M. Didier Guillaume. Vous avez bien compris !
M. Jean Desessard. Lorsque l’on veut défendre l’écologie, mon cher collègue, il faut tout de même faire appliquer certains principes généraux. Si l’on revient à chaque fois sur ce qui a été voté en prévoyant des dérogations, cela soulève quelques problèmes. Lorsque l’on présente un programme écologiste dans le cadre d’un quinquennat, on ne prévoit pas une quarantaine ou une cinquantaine de dérogations au principe général. Il faut savoir ce que l’on veut !
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Les arguments développés par M. Guillaume sont intéressants. Je comprends également le souci de M. le ministre, qui veut s’inscrire dans une démarche vertueuse et facilitatrice.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente. (M. Alain Bertrand applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.
L'amendement n° 6, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Bataille, MM. M. Bourquin, Courteau, Daunis et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
à l'article L. 201-1
par les mots :
au troisième alinéa de l'article L. 201-1 ou impactant notre patrimoine historique et ne pouvant pas être maîtrisés par un autre moyen
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Je retire également cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8 A.
(L'article 8 A est adopté.)
Article 8
À la fin du 2° du II de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 » sont remplacés par les mots : « définis à l’article L. 253-6 et ne faisant pas l’objet d’une classification mentionnée à l’article L. 253-4 ou si ces produits sont des substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil ». – (Adopté.)
Article 9
Le II de l’article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce certificat n’est exigé ni pour les médiateurs chimiques au sens de l’article L. 253-6, ni pour les substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. » – (Adopté.)
Article 10
La section 3 du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi rétablie :
« Section 3
« Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques
« Art. L. 254-10. – À titre expérimental et pour une période allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022, il est mis en place en métropole un dispositif visant à la réduction de l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques mentionnés à l’article L. 253-1 dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État et comportant l’émission de certificats d’économie de ces produits.
« Art. L. 254-10-1. – I. – Sont soumises à des obligations de réalisation d’actions tendant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques les personnes qui vendent en métropole, à des utilisateurs professionnels, des produits mentionnés à l’article L. 254-10. Ces personnes sont dénommées les “obligés”.
« L’obligé est tenu de mettre en place des actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques ou de faciliter la mise en œuvre de telles actions.
« II. – L’autorité administrative notifie à chaque obligé l’obligation de réalisation d’actions qui lui incombe du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 en vertu de la présente section compte tenu des quantités de produits phytopharmaceutiques qu’il a déclarées en application des articles L. 213-10-8 et L. 213-11 du code de l’environnement.
« Cette obligation est proportionnelle aux quantités de chaque substance active contenues dans ces produits phytopharmaceutiques, pondérées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, par des coefficients liés soit aux caractéristiques d’emploi de ces produits, soit aux dangers des substances actives qu’ils contiennent. Elle est exprimée en nombre de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.
« III. – Les personnes, autres que celles mentionnées au I, exerçant une activité de conseil aux agriculteurs qui mettent en place des actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques peuvent obtenir en contrepartie des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques. Ces personnes sont dénommées les “éligibles”.
« Art. L. 254-10-2. – Les obligés justifient de l’accomplissement de leurs obligations soit par la production de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques obtenus par la mise en place d’actions visant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, soit par l’acquisition de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques auprès d’autres obligés ou d’éligibles.
« Le nombre de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques obtenus par la mise en place d’une action est fonction de son potentiel de réduction de l’usage et de l’impact des produits phytopharmaceutiques, de sa facilité de mise en œuvre, de son bilan économique et de son potentiel de déploiement.
« Art. L. 254-10-3. – Les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques sont des biens meubles, exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national informatisé des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, au sein duquel est tenue la comptabilité des certificats obtenus par chaque obligé ou éligible. Ils peuvent être acquis dans les conditions prévues au III de l’article L. 254-10-1 et à l’article L. 254-10-2, détenus ou cédés par les obligés et les éligibles.
