Mme la présidente. La parole est à M. Joseph Castelli.
M. Joseph Castelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire ayant, hélas ! échoué, comme nous pouvions nous y attendre, nous voici réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la Corse.
Mes chers collègues, il est nécessaire que ces ordonnances soient adoptées définitivement avant l’interruption des travaux parlementaires, pour permettre à la collectivité unique de Corse d’être installée rapidement, et ce dans les meilleures conditions.
Le 12 décembre 2014, le principe d’une collectivité unique a été acté de manière républicaine et transparente par une très large majorité des élus de la Corse. Droite, gauche et nationalistes ont approuvé à 80 % la création de cette collectivité.
Je tiens à rappeler que la création d’une collectivité unique a été sollicitée dès 2013 et 2014, à travers deux délibérations de l’Assemblée de Corse.
Je rappelle également que le groupe du RDSE avait voté l’amendement relatif à la collectivité unique de Corse lors de l’examen de la loi NOTRe. C’est sur cette base que les ordonnances, qui doivent accompagner la mise en œuvre de la collectivité unique au 1er janvier 2018, ont été préparées.
Très concrètement, il reste peu de temps pour construire un processus permettant à la future collectivité d’être opérationnelle au 1er janvier 2018. Les ordonnances permettent déjà d’avancer sur le plan de l’organisation administrative.
La déspécialisation, intégrée par le Gouvernement par voie d’amendement, du reliquat de l’enveloppe de la dotation de continuité territoriale, normalement dévolue aux ports, aux aéroports et aux routes, permettra de dégager des marges de manœuvre pour améliorer la mobilité sur notre territoire, afin de lutter contre la désertification des territoires de l’intérieur et de montagne.
Mes chers collègues, rien n’est figé. Une fois ces ordonnances ratifiées, le débat pourra être rouvert via une loi spécifique à la Corse. À cette occasion, nous pourrons notamment prévoir de construire une articulation spécifique entre les intercommunalités et la collectivité unique. Rien ne nous empêchera de corriger le tir et d’améliorer les procédures mises en place.
La mise en place de la collectivité unique n’est désormais plus un sujet de débat. Elle est en passe de devenir une réalité et doit s’inscrire dans la durée. Aussi les ordonnances sont-elles une étape nécessaire dans la construction progressive d’un équilibre institutionnel et territorial qui permettra de relever de multiples défis pour les Corses et pour la Corse. C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE votera unanimement ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez déjà ma position, puisque je me suis exprimé sur le présent projet de loi le 26 janvier dernier. Je serai donc bref.
Nous arrivons, avec cette nouvelle lecture, au terme du processus d’examen de ce texte par le Sénat, un point de convergence n’ayant pas pu être trouvé lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Les trois ordonnances dont il est question, lesquelles ont été prises sur le fondement de l’article 30 de la loi NOTRe et visent à la création de la nouvelle collectivité de Corse au 1er janvier 2018, ne nous conviennent pas. En tenant ce propos, je ne remets pas en cause le principe de la création d’une collectivité unique, sur lequel nous étions tous d’accord. Toutefois, nous déplorons que ces ordonnances additionnent les compétences, les financements et les administrations, sans proposer un nouvel équilibre territorial. Le centralisme, au profit de la nouvelle collectivité et de ses représentants politiques, est réel.
Ces ordonnances, qui découlent donc de la loi NOTRe, ne règlent pas les problèmes institutionnels, administratifs et financiers de la Corse.
Monsieur le ministre, je regrette que notre proposition d’une loi spécifique pour la Corse, aboutissant à une démarche globale – nous avons formulé cette proposition à plusieurs reprises, avec certains de nos collègues députés –, n’ait pas été retenue.
Force est de constater aujourd’hui que ces ordonnances contraintes et étriquées ne nous permettent pas d’apporter les modifications nécessaires tant attendues en matière institutionnelle, électorale, financière et fiscale.
