui s’impose à nous chaque jour.
Néanmoins, au regard de l’urgence de la situation, qui a été rappelée tout au long de la COP21, notre droit doit être encore plus ambitieux et contraignant pour garantir nos ressources en eau. Or votre proposition de résolution laisse planer un doute sur votre volonté d’instaurer des règles rigoureuses, monsieur Pointereau ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
La protection de l’eau implique le respect d’un certain nombre de procédures lors de son utilisation. Pour faciliter la gestion de l’eau, vous entendez modifier ces procédures, que vous jugez complexes. Je suis tenté de vous dire que c’est la vie qui est complexe !
Dans la majorité des cas, vous ne précisez nullement en quoi consisterait cette simplification. Ce flou nous inquiète, car nous refusons que les normes environnementales soient écartées ou amoindries au nom de la simplification. Nous vous voyons venir, monsieur Pointereau !
M. Bruno Sido. Vous nous faites un procès d’intention !
M. Jean Desessard. Simplifier le droit de l’eau ne doit pas signifier détruire les protections environnementales.
M. Rémy Pointereau. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Or la seule mesure de simplification explicitée dans la présente proposition de résolution vient corroborer cette inquiétude. En effet, il est proposé d’alléger les contraintes de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment l’obligation de réaliser des études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement de l’eau.
M. François Bonhomme. On ne fait pas assez d’études ?
M. Jean Desessard. Si la gestion de l’eau doit être facilitée, cela ne doit être au détriment ni des usagers ni des normes environnementales. Sur ce sujet, il existe d’autres pistes de réflexion, qui seront abordées tout au long de la semaine.
En conclusion, si le groupe écologiste considère qu’il faut agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Jean Desessard. … il considère également que ce pragmatisme et ce discernement doivent être dictés par un impératif de protection de l’eau face au réchauffement climatique. Cette proposition de résolution comporte des avancées, mais nous aurions aimé que soit levé le flou entourant la simplification préconisée et nous craignons une application a minima des directives européennes. C’est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René Danesi. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce débat sur la présente proposition de résolution est d’abord l’occasion de nous interroger sur les raisons qui ont souvent conduit à légiférer, en matière de gestion de l’eau, sans pragmatisme et avec peu de discernement.
La première raison, me semble-t-il, est la disparition progressive de l’acceptation du risque. Le risque n’a plus droit de cité, et l’État doit protéger de tout, tout le temps. Or l’État et ses administrations vont au plus simple : protéger en empêchant, notamment en empêchant d’habiter.
Riverain de l’Allemagne, je constate que, dans ce pays, on fait exactement le contraire : on protège pour mieux habiter, car on n’y oppose pas développement et protection.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. René Danesi. La deuxième raison est que les études d’impact, les multiples calculs ingénieux et normes réglementaires ont fini par se substituer au bon sens et à l’expérience. Le souvenir d’une crue, transmis de génération en génération, est remplacé par un calcul de risque dont les variables diffèrent en fonction d’intérêts bien défendus, quand ce n’est pas d’une idéologie.
La troisième raison est que la gestion de l’eau est devenue un enjeu financier entre l’État, les agences de l’eau et les collectivités locales. Devant l’absence d’une stratégie claire de subsidiarité, nous voilà avec une compétence partagée cahin-caha.
La proposition de résolution de notre collègue Rémy Pointereau pointe les atteintes au bon sens et préconise la mise en œuvre de trois principes.
Le premier consiste à laisser davantage de liberté. Il faut cesser de contraindre plus que de raison, pour s’en tenir à ce qui est strictement nécessaire en termes d’intervention.
En effet, au fil du temps et des lois successives, nous n’avons cessé de demander davantage d’interventions dans la gestion de l’eau, avec toujours plus de contraintes. La conséquence est simple : aujourd'hui, il faut trois mois à une équipe de juristes pour obtenir l’autorisation de réaliser un simple arasement de banc de gravier dans un fleuve !
M. Bruno Sido. Et à quel prix !
M. René Danesi. Devant cette situation, seules deux options sont possibles : accepter une augmentation non maîtrisée des coûts ou faire l’intervention discrètement, en espérant que la police de l’eau n’en sera pas informée… Trop de lois tuent la loi !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. René Danesi. Le deuxième principe est de revenir au bon sens. Plutôt que de détailler les directives européennes et de surréglementer, il serait plus utile d’effectuer une bonne retranscription des principes directeurs. En effet, les conséquences de l’application de certains textes de loi sont parfois surprenantes.
Par exemple, à cause de la règle de minimis, il est impossible pour une collectivité de faire simplement appel à un agriculteur pour des prestations de services environnementales, telles que le maintien en herbe, sans passer par la mise en place de « mesures agroenvironnementales ».
Le troisième principe est la subsidiarité dans la clarté. Dans un domaine aussi ondoyant et divers, mais toujours technique, que la gestion de l’eau, la subsidiarité doit être de mise. En France, la moitié des départements portent le nom d’un cours d’eau. En France, la plupart des grands gestionnaires de cours d’eau et de digues sont des syndicats mixtes dont les principaux contributeurs sont les départements. Dans ces conditions, pourquoi ceux-ci ont-ils été exclus de l’exercice de la compétence GEMAPI par la loi MAPTAM, ce qui déstabilise complètement des départements qui s’étaient bien organisés, tel le Haut-Rhin, où le conseil départemental apporte l’ingénierie et de 40 % à 70 % du montant des investissements à tous les syndicats mixtes.
Cette proposition de résolution appelle une traduction législative qui permettra aux territoires de s’organiser plus facilement, à moindre coût et souvent, in fine, pour mieux assurer la sécurité des populations urbaines et la qualité de leur alimentation en eau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution à la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA », en passant par la loi du 3 janvier 1992, le législateur a montré un souci constant des problématiques afférentes à l’eau.
Gouvernance de l’eau, gestion qualitative et quantitative de l’eau, simplification administrative : telles ont été, légitimement, les priorités de l’action publique. Pourtant, cette dernière est d’une complexité confondante. Pis, les résultats ne sont pas à la hauteur : conflits de compétences, moyens insuffisants, instabilité normative, conflits d’usages et qualité écologique défaillante sont le quotidien d’une politique publique devenue illisible.
Nous devrions pourtant avoir un objectif simple : concilier les différents usages de l’eau pour rendre les activités humaines soutenables économiquement et écologiquement.
Cet objectif est-il inaccessible ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, nous l’atteignons dans bien des cas, et ce malgré un environnement normatif erratique. La France se situe en effet au-dessus de la moyenne européenne en matière de qualité des eaux.
De fait, la gestion de l’eau est un merveilleux exemple d’une politique dont les intrications perpétuelles nous font oublier le potentiel de notre pays.
S’agissant de la gouvernance, la division du travail entre l’Agence française pour la biodiversité, qui remplace notamment l’ONEMA, le Comité national de l’eau, les agences de l’eau, les comités de bassin, les commissions locales, le préfet coordonnateur de bassin et les syndicats communaux et intercommunaux n’a rien de cohérent.
Dans un esprit identique, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré la fusion d’établissements publics, ainsi que le transfert de la compétence GEMAPI : je ne crois pas que la gestion de l’eau ait été la priorité de ces réformes de circonstance. Sinon, comment expliquer que les agences de l’eau voient leurs compétences élargies à la biodiversité terrestre ? Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’un problème de gouvernance devient un problème budgétaire…
De plus, le problème de gouvernance entraîne des dommages collatéraux. Nous sommes spectateurs de la destruction en cours des 60 000 moulins de France, au nom de la continuité écologique et au mépris de la conciliation harmonieuse des différents usages de l’eau, dans le respect du patrimoine et des obligations de notre pays. Il nous faut bien sûr être attentifs à ce que les propriétaires des moulins respectent un mode de fonctionnement permettant la remontée des poissons. Pourquoi créer des instances consultatives au niveau national, au niveau de chaque bassin hydrographique et de chaque sous-bassin, pour en arriver à une situation aussi absurde ? J’aimerais que Mme la secrétaire d'État puisse apporter une réponse à cette interrogation, ma question écrite d’avril 2016, portant sur le même sujet, n’en ayant jamais reçu…
Le même constat vaut pour l’agriculture, le rôle de l’ONEMA, qui est à la fois un guichet pour accompagner des projets et un organe répressif, puisqu’il assure la police de l’environnement, suscitant beaucoup de confusion, et parfois de ressentiment.
Nous ne pourrons pas agir avec pragmatisme et discernement dans le domaine de l’eau, comme le souhaite notre collègue Rémy Pointereau, tant que nous ne serons pas venus à bout du péché originel, si j’ose dire, que constitue cette gouvernance illisible.
Pour cette raison, et pour beaucoup d’autres que je n’ai malheureusement pas le temps de développer, je voterai, comme mon groupe, cette proposition de résolution. D’ailleurs, je crois pouvoir dire que celle-ci rencontre une forte adhésion. En particulier, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, qui a exprimé les mêmes griefs à l’endroit de la gestion de l’eau en France, formule des préconisations voisines de celles de notre collègue Rémy Pointereau. La FNCCR nous invite à poursuivre nos travaux sur ce sujet ; c’est ce que nous ferons, pour qu’enfin notre politique de l’eau soit rationnelle, d’abord, et ambitieuse, ensuite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Détraigne et Alain Bertrand applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le dépôt de cette proposition de résolution par notre collègue Rémy Pointereau. Elle fait suite à son rapport d’information établi au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’eau est un bien précieux, une ressource qu’il faut préserver et bien gérer, qu’il s’agisse de la nappe phréatique, des fleuves, des rivières ou des ruisseaux. Parce qu’il est réellement indispensable de connaître parfaitement les réseaux, leur histoire, leur évolution, la participation active d’interlocuteurs de proximité et de l’ensemble des partenaires est nécessaire à cette bonne gestion.
L’eau et l’assainissement font partie des priorités de l’État, des collectivités territoriales et des agences de l’eau en matière de gestion, de travaux de maintenance et d’investissements.
L’analyse des factures d’eau fait apparaître des différences importantes en termes de prix de l’eau et de mode de calcul de celui-ci. Le coût réel de l’eau est de plus en plus significatif. Au prix de l’eau net, qui inclue le coût de l’assainissement et du traitement, s’ajoutent différentes taxes et redevances, d’où une complexité croissante et des écarts de prix au mètre cube allant de un à huit, voire davantage.
En milieu urbain, le service de l’eau est souvent confié à de grands groupes qui assurent l’entretien, les travaux, la gestion et la facturation aux abonnés. Pour ma part, je témoignerai modestement en tant que maire, depuis 2001, d’une commune de 170 habitants où le service de l’eau est géré en commune isolée. Avec une station de pompage, deux réservoirs et un réseau ancien en mauvais état, la gestion de l’eau est un réel problème : crainte de coupures d’eau ou de courant interrompant la distribution, analyses d’eau à la demande de l’agence régionale de santé, dont le coût pèse sur notre budget annexe… La lutte contre les fuites requiert un engagement de tous les jours et une bonne connaissance du réseau et de ses limites. Dans ma commune, la maintenance et le dépannage vingt-quatre heures sur vingt-quatre sont confiés à un syndicat qui gère au mieux et dont les interventions reposent souvent sur la compétence des fontainiers. Cette solution a certes un coût pour notre modeste budget annexe « eau potable », mais elle nous permet de conserver une gestion de proximité.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Marc Laménie. C’est pourquoi de nombreux élus, en particulier dans le monde rural, souhaitent le maintien des petits syndicats. Ces derniers fonctionnent grâce à des bénévoles qui connaissent parfaitement le réseau.
M. Bruno Sido. Les agriculteurs !
M. Marc Laménie. Gérer au mieux, économiser les ressources en eau reste une priorité et une responsabilité collectives. Je soutiens naturellement cette proposition de résolution, qui répond à des enjeux fondamentaux de développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Madame la présidente, monsieur l’auteur de la proposition de résolution, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de la politique de l’eau, sujet d’importance s’il en est, au travers de l’examen d’une proposition de résolution qui fait suite au rapport de M. Pointereau relatif au bilan de l’application de la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. Ce rapport avait été débattu dans cette enceinte en octobre dernier ; j’étais alors déjà présente au banc du Gouvernement, de même que lorsque le Sénat a examiné la proposition de résolution sur les contrats de ressources. Nous poursuivons donc aujourd’hui un échange engagé il y a quelques mois.
L’exposé des motifs de la présente proposition de résolution rappelle les enjeux majeurs auxquels devait répondre la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.
L’ensemble des orateurs l’ont rappelé, l’eau est une ressource précieuse, et sa gestion est un sujet complexe. Il s’agit de mettre en œuvre une politique publique permettant de répartir au mieux la ressource disponible, d’assurer sa bonne qualité pour tous les usages, y compris la production d’eau potable, de préserver les milieux aquatiques et tous les services qu’ils nous rendent, de gérer à la fois la pénurie et les inondations.
Pour être efficiente, une telle politique doit s’adapter aux réalités locales, qui sont, comme vous l’avez unanimement rappelé, très diverses. Elle doit également prendre en compte des contraintes économiques.
Nous avons parfois tendance à oublier ce caractère complexe, car, la plupart du temps, les enjeux que je viens d’évoquer sont pris en considération de façon équilibrée. Néanmoins, des crises, comme celle que connaît Mayotte actuellement, viennent parfois nous rappeler que rien n’est pleinement acquis. Le Gouvernement œuvre, avec les collectivités concernées, au rétablissement prochain d’une situation normale, ainsi que, sur le long terme, pour assurer une gestion durable de la ressource et un niveau de service d’eau potable et d’assainissement satisfaisant.
L’exposé des motifs de la proposition de résolution insiste sur la nécessité de la simplification. Je tiens à vous rassurer d’emblée : cet enjeu est partagé par le Gouvernement.
M. Bruno Sido. Cela commence bien…
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Le Gouvernement a commencé à mettre la simplification en œuvre…
M. François Bonhomme. Il vous faudrait un deuxième quinquennat !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. … dans le domaine de l’eau comme dans d’autres, ainsi que le montrent plusieurs évolutions récentes.
M. François Bonhomme. C’est flagrant !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Par exemple, l’autorisation environnementale remplacera, à compter du 1er mars 2017, les autorisations au titre de la loi sur l’eau, avec des délais d’instruction réduits à neuf mois, au lieu de douze à quinze mois actuellement.
Cette autorisation sera notamment applicable aux projets de retenues ou aux prélèvements d’eau au-delà d’un certain seuil. Elle remplacera l’ensemble des autorisations, déclarations et dérogations environnementales requises, et permettra une analyse de l’ensemble des impacts du projet.
Vous avez demandé une application plus stricte des directives européennes : il va sans dire que le Gouvernement compte également aller dans ce sens.
Concernant la clarification entre les cours d’eau et les fossés et leurs règles d’entretien, une instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 a demandé aux services déconcentrés de cartographier les cours d’eau, qui sont désormais définis dans le code de l’environnement. M. Alain Bertrand a signalé que, sur son territoire, ce processus était engagé ; je le remercie de ce témoignage.
Nous avons également précisé les bonnes pratiques en matière d’entretien. Je rappelle que l’entretien courant du cours d’eau et de ses berges – faucardage, élagage, enlèvement d’atterrissements ponctuels – peut être réalisé par le propriétaire riverain sans procédure préalable. En outre, l’entretien des fossés ne nécessite pas de procédure préalable particulière.
Comme l’ont rappelé MM. Bérit-Débat et Pointereau, en matière de politique de l’eau, seule une association de l’ensemble des acteurs permet d’atteindre l’efficacité.
Vous avez notamment souligné l’importance du rôle des agriculteurs dans la gestion de l’eau et vous proposez de développer des contrats avec les agriculteurs pour la prestation de services environnementaux. Pourquoi pas, mais cela devra se faire dans le respect de l’encadrement européen des aides d’État aux acteurs économiques et dans le cadre d’une démarche territoriale.
On peut constater que la politique de l’eau a une gouvernance adaptée aux différentes échelles pertinentes : au niveau national, avec le Comité national de l’eau, au niveau des bassins hydrographiques, avec les comités de bassin, au niveau des bassins versants, avec les commissions locales de l’eau.
Le débat parlementaire sur la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été l’occasion de faire évoluer la composition des comités de bassin. Je rappelle que les représentants des collectivités y ont conservé 40 % des sièges. De nombreux orateurs ont proposé de revoir cette composition. Mon avis sur ce point est extrêmement réservé. Il me semble qu’il convient maintenant de mettre en œuvre cette évolution de la composition des instances, sans y revenir sans cesse et sans affaiblir la place des collectivités dans les instances de bassin, aux côtés de l’État.
Sur un autre registre, M. Bérit-Débat a rappelé que la loi NOTRe a confié la gestion de l’eau et l’assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale. Il faut laisser le temps à cette réforme de se mettre en place et accompagner les communes, qui peuvent se sentir seules face à ce champ d’intervention. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons en mesurer pleinement l’efficacité.
La compétence GEMAPI a été attribuée au bloc communal. Ce dernier dispose toutefois de la possibilité de la transférer aux syndicats de rivière, avec les ressources financières affectées, afin de garantir une cohérence hydrographique. Le schéma retenu par le Gouvernement est donc cohérent avec les préconisations de la proposition de résolution.
Cette organisation doit permettre de limiter le morcellement de cette compétence et de faire émerger des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement. Les élus locaux y sont attachés. Étant moi-même élue d’une commune qui abrite les captages d’eau de son agglomération, je sais l’importance d’une gestion collective.
Monsieur Tandonnet, vous avez souligné la nécessité d’économiser l’eau. Il me semble que des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement, plus aptes à assurer une gestion durable du patrimoine, peuvent y contribuer, notamment en matière de prévention des fuites sur les réseaux.
Plusieurs intervenants ont appelé à soutenir financièrement les collectivités dans la lutte contre les fuites d’eau et l’amélioration de la connaissance des réseaux d’eau potable. Je rappelle qu’entre 100 millions et 200 millions d’euros ont été ou seront consacrés à cette fin par les agences de l’eau entre 2015 et 2017.
Vous l’aurez compris, nos collectivités sont au cœur des démarches territoriales à mener avec les agriculteurs pour la reconquête de la qualité de l’eau de 1 000 captages d’eau potable prioritaires. L’Agence française de la biodiversité, créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, apportera son aide, avec la mobilisation d’un centre de ressources qui permettra la diffusion d’exemples, d’outils et de méthodes pour accompagner les acteurs locaux.
En ce qui concerne les organismes uniques de gestion collective, l’eau est évidemment un facteur important pour l’agriculture, tout particulièrement dans un contexte de changement climatique qui va accroître la tension sur la ressource. Il importe donc de sécuriser le dispositif des organismes uniques de gestion collective. À ce titre, des consignes ont été données pour que leurs autorisations soient délivrées dès l’année dernière, afin qu’ils commencent à exercer leur mission.
Vous souhaitez renforcer la présence des acteurs et des professionnels au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion collective. Nous y sommes favorables par principe. Je rappelle simplement que ces organismes ont été institués au cas par cas, sur proposition des irrigants. Ce sont souvent les chambres d’agriculture qui exercent ces missions. Les organismes uniques de gestion collective peuvent d’eux-mêmes modifier leur gouvernance interne, dans la limite du maintien des conditions d’égalité et d’équité de traitement entre tous les irrigants.
Par ailleurs, une instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 a pour objet de permettre la création de retenues de substitution dans le cadre de projets de territoire partagés avec l’ensemble des acteurs concernés.
Au-delà de ces infrastructures artificielles qu’il nous faut continuer à construire, il ne faut pas oublier que la nature porte en elle-même des solutions : les zones humides permettent de stocker l’eau en période d’excédent, de favoriser la recharge des nappes et d’écrêter les crues ; leur préservation est essentielle.
L’accroissement de la ressource ne peut être le seul objectif en matière de gestion quantitative. Nous devons également travailler sur les impacts du réchauffement climatique, qui modifieront l’hydrologie et pourraient remettre en cause ces investissements assez rapidement. Les économies d’eau sont donc un levier essentiel, qui permettra de s’adapter à la rareté croissante de la ressource.
Je ne saurais achever mon propos sans parler de la politique de restauration de la continuité écologique, dont j’ai déjà eu l’occasion de débattre avec vous en octobre et en décembre. Je n’apporterai pas d’élément nouveau, car la position du Gouvernement est constante. L’objectif est de permettre la circulation des poissons migrateurs et des sédiments, tout en tenant compte des usages existants. Il n’est nullement question, je le redis, de faire table rase de tous les moulins de notre territoire !
L’effacement des seuils, solution économique et efficace sur le plan environnemental, est privilégié lorsqu’il ne remet pas en cause des usages, notamment la production hydroélectrique. Dans le cas contraire, d’autres mesures sont mises en œuvre, comme l’aménagement des seuils ou des règles de fonctionnement des ouvrages.
Dans l’ensemble de ces champs, les agences de l’eau apportent des soutiens financiers importants aux porteurs de projets : collectivités territoriales, agriculteurs, gestionnaires d’espaces naturels et particuliers. Je ne reviendrai pas sur la participation de ces agences au redressement des comptes de la Nation : nous en avons abondamment parlé lors de nos débats précédents. Je confirme simplement que, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement, 2017 sera la dernière année où un prélèvement sera opéré sur les budgets des agences de l’eau. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ça, c’est une bonne nouvelle !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d’État. Je rejoins M. Desessard : il convient d’encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans cet esprit, les agences de l’eau lancent des appels à projets en matière d’économies d’eau, pour permettre l’éclosion de démarches innovantes. La préservation et la restauration des zones humides sont là encore un enjeu essentiel.
Vous le voyez, monsieur Pointereau, le Gouvernement a entendu vos propositions. Certaines d’entre elles rejoignent nos intentions ; cela prouve que des convergences sont possibles… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) D’autres, notamment en matière de gouvernance, appellent en revanche de notre part d’extrêmes réserves, voire un avis défavorable. Au demeurant, comme j’ai tâché de vous le démontrer, une partie des mesures que vous préconisez ont déjà reçu une traduction concrète.
Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que la préservation de l’eau, ce bien commun de la Nation, passe par une politique publique complète associant planification concertée, incitation financière, action régalienne et subsidiarité territoriale. Telle est la traduction concrète du pragmatisme et du discernement que nous appelons tous de nos vœux ! Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE) ;
Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA), ayant pour objectifs de doter la France des outils permettant d’atteindre, en 2015, l’objectif de « bon état des eaux » fixé par la DCE, d’améliorer le service public de l’eau et de l’assainissement, d’organiser l’accès à l’eau pour tous avec une gestion plus transparente et de prendre en compte l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau ;
Vu le rapport d’information de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, intitulé « Gestion de l’eau : agir avec pragmatisme et discernement », n° 807, 2015/2016 ;
Conscient que l’eau est une ressource rare, qu’elle n’appartient à personne et est la propriété de tous ;
Considérant que le thermomètre normatif en matière de gestion l’eau change trop souvent alors que l’ensemble des acteurs, usagers, consommateurs, professionnels, agriculteurs, industriels, contribuables, associations et collectivités ont fait et font des efforts considérables pour atteindre les critères fixés par la directive cadre sur l’eau (DCE) et ceux de la loi Grenelle ;
Considérant que les ponctions aux budgets des Agences de l’eau au profit du budget de l’État font peser un réel danger sur l’investissement des collectivités et donc sur l’emploi local, et ne peut que pénaliser les collectivités dans leurs travaux d’investissements, mais également dans la réalisation des engagements européens ;
Observant le manque de concertation et de directives claires sur les décisions prises, d’une diffusion de diagnostics se fondant uniquement sur les points négatifs des ouvrages, sans jamais tenir compte des apports positifs éventuels des différents ouvrages, comme par exemple la stabilité de biodiversité qu’elle permet, ou encore le potentiel de production hydro-électrique, ou le maintien d’un niveau d’eau (avec une humidité des sols) dans les parcelles jouxtant les ouvrages ;
Observant que les aires d’alimentation des captages (AAC) manquent de moyens pour leur mise en œuvre, leur fonctionnement, mais aussi d’animation locale à même d’instaurer une dynamique vertueuse, en concertation agricole; constatant que les collectivités en charge de la mise en œuvre des aires alimentations, des actions pour lutter contre les pollutions manquent de moyens financiers ;
Considérant que la suppression de la taxe finançant le fonds de garantie du risque de développement lié à l’usage des boues en agriculture ou sylviculture risque de se traduire sur le terrain par la remise en cause les plans d’épandage, et donc par d’importantes difficultés pour certaines collectivités en ce qui concerne l’élimination de leurs boues d’épuration; Observant que la profession agricole considère que cette taxe, pour les territoires où les boues sont épandues en agriculture, est une garantie nécessaire à la pérennité de cette pratique, dont les coûts de mise en œuvre sont bien supérieurs aux autres filières d’élimination des boues ;
Considérant que 20 % de l’eau traitée et mise en distribution est perdue en raison des fuites dans les réseaux d’eau potable, ce qui représente une perte annuelle d’un milliard de mètres cube, que les causes de ces fuites peuvent être liées à la vétusté des installations et des canalisations, à une corrosion naturelle, aux évolutions et mouvements des sols ou encore à la pression élevée de l’eau dans les canalisations, que le coût de financement des réseaux d’assainissement, particulièrement dans les territoires ruraux, justifient des investissements très importants, difficilement réalisable par certaines collectivités ;
Considérant le dispositif de gestion collective de l’eau introduit par la LEMA, et notamment la création des organismes uniques de gestion collective (OUGC) dans les secteurs en tension quantitative ; observant que les OUGC ne peuvent pas refuser l’accès à l’eau à un agriculteur hors de la zone de répartition des eaux (ZRE), que les périmètres de consommation restreinte ne respectent pas nécessairement les ressources ;
Considérant qu’environ un quart du territoire métropolitain est aujourd’hui inscrit en zones de répartition des eaux (ZRE), c’est-à-dire dans des sous-bassins hydrographiques caractérisés par une insuffisance chronique de la quantité d’eau mobilisable au regard des besoins à satisfaire, que ces ZRE ne sont pas tous justifiées ;
Constatant une diminution des surfaces irriguées à cause de la complexité des autorisations de pompage et des difficultés liées à l’instruction des dossiers de demande de stockage d’eau pour l’agriculture; considérant que la ressource en eau pour l’agriculture doit redevenir une priorité et considérée comme une richesse en termes de diversification des cultures (obligation européenne) et une assurance pour les récoltes, notamment pour les semences ;
Considérant la réglementation française en matière de réutilisation des eaux usées (REUT) et sa complexification par l’arrêté du 25 juin 2014 fixant des prescriptions techniques particulières pour les systèmes d’irrigation et d’arrosage par aspersion ;
Considérant que, selon la classification des cours d’eau – ruisseau, rivière, canal ou simple fossé –, les possibilités d’entretien diffèrent, qu’une demande préalable à l’entretien doit être effectuée et acceptée par les services départementaux, que les procédures administratives ne sont pas toujours d’une rapidité suffisante, que le mauvais entretien des cours d’eau est pointé comme un facteur aggravant des inondations ;
Considérant que l’arasement systématique des seuils des moulins menace de développement de la petite hydroélectricité qui représente en France une filière industrielle importante dans le domaine de l’énergie ;
Constatant que la complexité des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ne permet pas aux acteurs de l’eau d’en comprendre les fondements et de définir les modalités pratiques de mise en œuvre; observant que certains de ces acteurs semblent être sous-représentés, comme les irrigants, les jeunes agriculteurs ou les propriétaires ruraux, au sein des instances de bassin ;
Considérant que le niveau intercommunal n’est pas le mieux adapté pour l’exercice de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI), pour des raisons financières et parce qu’il ne correspond pas à la notion de bassin versant ;
Affirme l’urgence de parvenir à une meilleure gestion qualitative et quantitative de la ressource en eau ;
En conséquence, invite le Gouvernement à engager les mesures suivantes.
Pour une meilleure gestion qualitative de l’eau :
Veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au strict respect des directives européennes et fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, afin de pouvoir mesurer les progrès réels effectués en matière de politique de l’eau ;
Interdire tout prélèvement par l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau, afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau et d’atteindre les objectifs de qualité de l’eau fixés au niveau européen; appliquer le principe de « l’eau paye l’eau » ;
Favoriser les solutions au cas par cas, acceptables économiquement et socialement, ainsi que la combinaison de différentes techniques pour restaurer la continuité écologique ; inscrire les modifications de seuils dans le cadre d’actions plus globales de restauration du milieu aquatique dans son ensemble ;
Mieux utiliser les moyens du fonds de garantie boues mis en place par la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ;
Renforcer les moyens financiers pour les collectivités locales dans la protection des captages, des réseaux d’assainissement et stations d’épurations.
Pour une meilleure gestion quantitative de l’eau :
Soutenir financièrement les collectivités pour lutter contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et mettre en place un plan d’action visant à acquérir une connaissance plus approfondie de ces réseaux, rechercher et réparer les fuites ou renouveler les conduites ;
Sécuriser juridiquement les organismes uniques de gestion collective (OUGC) en clarifiant les liens entre les OUGC et les irrigants ;
Renforcer la présence des acteurs et professionnels concernés au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion ;
Promouvoir le développement de contrats avec les agriculteurs pour effectuer des prestations de services environnementaux ;
Définir des plans d’action qui concilient protection de la qualité de l’eau et potentiel de production et qui prennent mieux en compte l’évaluation des risques (inondations, sécheresse, etc.) en favorisant par exemple des bassins d’écrêtement des crues ;
Favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiages ou lorsque la situation le permet ;
Favoriser les retenues de substitution et collinaires avec la possibilité de remplissage dès lors que les niveaux d’eau sont suffisants ou excédentaires en période de crue ;
Encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau ;
Réutiliser les captages d’eau potable abandonnés pour des usages non alimentaires (irrigation, arrosage public, etc.).
Pour une simplification des procédures et l’allégement des normes applicables à l’eau :
Simplifier les procédures de nettoyage des rivières et des fossés ;
Raccourcir les procédures et alléger les contraintes d’autorisation de pompage, et de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment les obligations en matière d’études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement ;
Raccourcir les délais d’instruction pour les dossiers de création de réserves en eau et les sécuriser juridiquement ;
Compléter l’article L. 214-17 du code de l’environnement, qui concerne les obligations relatives aux ouvrages, afin de préciser que le classement des cours d’eau en liste , c’est-à-dire dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, doit permettre de concilier le rétablissement de la continuité écologique avec les différents usages de l’eau, et en particulier le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ;
Agir avec pragmatisme et discernement pour un arasement non systématique des seuils et préserver le fonctionnement des moulins qui font partie du patrimoine national.
Pour une meilleure gouvernance et planification de l’eau :
Revoir le contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux en y intégrant notamment un volet prospectif sur l’anticipation au changement climatique et en les simplifiant ;
Rééquilibrer la composition des instances de bassin sur la base d’une répartition prévoyant un tiers de consommateurs et associations agréés par l’État, un tiers de collectivités et un tiers d’utilisateurs industriels et agricoles ;
Reconnaître les propriétaires ruraux comme des acteurs environnementaux ;
Attribuer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) à une collectivité correspondant davantage à un bassin versant (département ou syndicat de rivière) à condition de leur transférer les moyens financiers pour en assurer la mise en œuvre en lien étroit avec les agences de l’eau.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
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Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi
Débat organisé à la demande du groupe écologiste
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe écologiste, sur le thème « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi ».
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, oratrice du groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Marie-Christine Blandin, au nom du groupe écologiste. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le groupe écologiste a en effet demandé la tenue de ce débat sur l’économie circulaire pour faire suite à la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles. Rapporteur de cette mission, je tiens à remercier Jean-François Longeot, qui l’a présidée, et tous nos collègues qui y ont participé, pour l’adoption unanime de notre rapport et l’ambiance studieuse et conviviale de nos travaux.
Il faut dire que ce tout petit sujet nous révéla de grandes lacunes dans la prise en compte des enjeux associés à la quarantaine de composants précieux, pour certains toxiques et pour quelques-uns nommés « minerais de sang » par les ONG, parce qu’extraits en zone de conflit aux dépens des droits humains.
Nos auditions et déplacements ont révélé un devenir des téléphones obsolètes laissé au hasard des tiroirs des particuliers, au vrac des déchets électriques et électroniques, les DEEE, à la timide reprise par les opérateurs et vendeurs, suivie d’irresponsables ventes aux enchères descendantes de grands sacs mélangeant le jetable et le réparable, ce qui est très commode pour faire franchir illicitement les frontières aux déchets.
Nous avons visité, dans les Deux-Sèvres, les Ateliers du bocage, partenaires d’Emmaüs, qui diagnostiquent, vident de leurs données, évaluent et réparent les téléphones, revendant ce qui est fonctionnel et envoyant aux fonderies spécialisées le reste, matière recyclable. Nous avons visité également une de ces grandes entreprises industrielles d’où sortent des lingots : elle est établie non pas sur les friches de Metaleurop ou à Florange, mais près d’Anvers…
L’engagement des investisseurs, de l’État et des éco-organismes reste bien insuffisant pour financer la nécessaire recherche-développement en vue de construire des filières industrielles durables, comme l’hydrométallurgie.
