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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de cinq députés du groupe d’amitié Turquie-France de la Grande Assemblée nationale turque, conduite par Mme Serap Yaşar, présidente du groupe d’amitié. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.)
La délégation est accompagnée par notre collègue Jacques Mézard, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Turquie.
Arrivée le 13 février, la délégation est à Paris jusqu’au 16 février, pour une visite d’étude principalement centrée sur notre régime institutionnel. Ce thème a été retenu par nos homologues turcs dans le cadre de la réforme constitutionnelle que la Turquie a engagée.
La délégation s’est entretenue hier avec des membres de la commission des affaires européennes, présidée par notre collègue Jean Bizet, sur les relations de la Turquie avec l’Union européenne. Elle a rencontré également plusieurs membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, afin d’évoquer le rôle de la France et de la Turquie face aux grands enjeux géopolitiques actuels, en particulier le conflit syrien et ses conséquences.
Le Sénat français entretient des relations de confiance et d’amitié avec la Grande Assemblée nationale turque, nourries d’échanges sur les grandes questions liées à la situation en Syrie qui nous préoccupe tous, mais aussi sur les liens étroits qui unissent la Turquie à l’Union européenne et le développement de nos partenariats économiques, en particulier dans le domaine des transports et de l’énergie.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues de la Grande Assemblée nationale turque la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent longuement.)
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Autoconsommation d'électricité et énergies renouvelables
Suite de la discussion et adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.
Discussion générale (suite)
Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà parvenus à un moment très important de vos débats sur la transition énergétique, puisqu’il s’agit de la dernière étape avant l’adoption du projet de loi de ratification de deux ordonnances prévues par l’article 119 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, et non des moindres : celle qui porte sur l’autoconsommation et celle qui concerne les dispositions de simplification, d’amélioration et d’encouragement du raccordement aux énergies renouvelables.
Nous avons passé ensemble de longues heures, de longues journées, de longues nuits (Exclamations amusées.), il y dix-huit mois, pour cette discussion parlementaire très intéressante et très fructueuse sur la loi de transition énergétique, dont la promulgation a ouvert la voie à la Stratégie nationale bas carbone, laquelle a été publiée, à la Programmation pluriannuelle de l’énergie, et à l’accord historique sur le climat obtenu à Paris le 12 décembre 2015, et entré en application le 4 novembre 2016.
Je dois dire ici que les convergences qui se sont fait jour, malgré des sensibilités différentes, bien entendu, ont permis d’aboutir à un consensus solide et à des engagements robustes, visibles et stables, ce qui explique, à mon sens, le succès mondial de la mise sur le marché par la France de la première obligation verte souveraine, pour 7 milliards d’euros, alors que nous avons reçu 22 milliards d’euros d’offres, venant de 200 investisseurs du monde entier.
L’enchaînement de ces votes, de ces décisions, de ces travaux tant législatifs que réglementaires, a fait de Paris la première place de la finance verte, les applications opérationnelles dans les filières industrielles et les territoires ayant renforcé la crédibilité de cette offre.
Aujourd’hui, grâce à cette ambition résolue, une dynamique est à l’œuvre, comme l’illustrent ces quelques chiffres : la puissance éolienne et solaire installée a augmenté de 25 % depuis 2014 ; les énergies renouvelables électriques produisent désormais, à la pointe de midi, l’équivalent de 6 réacteurs nucléaires et contribuent donc à la sécurité de l’alimentation ; l’éolien a progressé de 45 % en 2016 ; les projets de chaleur renouvelable et de récupération aidés par le Fonds chaleur ont augmenté de près de 30 % ; la filière éolienne compte désormais 15 000 emplois sur le territoire français, soit une augmentation de 30 % depuis 2013, ce qui correspond à 4 000 emplois supplémentaires, et sans doute davantage si l’on compte les sous-traitants.
Pour prolonger cette dynamique, l’ordonnance relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables que tend à ratifier l’article 1er du projet de loi qui vous est soumis permet une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché et au système électrique, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, elle supprime la priorité d’appel pour la production d’électricité à partir de charbon, contradictoire avec la priorité qui doit être donnée à la production renouvelable.
Ensuite, elle crée une priorité d’appel pour l’électricité renouvelable dans les zones non interconnectées.
