Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe de l’UDI-UC. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues du groupe écologiste, qui nous proposent un débat particulièrement intéressant sur un sujet tout à fait capital.
D'ailleurs, plusieurs rapports récents ont montré l’intérêt de promouvoir cette nouvelle économie, qu’il s’agisse de la note d’analyse de France Stratégie sur les emplois dans l’économie circulaire ou du rapport de l’Institut Montaigne, qui, en novembre dernier, a souligné la nécessité de favoriser la transition vers l’économie circulaire.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, publie également depuis longtemps des travaux approfondis et de grande qualité. Elle a d'ailleurs recommandé dernièrement d’intégrer l’économie circulaire dans la planification régionale et les démarches territoriales, en formulant des propositions concrètes et opérationnelles.
C’est dans le cadre de cette vaste réflexion que je souhaite que nos échanges d’aujourd’hui puissent, eux aussi, contribuer à définir quelques pistes prioritaires pour encourager le développement de cette économie dans les années qui viennent.
Nous le savons tous maintenant, les ressources naturelles de notre planète ne sont pas infinies. Nos prélèvements actuels dépassent même largement les biocapacités de la terre, c’est-à-dire la capacité à régénérer les ressources renouvelables, à fournir des ressources non renouvelables et à absorber les déchets.
Il est donc urgent de travailler à réduire notre impact environnemental et à modifier notre modèle actuel de production et de consommation économique en ce sens. Ce modèle, qui fonctionne depuis cent cinquante ans, est linéaire : il consiste à extraire, fabriquer, consommer, puis jeter. Il faut engager une démarche constructive en mettant en place un modèle plus dynamique, un nouveau modèle de création de valeur, positif aussi bien sur un plan économique que social et, bien sûr, environnemental.
Une meilleure efficience dans l’utilisation des ressources doit devenir synonyme de création de valeur.
C’est ce qu’ont compris les entreprises françaises, singulièrement les grands groupes, qui ont remis à Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, le 1er février dernier, un rapport intitulé « Trajectoires économie circulaire : 33 entreprises se mobilisent avec 100 engagements ». Il s’agit d’un engagement sur des actions concrètes, portant sur l’ensemble des leviers de l’économie circulaire.
L’engagement de ces groupes est d’autant plus important qu’il peut – et doit – avoir des effets d’entraînement sur leurs fournisseurs, leurs clients et leurs partenaires. J’espère, en outre, que la dimension des groupes permettra à ces propositions d’avoir une influence au-delà de nos frontières.
Nous devons saluer et encourager cette dynamique, qui, de surcroît, s’appuie sur de nouvelles modalités en termes de dialogue et de transparence, puisque ces entreprises ont décidé de soumettre leurs engagements et leurs actions au regard de spécialistes de l’économie circulaire, à savoir l’ADEME et l’association WWF.
Il nous reviendra de tirer les enseignements de cette démarche et de voir comment l’étendre et l’adapter à d’autres acteurs de notre pays.
La transition vers l’économie circulaire était également l’un des objets de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, au travers de son titre IV.
Je me permets de souligner que le Sénat a introduit dans cette loi une disposition majeure, dont tout le monde se félicite aujourd’hui : le principe d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, qu’il a fait figurer en exergue du code de l’environnement, ce qui était une première européenne.
Nous avons également ajouté, à l’article 69, un rapport quinquennal sur la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, incluant un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activité. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, dix-huit mois après la promulgation de la loi, nous n’avons toujours pas eu communication de ce rapport. (M. Jean Desessard s’exclame.) Vous nous expliquerez certainement les raisons de ce retard et indiquerez peut-être même la date où nous l’aurons.
Que représente le secteur de l’économie circulaire aujourd'hui dans notre pays ?
Selon France Stratégie, le volume d’emplois concernés pourrait s’élever à environ 800 000 équivalents temps plein, soit plus de 3 % de l’emploi général. Ces emplois se répartissent entre deux grands secteurs.
Premièrement, la réparation-location représente 200 000 emplois, notamment dans l’automobile. On assiste aujourd'hui à une transformation des modes de déplacement : l’usage est préféré à la possession. Le secteur de la vente d’occasion et de la revente d’équipements déjà utilisés est également en très forte progression. Tous ces métiers ont pour effet d’accroître la durée d’usage des biens, tout en limitant les matières en circulation.
