Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.
2. Candidatures à une commission mixte paritaire
3. Candidature à un organisme extraparlementaire
4. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
6. Communication du Conseil constitutionnel
politique nationale en faveur de la préservation des abeilles
Question n° 1582 de M. Michel Raison. – M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; M. Michel Raison.
défense de l'appellation « calisson d'aix-en-provence »
Question n° 1572 de Mme Mireille Jouve. – M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Mme Mireille Jouve.
allocation de rentrée scolaire des mineurs placés volontairement
Question n° 1566 de Mme Stéphanie Riocreux. – M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Mme Stéphanie Riocreux.
réglementation de l'activité des thoniers senneurs français
Question n° 1551 de M. Michel Canevet. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Michel Canevet.
enclavement ferroviaire de l'ancienne région limousin
Question n° 1555 de M. Daniel Chasseing. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Daniel Chasseing.
liaison ferroviaire creil-roissy-picardie
Question n° 1558 de M. Jean-Pierre Bosino. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Jean-Pierre Bosino.
grand contournement autoroutier de bordeaux
Question n° 1567 de M. Philippe Madrelle. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Philippe Madrelle.
pêche abusive au large de la baie de seine
Question n° 1569 de Mme Nelly Tocqueville. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Nelly Tocqueville.
conséquences du classement des bois « dalbergia » parmi les espèces menacées
Question n° 1550 de Mme Sophie Primas. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Sophie Primas.
sécurité dans les centrales nucléaires
Question n° 1425 de M. Didier Marie. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Didier Marie.
fermeture de la plate-forme industrielle du courrier de nice en 2018
Question n° 1526 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
obstacle à la mise en place d'un accueil échelonné en petites sections de maternelle
Question n° 1579 de Mme Mireille Jouve, en remplacement de M. Robert Navarro. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
ouverture d'une classe préparatoire à dreux
Question n° 1585 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Chantal Deseyne.
réforme de l’éducation prioritaire
Question n° 1539 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
situation financière du centre hospitalier de la rochefoucauld
Question n° 1570 de M. Michel Boutant. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
accès aux soins bucco-dentaires
Question n° 1580 de Mme Isabelle Debré. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Isabelle Debré.
émanations dangereuses dans les cabines d’avions
Question n° 1545 de Mme Colette Giudicelli. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Colette Giudicelli.
difficultés financières des associations de services à la personne
Question n° 1584 de M. Dominique Bailly. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Dominique Bailly.
Question n° 1507 de M. Hervé Maurey. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Hervé Maurey.
lutte contre la maladie de lyme
Question n° 1540 de M. Bruno Sido. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Bruno Sido.
anonymat des travailleurs sociaux
Question n° 1543 de M. Jean-Jacques Lasserre. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Jean-Jacques Lasserre.
prix de revente des caveaux par les communes
Question n° 1564 de M. Georges Labazée. – Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; M. Georges Labazée.
sécurisation dans les transports
Question n° 1530 de M. Alain Fouché. – Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; M. Alain Fouché.
expérimentation pour la gestion du foncier rural
Question n° 1563 de M. Henri Cabanel. – Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; M. Henri Cabanel.
difficultés liées à la réforme des zones de revitalisation rurale
Question n° 1562 de M. Franck Montaugé. – M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Franck Montaugé.
état des lieux de la dotation globale de fonctionnement
Question n° 1586 de M. Cyril Pellevat. – M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Cyril Pellevat.
8. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
9. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
10. Éloge funèbre de Jean-Claude Frécon, sénateur de la Loire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
11. Candidature à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
12. Candidature à une commission
13. Autoconsommation d'électricité et énergies renouvelables. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er bis AA et 1er bis AB (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 18 de M. Roland Courteau. – Rejet.
Amendement n° 24 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 9 de M. Roland Courteau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 1 er bis AE (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 25 rectifié de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 19 de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 5 de M. Roland Courteau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 1 er quater – Adoption.
Articles 1er quinquies et 1er sexies (nouveaux) – Adoption.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État
Amendement n° 14 de M. Roland Courteau. – Adoption.
Amendement n° 11 de M. Hervé Poher. – Retrait.
Amendement n° 12 de M. Hervé Poher. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État
Amendement n° 4 rectifié quinquies de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 7 de M. Roland Courteau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 1 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 3 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 2 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État
Amendement n° 26 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 21 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 8 de M. Roland Courteau. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Amendement n° 22 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 4 quater
Article 5 (suppression maintenue)
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
14. Nomination d’un membre représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
15. Nomination d’un membre d’une commission
16. Communication relative à une commission mixte paritaire
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
17. Sécurité publique. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. François Grosdidier, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 33 rectifié de M. Jacques Mézard. – Non soutenu.
Amendement n° 28 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendements nos 32 rectifié bis et 34 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – Non soutenus.
Amendement n° 29 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Amendement n° 23 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié ter de M. François-Noël Buffet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 25 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 39 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 10 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 13 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Articles 3, 4 et 4 bis (nouveau) et 5 – Adoption.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 6
Article 6 bis (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l'article 6 bis
Article 6 ter (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l'article 6 ter
Amendement n° 42 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 18 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 7 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 37 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 43 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 7
Amendement n° 44 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 16 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 de M. René Vandierendonck. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 9
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 10
Amendement n° 1 rectifié de M. Hervé Maurey. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 9 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 14 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
18. Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
19. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
M. Bruno Gilles.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 19 janvier 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
J’informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
3
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a proposé la candidature de Mme Gélita Hoarau.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016–1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 4 janvier 2017.