Pourtant, les faits sont là. Mes chers collègues, écoutez bien les chiffres ! Il y a 100 millions de téléphones usagés dans les tiroirs des Français, et on en remet chaque année 24 millions sur le marché. Le recyclage de 3 millions de téléphones permet de créer 120 emplois. Il y a 200 grammes d’or dans une tonne de cartes téléphoniques, contre seulement 2 grammes dans une tonne de minerai exploitable extraite d’une mine d’or de haut rendement…
C’est pourquoi notre mission d’information appelle de ses vœux la mise en place d’une véritable stratégie par les ministères de l’écologie, de l’industrie et de la consommation en vue de créer des emplois dans la réparation, des emplois industriels, et de récupérer ces métaux précieux.
Les leviers d’action sur les fabricants sont faibles, en revanche. Ils s’ingénient à rendre les téléphones non réparables : la sanction, consistant à porter de 1 centime à 2 centimes le montant de leur écocontribution en cas de non-conformité, les fait bien rire…
M. Bruno Sido. En effet, c’est insuffisant !
Mme Marie-Christine Blandin. Entre incitation exacerbée à l’achat du dernier modèle et injonction à mettre à jour son smartphone, le consommateur dépense beaucoup, encrasse lui-même la mémoire de son appareil et devient perméable aux publicités en faveur du renouvellement, malgré les conseils avisés des Amis de la Terre ou de Halte à l’obsolescence programmée.
Plus généralement, détruire des morceaux de planète à la recherche de la matière, transformer celle-ci en en jetant les trois quarts et accumuler les déchets toxiques ou les jeter à la mer fut longtemps une pratique banale, adossée aux intérêts extractifs et au laisser-faire en matière de rejets. Nous n’avons d’ailleurs pas renoncé à ces pratiques suicidaires. La raréfaction des ressources, les volumes de déchets produits et notre dépendance à l’égard des pays producteurs ont renchéri nos approvisionnements et affecté le niveau de robustesse de notre développement. Dans son rapport de 2013 sur les emplois verts, l’Organisation internationale du travail souligne que les coûts économiques liés aux pollutions, à l’épuisement des ressources ou à l’érosion de la biodiversité se traduisent par des pertes d’emplois.
Pourquoi donc persistons-nous ? Ces explorations et exploitations sont soutenues économiquement par le renchérissement des énergies et des matériaux. Cette course aux ressources naturelles est également soutenue par le manque d’enthousiasme politique à s’engager réellement dans la transition écologique, qui nécessite une forte mobilisation de gisements de courage et de fermeté face à des lobbies bien enracinés. La politique fondée sur cette course, coûteuse pour l’intérêt général, l’environnement, la santé, le climat et l’emploi, est, certes, extrêmement rentable à court terme pour les actionnaires de certaines entreprises.
Enfin, l’« extractivisme » en marche est dopé par l’exploration de nouveaux territoires, terrestres ou marins, rendus accessibles par le dérèglement climatique ou grâce aux progrès technologiques permettant d’aller plus loin ou plus profond. Nous n’avons pas définitivement réglé le sort des gaz de schiste et de houille que déjà certains ont les yeux de Chimène pour les hydrates de méthane…
Cependant on commence à parler d’économie circulaire, cette économie qui récupère les déchets des uns pour en faire la matière première des autres, tente une symbiose avec les écosystèmes, s’adosse à un système économique et industriel sobre en carbone et en ressources naturelles pas ou peu renouvelables, en se fondant sur l’écoconception et l’analyse du cycle de vie.
À travers l’économie et l’optimisation des ressources, le réemploi et le recyclage, la durabilité des produits, c’est, bien sûr, la préservation des services écosystémiques que nous favoriserons – stockage de carbone, énergies nouvelles, épuration de l’air et de l’eau –, mais aussi la réduction de notre dépendance géopolitique, la préservation de gisements stratégiques, la baisse des coûts de réparation et la réduction des charges pour les entreprises et les collectivités territoriales, ainsi que la relocalisation et la création d’emplois.
L’économie circulaire emploie déjà 600 000 personnes en France. Une réduction substantielle de notre consommation de ressources naturelles permettrait de créer de 200 000 à 400 000 emplois supplémentaires, selon la Commission européenne.
Les écologistes ne confondent pas l’économie de la sobriété heureuse avec le toilettage d’un modèle économique classique qui se contenterait d’adosser le recyclage à un modèle de consommation effrénée avec obsolescence programmée. L’écoconception, le choix du durable plutôt que du jetable et celui du recyclage plutôt que de l’extraction sont des options politiques.
Les constats de la mission d’information sur les téléphones mobiles et les atermoiements autour de la mise à jour du code minier, dont l’Assemblée nationale a été saisie mais pas le Sénat, sont deux exemples parmi d’autres illustrant les difficultés qu’a la France à appréhender stratégiquement ce contexte de raréfaction des ressources. Ce que notre modeste travail a laissé voir est un tout petit exemple de ce que nous avons à entreprendre pour gérer autrement la matière que nous transformons.
L’économie circulaire, garante d’emploi durable et de bonne gestion des ressources et des écosystèmes, que nous ne bouleverserons pas, peut aussi contribuer à la lutte contre la délinquance organisée et la mafia, très liée aux trafics de déchets.
Le rapport d’Interpol est sans appel à cet égard : seulement 35 % des déchets électriques et électroniques empruntent les filières légales. Traiter une tonne de déchets coûte 10 euros en Roumanie, 100 euros en Italie. Comment, dès lors, s’étonner de l’immonde décharge de Glina, près de Bucarest, et des liens sulfureux sur lesquels enquête le procureur antimafia de Naples ? La corruption est toujours voisine de la mafia des déchets.
Comment ne pas comprendre pourquoi l’émission d’investigation Publicus sur la décharge Sharra de Tirana a été déprogrammée en Albanie ? En octobre dernier, la population albanaise descendait dans la rue pour protester contre la loi d’importation des déchets. Là aussi finissent vos téléphones…
Il serait injuste de ne citer que les autres, quand éclatait à Dunkerque, en 2005, le scandale des déchets naphtalinés hautement cancérigènes d’Arcelor, ré-étiquetés en prétendus carburants par l’entreprise qui devait les traiter, puis exportés, en encaissant la TIPP au passage…
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’économie circulaire n’est donc pas seulement la gestion des recyclables ; le recyclage est l’ultime maillon de la chaîne : économiser, écoconcevoir, réparer, réutiliser, puis recycler. Cette chaîne doit elle aussi se garder du travestissement en greenwashing.
M. Jean-François Husson. Verdissage, en français !
Mme Marie-Christine Blandin. Je n’ai pas employé le mot français, mon cher collègue, parce que, le greenwashing étant une malversation, il ne saurait être français ! (Sourires.)
Si en revanche elle est transparente et bien pensée, éthique et de bon sens, cette chaîne préserve notre milieu de vie, stimule l’emploi et l’innovation et contribue à la démocratie en tarissant le carburant des filières illicites et les corruptions qui les accompagnent. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Mireille Jouve et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Commeinhes, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Commeinhes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un monde confronté à la raréfaction des ressources, à l’augmentation de la population et à une crise économique prolongée, l’économie circulaire s’impose comme un nouveau modèle de développement et de croissance, par la création de produits, de services et de politiques publiques innovants.
Au cœur de l’économie circulaire se trouvent de nouvelles réponses aux problématiques économiques actuelles : en particulier, comment rendre possibles de nouveaux gains de productivité pour nos entreprises et relocaliser certains emplois ?
Nous ne parlons plus de destruction, mais nous nous recentrons sur la création de valeur à chaque étape, en repensant nos modes de consommation, la conception et la durée de vie des produits, en privilégiant l’usage sur la possession de biens, ainsi que la réutilisation et le recyclage des composants. C’est se préoccuper à la fois des matériaux et des modèles commerciaux.
Les territoires sont des terrains d’expérimentation privilégiés pour l’économie circulaire ; c’est sur cet aspect du sujet que je souhaite insister.
C’est dans la ville portuaire danoise de Kalundborg, au terme d’échanges informels entre industriels locaux, que serait apparu dans les années soixante ce que l’on peut qualifier de modèle de symbiose industrialo-environnementale, fondé sur une véritable chaîne de recyclage de déchets industriels et popularisé plus tard sous le nom de Kalundborg symbiosis.
Plus près de nous, je prendrai l’exemple de l’incinérateur de Sète, ville dont j’ai le bonheur d’être maire depuis 2001. Ce site s’est mué en unité de valorisation énergétique, ou UVE, avec la construction d’un premier réseau de distribution de vapeur surchauffée à un industriel voisin, producteur de soufre liquide pour la vulcanisation des pneus. Au prix de lourds travaux, un nouveau réseau de chaleur permet, depuis 2014, de valoriser la totalité de la chaleur produite par la combustion des ordures ménagères de l’agglomération, les recettes tirées de la vente de vapeur devant rentabiliser l’investissement en moins de cinq ans.
Nous mettons actuellement en place une synergie entre cette UVE et la future station d’épuration, alliant séchage des boues grâce à la chaleur, compostage et recyclage de l’eau traitée pour un usage industriel. De telles solutions innovantes sont source d’économies, dans le respect de l’environnement.
Dans le même esprit, la chambre de commerce et d’industrie de Midi-Pyrénées met en place le dispositif « Actif », suivant une démarche d’écologie industrielle et territoriale. En 2014, 100 entreprises régionales ont également été accompagnées par les chambres de commerce et d’industrie de Languedoc-Roussillon, dans le cadre d’une opération unique en France, pour réaliser un diagnostic énergétique personnalisé, en liaison avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
À Sète, c’est le recyclage de l’eau de mer qui permettra de chauffer le futur écoquartier d’entrée de ville et le centre balnéaire appelé à s’agrandir dans les années à venir. Ce système, appelé thalassothermie, permet une formidable mise en relation de l’urbanisme avec la configuration naturelle de la cité.
Je ne puis finir sans évoquer le recyclage des coquilles d’huîtres et de moules, emblématiques de mon territoire. Alors que les quelque 10 000 tonnes de coquilles issues de l’activité conchylicole du bassin de Thau finissaient, auparavant, dans l’étang, une collecte organisée et une unité de traitement ont vu le jour en 2000. Cette unité se charge d’« inerter » la matière organique, puis de broyer les coquilles pour en faire un matériau de granulométrie variable selon sa destination. Un des principaux débouchés est l’amendement calcique des terres agricoles, mais le broyat peut aussi servir de complément dans l’alimentation des volailles, entrer dans la fabrication de peintures de signalisation ou être employé pour le remblaiement de certains chemins.
On le voit, nos entreprises et nos territoires ne sont donc pas restés inertes, mais ces efforts ne sont pas encore à la hauteur des enjeux, ni à celle des atouts dont dispose la France, à commencer par ses matières premières cultivables et marines, lin et algues par exemple.
Si des alternatives à l’économie gaspilleuse ou linéaire ne sont pas très vite mises en œuvre, on risque d’aller au bout du bout de la ressource, qu’il s’agisse du sable coquillier ou de minéraux. Certaines impulsions politiques ont permis d’optimiser et de réduire notre impact sur l’environnement et ont déjà donné lieu à l’adoption par le Parlement de réglementations, dans le cadre de l’élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Dans mon département, le Livre blanc de la chambre de commerce et d’industrie de Montpellier sur les économies productives aborde la question de l’économie circulaire, en ciblant particulièrement l’écologie industrielle et territoriale.
Par ces quelques exemples d’initiatives locales, publiques ou privés, j’ai entendu montrer que l’économie circulaire est une réalité dont se saisissent de plus en plus d’acteurs, en faisant primer le bon sens sur l’idéologie, loin des grand-messes théoriques ou des études coûteuses. Cela témoigne de la vitalité des territoires et de l’inventivité de leurs habitants. À nous d’être précurseurs en matière d’économie circulaire, pour tirer nos territoires vers un nouvel avenir ! (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme des Nations unies pour l’environnement et bien d’autres organismes internationaux prévoient que, en raison du développement démographique et de la consommation de masse, le niveau de consommation des ressources naturelles deviendra inacceptable avant la moitié de ce siècle. Dans ce contexte, l’économie circulaire fait figure d’outil privilégié pour rompre avec notre manière actuelle de produire et de consommer.
Outre qu’elle doit permettre de réduire la consommation des ressources naturelles, l’économie circulaire serait également créatrice de nouvelles activités. Ainsi, selon d’éminents spécialistes, dont les auteurs de la note d’analyse de France Stratégie d’avril 2016, l’économie circulaire pourrait créer 800 000 emplois équivalents temps plein.
L’économie circulaire s’appuie sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’écologie industrielle et territoriale, l’économie de la fonctionnalité, qui privilégie l’usage à la possession, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage, le recyclage et l’écoconception.
J’ajoute que la question de l’utilisation responsable des ressources naturelles est évidemment liée à la question énergétique, à la question climatique et à la question de la biodiversité.
Trois difficultés méritent d’être soulevées : comment concilier massification des flux et réduction à la source ? Comment concilier massification des flux et principe de proximité ? Comment mieux prendre en compte la question sociale ?
La première question est celle de la réduction de la production de déchets, qui doit demeurer notre première priorité.
Depuis quelques décennies, nous posons un nouveau regard sur ces matières devenues « matières premières secondaires ». Nos tonnes de déchets sont désormais considérées comme des mines, des gisements de matières premières.
Ainsi, dans son rapport d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, Marie-Christine Blandin signale que, « sur 37 000 tonnes de cartes électroniques produites en France à l’état de déchets en 2012, le traitement de seulement 10 000 tonnes a conduit à une perte de valeur de 124 millions d’euros pour l’or, faute de recyclage. Obtenir par l’extraction minière une quantité d’or équivalente nécessitera 800 000 tonnes de minerai. »
Cet exemple, parmi tant d’autres, montre à quel point la réutilisation et le recyclage doivent être encore encouragés pour économiser les ressources naturelles.
Le bon déchet, c’est celui que l’on ne produit pas. Il nous faut donc renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée et développer l’écoconception par un effort de recherche et de développement, afin de diminuer le recours non seulement à l’enfouissement, mais aussi à l’incinération.
La deuxième question est celle de la proximité. En suivant les flux de déchets, on s’aperçoit que la massification et la recherche du coût le plus bas conduisent à exporter certains d’entre eux. Le traitement en France permettrait pourtant de limiter les transports, de contrôler les procédés en matière sanitaire et sociale et de favoriser la création d’emplois.
Sensible à cette question, le Sénat avait adopté, sur l’initiative de ma collègue Évelyne Didier, en remplacement de laquelle je prends la parole cet après-midi, un amendement visant à intégrer explicitement cet objectif de proximité dans la proposition de résolution européenne de nos collègues Michel Delebarre et Claude Kern sur la proposition de directive européenne dite « paquet déchets ».
La troisième question est la question sociale. À ce sujet, je souhaite évoquer deux cas bien différents, mais tous deux symboliques.
Notre groupe a reçu au Sénat des salariés du groupe Samsung venus de Corée du Sud. Cette délégation de salariés nous a indiqué que le groupe Samsung avait menacé, placé sous surveillance, séquestré et licencié des représentants du personnel, en particulier le secrétaire général du syndicat Samsung, reconnu prisonnier politique par Amnesty International en 2007. Ces salariés avaient dénoncé des conditions de travail effroyables et un développement des maladies professionnelles, non reconnues comme telles par Samsung. En 2016, 223 employés ont été atteints de maladies graves telles que des scléroses en plaques, des leucémies et divers cancers ; 76 sont aujourd’hui décédés. De plus, Samsung contourne les règles de sécurité en faisant travailler les ouvriers chez eux. Une salariée a ainsi témoigné qu’elle et sa jeune sœur, décédée depuis lors des suites d’une leucémie, ont dû travailler à la maison sur un poste à soudure au nickel, sans aucune protection. Il s’agit là de production manufacturière : on imagine ce qui peut se passer dans le traitement des déchets… Notre consommation est fondée sur l’exploitation éhontée de salariés, dans des mines comme dans des usines, loin de chez nous. Raison de plus pour faire autrement !
Le second cas que je voulais évoquer concerne le traitement des déchets électriques et électroniques, un gisement en progression très forte. L’emploi créé dans notre pays dans le secteur des déchets et dans le cadre de l’économie solidaire est souvent peu qualifié et concerne un public fragile. Il faut être plus vigilants sur la protection des salariés exposés à des produits hautement toxiques. En l’absence de contrôles effectifs sur place, sérieux et répétés, on s’expose à des problèmes sanitaires graves, d’où l’importance de la présence active des syndicats, qui peuvent à tout instant alerter les pouvoirs publics et qui ne sont pas, comme certains le pensent, des freins à l’activité économique.
L’économie circulaire est certainement un gisement très intéressant de matières premières et d’emploi, si elle se développe en proximité. Il faudra mettre en place des filières cohérentes, en liaison avec les régions, désormais chargées du développement économique, des plans régionaux pour les déchets et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chère Marie-Christine Blandin, mes chers collègues, à Jouques, dans les Bouches-du-Rhône, commune du pays aixois de 4 300 habitants, dont 140 chômeurs de longue durée, est expérimenté depuis novembre dernier, comme dans neuf autres communes de France, le dispositif « zéro chômeur de longue durée », qui favorise l’emploi en CDI de chômeurs de longue durée dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire financées par l’État et les collectivités territoriales et positionnées sur des activités non concurrentielles.
Le financement suit une logique d’activation des dépenses sociales en s’appuyant sur une évaluation globale du coût du chômage de longue durée. Comme l’explique Isabelle Loss, conseillère municipale de Jouques à l’initiative du projet, « on réinvente le rapport à l’emploi. C’est un emploi dans lequel on s’épanouit, dans lequel on est écouté et entendu et dans lequel on capitalise sur ce qu’on sait faire et ce qu’on aime faire ».
Si l’on évoque souvent ses bénéfices environnementaux, on sait moins que l’économie circulaire représente aussi un vivier d’emplois, qui « permettrait de relancer l’économie des régions en perte de vitesse en recréant de l’emploi et des activités locales », selon un rapport réalisé par l’Institut de l’économie circulaire. C’est ce que l’on observe dans la commune de Jouques, avec l’emploi de chômeurs de longue durée dans des domaines aussi divers que le tourisme, la ressourcerie et le débroussaillement.
Je remercie nos collègues du groupe écologiste d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.
Pourquoi la transition vers l’économie circulaire devient-elle aujourd’hui une priorité ? Parce que la logique du « prendre, fabriquer, utiliser et jeter », quasi omniprésente dans notre économie, ne peut perdurer. Parce que le modèle économique actuel, dit « linéaire », est jugé non soutenable, eu égard à la croissance démographique et au développement de la consommation sur le modèle des pays développés. Parce que, enfin, il n’est plus acceptable que des produits soient conçus pour devenir défaillants dès l’expiration de la période de garantie.
Il paraît donc temps de s’interroger sur un mode de production et de consommation circulaire, c’est-à-dire une économie qui permette de préserver la valeur des matières premières et des produits aussi longtemps que possible, une économie où l’utilisation des ressources et la production des déchets sont réduites au minimum, une économie qui facilite la réutilisation constante des composants des produits arrivés en fin de vie pour recréer de la valeur, une économie à la recherche de nouvelles sources de croissance économique, qui participent à la création de nouveaux emplois, bref, un système économique davantage fondé sur la frugalité, la limitation de la consommation et le recyclage des matériaux ou des services.
Les exemples concrets abondent et les projets débordent très souvent d’ingéniosité. « Plus de matières grises pour moins de matières premières », tel est le credo des architectes Julien Choppin et Nicola Delon, auteurs d’une petite construction en bois appelée « pavillon circulaire », qui trône sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Paris depuis la COP21 et a été réalisée grâce au réemploi de matériaux existants. Mieux, près d’Auxerre, une « Wagabox » collecte le biogaz issu d’un centre naturel d’enfouissement de déchets non dangereux, puis le traite, avant de le réinjecter dans le gaz de ville.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait ! C’est une première !
Mme Mireille Jouve. « On participe ainsi à l’économie circulaire en substituant au gaz naturel importé du gaz produit par des déchets locaux », résume l’ingénieur à l’origine de ce projet. Cette première mondiale, réalisée par d’anciens ingénieurs d’Air Liquide, est appelée à essaimer.
En France, mais aussi au niveau européen, la transition vers l’économie circulaire est encouragée à petits pas, avec la mise en place d’une réglementation plus contraignante et des incitations adaptées. Après un retrait controversé par la commission Juncker, le paquet européen « Économie circulaire » décline une série de mesures devant être discutées et précisées, pour un déploiement d’ici à 2019. Ces mesures ont d’ailleurs été renforcées par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen le mois dernier, notamment sur les objectifs concernant le recyclage et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Reste maintenant aux États membres à s’approprier ces mesures.
On peut souligner que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe déjà un objectif de recyclage de 70 % des produits de chantiers de construction routière d’ici à 2020 ou qu’une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat cible la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Toutefois, ces initiatives restent dispersées et, si elles s’avèrent bel et bien incitatives, leur aspect contraignant demeure, lui, encore relativement limité.
Comme l’indique Isabelle Delannoy, spécialiste du développement durable, il faut encourager une économie dite « symbiotique », c’est-à-dire réunissant les innovations économiques de ces dernières années, telles que l’économie circulaire, l’économie du partage, l’économie sociale et solidaire, etc. Cette économie symbiotique permettrait, selon elle, d’envisager un monde où nos activités ne détruiraient plus les écosystèmes, mais les régénéreraient, tout en répartissant plus équitablement les richesses.
En somme, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », pour reprendre une célèbre maxime du chimiste Antoine Lavoisier, plus que jamais d’actualité. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe de l’UDI-UC. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues du groupe écologiste, qui nous proposent un débat particulièrement intéressant sur un sujet tout à fait capital.
D'ailleurs, plusieurs rapports récents ont montré l’intérêt de promouvoir cette nouvelle économie, qu’il s’agisse de la note d’analyse de France Stratégie sur les emplois dans l’économie circulaire ou du rapport de l’Institut Montaigne, qui, en novembre dernier, a souligné la nécessité de favoriser la transition vers l’économie circulaire.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, publie également depuis longtemps des travaux approfondis et de grande qualité. Elle a d'ailleurs recommandé dernièrement d’intégrer l’économie circulaire dans la planification régionale et les démarches territoriales, en formulant des propositions concrètes et opérationnelles.
C’est dans le cadre de cette vaste réflexion que je souhaite que nos échanges d’aujourd’hui puissent, eux aussi, contribuer à définir quelques pistes prioritaires pour encourager le développement de cette économie dans les années qui viennent.
Nous le savons tous maintenant, les ressources naturelles de notre planète ne sont pas infinies. Nos prélèvements actuels dépassent même largement les biocapacités de la terre, c’est-à-dire la capacité à régénérer les ressources renouvelables, à fournir des ressources non renouvelables et à absorber les déchets.
Il est donc urgent de travailler à réduire notre impact environnemental et à modifier notre modèle actuel de production et de consommation économique en ce sens. Ce modèle, qui fonctionne depuis cent cinquante ans, est linéaire : il consiste à extraire, fabriquer, consommer, puis jeter. Il faut engager une démarche constructive en mettant en place un modèle plus dynamique, un nouveau modèle de création de valeur, positif aussi bien sur un plan économique que social et, bien sûr, environnemental.
Une meilleure efficience dans l’utilisation des ressources doit devenir synonyme de création de valeur.
C’est ce qu’ont compris les entreprises françaises, singulièrement les grands groupes, qui ont remis à Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, le 1er février dernier, un rapport intitulé « Trajectoires économie circulaire : 33 entreprises se mobilisent avec 100 engagements ». Il s’agit d’un engagement sur des actions concrètes, portant sur l’ensemble des leviers de l’économie circulaire.
L’engagement de ces groupes est d’autant plus important qu’il peut – et doit – avoir des effets d’entraînement sur leurs fournisseurs, leurs clients et leurs partenaires. J’espère, en outre, que la dimension des groupes permettra à ces propositions d’avoir une influence au-delà de nos frontières.
Nous devons saluer et encourager cette dynamique, qui, de surcroît, s’appuie sur de nouvelles modalités en termes de dialogue et de transparence, puisque ces entreprises ont décidé de soumettre leurs engagements et leurs actions au regard de spécialistes de l’économie circulaire, à savoir l’ADEME et l’association WWF.
Il nous reviendra de tirer les enseignements de cette démarche et de voir comment l’étendre et l’adapter à d’autres acteurs de notre pays.
La transition vers l’économie circulaire était également l’un des objets de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, au travers de son titre IV.
Je me permets de souligner que le Sénat a introduit dans cette loi une disposition majeure, dont tout le monde se félicite aujourd’hui : le principe d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, qu’il a fait figurer en exergue du code de l’environnement, ce qui était une première européenne.
Nous avons également ajouté, à l’article 69, un rapport quinquennal sur la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, incluant un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activité. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, dix-huit mois après la promulgation de la loi, nous n’avons toujours pas eu communication de ce rapport. (M. Jean Desessard s’exclame.) Vous nous expliquerez certainement les raisons de ce retard et indiquerez peut-être même la date où nous l’aurons.
Que représente le secteur de l’économie circulaire aujourd'hui dans notre pays ?
Selon France Stratégie, le volume d’emplois concernés pourrait s’élever à environ 800 000 équivalents temps plein, soit plus de 3 % de l’emploi général. Ces emplois se répartissent entre deux grands secteurs.
Premièrement, la réparation-location représente 200 000 emplois, notamment dans l’automobile. On assiste aujourd'hui à une transformation des modes de déplacement : l’usage est préféré à la possession. Le secteur de la vente d’occasion et de la revente d’équipements déjà utilisés est également en très forte progression. Tous ces métiers ont pour effet d’accroître la durée d’usage des biens, tout en limitant les matières en circulation.
Deuxièmement, les éco-activités, dominées par les secteurs de l’eau et des déchets, constituent l’autre gisement d’emplois. L’assainissement de l’eau et le traitement des déchets représentent, à eux seuls, plus de 320 000 emplois, suivis des métiers dans le domaine de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables et de la réhabilitation des sols, notamment dans le cadre de l’agriculture biologique, un secteur en plein développement.
Il faut noter que ces secteurs sont plus créateurs d’emplois que les secteurs industriels classiques. Il faut donc les encourager. Il faut également encourager la formation à ces métiers, d'autant que ces derniers sont relativement peu délocalisables. C’est la raison pour laquelle il nous faut progresser dans le déploiement de ces nouvelles filières, par exemple dans le traitement des déchets.
En France, seulement 60 % des déchets produits par les activités économiques et les ménages sont valorisés, soit par recyclage, soit par incinération-récupération d’énergie. Ce ratio est, certes, supérieur à la moyenne européenne, mais il reste très en deçà de ce que l’on observe en Allemagne ou au Danemark.
De plus, 30 % des déchets municipaux sont tout simplement mis en décharge ou incinérés sans valorisation énergétique. À lui seul, ce chiffre montre qu’il existe encore de vraies marges de progression, et nous devons les combler.
Pour ce faire, il faut mobiliser les collectivités, inciter les citoyens à améliorer leurs gestes de tri, ce qui passe par des campagnes d’information régulières. Par exemple, il faut expliquer qu’une tonne de papier recyclé permet d’économiser 19 arbres ou qu’une tonne de plastique recyclé permet d’économiser 5 barils de pétrole. Les déchets des entreprises et des administrations doivent être mieux valorisés.
Le soutien aux filières de production d’énergies renouvelables à partir d’eaux usées et de déchets serait lui aussi intéressant et utile, en termes à la fois économiques et d’emplois et dans le but d’accélérer la transition énergétique. Ces filières devront être fermement soutenues par la France dans le cadre de la négociation sur le paquet Économie circulaire.
Pour terminer, je voudrais insister sur le fait que l’économie circulaire constitue un levier important pour contribuer à lutter contre le réchauffement climatique. Valoriser les déchets pour les transformer en nouvelles ressources limite fortement les prélèvements de ressources naturelles, les consommations d’énergie, donc les rejets de carbone. Par exemple, lorsque l’on produit une bouteille en plastique à partir de plastique recyclé, on économise 70 % de CO2 par rapport à une production à partir de plastique neuf. Le meilleur moyen d’aller dans cette voie est de mettre enfin en place une politique ambitieuse en matière de taxation du carbone. Cette politique doit être menée a minima au niveau européen et idéalement, bien sûr, au niveau mondial.
Nous devons faire en sorte que l’économie circulaire devienne un schéma « gagnant-gagnant » : gagnant au niveau environnemental, mais aussi gagnant pour l’emploi et l’économie de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais placer mon argumentation sous le sceau du bon sens, du pragmatisme et du discernement.
M. Bruno Sido. Nous aussi !
M. Jean Desessard. Nous n’avons qu’une planète et sommes de plus en plus nombreux. Nous avons donc intérêt à ne pas créer de lieux inhabitables à cause de la pollution des rejets, comme des extractions.
Le soleil et les écosystèmes travaillent pour nous, produisent de la nourriture, renouvellent les sols, l’air et l’eau. Nous avons donc intérêt à favoriser leur bon fonctionnement, plutôt qu’à l’enrayer.
L’heureux mariage de la nature et de la culture, la rencontre fertile de la biodiversité et du travail paysan nous ont nourris et abrités. Les retombées créatives de l’innovation nous ont habillés, chauffés, soignés, cultivés, mais ont aussi, au cours des derniers siècles, accéléré la production d’alliages, d’objets, de constructions, d’infrastructures, demandant toujours plus de sable, plus de métaux, plus d’énergie. On produit, on consomme, on emballe, on jette… On fabrique même du « jetable tout de suite » !
Nous voici arrivés à un point où, au lieu de vivre des dividendes de la planète, nous croquons le capital et le dilapidons chaque année plus vite.
Des chercheurs ont calculé le « jour du dépassement », date à laquelle l’humanité a consommé ce qui est renouvelable en un an. Chaque année, ce jour arrive plus tôt : en 2016, c’était le 8 août. Après cette date, on vit à crédit, et on n’est pas solvable.
L’économie circulaire participe du développement durable en ce qu’elle rallonge la durée de vie des matières. Cela demande de penser la production, non seulement du berceau au cercueil, mais aussi du berceau d’un objet au berceau d’un autre. Alors, les ordures ménagères cessent de polluer la mer ou de partir en fumées de dioxines : elles font rouler nos bus au méthane et font pousser nos légumes sur compost. Des plastiques nous rhabillent de « polaires ». Et l’or des cartes téléphoniques évite que nous ne massacrions le cœur de la Guyane pour enrichir des multinationales. Dans cette logique, certaines matières, comme le mercure ou les autres substances visées par la directive RoHS, à l’instar du plomb ou du chrome hexavalent, deviennent personæ non gratæ, car elles font plus de dégâts qu’elles ne rendent de services.
Mais, pour que ces images d’Épinal deviennent réalité, il faut beaucoup de volonté politique et beaucoup d’innovations techniques : l’écoconception ne s’improvise pas.
La responsabilité de l’origine des matières premières, le démontage, la réparation, le recyclage des éléments doivent être pensés dès le départ. Ce ne fut pas le cas du nucléaire, et le casse-tête de ses déchets…
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean Desessard. … comme celui du démantèlement montrent bien que l’on a fait décoller l’avion sans prévoir de piste d’atterrissage.
M. Bruno Sido. C’est embêtant ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. L’économie circulaire nous conduit à nous interroger sur la finalité de la mise sur le marché des produits : par exemple, l’obsolescence programmée est incompatible avec l’économie circulaire. Dans le cas des téléphones, il est scandaleux que les fabricants rendent les batteries inamovibles, ce qui ne permet ni de les réparer ni de les réutiliser.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Dans certains cas, cela ne permet même pas de les recycler si l’on ne trouve pas d’alternatives aux plastiques bromés, dont on ne sait pas gérer la toxicité en bout de chaîne.
M. Roland Courteau. C’est également vrai !
M. Jean Desessard. Il faudrait donc, à vos côtés, madame la secrétaire d'État, le secrétaire d'État chargé de la recherche ou celui qui est chargé de l’industrie !
Il faut aussi réfléchir au partage de la valeur de l’objet recyclé tout au long de sa vie. Selon un rapport de McKinsey, réalisé pour la fondation Ellen MacArthur, l’économie circulaire permettrait aux entreprises d’économiser annuellement plus de 240 milliards de dollars en Europe, par réduction des achats de matière première. À vos côtés, madame la secrétaire d'État, il faudrait donc aussi un représentant de Bercy !
Enfin, nous savons que des règles communes européennes font le poids face aux constructeurs et aux mises en décharge : c’est le 13 mars prochain que commencera, à Strasbourg, l’arbitrage sur le paquet de directives relatives à l’économie circulaire. Contre la timidité de la Commission européenne et pour soutenir les exigences du Parlement européen, il faudrait près de vous, madame la secrétaire d'État, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ! Par là même, je veux montrer ici que vous les représentez tous… (Sourires.)