Deuxièmement, les éco-activités, dominées par les secteurs de l’eau et des déchets, constituent l’autre gisement d’emplois. L’assainissement de l’eau et le traitement des déchets représentent, à eux seuls, plus de 320 000 emplois, suivis des métiers dans le domaine de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables et de la réhabilitation des sols, notamment dans le cadre de l’agriculture biologique, un secteur en plein développement.
Il faut noter que ces secteurs sont plus créateurs d’emplois que les secteurs industriels classiques. Il faut donc les encourager. Il faut également encourager la formation à ces métiers, d'autant que ces derniers sont relativement peu délocalisables. C’est la raison pour laquelle il nous faut progresser dans le déploiement de ces nouvelles filières, par exemple dans le traitement des déchets.
En France, seulement 60 % des déchets produits par les activités économiques et les ménages sont valorisés, soit par recyclage, soit par incinération-récupération d’énergie. Ce ratio est, certes, supérieur à la moyenne européenne, mais il reste très en deçà de ce que l’on observe en Allemagne ou au Danemark.
De plus, 30 % des déchets municipaux sont tout simplement mis en décharge ou incinérés sans valorisation énergétique. À lui seul, ce chiffre montre qu’il existe encore de vraies marges de progression, et nous devons les combler.
Pour ce faire, il faut mobiliser les collectivités, inciter les citoyens à améliorer leurs gestes de tri, ce qui passe par des campagnes d’information régulières. Par exemple, il faut expliquer qu’une tonne de papier recyclé permet d’économiser 19 arbres ou qu’une tonne de plastique recyclé permet d’économiser 5 barils de pétrole. Les déchets des entreprises et des administrations doivent être mieux valorisés.
Le soutien aux filières de production d’énergies renouvelables à partir d’eaux usées et de déchets serait lui aussi intéressant et utile, en termes à la fois économiques et d’emplois et dans le but d’accélérer la transition énergétique. Ces filières devront être fermement soutenues par la France dans le cadre de la négociation sur le paquet Économie circulaire.
Pour terminer, je voudrais insister sur le fait que l’économie circulaire constitue un levier important pour contribuer à lutter contre le réchauffement climatique. Valoriser les déchets pour les transformer en nouvelles ressources limite fortement les prélèvements de ressources naturelles, les consommations d’énergie, donc les rejets de carbone. Par exemple, lorsque l’on produit une bouteille en plastique à partir de plastique recyclé, on économise 70 % de CO2 par rapport à une production à partir de plastique neuf. Le meilleur moyen d’aller dans cette voie est de mettre enfin en place une politique ambitieuse en matière de taxation du carbone. Cette politique doit être menée a minima au niveau européen et idéalement, bien sûr, au niveau mondial.
Nous devons faire en sorte que l’économie circulaire devienne un schéma « gagnant-gagnant » : gagnant au niveau environnemental, mais aussi gagnant pour l’emploi et l’économie de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais placer mon argumentation sous le sceau du bon sens, du pragmatisme et du discernement.
M. Bruno Sido. Nous aussi !
M. Jean Desessard. Nous n’avons qu’une planète et sommes de plus en plus nombreux. Nous avons donc intérêt à ne pas créer de lieux inhabitables à cause de la pollution des rejets, comme des extractions.
Le soleil et les écosystèmes travaillent pour nous, produisent de la nourriture, renouvellent les sols, l’air et l’eau. Nous avons donc intérêt à favoriser leur bon fonctionnement, plutôt qu’à l’enrayer.
L’heureux mariage de la nature et de la culture, la rencontre fertile de la biodiversité et du travail paysan nous ont nourris et abrités. Les retombées créatives de l’innovation nous ont habillés, chauffés, soignés, cultivés, mais ont aussi, au cours des derniers siècles, accéléré la production d’alliages, d’objets, de constructions, d’infrastructures, demandant toujours plus de sable, plus de métaux, plus d’énergie. On produit, on consomme, on emballe, on jette… On fabrique même du « jetable tout de suite » !
Nous voici arrivés à un point où, au lieu de vivre des dividendes de la planète, nous croquons le capital et le dilapidons chaque année plus vite.
Des chercheurs ont calculé le « jour du dépassement », date à laquelle l’humanité a consommé ce qui est renouvelable en un an. Chaque année, ce jour arrive plus tôt : en 2016, c’était le 8 août. Après cette date, on vit à crédit, et on n’est pas solvable.