5
Dépôt de documents
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre deux projets de conventions entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relatives aux actions « écoles universitaires de recherche » et « nouveaux cursus à l’université » du programme d’investissements d’avenir.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 janvier 2017, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution le Conseil d’État lui a adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 2 de la loi n° 2016–1767 du 19 décembre 2016 (État d’urgence – Prolongation des assignations à résidence au-delà d’un an) (2017–624 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
7
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
politique nationale en faveur de la préservation des abeilles
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, auteur de la question n° 1582, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Michel Raison. Nous savons tous que les pollinisateurs, c’est-à-dire les abeilles domestiques, bien sûr, mais aussi tous les autres pollinisateurs sauvages, sont indispensables tant pour la biodiversité en général que pour leur valeur économique. Même si ce poids économique est difficile à évaluer, la plupart des experts l’estiment entre 3 millions et 5 millions d’euros.
Les recherches scientifiques progressent, mais on sait combien il est complexe de déterminer les causes de surmortalité des abeilles.
En effet, ces causes peuvent être multiples, s’enchevêtrent, voire s’additionnent parfois : nourriture, maladies en tous genres, fragilité propre à des abeilles qui sont peut-être plus fragiles qu’autrefois, car davantage sélectionnées, utilisation de certains produits de traitement ou de certains « cocktails » de produits plus sournois, car davantage méconnus.
Tous les acteurs doivent se mobiliser. Ils le font déjà, mais doivent encore progresser : je veux parler des apiculteurs, des pouvoirs publics, mais également des agriculteurs, non seulement parce qu’ils utilisent certains produits de traitement, mais aussi en raison de la façon actuelle de nourrir les abeilles. À l’époque des jachères, apiculteurs et agriculteurs se coordonnaient davantage sur le sujet.
Aujourd’hui, l’Institut national de la recherche agronomique – l’INRA –, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES – et les professionnels travaillent sur ce dossier. La France a également demandé à l’Autorité européenne de sécurité des aliments – l’EFSA – de durcir l’homologation des autorisations de mise sur le marché, en raison notamment des problèmes de « retour à la ruche ».
Cela étant, il est nécessaire aujourd’hui de créer un réseau de surveillance avec des ruches témoins, comme le demandent de nombreux spécialistes.
Il importe également de mieux identifier tous les apiculteurs amateurs en vue d’instaurer une véritable prophylaxie, comme pour les bovins, les équins et les ovins.
Il conviendrait, enfin, de mieux mobiliser les organismes professionnels agricoles, les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles, les FREDON, ou les groupements de défense sanitaire.
Monsieur le ministre, je sais que vous avez déjà travaillé sur le sujet. Aussi, mes questions seront simples : quelles sont les intentions du Gouvernement en termes de stratégie nationale interministérielle pour reconnaître la mission d’intérêt général assumée par la filière apicole ? Sous quel délai comptez-vous agir ? Pourquoi ne pas retenir la préservation des abeilles comme grande cause nationale, ce qui contribuerait évidemment à apporter des financements supplémentaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous me demandez de faire de la défense des abeilles une grande cause nationale. Je partage cet objectif. Quand je suis devenu ministre de l’agriculture, vous l’avez peut-être encore en tête, j’ai pris une première décision consistant à interdire un néonicotinoïde utilisé sous forme d’enrobage de semences de colza, plante mellifère, lequel avait un lien direct – cela avait été démontré par l’ANSES – sur la surmortalité des abeilles.
Cette première décision m’a ensuite permis d’obtenir le durcissement des autorisations de mise sur le marché d’un certain nombre de produits phytosanitaires à l’échelon européen, ainsi qu’un moratoire sur trois néonicotinoïdes utilisés sous forme d’enrobage de semences, justement pour protéger les abeilles. C’est ce qui a justifié la position que j’ai prise par la suite en faveur de l’interdiction généralisée de tous les néonicotinoïdes, question qui avait été débattue ici même dans le cadre de l’examen de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ce n’est qu’à cette aune que j’avais fait ce choix.
Nous avions alors engagé un processus alternatif aux néonicotinoïdes, en ayant notamment recours à l’agro-écologie, de sorte que l’agriculture, de manière générale, puisse intégrer de nouvelles stratégies pour la production de plantes mellifères, et que l’on diversifie les semences utilisées.
Il convient de distinguer un enjeu spécifique, celui de la protection de la biodiversité des pollinisateurs et des abeilles, d’un second enjeu lié, lui, à la production de miel, dans la mesure où la France est un gros importateur de miel dont l’origine est souvent indéfinie ou indéterminée.
Nous ne pouvons plus continuer ainsi. C’est pourquoi j’ai mobilisé 40 millions d’euros sur une période de trois ans pour financer des actions visant à évaluer les situations génétique et sanitaire du cheptel d’abeilles en France. Le constat qui a été dressé révèle que la situation sanitaire de ce cheptel est mauvaise et qu’il est indispensable de l’améliorer.
De multiples facteurs viennent ajouter à la mortalité des abeilles. La chute énorme de la production de miel au cours du printemps dernier, un printemps catastrophique, en est la preuve. En 2015, la production de miel était remontée à un niveau estimé entre 16 000 et 17 000 tonnes, alors qu’elle est redescendue à 9 000 tonnes en 2016. Cela montre que les aléas climatiques ont aussi un impact !
Le 8 février prochain, je présenterai un nouveau plan pour l’apiculture, après celui qui a permis de mobiliser les 40 millions d’euros dont je viens de parler. Grâce à un certain nombre de financements européens, nous avons obtenu que 7,5 millions d’euros soient consacrés aux abeilles chaque année entre 2017 et 2019.