« Art. L. 254-10-4. – (Supprimé)
« Art. L. 254-10-5. – Les inspections et contrôles du dispositif mis en œuvre par la présente section et ses textes d’application sont réalisés dans les conditions prévues au chapitre préliminaire du titre V du présent livre.
« Art. L. 254-10-6. – Le fait de faire obstacle à l’exercice des fonctions des agents habilités à rechercher et constater les manquements aux dispositions de la présente section et de ses textes d’application est puni comme le délit prévu à l’article L. 205-11.
« Art. L. 254-10-7. – I. – Le fait de se faire délivrer indûment, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques, est puni comme le délit prévu au premier alinéa de l’article 441-6 du code pénal.
« II. – Les agents mentionnés au I de l’article L. 205-1 du présent code sont habilités à rechercher et à constater les infractions mentionnées au I dans les conditions prévues au chapitre V du titre préliminaire du présent livre.
« Art. L. 254-10-8. – Les modalités d’application de la présente section et les conditions dans lesquelles l’expérimentation est évaluée sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
M. Martial Bourquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me tient à cœur d’intervenir sur cet article, et plus précisément sur l’amendement adopté par la commission des affaires économiques visant à supprimer la pénalité introduite dans le cadre de l’expérimentation du dispositif des certificats d’économie de produits phytosanitaires.
Dans le département du Doubs, dont les paysages ont été magnifiquement peints par Gustave Courbet, la Loue, le Doubs et le Dessoubre sont le paradis des pêcheurs à la mouche. On venait du Canada, des États-Unis et de tous les pays d’Europe pour pêcher dans ces rivières. Or elles sont aujourd'hui dévastées, leurs écosystèmes étant remis en cause.
C’est la raison pour laquelle la rédaction adoptée par la commission me pose problème. En effet, l’article initialement prévu était satisfaisant. Il témoignait de la volonté de maîtriser ce sujet et de faire de la prévention, tout en menant, si nécessaire, des politiques dissuasives.
Permettez-moi de vous donner un exemple. En hiver, lorsqu’il gèle, on ne fait pas d’épandage. La chambre d’agriculture s’efforce de sensibiliser à cette question les agriculteurs, lesquels, dans leur grande majorité, suivent les recommandations données. Toutefois, certains d’entre eux poursuivent cette pratique. Le sol étant karstique, les produits vont directement dans les nappes phréatiques, ce qui pollue nos rivières.
Allons-nous, dans ce domaine, nous limiter aux actions préventives ? Selon moi, il faut également mettre en œuvre des mesures répressives, en ayant recours aux pouvoirs de police du préfet.
Le texte initialement prévu était équilibré. L’article 10 doit donc être maintenu dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Il y va non seulement de la qualité de nos rivières et de nos politiques touristiques, mais aussi des principales réserves en eau de nos départements. (M. Alain Bertrand applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Bataille, MM. M. Bourquin, Courteau, Daunis et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rétablir l’article L. 254-10-4 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 254-10-4. - À l'issue d'une procédure contradictoire, les obligés qui, au 31 décembre 2021, n'ont pas satisfait à l'obligation qui leur a été notifiée, doivent verser au Trésor public une pénalité proportionnelle au nombre de certificats d'économie de produit phytopharmaceutique manquant pour atteindre l'objectif dont le montant est arrêté par l'autorité administrative.
« Le montant de cette pénalité par certificat d'économie de produit phytopharmaceutique manquant est fixé par décret en Conseil d'État.
« Le montant total des sommes qu'une même personne physique ou morale peut être tenue de verser à ce titre ne peut excéder cinq millions d'euros.
« Les titres de recettes sont émis par l'autorité administrative et sont recouvrés comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Une majoration de 10 % du montant dû est appliquée pour chaque semestre de retard dans le paiement de la pénalité.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à rétablir les pénalités financières applicables en cas de non-respect des objectifs fixés par les certificats d’économie de produits phytosanitaires, les CEPP.