Monsieur le ministre, vous qui êtes un homme de terrain et de bon sens, vous savez que l’installation, à Bastia, de la fameuse chambre des territoires, qui a fait l’objet de négociations, ne représente rien, puisque cette chambre ne possède ni pouvoirs ni représentativité.
Vous ne serez par conséquent pas surpris que je reste sur la position que j’ai exprimée le 26 janvier dernier.
Cependant, je veux brièvement aborder un point que je n’avais pas évoqué alors, à savoir l’amendement relatif à la répartition du reliquat de l’enveloppe de la dotation de continuité territoriale qui a été introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement.
Dans un courrier que vous nous avez adressé au mois de novembre dernier, vous nous avez fait part de votre intention de mettre en place une désaffectation partielle de ce reliquat. Nous vous en avons tous su gré ! Étendre le reliquat d’une enveloppe destinée aux transports aux infrastructures routières et ferroviaires, au-delà des seules infrastructures portuaires et aéroportuaires, était on ne peut plus logique. En revanche, j’ai du mal à comprendre pour quelle raison le bénéfice du reliquat a été élargi, par voie d’amendement, aux politiques publiques menées en faveur des territoires de montagne et de l’intérieur de l’île.
Une étude consacrée à la remise à niveau de nos infrastructures portuaires et aéroportuaires a montré qu’il faudrait réaliser des travaux d’un montant supérieur à 200 millions d’euros. Quoi de plus logique que d’utiliser le reliquat au profit de ces infrastructures, voire des routes, si les crédits ne sont pas épuisés ?
Mais on ne pourra pas tout faire ! Et ce d’autant plus que ce reliquat est très volatil : nous réalisons des économies grâce à la baisse des prix du pétrole, mais, si le cours du baril remonte, nous aurons beaucoup moins d’argent à dépenser. J’aimerais que vous me répondiez sur ce point.
Pour conclure, monsieur le ministre, sachez que je ne partage pas l’optimisme de certains de mes collègues députés : contrairement à eux, je pense que la Corse va vivre non pas une avancée historique, mais bel et bien un recul historique. Je suis profondément convaincu que cette réforme ne correspond pas à ce que souhaitent les Corses.
Comme vous l’avez souligné, les Corses sont des gens déterminés – je suis l’un de ceux-là. Après les échéances de la présidentielle et des législatives, quelle que soit la majorité présidentielle, vous me verrez, avec mes collègues du Sénat et de l’Assemblée nationale, continuer de défendre l’élaboration et l’adoption d’une loi spécifique à la Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je veux tout d’abord remercier le rapporteur de son engagement, de la qualité de ses propos et d’avoir souligné qu’il s’agit – sans y mettre trop d’emphase – d’un moment historique : fusionner trois collectivités, même en Corse, est tout sauf banal. Je crois d’ailleurs que cela n’est jamais arrivé auparavant et que le qualificatif « historique », stricto sensu, n’est pas usurpé.
Je remercie donc le rapporteur de son implication sur un sujet qu’il connaît ô combien parfaitement dans la mesure où il y travaille depuis une quinzaine d’années au travers de ses différentes responsabilités et de ses grandes compétences juridiques.
Monsieur Desessard, je vous remercie du soutien de votre groupe et de vos propos. Vous avez eu raison de rappeler quels étaient les objectifs de ces ordonnances et de dire un certain nombre de vérités. Vous connaissant personnellement et connaissant les convictions et les valeurs de votre groupe, je ne suis pas surpris que vous souteniez ce texte qui se traduit par davantage de pouvoir local, davantage de décentralisation et une meilleure rationalisation de l’exercice du pouvoir en Corse.