Cet argent devra servir à structurer la filière, à consacrer des moyens pour faire face aux enjeux sanitaires de manière générale, et à la question du développement du cheptel des abeilles, en particulier. Il faudra également faire en sorte que la nouvelle politique agricole commune, qui prévoit un verdissement de l’agriculture, ainsi qu’un certain nombre de mesures agroenvironnementales – les MAE –, contribue à soutenir ces stratégies de production visant l’augmentation du nombre des pollinisateurs, et permettre d’accroître la quantité de miel produit, à la condition néanmoins de mettre l’ordre nécessaire pour que nos concitoyens soient en mesure de mieux identifier l’origine du miel qu’ils consomment, et de parvenir à développer notre production nationale pour éviter de devoir massivement en importer.
Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, l’amélioration de la situation passe aussi par une meilleure organisation de la filière en tant que telle, d’où la bataille que je mène pour organiser et structurer une interprofession du miel de France, qui permette de répondre à la demande des consommateurs et, surtout, aux besoins de développement du cheptel des pollinisateurs et des abeilles. Cela nous permettra de produire davantage de ce miel que nous aimons tant, celui que l’on consomme le matin, mais aussi parfois le midi ou le soir, quand on souffre d’une petite grippe ou d’un mal de gorge.
Nous sommes donc parfaitement d’accord pour faire de cet enjeu une cause nationale, monsieur le sénateur. C’est pourquoi je vous inviterai le 8 février prochain aux journées organisées par l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il semble que nous soyons sur la même longueur d’onde. Au passage je vous informe que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable organisera une table ronde au Sénat pour mieux comprendre cette problématique.
Vous avez indiqué vouloir créer une interprofession de la filière française du miel. Dieu sait si c’est une bonne idée, notamment en raison des importations de miel très douteux et des perturbations que cela engendre.
Je tiens beaucoup à la prophylaxie et j’espère qu’elle sera rendue obligatoire. Si l’on n’avait pas imposé la prophylaxie pour les ovins, les porcins et les équins, ces animaux d’élevage souffriraient toujours de la brucellose, de la tuberculose et de nombreuses autres maladies, comme les abeilles aujourd’hui.
défense de l'appellation « calisson d'aix-en-provence »
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 1572, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le ministre, en juin 2016, un entrepreneur chinois a déposé la marque « calisson d’Aix » auprès des autorités de son pays, ce qui a provoqué la colère des producteurs locaux de cette confiserie.
Le calisson d’Aix est une tradition ancestrale de Provence, issue d’une recette bien particulière, composée d’un tiers d’amandes, d’un tiers de fruits confits et d’un tiers de sucre. Par ailleurs, les ingrédients utilisés viennent de Provence et de la Méditerranée, comme les melons de Cavaillon ou les amandes provençales, ce qui donne au calisson son goût si spécifique.
Il y a quatorze ans, l’union des fabricants du calisson d’Aix – l’UFCA – a déposé une demande d’indication géographique protégée – IGP – auprès de l’Union européenne pour protéger cette appellation. Toutefois, cette procédure n’a pas pu aboutir : cela s’explique par le degré d’exigence attendu lors de l’instruction du dossier, mais aussi, il est vrai, parce que les fabricants n’ont pas toujours réussi à se mettre d’accord.
Il semble néanmoins que ce soit désormais chose faite. À la suite d’une réunion avec l’Institut national de l’origine et de la qualité – l’INAO –, le 6 décembre dernier, un représentant des calissons du Roy René a en effet présenté un nouveau cahier des charges pour le calisson d’Aix aux membres présents de l’union des fabricants du calisson d’Aix le vendredi 20 janvier. Le cahier des charges a été modifié et sera présenté à tous les calissonniers aixois pour une validation finale qui devrait intervenir très prochainement. L’objectif est de parvenir à déposer l’ensemble du dossier de demande d’IGP en mars prochain, afin d’espérer une reconnaissance en juin.
D’ici là, l’appellation « calisson d’Aix » est cependant menacée.
Monsieur le ministre, un terroir et un savoir-faire ne peuvent être plagiés sans vergogne. Aujourd’hui, les fabricants de calissons se sentent seuls. C’est la confiserie du Roy René qui a avancé les frais nécessaires à la première action juridique contre le dépôt de la marque en Chine, action qui suit d’ailleurs son cours.
Monsieur le ministre, l’État ne pourrait-il pas apporter un soutien à la fois juridique et logistique à ces petites PME qui se sentent démunies et impuissantes ? Celles-ci attendent un signe de l’État de façon urgente et, surtout, une action déterminée en faveur de la protection d’un savoir-faire qui date tout de même du XVe siècle ! Que pouvez-vous leur répondre aujourd’hui à ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je peux tout d’abord répondre aux défenseurs du calisson que, depuis mon arrivée au Gouvernement, je me suis toujours battu pour défendre les indications géographiques protégées lors des discussions au niveau international.
Preuve en est la reconnaissance par la Chine de près de quarante-cinq AOP de vins de Bordeaux après que je m’y suis rendu il y a un an et demi. Désormais, ces vins bénéficient des moyens nécessaires pour se défendre sur ce grand marché du vin qu’est le marché chinois.
J’ai toujours défendu cette conception française et, désormais, européenne des appellations au sein des instances internationales face à une conception plus anglo-saxonne, qui s’appuie uniquement sur les marques commerciales et industrielles. Dans le cadre des discussions avec les États-Unis, la France a toujours dit qu’elle n’accepterait aucune remise en cause des IGP et qu’il était hors de question de franchir cette ligne rouge. À Lisbonne, en 2015, un accord avait été trouvé pour protéger cette conception de l’agriculture à l’échelon international.