L’économie circulaire participe du développement durable en ce qu’elle rallonge la durée de vie des matières. Cela demande de penser la production, non seulement du berceau au cercueil, mais aussi du berceau d’un objet au berceau d’un autre. Alors, les ordures ménagères cessent de polluer la mer ou de partir en fumées de dioxines : elles font rouler nos bus au méthane et font pousser nos légumes sur compost. Des plastiques nous rhabillent de « polaires ». Et l’or des cartes téléphoniques évite que nous ne massacrions le cœur de la Guyane pour enrichir des multinationales. Dans cette logique, certaines matières, comme le mercure ou les autres substances visées par la directive RoHS, à l’instar du plomb ou du chrome hexavalent, deviennent personæ non gratæ, car elles font plus de dégâts qu’elles ne rendent de services.
Mais, pour que ces images d’Épinal deviennent réalité, il faut beaucoup de volonté politique et beaucoup d’innovations techniques : l’écoconception ne s’improvise pas.
La responsabilité de l’origine des matières premières, le démontage, la réparation, le recyclage des éléments doivent être pensés dès le départ. Ce ne fut pas le cas du nucléaire, et le casse-tête de ses déchets…
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean Desessard. … comme celui du démantèlement montrent bien que l’on a fait décoller l’avion sans prévoir de piste d’atterrissage.
M. Bruno Sido. C’est embêtant ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. L’économie circulaire nous conduit à nous interroger sur la finalité de la mise sur le marché des produits : par exemple, l’obsolescence programmée est incompatible avec l’économie circulaire. Dans le cas des téléphones, il est scandaleux que les fabricants rendent les batteries inamovibles, ce qui ne permet ni de les réparer ni de les réutiliser.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Dans certains cas, cela ne permet même pas de les recycler si l’on ne trouve pas d’alternatives aux plastiques bromés, dont on ne sait pas gérer la toxicité en bout de chaîne.
M. Roland Courteau. C’est également vrai !
M. Jean Desessard. Il faudrait donc, à vos côtés, madame la secrétaire d'État, le secrétaire d'État chargé de la recherche ou celui qui est chargé de l’industrie !
Il faut aussi réfléchir au partage de la valeur de l’objet recyclé tout au long de sa vie. Selon un rapport de McKinsey, réalisé pour la fondation Ellen MacArthur, l’économie circulaire permettrait aux entreprises d’économiser annuellement plus de 240 milliards de dollars en Europe, par réduction des achats de matière première. À vos côtés, madame la secrétaire d'État, il faudrait donc aussi un représentant de Bercy !
Enfin, nous savons que des règles communes européennes font le poids face aux constructeurs et aux mises en décharge : c’est le 13 mars prochain que commencera, à Strasbourg, l’arbitrage sur le paquet de directives relatives à l’économie circulaire. Contre la timidité de la Commission européenne et pour soutenir les exigences du Parlement européen, il faudrait près de vous, madame la secrétaire d'État, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ! Par là même, je veux montrer ici que vous les représentez tous… (Sourires.)
En revanche, les écologistes tiennent à préciser que l’économie circulaire n’équivaut pas à disséminer des poussières contaminées dans de la bonne terre arable, car la chaîne alimentaire a vite fait de tout reconcentrer et, in fine, les polluants se retrouvent dans nos assiettes. L’économie circulaire, ce n’est pas non plus fondre les aciers de faible radioactivité des vieilles centrales nucléaires pour en faire des casseroles, pas plus qu’il ne s’agit d’incorporer les boues rouges dans les remblais du BTP pour les répandre sous les routes, au risque de contaminer les nappes phréatiques.
Il ne suffit pas de rédiger un préambule pour décrocher son brevet d’économie circulaire. Celle-ci constitue une démarche complexe et exigeante. C’est aussi – et c’est ce qui nous motive – une démarche innovante et enthousiasmante. En ces temps de mutations inquiétantes et de perspectives assombries, dessiner un futur à vivre n’est pas un luxe.
Se dire que l’on peut cesser de mettre en tension des pays pauvres à l’autre bout du monde, en leur prenant leur lithium, leur uranium ou leur tantale, peut rendre espoir à la jeunesse. Se dire que l’on peut à la fois créer de l’emploi et cesser d’encrasser la planète est un beau programme, recyclable par tous, à condition d’y mettre de la sincérité et de la rigueur.
Enfin, en tant que président du groupe écologiste, je voudrais remercier Mme Marie-Christine Blandin de nous avoir soumis ce projet de débat. Je me réjouis de la qualité des interventions qui ont déjà eu lieu et je ne doute pas de celle des interventions à venir.