Merci également à M. Kaltenbach d’avoir rappelé que nous avions un devoir de crédibilité auprès de l’opinion publique. Je dis « nous » à dessein, car je n’oublie pas avoir souvent été du côté du législateur, à l’Assemblée nationale ou, pendant plus longtemps encore, dans cet hémicycle. Pour ne pas perdre cette crédibilité, nous devons faire preuve de cohérence. Comment les Français qui nous regardent, même au-delà de la Corse, pourraient-ils comprendre que des parlementaires, que des groupes politiques, soutiennent aujourd’hui une position inverse de celle qu’ils défendaient à un autre moment ?
Cette question de cohérence m’amène à m’adresser à M. Favier, que je remercie de ses propos. Monsieur le sénateur, vos convictions sont fortes. Toutefois, cette position n’est pas exactement la position initiale du groupe communiste républicain et citoyen, qui était favorable à ce texte et qui y est aujourd’hui hostile au prétexte qu’un référendum serait nécessaire… Pourquoi pas ? Permettez-moi cependant de vous rappeler qu’il y en a déjà eu un en 2003, dont nous connaissons le résultat. La Corse et la France ont changé en quinze ans, à l’instar de la mentalité et des exigences des populations.
Comme je l’ai auparavant affirmé dans cette enceinte même, je suis un ardent partisan de la démocratie représentative. Je me méfie de l’autre démocratie, car un référendum ne permet quasiment jamais d’obtenir la réponse à la question posée.
Je me souviens bien de ce référendum de 2003 dans lequel mes amis radicaux corses se sont ô combien impliqués – ils ne furent d’ailleurs pas pour rien dans le résultat négatif de cette consultation. Je ne garde pas un très bon souvenir des débats que nous avons eus à l’époque… Le référendum est une arme à toujours manier avec précaution, même si la démocratie participative est aujourd’hui à la mode, ce qui ne m’empêchera pas d’affirmer mes convictions.
Monsieur Castelli, vous qui êtes corse et qui représentez la Corse dans cet hémicycle, vous avez raison de rappeler que la décision de réunir les trois collectivités en une a été prise de manière républicaine et transparente.
J’ajouterai que c’est la majorité précédente de l’Assemblée de Corse qui a sollicité la création de cette collectivité unique et qu’il ne s’agissait donc pas, comme je l’entends parfois dire ou suggérer, de faire plaisir à la majorité nationaliste actuelle. Cette dernière ne dirigeait pas l’Assemblée de Corse lorsque nous avons répondu favorablement à cette sollicitation.
La moindre des choses, sur le territoire de la République, est de respecter les engagements pris, quelle que soit la majorité en place. Vous avez justement rappelé, monsieur le sénateur, qu’il s’agit d’une décision très importante pour la Corse. Dans une île de 300 000 habitants, il faut pouvoir, dans un souci d’efficacité, s’appuyer sur un pouvoir régional fort, c’est-à-dire sur une collectivité unique, la collectivité de Corse.
Monsieur Panunzi, l’excellence de nos relations m’oblige à répondre à l’ensemble de vos questions.
Je sais que vous ne remettez pas en cause le principe de la collectivité unique. Mais il est trop facile, comme je l’ai indiqué hier à M. de Rocca Serra à l’Assemblée nationale, de dire : « Je suis d’accord, mais pas comme ça. Il faudrait faire autrement. »
Je sais bien que nous employons tous cet argument, un jour ou l’autre, quand nous sommes dans l’opposition, mais « autrement » ressortit toujours au domaine du rêve. Vient un moment où il faut trancher.
Dès lors, monsieur le sénateur, si vous êtes d’accord avec le principe d’une collectivité unique, voilà une excellente occasion non seulement de voter vous-même en faveur de ce texte, mais aussi d’y inciter vos amis du groupe Les Républicains sur lesquels vous avez une grande influence en la matière.
Vous avez également affirmé que la création de cette collectivité unique se faisait au profit des dirigeants politiques actuels. Non, cette création ne se fait au profit de personne, sinon des Corses et de la Corse !