En revanche, les écologistes tiennent à préciser que l’économie circulaire n’équivaut pas à disséminer des poussières contaminées dans de la bonne terre arable, car la chaîne alimentaire a vite fait de tout reconcentrer et, in fine, les polluants se retrouvent dans nos assiettes. L’économie circulaire, ce n’est pas non plus fondre les aciers de faible radioactivité des vieilles centrales nucléaires pour en faire des casseroles, pas plus qu’il ne s’agit d’incorporer les boues rouges dans les remblais du BTP pour les répandre sous les routes, au risque de contaminer les nappes phréatiques.
Il ne suffit pas de rédiger un préambule pour décrocher son brevet d’économie circulaire. Celle-ci constitue une démarche complexe et exigeante. C’est aussi – et c’est ce qui nous motive – une démarche innovante et enthousiasmante. En ces temps de mutations inquiétantes et de perspectives assombries, dessiner un futur à vivre n’est pas un luxe.
Se dire que l’on peut cesser de mettre en tension des pays pauvres à l’autre bout du monde, en leur prenant leur lithium, leur uranium ou leur tantale, peut rendre espoir à la jeunesse. Se dire que l’on peut à la fois créer de l’emploi et cesser d’encrasser la planète est un beau programme, recyclable par tous, à condition d’y mettre de la sincérité et de la rigueur.
Enfin, en tant que président du groupe écologiste, je voudrais remercier Mme Marie-Christine Blandin de nous avoir soumis ce projet de débat. Je me réjouis de la qualité des interventions qui ont déjà eu lieu et je ne doute pas de celle des interventions à venir.
Pour nous, écologistes, voir que l’écologie est partagée est un pur bonheur ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. Bruno Sido. Votre bonheur est visible ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui – j’espère que M. Desessard se réjouira aussi de mon intervention ! (Sourires.) – d’un enjeu devenu essentiel, dont le concept est certes récent, mais qui est désormais inéluctablement en marche : l’économie circulaire.
Si le concept est récent, il est précisément défini par le ministère de l’environnement comme un système économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire des biens et des services, tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit effectivement de déployer une nouvelle économie, circulaire – en opposition à l’économie linéaire –, qui s’appuie sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie.
Ce concept, qui a été introduit dans les années quatre-vingt-dix par les économistes de l’environnement Pearce et Turner, consiste en la prise de conscience, par l’homme, de la finitude de nos ressources et des impacts environnementaux de notre société de consommation.
En effet, depuis la révolution industrielle, qui a profondément bouleversé notre modèle économique, nous avions mis en place un système linéaire, basé sur l’extraction des ressources, la fabrication, la production, la consommation et les déchets, avec, pour conséquences, l’accumulation progressive et non négligeable de ceux-ci, mais aussi la pollution de l’eau, de l’air et des sols. Surtout, nous avons organisé l’épuisement inéluctable de nos ressources naturelles.
Nous sommes arrivés à un stade où il est de notre responsabilité de tirer la sonnette d’alarme.
Alors que l’économie mondiale utilisait 24 milliards de tonnes de ressources en 1970, elle en a consommé 68 milliards en 2009. Nous avons donc pratiquement triplé leur exploitation. Face à ce constat inquiétant, force est d’admettre que notre société doit aussi, parallèlement, relever plusieurs défis.
Le premier est celui de la hausse de la démographie. Nous sommes actuellement 7,4 milliards d’individus sur la planète. D’après les estimations, nous serons près de 10 milliards en 2050, ce qui est considérable. Le risque d’épuisement accru des ressources dû à cette augmentation de la population est de plus en plus prégnant.
Le deuxième défi est celui de la finitude des ressources.
Le troisième défi est l’impact environnemental qu’entraîne le système économique linéaire.
Le lien entre la consommation et l’épuisement des ressources est donc irréfutable. En conséquence, il était devenu nécessaire, mais aussi responsable, de réfléchir à une solution à ces problèmes inscrivant l’objectif prioritaire d’une croissance économique durable. Telle est l’essence même du concept d’économie circulaire.
Ainsi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte consacre son titre IV à la lutte contre les gaspillages et à la promotion de l’économie circulaire. Elle prévoit notamment la mise en place d’une stratégie nationale de transition vers cette nouvelle démarche. Et, pour la première fois, cette notion est inscrite dans le code de l’environnement.
Contrairement au système linéaire auquel je faisais référence, cette économie d’un type nouveau précise clairement ses principes : utiliser les ressources le plus durablement possible, les économiser, en intégrant le recyclage, l’écoconception ou encore le remanufacturing.
Ce concept s’appuie principalement sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’écoconception, l’écologie industrielle et territoriale, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage et le recyclage.
Il ne s’agit donc pas, contrairement à ce que nous pourrions parfois penser, d’une démarche axée uniquement sur la thématique des déchets, bien que ceux-ci constituent une préoccupation réelle lorsque l’on sait que, chaque année, un citoyen européen produit 444 kilos de déchets domestiques.
La COP 21, à Paris, puis la COP 22, à Marrakech, nous ont permis de comprendre que le modèle de croissance actuel n’est plus soutenable et que nous devons prendre collectivement conscience de cette réalité.
Toutefois, si nous souhaitons atteindre les objectifs des accords de Paris, il devient nécessaire d’adapter en urgence notre modèle de production, de transformation et de consommation à la réalité de l’augmentation exponentielle de cette dernière sur la planète et, ainsi, d’accélérer la transition vers le nouveau modèle d’économie circulaire à toutes les échelles de notre territoire, lequel doit être perçu comme un système permettant la poursuite de la production sans pour autant appauvrir les gisements de réserves naturelles, qui, eux, sont épuisables.
Ces dernières années, nous avons constaté que les collectivités se sont engagées, elles aussi, dans des démarches d’écologie industrielle et territoriale, s’inscrivant ainsi pleinement dans cette stratégie.
Les entreprises ont également un rôle essentiel à jouer dans cette démarche. En effet, si elles représentent manifestement une grande partie du problème, elles n’en sont pas moins aussi une grande partie de la solution. C’est la raison pour laquelle il est urgent de sensibiliser les acteurs économiques d’un même territoire et de les inciter à mettre en commun des ressources, afin d’économiser celles-ci, d’éviter le gaspillage et, en conséquence, d’améliorer la productivité.
Ce concept peut aussi bien s’appliquer dans le domaine des infrastructures d’équipements, comme les outils de production, que dans le secteur des services ou encore dans la gestion collective des déchets.
Au reste, le concept d’économie circulaire a un impact sociétal incontestable, car celle-ci peut créer de nombreux emplois, en particulier dans le secteur des entreprises spécialisées dans les éco-activités.
En effet, on estime que, en France, le secteur de la gestion des déchets peut représenter plus de 135 000 emplois, tandis que, en Europe, ce secteur ainsi que celui du recyclage représentaient déjà, en 2005, entre 1,2 million et 1,5 million d’emplois. L’économie circulaire est donc créatrice de richesses et d’emplois sur l’ensemble du territoire, notamment d’emplois locaux, non délocalisables, à l’instar de ceux qui relèvent du domaine de l’économie sociale et solidaire.
L’impact environnemental de l’économie circulaire pour les entreprises et les collectivités territoriales est donc démontré. Mais les consommateurs sont aussi concernés et doivent être des acteurs essentiels dans le développement de cette nouvelle forme d’économie. Ils doivent prendre conscience des enjeux environnementaux, car, s’il y va du devenir de la planète, il y va aussi de celui des hommes qui la peuplent. Et celui-ci ne peut se concevoir que dans la remise en cause du modèle de production et de consommation qui a prévalu jusqu’alors. C’est la raison pour laquelle l’économie circulaire incite aussi à l’innovation et à la collaboration, tant de la part des acteurs publics que des acteurs économiques.
Préserver notre planète et l’avenir des générations futures, dans la perspective d’une croissance économique durable, tel est l’objectif du concept d’économie circulaire.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, dresser un bilan des expériences menées ou abouties sur le territoire en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’occasion m’est aujourd’hui donnée de prendre la parole, au nom du groupe Les Républicains, sur le sujet de l’économie circulaire et de sa capacité à agir comme gisement de matières premières et d’emplois.
L’économie circulaire relève du bon sens. Nous devons y voir une mécanique vertueuse en faveur d’une nouvelle croissance.
La question de l’épuisement de nos ressources naturelles et la solution de l’économie circulaire ne sont pas des nouveautés. En avril 1974, déjà, le professeur René Dumont, dans un contexte électoral, évoquait ces ressources précieuses et s’inquiétait que celles-ci ne viennent à manquer dès la fin du siècle si nous ne changions pas notre relation à la nature. De nombreux rapports internationaux, comme le rapport Meadows, en 1972, et le rapport Brundtland, en 1987, ont participé à cette réflexion internationale sur l’émergence d’un nouveau modèle économique, dans lequel la production, la consommation et la réutilisation des biens et services forment une boucle.
L’idée d’une circularité de l’économie, fondée sur des circuits courts et le réemploi des matériaux a, depuis lors, fait son chemin, nous invitant à repenser notre rapport au monde qui nous entoure.
Au cours des deux dernières décennies, la question de l’économie circulaire a été posée à de nombreuses reprises dans l’espace public français.
En 2007, à l’occasion du Grenelle de l’environnement, impulsé par le gouvernement de François Fillon, avait été posée une première définition de l’économie circulaire, définie comme une politique de réduction et de recyclage des déchets, et plus généralement une politique d’utilisation plus efficace des ressources à notre disposition. Moins consommer et mieux consommer, ce sont les deux idées au fondement de la politique de l’économie circulaire.
En tant que président du groupe d’études Gestion des déchets du Sénat, j’en mesure, chaque jour, l’importance et la pertinence, mais aussi la nécessaire adaptation à la réalité du terrain.
En 2013, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a présenté une structuration de l’économie circulaire, qui résume bien ses enjeux à la fois politiques et techniques.
Cette structuration s’organise autour de quatre piliers : l’approvisionnement durable, c’est-à-dire l’exploitation raisonnée des ressources naturelles ; l’écoconception, à savoir l’ensemble des démarches de diminution de la quantité de matière utilisée, d’allongement de la durée de vie et de réemploi ; l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire un mode d’organisation interbasé sur des échanges de flux optimisés et une mutualisation des besoins ; l’économie de la fonctionnalité, enfin, à savoir le choix de privilégier l’usage à la possession.
Ces quatre piliers concourent à notre objectif de transition écologique et énergétique, avec le développement d’activités moins polluantes et d’une économie plus verte.
Avec 345 millions de tonnes de déchets produits annuellement en France, et seulement 17 millions de tonnes de matériaux recyclés utilisés, notre pays a encore beaucoup à accomplir dans ce domaine, mais ses efforts quotidiens méritent d’être salués.
En août 2015, la notion d’économie circulaire a été définitivement inscrite dans notre droit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec, pour objectif, de « dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ».
L’engagement de la Commission européenne en faveur d’un paquet Économie circulaire, datant de décembre 2015, nous sert aujourd’hui de référentiel sur cette question.
Avec des objectifs ambitieux, comme la mise en œuvre de normes sur l’écoconception, la mise en place d’une législation relative au gaspillage alimentaire, le déploiement d’une initiative de soutien à l’innovation et l’investissement dans l’économie circulaire au sein du programme Horizon 2020 et de nouveaux objectifs de gestion des déchets à l’horizon de 2030, l’Union européenne est aujourd’hui un moteur de notre action en faveur de l’économie circulaire.
Le développement de cette économie constitue aussi une opportunité formidable sur le plan de la création d’activités et d’emplois pour nos territoires.
L’ambition de l’économie circulaire de réévaluer notre consommation de ressources naturelles impliquera des réallocations sectorielles de l’emploi entre les activités dites « intensives en matières » et les activités dites « économes en matières ».
Il est de notre devoir de nous assurer que ces changements en termes d’emploi ne délaissent personne, qu’ils proposent à chacun un accompagnement professionnel, c’est-à-dire une reconversion vers un secteur d’activité en développement. La formation, initiale et professionnelle, aux métiers de l’économie circulaire et du développement durable doit intégrer cette évolution.
L’économie circulaire concourt déjà à l’emploi en France, mais elle pourrait prendre une place décisive dans la nouvelle amorce d’une croissance durable.
D’après une note d’analyse de France Stratégie datant d’avril 2016, qui a été évoquée par M. Hervé Maurey, l’économie circulaire représente aujourd’hui 800 000 emplois en équivalent temps plein, soit 3 % de l’emploi global en France.
Près de la moitié de ces emplois sont des éco-activités, c’est-à-dire des productions de biens et de services permettant de mesurer, prévenir, limiter ou corriger les impacts environnementaux. L’assainissement de l’eau et des déchets représente environ 40 % de ces éco-activités.
À mesure que nous agissons, toutes ces activités devraient se démultiplier, avec des créations d’emplois non délocalisables à la clef. Elles appelleront donc une vigilance accrue de la part des pouvoirs publics.
Pour une autre moitié, les emplois de l’économie circulaire touchent à la réparation, la location et le marché de l’occasion. Ces métiers assurent effectivement la prolongation de la durée de vie des produits et services. Sont concernées des filières professionnelles en pleine croissance, comme les filières à responsabilité élargie du producteur, dites REP, les réseaux de proximité que constituent les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, ou encore la filière des innovations numériques.
Quant au secteur de la réparation, il représente, à lui seul, pas moins de 200 000 emplois équivalents temps plein, soit un quart des métiers de l’économie circulaire.
Aujourd'hui plus que jamais, nos territoires sont des acteurs de premier plan des politiques d’animation et de soutien des initiatives d’économie circulaire.
En conclusion, le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire est un processus bien entamé, dans le respect des engagements de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Cette dynamique de préservation de l’environnement est bonne pour l’emploi. Elle engendre des créations d’activité sur un spectre de filières professionnelles allant de la collecte et du recyclage des déchets à l’entretien et la réparation des équipements techniques.
Il nous reste à savoir comment encourager son développement.
Permettez-moi d’attirer brièvement votre attention, mes chers collègues, sur quelques pistes : la mise au point d’une fiscalité incitative, notamment lorsque le coût des matières premières n’invite pas au recyclage des matériaux, l’accélération du soutien public et privé aux démarches de recherche et de développement, au travers d’une orientation des crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou encore une meilleure association des éco-organismes aux démarches de soutien à ce secteur.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Didier Mandelli. Nous avons tendance à oublier la formidable capacité de l’homme à s’adapter aux évolutions de son environnement. Je le déplore, car je vois dans cette capacité d’adaptation les raisons d’être optimiste quant à la mise en place rapide d’un nouveau modèle économique, qui serait tout simplement… une économie circulaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter, en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires, ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en son article 70, a ainsi défini l’économie circulaire, et l’a fait entrer pour la première fois dans notre droit.
L’économie capitaliste intensive, bâtie sur le cycle linéaire « extraction, production, consommation, rejet », n’est en effet plus soutenable.
Il n’est pas nécessaire de s’étendre longuement sur le diagnostic de l’épuisement de nos ressources, de l’augmentation des pollutions diverses issues du modèle de production dominant et des conséquences néfastes qui affectent l’environnement, la biodiversité et le climat. Nous le connaissons, et nous le partageons.
Toutefois, il demeure souvent utile de faire un détour et de rappeler ce point : cette économie fondée sur l’émission d’externalités négatives est source d’injustice, puisqu’elle conduit essentiellement à une privatisation des profits et à une diffusion communément subie des conséquences sanitaires et environnementales. Les coûts induits de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, des émissions de gaz à effet de serre et des atteintes multiples à la biodiversité, occasionnés par l’agriculture intensive, la surexploitation des ressources halieutiques ou forestières, la production d’énergie carbonée sont ainsi partagés par toute la société.
L’économie circulaire propose une sortie de ce cycle, en vue d’un retour à un cycle plus fermé, minimisant la consommation de ressources et les rejets associés par l’optimisation de l’utilisation des matières premières, l’augmentation de la durée de vie des produits et la limitation des pertes induites en ressources. Cette évolution doit conduire à découpler la consommation des ressources et l’émission de rejets et d’externalités du volume d’activité économique.
La transition vers une économie circulaire implique des réallocations sectorielles entre les activités intensives en matières et celles qui contribuent à les économiser. Cela concerne l’approvisionnement durable, l’écoconception des produits, les progrès de la productivité matière et de l’efficacité énergétique, l’utilisation d’énergies ou de matériaux renouvelables moins polluants, l’agriculture biologique et l’agro-écologie plus économes en sols, les technologies environnementales réduisant les risques de pollution.
Plus simplement, la sobriété se retrouve également dans la réparation des produits, l’extension de leur cycle de vie par le recours à l’occasion, le partage et la location, qui diminuent le nombre de biens à produire.
Le développement de l’économie du partage facilite cette évolution de l’économie et est aujourd’hui fortement créateur d’emplois.
L’« ubérisation » de l’économie constitue d’ores et déjà un fort gisement d’emplois, mais il est indispensable d’aborder pleinement, et au plus vite, les problématiques qui en découlent en termes de qualité d’emplois. Celles-ci relèvent, en effet, de la précarisation accélérée des jeunes générations et de la polarisation exponentielle des ressources au bénéfice de quelques plateformes détentrices de rentes de situation.
Dans sa note d’analyse d’avril 2016, France Stratégie souligne que la production moyenne de déchets par habitant est supérieure à la moyenne des pays de l’Union européenne et qu’une marge de progression importante existe pour aboutir à un taux plus important de valorisation par le recyclage de la matière et la récupération d’énergie.
Au sein de notre système mondial d’échanges, de plus en plus intégré et productif, notamment depuis les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, avec la montée en puissance du marché unique européen et des accords commerciaux impulsés par l’Organisation mondiale du commerce, le secteur secondaire de notre économie, comme celui de plusieurs pays dits « développés », souffre de nombreuses pertes d’emploi, qui ne sont qu’en partie compensées par un accroissement du secteur tertiaire.
Dans ce contexte, le recours aux circuits courts est à même de redynamiser notre économie affectée par les délocalisations, de constituer un gisement d’emplois et de requalifications. De plus, le moindre recours aux importations que suppose la relocalisation de la production de biens conduit à une réduction induite des émissions de gaz à effet de serre et autres polluants.
Depuis 2012, le Gouvernement a souhaité accélérer l’engagement du pays dans la voie de l’excellence environnementale et de l’économie circulaire, via des initiatives telles que l’appel à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage » ou le lancement d’un nouveau programme de prévention des déchets pour la période 2014-2020, prévoyant la mise en place d’actions concrètes pour réduire notre production de déchets et promouvoir leur réemploi et leur recyclage.
Surtout, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été une occasion réussie d’introduire de nombreux objectifs et dispositifs à l’horizon de dix ans. La réduction de 10 % des déchets ménagers et assimilés, la lutte contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs, l’augmentation de la part de déchets valorisés ou la réduction de 50 % des quantités de produits manufacturés non recyclables avant 2020 sont autant d’objectifs à même d’encourager le développement de l’économie circulaire en France.
La réduction du recours aux sacs et emballages en plastique, le renforcement du principe de proximité et d’autosuffisance en matière de gestion des déchets ou la mise en place d’incitations financières par les éco-organismes pour la prévention des déchets et leur gestion à proximité des lieux de production sont parmi les mesures concrètes qui complètent ce train d’objectifs.
C’est là une avancée significative, qui devra nécessairement être amplifiée par les futurs gouvernements et parlementaires de la législature à venir.
Aussi, mes chers collègues, je vous remercie les uns et les autres pour le travail que nous avons su mener, ici, ensemble, tout en rappelant, bien sûr, qu’il reste encore beaucoup à faire sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Jean-François Husson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier nos collègues du groupe écologiste d’avoir pris l’initiative de ce débat. Je fais effectivement partie de ceux qui voient dans l’économie circulaire un « gisement de matières premières et d’emplois ».
Le concept d’économie circulaire naît de l’idée selon laquelle un déchet convenablement traité peut redevenir une ressource, formant ainsi une boucle dans la chaîne de production et de consommation.
Le dérèglement climatique, le ralentissement économique et la réforme des territoires créent un contexte dans lequel notre pays doit convertir son industrie en faveur de la croissance, de l’emploi, de la préservation et de la valorisation des ressources. Il va donc falloir changer notre logiciel, et passer d’une économie dite « linéaire » à une économie circulaire.
Pour cela, nous devons déployer une approche plus globale, impliquant l’ensemble de la société, du producteur au consommateur.
Nous devons également, et dans le même temps, faire preuve de sobriété, lutter contre le gaspillage ou les gaspillages, concevoir tous les déchets comme autant de ressources potentielles – en clair, en faire des produits.
Il s’agit en fait de promouvoir le développement de l’économie de la fonctionnalité, comme cela a été dit, c'est-à-dire un modèle privilégiant la fourniture d’un usage, plutôt que la vente d’un bien. Chacun, à son échelle et à son niveau, devra d’ailleurs assumer ses responsabilités, en étant attentif tout au long de la chaîne de production ou de consommation à la rareté de la ressource et à la nécessité de rechercher, en permanence, de la création de valeur.
Zéro déchet, zéro gaspillage. Il nous faut réintroduire du bon sens, mais également oublier certains classiques. Il me semble que ces orientations nous offriront un important effet de levier en termes de croissance et, j’y insiste, d’emplois.
Nous nous trouvons à un tournant, mes chers collègues, où il nous faut réconcilier l’économie et l’écologie, en faire des alliées, et non des ennemies. La consommation de ressources naturelles limitées ne peut plus être la seule source de croissance économique. C’est ce que nous rappelle Christian de Perthuis lorsqu’il écrit que, au-delà du recyclage et de la réutilisation des matériaux, le problème est de « nous assurer que nos comportements, en termes de production et de consommation, sont compatibles avec les fonctions régulatrices naturelles qui constituent le véritable capital naturel ». Dès lors, « le véritable enjeu de l’économie circulaire est celui de remettre nos cycles de production et de consommation en phase avec ces fonctions régulatrices naturelles, […] reconstruire une économie qui utilise ces cycles naturels comme de véritables facteurs de production ».
Vous le devinez, le vivier d’emplois se situe donc dans l’innovation technologique et la recherche. C’est la raison pour laquelle, me semble-t-il, il serait judicieux de rendre l’économie circulaire éligible aux programmes d’investissements d’avenir, les fameux PIA.
Un État converti à l’économie circulaire sera effectivement moins tributaire des ressources naturelles dont, d’ailleurs, il ne dispose pas forcément. Dans le même temps, il sera plus indépendant. Choisir des matières premières aux externalités négatives limitées libère du temps et de l’énergie. C’est donc source d’économies pour les acteurs publics.
Toutefois, il faut le reconnaître, on risque aussi de voir certains emplois disparaître du fait de l’innovation et d’une reconfiguration des chaînes de valeur. Cette évolution est inévitable. Mais – et ce n’est pas contradictoire –, les études font état d’un apport grandement positif de l’économie circulaire pour l’économie française, avec quelque 800 000 nouveaux emplois créés.
Permettez-moi de citer rapidement quelques exemples.
Je salue tout d’abord la création de l’Institut de l’économie circulaire en 2013 et le travail réalisé depuis lors par cet organisme. Je salue ensuite la remise, par l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, d’un document dévoilant 100 engagements d’une trentaine d’entreprises en faveur de l’économie circulaire. Je salue enfin l’ensemble des avancées apportées au travers de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec, notamment, des objectifs concernant la valorisation et le recyclage des déchets.
Malgré cela, les matières recyclées ne sont pas aujourd'hui assez compétitives face aux matières vierges. Il faut donc prendre certaines mesures, parmi lesquelles je citerai : la mise en place d’un prix du carbone suffisant pour permettre d’accélérer la transition vers les technologies « bas carbone » ; un travail sur une TVA à taux réduit pour les matériaux issus du recyclage ; le développement des mécanismes amortissant les fluctuations des cours de matières premières pour encourager l’industrie du recyclage ; le soutien à la création de plateformes d’économie circulaire entre industriels pour développer le dialogue et les synergies.
La Commission européenne vient de rappeler son intention de voir « définitivement adopté en 2017 » son plan d’actions en faveur de l’économie circulaire. L’objectif est d’atteindre, d’ici à 2030, un taux de recyclage de 65 % des déchets municipaux et de 75 % des déchets d’emballage, alors qu’aujourd'hui seuls 40 % des déchets des ménages européens sont recyclés.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-François Husson. J’en arrive à ma conclusion, madame la présidente.
La France doit donc engager, avec force, vigueur, audace et vitalité, sa conversion en faveur d’une écologie au service de l’économie et de l’emploi, pour un avenir dans une sobriété heureuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’organisation de ce débat.
Celui-ci illustre une réalité dont chacun doit être conscient : il n’y aura pas de transition écologique possible sans transition vers l’économie circulaire. C’est bien pourquoi la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a consacré un chapitre entier à ce sujet. Cette prise de conscience a permis de très importantes avancées, la France ayant pour ambition, ainsi, d’être pionnière en la matière, au niveau tant européen que mondial.
Mme Jouve et M. Mandelli ont mentionné le plan d’action européen sur l’économie circulaire proposé le 2 décembre 2015, qui comporte de nombreux travaux à engager entre 2016 et 2018. Grâce à la loi précitée, la France dispose d’un temps d’avance. Elle peut être proactive et force de proposition.
Parce qu’elle permet des réductions substantielles des émissions de gaz à effet de serre, l’économie circulaire représente un enjeu essentiel pour l’environnement. À titre d’exemple, 3,2 millions de tonnes d’emballages sont recyclés en France chaque année, ce qui évite l’émission de 2,1 millions de tonnes de gaz à effet de serre.
Les économies sont aussi conséquentes sur le plan des matières. On estime ainsi que le volet portant sur l’économie circulaire dans la loi de transition énergétique permettra d’éviter, à partir de 2025, le gaspillage de 8,6 millions de tonnes de matières et de 4 200 gigawattheures d’énergie chaque année.
L’économie circulaire représente également un enjeu en termes de développement économique, car elle crée des emplois pérennes et non délocalisables.
Je confirme le chiffre avancé par Mme Blandin, ce sont déjà 545 000 emplois qui sont mobilisés. Les dispositions concernant la gestion des déchets dans la loi de transition énergétique permettront, à elles seules, de créer au moins 10 000 emplois pérennes supplémentaires.
Les économies de matières, quant à elles, améliorent de manière significative notre balance commerciale.
Cette ambition de rendre la France pionnière dans le domaine de l’économie circulaire a trouvé son illustration dans la discussion parlementaire sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle mobilise fortement nos territoires : l’appel à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage », lancé par Ségolène Royal, et que Nicole Bonnefoy a mentionné dans son propos, rassemble désormais 153 territoires pionniers, couvrant plus de 30 millions d’habitants.
Les initiatives des industriels ont été mentionnées notamment par M. Maurey et Mme Tocqueville. Les ministères de l’environnement et de l’industrie les soutiennent fortement, avec, par exemple, la signature d’engagements pour la croissance verte. Les secteurs industriels s’engagent ainsi à mettre en œuvre des actions d’économie circulaire, avec l’accompagnement de l’État. Ségolène Royal a organisé, le 1er février dernier, une cérémonie de signatures de cette nature, associant, notamment, les entreprises de l’AFEP.
À l’attention de M. Husson, je confirme que le PIA est un outil essentiel. En 2016, les dépenses ont atteint 98 millions d'euros, pour 66 projets aidés.
Ce qui est en jeu, de nombreux orateurs l’ont relevé, c’est une véritable révolution copernicienne. Nous passons d’un modèle économique linéaire, qui consistait à extraire, produire, consommer et jeter, à un modèle d’économie intégrant l’ensemble du cycle de vie des produits : depuis leur production écoconçue jusqu’à la gestion des déchets en résultant, en passant par leur phase de consommation.
L’objectif consiste à « boucler la boucle », en réutilisant ou recyclant un maximum de matières.
Cela suppose de nombreuses mesures très opérationnelles. J’en rappellerai quelques-unes, parmi les plus emblématiques, tout en soulignant que, à la fin de l’année 2016, l’ensemble des textes d’application du titre « Économie circulaire » de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ont été adoptés, soit 14 décrets – l’ensemble du dispositif est donc pleinement opérationnel.
La disposition la plus symbolique, peut-être, est l’interdiction progressive des sacs plastiques à usage unique.
La loi organise cette avancée en deux étapes : le remplacement des sacs de caisse par des sacs réutilisables, devenu une réalité dès le 1er juillet 2016, puis, à partir du 1er janvier 2017, le remplacement des autres sacs, notamment les sacs « fruits et légumes », par des sacs en papier ou des sacs compostables en compostage domestique et biosourcés, garantis par une norme spécifique.
Il est facile de constater opérationnellement la mise en place de cette mesure dans les magasins. Je parlais d’emplois : elle doit permettre d’en créer environ 3 000 dans le secteur de la plasturgie, en réorientant la production française vers des sacs compostables.
Nous nous attaquons ainsi à un important enjeu environnemental. Les déchets plastiques sont, de loin, les plus répandus dans l’environnement marin, où ils représentent entre 60 % et 80 % des déchets. On estime qu’il y a actuellement environ 5 000 milliards de particules plastiques qui flottent à la surface des mers. Ces déchets ont un fort impact sur la biodiversité marine : plus de 600 espèces marines sont impactées. Cette pollution coûte 13 milliards de dollars par an, selon le programme des Nations unies pour l’environnement.
C’est pourquoi la France est allée plus loin : la loi prévoit aussi l’interdiction des sacs oxo-fragmentables et la suppression des assiettes et gobelets jetables en plastique à partir du 1er janvier 2020.
Pour être complète, je rappelle que la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, que j’ai fait adopter, a prévu l’interdiction des microbilles de plastique dans les cosmétiques et des cotons-tiges en plastique à compter du 1er janvier 2020. Je profite de ce débat pour indiquer que le décret concrétisant cette mesure sera publié dans les jours à venir et saluer le rôle du Sénat sur ce sujet, puisque cette mesure a été introduite par un amendement sénatorial.
Cet engagement résolu dans la lutte contre les déchets plastiques s’est prolongé au niveau international.
Avec Ségolène Royal, nous avons demandé à la Commission européenne de nous emboîter le pas. La ministre a lancé, lors de la COP22, une coalition internationale pour la lutte contre les sacs plastiques et les pollutions marines, déjà rejointe par de nombreux pays. J’ai moi-même porté cette initiative lors de la treizième conférence des parties à la convention internationale sur la diversité biologique, en décembre dernier, ce qui a permis à d’autres pays de nous rejoindre à cette occasion. La conférence Méditerranée, qui se tiendra demain et après-demain, offrira une nouvelle occasion d’avancer sur ce sujet.
Plus généralement, la loi de transition énergétique prévoit des objectifs structurants, qui orientent la France sur une trajectoire vertueuse. Ainsi, la loi inclut un objectif de réduction de 30 % du ratio entre le produit intérieur brut et la consommation de ressources d’ici à 2030. Il s’agit véritablement de découpler la croissance de la consommation de ressources.
En réponse à une interrogation formulée par M. Maurey, j’indique que la loi a prévu la mise en place d’une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, qui doit être proposée tous les cinq ans par le Gouvernement. Nous envisageons de construire cette stratégie en deux parties.
La première sera particulièrement consacrée à la prévention et la gestion des déchets. Elle a fait l’objet d’une proposition formelle auprès du Conseil national des déchets le 6 décembre 2016, sur le fondement, notamment, des avancées de la loi. Le résultat en a été la publication, à la fin du mois de janvier dernier, de la brochure intitulée « Plan de réduction et de valorisation des déchets 2025 », qui constitue une première contribution à la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire.
Par ailleurs – ce point était particulièrement cher, je le sais, à votre collègue Chantal Jouanno, qui avait insisté pour qu’il soit explicitement introduit dans la loi –, nous devons élaborer un plan de programmation des ressources. Des travaux ont été engagés en ce sens, depuis 2016, par le Commissariat général au développement durable du ministère.
La discussion, associant les parties prenantes, s’est focalisée autour des thèmes clés identifiés comme les plus importants : plan de mobilisation de la biomasse, ressources minérales et métaux stratégiques, lutte contre l’artificialisation des sols. Ce plan doit être finalisé dans les semaines à venir. Il me semble important qu’il fasse l’objet d’une transmission au Parlement et d’une discussion avec les parlementaires.
Reconnaissons-le, il n’existe pas à ce jour de véritable structure de concertation nationale concernant l’économie circulaire.
Le Conseil national des déchets est, certes, prévu réglementairement, mais son champ d’intervention reste limité au thème des déchets dans ses missions et dans sa composition. Le Conseil national de la transition écologique est légitime sur tous les sujets, dont l’économie circulaire, mais il ne s’est pas réellement saisi de cette question précise.