Pour nous, écologistes, voir que l’écologie est partagée est un pur bonheur ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. Bruno Sido. Votre bonheur est visible ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui – j’espère que M. Desessard se réjouira aussi de mon intervention ! (Sourires.) – d’un enjeu devenu essentiel, dont le concept est certes récent, mais qui est désormais inéluctablement en marche : l’économie circulaire.
Si le concept est récent, il est précisément défini par le ministère de l’environnement comme un système économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire des biens et des services, tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit effectivement de déployer une nouvelle économie, circulaire – en opposition à l’économie linéaire –, qui s’appuie sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie.
Ce concept, qui a été introduit dans les années quatre-vingt-dix par les économistes de l’environnement Pearce et Turner, consiste en la prise de conscience, par l’homme, de la finitude de nos ressources et des impacts environnementaux de notre société de consommation.
En effet, depuis la révolution industrielle, qui a profondément bouleversé notre modèle économique, nous avions mis en place un système linéaire, basé sur l’extraction des ressources, la fabrication, la production, la consommation et les déchets, avec, pour conséquences, l’accumulation progressive et non négligeable de ceux-ci, mais aussi la pollution de l’eau, de l’air et des sols. Surtout, nous avons organisé l’épuisement inéluctable de nos ressources naturelles.
Nous sommes arrivés à un stade où il est de notre responsabilité de tirer la sonnette d’alarme.
Alors que l’économie mondiale utilisait 24 milliards de tonnes de ressources en 1970, elle en a consommé 68 milliards en 2009. Nous avons donc pratiquement triplé leur exploitation. Face à ce constat inquiétant, force est d’admettre que notre société doit aussi, parallèlement, relever plusieurs défis.
Le premier est celui de la hausse de la démographie. Nous sommes actuellement 7,4 milliards d’individus sur la planète. D’après les estimations, nous serons près de 10 milliards en 2050, ce qui est considérable. Le risque d’épuisement accru des ressources dû à cette augmentation de la population est de plus en plus prégnant.
Le deuxième défi est celui de la finitude des ressources.
Le troisième défi est l’impact environnemental qu’entraîne le système économique linéaire.
Le lien entre la consommation et l’épuisement des ressources est donc irréfutable. En conséquence, il était devenu nécessaire, mais aussi responsable, de réfléchir à une solution à ces problèmes inscrivant l’objectif prioritaire d’une croissance économique durable. Telle est l’essence même du concept d’économie circulaire.
Ainsi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte consacre son titre IV à la lutte contre les gaspillages et à la promotion de l’économie circulaire. Elle prévoit notamment la mise en place d’une stratégie nationale de transition vers cette nouvelle démarche. Et, pour la première fois, cette notion est inscrite dans le code de l’environnement.
Contrairement au système linéaire auquel je faisais référence, cette économie d’un type nouveau précise clairement ses principes : utiliser les ressources le plus durablement possible, les économiser, en intégrant le recyclage, l’écoconception ou encore le remanufacturing.
Ce concept s’appuie principalement sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’écoconception, l’écologie industrielle et territoriale, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage et le recyclage.
Il ne s’agit donc pas, contrairement à ce que nous pourrions parfois penser, d’une démarche axée uniquement sur la thématique des déchets, bien que ceux-ci constituent une préoccupation réelle lorsque l’on sait que, chaque année, un citoyen européen produit 444 kilos de déchets domestiques.
La COP 21, à Paris, puis la COP 22, à Marrakech, nous ont permis de comprendre que le modèle de croissance actuel n’est plus soutenable et que nous devons prendre collectivement conscience de cette réalité.
Toutefois, si nous souhaitons atteindre les objectifs des accords de Paris, il devient nécessaire d’adapter en urgence notre modèle de production, de transformation et de consommation à la réalité de l’augmentation exponentielle de cette dernière sur la planète et, ainsi, d’accélérer la transition vers le nouveau modèle d’économie circulaire à toutes les échelles de notre territoire, lequel doit être perçu comme un système permettant la poursuite de la production sans pour autant appauvrir les gisements de réserves naturelles, qui, eux, sont épuisables.
Ces dernières années, nous avons constaté que les collectivités se sont engagées, elles aussi, dans des démarches d’écologie industrielle et territoriale, s’inscrivant ainsi pleinement dans cette stratégie.