Les dirigeants dont vous parlez ont été élus démocratiquement et sont aujourd’hui aux manettes, comme d’autres l’étaient hier. Il en ira peut-être autrement demain, c’est le jeu démocratique…
Je ne suis pas hostile à une loi spécifique à la Corse. Toutefois, dans le temps qui m’était imparti, il m’était impossible de préparer et de faire voter un tel texte, alors même que certaines propositions des élus corses de tous bords exigeraient une révision constitutionnelle. Ce n’est pas en fin de quinquennat que l’on peut se lancer dans une pareille aventure.
Si la majorité future, quelle qu’elle soit, considère qu’il faut aller encore plus loin en adoptant une loi spécifique pour la Corse, je n’y verrai que des avantages. Mais chaque chose en son temps : la politique est l’art du possible, autrement on ne fait que vendre du rêve…
Peut-être fallait-il une chambre des territoires dotée de pouvoirs plus larges. Je rappelle cependant que cette instance ne figurait pas dans la première version du texte. À vos côtés, aux côtés des dirigeants de la collectivité de Corse, aux côtés des parlementaires corses, j’ai œuvré pour la création de cette chambre qui permettra d’équilibrer le pouvoir entre Ajaccio et Bastia et qui sera d’une très grande utilité. Je connais bien les élus corses : ils se saisissent à pleine main des pouvoirs qu’on leur permet d’exercer et ils le font de la meilleure des manières.
Je m’étais engagé à ouvrir l’affectation de la dotation de continuité territoriale aux territoires de l’intérieur et de montagne de l’île, et j’ai l’habitude – tout comme les Corses – de tenir mes promesses. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement que vous avez évoqué.
Lors des premières discussions, la Corse n’avait pas encore le statut d’« île montagne » et il n’était pas acquis que l’excédent de dotation de continuité territoriale resterait à la Corse.
Nous en avons débattu au sein du Gouvernement : certains voulaient remettre cet excédent de 30 millions d’euros par an dans le pot commun. J’ai œuvré, avec d’autres, pour que cet excédent soit laissé à la disposition des Corses pour la Corse.
Après les ports, les aéroports et les routes, on m’a demandé de consacrer aussi une partie de cet excédent au financement de politiques en faveur des territoires de l’intérieur et de montagne. Vous connaissez la Corse mieux que moi et vous savez les difficultés des massifs corses. Il m’a paru légitime que ce reliquat puisse être employé à financer ces politiques, raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.
Au final, cette répartition ne change rien à l’enveloppe globale de 30 millions d’euros. Je n’avais donc aucune raison de m’opposer à cette demande des élus corses. Cet argent leur appartient. Je suis Girondin et je considère que la décentralisation doit toujours être améliorée, et même amplifiée.
Vous avez raison, monsieur Panunzi, il est nécessaire d’agir pour les ports, les aéroports et les routes, y compris les routes de montagne. Comme vous le savez, le comité de massif de Corse était en sommeil ; il a été remis en activité et j’ai répondu favorablement à sa demande.
Je pense avoir, mesdames, messieurs les sénateurs, répondu en toute sérénité et transparence, aux questions qui m’ont été posées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en corse
Article 1er
(Non modifié)
I. – L’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse est ratifiée.
II. – Le I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 précitée est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du d du 1°, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
2° À la fin du vingt-septième alinéa du 3°, les références : « 19°, 20° et 21° » sont remplacées par les références : « 18° à 20° du présent article ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – L’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse est ratifiée.
II. – L’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 précitée est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa du IV de l’article 12, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « dixième » ;
2° Au vingt-troisième alinéa de l’article 14, la référence : « L. 1424-24-79 » est remplacée par la référence : « L. 1424-79 » ;
3° Au second alinéa de l’article 22, les deux occurrences du mot : « à » sont remplacées par le mot : « de ». – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse est ratifiée. – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « ou à des opérations d’investissement s’inscrivant dans le cadre d’un projet global de développement du territoire de la Corse, notamment au titre des politiques publiques menées en faveur des territoires de l’intérieur et de montagne ». – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
M. Jean-Pierre Sueur. Un scrutin public ? Mais, dès lors que l’assemblée a voté en faveur de chacun des articles du texte, on comprendrait mal que le projet de loi ne fût pas adopté !