Comme vous l’avez rappelé, les demandes d’IGP doivent respecter certaines procédures. Je suis bien placé pour vous dire que certaines filières historiques ne parviennent pas à concrétiser la défense de leur production sous la forme d’une IGP, parce que certains acteurs économiques de la filière, compte tenu de stratégies économiques qui leur sont propres, ne sont pas toujours d’accord pour fixer un cahier des charges qui convienne à tout le monde. C’est ce qui s’est passé pour la filière du calisson d’Aix. Si quatorze années de négociations n’ont pas suffi et ont jusqu’à présent abouti à un échec, c’est aussi parce que les acteurs économiques ont une part de responsabilité. Ce n’est pas l’État ou le ministre de l’agriculture qui définit les critères d’obtention d’une IGP ! Vous le savez bien, c’est l’INAO, ce sont des professionnels qui gèrent ces demandes avant que la Commission européenne ne valide cette dénomination.
Il semble que la filière du calisson soit récemment parvenue à un accord. Je m’engage donc à faire diligence pour que votre dossier soit traité en priorité par le directeur de l’INAO : il faut aller vite si l’on veut préserver le calisson d’Aix et faire en sorte qu’il obtienne cette IGP. C’est l’engagement que je prends devant vous, madame la sénatrice, afin que le calisson d’Aix soit reconnu comme IGP dans le monde entier et que cette tradition qui, vous le rappeliez, date du XVe siècle continue d’être défendue. Tel est l’enjeu auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, compte tenu notamment des difficultés que les fabricants de calisson ont rencontrées en Chine – j’ai vu cela à la télévision comme vous tous. Comme quoi, il faut toujours qu’une pression extérieure s’exerce pour qu’un certain nombre d’acteurs se mettent enfin d’accord et finissent par se protéger.
Le Gouvernement agira au plus vite, afin que le calisson d’Aix garde sa spécificité et soit reconnu tant en France que dans le monde entier.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Je tiens simplement à vous remercier au nom de tous les calissonniers d’Aix-en-Provence, monsieur le ministre.
allocation de rentrée scolaire des mineurs placés volontairement
M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, auteur de la question n° 1566, transmise à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Mme Stéphanie Riocreux. Monsieur le ministre, ma question s’adressait à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, mais je vous remercie d’y répondre en tant que porte-parole du Gouvernement.
Ma question porte sur les critères d’application de l’article 19 de la loi n° 2016–297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.
Cet article crée un article L. 543–3 dans le code de la sécurité sociale selon lequel l’allocation de rentrée scolaire « est versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, jusqu’à son émancipation. À cette date, le pécule est attribué et versé à l'enfant ». Cet article précise bien que le dispositif s’applique lorsque l’enfant est placé sur décision judiciaire, c’est-à-dire soit sur décision du juge des enfants lorsqu’il ordonne le placement de l’enfant auprès d’un service départemental de l’Aide sociale à l’enfance, d’un service ou établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé, en application du 3° ou du 5° de l’article 375–3 du code civil, soit à titre provisoire sur décision du juge ou, en cas d’urgence, du procureur de la République, en application de l’article 375–5 du code civil.
Cependant, le placement sur décision d’un magistrat judiciaire n’est pas le seul qui existe. Le placement volontaire d’un enfant par ses parents est également possible lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés.
C’est pourquoi je souhaiterais savoir dans quelle mesure le dispositif prévu à l’article L. 543–3 du code de la sécurité sociale pourrait également s’appliquer au cas d’un placement volontaire, notamment lorsque la convention signée entre l’établissement d’accueil du mineur et le parent précise que la participation financière de ce dernier porte sur les fournitures scolaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, nous constatons que près de 40 % des jeunes de 18 à 25 ans vivant dans la rue ont été accueillis par les services de protection de l’enfance durant leur parcours. Ce chiffre montre bien que certaines personnes, du fait de leur histoire personnelle, peinent parfois à s’insérer dans la société et sont confrontées par la suite à des situations extrêmement difficiles.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité que les jeunes confiés à l’Aide sociale à l’enfance – l’ASE – disposent à leur majorité d’un pécule constitué par le versement de l’allocation de rentrée scolaire, qui leur permette d’être mieux accompagnés vers l’autonomie au moment précis où ils sortent des dispositifs de l’ASE.
Ces jeunes entrent en général dans la vie d’adulte sans économies, parfois sans aucun soutien familial ni amical, et vivent en tout cas des situations très délicates. Pour un jeune de l’ASE, l’entrée dans la vie adulte est donc encore plus difficile que pour n’importe quel autre jeune.
Depuis la rentrée scolaire de 2016, l’allocation de rentrée scolaire pour un enfant confié par le juge des enfants à l’ASE est versée sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou son émancipation.
Pour répondre très clairement à votre question, cette mesure s’applique exclusivement aux placements ordonnés par le juge des enfants dans le cadre de l’assistance éducative. Par conséquent, les placements dits « administratifs », c’est-à-dire effectués avec l’accord des parents ou sur leur demande, ne sont pas concernés par le dispositif. Dans ces cas, les parents continuent à percevoir l’allocation de rentrée scolaire et, en fonction de la situation, peuvent participer aux frais liés à la rentrée scolaire.
M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux.
Mme Stéphanie Riocreux. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, car elle permet de clarifier un point qui, vous l’imaginez, a causé un grand désarroi parmi les personnes concernées.
réglementation de l'activité des thoniers senneurs français
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 1551, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Michel Canevet. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les quotas de thon rouge en Méditerranée – si chère à notre président de séance ! (Sourires.)
La pêche au thon rouge est soumise à une réglementation particulièrement drastique et à un encadrement très strict de son activité. Un quota annuel de pêche au thon rouge, respecté par les professionnels, a été fixé, ainsi qu’un nombre limité de navires autorisés à le pêcher.