Les entreprises ont également un rôle essentiel à jouer dans cette démarche. En effet, si elles représentent manifestement une grande partie du problème, elles n’en sont pas moins aussi une grande partie de la solution. C’est la raison pour laquelle il est urgent de sensibiliser les acteurs économiques d’un même territoire et de les inciter à mettre en commun des ressources, afin d’économiser celles-ci, d’éviter le gaspillage et, en conséquence, d’améliorer la productivité.
Ce concept peut aussi bien s’appliquer dans le domaine des infrastructures d’équipements, comme les outils de production, que dans le secteur des services ou encore dans la gestion collective des déchets.
Au reste, le concept d’économie circulaire a un impact sociétal incontestable, car celle-ci peut créer de nombreux emplois, en particulier dans le secteur des entreprises spécialisées dans les éco-activités.
En effet, on estime que, en France, le secteur de la gestion des déchets peut représenter plus de 135 000 emplois, tandis que, en Europe, ce secteur ainsi que celui du recyclage représentaient déjà, en 2005, entre 1,2 million et 1,5 million d’emplois. L’économie circulaire est donc créatrice de richesses et d’emplois sur l’ensemble du territoire, notamment d’emplois locaux, non délocalisables, à l’instar de ceux qui relèvent du domaine de l’économie sociale et solidaire.
L’impact environnemental de l’économie circulaire pour les entreprises et les collectivités territoriales est donc démontré. Mais les consommateurs sont aussi concernés et doivent être des acteurs essentiels dans le développement de cette nouvelle forme d’économie. Ils doivent prendre conscience des enjeux environnementaux, car, s’il y va du devenir de la planète, il y va aussi de celui des hommes qui la peuplent. Et celui-ci ne peut se concevoir que dans la remise en cause du modèle de production et de consommation qui a prévalu jusqu’alors. C’est la raison pour laquelle l’économie circulaire incite aussi à l’innovation et à la collaboration, tant de la part des acteurs publics que des acteurs économiques.
Préserver notre planète et l’avenir des générations futures, dans la perspective d’une croissance économique durable, tel est l’objectif du concept d’économie circulaire.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, dresser un bilan des expériences menées ou abouties sur le territoire en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’occasion m’est aujourd’hui donnée de prendre la parole, au nom du groupe Les Républicains, sur le sujet de l’économie circulaire et de sa capacité à agir comme gisement de matières premières et d’emplois.
L’économie circulaire relève du bon sens. Nous devons y voir une mécanique vertueuse en faveur d’une nouvelle croissance.
La question de l’épuisement de nos ressources naturelles et la solution de l’économie circulaire ne sont pas des nouveautés. En avril 1974, déjà, le professeur René Dumont, dans un contexte électoral, évoquait ces ressources précieuses et s’inquiétait que celles-ci ne viennent à manquer dès la fin du siècle si nous ne changions pas notre relation à la nature. De nombreux rapports internationaux, comme le rapport Meadows, en 1972, et le rapport Brundtland, en 1987, ont participé à cette réflexion internationale sur l’émergence d’un nouveau modèle économique, dans lequel la production, la consommation et la réutilisation des biens et services forment une boucle.
L’idée d’une circularité de l’économie, fondée sur des circuits courts et le réemploi des matériaux a, depuis lors, fait son chemin, nous invitant à repenser notre rapport au monde qui nous entoure.
Au cours des deux dernières décennies, la question de l’économie circulaire a été posée à de nombreuses reprises dans l’espace public français.
En 2007, à l’occasion du Grenelle de l’environnement, impulsé par le gouvernement de François Fillon, avait été posée une première définition de l’économie circulaire, définie comme une politique de réduction et de recyclage des déchets, et plus généralement une politique d’utilisation plus efficace des ressources à notre disposition. Moins consommer et mieux consommer, ce sont les deux idées au fondement de la politique de l’économie circulaire.
En tant que président du groupe d’études Gestion des déchets du Sénat, j’en mesure, chaque jour, l’importance et la pertinence, mais aussi la nécessaire adaptation à la réalité du terrain.
En 2013, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a présenté une structuration de l’économie circulaire, qui résume bien ses enjeux à la fois politiques et techniques.