Mme la présidente. Vous avez raison, monsieur Sueur. Pour autant, le Sénat doit se prononcer sur l’ensemble du texte.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Je comprends que les positions puissent évoluer au fil du temps, mais nous venons d’adopter les quatre articles de ce texte : comment pourrions-nous revenir sur ce vote en rejetant le projet de loi ? Ce serait complètement incohérent !
M. Jean-Jacques Panunzi. Nous ne revenons pas sur nos votes !
M. Philippe Kaltenbach. J’invite le groupe Les Républicains, qui est sérieux et cohérent, à faire justement preuve d’un minimum cohérence ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains – M. Jean Desessard marque son approbation.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Kaltenbach, vous savez pertinemment qu’un scrutin public nous permet de nous démarquer les uns des autres par notre vote. Ce n’est pas une question de cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. À titre personnel, et alors que je vais quitter le Sénat au mois de septembre prochain, je veux lancer un message dont je souhaite que la teneur figure au compte rendu intégral des débats, afin que le président du Conseil constitutionnel puisse en prendre connaissance.
Le scrutin public, tel qu’il existe au Sénat, permet de faire voter des personnes qui ne sont pas présentes, ce qui est contraire à la Constitution. Ses modalités ne sont pas mentionnées dans le règlement du Sénat pour des raisons purement tactiques : comme le Conseil constitutionnel ne peut censurer que ce qui est écrit, il n’a pu, jusqu’à présent, sanctionner ces modalités.
Je veux, encore une fois, dire publiquement que le scrutin public, tel qu’il est appliqué au Sénat, permet de faire voter les absents et d’aller contre la volonté exprimée par les présents, en violation de la Constitution, aux termes de laquelle le vote est personnel ! Je demande que le Conseil constitutionnel se saisisse de cette anomalie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme Éliane Assassi. Tout le monde en use…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. J’approuve les propos de M. Kaltenbach et de M. Portelli.
Il est écrit dans la Constitution que tout parlementaire ne peut détenir qu’un seul mandat en plus du sien. Surpris par la vivacité de M. Portelli, je n’ai pas eu le temps de rechercher précisément de quel article de la Constitution il s’agit,…
M. Hugues Portelli. L’article 27 !
M. Jean Desessard. … mais, si la discussion se prolongeait, je vous le communiquerais !
Quoi qu’il en soit, cela signifie qu’un parlementaire peut voter pour l’un de ses collègues. Cela ne changerait pas nécessairement le sens du vote, mais, en tout cas, les sénateurs absents ne pourraient pas voter aujourd'hui. Compte tenu de nos discussions, qui sont intéressantes, les absents auraient d’ailleurs peut-être changé d’opinion… Après tout, c’est la raison d’être de notre débat !
S’il n’y avait aucun débat et qu’il suffisait à chaque groupe politique de déposer l’ensemble de ses bulletins de vote dans l’urne, ce ne serait plus la peine de siéger : en une demi-journée de séance, on ferait l’équivalent d’une semaine de travail !
Pour moi, ce sont les parlementaires qui participent aux débats qui devraient pouvoir voter. Ils ne pourraient détenir qu’une seule délégation de vote pour un collègue ne pouvant pas être présent dans l’hémicycle.
J’approuve donc totalement les propos qu’a tenus M. Portelli au sujet des scrutins publics !
Madame la présidente, je tiens à rappeler que ce n’est pas la première fois que j’interviens sur ce sujet. En 2004 déjà, lorsque je suis devenu sénateur, j’en avais parlé… Il serait temps d’agir !