C’est pourquoi le Gouvernement souhaite qu’une réflexion soit engagée sur ce thème : le Conseil national des déchets devra s’en saisir lors de sa prochaine rencontre. Les orientations données par les parlementaires sur ce sujet seront naturellement utiles à ce débat.
Un autre objectif essentiel est la diminution de moitié de la mise en décharge d’ici à 2025. Cela implique d’améliorer la prévention des déchets et d’augmenter fortement le recyclage. Une part encore trop importante de déchets qui pourraient être valorisés restent pour l’instant incinérés ou mis en décharge. Le premier chantier doit donc consister à améliorer le tri des déchets pour permettre leur valorisation.
Ce point est également lié à l’importance du développement du recyclage de proximité, à la fois pour minimiser les impacts environnementaux et développer des emplois locaux. À ce titre, je salue le travail de votre collègue Évelyne Didier, ayant permis l’intégration, dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d’une définition du principe de proximité, consensuelle entre tous les acteurs.
Un chantier essentiel est la mise en place progressive de l’extension des consignes de tri pour les particuliers à tous les emballages en plastique d’ici à 2022.
La loi, dans ce cadre, prévoit également la généralisation du tri à la source des biodéchets. Cela signifie que, d’ici à 2025, toutes les collectivités devront proposer à leurs ménages des solutions pour trier leurs déchets de cuisine et leurs déchets verts. C’est une évolution d’ampleur pour les collectivités, et je me réjouis que nombre d’entre elles aient déjà engagé ces démarches. C’est notamment le cas parmi les collectivités lauréates de l’appel à projets « territoires zéro déchet, zéro gaspillage ». Je pense également aux collectivités du réseau Compost plus, mais aussi à la Ville de Paris, qui lance actuellement une expérimentation de tri à la source des biodéchets dans certains arrondissements.
Enfin, la loi prévoit que toutes les entreprises et administrations devront désormais trier leurs déchets pour les orienter vers le recyclage. C’est, là encore, un défi important, mais aussi une source d’économies, de ressources et de développement de l’emploi.
L’enjeu de l’amélioration du tri est particulièrement important s’agissant des professionnels du BTP. Ce dernier est le plus gros producteur de déchets, et il lui reste d’importantes marges de progrès. La loi prévoit donc le développement d’un réseau de déchetteries professionnelles accueillant les déchets du BTP.
À cette fin, elle confie aux distributeurs de matériaux de construction la responsabilité d’organiser la reprise des déchets du BTP. Certains distributeurs pratiquaient déjà cette reprise à titre volontaire et en tiraient des revenus complémentaires, en plus d’offrir un nouveau service à leurs clients. Toutefois, d’autres professionnels du secteur du BTP se sont opposés à cette réforme et ont engagé un contentieux.
Je me réjouis que le Conseil constitutionnel ait récemment confirmé la validité de cette mesure structurante, et je souhaite que les professionnels concernés s’engagent dans l’application de celle-ci sans tarder.
Par ailleurs, MM. Commeinhes et Mandelli ont souligné l’importance de l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire l’organisation d’échanges de matière et d’énergie à l’échelle d’une zone industrielle par lesquels les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Je confirme l’importance de ce sujet : la loi elle-même affirme la nécessité de développer de telles synergies. En outre, le ministère de l’environnement et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, soutiennent les initiatives des collectivités en ce sens.
Pour que ces différentes réformes puissent aboutir, il est important que l’ensemble des parties prenantes reçoivent des signaux économiques cohérents et incitatifs. Le Gouvernement a donc mis en place à la fin de l’année 2016, dans le cadre de la loi de finances rectificative, une réforme de la taxe sur la mise en décharge et l’incinération. La loi prévoit maintenant que ces taxes vont être progressivement augmentées d’ici à 2025, afin d’inciter les acteurs à s’orienter davantage vers le recyclage.
De la même manière, il est important que les citoyens qui trient se voient récompensés de leurs efforts. C’est pourquoi la loi de transition énergétique tend à développer la tarification incitative. Ce système permet à la collectivité d’adapter le prix que paye chaque citoyen pour la gestion de ses déchets, en fonction des quantités de déchets que celui-ci produit.
Dans les collectivités qui l’ont déjà mis en place, lesquelles représentent près de 5 millions d’habitants, ce dispositif s’avère particulièrement efficace : il permet à la collectivité d’améliorer fortement ses performances de tri et de recyclage, et donc de diminuer le coût total de la gestion des déchets. La loi prévoit que cette tarification incitative concernera 15 millions d’habitants en 2020 et 25 millions en 2025.
Outre ces évolutions importantes dans le domaine de la gestion des déchets, la grande nouveauté de la loi de transition énergétique est d’adopter une approche intégratrice sur l’ensemble du cycle de vie des produits. Ainsi, la loi prévoit des mesures importantes portant sur l’amont, l’écoconception des produits et leur réutilisation, comme l’a souligné Mme Bonnefoy.
Parmi ces mesures importantes, je citerai l’obligation pour les professionnels de la réparation automobile de proposer aux consommateurs qui le souhaitent d’avoir recours à des pièces de rechange issues de l’économie circulaire. Ce dispositif permet de renforcer fortement le marché des pièces issues de la déconstruction des véhicules hors d’usage dans les centres agréés et ainsi de renforcer les professions de la déconstruction et de la réparation automobiles. Il me semble important de noter que les activités liées à la réparation sont les plus pourvoyeuses d’emplois – 275 000 au total – parmi les métiers de l’économie circulaire. Ce sont des emplois locaux et non délocalisables, souvent liés à l’économie sociale et solidaire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. De la même manière, la loi prévoit la mise en place d’une filière de déconstruction des bateaux de plaisance, à l’image de ce qui existe depuis longtemps sur les véhicules hors d’usage. À la suite de la parution du décret organisant cette filière, le cahier des charges des éco-organismes va paraître très prochainement. Cela permettra d’apporter des réponses concrètes aux détenteurs de bateaux hors d’usage et aux collectivités qui se retrouvent souvent submergées par des bateaux abandonnés. Cela permettra aussi de créer une filière industrielle et un savoir-faire français dans ce domaine, et ainsi de créer de nombreux emplois. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Avec la loi de transition énergétique, mais également avec une loi dédiée portée avec Guillaume Garot en février 2016, notre majorité a mis en place une série de mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire. La plus emblématique concerne l’obligation pour les distributeurs de produits alimentaires de proposer des conventions de don de leurs invendus encore consommables à des associations caritatives. Cette mesure est maintenant une source d’inspiration pour plusieurs autres pays européens.
En conclusion, je dirai un mot sur la durée de vie des produits.
Je confirme à M. Desessard, qui a notamment abordé ce sujet essentiel, que l’économie circulaire est un sujet éminemment transversal. Cela est particulièrement important dans un contexte où le Sénat a publié voilà quelques semaines, comme vous l’avez relevé, un rapport visant à alerter sur la durée de vie des téléphones portables. À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail de la sénatrice Marie-Christine Blandin qui, avec son groupe, a pris l’initiative de ce débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Madame la sénatrice, les chiffres que vous rappelez dans votre propos sont édifiants et appellent, à l’évidence, un renforcement de notre arsenal.
De manière générale, je vous rejoins sur l’importance de ce sujet, en raison à la fois de son caractère symbolique pour tous les citoyens – aujourd’hui, une très grande partie de la population est équipée de smartphones ou de téléphones portables et constate leur durée de vie très limitée –, et de son importance environnementale : ces appareils contiennent en effet de grandes quantités de métaux rares ou stratégiques, dont l’approvisionnement peut être source de tensions entre les pays et de pollutions environnementales. Il est effectivement surprenant que l’on nous demande actuellement d’ouvrir de nouvelles mines d’or en Guyane, alors que les téléphones portables et les cartes téléphoniques qui se trouvent dans nos poubelles ou dorment dans nos placards en contiennent de très fortes quantités ! (M. Joël Labbé opine.)
La loi de transition énergétique définit, pour la première fois au monde, un cadre législatif à la notion d’obsolescence programmée. De telles pratiques, consistant à concevoir délibérément un produit de manière à réduire sa durée de vie, sont maintenant clairement définies par la loi, et deviennent un délit condamnable pénalement. (M. Jean Desessard s’exclame.)
L’allongement de la durée de vie des produits doit aussi passer par d’autres mesures.
La loi prévoit notamment l’expérimentation de l’affichage en magasin de la durée de vie prévisionnelle des produits. Une telle expérimentation est en cours de préparation par les services du ministère de l’environnement.
Plus généralement, le rapport du Sénat pointe l’importance de plusieurs actions à l’instar de la structuration de la filière de collecte et de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. À ce sujet, la loi de transition énergétique a prévu l’obligation, pour tous les opérateurs de traitement des déchets issus des équipements électriques et électroniques, d’être en contrat avec un éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs, ou REP, concernée.
Cette mesure est importante, car elle permettra de limiter très fortement la filière illégale de traitement de ces déchets, qui aboutit souvent à des exportations illégales vers des pays d’Afrique, d’Asie ou autres, afin de récupérer les métaux stratégiques de ces déchets. Cette mesure permettra aussi d’augmenter la transparence de cette filière.
Le renforcement des modulations des écocontributions de la filière REP, pour donner des bonus aux producteurs améliorant l’écoconception de leurs équipements électriques est un point important. Nous rejoignons les conclusions du rapport : si la modulation est déjà une réalité, elle doit être accentuée et approfondie, en particulier s’agissant de la durée de vie des produits.
Je citerai également la mise en place opérationnelle d’un dispositif de sanctions à l’encontre des producteurs de téléphones portables et, plus généralement, d’équipements électriques et électroniques ne respectant pas le cadre réglementaire. Ce dispositif de sanctions a été renforcé par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages afin de prévoir des amendes dissuasives pour les producteurs n’adhérant pas à un éco-organisme, ne pratiquant pas la reprise « un pour un » des déchets en magasin ou ne respectant pas les réglementations concernant l’export de déchets.
Enfin, la question de l’opportunité d’augmenter les durées de garantie des produits de deux ans à cinq ans, voire dix ans pour certaines catégories de produits, a clairement été posée dans la loi de transition énergétique. Aux termes de la loi, le Gouvernement doit transmettre au Parlement un rapport sur ce sujet. Ce dernier est en cours de concertation interministérielle et sera publié très prochainement.
J’ai bien noté que le Sénat a lui-même proposé, lors de ses récents travaux, un passage de deux à quatre ans pour les téléphones portables, rejoignant ainsi les revendications de certaines associations environnementales. En tout état de cause, il semble important que de tels débats puissent être organisés à une échelle européenne, pour maximiser leur effet et éviter les distorsions de concurrence entre fabricants et distributeurs au sein des différents États membres.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Le rapport gouvernemental prévoira également d’autres pistes d’action, largement convergentes ou inspirées du rapport du Sénat.
La première consiste à renforcer la garantie légale de conformité en faisant obligatoirement figurer en toutes lettres sur la facture d’achat d’un produit une mention selon laquelle l’achat du produit s’accompagne d’une garantie légale de conformité de deux ans.
La deuxième vise à encourager la réparation des biens, en donnant la priorité à la réparation du bien, au lieu de procéder à un échange standard dans le cas d’un défaut de conformité : le ministère de l’environnement souhaite proposer une évolution de la directive européenne affirmant cette priorité à la réparation.
La troisième tend à renforcer l’affichage de la disponibilité des pièces détachées, y compris l’absence de garantie de disponibilité des pièces détachées, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Je conclurai sur ce point en réagissant aux propos de M. Bosino concernant l’importance des syndicats dans le repérage des difficultés que rencontrent les travailleurs dans la réparation ou le recyclage des équipements électriques, avec l’exemple édifiant de Samsung.
Je partage votre point de vue, monsieur le sénateur, car il est essentiel de veiller aux bonnes conditions de travail et de s’assurer que le dialogue social permettra de repérer les éventuelles difficultés. Ce point rejoint, du reste, la question des lanceurs d’alerte chère à Mme Blandin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat n’est pas une fin : il s’inscrit dans une réflexion qui ne demandera qu’à s’enrichir de nouvelles pratiques, de nouvelles expériences, mais aussi de nouvelles ambitions et de nouveaux défis. Le débat, lui aussi, doit devenir circulaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. On tourne en rond ! (Sourires.)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Permettez-moi de reprendre, pour conclure, quelques expressions prononcées aujourd’hui, qui me paraissent frappées au coin du bon sens : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » – nous revenons aux fondamentaux – ; « faire primer le bon sens sur l’idéologie » – nous sommes tous d’accord –, « plus de matière grise pour moins de matières premières. » Tout est dit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi. »
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de permettre à chacun de rejoindre la salle Clemenceau, où va se dérouler le débat sur le bilan de l’application des lois.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, en salle Clemenceau, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
9
Débat sur le bilan de l’application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l’application des lois (rapport d’information n° 396).
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, notre séance plénière se tient dans la salle Clemenceau. Je rappelle que le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat avait proposé, sur l’initiative de ses deux rapporteurs, Roger Karoutchi et Alain Richard, de recourir plus souvent à cette possibilité. Nous ne l’utilisons pas assez souvent ; il en sera peut-être autrement dans quelques semaines.
Nous sommes réunis pour effectuer le bilan de l’application des lois, qui prend cette année une forme un peu particulière, puisqu’il portera sur l’ensemble du quinquennat, plus exactement sur 47 lois qui ont été considérées par les commissions comme les plus significatives. C’est un moment essentiel, dans la mesure où, comme vous le savez, le Sénat attache une importance particulière au contrôle de l’application des lois, qui constitue depuis 1972 une spécificité de notre assemblée.
Sur la suggestion d’Alain Richard, la conférence des présidents a prévu cette année une organisation plus interactive de la discussion, afin que le dialogue s’engage, monsieur le secrétaire d’État, de manière dynamique et constructive sur les points essentiels que soulèveront les présidents de commission et les orateurs des groupes. Vous pourrez réagir immédiatement pour une durée équivalente.
Avec votre autorisation, je tiens à saluer l’attention portée par Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, à la publication dans les meilleurs délais des nombreux textes d’application. Cette séance est souvent l’occasion d’adresser des reproches, mais je dis les choses telles qu’elles sont, monsieur le secrétaire d'État ! M. le secrétaire général du Gouvernement a été entendu le 24 janvier dernier par le président Claude Bérit-Débat, en présence des présidents de commission ou de leurs représentants.
Sans plus attendre, je donne la parole pour dix minutes à M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Je le remercie pour la qualité de son rapport d’information sur le bilan de l’application des lois du quinquennat au 31 décembre 2016.
M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la séance publique de cet après-midi va nous permettre de faire le point sur l’application des lois. Je tiens à vous remercier de votre présence, monsieur le secrétaire d’État.
Ce rendez-vous annuel vise cette année un objectif bien précis. Il est, en effet, question ici non pas seulement de débattre, comme à l’accoutumée, de l’application des lois à l’aune des chiffres de la session parlementaire précédente ou de la législature en cours – cet exercice viendra dans les mois à venir –, mais également de faire un focus sur l’application des lois considérées comme significatives par les commissions permanentes et promulguées au cours du quinquennat qui touche à sa fin.
Tous les chiffres relatifs à ces lois significatives figurent dans mon rapport d’information écrit. Aussi me contenterai-je d’en récapituler les points essentiels.
Ces données, je vous le rappelle, ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes, dont je salue la qualité, et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du secrétariat général du Gouvernement.
Comme en 2015 et 2016, dans le cadre du contrôle annuel de l’application des lois, nous avons eu l’honneur d’auditionner M. le secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume, le 24 janvier dernier, comme vient de le préciser M. le président.
Au vu de ces informations et des spécificités méthodologiques inhérentes à cet exercice un peu particulier, quatre points semblent devoir être soulignés.
Tout d’abord, les sept commissions permanentes ont sélectionné 47 lois considérées comme significatives et dont le détail est fourni au sein du rapport. Les dispositions cumulées nécessitent près de 1 600 mesures d’application de toute nature. À l’exception de deux textes, le choix des commissions s’est porté sur des lois d’origine gouvernementale.
La taille des lois sélectionnées est variée. Alors que certaines illustrent bien le phénomène souvent décrit selon lequel les textes législatifs sont de plus en plus volumineux, d’autres lois significatives sont, à l’inverse, de taille plus modeste, mais revêtent néanmoins une portée politique forte, justifiant leur entrée dans notre champ d’étude.
La loi la plus ancienne retenue a été promulguée fin décembre 2012, alors que les textes les plus récents datent du mois d’août dernier. Le délai de six mois que s’est fixé le Gouvernement pour appliquer les lois n’était donc pas échu, en ce qui concerne ces derniers textes, à la date du 31 décembre 2016, date d’établissement des statistiques du rapport – nous en avons tenu compte.
Si le champ d’étude du rapport porte bien sur 47 lois significatives, son champ statistique est, lui, réduit à 33 textes. En effet, en ont été logiquement soustraites sept lois d’application directe étudiées sous leurs seuls aspects qualitatifs par les commissions, trois collectifs budgétaires analysés sous l’angle de quelques dispositions seulement, ainsi que quatre lois promulguées après le 1er juillet 2016.
Ensuite, le taux d’application des mesures entrant dans ce champ statistique est notable. Il atteint, en effet, 86 % au 31 décembre 2016, selon les données de la base APLEG. À titre de comparaison, le taux de mise en application de l’ensemble des dispositions législatives de la XIIIe législature prescrivant un texte réglementaire était de 73 % à la fin du mois de décembre 2011, selon cette même source.
Le taux d’application de 86 % est donc élevé. Les développements des bilans des commissions permanentes ne manquent d’ailleurs pas de le souligner pour les lois qui les concernent, même si les réserves habituelles sur la portée relative des taux d’application sont une nouvelle fois souvent rappelées.
S’il ne s’agit pas d’un taux global, ce taux attaché à un échantillon de lois significatives semble cohérent avec la tendance à la hausse que connaît le taux d’application des lois depuis le début du quinquennat. Cette tendance est illustrée par l’évolution des taux d’application session par session présentée par les rapports d’information annuels du Sénat sur le sujet, mais également par les bilans semestriels et désormais mensuels produits par le Gouvernement. Le prochain bilan annuel sur l’application des lois qui prendra place au printemps prochain nous permettra, je l’espère, de constater une nouvelle fois cette tendance.
Par ailleurs, j’émettrai un léger bémol concernant, comme chaque année, le taux de dépôt des rapports que le Gouvernement doit, le cas échéant, remettre au Parlement, qu’il s’agisse du rapport de « droit commun » sur la mise en application des lois prévu par l’article 67 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 ou des rapports ad hoc éventuellement prévus par certains textes. En effet, pour les 33 textes considérés, le taux de dépôt des rapports relevant de l’article 67 précité avoisine seulement 60 %.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je reprendrai, si vous m’y autorisez, le sens de votre communication en conseil des ministres le 8 février dernier. Outre un taux d’application des lois de 90 %, le compte rendu mentionne que « l’ensemble des ministères poursuivront leurs efforts jusqu’à la fin du quinquennat, afin de maintenir le taux d’application des lois à un très haut niveau ».
Il est vrai que la qualité des taux d’application résulte du travail particulièrement significatif mis en œuvre par le Gouvernement pour les obtenir. Le niveau très satisfaisant atteint par les chiffres actuels ne sera néanmoins maintenu que si les efforts et la vigilance nécessaires sont conservés jusqu’à la fin de ce quinquennat et par les futurs gouvernements.
Les enjeux de la qualité de l’application des lois dépassent de loin les seules questions juridiques qui y sont souvent attachées. Bien qu’administratif, le travail d’application des lois est en réalité empreint d’une profonde portée politique, puisqu’il recèle en son sein la garantie de la crédibilité de nos institutions démocratiques.
La qualité de l’application des lois est, en effet, une réponse définitive aux critiques populistes fréquentes qui remettent en cause l’effectivité des textes que nous votons et, par là même, l’essence du travail parlementaire.
Il n’est plus aujourd’hui possible de reprendre l’idée facile, mais fausse, selon laquelle les lois ne sont pas appliquées, car les faits sont là.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d’abord de m’accueillir pour le dernier exercice annuel de la législature qui consiste à établir un bilan et instaurer un dialogue autour de la question, essentielle, de l’application des lois.
Tout d’abord, je tiens à remercier M. Claude Bérit-Débat, l’ensemble des présidents de commission ainsi que les services du Sénat qui, grâce à leur remarquable expertise, nous permettent de suivre avec précision le travail réalisé et les efforts restant à fournir afin que les lois votées ne restent pas lettre morte et puissent se traduire en réalités concrètes pour nos concitoyens.
Cet enjeu, vous le savez, est au cœur des préoccupations du Président de la République depuis 2012 et des gouvernements successifs. Outre la mise en place du comité interministériel de l’application des lois, que j’ai réuni voilà deux semaines et que je réunirai de nouveau dans la deuxième quinzaine du mois de mars avec le secrétaire général du Gouvernement, le suivi de l’application des lois fait toujours l’objet de communications régulières en conseil des ministres et d’une grande attention, mêlée d’un peu d’inquiétude, de la part de mes collègues membres du Gouvernement.
Les bonnes pratiques, de même que les travaux conduits chaque année avec le Sénat, nous ont permis d’atteindre les excellents résultats que vous avez soulignés, monsieur le président Bérit-Débat.
Bien que les méthodologies de calcul de l’application des lois diffèrent à la marge, notamment pour la prise en compte des mesures de nature infradécrétale et des décrets dits « spontanés », les résultats du Sénat et du Gouvernement vont dans le même sens. Le taux d’application de l’ensemble des textes adoptés depuis le début de la législature et promulgués depuis plus de six mois est en constante amélioration, et, comme vous l’avez également relevé, il est supérieur de plus de dix points à celui de la fin de la précédente législature.
Au-delà de ce taux global, prenant en compte la règle des six mois, les sénateurs ont collectivement décidé cette année, en cette fin de mandat, d’effectuer un bilan plus ciblé et plus qualitatif, portant sur quarante-sept lois particulièrement représentatives de l’action du Gouvernement. Dans le rapport d’information, M. Jean Bizet a également fait état du bilan de la prise en compte des positions du Sénat dans la législation et les négociations européennes.
Sur ces deux périmètres, l’amélioration des résultats du Gouvernement est également indéniable.
Pour autant, une fois ce bilan positif établi, nous ne devons pas relâcher notre effort dans les derniers mois et les dernières semaines de ce quinquennat pour mettre en œuvre les mesures ayant pris du retard et celles que contiennent les lois qui seront adoptées jusqu’à la fin de cette semaine : je rappelle que la session parlementaire s’achèvera après-demain. Je vais donc continuer à veiller activement à la mobilisation de nos services et des cabinets ministériels pour améliorer encore le taux d’application de certaines d’entre elles.
Je citerai tout d’abord quatre textes déjà anciens, puisque promulgués il y a plus d’un an, pour lesquels des retards persistent et doivent être comblés dans les meilleurs délais : tout d’abord, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, pour laquelle une dizaine de mesures restent encore à prendre ; ensuite, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nécessite encore onze mesures d’application ; puis, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, pour laquelle dix mesures restent encore à prendre ; et, enfin, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui nécessite encore quarante-sept mesures d’application.
En outre, trois lois plus récentes exigent encore un nombre important de mesures d’application.
La loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine présente d’importants retards d’application : trente-huit mesures restent à prendre. Concernant la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, vingt-trois mesures restent en attente de décrets d’application, ce texte présentant un taux d’application de 23 %. Enfin, pour la loi Travail, vingt-deux mesures restent à prendre. Ce dernier texte est toutefois applicable à plus de 80 %, le ministère du travail ayant déjà pris 102 des 124 mesures prévues. Cet effort a représenté un très lourd travail pour ce ministère, que vous connaissez bien, monsieur le président du Sénat.
Le Gouvernement ne ménagera pas non plus ses efforts sur les lois qui, bien que n’entrant pas dans le périmètre de nos bilans en vertu de la règle des six mois, doivent pourtant recevoir leurs mesures d’application dans les prochains mois.
Parmi les plus emblématiques de ces textes, je pense notamment à la loi pour une République numérique, à la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à la loi relative à l’égalité et citoyenneté, qui vient d’être adoptée, à la loi pour l’égalité réelle des outre-mer, qui a également été adoptée très récemment, ou encore à la loi relative à la sécurité publique, adoptée la semaine dernière.
En conclusion, comme vous, monsieur le président Bérit-Débat, je regrette que le taux de remise des rapports au titre de l’article 67 reste faible, bien qu’il présente une amélioration, en atteignant 61 %. Je ne manquerai pas d’en faire part à mes collègues à l’occasion du conseil des ministres de la semaine prochaine, ainsi qu’à leurs directeurs de cabinet dans le cadre des travaux que je mène activement pour que les lois soient appliquées. Je le répète, les semaines à venir nous réservent encore beaucoup de travail en ce sens.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif. Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes et que le Gouvernement peut, s’il le souhaite, répondre à chaque orateur pour une durée équivalente.
Je vais tout d’abord donner la parole aux présidents des commissions ou à leurs représentants.
La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le président Bérit-Débat, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien subjectif de sélectionner les lois significatives votées au cours d’un quinquennat qui restera notamment marqué par de nombreuses et importantes réformes fiscales.
Au-delà du décompte des textes d’application, la commission des finances, par ses travaux de contrôle, suit la manière dont les lois sont mises en œuvre.
L’application de certaines lois est un travail de longue haleine. La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation a été relancée, sur l’initiative du Sénat, dans des conditions précisées depuis cinq ans par plusieurs lois de finances. M. le secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, présentait d’ailleurs le bilan de cette expérimentation, il y a quelques instants, à la commission des finances. Il s’agit d’un sujet dont le prochain gouvernement devra se saisir.
Il y a aussi les lois qui sont appliquées, mais dont la mise en œuvre ne produit pas les effets attendus. Je pense, par exemple, aux dispositions relatives à la gouvernance des finances publiques, qui figurent dans les lois de programmation des finances publiques. Ainsi, les revues de dépenses devaient permettre d’identifier des gisements d’économies budgétaires, mais aucune n’a débouché sur des réformes d’ampleur.
Monsieur le secrétaire d’État, quel jugement portez-vous sur cette expérience ?
Il y a également les lois qui ne sont pas appliquées complètement comme prévu. Par exemple, une loi de 2012 a créé la Banque publique d’investissement, la BPI, qui devient un acteur économique incontournable, mais qui ne verse toujours aucun dividende à l’État, contrairement à la Banque de France ou à la Caisse des dépôts. Le Gouvernement pense-t-il que cette situation sera durable ?
Il y a aussi les lois voulues par le Parlement et dont la mise en œuvre est interrompue par des décisions du Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité. Nos auditions organisées à la suite de l’affaire des « Panama papers » ont montré que le registre des trusts créé en 2013 constituait un outil très utile dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Or, en octobre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré le caractère public de ce registre. Depuis lors, nous attendons un nouveau décret. Ce vide juridique pénalise-t-il l’action des services du contrôle fiscal ?
Je conclurai en insistant sur le caractère parfois utile des rapports demandés au Gouvernement – un point qui pourrait être considéré comme une quasi-provocation. (Sourires.)
En 2014, François Marc, alors rapporteur général de la commission des finances, a demandé un rapport sur l’application de la loi Eckert portant sur les contrats d’assurance et les comptes bancaires en déshérence. Déposé en 2016, ce document a permis à son successeur, Albéric de Montgolfier, de découvrir que 6,7 milliards d’euros de retraites supplémentaires n’étaient pas versés à leurs bénéficiaires, et donc d’amender la loi Sapin II, en prévoyant une obligation pour les compagnies d’assurances d’informer les bénéficiaires de ces contrats. Les rapports sont donc aussi un outil d’évaluation de l’application des lois !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la présidente de la commission des finances, j’ai dit à l’instant que le taux de remise des rapports demandés au Gouvernement restait insatisfaisant et qu’il fallait absolument fournir un effort supplémentaire.
Le Gouvernement considère que les revues de dépenses sont un exercice pleinement utile, qu’il convient de poursuivre. En 2016, 500 millions d’euros d’économies provenant des revues de dépenses étaient proposés dans les textes financiers. En 2017, ce sont 400 millions d’euros qui ont été proposés. Ces montants peuvent certes paraître faibles, mais les revues de dépenses ne concernent pas que l’État. Par exemple, 22 % des recommandations pour 2016 étaient adressées aux collectivités, et environ la moitié des recommandations ne produisent des économies qu’à moyen ou long terme.
J’ajoute que l’apport des revues de dépenses est moins directement comptable : c’est en effet sur la diffusion progressive de l’idée selon laquelle les économies relèvent de la responsabilité de l’ensemble des administrations publiques qu’est construite notre stratégie de finances publiques.
La BPI a été créée en 2013 et, comme vous le savez, son actionnariat est composé de la Caisse des dépôts et consignations et d’un établissement public, l’EPIC Bpifrance. Ces deux structures versent des dividendes ou font remonter leurs réserves par arrêté. Les mécanismes sont donc difficiles à suivre, compte tenu de décalages temporels qui peuvent être importants entre les différentes étapes.
L’État a perçu de Bpifrance 66 millions d’euros pour l’exercice 2014, 118 millions d’euros pour 2015, et devrait percevoir entre 115 et 120 millions d’euros pour les années 2016 et 2017.
Enfin, la censure du registre public des trusts pour atteinte au droit au respect de la vie privée n’affecte pas notre capacité à lutter contre la fraude.
D’un point de vue général, nous avons ensemble, Parlement et Gouvernement, réalisé une rupture depuis 2012 dans la lutte contre la fraude fiscale, dont les résultats sont incontestables. À l’échelle internationale, avec le G20, à l’échelle de l’Union européenne et, enfin, au niveau national, avec l’adoption de 80 mesures législatives depuis 2012, nous avons amélioré les résultats du contrôle exercé, lesquels sont passés de 16 milliards d’euros avant 2012 à plus de 21 milliards d’euros en 2015.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le secrétaire d’État, la commission des affaires économiques, par le bilan qu’elle a établi, a étudié l’application de six lois promulguées depuis 2012. Je souhaite attirer votre attention sur l’application de deux de ces textes, la loi ALUR et la loi de transition énergétique.
Le taux d’application de la loi ALUR était de 84 % au 31 décembre 2016.
Pour ce qui concerne les dispositions relatives au logement, on constate que la majeure partie des modifications portant sur les rapports entre locataires et bailleurs sont applicables. La quasi-totalité des mesures relatives à la formation, à la déontologie et au contrôle des professionnels de l’immobilier a été prise. En matière de prévention des expulsions et de facilitation des parcours de l’hébergement au logement, l’ensemble des mesures attendues ont été publiées. La quasi-totalité des dispositions relatives à l’habitat participatif, plusieurs mesures d’application pour lutter contre l’habitat indigne et l’ensemble des mesures relatives à l’Agence nationale de contrôle du logement social, l’ANCOLS, ont été prises.
Si l’on examine, dans le même texte, les dispositions relatives à l’urbanisme, on constate que 98 % des articles normatifs sont applicables.
Parallèlement, un dispositif emblématique de la loi ALUR, la garantie universelle des loyers, a été abandonné, et plusieurs mesures d’application de cette loi restent à prendre, notamment le décret relatif à l’adaptation des caractéristiques de décence aux établissements d’hébergement, qui pourrait conduire à faire sortir du parc de logements de nombreux appartements. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire précisément quand cette mesure sera prise ?
Par ailleurs, au 31 décembre 2016, 83 % des dispositions de la loi de transition énergétique étaient devenues applicables. Ce bilan est globalement satisfaisant, mais il n’en reste pas moins en deçà des objectifs très volontaristes affichés par le Gouvernement, qui s’était engagé à publier tous les textes avant la fin de l’année 2015.
Des mesures d’application importantes ont été publiées, comme celles qui sont relatives à la programmation pluriannuelle de l’énergie, à la réglementation des concessions hydroélectriques ou en faveur des industries électro-intensives. Mais il reste que plusieurs dispositions demeurent inapplicables : quatre mesures portant sur l’effacement électrique sont encore attendues pour en définir les modalités générales, lister les différentes catégories d’effacement, arrêter le régime dérogatoire de versement au fournisseur effacé et fixer les règles des appels d’offres à venir. Là encore, pouvez-vous nous indiquer précisément quand ces mesures seront prises ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne la loi ALUR, le projet de décret relatif à l’adaptation aux locaux loués à usage de résidence principale dans les établissements recevant du public aux fins d’hébergement des caractéristiques du logement décent a été rédigé en concertation avec la fondation Abbé Pierre. Ce travail a donc exigé un peu de temps. Je ne suis malheureusement pas en mesure de m’engager ce soir sur une date de publication ; les discussions étant encore en cours sur certains points de ce projet de décret.
Pour ce qui concerne la loi de transition énergétique, les mesures portant sur l’effacement électrique sont regroupées dans le projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d’énergie significatives. Ce texte précise les catégories d’effacement et encadre pour chacune d’elles la part du versement qui peut être prise en charge par le gestionnaire du réseau public de transport.