Ces certificats visent à soumettre les distributeurs, à titre expérimental pour une durée de six ans, à une obligation de réalisation d’actions, exprimée en nombre de certificats, allant dans le sens d’une réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Chaque distributeur devra ainsi obtenir un nombre de CEPP fixé à 20 % de la moyenne de ses ventes de produits phytopharmaceutiques au cours des cinq dernières années.
Nous estimons nécessaire, pour que ce dispositif soit réellement suivi d’effets, de réintroduire un système de sanction en cas de non-respect. Nous sommes en effet nombreux à penser que le simple volontariat ne sera pas suffisant.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous n’êtes pas favorable à cet amendement. Pourtant, imaginez qu’un radar flashe sans que cela entraîne la moindre pénalité. Son effet serait nul !
Je tiens à le redire, cette sanction ne sera applicable qu’à compter de l’année 2021, ce qui laisse donc aux distributeurs trois ans pour s’adapter. Ceux-ci ont d’ailleurs bien compris qu’il leur faudrait changer de métier ! Ils doivent intensifier leur rôle de conseil, pour permettre une baisse de la consommation des produits phytosanitaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Si la commission avait adopté une position purement politicienne, elle aurait décidé de supprimer l’article 10, compte tenu des circonstances de son adoption, par voie d’amendement.
Telle n’a pas été sa volonté, car cet article met en avant les notions de responsabilité des distributeurs, de fiches-conseils et d’encouragement à de nouvelles pratiques concernant les soins à apporter aux plantes.
Le premier problème, c’est qu’il s’agit de créer un système à la française, différent de ce qui se fait en Espagne, en Italie, en Belgique, au Luxembourg ou en Allemagne, en réitérant ce qui avait été fait pour le tabac. Ainsi, ce sont les distributeurs et, indirectement, les agriculteurs, qui paieront la sanction !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. En économie, monsieur le ministre, c’est toujours le maillon final qui paye, c’est ainsi !
Au demeurant, la commission des affaires économiques soutient l’idée d’un conseil. Nous sommes donc d'accord sur l’objectif à atteindre, à savoir encourager pour faire mieux.
Pourquoi y aurait-il une sanction dans le cadre d’une expérimentation ? Vous avez vous-même fait référence aux radars. Combien de villes possèdent-elles des radars pédagogiques ? C’est ici la même chose : nous expérimentons un schéma permettant de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires.
Je fais confiance aux femmes et aux hommes qui travaillent dans l’agriculture. Je préfère les encourager plutôt que les pénaliser. C’est en ce sens que la commission des affaires économiques a amendé cet article 10, en supprimant la pénalité prévue, pour la transformer en encouragement.
Nous devons être positifs. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : cela marche ! Des résultats ont ainsi été obtenus, je pense notamment aux fermes du réseau Certiphyto. Il convient donc d’encourager, plutôt que de pénaliser.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous sommes là au cœur du débat.
Pour ma part, j’ai cherché, pendant cinq ans, à porter un projet visant à intégrer dans l’agriculture la dimension environnementale, non pas comme une contrainte, mais comme un enjeu économique pour l’avenir de l’agriculture française. Or, à chaque fois, on m’a opposé l’idée que les agriculteurs agissent pour l’environnement et qu’il ne faut donc pas les pénaliser. C’est exactement ce que j’ai fait !
C’est Marion Guillou, ancienne présidente de l’INRA, nommée sous des gouvernements qui n’étaient pas vraiment tentés d’aller trop loin dans la défense de l’environnement, qui m’a proposé de mettre en place les certificats d’économie de produits phytosanitaires.
Après un Grenelle de l’environnement, auquel vous avez participé en tant que professionnel, monsieur Gremillet, où avait été pris l’engagement de baisser la consommation de produits phytosanitaires de 50 % en 2018, cette même consommation avait augmenté de 12 % au moment de mon arrivée au ministère. J’ai dit ici même, lors de ma première intervention, qu’une telle augmentation rendait difficile une diminution de moitié en 2018. Un certain nombre d’ONG m’ont alors accusé de lâcher l’affaire ! Dès lors, comment prétendre que je n’assumerais pas la réalité des faits ?