Enfin, elle institue la procédure de dialogue concurrentiel, qui tire les leçons des premiers appels d’offres éoliens en mer, et qui permettra, à la demande des industriels, une évolution des projets au fil de la procédure, réduisant ainsi les délais. Cette nouvelle procédure a d’ailleurs été utilisée dans le cadre de l’appel d’offres éolien en mer qui a été lancé au large de Dunkerque.
L’article 1er a également pour objet de ratifier l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité. Elle permet de doter la France d’un cadre qui facilite le développement de l’autoconsommation. Ce développement est vertueux pour les énergies renouvelables, les réseaux d’électricité et, bien évidemment, les factures énergétiques.
J’ai lancé un appel d’offres, l’été dernier, pour le développement de l’autoconsommation dans les secteurs industriels, tertiaires et agricoles. Les 72 premiers lauréats ont été désignés à la suite de cette procédure, qui a rencontré un très grand succès. Peut-être en avez-vous d’ailleurs quelques exemples dans vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs. Je profite de cette séance au Sénat pour annoncer le lancement imminent d’un second appel d’offres. Les services du ministère sont bien évidemment à votre disposition pour faciliter l’émergence de projets sur vos territoires, en particulier, mais pas seulement, sur les territoires à énergie positive.
Cette ordonnance prévoit la définition des opérations d’autoconsommation, l’obligation pour les gestionnaires de réseaux de faciliter l’autoconsommation, ce qui représente une grande avancée, et l’établissement par la Commission de régulation de l’énergie d’une tarification d’usage du réseau adaptée aux installations en autoconsommation. Je suis très attachée à ce que les tarifs d’usage des réseaux intègrent dès à présent ce nouvel usage qu’est l’autoconsommation, pour en favoriser le développement. Elle prévoit enfin l’exonération de taxes sur l’électricité autoconsommée.
Au-delà de la ratification des ordonnances, la mise en application de la loi de transition énergétique, avec la publication des textes réglementaires – plus de 95 % des décrets sont désormais adoptés, ainsi que la quasi-totalité des ordonnances –, a permis de simplifier, de donner de la visibilité et d’accélérer la transition énergétique.
L’article 2, comme l’a précisé M. le rapporteur, vise à interdire le cumul de la valorisation des garanties d’origine de l’électricité renouvelable avec le bénéfice d’un dispositif de soutien. Nous avons donc atteint là l’objectif de garantir que l’électricité bénéficiant des dispositifs de soutien nationaux, qui sont financés par tous les consommateurs, profite bien à l’ensemble des consommateurs, sans que les fournisseurs puissent bénéficier d’une double rémunération indue.
Maintenir ce principe de non-cumul est également nécessaire pour sécuriser juridiquement les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, dont j’ai obtenu la- validation par la Commission européenne les 12 décembre et 10 février dernier.
L’article 3 a pour objet de mettre en place une baisse des coûts de raccordement au réseau pour les énergies renouvelables. C’est ce que l’on appelle la réfaction tarifaire, qui était très attendue par les opérateurs. En effet, au-delà de la question des délais de raccordement, qui ont été encadrés par le décret du 1er avril 2016, le coût du raccordement se révèle parfois un frein pour les projets d’énergies renouvelables, notamment en milieu rural, loin des réseaux. Il s’agit donc d’une mesure d’équité territoriale.
L’article 3 a également pour objectif de clarifier les modalités d’indemnisation en cas de retard de raccordement pour les parcs éoliens en mer. Cette visibilité était indispensable pour accélérer la mise en service de ces parcs.
Je vous annonce d’ailleurs que les conventions de concession d’occupation du domaine public maritime pour les parcs éoliens en mer qui sont lauréats du premier appel d’offres pourront être signées dans les prochains jours. C’est donc une étape majeure qui va ainsi être franchie, pour placer la France à l’avant-garde en matière d’énergies marines.
Enfin, l’article 4 clarifie la gestion de la conversion de la nature du gaz acheminé aux consommateurs dans le nord de la France, du fait de la baisse de la production du champ néerlandais.
Pour conclure, je voudrais souligner la qualité des travaux de votre commission et de votre rapporteur. Monsieur Poniatowski, vous avez beaucoup parlé des moulins, un sujet…
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Délicat ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre. … tenant à l’identité rurale française. C’est le Sénat qui, par son vote lors des débats sur la loi de transition énergétique, a accordé le plus de temps à la question de la préservation de ce patrimoine…
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre. … et a permis une juste conciliation avec les préoccupations des pêcheurs. Je me félicite donc de toutes les simplifications apportées sur la question des moulins, qui doivent être préservés pour la petite hydro-électricité.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Très beau geste symbolique !