Ce décret doit être examiné par le Conseil d’État aujourd’hui même – c’est un pur hasard du calendrier. Le ministère de l’environnement m’indique qu’il pourrait y avoir un point d’achoppement avec le Conseil d’État quant au pourcentage de l’un des taux ; nous en saurons plus ce soir. S’il y a accord avec la direction générale de l’énergie et du climat, la DGEC, sur une version modifiée, ce qui est possible, le décret pourra être signé rapidement. Dans le cas contraire, ce processus risque d’être un peu plus long. Toutefois, je m’engage à ce que le décret soit signé avant la fin du quinquennat.
Enfin, j’évoquerai les arrêtés. Le premier, qui définit les catégories d’effacement, est conditionné par la sortie du décret. Il devrait être publié dans les deux ou trois semaines suivant sa parution. Le second, qui précise les modalités des appels d’offres, n’est pas prévu avant plusieurs mois, car il concerne des appels d’offres qui seront publiés en 2018 et exige donc des négociations avec les parties prenantes.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères.
M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour ce bilan quinquennal de l’application des lois, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a tout naturellement choisi la loi de programmation militaire, la LPM, de 2013, actualisée en 2015.
La commission est satisfaite de l’application de ces deux lois. En effet, elles ont reçu toutes leurs mesures réglementaires, à l’exception d’un seul arrêté – nous en donnons acte au Gouvernement. Néanmoins, la commission souhaite faire part de deux regrets.
Le premier regret, qui est de taille, est de n’avoir reçu aucun des bilans annuels politiques, opérationnels et financiers des opérations extérieures, les OPEX, en cours. Le Gouvernement aurait dû les transmettre, chaque année, en application de l’article 4 de la loi de programmation de 2013. Ce rapport est la contrepartie indispensable des modalités d’autorisation des opérations extérieures sous la Constitution de la Ve République : une fois que le Parlement a voté, en application de l’article 35 de la Constitution, au bout de quatre mois, l’autorisation de poursuivre une opération extérieure, cette autorisation est en quelque sorte éternelle. Le Parlement ne se prononce plus.
Ce système présente une efficacité que l’on pourrait qualifier de « gaullienne », mais il a aussi quelques limites en termes de contrôle parlementaire.
Le rapport annuel avait pour objet de rééquilibrer cette architecture en donnant lieu à un bilan et à un débat, qui doit théoriquement se tenir chaque année. Faute de rapport, notre commission a choisi d’élaborer elle-même son propre bilan dans un rapport d’information en juillet 2016.
Chacun se rappelle que le Gouvernement a finalement décidé de tenir ce débat, pour la première fois, trois ans après l’entrée en vigueur de la LPM, en octobre dernier, mais nous n’avons toujours pas de rapport.
Le second regret est que la programmation militaire n’ait pas été actualisée après les attentats du Bataclan.
Le Président de la République avait annoncé une augmentation sensible des moyens des forces armées pour protéger le territoire national. Toutefois, cette augmentation n’a pas été gravée dans le marbre de la loi de programmation.
Notre commission a réclamé une nouvelle actualisation conforme aux annonces du Congrès du 16 novembre 2015 et aux décisions du conseil de défense du 6 avril 2016. Il reviendra vraisemblablement au prochain gouvernement de la réaliser. À ce stade, nous savons que la programmation comporte une impasse financière de plusieurs milliards d’euros.
Telles sont les quelques observations que notre commission souhaitait formuler.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Cambon, le ministère de la défense n’a en effet pas rendu, au début de 2016, le rapport sur le bilan annuel politique, opérationnel et financier prévu par l’article 4 de la loi d’actualisation de la loi de programmation militaire de juillet 2015.
Pour autant, mon collègue Jean-Yves Le Drian m’a indiqué son attachement à tenir le Parlement constamment informé au sujet des OPEX. Depuis juillet 2012, le ministre de la défense a été entendu 93 fois par les trois commissions permanentes du Parlement compétentes sur ces questions : la commission de la défense nationale et des forces armées et la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, que je connais pour y avoir siégé avec beaucoup de plaisir il y a quelques années - et où j’espère bien revenir au mois de juin prochain ! (Sourires.)
M. le président. Votre désir figure déjà au compte rendu intégral de nos débats, qui sera publié au Journal officiel, monsieur le secrétaire d'État ! (Nouveaux sourires.)
M. André Vallini, secrétaire d'État. Plus précisément, Jean-Yves Le Drian a été entendu 24 fois par votre commission : 7 fois en 2013, 8 fois en 2014, 5 fois en 2015 et 4 fois en 2016. À chacune de ces occasions, il a présenté aux sénateurs un point complet, sur le plan opérationnel, cartes à l’appui, que sur le plan des effectifs déployés et du coût financier des opérations extérieures. À partir de 2015, le point sur les OPEX devant la commission s’est également enrichi d’un point opérationnel et financier sur l’opération Sentinelle.
En parallèle de ces auditions en commission, neuf déclarations du Gouvernement suivies de débats au titre de l’article 35 de la Constitution ont été organisées, pour les opérations Serval, en 2013, Sangaris, fin 2013 et début 2014, Chammal, fin 2014 et début 2015, et pour ce qui concerne le survol de la Syrie, en septembre et novembre 2015.
S’agissant de l’actualisation de la LMP, vous comprendrez que je ne puisse pas vous répondre sur le fond, mais je ferai bien sûr part de vos observations au ministre de la défense et au Premier ministre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les lois suivies par la commission des affaires sociales enregistrent un taux de mise en application satisfaisant.
Un seul texte antérieur au 1er octobre 2015 affiche un taux inférieur à 90 % : il s’agit de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
De plus, monsieur le secrétaire d’État, je note que deux mesures dont votre prédécesseur avait annoncé la parution imminente des décrets d’application lors du débat de juin dernier sont, à notre connaissance, toujours en attente : l’une sur les achats groupés de vaccins, l’autre sur la régulation par l’assurance maladie des transports de patients par taxi.
Pour les textes plus récents, nous avons relevé l’effort de mise en application des lois relatives au travail et à l’emploi, y compris la loi du 8 août 2016, même si la majorité des membres de la commission considère que les dispositifs retenus ne sont pas à la hauteur de la situation de notre pays.
Nous suivons très attentivement la mise en œuvre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, à laquelle le Sénat a apporté une contribution importante. Certains textes réglementaires soulèvent des interrogations, tel celui sur les résidences-services. D’autres sont encore en attente, notamment concernant les procédures de transmission d’informations.
Nos observations portent principalement sur la loi de modernisation de notre système de santé.
Malgré le rythme accéléré de parution des textes réglementaires au cours des derniers jours, plusieurs dispositions demeurent sans application. C’est le cas, par exemple, des mesures relatives aux compétences de plusieurs professions de santé, notamment aux conditions d’exercice en pratique avancée – il s’agit de l’article 119 de la loi –, pourtant particulièrement attendues par les infirmiers.
Au cours des débats, notre commission avait critiqué le caractère inflationniste de ce texte et mis en doute l’applicabilité même de certaines mesures ajoutées en cours de discussion. Je pense, par exemple, à l’obligation pour les industriels du tabac de déclarer l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence, aux dispositions sur le contrôle de la traçabilité des produits du tabac ou encore à l’interdiction du bisphénol A dans les jouets. Peut-être l’absence de parution des mesures réglementaires est-elle liée aux difficultés que nous avions soulevées à l’époque ?
Enfin, sur d’autres points, les mesures réglementaires ont bien été prises, mais nous exprimons des réserves – il en est ainsi des conditions retenues pour la définition du projet médical des groupements hospitaliers de territoire –, voire une opposition réitérée, en particulier pour ce qui concerne le tiers payant généralisé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, pour ce qui concerne la loi, déjà ancienne, il est vrai, de financement de la sécurité sociale pour 2015, le décret portant la mesure sur les achats groupés de vaccins est prêt, mais il reste en attente de l’avis du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, que préside Alain Lambert, lequel est bien connu dans cette assemblée. Le CNEN doit se prononcer le 9 mars prochain, ce qui devrait permettre une publication du texte à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril.
Sur la régulation par l’assurance maladie des transports de patients par taxi, la période actuelle, vous le savez, n’est pas propice à une concertation approfondie avec la profession – d’autres sujets de discussion sont en cours actuellement. La concertation a été reportée, mais elle aura bien lieu. Je ne dispose malheureusement pas d’éléments plus précis à ce jour. Je ne manquerai pas de rappeler à Marisol Touraine la nécessité d’avancer sur ce point.
S’agissant de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, le décret d’application de l’article 74, comprenant trois mesures sur la transmission des données, est au Conseil d’État. Son examen est programmé en section le 21 février prochain ; le décret pourrait donc être publié en mars.
Les textes d’application des articles 73 et 75 sont en cours de rédaction. La mesure prévue à l’article 43 a fait l’objet d’un projet de décret précisant les éléments du dispositif relevant de la compétence de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, mais une interrogation demeure quant à l’organisme pouvant assumer le rôle d’interface dans l’échange de données au bénéfice des départements. À ce jour, la DGFiP aurait identifié un tel organisme. Néanmoins, une validation officielle doit encore être sollicitée. Une saisine du Conseil d’État n’est donc pas encore prévue, mais les travaux de rédaction se poursuivent.
Enfin, la loi de modernisation de notre système de santé présente à ce jour un taux d’application de 70 %. Je l’ai dit en préambule, 47 mesures restent à prendre sur les 153 initialement prévues.
Pour ce qui concerne les dispositions relatives aux conditions d’exercice en pratique avancée des professions de santé, une large place est donnée à la concertation avec les professionnels. Les premières réunions de concertation ont eu lieu à la fin de l’année 2016 et les projets de décret seront publiés mi-2017.
Concernant l’obligation, pour les industriels du tabac, de déclarer l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence, le décret est sorti du Conseil d’État ; il est en cours de contreseing et devrait donc être publié au début du mois de mars.
Enfin, le contrôle de la traçabilité des produits du tabac a été abrogé par l’article 3 de l’ordonnance du 19 mai 2016 portant transposition de la directive sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes.
Je dirai un mot de l’interdiction du bisphénol A dans les jouets. Des expertises techniques sont en cours afin de déterminer le seuil de limite de migration du BPA dans les jouets et d’examiner ses conséquences dans le cadre du vote de la nouvelle directive adoptée le 14 novembre 2016 et modifiant celle de 2009, relative à la sécurité des jouets, qui n’est pas publiée à ce jour.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont la discussion a constitué le cœur de nos travaux la session passée.
Concernant l’application de ce texte, je formulerai deux remarques.
La première remarque est positive. Nous avons été sensibles au fait que les services du ministère de la culture prennent l’initiative de présenter à Françoise Férat, le rapporteur de notre commission pour le volet patrimoine de ce texte, les projets de décret d’application en cours de concertation avant leur soumission au Conseil d’État. Je n’avais pas observé cette pratique par le passé, et je ne peux que formuler le vœu qu’elle se développe à l’avenir pour d’autres textes législatifs. C’est une manière d’associer le Parlement au devenir des lois sans que ce dernier interfère dans un processus qui reste, évidemment, l’apanage de l’exécutif.
Cela étant – c’est ma seconde remarque –, je ne peux que regretter qu’autant de retard ait été pris dans la publication des textes réglementaires par rapport au calendrier que le Gouvernement a lui-même annoncé sur le site de Legifrance. Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez vous-même reconnu en soulignant que trente-huit mesures restaient à prendre.
Plusieurs dizaines de décrets, dont la publication devait intervenir avant la fin de l’année dernière, ne devraient pas paraître avant le mois de mars prochain. Je veux bien comprendre que le Conseil d’État ait fort à faire en cette fin de législature, mais pourquoi ne pas avoir pris en compte cette difficulté au moment de fixer l’échéancier ?
Dans le même ordre d’idées, le délai d’un mois envisagé entre la publication du décret instituant la commission nationale du patrimoine et de l’architecture et celui qui établit la liste et le périmètre des domaines nationaux me semble bien optimiste, sachant que ladite commission doit obligatoirement donner son avis sur le projet de décret relatif aux domaines nationaux.
Pensez-vous que l’ensemble des mesures réglementaires pourront être publiées avant la fin du mois d’avril 2017 ? Pour certaines de ces mesures, l’urgence est, j’y insiste, réelle. Je pense en particulier aux labels, qui attendent depuis des mois la publication des décrets et arrêtés. Ces textes, qui fixeront le nouveau cadre du partenariat des établissements concernés et des collectivités territoriales dont ils dépendent avec l’État, sont indispensables pour permettre dès aujourd’hui de construire leurs projets. Dès lors, vous comprendrez que tout retard est préjudiciable.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la présidente de la commission de la culture, vous l’avez dit, et je l’avais rappelé en introduction, de nombreuses mesures – trente-huit au total – restent à prendre au titre de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. À ce jour, le taux d’application de ce texte n’est encore que de 12 %. Un projet de décret est au Conseil d’État depuis le 6 février dernier pour une quinzaine de mesures, dont le décret d’application de l’article 5 relatif aux labels que vous avez évoqué. Il doit fixer la liste de ces derniers, leurs conditions d’attribution, de suspension ou de retrait et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée. Si tout se passe bien, ces dispositions pourront être publiées en avril 2017.
À ce propos, je vous le confirme, le Conseil d’État est surchargé de textes à examiner : 250 décrets seraient en attente. Comme nous tous, les membres du Conseil d’État croulent sous le travail.
Au total, six décrets correspondant à sept mesures sont dans le circuit des contreseings et devraient paraître rapidement, dont le décret relatif au médiateur de la musique ou encore le décret relatif à l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental d’un lotissement. Les autres textes sont déjà rédigés, mais font encore l’objet de concertations ou sont encore soumis aux instances de consultation, qui sont nombreuses dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme et, plus généralement, de la culture et du patrimoine.
Aux termes des engagements pris par le ministère, une dizaine de mesures devraient être appliquées d’ici à la fin du mois de mars, une quinzaine d’ici à la fin du mois d’avril 2017. Les autres sont attendues d’ici à la fin du quinquennat.
M. le président. Espérons le label ! (Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le temps très bref qui m’est imparti, je tiens à formuler trois remarques.
Premièrement, le taux d’application des lois constaté cette année est effectivement élevé, plus élevé qu’il ne l’a jamais été. Je n’irai pas jusqu’à dire comme le secrétaire général du Gouvernement qu’il n’y a plus de sujet en matière d’application des lois, mais le taux est élevé.
Cela étant, devons-nous durablement nous satisfaire d’une situation où 10 % des textes ne sont pas appliqués, où le Gouvernement ne met pas en œuvre certaines lois et où le Parlement ne contrôle pas suffisamment le Gouvernement ? Je n’en suis pas sûr.
Deuxièmement, je tiens à insister sur un aspect qualitatif qui, par définition, ne transparaît pas de ces statistiques. Un certain nombre de dispositifs, qui ne sont pas négligeables, ne sont toujours pas en vigueur. Je prendrai pour seul exemple la fameuse « règle d’or », introduite en 2014 dans la loi portant réforme ferroviaire et destinée à plafonner la dette de la SNCF. Cette règle d’or est l’une des raisons qui ont conduit le Sénat à voter ce texte. Elle a été ensuite réaffirmée via la loi Macron.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le Gouvernement tarde-t-il toujours à prendre ce décret et semble-t-il ne pas tenir compte, sur le sujet, des avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER ? J’ajoute que, avant même d’appliquer cette règle, le Gouvernement y a dérogé dans le cadre du financement du Charles-de-Gaulle Express.
Troisièmement, je souhaite formuler une remarque peut-être plus grave encore : divers dispositifs méconnaissent la volonté du législateur. Je ne citerai qu’un exemple : le décret du 1er mars 2016, qui précise les modalités de renforcement du contrôle du secteur autoroutier. Malgré les recommandations de l’ARAFER et la volonté du législateur, ce décret ne prévoit pas que les commissions des marchés soient présidées par une personnalité indépendante. Or il ne s’agit pas d’un détail : ce sujet est au cœur des enjeux soulevés par les plans de relance autoroutiers et de la mobilisation des petites et moyennes entreprises de notre pays.
Je m’en tiendrai là, vous renvoyant au rapport d’information écrit, dans lequel ces différents points sont largement détaillés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, pour ce qui concerne les autoroutes, je ne dispose pas d’éléments de réponse.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. C’est dommage !
M. Charles Revet. D’autant que ces interrogations ont été publiées !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Néanmoins, je vous ferai parvenir ces éléments dès que Bercy me les aura communiqués.
Pour ce qui concerne SNCF Réseau et la règle d’or, l’ARAFER a remis le 30 novembre 2016 un avis sur le projet de décret, texte que lui a soumis le Gouvernement et dont nous attendons tous l’entrée en vigueur. La rédaction tenant compte de l’avis de l’ARAFER est désormais en cours d’examen par le Conseil d’État. Le décret devrait être publié dans le courant du mois de mars 2017.
La règle d’or entrera ainsi en application à très court terme, et conduira à interdire la participation de SNCF Réseau au financement d’opérations de construction de lignes nouvelles tant que sa situation financière ne sera pas rétablie.
Le contrat de performance, qui sera prochainement conclu entre l’État et SNCF Réseau, donnera les moyens nécessaires à son redressement durant la prochaine décennie.
Comme vous le relevez, une dérogation législative a été prévue, afin de permettre à SNCF Réseau d’investir dans la société concessionnaire qui réalisera l’infrastructure CDG Express. J’étais intervenu à la tribune du Sénat en remplacement de mon collègue Alain Vidalies, et j’avais expliqué aux sénateurs que cela n’avait rien à voir avec le financement d’infrastructures à fonds perdu par SNCF Réseau, dont la dette s’élève aujourd’hui à plus de 40 milliards d’euros.
Ce dont il est question ici, c’est d’autoriser SNCF Réseau à engager des fonds propres dans la société de projet, avec des actifs en contrepartie et des actionnaires à ses côtés, dont Aéroports de Paris. Il faut ajouter que ce projet nécessitera l’implication des banques, qui seront extrêmement vigilantes sur la qualité et la robustesse du montage financier.
En outre, la présence de SNCF Réseau au capital de cette société de projet est justifiée par le fait qu’une part importante des travaux prévus portera sur le réseau existant. SNCF Réseau, de par ses compétences, notamment en matière d’ingénierie, est un partenaire nécessaire d’Aéroports de Paris.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a établi un triple constat.
Premier constat : l’accroissement du volume des lois, très net en fin de législature, complique naturellement leur application.
Le coefficient multiplicateur du nombre d’articles en cours de navette parlementaire a ainsi été de trois à quatre pour plusieurs textes, comme la loi Macron, passée de 106 à 308 articles, et la loi NOTRe, passée de 37 à 136 articles. Par rapport aux législatures précédentes, le coefficient moyen est ainsi passé de 1,83 entre 2007 et 2014 à 2,14 en 2015-2016.
Même si le Parlement doit lui aussi accomplir sa part du chemin, la responsabilité de cette boursouflure législative incombe d’abord au Gouvernement, lequel conserve une large maîtrise du processus législatif. Il devrait cesser d’encombrer le calendrier parlementaire avec des textes de circonstance et renoncer à parasiter la discussion de ses propres projets par des dizaines d’amendements préparés ou acceptés dans l’improvisation.
À titre d’exemple, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est passée de 54 à 115 articles, avec l’insertion de 55 articles additionnels par l’Assemblée nationale en première lecture, dont les deux tiers à l’initiative du Gouvernement.
Deuxième constat : si la plupart des mesures d’application des lois promulguées sous la XIVe législature ont été prises, leurs délais d’adoption ont parfois été trop longs – même s’ils se sont en moyenne améliorés –, alors que le pouvoir exécutif se plaint régulièrement de la durée, excessive à ses yeux, du processus législatif. Ainsi, près de 60 % des mesures d’application des lois promulguées au cours de la législature et relevant de la compétence de la commission des lois ont été prises plus de six mois plus tard.
Troisième et dernier constat : si, fort heureusement, la plupart des mesures d’application respectent la volonté du Parlement, il est regrettable que certaines d’entre elles soient allées à son encontre.
Ainsi, les décrets pris par le Gouvernement en application de la loi Macron concernant les tarifs et les règles d’installation des professions réglementées du droit ont créé un mécanisme de régulation plus administré, plus lourd et plus complexe qu’auparavant, ont restreint la liberté d’activité dans ces professions et ont dénaturé les intentions affichées lors de l’adoption de la loi.
Pour les seuls notaires, 1 002 offices supplémentaires doivent être créés. Environ 28 000 candidatures ont été recueillies. La procédure de tirage au sort choisie par le Gouvernement a provoqué un grand désordre, en permettant aux sociétés existantes de présenter leur candidature, au détriment de la promesse de renouvellement et d’accès des jeunes à la profession de notaire.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La sélection par tirage au sort vaut renoncement à apprécier les mérites des candidats ; cette procédure a donc suscité une grande incompréhension. Pour rétablir la confiance, ces textes devraient être revus profondément et rapidement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Sur le sujet des notaires, que vient d’évoquer le président Philippe Bas, le Conseil d’État a rejeté le recours en suspension du décret du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire, considérant que celui-ci n’allait pas à l’encontre de l’objectif de la loi.
Concernant le tirage au sort, il faut rappeler qu’il vise non pas à attribuer des offices notariaux, mais à fixer l’ordre d’examen des dossiers. C’est le Conseil d’État lui-même qui a suggéré ce dispositif, permettant d’assurer l’égalité entre tous les candidats.
S’agissant des zones d’installation des notaires, une précision doit être apportée et l’arrêté établissant des zones contient une clause de réexamen, un an après l’ouverture des candidatures.
La responsabilité de l’inflation du nombre d’articles dans les lois est, comme vous le soulignez, partagée entre le Gouvernement et le Parlement. Plus que dans la version initiale des projets et des propositions de loi, cette réalité se manifeste principalement à l’issue de la discussion parlementaire, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Les nombreux amendements adoptés au cours de la navette y sont pour beaucoup. Si ces ajouts résultent souvent de la prise en compte des positions des parlementaires, par l’adoption de leurs amendements ou d’amendements de compromis ou d’ajustement déposés par le Gouvernement pour rapprocher les points de vue de l’Assemblée nationale et du Sénat ou des tendances au sein de l’un ou l’autre des hémicycles, certains sont parfois bien éloignés du domaine législatif ou des dispositions initiales du texte.
C’est pourquoi le Gouvernement se félicite de l’initiative du Sénat de se saisir pleinement de ses prérogatives constitutionnelles. Vous m’aviez fait part, monsieur le président, dès ma nomination, de la volonté du Sénat de ne plus se contenter de l’examen de la recevabilité financière des amendements, prévu par l’article 40 de la Constitution, mais de s’attacher également à vérifier la conformité des amendements aux articles 41 et 45 de la Constitution, afin de s’assurer qu’ils relèvent respectivement du domaine législatif et qu’ils ont un lien avec le texte en discussion.
Nul doute que ces bonnes pratiques vont perdurer, contribuant progressivement à diminuer l’inflation législative dont vous vous plaignez à juste titre, monsieur le président Bas.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je me réjouis que la commission des affaires européennes ait toute sa place dans ce débat interactif sur le bilan de l’application des lois. D’un rapport d’information que j’ai présenté récemment sur le suivi des résolutions européennes adoptées sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution, il ressort que le Sénat est vigilant sur les affaires européennes, qu’il est écouté et, plus encore, entendu.
Ces résolutions européennes ont des conséquences directes sur les négociations qui conduisent à l’élaboration de la législation européenne et donc, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.
Dans environ deux tiers des cas, nos résolutions ont été prises totalement ou très largement en compte. Je peux citer le plan Juncker, les conséquences du traité transatlantique, ou TTIP, pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, la réglementation viticole, la réforme de l’espace Schengen et la crise des réfugiés, le volet méditerranéen de la politique de voisinage, les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, ou encore l’accord commercial relatif à la banane.
Dans un peu plus de 25 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies, par exemple sur la lutte contre le terrorisme, les sanctions européennes contre la Russie, le détachement des travailleurs ou encore la phase I de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.
Par ailleurs, nos résolutions constituent un instrument efficace dans l’établissement d’un véritable dialogue avec le pouvoir exécutif. Je me félicite de la réelle amélioration de l’information délivrée par le Secrétariat général des affaires européennes, qui nous adresse désormais des fiches de suivi en nombre plus important, de façon plus régulière et sur un champ plus large que précédemment, puisqu’elles portent aussi, dans certains cas, notamment pour des textes relatifs à des négociations commerciales, sur des résolutions qui ne concernaient pas des actes législatifs.
En outre, notre commission a récemment organisé une audition de M. Harlem Désir, spécifiquement consacrée au suivi des résolutions européennes, comportant aussi un débat interactif auquel de nombreux collègues ont participé.
Je suis persuadé que, à l’avenir, le progrès se poursuivra, compte tenu de l’évolution des recommandations que nous avons formulées, avec Jean-Pierre Raffarin, dans le rapport d’information sur le renouveau de l’Union européenne impliquant davantage les parlements nationaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Nous nous félicitons également de la bonne coopération de nos services et des bonnes pratiques qui se sont progressivement instaurées, notamment avec le Secrétariat général aux affaires européennes. Celles-ci permettent de maintenir le dialogue et de mettre autant que possible en cohérence les positions exprimées par la représentation nationale et celles du Gouvernement, dans le cadre des négociations avec nos partenaires européens.
La reprise par le Gouvernement des positions exprimées par les résolutions du Sénat, totale pour les deux tiers d’entre elles et partielle pour les autres, illustre l’intérêt de préserver un dialogue constant et constructif entre nos deux institutions. Le Gouvernement partage donc votre volonté d’affirmer le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne.
En ce qui concerne les avis politiques et les avis motivés, je ne pourrai cependant pas vous apporter de réponse, le traitement de ces avis étant du seul ressort des institutions de l’Union européenne. Je ne manquerai toutefois pas d’en informer mon collègue Harlem Désir.
M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux représentants des groupes politiques.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Thierry Foucaud. Le 24 mars 2016, après avoir modifié à plusieurs reprises le texte finalement présenté, le Gouvernement déposait sur le bureau de l’Assemblée nationale le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dit loi Travail ou loi El Khomri.
Ce texte, particulièrement long et touffu, a provoqué de profonds clivages dans la société, avivant d’autant plus la colère du monde du travail que la procédure utilisée pour son adoption s’est avérée, selon nous, peu respectueuse des droits du Parlement.
Comprenant un grand nombre de dispositions réglementaires – près de 150 articles ou dispositions de la loi en nécessitaient –, assorti de quatre articles d’habilitation à légiférer par ordonnances, truffé d’une bonne quinzaine de rapports, ce texte m’inspire un certain nombre de questions.
Sans juger sur le fond des mesures d’accompagnement déjà validées, force est de constater que trois des ordonnances prévues, tous les rapports et une quarantaine de mesures réglementaires se font encore attendre.
Du strict point de vue formel, vingt-huit décrets d’application ont été promulgués le 18 novembre et le 28 décembre dernier, et un examen de la seconde partie du code du travail démontre l’inutilité de certains articles votés, des dispositions figurant déjà dans le code. Un article a même confirmé une mesure prévue depuis 1979 !
Des chapitres essentiels du texte ne sont cependant toujours pas couverts par des mesures d’application, comme ceux qui concernent l’intervention des inspecteurs du travail, la situation des travailleurs détachés ou les droits des salariés des plates-formes de type Uber.
Ma question est à la fois simple et double.
Le Sénat, notamment la commission des affaires sociales, ne devrait-il pas se préoccuper de la mise en œuvre effective de ce texte, au-delà de ses nombreux défauts, sauf à démontrer l’inanité de l’examen de pareilles énormités législatives ?
Ne pourrait-on pas, à la lumière des dispositifs contenus dans cette loi, s’interroger quant à l’efficacité réelle sur la situation de l’emploi, de la production, voire de la préservation de l’environnement, d’une loi qui in fine n’a pu empêcher, depuis son dépôt jusqu’à sa promulgation, la consolidation d’un chômage de masse marqué par la hausse de la précarité de l’emploi et la relance des offres de stages ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Ce n’est pas le lieu pour débattre du fond de la loi Travail, monsieur le sénateur, mais la campagne présidentielle offre l’occasion d’en parler de nouveau.
Concernant la nécessité pour le Sénat de veiller à l’application de cette loi, je partage votre avis. Le Sénat doit poursuivre son bon travail de suivi de l’application de cette loi. L’application de ce texte progresse de façon rapide. En effet, 84 % des 124 mesures prévues ont déjà été prises, dont 104 dans le délai des six mois.
Congé de proche aidant, avancement de la période de référence pour l’acquisition des congés, mise en place du compte personnel d’activité, développement de l’apprentissage dans la fonction publique, garantie jeunes, aide à la recherche du premier emploi sont autant de mesures importantes et appréciées par nos concitoyens, dont les décrets d’application ont été publiés dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
En outre, sept mesures importantes sont actuellement au Conseil d’État. La ministre du travail s’est engagée à ce que l’ensemble de ces mesures soient publiées avant la fin du mandat, et donc à porter le taux d’application de cette loi à 100 % en mai 2017.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.
M. Yvon Collin. De session en session parlementaire, on constate une amélioration du taux effectif d’application des lois, une évolution qui garantit la crédibilité de la loi et des réformes, et qui instaure également une meilleure sécurité juridique. Le Parlement ne peut que s’en féliciter.
Parmi les lois concernées, je citerai la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Au regard des crises sévères traversées par certaines filières, nous devons, me semble-t-il, envoyer un signal positif en matière d’accompagnement des mutations de l’agriculture.
Je pense aussi au volet travail de la loi Macron, dont toutes les mesures réglementaires ont été prises, rendant ainsi effectifs de nombreux leviers institués pour doper la croissance et l’emploi. Leurs effets commencent tout juste à se faire sentir.
Enfin, je terminerai par la loi NOTRe, qui a naturellement mobilisé le Sénat, au point de nous conduire plus récemment à examiner de multiples propositions de loi pour corriger les manquements, les oublis et autres effets pervers de cette réforme, dont l’application ne cesse de poser des difficultés sur le terrain. Mon groupe ne regrette pas de s’y être opposé !
Au moins deux des nombreuses propositions de loi de correction de la loi NOTRe ont pour origine le RDSE et ses membres : la proposition relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles et celle qui vise à rallonger d’un an le délai d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités.
Si le premier texte a été adopté par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale pour être promulgué en mars 2016, le second a été adopté par la Haute Assemblée en avril dernier, mais n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale, ce que nous regrettons.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas permis aux députés de se prononcer sur cette proposition de loi qui, si elle avait été adoptée par l’Assemblée nationale, aurait soulagé les élus locaux dans les territoires, en leur garantissant le temps nécessaire à la mise en œuvre complexe des nouvelles intercommunalités ?
Si, durant ce quinquennat, les décrets d’application paraissent dans des délais tout à fait raisonnables, le Gouvernement peut mieux faire, dans le respect du bicamérisme et la prise en compte des travaux de bon sens du Sénat, surtout lorsqu’il s’agit de corriger les méfaits de la loi NOTRe.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Permettez-moi de commencer ma réponse par un peu d’autosatisfaction collective, comme l’a fait M. Collin. Le Sénat, grâce à son travail assidu – cette séance le prouve –, a permis de maintenir la pression sur le Gouvernement. Le taux global d’application des lois s’est ainsi amélioré de près de quinze points par rapport à l’an dernier et de plus de vingt-cinq points par rapport au bilan de la session 2013-2014.
Ce résultat est le fruit d’un important travail de mes prédécesseurs : réunions interministérielles présidées par le secrétaire général du Gouvernement, réunions bilatérales ou trilatérales de suivi, comités interministériels de l’application des lois – j’en ai réuni un la semaine dernière, un autre se tiendra dans quinze jours –, communications régulières en conseil des ministres, etc. Ces bonnes pratiques ont porté leurs fruits, et nous pouvons tous nous en féliciter.
Concernant l’inscription à l’ordre du jour des deux propositions de loi citées, le Gouvernement ne dispose plus, depuis la révision constitutionnelle de 2008, que de deux semaines d’ordre du jour sur quatre. L’ordre du jour gouvernemental est très chargé, comme en atteste le grand nombre de réformes adoptées par le Parlement. Une quarantaine de lois ont en effet été adoptées au cours de la session qui va s’achever cette semaine.
Ces textes, d’initiative parlementaire, auraient pu être inscrits à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa majorité ou d’un groupe minoritaire ou d’opposition, dans le cadre d’une journée réservée. La faute n’en incombe donc pas au seul Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe de l’UDI-UC.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les membres de notre groupe se réjouissent de l’organisation de ce débat sous une forme dynamique, car il est important que le contrôle parlementaire puisse s’exercer.
Nous nous satisfaisons aussi de voir l’évolution du taux d’application des mesures contenues dans les lois atteindre 86 %, contre 73 % lors de la précédente législature, même si nous considérons qu’il est possible de faire encore mieux.