De son côté, l’Assemblée nationale s’est déjà engagée sur ce chemin : autrefois, les députés votaient pour dix ou quinze de leurs collègues. Aujourd'hui, cela a changé, raison pour laquelle, d’ailleurs, les députés sont souvent plus nombreux que les sénateurs en séance… (M. François Pillet proteste.)
M. Gérard Cornu. Oh !
M. Jean Desessard. Si, mon cher collègue, ils sont plus nombreux que nous ! Certes, peut-être pas à quatre heures du matin, heure à laquelle les sénateurs, plus vaillants, sont dix, alors que les députés ne sont que neuf. (Sourires.)
De fait, les députés sont beaucoup plus présents à l’Assemblée nationale, car ils respectent la Constitution et ne peuvent donc détenir qu’un seul mandat en plus du leur ! Il faudrait donc revenir au Sénat à l’application stricte de la Constitution ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. Philippe Dominati. Revenons au sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous voulez des lois spécifiques à la Corse, mais nous avons surtout des débats spécifiques, d’une grande originalité, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne doivent pas toujours paraître cohérents à celles et ceux qui nous observent ici ou ailleurs – ils ne doivent pas toujours en saisir le fil conducteur !
Je ne voulais pas revenir sur ce point, mais, compte tenu des circonstances, je vais le faire : lors de la première lecture au Sénat, le 26 janvier dernier, le groupe centriste, par la voix de son orateur, a déclaré qu’il était favorable au présent texte, puis il a disparu comme par enchantement au moment du vote ; il n’y a donc pas participé ! Aujourd’hui, je constate que les sénateurs du groupe centriste ne sont toujours pas réapparus.
Accordez-le-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, un groupe sénatorial entier qui disparaît pendant presque un mois, c’est historique ! C’est même du jamais vu dans le cadre du fonctionnement d’une assemblée parlementaire !
Les centristes sont absents et n’ont pas d’opinion sur la Corse. En tout cas, s’ils en ont exprimé une, ils ont manifestement changé d’avis en cours de séance et sont aux abonnés absents depuis !
En ce qui vous concerne, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, j’ai bien observé vos votes à main levée : vous avez voté différemment les uns des autres, et de manière distincte selon les articles. Vous avez voté les deux premiers articles du texte, mais pas les deux suivants.
M. Philippe Dominati. Pas l’article 2 !
M. Jean-Jacques Panunzi. Nous n’avons pas voté l’article 2 !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’article 1er concerne la ratification de l’ordonnance financière. Ce n’est pas la moindre des choses ! Vous l’avez voté, vous y êtes donc favorables.
L’article 2 traite de la ratification de l’ordonnance institutionnelle, celle qui instaure la collectivité unique de Corse. Vous l’avez également voté, vous y êtes donc également favorables.
M. Jean-Jacques Panunzi et M. Philippe Dominati. Non, c’est faux !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Messieurs les sénateurs, vous pourrez prendre la parole si vous le souhaitez, mais laissez-moi aller au bout de mon raisonnement ! Perdons cette mauvaise habitude de nous interrompre les uns les autres ! Je me flattais à l’instant de la qualité de nos débats et du respect qui s’était instauré entre nous. Continuons dans cette bonne voie !
Cela étant, je vous l’accorde, certains d’entre vous n’ont pas voté l’article 3, comme vous, messieurs Panunzi et Dominati. Cet article 3 concerne la ratification de l’ordonnance électorale.
Enfin, tout naturellement, vous avez voté contre l’article 4, qui prévoit l’élargissement de l’affectation du reliquat de la dotation de continuité territoriale aux territoires de montagne.
Quoi qu’il en soit, vous avez voté les deux articles essentiels. Et, au-delà de vos cas personnels, le Sénat a adopté l’ensemble des articles du projet de loi à main levée ! Le vote a été un peu différent selon les articles, mais la Haute Assemblée a bel et bien adopté les quatre articles du texte !
Et maintenant, au moment du vote final, le Sénat rejetterait le projet de loi, alors qu’il en a adopté l’ensemble des articles ?...