Mme Ségolène Royal, ministre. Enfin, je vous informe que je proclamerai dans les prochaines semaines les résultats de l’appel d’offres sur la petite hydroélectricité, avec un lot qui sera spécialement réservé aux anciens moulins. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous verrez ainsi la concrétisation de vos travaux minutieux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que vous êtes mobilisés sur vos territoires. Je le répète, le ministère est à votre disposition non seulement dans le cadre des territoires à énergie positive, qui sont maintenant 500 sur l’ensemble du pays, mais également pour des projets bien identifiés que vous pourriez repérer sur ces sujets d’autoconsommation. Nous serons à vos côtés pour vous permettre de les faire émerger et de créer ainsi, dans la proximité, les emplois de la croissance verte qui les accompagnent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nous l’avions souligné en première lecture, nous pensons toujours que la promotion de l’autoconsommation, telle qu’elle est proposée par ces ordonnances, est une fausse bonne idée.
Ses promoteurs la présentent comme une solution pour le développement des énergies renouvelables et mettent en avant le fait qu’elle permettrait de soulager la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, acquittée par les usagers, et de limiter par exemple l’impact sur le réseau de distribution.
Nous pensons au contraire que ces ordonnances brouillent les enjeux en mélangeant délibérément autoconsommation et autoproduction. L’autoconsommation existe dans notre pays, un mouvement commençant à émerger de façon non négligeable en France.
Nous ne pouvons nier qu’un encadrement juridique de cette autoconsommation est nécessaire, mais il y a dans le texte un glissement subtil vers l’autoproduction, puisque ledit autoconsommateur pourra aussi injecter et vendre son surplus de production, sans être l’objet de contraintes et de coûts disproportionnés.
Cet autoconsommateur conserve le bénéfice des droits des consommateurs et ne doit pas être qualifié de fournisseur d’énergie à l’occasion d’opérations de vente d’électricité. Il peut recevoir une rémunération, étant entendu que cette dernière doit être calculée à partir de la valeur de cette électricité sur le marché, quand bien même il aurait reçu des aides, puisqu’il s’agit d’énergies renouvelables. Sur l’autoconsommation collective, des logements ou des centres commerciaux pourront ainsi produire leur propre électricité et la vendre.
Il y a donc bien, pour nous, volonté délibérée de démanteler un modèle centralisé ayant démontré son efficacité dans le passé, une sorte de retour au début du siècle dernier, qui, sous couvert de transition énergétique, va sans nul doute aboutir à la remise en cause de l’égalité d’accès à l’énergie sur l’ensemble de notre territoire, de l’égalité de traitement des usagers, ainsi que des tarifs réglementés, lesquels sont, il faut le rappeler, une forme de contrepartie à l’acceptation par nos concitoyens du choix de la production nucléaire.
Pour nous, c’est d’une véritable remise en cause du contrat social énergétique qu’il s’agit.
Comme le titrait hier le journal Les Échos, les entreprises, dont des pseudo-start-ups, sont dans les starting-blocks. Nous sommes loin, avouez-le, d’un modèle familial d’autoconsommation… Il s’agit ni plus ni moins que de créer un nouveau marché. Manifestement, nous n’avons pas appris des écueils et des abus du développement du solaire ou encore de l’éolien : de mauvais choix stratégiques, sans véritable pilotage ni planification, qui ne nous ont pas permis de véritablement diversifier notre mix énergétique.
Pourtant, comme nous l’avons encore rappelé hier, ici même, avec notre question d’actualité au Gouvernement, nous pensons toujours que EDF, RTE et ERDF doivent être les pivots de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables. A contrario, les mesures de destruction de ce modèle intégré ne sont que la promotion de la création de nouveaux marchés factices et éphémères.
À nos yeux, et nous l’avons dit et répété au cours de cette législature, les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec sa logique de profit à court terme, ne peuvent nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique, qui nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics, ni d’avoir un véritable service public national de l’énergie. Toutefois, c’est sans doute toute la philosophie de ces ordonnances : casser la notion même de service public national !
L’autoconsommation promue par les différentes ordonnances remet en cause la notion de bien public et fait de l’énergie un bien privé. La promotion de l’autoconsommation, telle qu’elle est présentée, n’est rien d’autre que cela.