Les membres du groupe sont également attentifs à l’interprétation réglementaire des textes ; je pense en particulier à la loi Macron. Le président Bas évoquait la question des notaires. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la manière dont le processus se déroule.
Nous nous interrogeons aussi sur l’interprétation jurisprudentielle de certains textes, comme la loi Littoral, qui oblige le Sénat à trouver des véhicules législatifs pour donner du sens à son application.
De même, on peut s’interroger sur l’inflation législative, avec les demandes de rapports et l’augmentation du nombre d’articles ainsi que l’instauration de normes nouvelles qui pénalisent l’agriculture et les entreprises.
Le groupe UDI-UC est particulièrement sensible à une question relative à l’urbanisme. La loi NOTRe, que mon collègue Yvon Collin a évoquée précédemment, entraîne un changement de compétences au niveau des communes et des intercommunalités, et les communes qui, aujourd’hui, ne sont dotées que de plans d’occupation des sols, les POS, risquent de relever du règlement national d’urbanisme, le RNU, au 27 mars prochain.
Monsieur le secrétaire d'État, que pouvez-vous faire pour éviter qu’un grand nombre de communes ne se retrouvent contraintes à appliquer le RNU, alors qu’elles étaient dotées d’un POS.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. La question de la caducité des POS a été soulevée dans le cadre des débats sur le projet de loi Égalité et citoyenneté et, à chaque reprise, le Gouvernement a rappelé son opposition à son report.
En effet, cette caducité est programmée depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, de 2000 et elle a été organisée par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, en 2014. Les communes concernées ont donc eu largement le temps nécessaire pour se mettre en conformité et remplacer leur POS par un plan local d’urbanisme, un PLU.
De plus, un report a déjà été autorisé pour permettre aux communautés, qui sont devenues compétentes et qui ont lancé l’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal, un PLUI, avant le 31 décembre 2015, de conserver les POS jusqu’à l’approbation du PLUI et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2019, ce qui laisse du temps. En dehors de ces cas particuliers, rien ne justifie le maintien des POS et, à défaut, c’est le RNU qui s’appliquera.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté, dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, un amendement du Gouvernement assouplissant les modalités de « grenellisation » des documents d’urbanisme. Les dates butoirs fixées par les lois Grenelle II, ALUR et Mandon ont été supprimées au bénéfice de l’introduction d’un principe général de « grenellisation » des documents d’urbanisme au plus tard à leur prochaine révision.
Plutôt que de repousser une nouvelle fois le délai de mise en conformité des documents d’urbanisme, cette disposition prend acte du fait que de nombreux plans locaux d’urbanisme et schémas de cohérence territoriale, les SCoT, sont en cours de révision. De nouvelles révisions seront rapidement engagées, la stabilisation de la carte intercommunale étant intervenue au 31 décembre dernier.
De ce fait, la « grenellisation » ne sera pas significativement retardée par cette nouvelle mesure, mais le Gouvernement a tout de même tenu compte du retard qui a pu être pris en raison de la recomposition territoriale et entend rassurer les collectivités et les acteurs de l’aménagement inquiets des éventuelles conséquences contentieuses du non-respect de cette échéance.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, après le speed dating, voici le quick speaking ! (Sourires.)
J’aborderai trois points non liés.
Tout d’abord, nous avons constaté dans certains départements que des arbres ont été abattus ou sont abattus pour des motifs de « sécurité routière ».
Or l’article 172 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ne prévoit les abattages qu’en cas de risque sanitaire ou mécanique. Cet article ne requérant aucun décret d’application, ce dont le groupe écologiste se réjouissait, nous souhaitons savoir comment le Gouvernement compte s’assurer, via les services déconcentrés de l’État, que les dispositions seront bien appliquées.
Ensuite, ma deuxième question concerne les questions de mixité.
Nous sommes ici très attachés, depuis une quinzaine d’années, à rendre plus mixte la vie publique. Néanmoins, nous sommes parfois soumis à des injonctions contraires. Ainsi, lorsque nous avons réfléchi – longuement ! – sur la taille des intercommunalités – 10 000, 15 000 ou 20 000 habitants ? –, avons-nous pris en compte leur future présidence, en réalisant des études d’impact ? Dans de nombreux départements où des femmes étaient parfois à la tête d’intercommunalités, il n’y a plus aujourd’hui que des hommes. Qu’en est-il ?
Enfin, nous votons des lois, c’est bien ; les décrets sont pris, c’est formidable, mais se pose la question des moyens. La Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, joue un rôle très important pour l’examen et le devenir des documents administratifs ; et la loi pour une République numérique renforce ses missions. Cette instance disposera-t-elle de moyens supplémentaires, notamment pour vérifier l’application de la loi en cas de refus de publication ou de communication entre autorités publiques, ainsi que nous l’avons prévu dans la loi ?
Pour conclure – tous nos collègues partageront cette appréciation ! –, nous saisissons l’occasion de cette séance pour remercier tous les personnels du Sénat, quels que soient leurs grades et leurs fonctions, ainsi que les collaborateurs parlementaires et les collaborateurs de groupes, sans qui nous n’aurions pas travaillé aussi bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous avez évoqué la loi Biodiversité et l’abattage des arbres, qu’elle proscrit. Je ferai part de vos remarques à mes collègues Ségolène Royal et Barbara Pompili : s’il apparaissait que la loi n’était pas respectée, il reviendrait aux préfets de punir les contrevenants.
En ce qui concerne la question de la parité à la tête des EPCI, il est exact que les fusions induites par la loi NOTRe ont entraîné une diminution du nombre de places de conseillers communautaires disponibles pour chaque commune. Il est également vrai que les femmes ont été particulièrement touchées, notamment dans les petites communes, l’élu restant étant en général le maire, qui est encore un homme dans 85 % des communes françaises.
Toutefois, l’application de la loi sur le non-cumul des mandats devrait permettre d’améliorer un peu la situation, puisqu’elle obligera certains élus, députés ou sénateurs, qui cumulent les mandats de maire et de parlementaire à renoncer à leur poste de chef d’un exécutif local.
En 2020, les élections municipales et communautaires devraient encore améliorer la situation, puisque la place des femmes en tête de liste municipale ne cesse de s’accroître depuis une quinzaine d’années.
Concernant la CADA, votre question a été anticipée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2017, avec une augmentation substantielle des moyens de cette commission. Celle-ci dispose d’un schéma d’emplois positif, lui permettant de recruter un agent supplémentaire, ce qui représente un effort important en période de pénurie budgétaire.
Les crédits de fonctionnement de la CADA sont en hausse de 168 % et l’arrêté du 8 septembre 2016, publié au Journal officiel du 10 septembre 2016, revalorise le montant des indemnités des membres de cette autorité, et lui permet aussi de disposer de deux rapporteurs adjoints, contre un seul auparavant, et de dix chargés de mission, contre six auparavant. Nous avons donc pris en compte la nécessité d’augmenter les moyens de cet organisme.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste et républicain. Je profite de l’occasion pour remercier notre collègue, car cette interactivité est le fruit de ses travaux.
M. Alain Richard. Nous avons rendu hommage au travail massif et de grande qualité réalisé par les services du Sénat pour nous permettre de débattre. J’y ajoute un hommage à ce que j’appellerai « le nouveau ministère des relations avec le Parlement », car ce ministère a profondément changé : simple porte-parole il y a encore vingt ou vingt-cinq ans, il est devenu un maillon essentiel de la machine gouvernementale, notamment par la vigilance qu’il exerce sur l’application des lois.
Si nous avons toutefois encore des problèmes dans ce domaine, ne serait-ce pas parce que nous n’avons pas forcément fait les lois les plus facilement applicables ? (Exclamations.) Dans la sélection des 47 lois, ne figure pratiquement aucun projet de loi de finances, de financement de la sécurité sociale ni de loi de finances rectificative. Or nous légiférons beaucoup trop dans ces supports, qui sont des véhicules législatifs surchargés.
Du point de vue du bicamérisme, le déroulement du débat sur ces textes particuliers rend le contenu du dialogue entre les deux assemblées particulièrement pauvre.
En outre, lors des prochains exercices, nous devrions produire une nouvelle statistique : la proportion des dispositions législatives votées sur lesquelles le législateur, sur son initiative ou sur celle du Gouvernement, est amené à revenir six mois, un an ou dix-huit mois après. Cela me semble presque aussi intéressant que les débats sur les textes d’application.
N’oublions pas, de surcroît, que, lorsque l’on adopte une disposition législative, le compromis final laisse parfois un peu de flou ou renvoie au décret des problèmes que tout le monde sait compliqués.
Le président Milon évoquait précédemment le sujet des transports sanitaires en taxi, qui est à l’ordre du jour depuis au moins une demi-génération. Nous savons bien que, en confiant au Gouvernement le soin de régler le problème au travers d’un décret, on lui envoie, selon l’expression consacrée, une patate chaude, qu’il va devoir manipuler.
Les différents ministères ont des partenaires de concertation plus ou moins importants et plus ou moins maniables. Si vous entendez sortir un décret dans des conditions à peu près acceptées, des discussions sont encore nécessaires.
Enfin, dernier point : tous les ministères n’ont pas la même capacité de produire des textes. Quand on voit le retard significatif du ministère de la culture, on se demande aujourd’hui quel est l’état de sa direction juridique – en possède-t-il une, d’ailleurs ? Dans nos administrations centrales, la compétence pour produire des textes est assez inégalement distribuée.
Je forme un dernier vœu, monsieur le président. Nous nous plaignons que les multiples rapports que nous demandons ne soient pas tous rendus, mais, quand ils le sont, quel temps de débat consacrons-nous à leur exploitation, ne serait-ce qu’en commission ? Si nous le faisions davantage, les rapports que nous sollicitons seraient peut-être plus souvent rendus dans les temps.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Richard, vous savez à quel point le Conseil d’État, que vous connaissez bien, ainsi que d’autres organismes consultatifs comme la CNIL sont surchargés de travail, ce qui ne facilite pas la mise en œuvre rapide des lois qui sont votées.
Je retiens votre suggestion d’étaler le contrôle du Parlement sur un temps plus long, plusieurs années après le vote d’une loi, pour voir ce qu’elle est devenue, si elle a été modifiée…
Enfin, je partage évidemment votre avis sur l’intérêt du bicamérisme, et je vous livrerai à cet égard deux chiffres intéressants pour cette législature. Premièrement, sur 205 lois adoptées définitivement depuis 2012, pas moins de 38 procédaient d’initiative sénatoriale. Deuxièmement, plus des deux tiers des textes adoptés l’ont été à la suite d’un compromis entre les deux assemblées, soit par une adoption conforme, soit par un accord en CMP. C’est le cas de 67 % des textes adoptés pendant la seule session 2016–2017.
C’est dire si le bicamérisme est utile aux yeux du Gouvernement ! (Murmures sur différentes travées.)
M. le président. Et le Sénat, constructif !
La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dallier. Je reviens sur l’adoption de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, dont le Conseil constitutionnel a censuré, me semble-t-il, 46 articles.
On nous reproche parfois le délai d’examen des textes. Manifestement, celui-ci contenait beaucoup de cavaliers, introduits tant par le Gouvernement que par les parlementaires. Ne pourrions-nous pas, collectivement, essayer de nous autodiscipliner pour limiter autant que faire se peut l’introduction de cavaliers dans les textes qui nous sont proposés ? Ces dispositions sont au final censurées par le Conseil constitutionnel et ne figurent plus dans la loi, alors même qu’elles sont parfois utiles. Il est regrettable qu’elles n’aient pas été insérées dans le bon texte.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je partage votre réflexion, monsieur Dallier. J’ai moi-même indiqué dans mon propos introductif que le Sénat avait bien raison de mettre l’accent sur le respect non seulement de l’article 40, mais aussi des articles 41 et 45 de la Constitution. C’est notamment parce que ces articles n’avaient pas été respectés que le Conseil constitutionnel a censuré beaucoup de dispositions de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Il faut renforcer encore la vigilance des sénateurs, tous groupes confondus, mais aussi des gouvernements à venir pour que la loi soit moins bavarde à l’avenir, qu’elle soit seulement et purement législative.
M. le président. N’oublions pas non plus nos collègues députés, sous l’œil attentif du Secrétariat général du Gouvernement !
Je vous remercie, les uns et les autres, pour ce débat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour vos quinze interventions : vous êtes vraiment un coordonnateur. Je remercie également le président Claude Bérit-Débat pour son rapport et son intervention. Nous publierons en juin le bilan annuel de l’application des lois arrêté au 31 mars 2017.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le bilan de l’application des lois.
L’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq en salle Clemenceau, est reprise à vingt et une heures dans l’hémicycle, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ?
Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, sur le thème : « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman, oratrice du groupe auteur de la demande.
Mme Cécile Cukierman, au nom du groupe communiste républicain et citoyen. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’on en juge par la composition de l’hémicycle ce soir, ce débat aurait pu s’intituler « Où sont les sénateurs républicains ? » (Rires sur les travées du groupe CRC.) Nous avons préféré le thème : « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? »
Il y a eu ces dernières années et ces derniers mois beaucoup de débats, de propositions ou de projets de loi sur la ruralité, l’hyper-ruralité et l’aménagement du territoire.
Nous avons assisté, bien trop souvent, à de longues déclarations de bonnes intentions, à des listes à la Prévert des besoins à satisfaire, déplorant la désertification de certains de nos territoires.
Le constat est partagé : des pans entiers de nos territoires se sentent légitimement abandonnés par la République, puisqu’il est de plus en plus difficile d’assurer à leurs habitants les services essentiels auxquels chaque individu a droit.
Alors que la vie à la campagne est de plus en plus attractive dans l’imaginaire collectif, y compris pour les jeunes, qui y voient la promesse d’une vie moins stressante et plus en phase avec leurs besoins physiologiques et biologiques, le manque de service public et d’infrastructures freine cet appétit de vivre autrement.
Il est urgent de remédier à cette situation, car tout le monde ne peut pas, demain, être citadin.
Notre diagnostic est clair : la ruralité souffre aujourd’hui des modèles retenus nationalement, par ceux que l’on qualifie d’experts et par les pouvoirs publics, pour l’aménagement du territoire, qui soumettent les femmes et les hommes, les entreprises et les territoires aux règles du capitalisme mondialisé de mise en concurrence et de rentabilité.
Or la ruralité ou plutôt les ruralités ne peuvent entrer dans ce moule libéral.
Nous en tirons une conclusion simple : il faut reconstruire des politiques publiques respectueuses des valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité, des politiques fondées sur la notion d’utilité publique et d’intérêt général plutôt que sur celles de rentabilité et de rationalisation de l’action publique, de limitation des dépenses publiques et, donc, de mise en œuvre de l’austérité budgétaire à tous les niveaux de nos collectivités.
Oui, l’État a un rôle à jouer et une responsabilité spécifique, en tout point du territoire national.
À travers ce prisme, le bilan de ce quinquennat est redoutable, parce que les logiques libérales mises en œuvre par la droite au pouvoir – et bien absente ce soir ! (L’oratrice montre les travées de droite.) –, loin d’avoir été infléchies, ont même parfois été poursuivies.
Les services publics ont continué d’être, comme on dit pudiquement, « mutualisés », c’est-à-dire regroupés afin d’être moins dispendieux pour les deniers publics. Je pense notamment à tous les regroupements hospitaliers, qui ont conduit à éloigner les patients des lieux de soins. Je pense aussi bien sûr à la vie scolaire : trop d’écoles ont fermé, les règles de fermeture des classes et des écoles en milieu rural ayant été mécaniquement appliquées. D’ailleurs, lors du congrès récent de l’Association des maires ruraux, en octobre dernier, dans mon département de la Loire, une motion a été adoptée à ce sujet, appelant à une application plus souple des règles nationales au regard de l’enjeu spécifique du maintien d’une école en zone rurale.
L’État a organisé sa propre disparition à travers la perte d’ingénierie, qui est pourtant une ressource essentielle en zone rurale, en diminuant les moyens humains au sein des préfectures, notamment dans les dispositifs d’assistance technique aux collectivités pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT. Obnubilé par la réduction des déficits publics, l’État a renoncé à sa présence sur l’ensemble du territoire national, créant ainsi des droits à géométrie variable.
La construction des infrastructures a pris du retard.
Des lignes de trains et des gares ont été fermées ; l’aménagement numérique s’est heurté au manque de rentabilité dans certains espaces. Le rapport annuel de la Cour des comptes a d’ailleurs corroboré les inquiétudes régulièrement exprimées dans cet hémicycle. Le plan France très haut débit est sous-estimé et, surtout, ne comporte aucun engagement contraignant pour les opérateurs, ce qui conduit à son inefficacité. C’est d’ailleurs le problème principal. Les politiques de mise en concurrence généralisées se sont doublées de politiques de privatisation des services publics dans différents domaines : La Poste, France Télécom, EDF, les autoroutes… Alors que la France s’est construite sur un modèle d’aménagement en réseau et de monopole public, tout ce réseau a été démantelé au nom des dogmes européens de libre concurrence, au terme de politiques qui ont conduit clairement à la disparition des services publics en zones non rentables, et donc en zones rurales.
C’est l’essence même de l’action publique qui s’est diluée au profit de la finance. L’État a renoncé à son rôle de stratège et à son rôle de garant de l’intérêt général, laissant infrastructures et services au libre arbitre des intérêts privés.
Alors que notre pays peut s’enorgueillir de s’être construit par un maillage fin du territoire par les services publics, tout cet édifice semble aujourd’hui fragilisé, ce qui met en cause l’égalité républicaine, en zone rurale comme en zone périurbaine. Cette remise en cause alimente directement le Front national, qui prospère sur le terreau des renoncements, des injustices et du sentiment d’abandon républicain, souvent bien légitime.
Par ailleurs, la métropolisation des territoires, engagée depuis la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, a fait beaucoup de mal aux territoires ruraux. Comme dirait mon collègue et ami député André Chassaigne, la métropolisation a conduit à drainer les richesses vers les centres urbains, alors qu’un véritable aménagement du territoire consisterait à irriguer l’ensemble des territoires. Le principe même de péréquation en matière d’aménagement du territoire tend à s’effacer progressivement.
Conjuguée à la refonte de la carte de l’intercommunalité dans les territoires ruraux, cette tendance a conduit à accentuer les inégalités territoriales entre l’urbain et le rural. Privés de services publics et de présence de l’État, les territoires ruraux souffrent peut-être plus encore de la baisse des dotations poursuivies par les différents gouvernements depuis des décennies.
Là encore, l’iniquité est grande. Selon l’Association des maires ruraux de France, aujourd’hui, l’État verse 62 euros par habitant aux communes rurales, contre 124 euros aux grandes villes en dotation globale de fonctionnement. Pour corriger cette inégalité, nous avions, voilà quelques années, présenté une proposition de loi, qui n’a malheureusement pas été adoptée…
Comme quoi il est plus facile de partager un diagnostic que des solutions. Cette proposition de loi permettait pourtant de rééquilibrer la dotation globale de fonctionnement en zone rurale. Nous regrettons une nouvelle fois que rien ne soit fait pour réduire ce déséquilibre. Nous ne trouvons aucune annonce des candidats à la présidentielle à ce jour, aucune proposition dans leurs programmes sur ce sujet.
La refonte de la dotation n’est toujours pas mise en œuvre. L’avenir des territoires ruraux pose pourtant des enjeux économiques, sociaux, mais également démocratiques.
En effet, privés de moyens humains, financiers et techniques, les élus locaux ont de plus en plus de mal à assumer leur fonction, ce qui produit frustration et découragement.
La construction d’intercommunalités géantes par le relèvement des seuils posé dans la loi NOTRe a profondément déstabilisé le monde rural. Le seuil de 15 000 habitants n’est pas adapté à de nombreuses réalités territoriales. Surtout, ces regroupements se sont opérés de manière autoritaire. Ils n'ont pas été fondés sur le libre consentement et les projets partagés, mais imposés par les préfets au travers de la commission départementale de la coopération intercommunale, la fameuse CDCI.
Ce mépris démocratique a engendré un sentiment d’impuissance. Des compétences de proximité ont été confiées à des échelons trop vastes et la démocratie y a perdu.
Ces regroupements forcés ont également eu pour conséquence, faute de moyens et de savoir-faire, de confier de plus en plus de missions de service public à des entreprises privées.
Si le président du Sénat, reprenant l’expression de l’Association des maires ruraux, souhaite « oser la ruralité », alors il faut aller au bout de cette réflexion et en tirer toutes les conséquences.
Le temps n’est plus aux assises ou aux constats, nous avons de la matière, notamment l’excellent rapport produit sous l’égide de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, par mon ami Jean-Paul Dufrègne, ancien président du conseil général de l’Allier. Ce rapport contient des propositions intéressantes et novatrices qu’il conviendrait d’étudier très sérieusement.
Le temps maintenant doit être celui de l’action, pour ces territoires, mais surtout pour leurs habitants. Ces territoires sont riches de ressources humaines, d’innovation, de solidarité et d’aménités positives. Les politiques publiques doivent les soutenir, les accompagner, les développer.
Il convient donc d’agir prioritairement dans quatre directions.
Premièrement, il faut stopper ces regroupements intercommunaux contraints, et donc inefficaces pour les habitants comme pour les territoires.
Deuxièmement, il faut en finir avec la politique de baisse des dotations alors que les collectivités portent sur leurs épaules l’essentiel des politiques d’investissement. Il y a urgence à sortir de ce cycle moribond des politiques d’austérité, qui conduisent au déclin économique et à la souffrance sociale, et à définir un plan pluriannuel d’investissements pour la ruralité.
Troisièmement, il faut revoir nos principes d’aménagement du territoire pour garantir la maîtrise publique des réseaux de communication, qu’ils soient de transports ou numériques. La fibre, qui est l’infrastructure du XXIe siècle, doit irriguer tous les territoires. Pour cela, il faut en finir avec les politiques de privatisations et être capables d’imposer l’intérêt général comme fil conducteur de l’action publique.
Enfin, quatrièmement, il faut déclarer un moratoire sur les fermetures de services publics en zones rurales, pour cesser de désarticuler l’armature de la présence publique, qui répond aux besoins des populations, mais surtout les sécurise dans leur vie au quotidien.
Ainsi, il faut remettre l’humain au centre, mener des politiques d’aménagement fondées sur les besoins et non sur la rentabilité économique. La ruralité est une richesse, vivre en milieu rural est une chance. Sachons la préserver ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joël Labbé et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat a beaucoup travaillé sur des projets et propositions de loi propres au monde rural.
En particulier, l’agriculture est au cœur des travaux de la commission des affaires économiques, de même que tout ce qui se trouve en amont, comme le machinisme agricole, ou en aval, comme le commerce. Si les activités agricoles constituent un secteur structurant, nous devons envisager la ruralité dans son ensemble.
Après des décennies d’exode rural massif qui ont entraîné un vieillissement de la population, nous vivons maintenant un exode urbain. Chaque année, 100 000 personnes quittent la ville pour la campagne ; elles étaient 70 000 à faire le chemin inverse voilà 40 ans. Nous sommes donc loin de la mort annoncée et de la désespérance chronique dans laquelle certains voudraient cantonner les zones rurales.
Aujourd’hui, pour consolider les communes rurales, nous devons apporter des réponses globales. C’est pourquoi je remercie notre groupe d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour.
En Corrèze, un maire d’une commune de 591 habitants a justement fait le choix de ne pas céder à la désespérance. En 1995, alors que l’unique classe de l’école publique était menacée par le faible nombre d’élèves, plutôt que de baisser les bras et voir les habitants quitter progressivement le village, le maire a ouvert un centre de loisirs municipal, au risque de passer pour un illuminé aux yeux des élus voisins et de ses concitoyens.
Vingt ans plus tard, une habitante témoigne : « C’est formidable, cela faisait soixante ans qu’un bébé n’avait pas crié dans le hameau ». Et aujourd’hui, plus de 30 élèves sont scolarisés et le centre de loisirs accueille 280 enfants par an.
M. Jean-Claude Requier. De quelle commune s’agit- il ?
M. Jean-Pierre Bosino. Ce maire a touché le cœur du problème : la présence des services publics dans les zones rurales. Chacun peut clamer son attachement à la ruralité – voire à l’hyper-ruralité…–, être en première ligne de la défense des communes rurales, elles ne vivront que par la relance des services publics. En effet, les urbains quittant la ville pour aller vers le milieu rural souhaitent – et c’est bien normal – y retrouver les services de la ville.
Face aux fermetures d’écoles et à la disparition des commerces, des communes rurales de l’Oise ont fait un pari similaire à ce maire de Corrèze. Ils ont opté pour la création d’habitats publics, comme à Cramoisy, où le maire a permis la construction de dix-sept logements HLM.
Mais dans un département où 52 % des communes ont moins de 500 habitants, 89 % des 692 communes ne sont équipées ni d’une halte-garderie ni, évidemment, d’une crèche.
Comment attirer de nouveaux habitants sans offrir des commodités essentielles, par exemple en matière d’accueil de la petite enfance ?
Passons des paroles aux actes ! Assez de doubles discours entre, d’un côté, les fermetures de gares, de liaisons SNCF, jugées trop peu rentables, de trésoreries ou de bureaux de poste et, de l’autre, la défense de la ruralité, des territoires, des communes.
D’un côté, on démantèle les grandes entreprises publiques, qui organisaient la péréquation et faisaient en sorte que, même au fin fond de n’importe quel village, par exemple en Auvergne,…
M. Jacques Mézard. Ah !
M. Jean-Pierre Bosino. … on avait accès au téléphone, à l’électricité. De l’autre, on veut nous faire signer des contrats de réciprocité pour organiser la « solidarité territoriale ». Autrement dit, on fait désormais peser sur les villes une solidarité nationale, qui était auparavant assurée par EDF, France Télécom, La Poste ou la SNCF.
Comme le dénonçait mardi dernier notre collègue Alain Bertrand, les services publics dans la ruralité, on en est au squelette !
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Jean-Pierre Bosino. La désespérance est réelle, il ne faut pas la nier, mais elle n’est pas inhérente à la ruralité, c’est une conséquence directe du libéralisme et des cures austéritaires imposées aux communes. On voudrait nous faire croire que les communes sont responsables de tous les maux, qu’elles coûtent et, surtout, qu’elles pèsent sur les finances de l’État.
Pour certains aspirants à la fonction présidentielle – il y en a quelques-uns en ce moment ! –, les dotations aux collectivités ne sont qu’une ligne budgétaire que l’on peut sabrer pour réduire des dépenses publiques prétendument excessives. (M. Jacques Mézard s’exclame.)
J’en profite pour rappeler que les collectivités représentent à peine 9 % du déficit public, mais, surtout, 70 % de l’investissement public. Or cet investissement est évidemment un levier pour la croissance et l’emploi.
En moins de trois ans, les communes ont perdu plus de 10 milliards d’euros de dotations. Il y a urgence à desserrer l’étau de l’austérité qui les étouffe et, à plus forte mesure, dans les zones rurales. En octobre, l’Association des maires ruraux de France dénonçait un projet de loi de finances pour 2017 « ruralicide » et s’attaquait, à très juste titre, à un énième renoncement de ce quinquennat : l’abandon de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, DGF.
Si la dotation de solidarité rurale a augmenté cette année, cela ne compense pas la baisse de DGF. Il en va de même pour la dotation de solidarité urbaine dans les villes comprenant des quartiers prioritaires.
Dans un tel contexte, tout est fait pour opposer artificiellement les maires ruraux aux maires urbains. Les sénateurs et sénatrices du groupe communiste le dénoncent depuis longtemps.
Comme le rappelait Cécile Cukierman à l’instant, notre groupe avait déposé une proposition de loi visant à réformer la dotation globale de fonctionnement et ainsi réduire les écarts de DGF de base entre le rural et l’urbain. Cette proposition a été rejetée sous le prétexte d’une réforme à venir. Peut-être devrions-nous l’examiner de nouveau ce soir, nous serions majoritaires… (Rires sur les travées du groupe CRC. – Mme Éliane Assassi applaudit.)
La ministre de l’époque déclarait : « nous nous engageons à reprendre ce chantier avec vous et à présenter une réforme globale de la DGF ». Quatre années après, pas de réforme et un quinquennat qui s’achève sur une baisse continue des moyens des communes avec toutes leurs conséquences !
Au-delà des contraintes financières, l’existence même de communes en zones rurales est remise en cause. L’obsession des fusions et des regroupements irrigue les grandes réformes territoriales, NOTRe et MAPTAM pour n’en citer que deux.
Pourtant, la commune, bien qu’étant de plus en plus menacée – certains voudraient même en supprimer 30 000 ! –, demeure le meilleur pilier de la ruralité, échelon privilégié de proximité démocratique.
Les communes rurales méritent autant d’attention que les communes urbaines ; aujourd’hui, elles reçoivent autant d’austérité !
Je rejoins les demandes de ma collègue Cécile Cukierman, il est impératif de stopper les regroupements intercommunaux, d’interrompre les baisses de DGF et de revoir les principes de l’aménagement du territoire. Il faut un moratoire sur les fermetures de services publics en zone rurale, il est urgent et indispensable de mettre un terme au recul de l’État dans ces zones et de donner les moyens aux communes de mettre en œuvre les services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Jacques Mézard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie les membres du groupe communiste républicain et citoyen d’avoir mis ce débat à l’ordre du jour de leur espace réservé.
Poser la question des outils et des moyens pour les communes en zones rurales et discuter de la réforme territoriale et des contraintes financières, c’est finalement poser un problème du quotidien, en particulier pour ceux qui ont encore la possibilité d’être, en même temps, en charge d’un exécutif local et de siéger au Parlement. (Mme Éliane Assassi rit.) Ce sont ceux-là qui, en général, savent le mieux quelles sont les difficultés de nos collectivités locales.
M. Jean-Claude Requier. Exactement !
M. Jacques Mézard. Mme Lebranchu,…
M. Jacques Mézard. … qui a passé du temps ici, en tant que ministre, pour nous exposer les bienfaits de la réforme territoriale, a donné cet été une interview à Acteurs publics dont le titre était : « Nous n’avons pas réussi la réforme territoriale ». Elle avait parfaitement raison et nul ne pouvait mieux dire qu’elle que ce fut un échec.
Un échec, car, malheureusement, il n’y a eu aucune vision d’ensemble. Faire des réformes institutionnelles sans, dans le même temps – voire si possible en amont –, avoir une vision de la question des ressources financières des collectivités locales, c’était une gageure. Tout le monde a très vite constaté une totale inadéquation dans ce processus.
Fusionner les régions et adopter une loi, la loi NOTRe, qui a mal fait les choses, sans avoir eu au préalable une vision de la modification indispensable du système des ressources de nos collectivités, ce n’est pas ce que j’appelle avoir une vision d’ensemble. C’est raisonner à la petite semaine, en fonction de contraintes qui, malheureusement, n’avaient rien à voir avec un meilleur fonctionnement des collectivités.
Quand s’ajoutent à cela les baisses de dotations, on ne peut en réalité qu’engendrer des difficultés supplémentaires pour nombre de collectivités.
Finalement, nous nous retrouvons avec un objectif institutionnel qui n’a pas réellement abouti : nous savons bien qu’un certain nombre de responsables voulaient en fait supprimer les départements, fusionner de force les communes (MM. Jean-Claude Requier et Olivier Cigolotti opinent.) et créer de grandes intercommunalités à côté de grandes régions.
M. Jean-Claude Luche. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. Mais du fait des résistances, d’un manque d’autorité ou des deux, vous avez finalement réalisé un mélange de tout cela !
Le groupe du RDSE s’honore de ne pas avoir voté la loi NOTRe (M. Jean-Claude Requier s’exclame.) et le fait est que, depuis son adoption, on ne cesse pas de la modifier. Pas plus tard que jeudi, une modification relative à la prolongation du délai de transfert des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement sera proposée au Sénat, et je ne doute pas qu’elle trouvera une large majorité.
Cette affaire, qui a trouvé son origine dans une vision idéologique – mais absolument pas efficace – des évolutions dont nos collectivités territoriales avaient besoin, n’a pas été raisonnable.
Depuis lors, nous constatons tous ce qui se passe pour les dotations de l’État. Or, madame la secrétaire d’État, si vous relisez les engagements du candidat François Hollande en 2012, vous y verrez l’affirmation d’une stabilité des dotations de l’État.
M. Jean-Pierre Bosino. On en est loin !
M. Jacques Mézard. Je le rappelle, parce que nous sommes en période présidentielle et qu’il faut faire très attention aux engagements…
Pour le reste, il faut dire que les réformes territoriales ne faisaient pas partie des engagements du candidat.
Qui plus est, des réponses à certaines difficultés rencontrées n’ont été apportées que par à-coups. Nous avons donc eu, à la fois, une baisse des dotations et des décisions répondant, en partie, à ce que les collectivités vivaient sur le terrain.