Cette structuration s’organise autour de quatre piliers : l’approvisionnement durable, c’est-à-dire l’exploitation raisonnée des ressources naturelles ; l’écoconception, à savoir l’ensemble des démarches de diminution de la quantité de matière utilisée, d’allongement de la durée de vie et de réemploi ; l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire un mode d’organisation interbasé sur des échanges de flux optimisés et une mutualisation des besoins ; l’économie de la fonctionnalité, enfin, à savoir le choix de privilégier l’usage à la possession.
Ces quatre piliers concourent à notre objectif de transition écologique et énergétique, avec le développement d’activités moins polluantes et d’une économie plus verte.
Avec 345 millions de tonnes de déchets produits annuellement en France, et seulement 17 millions de tonnes de matériaux recyclés utilisés, notre pays a encore beaucoup à accomplir dans ce domaine, mais ses efforts quotidiens méritent d’être salués.
En août 2015, la notion d’économie circulaire a été définitivement inscrite dans notre droit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec, pour objectif, de « dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ».
L’engagement de la Commission européenne en faveur d’un paquet Économie circulaire, datant de décembre 2015, nous sert aujourd’hui de référentiel sur cette question.
Avec des objectifs ambitieux, comme la mise en œuvre de normes sur l’écoconception, la mise en place d’une législation relative au gaspillage alimentaire, le déploiement d’une initiative de soutien à l’innovation et l’investissement dans l’économie circulaire au sein du programme Horizon 2020 et de nouveaux objectifs de gestion des déchets à l’horizon de 2030, l’Union européenne est aujourd’hui un moteur de notre action en faveur de l’économie circulaire.
Le développement de cette économie constitue aussi une opportunité formidable sur le plan de la création d’activités et d’emplois pour nos territoires.
L’ambition de l’économie circulaire de réévaluer notre consommation de ressources naturelles impliquera des réallocations sectorielles de l’emploi entre les activités dites « intensives en matières » et les activités dites « économes en matières ».
Il est de notre devoir de nous assurer que ces changements en termes d’emploi ne délaissent personne, qu’ils proposent à chacun un accompagnement professionnel, c’est-à-dire une reconversion vers un secteur d’activité en développement. La formation, initiale et professionnelle, aux métiers de l’économie circulaire et du développement durable doit intégrer cette évolution.
L’économie circulaire concourt déjà à l’emploi en France, mais elle pourrait prendre une place décisive dans la nouvelle amorce d’une croissance durable.
D’après une note d’analyse de France Stratégie datant d’avril 2016, qui a été évoquée par M. Hervé Maurey, l’économie circulaire représente aujourd’hui 800 000 emplois en équivalent temps plein, soit 3 % de l’emploi global en France.
Près de la moitié de ces emplois sont des éco-activités, c’est-à-dire des productions de biens et de services permettant de mesurer, prévenir, limiter ou corriger les impacts environnementaux. L’assainissement de l’eau et des déchets représente environ 40 % de ces éco-activités.
À mesure que nous agissons, toutes ces activités devraient se démultiplier, avec des créations d’emplois non délocalisables à la clef. Elles appelleront donc une vigilance accrue de la part des pouvoirs publics.
Pour une autre moitié, les emplois de l’économie circulaire touchent à la réparation, la location et le marché de l’occasion. Ces métiers assurent effectivement la prolongation de la durée de vie des produits et services. Sont concernées des filières professionnelles en pleine croissance, comme les filières à responsabilité élargie du producteur, dites REP, les réseaux de proximité que constituent les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, ou encore la filière des innovations numériques.
Quant au secteur de la réparation, il représente, à lui seul, pas moins de 200 000 emplois équivalents temps plein, soit un quart des métiers de l’économie circulaire.
Aujourd'hui plus que jamais, nos territoires sont des acteurs de premier plan des politiques d’animation et de soutien des initiatives d’économie circulaire.
En conclusion, le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire est un processus bien entamé, dans le respect des engagements de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Cette dynamique de préservation de l’environnement est bonne pour l’emploi. Elle engendre des créations d’activité sur un spectre de filières professionnelles allant de la collecte et du recyclage des déchets à l’entretien et la réparation des équipements techniques.
Il nous reste à savoir comment encourager son développement.
Permettez-moi d’attirer brièvement votre attention, mes chers collègues, sur quelques pistes : la mise au point d’une fiscalité incitative, notamment lorsque le coût des matières premières n’invite pas au recyclage des matériaux, l’accélération du soutien public et privé aux démarches de recherche et de développement, au travers d’une orientation des crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou encore une meilleure association des éco-organismes aux démarches de soutien à ce secteur.