Nous avions déjà, lors des débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, souligné la nécessité de faire de la transition énergétique une priorité réelle de la politique économique et budgétaire de la Nation.
Plutôt que d’y consacrer les moyens nécessaires, le Gouvernement et sa majorité ont largement misé sur le soutien à l’initiative privée, en s’inscrivant dans une démarche d’ensemble tendant à la privatisation du secteur de l’énergie : renforcement du marché de capacité ; renforcement du marché de l’effacement au profit de monopoles privés ; privatisation du secteur historique de l’hydroélectricité ; soutien financier actif aux opérateurs privés du secteur des énergies renouvelables. Quant au gouvernement précèdent, il avait fait adopter la loi NOME, c'est-à-dire portant nouvelle organisation du marché de l'électricité… Cette politique conduit à offrir à de grands industriels des rentes confortables, sans que cela réponde à un quelconque objectif d’intérêt général.
C’est pourquoi, en toute cohérence avec les positions constantes qui sont les nôtres, nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la lutte contre le changement climatique rend impérative la diversification de notre mix énergétique.
C’est le sens des engagements adoptés par la France ces dernières années avec l’Accord de Paris et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
En dépit des obstacles normatifs, économiques et financiers, les investissements dans le secteur des énergies renouvelables montent en puissance et les solutions sont incontestablement de plus en plus compétitives pour certaines filières comme l’éolien et le photovoltaïque.
Le contexte international est également favorable, puisqu’il existe une véritable dynamique pour parvenir au respect des objectifs ambitieux qui ont été fixés. Toutefois, gardons à l’esprit que la part des énergies fossiles dans la consommation mondiale reste de 87 % depuis quinze ans, d’après le Centre de recherche international sur l’environnement et le climat d’Oslo.
En proposant la ratification des deux ordonnances prises sur le fondement de la loi relative à la transition énergétique, le présent projet de loi apporte des garanties pour sécuriser le développement de l’autoconsommation et de la production d’énergies renouvelables. Il tend en outre à inciter les consommateurs et les entreprises du secteur à investir dans la transition énergétique en levant quelques freins qui demeuraient.
S’il est naturel de vouloir produire de l’électricité à proximité des lieux de production, la décentralisation énergétique doit être préparée, car elle crée un risque certain pour notre système électrique et pour le réseau.
Le recours à des moyens de stockage est inévitable, et l’hydrogène devrait avoir, nous l’espérons, un rôle important à jouer. Les membres du RDSE en sont intimement convaincus.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. Jean-Claude Requier. Je salue le travail de notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, qui a permis de lever les incertitudes qui subsistaient après l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Les modifications adoptées par le Sénat ont été retenues par la commission mixte paritaire, ce dont je me réjouis. Une fois de plus, le bicamérisme a fait la démonstration de son utilité.
Ainsi, nous ne pouvons que souscrire à la fixation par le présent texte d’un cadre juridique adapté pour l’autoconsommation, qui fait l’objet d’un réel engouement, y compris dans les territoires ruraux. C’est notamment le cas avec la dérogation à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommé.
Le texte établit, en outre, un cadre fiscal avantageux, avec la tarification spécifique de l’accès au réseau de distribution pour les petites installations, à savoir le « micro-TURPE », et l’exonération de CSPE et des taxes locales pour la production autoconsommée.
De même, il facilite et accompagne la production d’électricité renouvelable par l’extension de la priorité d’appel pour les installations dans les zones non interconnectées, le renforcement de la coordination entre les producteurs et les gestionnaires du réseau, ainsi que par l’établissement d’un régime spécifique d’indemnisation en cas de retard de raccordement pour les installations d’énergies renouvelables en mer.
On peut aussi citer la possibilité de recourir à des formes de mise en concurrence, qui repose sur le dialogue entre l’État et les porteurs de projets présélectionnés à partir de leurs capacités techniques et financières.
L’article 3, en proposant de rétablir la réfaction tarifaire, c’est-à-dire le financement par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, d’une partie des coûts de raccordement des installations de production d’énergies renouvelables, constitue un soutien bienvenu pour la ruralité, qui s’engage dans de nombreux projets, comme le prouvent notamment les territoires à énergie positive.
Cette mesure présente un rapport coût-avantage intéressant, puisqu’elle aura un faible impact sur le TURPE, le taux maximal de réfaction, modulé selon la puissance ou la filière, étant limité à 40 %, alors que les effets seront très bénéfiques pour les petites installations.