Certaines mesures ont été positives : par exemple, les contrats de ruralité, le fonds de soutien à l’investissement ou l’augmentation des sommes dévolues à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. On ne peut pas dire que ce sont de mauvaises décisions, mais elles ne découlent pas d’une vision d’ensemble de l’aménagement du territoire. Il a plutôt été question d’essayer de rattraper, de-ci de-là, certains dérapages.
Pourquoi nos communes rurales ont-elles ce sentiment d’abandon ? Certes, elles ne sont pas toutes dans la même situation, certaines vont bien, mais beaucoup éprouvent ce sentiment. Leur situation s’est en effet dégradée ces dernières décennies, en particulier en termes d’accessibilité, que ce soit pour les routes, le réseau ferré, la santé ou encore le numérique.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Mézard. J’en termine, madame la présidente. Les Républicains nous donneront sans doute un peu de leur temps… (Sourires sur plusieurs travées.)
Dans ces communes rurales, la situation est, aujourd’hui, bien plus négative qu’elle ne l’était il y a quelques années, même en ce qui concerne la téléphonie mobile par exemple. Tout cela n’est plus accepté par les populations. L’absence de vision a abouti au fait que, malheureusement, nombre d’habitants de ces zones rurales n’ont plus confiance, aujourd’hui, dans les pouvoirs publics. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UDI-UC, ainsi que sur celles du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe de l’UDI-UC.
M. Michel Canevet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer, au nom du groupe de l’UDI-UC, par remercier le groupe CRC d’avoir permis l’organisation, ce soir, d’un débat sur les outils et les moyens à la disposition des communes en zones rurales.
Il est vrai que ces communes méritent une grande attention. Dans l’ensemble des zones rurales de notre territoire, il existe un grand sentiment de délaissement et il est aujourd’hui nécessaire de se préoccuper de leur avenir. Ces communes constituent la force de la France et la population y ressent un très fort sentiment d’appartenance.
Les différentes lois portant réforme territoriale ont montré une volonté de regrouper les communes à tout prix, souvent dans des ensembles très vastes, et de transférer des compétences vers les intercommunalités. Elles ont finalement entraîné de profondes incompréhensions, tant pour les élus que pour beaucoup de nos concitoyens.
Certes, il ne faut pas condamner l’intercommunalité, qui a du bon, mais il faut qu’elle puisse s’organiser librement, selon la volonté des communes. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.) Et c’est bien cela que l’on peut reprocher à ce qui a été fait ces dernières années : on a obligé les communes à effectuer des transferts de compétences.
Pourtant, quand les choses se font volontairement, cela permet de construire, ensemble, des projets de territoire, ce qui est fondamental.
En outre, cela permet d’organiser les choses de manière adaptée : au groupe UDI-UC, nous plaidons justement pour une organisation différenciée, parce qu’on ne peut imaginer traiter tous les territoires de façon uniforme. Selon les endroits, le département pourrait prendre des formes variées, voire fusionner avec les régions quand la situation s’y prête, mais en tout état de cause, c’est aux territoires de le décider ! Or, cela est aujourd’hui difficile à mettre en œuvre.
C’est à cause de cela qu’il existe tant d’incompréhensions. Au contraire, le groupe de l’UDI-UC défend le principe d’expérimentations, car c’est le seul moyen de construire quelque chose qui corresponde effectivement aux attentes et aux besoins de la population et des élus.
Parmi les nombreuses préoccupations des communes en zone rurale, il y a d’abord la question des services à la population.
Je suis moi-même président d’une communauté de communes – cinq d’entre elles ont moins de 1 000 habitants – et je peux vous dire que l’ensemble des communes rurales trouve sa place dans notre organisation, en particulier parce qu’elles participent à l’exécutif. Personne n’a voulu aller vers une communauté XXL, dans laquelle nous n’aurions plus eu voix au chapitre ; au contraire, nous avons préféré construire une intercommunalité, qui assure les services attendus par la population, tout en permettant à chacun de trouver sa place.
Le développement de ces services à la population peut être assuré, en faisant confiance aux élus, soit par les communes, soit dans un cadre intercommunal, lorsque celui-ci est librement consenti.
En ce qui concerne les dotations, qui ont été évoquées par le président Mézard, il faut absolument rééquilibrer les choses ! Aujourd’hui, la DGF moyenne s’élève à 64 euros en zone rurale, contre 128 en zone urbaine. Cela n’est pas normal !
M. Jacques Mézard. C’est scandaleux !
M. Michel Canevet. Il est donc bien temps de rééquilibrer tout cela. Dans ce contexte, on ne peut que regretter que la réforme de la DGF n’ait pas pu aboutir, ce qui est particulièrement préjudiciable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe CRC. – Mmes Delphine Bataille et Anne Émery-Dumas ainsi que M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer les membres du groupe communiste républicain et citoyen pour avoir proposé la tenue de ce débat majeur. Ils sont particulièrement en force ce soir, ce qui montre bien leur sens du collectif.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Ce n’est pas le cas sur toutes les travées… Certes, je suis le seul membre du groupe écologiste présent, mais nous sommes peu nombreux et je sais que mes collègues sont, de cœur, avec nous.
Je voudrais commencer mon propos par les derniers mots de notre collègue Cécile Cukierman, ils sont magnifiques et toucheront le cœur des populations rurales : « la ruralité est une richesse, y vivre est une chance ». Je les fais miens, comme l’ensemble de son propos introductif.
Beaucoup de choses ont été dites et je ne voudrais pas les répéter. C’est pourquoi je ne vais pas utiliser l’ensemble du temps de parole qui m’est imparti,…
M. Jacques Mézard. C’est dommage !
M. Joël Labbé. … j’insisterai simplement sur quelques points.
Monsieur le président Mézard, votre propos était intéressant, mais vous évoquez un débat qui n’a pas lieu d’être ce soir. Selon vous, il est bon d’être parlementaire et en même temps élu rural.
MM. Olivier Cigolotti et Jacques Mézard. Oui !
M. Joël Labbé. Pour avoir vécu les deux situations, je peux vous dire que, même sans mandat local, on peut rester en lien étroit avec les territoires. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
En ce qui concerne les aspects financiers, il faut noter que le quinquennat a tenté de relever un défi de taille, celui de la stabilisation des comptes de la Nation après la crise de 2008 et les plans de relance coûteux du mandat précédent. Notre déficit public avait atteint des sommets et nous devions retrouver une plus grande maîtrise de nos dépenses.
Cela s’est fait de manière souvent trop brutale et le Sénat s’est régulièrement fait l’écho des inquiétudes des communes rurales et des départements à dominante rurale.
Toutefois, l’ensemble des collectivités a dû participer aux efforts budgétaires, alors même que, dans leur immense majorité, leur propre gestion était bien mieux maîtrisée que celle de l’État.
Pour revenir plus précisément à notre débat de ce soir, comment espérer faire respecter l’idéal d’égalité entre tous les citoyens quand il est si difficile et coûteux, pour les espaces ruraux, de fournir à la population des services publics aussi essentiels que l’accès aux soins de proximité, au très haut débit ou à la téléphonie mobile ?
S’agissant du très haut débit, n’oublions pas que 17 % de la population n’est pas connectée, ce chiffre atteignant 23 % pour les espaces ruraux. N’oublions pas non plus la question du maintien des classes et des écoles, comme celui des commerces de proximité.
Je rappelle que la ruralité concerne 80 % de notre territoire. Elle n’est pas uniforme : par exemple, beaucoup de communes encore qualifiées de rurales se trouvent sur des territoires où elles bénéficient d’une dynamique métropolitaine. Ce phénomène croissant de métropolisation entraîne mécaniquement, sur les territoires concernés – communes rurales comprises –, le développement d’activités économiques génératrices d’emplois et de richesses.
Mais il reste cette partie des territoires ruraux que notre collègue Alain Bertrand définit comme l’hyper-ruralité dans son excellent rapport de juillet 2014. Cela couvre encore 26 % du territoire, soit plus du quart, et représente seulement 5,4 % de la population. Celle-ci est souvent touchée par le vieillissement, l’enclavement, la faiblesse des ressources financières et le manque d’équipements et de services. Ces territoires méritent une attention toute particulière.
Pour terminer sur une note positive, je voudrais saluer les efforts de la loi de finances pour 2017 en ce qui concerne l’animation des territoires ruraux. Elle a mis en place deux outils : les contrats de ruralité, issus d’une initiative de notre ancien collègue Pierre Jarlier, et les zones de revitalisation rurale, malgré les problèmes de transition que pose l’actualisation de ce zonage.
Les défis à relever pour nos territoires ruraux restent encore très nombreux. Nous espérons que les efforts engagés se poursuivront et s’accentueront.
Mes derniers mots iront à l’agriculture, notre agriculture, qui est en grande souffrance. Un travail a été engagé sur l’agriculture familiale et paysanne, qui doit couvrir notre territoire et nourrir nos populations, mais il reste beaucoup à faire et j’espère que des actions vont se poursuivre positivement dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Canevet et Bernard Delcros applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Claude Raynal. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRC nous invite à discuter, une nouvelle fois – me semble-t-il –, de l’avenir des communes rurales.
Je souhaiterais commencer par une citation tirée d’un rapport, plusieurs fois cité à cette tribune, celui sur l’hyper-ruralité remis par notre excellent collègue Alain Bertrand. Cette citation illustre une formulation, peut-être malheureuse, des termes de notre débat.
« La notion de “ruralité”, susceptible de concerner 80 % du territoire, ne fait plus sens. Elle est aujourd’hui dépassée par le fonctionnement du “système territorial”, fait de centralités, de réseaux et de flux de personnes, de biens, d’activités ou d’informations, à toutes les échelles et en interaction permanente et évolutive. Désormais dépendants les uns des autres, les territoires recèlent des capacités et des besoins différenciés, qu’il est utile d’appréhender. »
Ce rapport portait sur l’hyper-ruralité et le problème dont nous débattons se pose plutôt, à mon sens, pour cette forme de ruralité que dans le cadre d’une ruralité appréhendée de manière globale, et qui serait caractérisée par une situation, des problématiques, des forces et des faiblesses communes.
Au même titre qu’il n’est pas sérieux de vouloir aborder les problématiques des territoires urbains de manière globale, utiliser le concept de « zones rurales » comme prisme d’analyse, notamment en matière financière, n’a pas de sens.
D’ailleurs, la définition d’une commune rurale donnée par l’INSEE est éclairante et terrible : il s’agit d’une commune « n’appartenant pas à une unité urbaine ».
M. Jean-Claude Luche. Eh oui !
M. Claude Raynal. En bref, seuls sont retenus des critères de densité et de seuil démographiques.
Si l’on se contentait d’aborder de manière globale la question de la ruralité, de ses moyens et de ses contraintes, je serais alors tenté de mettre en avant, de manière tout aussi globale, les chiffres récemment présentés par le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, Christian Eckert, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale à propos de l’exercice 2016 : d’après les premiers résultats présentés par Bercy, la situation financière des collectivités locales s’améliore par rapport à 2015,…
M. Daniel Chasseing. Non !
M. Claude Raynal. … du fait de recettes de fonctionnement progressant deux fois plus vite que les dépenses correspondantes. Je cite le secrétaire d’État !
En somme, tout irait bien ! Évidemment, les réalités locales sont beaucoup plus contrastées et hétérogènes. Au sein des territoires ruraux, comme urbains, coexistent des situations très différentes d’une collectivité à une autre, qui tiennent notamment à la richesse économique de chacune d’entre elles.
Des problématiques de charges de centralité et de portage d’équipements structurants peuvent se poser, de la même manière, à des communes rurales et à des communes urbaines. En cela, de gros bourgs ou des villes-centres peuvent cumuler un certain nombre de problématiques et difficultés communes, qu’ils soient situés en zone rurale ou en zone urbaine.
Rappelons-le, selon l’INSEE, 95 % des Français vivent aujourd’hui dans des communes sous influence urbaine. Les Français ne sont donc plus que 5 % à habiter des communes en dehors de l’influence des villes.
L’opposition entre urbain et rural continue pourtant d’imprégner les esprits, alors que les relations et les interdépendances, qui lient la plupart des villes aux campagnes via l’augmentation des mobilités et des échanges pour le développement, l’accès au travail, à l’enseignement ou aux loisirs, sont de plus en plus fortes. C’est ainsi que les attentes de certains des habitants de ces nouvelles ruralités sont liées à leur origine urbaine.
À ce titre, l’accroissement de la taille des intercommunalités, à la suite de la loi NOTRe, et le seuil minimal de 15 000 habitants engendrent des défis indiscutables et communs aux zones urbaines et aux zones rurales.
Il s’agit d’abord de parvenir, dans des intercommunalités regroupant parfois plusieurs dizaines de communes, à mutualiser l’ingénierie publique au service de politiques d’équipement ambitieuses.
Il s’agit ensuite de faire face aux risques d’augmentation de la pression fiscale dans des intercommunalités regroupant parfois des EPCI aux niveaux de pression fiscale très différents, même si elles permettent une amélioration du service public sur les territoires les plus déshérités.
Cette question de la fiscalité est justement un des éléments disqualifiant le cliché d’une seule et même ruralité. De nombreux rapports ont démontré la grande hétérogénéité des taux de fiscalité dans les territoires ruraux, en fonction du portage ou non par la ou les villes assumant des charges de centralité et de services publics locaux à destination de l’ensemble de l’intercommunalité, par exemple en matière scolaire. Lorsque ce n’est pas le cas, l’absence de charges de centralité importantes va bien souvent de pair avec une fiscalité basse, mais également avec de moindres besoins financiers de la commune.
La question des différences de charges entre communes rurales, et donc des différences de besoins en matière de ressources, fut l’une des principales questions auxquelles les groupes parlementaires ayant travaillé à une réforme de la DGF en 2016 se sont attelés. Les conclusions de leurs travaux étaient sans appel quant à la nécessité de revisiter les dotations perçues par le bloc communal, en raison notamment d’écarts parfois injustifiés entre communes limitrophes aux caractéristiques territoriales et socio-économiques pourtant proches, voire similaires. Il est certain que le mode de calcul de la dotation de base des communes, en fonction d’un coefficient logarithmique aboutissant à attribuer plus aux territoires les plus peuplés, présente des limites, sachant qu’il a été conçu sur la base de travaux d’analyse maintenant un peu anciens.
Toutefois, il faut pondérer cette critique d’une inégalité dans la distribution de la DGF sur le seul fondement de l’opposition entre territoires ruraux et territoires urbains. Là encore, faisons preuve de rigueur : des charges rurales – kilomètres de voirie, critère de superficie, etc. – ont pu être intégrées au fil des réformes de la DGF dans les modalités de calcul de celle-ci. En outre, certains territoires ruraux bénéficient de ressources relatives à des spécificités locales, via certaines impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux, ou IFER, qui constituent parfois une part non négligeable de leurs recettes de fonctionnement.
Enfin, et c’était bien l’objet de la réforme de la DGF présentée dans le rapport que j’ai rendu avec mon collègue Charles Guené, il s’agissait de s’attaquer à la question de l’attribution en fonction des charges réelles, de centralité ou de ruralité, supportées par la commune. Cette réforme a finalement été ajournée, on peut le regretter, et l’Association des maires de France ou le Comité des finances locales devront à l’avenir assumer le rôle qu’ils ont joué dans cet échec.
La baisse des dotations entamée en 2014 a demandé un effort important à l’ensemble des collectivités locales du pays, c’est indéniable. Les chiffres de l’exercice 2016 que j’évoquais en préambule montrent que les collectivités locales sont parvenues globalement à encaisser cet effort.
M. Jean-Pierre Bosino. À quel prix ?
M. Claude Raynal. À ce titre, il a été décidé de diviser par deux l’effort demandé au bloc communal en 2017, et d’atténuer de près de 1 milliard d’euros la baisse de leurs dotations.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les territoires ruraux bénéficient de deux dispositifs de soutien financier puissants qui n’ont cessé d’être renforcés depuis 2012.
En premier lieu, la DSR, ou dotation de solidarité rurale, qui progresse à nouveau très fortement en 2017, de 180 millions d’euros, après une augmentation de 117 millions d’euros en 2015 puis 2016. En 2017, cette dotation atteint désormais 1,35 milliard d’euros. Cette évolution a permis de prendre en compte l’extrême hétérogénéité des situations connues par les communes rurales, et d’atténuer largement l’incidence de la baisse des dotations pour les territoires les plus pauvres.
M. Jean-Pierre Bosino. Mais pas totalement !
M. Claude Raynal. Au total, 4 317 communes de métropole ont vu le montant de leur DGF par habitant augmenter entre 2012 et 2016.
En second lieu, le FPIC, ou fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales, qui est passé de 150 millions d’euros en 2012 à 1 milliard d’euros à compter de 2016. Toutes les études le prouvent, ce fonds constitue un outil puissant au service de la diminution des inégalités territoriales, et a notamment joué un rôle significatif pour les territoires ruraux.
L’autre contrainte financière à laquelle peuvent faire face certains territoires ruraux est celle de l’investissement local. Là encore, d’importants dispositifs ont été déployés afin de soutenir les communes rurales et d’éviter qu’elles ne soient fragilisées par les baisses de dotations.
Ainsi, le fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, atteindra 1,2 milliard d’euros en 2017. Il a permis de soutenir 4 700 projets destinés à l’amélioration du cadre de vie et à l’attractivité des territoires, à l’aménagement des centres-bourgs ou des secteurs plus urbains, ou bien à des opérations en faveur de la transition énergétique et de mise aux normes des bâtiments publics.
L’effet de levier souhaité s’est révélé particulièrement efficace : 800 millions d’euros d’aides attribuées au titre du FSIL en 2016 ont engendré 2,4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires, soit au total 3,2 milliards d’euros d’investissement public local. J’ajoute que 43 % des subventions ont été accordées à des communes de moins de 2 000 habitants, pour un cumul de 128 millions d’euros.
Par ailleurs, toujours dans le cadre de ce fonds, 216 millions d’euros seront cette année fléchés vers les contrats de ruralité, tandis que 384 millions d’euros abonderont la DETR, qui a progressé de 62 % en trois ans et atteint désormais 1 milliard d’euros.
Je ne parlerai pas davantage du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, qui a été élargi à de nombreuses dépenses d’investissement comme de fonctionnement, par exemple pour la voirie et les bâtiments publics, ni des prêts à taux zéro de la Caisse des dépôts et consignations.
Nous le voyons, tous les leviers ont été activés par le Gouvernement pour soutenir et renforcer l’investissement local, et notamment celui des communes rurales.
M. Alain Marc. On est sauvé !
M. Jean-Pierre Bosino. Tout va bien !
M. Claude Raynal. Au vu de ce tableau général, il est indéniable que le Gouvernement et le Parlement ont veillé à ce que le redressement des finances publiques n’ait pas pour conséquence d’affecter trop fortement les finances des communes rurales les plus fragilisées (M. Jean-Pierre Bosino s’exclame.), tout en les amenant à s’intégrer dans des intercommunalités de nature à les aider à se consolider et à répondre aux nouvelles attentes de leurs habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Républicains.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à remercier les membres du groupe CRC d’avoir pris l’initiative de demander l’organisation de ce débat qui permet de poser réellement les problèmes vécus au quotidien par les élus dans les territoires ruraux.
On pourrait faire l’historique des transferts de compétences, depuis les premières lois de décentralisation de mars 1982, de janvier et juillet 1983, affirmant les libertés et droits des communes, départements et régions. Ces transferts de compétences ont évolué en fonction des grands enjeux économiques et sociaux. Il s’agit réellement d’un partage des responsabilités entre l’État et l’ensemble des collectivités territoriales : comment gérer les services de proximité sur le terrain, maintenir les équipements publics, soutenir le monde rural ?
Je prendrai trois exemples, mais on pourrait les multiplier.
Premier exemple : l’enseignement. La gestion des écoles a été confiée aux communes, celle des collèges, aux départements et celle des lycées, aux régions. On a assisté à des évolutions : quand j’étais conseiller général, mon canton a failli se retrouver sans écoles. Grâce à des regroupements, l’activité a été maintenue et c’est heureux, car la présence d’écoles est fondamentale. Malheureusement, des collèges ruraux ont fermé. Les transferts de charges sont importants, puisqu’il faut également organiser les transports scolaires, avec des coûts supplémentaires induits.
Deuxième exemple : les transports ferroviaires, sujet qui me tient particulièrement à cœur. En ce qui concerne les TER, qui relèvent de la compétence des régions, on ne peut que déplorer la fermeture de lignes, qu’il s’agisse du trafic de voyageurs ou du fret – on parle beaucoup du « fret capillaire ». Malheureusement, on assiste à un gâchis véritable pour certains territoires ruraux qui ne bénéficient plus d’aucune desserte ferroviaire réelle.
Troisième et dernier exemple : la santé, avec le problème de la démographie médicale. Grâce à des financements de l’État et des collectivités territoriales, de plus en plus de maisons de santé pluridisciplinaires sont créées, le plus souvent par des intercommunalités.
Par ailleurs, on peut aussi regretter des diminutions d’effectifs dans certains services de l’État : soyons objectifs, elles ne datent pas d’aujourd’hui. Les anciennes directions départementales de l’équipement, DDE, de l’agriculture et de la forêt, DDAF, l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT, qui aidaient souvent les petites communes pour leurs projets de voirie et de réseaux, ont disparu. Certes, la compétence « urbanisme » a été transférée aux intercommunalités.
L’État reste cependant le premier partenaire des collectivités territoriales, par le biais des dotations, DGF, DSR, et de la péréquation, autant de moyens financiers à la disposition des collectivités territoriales dans le cadre de la ruralité. Il est essentiel que les communes puissent toujours investir, grâce à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, au fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, et aux concours des autres collectivités territoriales. Le soutien à l’investissement des collectivités territoriales n’en reste pas moins un combat permanent.
Telles sont les idées que je souhaitais vous soumettre et je remercie de nouveau le groupe CRC auquel revient le mérite d’avoir demandé l’organisation de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman. Le voilà, le candidat du rassemblement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour le groupe de l’UDI-UC.
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec la réforme territoriale, on a en réalité peu évoqué la commune et le rôle qu’on souhaite lui voir jouer dans le nouveau paysage institutionnel. Je veux à mon tour remercier nos collègues d’avoir demandé l’organisation dans notre assemblée de ce débat sur les communes en milieu rural.
Ainsi que l’ont dit de précédents orateurs, il n’y a pas une seule ruralité, mais des ruralités, confrontées à des problématiques différentes, qui appellent des réponses différentes.
Je veux évoquer plus particulièrement un modèle de ruralité, celle qui se trouve très éloignée des grands centres urbains, avec de nombreuses communes rurales qui, dans de vastes territoires, assurent le maillage de la présence humaine. Il faut connaître ces communes pour bien comprendre les missions remplies au quotidien par des élus locaux quasi bénévoles : les services apportés aux habitants, la veille exercée sur la vie locale, l’entretien des villages, le cadre de vie, la réalisation de projets de proximité, la solidarité, le lien humain.
Dans une société toujours plus complexe, ces communes apportent, à moindre coût et dans la proximité avec les habitants, des réponses qu’aucune autre collectivité ne peut apporter. Vouloir mesurer l’intérêt du maintien de l’échelon communal au seul critère de son nombre d’habitants est une vue théorique…
M. Jean-Pierre Bosino. Dogmatique !
M. Bernard Delcros. … qui méconnaît la réalité du terrain.
M. Alain Marc. Bravo !
M. Bernard Delcros. Bien sûr, les choses ne sont pas figées et les communes nouvelles apportent, dans certains cas, des réponses efficaces à des situations locales. Il appartient aux élus d’en décider.
Quant au couple commune-intercommunalité, il n’est pas redondant, il n’est pas concurrent, il est au contraire parfaitement cohérent et complémentaire.
Alors, avec quels moyens remplir toutes les missions que j’ai évoquées ?
Je veux rappeler que les communes de moins de 2 000 habitants représentent 85 % des communes de notre pays, soit plus de 30 000 communes sur un total proche de 36 000. Elles bénéficient de 3 milliards d’euros de DGF sur les 33 milliards d’euros affectés aux collectivités locales. On voit bien qu’elles ne ruinent pas notre République !
Ces communes, madame la secrétaire d’État, ont pris leur part au redressement des finances publiques,…
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Oui !
M. Bernard Delcros. … mais nous devons désormais leur laisser les moyens de faire vivre la ruralité.
M. Jean-Pierre Bosino. Tout à fait !
M. Bernard Delcros. Nous devons donner aux bourgs-centres et aux petites villes-centres les moyens de conforter leur rôle de pôles de services et d’emplois et aux plus petites communes, les moyens de remplir leurs missions de service public de proximité.
Le soutien de l’État à l’investissement rural, que vous avez voulu, madame la secrétaire d’État, avec l’augmentation de la DETR, du Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire, le FNADT, la création du FSIL, les contrats de ruralité, la hausse de la péréquation, doit être maintenu.
L’État doit également maintenir un maillage suffisant de services publics dans les territoires ruraux, certains collègues l’ont rappelé. Il doit les doter des infrastructures nécessaires à leur développement, comme le très haut débit et la téléphonie mobile – on pourrait aussi parler du désenclavement routier ou du ferroviaire. Voilà quelle est aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, la responsabilité de l’État envers ces territoires.
En ouvrant le sujet de l’avenir des communes rurales, on pose en réalité la question de la ruralité de demain. Je veux le dire avec force : notre pays a besoin de sa ruralité ; une ruralité habitée, vivante, accueillante ; une ruralité innovante et connectée ; une ruralité qui peut répondre aux enjeux émergents de ce XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Républicains.
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi NOTRe a prévu des compétences obligatoires pour les communautés de communes, mais les concours de l’État vers les communautés de communes sont en baisse et, surtout, le mécanisme de péréquation horizontale, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, est particulièrement injuste.
Ce mécanisme présente des inconvénients. Tout d’abord, il se trouve que des communautés de communes qui étaient bénéficiaires du FPIC sont devenues contributrices.
M. Jean-Pierre Bosino. Eh oui !
M. Alain Marc. Plus grave encore, des communes faisant partie de ces communautés de communes – qui étaient par ailleurs, elles aussi, bénéficiaires et, pour certaines d’entre elles, assez pauvres et même très pauvres – doivent désormais reverser de l’argent…
M. Jean-Pierre Bosino. Voilà !
M. Alain Marc. Ce mécanisme est donc très certainement à revoir, afin de corriger les injustices qu’il provoque, notamment au niveau communal, lorsque des communautés de communes accueillent en leur sein une commune plus riche, sans que, pour autant, la richesse de la communauté de communes soit établie, et encore moins celle de chaque commune qui la compose.
Ensuite, on peut être choqué par le déséquilibre des mécanismes des dotations qui met les communes rurales, par principe, à un niveau inférieur à celles du monde urbain. Peu de personnes rappellent que la DGF des communes est, par habitant, deux fois moindre en milieu rural qu’en ville.
Permettez-moi une remarque : puisque le Conseil constitutionnel estime que les populations doivent être numériquement équilibrées lorsqu’il s’agit de définir les limites d’un canton, pourquoi ce principe ne s’appliquerait-il pas à la répartition des dotations et au calcul de la DGF par habitant, que la commune se trouve en zone rurale ou en zone urbaine ?
Paris et les métropoles ne résument pas la totalité de la France. Notre collègue Bernard Delcros vient de le dire fort brillamment : sans son milieu rural, la France ne serait pas la France, contrairement à d’autres pays qui ne possèdent pas le même maillage. C’est le cas de l’Espagne, par exemple : entre Madrid et Saragosse, on traverse un désert sur des centaines de kilomètres. Une telle situation ne se retrouve pas chez nous et il faut tenir compte de cette réalité, madame la secrétaire d’État !
Une autre piste peut être ouverte pour dégager des moyens, parce que l’on sait que, pour les communautés de communes comme pour les communes, l’argent est le nerf de la guerre.
Sur certains territoires, il existe des établissements industriels produisant des énergies nouvelles – je pense à l’électricité d’origine éolienne ou photovoltaïque. Jusqu’à présent, des groupes privés étaient à l’initiative de ces projets et les communautés de communes ou les communes percevaient et perçoivent le produit fiscal de l’implantation de ces établissements industriels. Désormais, il me semble que la voie de l’investissement participatif ouverte aux communautés de communes et aux communes serait de nature à fournir des ressources assez importantes pour permettre à celles-ci, dans les vingt prochaines années – durée des contrats établis avec EDF –, de réaliser des gains grâce auxquels elles pourront à leur tour réaliser des investissements patrimoniaux et se comporter un petit peu comme des entreprises. En résumé, on dégage les moyens que l’on peut obtenir avec les moyens dont on dispose !
Il nous semble important de dégager de nouveaux moyens dans une période difficile, où la disette de l’État est avérée depuis de nombreuses années, et nous avons besoin de continuer à investir pour améliorer le confort des populations que nous administrons par un bon niveau d’équipement. Investir et ainsi créer de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jacques Mézard et Bernard Delcros applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.
M. Bernard Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les petites communes rurales sont plus que jamais à la croisée des chemins. En tant que président de l’Union des communes rurales de la Loire, je vois tous les jours qu’elles sont victimes d’un effet de ciseaux dévastateur, très bien résumé par l’intitulé de ce débat qu’a souhaité le groupe CRC.
Les moyens des communes rurales sont réduits à peau de chagrin ! Partout, nous voyons réellement l’effet de la baisse des dotations. Les maires, désormais, réduisent les services rendus aux habitants.
Concrètement, dans ma commune de Saint-Nizier-de-Fornas, qui compte 677 habitants, la DGF a baissé de 16 % entre 2014 et 2016 – elle est passée de 91 000 euros en 2014 à 76 611 euros en 2016. Et il y a bien pire !
Le projet de loi de finances pour 2017 entérine, pour la quatrième année consécutive, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. En cumulé, sur l’ensemble du quinquennat, ce sont 27 milliards d’euros en moins pour les budgets des collectivités territoriales.
Même si, face à la fronde des maires, François Hollande a décidé, cette année, de pondérer la pression supportée par les communes et les intercommunalités en la réduisant de moitié, il n’en reste pas moins que, en 2014, 2015 et 2016, l’effort financier consenti par le bloc communal a été considérable.
Il faut bien sûr mettre cet effort en relation avec les nouvelles charges imposées par le Gouvernement aux collectivités locales, par exemple, avec la réforme des rythmes scolaires dont la part du coût restée à la charge du bloc communal est estimée à 70 %.
Les capacités d’investissement des petites communes, et donc leurs moyens, subissent une forte contrainte. Voici un exemple très simple, mais pour moi extrêmement révélateur : il y a cinq ou six ans, je recevais à peu près une quinzaine de demandes par an de subventions au titre de la réserve parlementaire. Aujourd’hui, je reçois environ cinquante demandes par an de maires de petites communes, parfois pour des montants de 2 000 euros ou 3 000 euros.
On l’oublie souvent, les communes rurales représentent 22 millions d’habitants. Leurs dépenses moyennes d’équipement par habitant, en 2013, s’élevaient à 406 euros, alors qu’elles n’atteignaient que 396 euros dans les communes de plus de 3 500 habitants. On ne peut donc que constater une véritable inégalité.
Dans son très bon rapport intitulé Concours financiers de l’État et disparités de dépenses des communes et de leurs groupements, la Cour des comptes a très justement relevé plusieurs injustices, notamment sur la dotation globale de fonctionnement. En effet, la DGF par habitant est parfois de 1,5 à 2,5 fois plus élevée dans une commune urbaine que dans une commune rurale – 62 euros par habitant dans certaines communes rurales, contre 124 euros par habitant dans les villes.
Ce rapport démontre très clairement l’effet de redoublement qu’ont les différentes dotations forfaitaires sur les inégalités initiales de richesse fiscale, contribuant à figer les inégalités de dépenses par habitant qui en découlent.
Les premières analyses sur la réforme territoriale soulignent déjà que les incitations budgétaires pour encourager le développement de l’intercommunalité ont favorisé l’engagement de dépenses nouvelles plutôt que la recherche d’économies d’échelle.
Nous avons beaucoup parlé des moyens, mais les outils, eux aussi, sont de plus en plus faibles. Nos collectivités arrivent de moins en moins à assumer l’ensemble de leurs missions et sont de plus en plus souvent délaissées par les services déconcentrés de l’État.
En outre, lorsque les maires participent aux conseils communautaires, ils réalisent qu’ils n’ont malheureusement plus grand-chose à arbitrer. Il n’est plus question pour les communes de décider ensemble, en fonction du contexte et des possibilités locales, des compétences qui seront mises dans le « pot commun ». Dorénavant, c’est la loi qui fixe la liste, de plus en plus longue, des compétences communales qui doivent obligatoirement être transférées au niveau communautaire.
Dans toute la France, nous voyons les communes se dessaisir de leurs compétences – si j’ose dire – au profit des intercommunalités.
Alors que l’urbanisme était un domaine incontournable de la gestion des communes, le transfert aux communautés de la compétence relative aux plans locaux d’urbanisme illustre parfaitement cet effacement historique. Les communes rurales minoritairement représentées au sein du conseil communautaire n’auront plus aucun moyen de s’opposer à des décisions pourtant déterminantes pour l’avenir de leur territoire. Elles deviennent des coquilles vides !