Il s’agit d’un véritable débat de fond. Selon vous, monsieur le rapporteur, il ne faut surtout pas faire ce qui permettrait d’aller un tout petit peu plus loin, pour enclencher un processus mis en œuvre en 2014 et 2015 : la quantité de produits phytosanitaires utilisée avait alors baissé, ce qui avait été salué par tous, notamment par la FNSEA, dans le cadre d’un communiqué, et avec raison. En effet, quand on est face à des citoyens et des consommateurs qui demandent une diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires et qu’on réussit à le faire, où est le problème ? C’est du bénéfice pour tout le monde !
Si je suis obligé de revenir devant le Sénat sur la question des CEPP, c’est parce qu’un recours a été introduit au Conseil d’État par l’industrie des produits phytosanitaires, par les vendeurs-négociants de produits phytosanitaires et, malheureusement, par les coopératives agricoles.
Certes, les vendeurs pourraient n’être responsables de rien et continuer de vendre leurs produits, les agriculteurs payant l’addition finale.
Avec les CEPP, ceux qui vendent des produits phytosanitaires doivent mener une politique permettant d’introduire des solutions alternatives. Ainsi, on sait que l’on pourrait diminuer de 30 %, dans la viticulture, la consommation de produits phytosanitaires, en modifiant simplement les matériels utilisés. Que faisons-nous ? Ceux qui vendent des produits ne peuvent-ils pas aussi participer à la promotion de stratégies de baisse et de matériels efficaces ? Si ceux qui vendent des produits phytosanitaires ne sont pas incités à vendre des solutions alternatives, que se passera-t-il ? Les agriculteurs ne les utiliseront pas ! On viendra ensuite leur dire qu’ils consomment trop de produits phytosanitaires.
Des sanctions sont donc prévues en 2021-2022 pour ceux dont l’objectif d’une diminution de 20 % du NODU, le nombre de doses unités des produits phytosanitaires, n’aurait pas été atteint. Pour chaque certificat non atteint, la sanction serait de 5 euros. Le petit négociant dont l’objectif serait de 15 CEPP payerait 5 euros s’il n’obtenait que 14 certificats. Il est vrai que le gros industriel, celui qui devrait atteindre 250 000 certificats, pourrait avoir à payer un peu plus de 1,25 million d’euros. Toutefois, n’est-ce pas simple et logique ? Et s’il atteint ses objectifs, personne ne paiera rien !
Vous voulez remettre en cause la sanction, en arguant que les vendeurs feront payer celle-ci aux agriculteurs. Pourtant, si les vendeurs font leur travail, aucune sanction ne s’appliquera. N’est-ce pas notre intérêt collectif ? On aura ainsi fait baisser de 20 % les quantités de produits phytosanitaires vendues, d’une manière accompagnée, en ayant recours à des solutions alternatives, notamment le biocontrôle, pour le bénéfice de nos rivières, de nos paysages, de nos concitoyens et de nos agriculteurs.
Or vous voulez remettre en cause cette sanction, que j’ai négociée avec la FNSEA. Fixée au départ à 11 euros le NODU, elle a été réduite à 5 euros. Une expérimentation a été lancée, qui satisfait tout le monde, profession agricole comprise. Dès lors, pourquoi revenir sur une telle décision ? Pour satisfaire ceux qui vendent et veulent continuer à vendre ? Si c’est ça, il faut le dire et assumer !
Pour ma part, j’ai été particulièrement fâché du recours introduit au Conseil d’État, qui nous oblige à revenir sur un débat particulièrement long, la négociation ayant duré deux ans.
Les CEPP permettront à la France de respecter, en 2018, la réglementation européenne. J’attends de voir ce qui se passera dans les autres pays de l’Union européenne ! Que vont mettre en place l’Espagne ou l’Allemagne pour respecter les engagements qu’elles ont pris ? J’entends dire qu’il y a de la concurrence. Non ! Nous avons pris de l’avance, si bien que la Commission européenne considère presque que ce mécanisme pourrait être étendu à l’échelle européenne.
Si nous développons le biocontrôle et les solutions alternatives et si la France est un jour en tête dans ce domaine, ne croyez-vous pas que nous exporterons notre savoir-faire ? À qui le statu quo bénéficie-t-il ? Voulez-vous que je dresse la liste des grandes entreprises de produits phytosanitaires ? Une seule d’entre elles est-elle française ? Non ! En revanche, de petites entreprises françaises se lancent dans l’activité de biocontrôle. Tous ceux qui parlent de patriotisme économique devraient prendre en compte ces aspects ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Il faut développer des stratégies nationales, positives pour l’environnement et pour les agriculteurs. Je suis donc pour cet amendement et contre la suppression de toute sanction, qui fait perdre au dispositif sa pertinence.
Les certificats d’économie de produits phytosanitaires devront faire l’objet d’un vrai débat à l’échelle nationale. Chacun fera alors ses choix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je suis heureux de prendre la parole après l’intervention très intéressante de M. le ministre.
Au Sénat, personne ne prétend qu’il faut utiliser des produits phytopharmaceutiques à tort et à travers, sans réfléchir. Néanmoins, l’enfer est pavé de bonnes intentions… Monsieur le ministre, vous voulez taxer. Pourtant, à la fin, c’est l’agriculteur, c'est-à-dire l’utilisateur final, qui paiera. La loi économique le veut ainsi.
Vous avez évoqué le Grenelle de l’environnement, dont j’avais été le rapporteur au Sénat. Souvenez-vous : la loi Grenelle I était une loi de programmation. Une loi de programmation, c’est l’occasion de se faire plaisir – c’est pourquoi il ne faut pas en abuser ! Dans un tel cadre, on peut dire bien des choses, la main sur le cœur ; dans la vie, néanmoins, il faut être réaliste !
Grâce à une politique menée depuis longtemps, les agriculteurs sont des professionnels formés. Je dirais même, sans exagération, qu’il s’agit probablement d’une des professions dont les acteurs sont les plus et les mieux formés.
M. Bruno Sido. Il n’y aurait pas de vendeurs sans utilisateurs, monsieur le ministre !
Cela fait longtemps que les agriculteurs n’écoutent plus les préconisations des vendeurs – j’y arrive – et des organismes stockeurs. Qu’écoutent-ils, désormais ? Les préconisations des chambres d’agriculture ! Je parle sous le contrôle de M. Gremillet, qui fut président de l’une d’entre elles. Les chambres d’agriculture sont indépendantes : elles n’ont rien à gagner à préconiser ceci ou cela.
Monsieur le ministre, vous nous avez donné quelques leçons d’agronomie, fort justes d’ailleurs, mais lorsque vous dites en même temps qu’il ne faut plus labourer et qu’il faut interdire le glyphosate, je ne comprends pas !
M. Bruno Sido. Si, vous l’avez dit et même redit !
M. Bruno Sido. Les agriculteurs écoutent les préconisations des chambres d’agriculture et, en la matière, ils font vraiment le minimum. S’ils pouvaient faire encore moins, ce serait pour eux tout bénéfice ! C’est évident !
Si les organisations ont intérêt à vendre, les agriculteurs n’ont pas intérêt à acheter plus qu’il ne convient. Quoi qu’il en soit, à la fin des fins, c’est bien l’agriculteur qui paiera.
M. Bruno Sido. Mieux vaut être incitatif que punitif !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je me réjouis du discours sincère et passionné de M. le ministre. Les écologistes lui ont souvent reproché de ne pas aller assez loin. Il a tenté, pendant toute la durée de ses fonctions, de ménager un équilibre permettant la cohabitation des intérêts économiques et des préoccupations écologistes. Je comprends donc très bien qu’il se sente un peu floué par ce retour en arrière.
M. Jean Desessard. S’agissant des intérêts économiques, monsieur le rapporteur, peut-être n’êtes-vous pas élu depuis assez longtemps et n’avez-vous pas eu l’occasion de vous promener dans les rues de Paris ! Vous auriez pu y constater l’ampleur du mouvement d’ouverture de magasins Biocoop.
M. Bruno Sido. Nous travaillons au Sénat ; nous ne traînons pas dans les rues de Paris ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Faites donc le tour de Paris : vous verrez qu’il y a désormais de ces magasins presque partout ! Les consommateurs parisiens, qui sont tout de même relativement nombreux, veulent du bio !
M. Bruno Sido. Ah !
M. Jean Desessard. Si vous n’aidez pas les agriculteurs à produire du bio, vous les mettrez en difficulté ! Vous rendrez nécessaires les importations, ce qui n’est pas bon pour la balance commerciale. Les agriculteurs qui travaillent selon les méthodes classiques ne pourront pas vendre et connaîtront des difficultés.
Regardez autour de vous, monsieur le rapporteur ; promenez-vous dans Paris, mais aussi en banlieue et dans les grandes villes de province : les consommateurs veulent des produits sains, des produits bio, et garantis bio !
Concernant la distinction entre l’écologie « punitive » et l’écologie « positive », que peut bien signifier la seconde ? Il n’y aurait que du bon dans cette écologie-là : on plante des fleurs par-ci, on décore par-là. L’écologie punitive, a contrario, serait celle qui fait mal. Toutefois, ce qui va faire mal, dans quelques années, c’est la non-écologie ! C’est la non-prise en compte de l’environnement, qui sera « punitive ». Des réfugiés climatiques, des sols où l’on ne pourra plus rien produire, la pollution dans les grandes villes : croyez-vous qu’on puisse vivre ainsi ?
Nous ferions bien de nous mettre rapidement à l’écologie, au lieu de nous acharner à freiner, en la matière, toute avancée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.)
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Revenons au texte que nous sommes censés examiner. Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques, qui soumet son texte au Sénat réuni en séance publique, n’a rien supprimé des alinéas qui obligent l’ensemble des distributeurs à mettre en œuvre une démarche de réduction de leur utilisation de produits phytopharmaceutiques, via des dispositifs d’évaluation, de réalisation de fiches-action et d’émissions de CEPP.
En termes d’objectifs, de qualification, de reconnaissance de la dangerosité, nous sommes d’accord ! Je vous rassure, monsieur Desessard : je sors de temps en temps, comme vous,…
M. Bruno Sido. Au moins à Paris !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. … et je connais notre territoire, comme vous.
M. Jean Desessard. Vous êtes donc d’accord avec moi : vous avez pu observer la façon dont les choses ont évolué !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’homme que vous avez en face de vous a été président de la chambre d’agriculture des Vosges. Dans cette autre vie, j’ai eu à mes côtés un technicien bio, bien avant que l’on ne se mette à parler du bio, bien avant que les premiers contrats territoriaux d’exploitation, ou CTE, soient signés. Sur ce dossier, je n’ai donc aucune leçon à recevoir. La vie avance au rythme de l’évolution des connaissances et des exigences du marché.
Je reviens au sujet qui nous occupe : nous souhaitons encourager. Je ne peux laisser dire n’importe quoi : nous ne retirons rien au texte en matière de responsabilité du distributeur ! La complexité administrative qui sera supportée par les distributeurs, nous leur en laissons la charge en totalité. Ils devront réaliser les fiches-conseils, évaluer, informer les agriculteurs sur les conséquences de l’utilisation de tel ou tel produit.
La seule chose qui nous différencie, in fine, c’est que je souhaite, pour ma part, encourager les agriculteurs plutôt que de les pénaliser.