Par ailleurs, le texte permet d’assurer la traçabilité de l’électricité verte et d’éviter une double rémunération des producteurs en instaurant un système de mise aux enchères des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable subventionnée, organisé par l’État à son bénéfice.
Je terminerai mon propos en évoquant l’article 3 bis, qui porte sur les moulins à eau contribuant à la production d’énergie renouvelable. La loi Montagne, récemment votée, dispose que la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, ce qui comprend les moulins.
Le Sénat a souhaité aller plus loin, en proposant que les anciens moulins ne soient pas soumis à l’autorisation préfectorale et aux contraintes imposées à l’article L. 214-17 du code de l’environnement et destinées à préserver la continuité écologique des cours d’eau.
La rédaction de la CMP clarifie le dispositif, en exonérant les moulins régulièrement installés sur les cours d’eau de la « liste 2 » des réglementations correspondantes, c’est-à-dire la gestion, l’entretien et l’équipement selon les règles définies par l’autorité administrative, afin d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Nous sommes donc satisfaits de cette avancée.
Le RDSE approuvera à l’unanimité les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà donc réunis pour nous prononcer de nouveau sur ce projet de loi, qui a fait l’objet d’un vote favorable en CMP.
Dans un climat consensuel, les propositions sénatoriales qui avaient été votées avec l’avis favorable du Gouvernement et de la grande majorité des groupes politiques ont ainsi été reprises par nos collègues députés. C’est donc une loi enrichie par le travail du Sénat et l’Assemblée nationale, soit un bel exemple de travail parlementaire conjoint et constructif, dont nous sommes saisis.
Ainsi, nous souscrivons aux modalités législatives retenues pour favoriser et encadrer le développement de l’autoconsommation, accompagner l’essor des énergies renouvelables, organiser une meilleure traçabilité de l’électricité verte, favoriser le raccordement des projets éloignés des réseaux, enfin, pour assurer le changement de la nature du gaz dans le Nord.
Pour être complémentaire avec les collègues qui m’ont précédée, je reviendrai non pas sur le contenu détaillé du projet de loi, dont nous avons déjà longuement parlé, mais plutôt sur les débats en CMP, qui ont notamment permis d’adopter une nouvelle version de ce fameux article 3 bis, qui concerne les moulins et la question de la continuité écologique des cours d’eau.
L’article 3 bis issu des travaux de la CMP vise à trouver un équilibre entre le développement de la microélectricité et la préservation de la biodiversité avec la continuité écologique des cours d’eau.
In fine, il satisfait, je crois, un grand nombre d’usagers, à savoir les pêcheurs et les membres des associations de sauvegarde des moulins et du patrimoine, mais aussi, plus largement, tous les citoyens attachés à la présence de ce patrimoine dans nos territoires. En effet, cette nouvelle version assouplit les règles pour les moulins à eau équipés existant à la date de la promulgation de la loi et installés sur des cours d’eau classés en « liste 2 ».
Désormais, ces derniers ne seront plus soumis aux obligations définies à l’article L. 214-17 du code de l’environnement, aux termes duquel « tout ouvrage [doit être] géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l’autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l’exploitant. »
Ainsi, plusieurs milliers de petits ouvrages appartenant à notre patrimoine historique sont concernés par cette mesure et seront donc préservés. Équipés et utilisés de manière optimale, ces ouvrages pourraient atteindre une puissance cumulée évaluée entre 250 000 et 300 000 mégawatts. C’est dire tout l’intérêt, tant écologique qu’économique ou même participatif pour l’ensemble des citoyens, que représente cet article.
Pour aller plus loin dans ce sens, madame la ministre, je vous suggère de reconsidérer à l’avenir la situation de certains équipements placés sur des cours d’eau classés en « liste 1 » de manière, semble-t-il, parfois inappropriée. En effet, tous les cours d’eau ainsi classés sont loin de présenter les caractéristiques retenues, à savoir une qualité écologique et une richesse biologique particulièrement importantes réclamant une protection administrative renforcée.
On peut également s’interroger sur l’intérêt d’intégrer à cette « liste 1 » des cours d’eau considérés comme « réservoirs biologiques », dont la définition est parfois appliquée par l’administration de manière très extensive, sans qu’y soit nécessairement attaché un intérêt environnemental majeur et avéré.