Les professionnels m’ont alerté sur le fait qu’un certain nombre de thoniers senneurs ne peuvent plus exercer leur activité. Alors que vingt-trois navires pratiquaient cette activité en Méditerranée jusqu’à récemment, seuls dix-sept navires sont en mesure aujourd'hui de le faire. Les professionnels considèrent donc à juste titre que cette situation est particulièrement préjudiciable à l’emploi et à l’équilibre économique du secteur. Ils souhaiteraient que l’on augmente le nombre de thoniers senneurs autorisés à pêcher le thon rouge, de telle sorte qu’un maximum de ces navires puisse se livrer à ce type de pêche.
Je précise que les professionnels qui m’ont contacté n’attendent aucune augmentation des quotas de pêche au thon rouge. Au contraire, ils considèrent que ces quotas sont suffisamment élevés pour permettre le renouvellement des ressources, ce qui est indispensable pour la pérennité de leur activité. En revanche, ils considèrent que le nombre de navires pouvant exercer cette activité pourrait être sensiblement accru.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais connaître votre position, ainsi que vos intentions à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les contraintes réglementaires qui encadrent la pêcherie de thon rouge en Méditerranée.
Le thon rouge est l’exemple d’une espèce pour laquelle on était proche d’une interdiction totale de la pêche en 2010, et dont l’état du stock est en constante amélioration depuis, en raison des efforts de gestion importants réalisés par les professionnels de la pêche. Le total admissible de capture, le TAC, est ainsi en augmentation de 20 % chaque année depuis 2014.
Une nouvelle étape importante s’ouvrira à l’occasion de la prochaine réunion annuelle de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, la CICTA, en novembre prochain.
La bonne gestion des capacités de pêche, l’efficacité du contrôle et l’amélioration de la traçabilité de cette pêcherie sont autant d’arguments qui doivent permettre le passage du thon rouge sous plan de gestion dès 2018, et non plus comme actuellement sous plan de reconstitution.
Ce plan de gestion sera le cadre qui permettra de maintenir les hausses du TAC et d’accroître le nombre des autorisations de pêche. Dans cette attente, le nombre d’autorisations européennes de pêche de thon rouge à la senne reste figé à dix-sept navires pour la France. Le passage de la pêcherie de thon rouge sous plan de gestion en novembre prochain permettra de négocier l’augmentation de ce nombre d’autorisations pour les senneurs, afin qu’il soit davantage en adéquation avec l’évolution des quotas de thon rouge depuis 2014.
Concernant l’activité de la pêcherie de thon rouge par les petits métiers, c’est-à-dire la pêche à la canne-ligne et à la palangre, le nombre d’autorisations est passé progressivement de 87 en 2014 à 107 en 2017 sous l’impulsion du Gouvernement, et ce en complément d’un quota socio-économique distribué à l’ensemble des navires détenteurs d’une autorisation de pêche dite « petits métiers » pour le thon rouge, qui a peu à peu augmenté de 400 à 700 kilogrammes, compte tenu de l’évolution favorable du quota français entre 2014 et 2017.
Je tiens, enfin, à saluer la solidarité entre les métiers du secteur, qui a permis de maintenir les transferts de quotas entre senneurs et petits métiers, chacun contribuant à sa façon à l’équilibre socio-économique des ports de pêche en Méditerranée.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet
M. Michel Canevet. Je souhaite vous remercier de votre réponse, monsieur le ministre, qui ouvre de nouvelles perspectives aux professionnels de la pêche au thon rouge, pêche emblématique de cette partie du littoral français.
Je profite également de l’occasion pour rappeler que je vous avais interrogé il y a quelques mois sur la création d’une préparation au BTS « pêche » au lycée maritime du Guilvinec dans le Finistère. Cette création ayant été annoncée pour la rentrée prochaine, je tiens à vous remercier une seconde fois.
enclavement ferroviaire de l'ancienne région limousin
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 1555, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais interrogé, voilà plus d’un an, sur la création de la ligne à grande vitesse – ou LGV – Poitiers-Limoges, destinée au futur train à grande vitesse – ou TGV – limousin. Vous m’aviez alors donné l’assurance du Gouvernement que ce projet, pour lequel le Président de la République s’était personnellement engagé, serait réalisé et la déclaration d’utilité publique dont l’opération fit l’objet le 10 janvier 2015 vint le confirmer.
De ce fait, à l’automne de cette même année, le président du conseil régional de l’ancienne région du Limousin convoqua tous les parlementaires du territoire pour activer, avec lui, ce projet très attendu par l’ensemble des décideurs économiques et sociaux.
La nouvelle équipe à la tête de la grande région formée par l’Aquitaine, le Limousin et Poitou-Charentes manifesta, par la suite, moins d’enthousiasme pour participer au financement de cette réalisation. De toute manière, quelques mois plus tard, le 15 avril 2016, il ne fallut que quelques minutes au Conseil d’État pour enterrer ce projet dont l’objectif était non seulement de mettre fin au désenclavement ferroviaire dont souffrent le centre de la France et ses abords, mais encore de permettre leur raccordement et leur intégration dans l’espace européen.
La conséquence de tout cela, c’est qu’aujourd'hui, en Corrèze tout au moins, plus personne ne croit au projet.
Toutefois, d’autres solutions sont envisagées par les spécialistes du rail afin de désenclaver, enfin, le Limousin, l’Auvergne et Midi-Pyrénées-Languedoc, ce problème étant accentué par la suppression, au fil des années, de nombreuses liaisons de trains d’équilibre du territoire, et ce sans compter la baisse des effectifs de cheminots.
Parmi ces solutions se trouve le doublement nécessaire de la LGV Paris-Lyon en vue d’assurer une meilleure desserte du sud-est de la France, à la suite de la montée en puissance des relations vers le sud.
Ce projet ouvre effectivement la possibilité de créer une relation Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon, dite POCL, avec un tracé médian-ouest, par Vierzon, qui permettrait de desservir, en lien avec la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT, un plus grand nombre de territoires, dont celui de l’ancienne région Limousin. De surcroît, cette réalisation apporterait un plus aux investissements prévus pour la modernisation de la ligne POLT.
Ma première question, monsieur le secrétaire d’État, est donc la suivante : quelle est la position du Gouvernement sur ce projet qui pourrait utilement se substituer à la LGV Poitiers-Limoges ?
Cette question, vous le comprendrez bien, est assortie d’une seconde, tout aussi récurrente, concernant la ligne Paris-Toulouse-Rodez via Brive. Alors que tous les élus ne cessent, depuis des années, de dénoncer la vétusté des matériels, l’inconfort et les récurrents retards de cette ligne, vous avez annoncé sa rénovation. Où en est-on de celle-ci ?
Enfin, s’agissant du train de nuit Paris-Rodez, dont le maintien a été garanti par le Gouvernement, les travaux prévus pendant quatre ans ne doivent pas servir de prétexte à supprimer l’axe Paris-Brive.
Nombre d’élus de plusieurs régions sont en attente, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse sur les trois points que je viens d’évoquer, réponse dont je vous remercie par avance.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Permettez-moi tout d’abord de clarifier un point, monsieur le sénateur : il n’y a pas d’abandon du projet de ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges. Mais les mots ont un sens et, comme vous l’indiquez, une décision de justice administrative – émanant, en l’occurrence, du Conseil d’État – en date du 15 avril dernier a annulé le décret de déclaration d’utilité publique.
Depuis cette décision, j’ai reçu tous les élus et représentants des associations qui en ont fait la demande. De ces entretiens, je retire la conviction, partagée par le Gouvernement, que l’amélioration de la desserte de Limoges, du Limousin et des territoires limitrophes constitue un enjeu majeur d’aménagement du territoire national.
C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a confié une mission à Michel Delebarre, sénateur et ancien ministre, afin de faire émerger les meilleures solutions permettant d’assurer à court, moyen et long termes une desserte efficace de Limoges et du sud de Limoges.
Il s’agira de tenir compte de la complexité du sujet, tant sous l’angle des aspects juridiques et techniques soulevés par la décision du Conseil d’État que du point de vue des enjeux d’aménagement du territoire.
Dans ce cadre, les avantages qui pourraient être tirés d’une articulation avec le projet de ligne à grande vitesse Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon seront naturellement examinés.
Les conclusions de la mission de Michel Delebarre sont attendues pour le mois d’avril 2017.
Par ailleurs, le Gouvernement mène une action résolue pour assurer une desserte ferroviaire de haut niveau pour les territoires de l’ancienne région Limousin.
Sachez que l’action que je mène, aux côtés des territoires, sur les trains d’équilibre du territoire, mais également sur la régénération de l’infrastructure vise précisément à moderniser et renforcer les lignes structurantes pour l’aménagement du territoire national, dont l’axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse fait partie.
Cette priorité à la maintenance des infrastructures se traduit par un véritable effort de mise à niveau de cet axe afin de garantir la fiabilité du service rendu. Ainsi, 500 millions d’euros seront consacrés à sa modernisation sur la période 2015 à 2020, doublant ainsi le rythme d’investissement par rapport à la période 2005 à 2014.
À cet important effort de régénération, dont le rythme sera maintenu sur la période 2020 à 2025, viendront s’ajouter un peu plus de 120 millions d’euros d’investissements inscrits dans les contrats de plan 2015-2020 conclus entre l’État et les régions traversées.
En outre, le matériel roulant sera renouvelé d’ici à 2025. L’appel d’offre en vue d’acquérir un matériel au confort adapté aux parcours de moyenne et longue distances a été lancé à la demande de l’État par SNCF Mobilités le 21 décembre dernier, et l’avis de marché a été publié au Journal officiel de l’Union Européenne du 24 décembre.
À l’issue de ces efforts considérables sur l’infrastructure et les services, l’axe sera profondément rajeuni et modernisé.
L’ensemble de ces éléments permettront d’alimenter le schéma directeur, dont l’élaboration est en cours.
Enfin, concernant le train de nuit Paris-Rodez, dont le maintien, vous l’avez rappelé, a été décidé par l’État, compte tenu du manque d’alternative de desserte, il sera effectivement impacté par les travaux de modernisation de la ligne POLT que j’ai mentionnés.
Le passage des trains par la ligne Brive-Périgueux-Coutras pendant la durée des travaux constitue la solution de repli a priori retenue. Ce scénario fait actuellement l’objet de vérifications concernant les horaires et les coûts, et nous devrions en connaître prochainement les résultats.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État.
La LGV Limoges-Poitiers offrait une réelle solution. Mais plus personne ne croit à ce projet, qui, en dépit d’une mobilisation générale de quinze années, a été enterré par le Conseil d’État en quelques minutes.
Or, vous l’avez dit, la Corrèze et, plus largement, la région Limousin sont très mal desservies sur le plan ferroviaire. La ligne POLT et les infrastructures ont mal été entretenues. Les rames ont quarante ans d’âge ! En 1980, il fallait 2 heures 45 minutes pour joindre Limoges et Paris ; aujourd'hui, il faut, au mieux, 3 heures 15 minutes ! Hier soir, le trajet m’a pris 3 heures et demie !
L’aménagement du territoire doit aussi concerner les régions les moins peuplées, comme le Limousin et le Massif central. Dans l’optique d’un abandon de la LGV Limoges-Poitiers – vous avez bien précisé qu’il n’en était rien pour l’instant, mais il faut tout de même repartir à zéro –, certains estiment que la solution de Y renversé, associée, bien sûr, à la poursuite de la rénovation de l’axe POLT, pourrait être une bonne solution pour un désenclavement rapide.
liaison ferroviaire creil-roissy-picardie
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, auteur de la question n° 1558, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous semble que le projet de liaison ferroviaire Roissy-Creil-Picardie joue l’arlésienne depuis trop longtemps !
Déjà inscrit dans le contrat de plan État-région 2007-2013, il l’a été, de nouveau, dans le contrat signé en 2015 par Manuel Valls à Amiens, qui prévoit un renforcement des liaisons entre la Picardie et l’Île-de-France et, pourquoi pas, un raccordement au réseau du Grand Paris Express.
En 2010, un débat public a même eu lieu sur le projet. On nous annonçait une déclaration d’utilité publique pour 2015, voire 2016. Nous sommes en 2017… et toujours rien !
En octobre 2016, des rumeurs insistantes dans le département ont fait état d’un report de 2020 à 2030. Elles ont même été confirmées dans la presse par mon collègue Christian Manable, sénateur de la Somme. Vous avez démenti le 25 octobre 2016 par voie de presse, monsieur le secrétaire d’État, et je m’en réjouis car les enjeux de ce barreau sont grands.
Des milliers de personnes habitent dans le sud de l’Oise et se rendent chaque jour à Roissy pour travailler. Elles sont contraintes d’utiliser leur voiture et l’autoroute A1, déjà largement saturée par les camions et les bus de M. Macron, ou bien de redescendre à la gare du Nord pour emprunter la ligne B du réseau express régional – ou RER – jusqu’à l’aéroport.
Relier Amiens et Creil à l’aéroport de Roissy nécessite l’aménagement des lignes existantes et la création d’une jonction de six kilomètres. Cette liaison permettrait notamment de rejoindre Roissy, depuis Creil, en 22 minutes. Ce serait un réel atout pour le sud de l’Oise, pour les travailleurs, et la promesse, pour les entreprises, d’un développement européen par l’accès aux infrastructures aéroportuaires et la connexion au réseau de lignes à grande vitesse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mis fin aux rumeurs en affirmant : « les conditions sont toujours réunies pour que le lancement des travaux puisse intervenir d’ici 2020. Le Gouvernement est pleinement engagé en faveur de la réalisation de ce projet. »
Je souhaiterais donc, aujourd'hui, avoir votre confirmation que ce projet de liaison Amiens-Creil-Roissy verra bien le jour, et dans quelles conditions.
Quel sera le calendrier ? La déclaration d’utilité publique interviendra-t-elle en 2017 ou en 2018 ? Y aura-t-il mise en service en 2020, comme l’annonçait votre prédécesseur Frédéric Cuvillier, ou en 2022, comme évoqué ici ou là ? La liaison pourra-t-elle être utilisée indifféremment par des trains express régionaux – ou TER – et par des TGV ? Quel sera le coût total – là aussi, les chiffres varient grandement en fonction des sources d’information – et, surtout, comment le projet sera-t-il financé ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, le projet de ligne nouvelle Roissy-Picardie consiste à réaliser un barreau de 7 kilomètres entre le contournement en LGV de l’Île-de-France, au nord de l’aéroport de Roissy–Charles-de-Gaulle, et la ligne classique Paris-Creil-Amiens, ainsi que des aménagements sur le réseau existant, notamment en gares de Roissy–Charles-de-Gaulle, Survilliers-Fosses, Creil et Amiens. Cette nouvelle liaison permettra de faire circuler des TER entre la Picardie et Roissy, ainsi que des TGV de Creil et d’Amiens vers la province.
À la fin du mois d’octobre, des rumeurs ont circulé au sujet d’un report du projet. J’ai tenu à les démentir immédiatement. La liaison Roissy-Picardie figure effectivement parmi les projets prioritaires qui ont été identifiés par la commission « Mobilité 21 » comme devant faire l’objet d’un engagement des travaux à l’horizon de 2030.
Les rumeurs se fondaient précisément sur cette mention d’un horizon à 2030. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, il s’agit là du délai maximal fixé par la commission pour réaliser une série de projets jugés prioritaires en France, et non de l’objectif établi pour l’engagement des travaux de la liaison Roissy-Picardie.
Les conditions sont toujours réunies pour que le lancement des travaux de cette liaison puisse intervenir d’ici à 2020.
Ce malentendu ayant été dissipé, je tiens, une nouvelle fois, à réaffirmer l’engagement du Gouvernement en faveur de la réalisation de ce projet.
Au début de l’année 2014, les études techniques ont permis de préciser la consistance des aménagements à réaliser. Sur cette base, une première phase du projet, évaluée à 282 millions d'euros, aux conditions économiques de 2011, a été définie.
Une mission a par ailleurs été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable, afin qu’il assure la coordination des échanges entre les différents partenaires en vue d’établir des hypothèses de trafic actualisées. La mission a proposé de retenir un scénario combinant 2 aller-retour TGV et 3 aller-retour directs, sous réserve d’un conventionnement entre la région Hauts-de-France et SNCF Mobilités.
Le conseil régional des Hauts-de-France a ouvert, à l’automne, des discussions avec le groupe public ferroviaire afin de préciser les hypothèses de trafic et la prise en charge financière des deux circulations TGV. Ces données ont vocation à alimenter les études socio-économiques du dossier, qui sera présenté à l’enquête publique d’ici à 2018.
Signe concret de notre détermination commune sur ce projet, des crédits d’un montant total de 24 millions d'euros ont été inscrits aux contrats de plan État-régions 2015-2020 des régions Île-de-France et Hauts-de-France, afin de poursuivre les études au-delà de l’enquête d’utilité publique et de prévoir les premières acquisitions foncières du projet.