Mes chers collègues, même si nous manquons encore de recul pour évaluer certaines réformes, j’ai bien peur que nous ne soyons en train de créer des usines à gaz qui découragent les maires ruraux et qui ne soient source d’aucune économie, bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC. – MM. Jacques Mézard et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis les années 2000, les territoires ont connu une série de réformes qui ont profondément chamboulé le paysage administratif et politique de la France, avec la création de nouveaux cantons rarement en rapport avec les bassins de vie, la création de nouvelles régions, le transfert de compétences du département à la région, la création de nouvelles communautés de communes – le Sénat a permis de maintenir un seuil de 5 000 habitants en zone rurale –, la création des pôles d’équilibre territorial et rural, les PETR, qui remplacent les pays, en regroupant des EPCI, et permettront de défendre des projets auprès de la région et de l’État.
Le maintien du département en milieu rural me paraît indispensable, puisqu’il faut conserver une administration de proximité pour gérer les aides sociales et apporter une aide aux communes. Puis-je faire observer que ma région, la Nouvelle Aquitaine, qui regroupe douze départements, est plus vaste que l’Autriche ?
Comment administrer mieux avec moins de moyens financiers, du fait de la baisse des dotations – plus de 10 milliards d’euros en quatre ans pour les communes ? Quels sont donc les moyens destinés aux collectivités territoriales en milieu rural, qui sont les plus nombreuses en France ? La réponse est simple : ils sont très nettement insuffisants à ce jour, mal adaptés, surtout pour les territoires hyper-ruraux. Je remercie donc le groupe CRC d’avoir pris l’initiative de ce débat.
Les comités interministériels aux ruralités, nous l’avons vu à Vesoul, madame la secrétaire d’État, énoncent certes des propositions intéressantes – maisons de service public, maisons de santé, numérique, stations-service, contrats de ruralité, zones de revitalisation rurale, zones franches –, mais les réalisations concrètes ont du mal à suivre. En voici un exemple : ma commune, qui compte 1 350 habitants, 130 kilomètres de routes pour une superficie de 7 000 hectares, située en milieu hyper-rural, a perdu près de 40 000 euros au titre de la DGF ; j’ai sollicité, depuis un an, une aide pour automatiser une station-service, mais cette aide ne vient pas, malgré plusieurs relances.
La réforme des zones de revitalisation rurale, les ZRR, était nécessaire, indispensable ; il fallait de nouveaux critères de classement. Un double critère prenant en compte la faiblesse de la densité de population et du revenu par habitant sera applicable à partir du 1er juillet 2017. C’est très bien, mais les exonérations octroyées représenteront un montant de 165 millions d’euros en 2017, contre 500 millions d’euros en 2009. Ce manque de moyens risque fort de réduire la portée de cette réforme.
Les contrats de ruralité semblent constituer un nouvel outil intéressant. Ils seront financés par le FNADT, mais sans augmentation de l’enveloppe.
M. Alain Marc. Là est le problème !
M. Daniel Chasseing. L’étude réalisée par notre collègue Bernard Delcros montre que les contrats sont aussi financés par un tassement des fonds alloués aux contrats de plan État-régions et d’une partie du FNADT non contractualisée, ainsi que par une baisse de quelque 2 millions d’euros des aides versées aux bourgs-centres.
Sans vouloir lister toutes les enveloppes destinées aux territoires, je constate le non-renouvellement des pôles d’excellence rurale, les PER, une baisse de l’enveloppe du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC – 10 millions d’euros de crédits de paiement, contre 65 millions d’euros en 2010 – et une diminution de la prime d’aménagement du territoire.
Outre les contrats de ruralité, nous venons de voir paraître la circulaire du 24 janvier 2017 relative à la dotation de soutien à l’investissement public local, pour aider à la rénovation thermique, la mise aux normes, la rénovation de l’hébergement, le numérique, mais quel est le montant exact des crédits qui lui seront affectés ?
Encore une fois, si les propositions formulées dans les comités interministériels en faveur des territoires ruraux vont dans le bon sens, nous constatons une baisse des dotations, une diminution des crédits de paiement pour les fonds alloués à la ruralité, qu’il s’agisse du FISAC ou des ZRR. Cette réalité réduit dans certains cas les réunions de ce comité interministériel à des effets d’annonce.
Je suis donc très inquiet quant à l’avenir des territoires hyper-ruraux qui auraient besoin d’aides spécifiques, avec des crédits en augmentation, pour la réalisation de projets de développement afin d’éviter la désertification. C’est encore possible !
Pour cela, il faut permettre le maintien des services au public dans les bourgs-centres – médiathèques, accueils de loisir sans hébergement, etc. –, assurer le maintien à domicile, accélérer le déploiement du numérique avec le haut débit, garantir une offre de soins avec l’implantation de médecins et de dentistes, en augmentant le numerus clausus par région, et en ouvrant des maisons de santé, développer le tourisme, notamment le tourisme social, avec des crédits de réalisation ou de réhabilitation, encourager l’implantation des entreprises avec la mise en place, par l’État, de ZRR et de zones franches pour une baisse des charges – c’est par le biais du guichet unique, en aidant les porteurs de projet, que les emplois nécessaires seront créés.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Chasseing. Le maintien de l’agriculture est essentiel.
Sans moyens ni aides spécifiques, il en résultera une désertification.
Il faut instaurer pour l’espace rural une véritable politique adaptée, prendre quelques mesures simples et les financer véritablement par des aides directes, telles que des subventions, et des aides indirectes, comme les allégements ou suppressions de charges, afin de rendre attractif le développement de l’économie et inciter les gens à s’installer.
Je vous présente, mes excuses, madame la présidente, pour le dépassement de mon temps de parole, mais j’ai presque terminé. (M Claude Raynal sourit.)
Avec une réelle volonté du politique, on pourra parler d’une véritable politique d’aménagement en faveur des zones rurales, qui constituent les deux tiers de la France, et ainsi éviter la désertification de ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC. – MM. Michel Canevet et Jacques Mézard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le groupe communiste républicain et citoyen d’avoir pris l’initiative de l’organisation de ce débat aujourd’hui.
Il intervient en toute fin de session parlementaire, signe que, jusqu’au bout de la législature, la Chambre Haute aura pleinement joué son rôle constitutionnel de représentante des collectivités territoriales.
Je veux d’emblée, dès l’introduction de mon propos, saluer l’engagement de votre assemblée autour des sujets qui intéressent les territoires. Je fais partie de cette génération d’élus locaux qui n’a connu qu’un État décentralisé, et qui pense que les solutions pour nos concitoyens s’élaborent aussi, et peut-être d’abord, à l’échelle locale.
Puisque nous sommes appelés à nous revoir un peu moins souvent, permettez-moi de saluer l’implication du Sénat sur ces questions et la qualité de son travail législatif.
De plus, au moment où s’ouvre le temps de la campagne présidentielle, je ne peux malheureusement que constater, j’imagine, comme vous, que les enjeux territoriaux peinent à émerger dans les débats nationaux. Or je suis convaincue que ces questions ne doivent pas rester le parent pauvre des prochaines échéances électorales, car lorsque l’on parle de collectivités territoriales, on parle en réalité du cadre d’organisation des services publics locaux et donc de la vie quotidienne de nos concitoyens. Il nous revient, chacun à notre place et avec nos convictions, de plaider pour que ces sujets émergent.
Le débat qui nous réunit aujourd’hui permet de remettre en perspective l’ensemble de ces éléments et de redonner cette vision globale si chère au président Mézard.
La réforme territoriale menée sous ce quinquennat, qui a permis de clarifier le « qui fait quoi ? », était une nécessité largement admise, à droite comme à gauche, mais sa réalisation en avait sans cesse été repoussée. Le Gouvernement, quoi que l’on pense de cette réforme – j’ai bien écouté chacune de vos interventions –, s’y est attelé.
Les régions sont désormais d’une taille adaptée au concert européen et sont dotées de compétences stratégiques en matière d’aménagement du territoire et de développement économique.
M. Jean-Pierre Bosino. À quel prix !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Elles disposent d’outils puissants pour les assurer : le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2017, et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Ils doivent constituer de véritables stratégies globales et cohérentes.
Les départements, à la faveur d’un large débat parlementaire sur leur devenir, ont été quant à eux confortés dans leurs missions en matière de solidarités humaines et territoriales, et même renforcés sur la question de l’ingénierie territoriale et sur le cadre de l’élaboration du schéma d’accessibilité des services publics. En outre, ils interviendront toujours dans les domaines de compétences partagées comme le sport, la culture ou le tourisme, pour lesquels ils conservent une échelle d’intervention pertinente.
L’un des piliers de la réforme territoriale est la refonte de la carte intercommunale. J’en profite pour saluer à mon tour, à l’instar de MM. Labbé et Raynal, l’excellent rapport de M. Alain Bertrand sur l’hyper-ruralité. Simplement, je rappelle que l’une de ses quatre recommandations était la constitution d’intercommunalités fortes. Je crois que cette piste a été pleinement suivie dans le cadre de la loi NOTRe, avec un seuil remonté de 5 000 habitants à 15 000 habitants et adapté en fonction de la densité démographique des départements. Cette disposition est le fruit d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat trouvé en commission mixte paritaire.
Les intercommunalités étant les relais au niveau local des grandes orientations stratégiques portées par les régions, la priorité était donc de leur donner des périmètres adaptés aux bassins de vie des habitants, qui sont les territoires de la vie quotidienne des Français.
Au 1er janvier 2016, la France comptait 2 062 EPCI ; elle en compte désormais 1 266. Pour répondre à ceux qui ont évoqué les travaux en commission départementale de coopération intercommunale, je rappelle que 85 % des périmètres soumis à la discussion ont été validés par les élus dans le cadre de ces commissions, qui ont donné lieu à une grande mobilisation des élus. Cela représente une réduction de 39 % du nombre des structures.
Les intercommunalités pourront ainsi exercer au mieux les nouvelles compétences qui leur seront transférées : en 2017, la collecte et le traitement des déchets, même si, nous le savons, de nombreuses intercommunalités disposent déjà de cette compétence, ainsi que l’économie et l’accueil des gens du voyage ; en 2018, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ; en 2020, de manière obligatoire, l’eau et l’assainissement – j’ai d’ailleurs bien entendu les préoccupations du Sénat à ce sujet.
Ce renforcement des intercommunalités n’est pas un mouvement supracommunal. Je suis, comme vous le savez et comme vous me le reprochez parfois aussi, une fervente militante de l’intercommunalité. Pour autant, je n’ai jamais considéré que celle-ci s’opposait au fait communal.
Je n’ai d’ailleurs jamais bien compris cette opposition, puisque les assemblées communautaires sont formées d’élus municipaux. Au contraire, je crois profondément en leur complémentarité. En écho à ce que disait M. Delcros, je pense plus largement que la commune conserve toute sa place dans cette nouvelle organisation territoriale en tant qu’échelon de proximité et de solidarité. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.)
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu’elle conserve sa clause de compétence générale, contrairement aux autres niveaux de collectivité, car la commune, comme vous l’avez tous rappelé avec conviction, incarne cette proximité, non seulement symboliquement et affectivement, mais également de façon concrète. En effet, nous le savons, les administrés se tournent d’abord vers le maire dans la vie quotidienne pour quantité de démarches. La commune demeure l’épine dorsale de notre pays, même s’il ne faut pas sous-estimer les tendances lourdes qui la traversent, comme en témoigne d’ailleurs l’abstention grandissante, y compris lors des scrutins municipaux.
J’ajoute, car je ne veux pas cacher ce point sous le tapis, tout en espérant un soutien actif d’un certain nombre de sénateurs et sénatrices, que la modernité d’un échelon a aussi à voir avec sa capacité à s’ouvrir aux femmes. Or je ne peux, comme vous tous, j’imagine, me satisfaire que notre pays ne compte que 16 % de femmes maires (Mme Patricia Schillinger applaudit.), sans même parler des 8 % de femmes à la tête des intercommunalités,…
Mme Éliane Assassi. À qui la faute ? Il faut la proportionnelle intégrale !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … qui sont des lieux de décision importants, comme vous le savez.
Je sais que le renforcement de l’intercommunalité peut nourrir des craintes chez les élus municipaux. Au contraire, il me semble qu’elle permet une plus grande solidarité entre les territoires d’un bassin de vie, si variés soient-ils : territoires riches, pauvres, urbains, périurbains, ruraux.
L’intercommunalité n’a pas vocation à opposer ces territoires. À cet égard, je suis une fervente partisane des pactes financiers et fiscaux qu’il faut élaborer et approfondir partout (M. Daniel Chasseing s’exclame.), car il n’est plus acceptable d’avoir des communes pauvres dans des intercommunalités riches. À mon sens, il s’agit d’un enjeu majeur pour les intercommunalités. Dans les différentes lois de finances, nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs d’assouplissement, visant notamment les attributions de compensation, qui permettent d’établir des pactes financiers et fiscaux pour que la redistribution des richesses s’effectue aussi à l’intérieur des intercommunalités. C’est, je le répète, un enjeu important et une condition de leur réussite à venir, ainsi qu’une contrepartie du renforcement de leurs compétences.
Cette ambition de solidarité, même si le Sénat en fait un constat contrasté, est également portée par les territoires métropolitains, qui n’ont pas qu’une vocation de moteur économique, mais qui doivent également relever le défi de l’inclusion avec les territoires auprès desquels ils rayonnent spontanément. D’ailleurs, vous le savez, dans le cadre du pacte État-métropoles, le premier contrat de réciprocité ville-campagne a été signé entre la métropole de Brest et le Pays du Centre-Ouest-Bretagne. (M. Daniel Chasseing s’exclame.)
M. Jean-Marie Morisset. Les zones rurales !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. M. Canevet ne peut que souscrire à l’intérêt de cette démarche.
Je voudrais également vous dire quelques mots sur les communes nouvelles, qui représentent une manière, pour certains élus municipaux, d’envisager l’avenir du fait communal dans notre pays. Il y avait jusqu’à une date récente 36 700 communes en France. Pour un certain nombre de maires et d’équipes municipales, il existe des voies d’évolution, dans le respect des identités communales, avec les communes nouvelles. Certains estiment que le processus de fusion permet d’avoir des communes renforcées, plus efficientes, c’est-à-dire mieux à même de jouer le rôle essentiel d’échelon de proximité et de répondre à tous les besoins du quotidien des citoyens. Selon moi, ce dispositif a vocation à se développer. Il s’appuie sur des bases volontaires et la souveraineté de la décision continue d’appartenir aux conseils municipaux. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre électif que nous connaissons, les propositions visant à supprimer 30 000 communes ne me semblent ni souhaitables ni nécessaires.
La loi du 16 mars 2015, ou loi Pélissard-Pires Beaune, et, plus récemment, la loi Sido du 8 novembre 2016 ont permis de moderniser le dispositif des communes nouvelles pour le rendre plus attractif. Je vous rappelle qu’il s’agissait d’une initiative parlementaire transpartisane.
Des incitations financières, visant plus à faciliter qu’à déclencher les démarches, ont également été prévues. Notre pays a ainsi connu un essor sans précédent du nombre de création de communes nouvelles : 517 communes nouvelles ont vu le jour grâce à la fusion de plus de 1 700 communes historiques regroupant une population totale de 1,8 million d’habitants. Comme le relevait le rapport du Sénat sur le sujet, il s’agit là d’une véritable « révolution silencieuse ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des questions institutionnelles, cette réforme territoriale vise un objectif concret : maintenir partout et pour tous des services publics accessibles et de qualité et porter des politiques publiques qui encouragent le développement de nos territoires. Les communes, de par leur vocation de proximité, sont bien évidemment en première ligne pour relever ce défi.
S’agissant de l’accès à la santé, thématique peu abordée dans vos interventions, à l’exception de celles de MM. Laménie et Alain Marc, même si je sais qu’elle vous préoccupe tous, le Gouvernement a mené un politique pragmatique pour tenter de lutter contre les déserts médicaux, grâce aux 1 500 contrats d’engagement de service public à destination des étudiants, au contrat de praticien territorial de médecine générale, à la modulation régionale du numerus clausus, mais surtout grâce à la création des maisons de santé pluriprofessionnelles. Elles étaient 174 en 2012, 600 en 2014, et nous atteindrons l’objectif de 1 000 maisons en service en 2017. Le dernier comité interministériel aux ruralités a en outre prévu la création de 400 maisons supplémentaires en 2018.
Cela représente un effort considérable, même s’il ne répond pas à toutes les situations. Je sais combien les élus et les administrés sont attentifs à cette question, et je mesure tout ce qu’il reste à faire dans certains territoires.
Sur ce sujet essentiel pour l’attractivité du monde rural – qui est hétérogène et, à cet égard, je souscris aux propos de MM. Mézard et Raynal – et des villes moyennes, je nous engage à continuer à explorer toutes les pistes d’amélioration, qu’elles concernent les dispositifs nationaux ou locaux. Je crois utile que ces dernières réflexions soient conduites à l’échelle des intercommunalités pour éviter les concurrences parfois très féroces que se livrent les communes pour attirer de nouveaux professionnels de santé.
Nous ne réglerons pas cette question du jour au lendemain, et nous n’infléchirons pas des trajectoires démographiques lourdes en un claquement de doigts, mais la mobilisation des moyens et des énergies va dans le bon sens. Il faut poursuivre nos efforts.
L’école, sujet soulevé par M. Bosino, est également un objet de préoccupation fort dans les communes rurales, d’autant plus que la compétence scolaire primaire relève du bloc communal. Afin de garantir une école de qualité pour tous, partout sur le territoire, le Gouvernement a souhaité concentrer d’importants efforts sur les zones rurales.
M. Jean-Marie Morisset. On ne l’a pas ressenti !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Les territoires ruraux, quel que soit votre ressenti, bénéficient ainsi de taux d’encadrement plus favorables que ceux que l’on observe dans les territoires urbains,…
M. Jean-Marie Morisset. C’est faux !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … afin de mieux tenir compte de leurs besoins. Ils sont par ailleurs accompagnés dans leurs projets éducatifs de territoire, et les regroupements pédagogiques intercommunaux ont été favorisés, comme certains d’entre vous l’ont rappelé. Enfin les « conventions ruralité », apparues en 2014 et fortement amplifiées pour la rentrée 2016, donnent une meilleure visibilité pluriannuelle aux territoires ruraux en matière scolaire, dans un contexte de baisse des effectifs du premier degré dans certains territoires ruraux éloignés des pôles urbains, ceux dont vous avez évoqué la situation voilà quelques instants.
Je le rappelle, c’est aussi le résultat des efforts en matière de créations de postes dans l’éducation, conformément à l’engagement du Président de la République de créer 60 000 postes sur le quinquennat. (M. Jean-Marie Morisset s’exclame.) J’entends aussi sur mon territoire qu’il faut maintenir les écoles rurales. Je souscris à cet objectif, encore faut-il qu’il s’accompagne d’une politique de recrutement dans l’éducation nationale qui soit aussi à la hauteur des besoins en zone rurale.
Cet effort de proximité est également porté par les maisons de service public, qui sont adaptées aux besoins de chaque territoire. Je connais leur importance pour les territoires ruraux, qui tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs décennies sur la disparition des services publics, ce qui nourrit un véritable sentiment d’abandon dont nous mesurons bien les conséquences, y compris en termes politiques. Mille maisons de service au public sont aujourd’hui opérationnelles. C’est une belle réussite,…
M. Jean-Marie Morisset. Elles ne fonctionnent pas !
M. François Bonhomme. C’est du chiffre !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … même si, en la matière, nous ne devons jamais relâcher notre vigilance.
Comme vous le savez, il y a aussi, et j’y insiste, car c’est un sujet sur lequel les départements sont très actifs, les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public, en cours d’élaboration conjointe par les départements et l’État. Leur objectif sera de préciser les « zones blanches » sur lesquelles des maisons de services au public seraient utiles, pour, à terme, couvrir ces zones afin de garantir, sur tout le territoire, un accès aisé à une maison de service au public.
J’en viens aux questions liées à la téléphonie et au numérique, qui sont également au cœur des discussions. Mme Cukierman a fait une bonne analyse de la situation.
La résorption des zones blanches est une priorité pour le Gouvernement. On peut discuter de l’opportunité d’un soutien public, mais force est de constater que les opérateurs privés avaient fait connaître – même si on peut le regretter – leur intention de ne pas investir dans des infrastructures lourdes sur des territoires moins densément peuplés,…
M. Jean-Pierre Bosino. Eh oui, c’est moins rentable !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … et ce pour des questions de rentabilité.
Nous en avons pris acte, et une enveloppe financière de 30 millions d’euros a donc été débloquée pour prendre en charge la totalité des coûts de construction des pylônes dans les 300 centres-bourgs encore en zone blanche.
Par ailleurs, 1 400 communes seulement couvertes en 2G le seront en 3G d’ici à mi-2017, et ce par les quatre opérateurs. Enfin, en dehors des bourgs, 1 300 sites seront équipés en 3G puis en 4G d’ici à 2020, avec une participation de l’État à hauteur de 42,5 millions d’euros.
Concernant le très haut débit, dont beaucoup ont rappelé l’importance, le Gouvernement a lancé le plan très haut débit en 2013. Même si l’on peut toujours dire que c’est insuffisant, il s’agit, j’y insiste, d’un investissement massif de 20 milliards d’euros engagés par l’État et les collectivités territoriales afin d’assurer une couverture de tout le territoire d’ici à 2022. Il s’agit d’un élément d’attractivité important pour les communes, notamment rurales. Le développement de ce plan se poursuit, et 50 % de la population sera couverte par une connexion très haut débit à la fin de cette année.
M. Jean-Marie Morisset. C’est faux !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Ces mesures constituent des engagements forts envers le bloc communal, notamment en milieu rural. Elles sont pour la plupart issues des travaux des comités interministériels aux ruralités, les fameux CIR, au nombre de trois en 14 mois, et à l’origine de 104 mesures.
Pour veiller à la bonne déclinaison locale de ces différentes mesures, le Gouvernement a mis en place les contrats de ruralité, dont j’ai cru comprendre qu’ils étaient salués à peu près unanimement sur les travées de cette assemblée.
M. Jean-Marie Morisset. Il n’y a pas d’argent !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Ils mobiliseront les dispositifs de droit commun, mais bénéficieront également d’une enveloppe dédiée de 216 millions d’euros au sein du FSIL.
Plus largement, la loi de finances pour 2017 témoigne de l’importance que nous accordons au bloc communal, et plus particulièrement rural. D’une certaine façon, les chiffres illustrent tout autant, et certainement plus concrètement que les principes, l’importance que nous accordons à nos communes rurales.
Les collectivités ont pris toute leur part au redressement des comptes publics.
M. Jean-Marie Morisset. Là, on est d’accord !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. S’agissant du bloc communal, le Président de la République s’est montré à l’écoute des difficultés des maires et de leurs associations, et s’est engagé à diviser par deux leur contribution, qui passera ainsi de 2 milliards d’euros initialement prévus en 2017 à 1 milliard d’euros. (M. François Bonhomme s’exclame.)
Un mot rapide sur ce sujet,…
M. François Bonhomme. Oui, rapide !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … autour duquel tournent un certain nombre de discours orientés.
Il n’est pas vrai de dire que, dans le cadre d’un plan d’économies qui serait de 100 milliards d’euros à partir de 2017, les collectivités ne verraient pas leurs dotations baisser. La vérité, c’est qu’elles pèsent 20 % de la dépense publique locale, à côté des trois autres grands budgets de l’État que sont l’éducation nationale, la sécurité sociale et la sécurité.
Si je sais bien compter, 20 % de 100 milliards d’euros, c’est 20 milliards d’euros d’économies. Puisque ceux qui revendiquent ces mesures drastiques d’économies expliquent dans le même temps ne pas vouloir toucher au financement de la sécurité du pays, pas plus qu’ils n’entendent remettre en cause les équilibres de la sécurité sociale, ce qui est une chimère, comment font-ils ? Je vais vous le dire : économiser 20 milliards d’euros, sur une dotation globale de fonctionnement qui s’élève aujourd’hui à 30 milliards d’euros, c’est renoncer à l’allocation d’une DGF forfaitaire pour toutes les communes, c’est limiter l’expression des moyens de l’État aux collectivités à la seule péréquation. Sur ce sujet, je nous invite, les uns et les autres, à une certaine réserve.
M. François Bonhomme. Parlez-nous de l’engagement n° 54 du candidat Hollande !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Parallèlement à la baisse des dotations, les mécanismes de péréquation ont été renforcés et le seront encore en 2017, pour préserver les collectivités les plus fragiles. Les dotations de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement progresseront ainsi de 380 millions d’euros, soit un montant inédit : 180 millions d’euros pour la dotation de solidarité urbaine, la DSU, qui sera d’ailleurs rénovée et 180 millions d’euros – un certain nombre d’entre vous ont signalé l’importance de cet effort – pour la dotation de solidarité rurale, la DSR. Entre 2012 et 2017, la DSU et la DSR auront progressé respectivement de 53 % et de 60 %, ce qui représente 900 millions d’euros de renforcement de la péréquation verticale. C’est un effort considérable à destination des territoires les plus fragiles.
Enfin, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le fameux FPIC, sera maintenu à son niveau de 1 milliard d’euros en 2017, alors qu’il était de 150 millions d’euros en 2012. Nous avons repoussé sa progression à 2018 pour prendre en compte la refonte de la carte intercommunale.
J’en profite pour préciser à M. Alain Marc que nous avons maintenu le milliard d’euros en 2017 pour éviter les ressauts en attendant la stabilisation de la carte des intercommunalités. Mais, pour nous, le principe du FPIC est bon – je le dis d’autant plus tranquillement qu’il a été mis en place sous la précédente législature –, puisqu’il visait à obtenir une péréquation horizontale entre intercommunalités, les intercommunalités les plus riches contribuant au financement d’une péréquation à destination des intercommunalités les plus pauvres.
Pour autant, nous devons poser, grâce à des simulations, le montant qui doit être affecté au FPIC, car, si la réforme territoriale a contribué, comme je le crois, à lisser un certain nombre d’inégalités entre les territoires par l’augmentation de la taille des intercommunalités, nous devrons repositionner le curseur.
Monsieur le sénateur, vous avez indiqué que l’absence de prévisibilité du FPIC était problématique. Sachez que ce point sera corrigé grâce à la refonte de la carte intercommunale, dont nous sommes unanimes pour dire qu’elle a aujourd’hui vocation à s’installer dans le temps dans les périmètres actuels, sauf à ce que les territoires, d’eux-mêmes, décident d’évoluer dans le cadre du droit commun.
Au-delà de cette progression de la péréquation, la loi de finances pour 2017 prolonge et accentue les efforts menés en 2015 et 2016 pour soutenir l’investissement local à travers le fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL. M. Raynal a développé abondamment ce point, de même que M. le président Mézard.
Une somme de 1,2 milliard d’euros de crédits supplémentaires est mobilisée, répartie en deux enveloppes de 600 millions d’euros chacune. La première sera consacrée à de grandes priorités d’investissement définies entre l’État et les communes et intercommunalités. La seconde sera dédiée aux territoires ruraux et aux villes petites et moyennes, qui ont leurs propres difficultés et thématiques, et financera également la progression de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, dotation très connue des élus, qui a augmenté de 62 % en trois ans pour atteindre 1 milliard d’euros en 2016, ainsi que les contrats de ruralité, que nous venons d’évoquer.
M. Chasseing m’a demandé quelle était la répartition exacte de cette somme. À question précise, réponse précise : sur 1,2 milliard d’euros, 216 millions d’euros sont consacrés aux contrats de ruralité ; 150 millions d’euros visent à alimenter le financement des actions dans le cadre des contrats État-métropoles ; 450 millions d’euros iront sur les grands projets que vous avez précédemment cités ; 384 millions d’euros viendront alimenter la DETR, pour qu’elle soit portée à 1 milliard d’euros.
Compte tenu de la division par deux de la baisse des dotations et de la stabilisation des nouvelles intercommunalités à un moment où les élus entament leurs projets de mandature, ces très importantes mesures de soutien doivent permettre de dynamiser encore la reprise de l’investissement local, qui a été amorcée.
Avant de conclure, j’aurai un mot sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui a été abondamment citée. Mme Cukierman et M. Canevet, entre autres orateurs, ont indiqué qu’ils regrettaient l’abandon de cette réforme. Il est vrai que les analyses faites par les groupes parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale ont toutes conclu que l’allocation des moyens de l’État aux collectivités n’était ni juste ni solidaire.
Fort de ce constat, et en tenant compte du fait que nous disposons d’une enveloppe normée et donc fermée, un certain nombre de scenarii ont été proposés. Celui qui a été retenu dans le cadre de l’article 150 de la loi de finances pour 2016 était une proposition de réforme qui, en effet, visait à simplifier la DGF en la faisant reposer sur trois bases : une dotation forfaitaire, une dotation de centralité, une dotation de ruralité.
Cette réforme était réputée favorable au monde rural, et je vous rappelle – les actes, les communiqués de presse et les positions des associations d’élus ont un sens ! – que l’AMF, rejointe par quasiment toutes les grandes associations d’élus pluralistes que compte notre pays, a demandé au Président de la République d’abandonner cette réforme et de conférer à cette question un statut particulier au travers d’un texte spécifique qui devra être soumis au Parlement.
C’est ainsi que les choses se sont passées. (M. Jean-Pierre Bosino s’exclame.) La réforme était plutôt favorable au monde rural. Je suis d’ailleurs toujours troublée lorsque je rencontre des élus locaux sur le territoire : ils me demandent tous la mise en œuvre de la réforme de la DGF telle qu’elle avait été inscrite. Je leur rappelle donc bien que c’est faute d’accord avec les associations d’élus, et entre les associations elles-mêmes, que nous n’avons pu porter jusqu’au bout cette réforme, qui est essentielle. Mais il faut bien être conscient qu’avec une enveloppe fermée il y a des perdants et des gagnants dans des mécanismes de solidarité qui doivent impérativement être renforcés. (M. François Bonhomme s’exclame.) Le travail mérite d’être conduit et nécessite une large concertation, appuyée sur les simulations déjà produites. Je profite de l’occasion pour saluer le grand travail qui avait été fait, notamment par le groupe parlementaire au Sénat.
En conclusion, je dirai que l’ambitieuse réforme territoriale menée par le Gouvernement depuis 2012 constitue une nouvelle étape dans le mouvement de décentralisation engagée depuis le début des années quatre-vingt. Notre organisation territoriale est désormais plus lisible, ce qui était l’objet de la clarification des compétences,…
M. François Bonhomme. Dites-le à Mme Lebranchu !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … mais elle est également plus coopérative et plus solidaire. C’est ce qui caractérise, à mes yeux, l’« âge de la maturité » de la décentralisation. Dans cette volonté d’alliance, de coopération et de solidarité entre les territoires, les communes, et particulièrement les communes rurales, ont toute leur place, j’y insiste. Leur proximité avec les administrés fait leur force, mais elles sont également, et de plus en plus, placées dans une relation de complémentarité avec leurs intercommunalités, car c’est en partie à cette échelle, qui recouvre les bassins de vie de nos concitoyens, que peuvent se construire de réelles solidarités, qu’elles soient financières ou fiscales.
M. Jean-Pierre Bosino. Ben voyons !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Je veux vous le dire, je suis optimiste en ce qui concerne la relation entre les communes et les intercommunalités. Je la crois apaisée sur le terrain (Marques d’ironie sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), et j’ai confiance en la volonté des élus de porter leurs projets communautaires, au service de nos territoires et de nos concitoyens, dans le respect des identités communales auxquelles nous sommes tous attachés.
M. François Bonhomme. C’est un mariage forcé !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Mon propos a été un peu long, et je vous prie de m’en excuser, mais c’est révélateur de l’intérêt que je porte à ce débat passionnant.
Pour finir, je souhaite bonne chance à celles et ceux qui se présenteront aux élections sénatoriales, et j’ai une pensée particulière pour celles et ceux qui ont décidé de ne pas solliciter de nouveau les suffrages des grands électeurs : comme l’on dit sur mon territoire lorsque l’on s’aime bien et que l’on se souhaite le meilleur : que les vents, chaque jour, vous soient favorables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Bernard Delcros applaudissent également.)
Mme la présidente. Sur ces mots très beaux, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? ».
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 22 février 2017 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe écologiste)
1. Proposition de résolution visant à renforcer la lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n° 236, 2016-2017).
2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement (n° 685, 2015-2016) ;
Rapport de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 415, 2016–2017) ;
Texte de la commission (n° 416, 2016–2017).
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
(Ordre du jour réservé au groupe de l’UDI-UC)
3. Débat sur le thème : « Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux ? » ;
4. Proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales (n° 131, 2016-2017) ;
Rapport de Mme Catherine Di Folco, fait au nom de la commission des lois (n° 411, 2016–2017) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 412, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD