M. François Grosdidier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle filière d’activité privée de sécurité permettant une surveillance par des agents de sécurité armés de lieux, quand les circonstances exposent ces agents, ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés, à un risque exceptionnel d'atteinte à leur vie.
À l’instar des autres activités privées de sécurité, l’exercice de cette activité serait exclusif de toute autre activité. Les sociétés devraient justifier de l’emploi d’agents disposant d’une aptitude professionnelle spécifique, ainsi que d’une organisation et d’équipements propres à garantir la sécurité du port et de la conservation des armes, sous le contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité.
Enfin, l’exercice d’une telle activité s’effectuerait sous le contrôle étroit de l’État, puisque le préfet serait la seule autorité habilitée à estimer qu’un lieu pourrait justifier, compte tenu des risques auxquels il serait exposé, d’avoir recours aux services d’une société de sécurité disposant d’agents armés.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à un vide juridique s’agissant de la protection des lieux. Certaines entreprises sensibles sont protégées par des agents armés à titre personnel, sans qu’aucun texte n’établisse l’exercice professionnel. Certes, une loi de 1983 avait prévu une telle disposition, mais celle-ci renvoyait à un décret qui n’a jamais été publié au cours des trente-trois dernières années.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que, entre-temps, la loi a permis à des entreprises d’acheter des armes pour les mettre à disposition de leur personnel ou de salariés de sociétés prestataires. Je pense notamment à AREVA ou Disneyland, qui gèrent de façon empirique leur sécurité avec des gardes armés. Par souci de cohérence, il convient d’appliquer aux vigiles de lieux désignés par l’État ce qui existe depuis longtemps pour les convoyeurs de fonds et ce que nous venons de décider pour les gardes du corps.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez de nouveau d’être extrêmement précis en la matière. Je sais en effet que le débat se poursuivra au cours de nos échanges.
Monsieur le rapporteur, vous proposez la création d’une nouvelle activité privée de sécurité, à savoir la surveillance armée. Il s’agit de la possibilité de faire surveiller certains lieux par des agents de sécurité armés lorsque cette surveillance est réalisée dans des circonstances exposant ces agents ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés à un risque exceptionnel d’atteinte à leur vie.
Je souhaite d’abord rappeler que la législation sur la sécurité privée prévoit de longue date la possibilité d’armer les agents privés exerçant des activités de surveillance ou de gardiennage. L’article 10 de la loi du 12 juin 1983 réglementant les activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection physique des personnes prévoyait que les personnels des entreprises de surveillance et de gardiennage, comme ceux des entreprises de transport de fonds, puissent être armés dans des conditions fixées par voie réglementaire. Cette disposition existe toujours à l’article L. 613-5 du code de la sécurité intérieure, mais cette possibilité d’armement des agents de surveillance et de gardiennage n’a pas été mise en œuvre jusqu’à présent, à de rares exceptions près, faute de cadre réglementaire adapté. La réforme que vous proposez ne vise donc pas à créer un cadre nouveau : elle s’inscrit dans un cadre préexistant.
Une telle évolution a du sens et peut répondre à un besoin réel dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons. Votre proposition intervient cependant alors que des débats techniques sur cette question ont lieu depuis maintenant près d’un an. Juridiquement, une telle réforme aurait pu se faire par voie réglementaire. C’est d’ailleurs ce qu’avait signifié mon prédécesseur à la fin de l’année dernière, lors des assises de la sécurité privée.
Toutefois, votre initiative est la bienvenue, dans la mesure où elle ouvre un débat parlementaire sur cette question sensible.
En outre, l’intervention du législateur offre la possibilité d’apporter à la réforme proposée un encadrement supplémentaire par rapport à l’état du droit, dont certains éléments sont de niveau législatif.
D’une part, la réforme serait circonscrite dans son champ d’application : avec le critère de risque exceptionnel d’atteinte à la vie, elle ciblerait clairement les cas où une menace terroriste serait identifiée. Il ne s’agit pas d’autoriser n’importe où, dans n’importe quelle condition, la présence d’agents armés.
D’autre part, le dispositif serait doublement régulé, non seulement par le contrôle d’une filière professionnalisée et consacrée exclusivement à cette activité, mais aussi par l’intervention de l’autorité administrative pour apprécier au cas par cas la nécessité d’une surveillance armée.
Il s’agit donc d’une proposition plutôt équilibrée correspondant à un besoin avéré. Pour autant, ce sujet lourd de sens mérite que se poursuive le débat démocratique. La réflexion devra par conséquent se prolonger à l’Assemblée nationale, pour identifier les points qui mériteraient d’être encore renforcés.
Au regard de ces différents éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 6 bis (nouveau)
La section 2 du titre XV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-25-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-25-2. – Le procureur de la République de Paris, pour les procédures d’enquête ouvertes sur le fondement d’une ou plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 dont il s’est saisi, peut, d’initiative ou à leur demande, communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure copie des éléments de toute nature figurant dans la procédure et nécessaires à l’exercice de leurs missions en matière de prévention du terrorisme.
« Le premier alinéa du présent article est également applicable aux procédures d’information ouvertes au tribunal de grande instance de Paris sur le fondement d’une ou plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du présent code. Le juge d’instruction chargé de l’information peut communiquer, d’initiative ou à la demande de ces mêmes services, copie des éléments de toute nature figurant au dossier d’information, après avis du procureur de la République de Paris.
« Les informations communiquées en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Les agents des services mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure destinataires des informations communiquées en application du présent article sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 6 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du titre XV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 706-25-4, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 et L. 225-7 » ;
2° Au quatrième alinéa de l’article 706-25-6, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 ou L. 225-7 » ;
3° Au quinzième alinéa de l’article 706-25-7, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 ou L. 225-7 » ;
4° Au 2° de l’article 706-25-9, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 et L. 225-7 ».
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Les lois du 3 juin 2016 et du 21 juillet 2016 ont introduit dans notre législation un nouveau régime de contrôle administratif des personnes de retour d’un théâtre étranger d’opérations de groupements terroristes. Les services de renseignement les appellent communément les « returnees ». L’encadrement de ces retours est une garantie indispensable à la préservation de notre sécurité nationale.
Le dispositif proposé n’a vocation à s’appliquer qu’aux personnes non prises en compte par l’autorité judiciaire, part résiduelle sur l’ensemble des revenants, donc aux personnes contre lesquelles des éléments de participation à des faits à caractère terroriste n’ont pu être réunis. Ce régime prévoit la possibilité d’imposer différentes obligations – assignation à résidence des personnes en cause, déclaration de domicile et de changement de domicile, interdiction d’entrer en relation avec d’autres individus –, le respect de celles-ci étant sanctionné pénalement par une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Or, contrairement à ce qui est prévu pour d’autres mesures de police administrative prises dans le cadre de la lutte antiterroriste telles que les interdictions de sortie du territoire, la législation ne prévoit pas d’inscrire les personnes s’étant soustraites aux obligations de contrôle administratif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le FIJAIT. Pourtant, une telle inscription est de nature à assurer une continuité dans le suivi et l’évaluation de la dangerosité de ces personnes.
En effet, l’inscription à ce fichier emporte de nouvelles obligations pour les personnes concernées : elles sont soumises à une obligation de déclaration de changement de domicile ou de déplacement à l’étranger, autant d’informations précieuses dans le suivi opéré par nos services de sécurité.
L’adoption du présent amendement, qui vise à permettre l’inscription au FIJAIT des individus condamnés pour non-respect des obligations fixées par le ministre de l’intérieur, par une décision elle-même soumise au contrôle du juge, offrirait aux services de sécurité un moyen de contrôle et de suivi complémentaire à l’égard des personnes ayant effectué ou tenté d’effectuer un séjour sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Les personnes condamnées pour non-respect de leurs obligations résultant d’une interdiction de sortie du territoire font d’ores et déjà l’objet d’une inscription au FIJAIT. Il est donc cohérent d’étendre cette inscription aux personnes condamnées pour non-respect des obligations de contrôle administratif s’appliquant aux personnes de retour des théâtres d’opérations de groupements terroristes.
La commission est par conséquent favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.
Article 6 ter (nouveau)
À la première phrase du premier alinéa de l’article 698-6 du même code, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre » et le mot : « huit » est remplacé par le mot : « six ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 6 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par M. Grosdidier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : « ou de retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle » ;
2° Après la deuxième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire, le contrevenant est tenu de demeurer à la disposition d’un agent mentionné au premier alinéa. La violation de cette obligation est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur. Cet amendement tend à répondre aux préoccupations de Jean-Pierre Grand. Il vise à apporter des précisions sur la procédure suivie par les agents de police municipale lorsqu’ils relèvent l’identité des contrevenants. Il est ainsi prévu que ces derniers doivent demeurer à la disposition des agents de police municipale pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire territorialement compétent. Cette obligation est assortie d’une sanction.
Il s’agit également de préciser que les agents de police municipale conduisent l’auteur de l’infraction devant l’officier de police judiciaire ou le retiennent le temps nécessaire à l’arrivée de celui-ci, s’ils en reçoivent l’ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Monsieur le rapporteur, l’ajout que vous prévoyez d’introduire dans le texte correspond à un alignement des prérogatives des policiers municipaux sur celles dont disposent les agents assermentés des exploitants des services de transport, à savoir les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
À cet égard, il me semble en effet souhaitable que le régime applicable aux policiers municipaux ne se situe pas en deçà de ce que la loi permet pour ces agents assermentés.
Votre proposition me paraît en outre de nature à renforcer l’efficacité de l’action des policiers municipaux lorsqu’ils constatent des contraventions relevant de leur compétence. Elle tend à préciser les rôles respectifs de la police municipale et des autorités de police judiciaire dans de telles situations. Elle respecte enfin les droits des personnes concernées, puisque la retenue ne pourra s’exercer qu’à l’égard de contrevenants refusant de justifier de leur identité et pour une durée nécessairement brève, dès lors que la loi prévoit déjà que l’officier de police judiciaire doit être immédiatement informé du refus ou de l’impossibilité d’un contrevenant de justifier de son identité.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 21 du même code est ainsi modifié :
1° Le 1°ter est complété par les mots : « et les membres de la réserve civile de la police nationale qui ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 20-1 » ;
2° Le 1° sexies est abrogé.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Depuis le renforcement de la menace terroriste voilà plus de deux ans, les fonctionnaires de la police nationale sont soumis à une très forte pression et à un haut degré de mobilisation sur l’ensemble du territoire national. Pour les aider à y faire face, il a été décidé de s’appuyer plus largement sur les membres de la réserve civile de la police nationale, composée notamment de policiers retraités et de volontaires.
Par la loi du 21 juillet 2016, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez déjà élargi le vivier de recrutement des réservistes, en l’étendant aux anciens adjoints de sécurité. Le présent amendement s’inscrit dans la même démarche. Les membres de la réserve civile de la police nationale ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint, ou APJA. À l’heure actuelle, leurs prérogatives sont à ce titre extrêmement restreintes, en comparaison notamment avec celles d’autres agents de la police judiciaire adjoints, tels que les adjoints de sécurité ou les réservistes de la gendarmerie nationale. Ces membres sont ainsi limités dans leur possibilité de procéder à des contrôles d’identité, à la visite de véhicules ou à la fouille de bagages. Une telle restriction de leurs compétences restreint le soutien qu’ils peuvent apporter aux fonctionnaires actifs et ne leur permet pas de jouer pleinement leur rôle.
En 2011, dans le cadre de la LOPPSI 2, les militaires de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale s’étaient vu reconnaître les mêmes prérogatives d’agents de police judiciaire adjoints que les gendarmes adjoints volontaires.
Il est donc proposé de réaliser la même évolution pour les membres de la réserve civile de la police nationale ne relevant pas de l’article 20-1 du code de procédure pénale, en les intégrant au 1° ter de l’article 21 de ce même code qui vise actuellement les seuls adjoints de sécurité, et en supprimant corrélativement le 1° sexies. Ces personnes auraient ainsi les mêmes prérogatives que les militaires servant au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et que les adjoints de sécurité de la police nationale, ce qui n’est pas incohérent s’agissant, pour certains d’entre eux, d’anciens adjoints de sécurité. Ils pourront, de cette manière, contribuer de manière plus effective et efficace à la mobilisation des forces de la police nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’extension des prérogatives d’APJA aux membres de la réserve civile de la police nationale, lesquelles seront alignées sur celles dont bénéficient les membres de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, nous paraît cohérente, dans un contexte de forte mobilisation des forces de l’ordre et au regard de la nécessité d’un traitement équivalent des deux forces placées sous l’autorité du ministre de l’intérieur. La commission est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale est complété par les mots : « mais également pour rédiger un rapport lors de la constatation d’une infraction pénale ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L'article 78-6 du code de procédure pénale prévoit que les policiers municipaux, en qualité d’agents de police judiciaire adjoints, sont habilités à relever l’identité des contrevenants.
Ce relevé d’identité est uniquement autorisé pour dresser les procès-verbaux concernant des contraventions aux arrêtés de police du maire, des contraventions au code de la route que la loi et les règlements les autorisent à verbaliser, ou des contraventions qu’ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse.
Cette liste limitative ne permet donc pas aux policiers municipaux de procéder à un relevé d’identité en vue de la rédaction d'un rapport lors de la constatation d’une infraction pénale. Par cet amendement, il est proposé de les y autoriser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Je comprends et partage pleinement votre préoccupation, mon cher notre collègue. Toutefois, le cadre constitutionnel nous contraint à une grande prudence en la matière.
Dans le cadre de l’examen de ce texte, j’ai été particulièrement sensible à la question des policiers municipaux, qui constituent, je l’ai dit, la troisième force de sécurité intérieure de notre pays, ce qui m’a conduit à proposer les amendements que nous venons d’adopter.
Faut-il aller plus loin ? Je le crois ! Il me semblerait parfaitement logique, notamment pour certaines infractions – je pense notamment aux infractions aux arrêtés de stationnement qui relèvent des compétences du maire –, que les policiers municipaux puissent constater celles-ci par eux-mêmes, sans passer par le filtre de l’officier de police judiciaire, et en rendre compte directement au parquet.
Je reprendrai l’exemple que j’ai cité en commission, à savoir la verbalisation de contrevenants à la suite d’un arrêté municipal interdisant la fréquentation d’un square après 22 heures. L’amende n’étant pas forfaitaire, les forces de l’ordre, à savoir les policiers nationaux, sont contraintes d’entendre la totalité des contrevenants ou leurs parents, si les contrevenants sont mineurs, pour boucler la procédure avant de la transmettre au parquet. Il s’agit là d’une charge dénoncée comme indue par la police nationale.
La LOPPSI allait beaucoup plus loin, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que, les policiers municipaux étant sous les ordres du maire, une telle disposition méconnaissait le principe constitutionnel d’indépendance de l’autorité judiciaire.
Je le rappelle, le Conseil constitutionnel avait déclaré inconstitutionnelles des mesures visant à donner aux policiers municipaux des prérogatives d’OPJ, au motif que ces agents ne relevaient pas de l’autorité judiciaire.
Il semble donc difficile, aujourd'hui, d’aller plus loin. Certes, les infractions aux arrêtés municipaux pourraient sans doute faire l’objet d’une telle évolution. Cela paraît déjà plus difficile pour ce qui concerne les contraventions au code de la route, même si l’utilité pratique est évidente. On ne peut en effet mettre en fourrière un véhicule qu’en présence d’un OPJ. D’ores et déjà, au sein de la police nationale, les plus faiblement gradés ont la qualification d’OPJ uniquement pour le code de la route. Dès lors, est-il définitivement impossible pour les polices municipales d’accéder à une telle prérogative ? Je n’en suis pas persuadé !
En revanche, je suis sceptique pour ce qui concerne d’autres délits concernant davantage l’application des lois et les attributions de la police nationale.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pourrez-vous travailler rapidement, au sein de la commission consultative des polices municipales, que j’ai l’honneur de présider depuis quelque temps – elle a mis en place des groupes de travail sur des sujets thématiques –, sur la qualification judiciaire des policiers municipaux, afin de répondre au problème soulevé avec beaucoup de pertinence par mon collègue ? Je transmettrai cette même question à M. le ministre de la justice. Elle mérite d’être traitée dans des délais rapides, non seulement pour permettre une plus grande efficacité de la police municipale, mais aussi pour décharger la police nationale de charges indues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Si je demande également le retrait de cet amendement, je me range à la proposition de M. le rapporteur : il convient de travailler dans le cadre de la commission consultative des polices municipales, pour examiner ensemble les sujets évoqués.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Grand ?
M. Jean-Pierre Grand. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de cette proposition.
Je souhaite évoquer, pour appuyer mes précédents propos, un cas concret. J’ai assisté à l’arrestation par la police municipale de voleurs. Ce soir-là, pour des raisons évidentes, les gendarmes étaient complètement débordés. Ils ont donc demandé aux délinquants de se présenter le lendemain à la gendarmerie, ce que ceux-ci ont fait, sans doute pris de remords.
À mon sens, il aurait été préférable que les policiers municipaux puissent récupérer plus tôt l’identité des délinquants. Ce qui s’est passé une fois ne se reproduira pas, s’agissant des gens du voyage…
Cela étant, je retire mon amendement.
M. François Grosdidier, rapporteur. Mon cher collègue, l’amendement que nous avons adopté précédemment permet de retenir les personnes avant l’arrivée de l’OPJ territorialement compétent ou de les conduire auprès de celui-ci. Force est de le constater, nous avançons !
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premiers alinéas des I, II et III de l’article 78-2-2, au premier alinéa de l’article 78-2-3 et au premier alinéa du I de l’article 78-2-4 du code de procédure pénale, la référence : « et 1° ter » est remplacée par les références : « , 1° ter et 2° ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L'article 78-6 du code de procédure pénale prévoit que les policiers municipaux, en leur qualité d’agents de police judiciaire adjoints, sont uniquement habilités à relever l'identité des contrevenants dans le but de dresser certains procès-verbaux.
Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, le policier municipal en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant. À défaut de cet ordre, il ne peut retenir ce dernier.
Afin d’optimiser la qualité des services rendus par les policiers municipaux, il est proposé d’autoriser ces derniers à effectuer différents contrôles sous l’autorité d’un officier de police judiciaire et sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour le laps de temps que ce magistrat détermine. Il s’agit uniquement d’étendre les dispositions déjà applicables pour les adjoints de sécurité.
La rédaction proposée ne contrevient pas à l’intervention du procureur de la République.