Ainsi, les conditions sont bel et bien réunies pour que le lancement de la phase de travaux puisse intervenir d’ici à 2020.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Je crains que votre réponse ne nous plonge un peu plus dans le flou, monsieur le secrétaire d’État ! Tout était bien plus clair lorsqu’il s’est agi d’évoquer la ligne Charles-de-Gaulle Express, alors même que celle-ci concerne beaucoup moins de personnes !
Prenons les coûts : alors que le conseil économique, social et environnemental régional des Hauts-de-France a estimé ces derniers à 340 millions d’euros, vous me confirmez que, pour le moment, seulement 24 millions d’euros sont inscrits dans le cadre des contrats de plan État-régions des régions Picardie et Île-de-France.
Je considère donc que nous ne sommes pas plus avancés avec votre réponse, et continue de m’inquiéter quant à la réalisation de cette liaison.
On a déjà perdu vingt ans ! En effet, si le TGV était passé par Amiens dès le départ, plutôt que par la gare des betteraves d’Ablaincourt-Pressoir, avec des liaisons en autobus pour rejoindre Amiens, nous n’en serions pas là ! (M. le secrétaire d’État s’exclame.)
À l’heure où il est question de pics de pollution, tant en région parisienne que dans l’Oise, la réalisation de cette ligne Roissy-Creil-Picardie est essentielle. Or je crains, à l’écoute de la réponse qui m’a été faite, que nous n’ayons pas beaucoup progressé. (M. le secrétaire d’État s’exclame de nouveau.)
grand contournement autoroutier de bordeaux
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 1567, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais aborder un problème récurrent pour de nombreux habitants de la Gironde et de la métropole bordelaise, celui de l’asphyxie et de la saturation du trafic routier sur la rocade bordelaise, la plus congestionnée de France !
Ce véritable « serpent de mer » empoisonne le quotidien, comme en témoignent ces chiffres éloquents : plus de 100 000 véhicules par jour sur le pont d’Aquitaine et plus de 140 000 sur la rocade est !
Par ailleurs, en moyenne 23 000 poids lourds empruntent quotidiennement la rocade bordelaise et la densité du trafic de fret grève lourdement l’usage de cette infrastructure. Selon les chiffres de votre propre ministère, monsieur le secrétaire d’État, chaque camion a une influence sur le trafic équivalant à 2,5 véhicules légers.
Si l’on veut rendre une image réelle de la saturation de la rocade de Bordeaux, il faut donc comprendre que celle-ci supporte des trafics moyens journaliers hors du commun, de l’ordre de 265 000 véhicules par jour !
Chaque automobiliste communautaire doit consacrer 1 heure et 20 minutes pour ses déplacements quotidiens. Les plus de 4,7 millions de déplacements journaliers dans le département, dont 3,3 millions à l’intérieur de la seule métropole, sont effectués à 65 % en voiture et 226 000 sont affectés par un passage sur la rocade.
Les projections les plus sérieuses annoncent une progression effrayante – de plus de 2 millions – du nombre des déplacements dans l’agglomération ; elles font craindre le pire.
Une telle saturation se traduit d’ores et déjà par le gaspillage quotidien de plus de 300 000 heures, dont au moins 60 000 heures perdues sur la rocade par tous ceux qui travaillent et sont obligés d’emprunter cette voie périurbaine.
Au-delà de tout ce temps perdu, il faut tenir compte des conséquences économiques et environnementales de la thrombose de cette infrastructure, que je chiffre à près de 1 million d’euros par jour !
Dès 1989, alors président du conseil départemental, j’avais émis l’idée d’un grand contournement autoroutier. En 1995, j’avais fait réaliser une étude de faisabilité pour un raccordement des autoroutes en provenance de Paris – l’A10 et la route nationale 10 –, de Lyon – l’A89 –, de l’Espagne – l’A64 et l’A63. En 2001, le contrat de plan confirmait cette faisabilité. Puis sont intervenus les débats nationaux du Grenelle de l’environnement, aboutissant à l’abandon du projet.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, Bordeaux est un point de passage obligé sur l’itinéraire entre Paris, le nord de l’Europe et l’ouest espagnol, le Portugal, voire les pays du Maghreb.
Cet élément essentiel du dispositif autoroutier français et européen est devenu le maillon faible de cet axe nord-sud de l’Europe.
La réalisation d’un grand contournement de l’agglomération bordelaise s’impose de façon urgente ! Il y va de l’avenir économique de toute la région Nouvelle Aquitaine ! Si seulement 20 % du trafic des 240 000 véhicules empruntant au quotidien les deux ponts d’Aquitaine et François Mitterrand était transféré, le gain économique ainsi que le gain de temps seraient considérables ! Et je ne parle même pas des conséquences en termes d’émissions de gaz à effet de serre !
Les statistiques de l’Union routière de France obligent à être alarmiste. Le trafic des poids lourds à Hendaye s’est accru de près de 50 % entre 1985 et les années 2000, soit plus du double de la moyenne nationale !
Comme pour le pont de Normandie, le viaduc de Millau, la deuxième ceinture autoroutière lyonnaise ou le doublement de l’autoroute A9 à Montpellier, l’agglomération bordelaise doit pouvoir bénéficier de la construction d’un contournement autoroutier.
Il n’est plus question aujourd’hui d’une approche velléitaire, du simple énoncé d’une question. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une décision politique prioritaire concernant cette infrastructure indispensable et plus que jamais nécessaire. Des milliers d’automobilistes n’en peuvent plus d’être ainsi pris en otage quotidiennement, coincés dans leur voiture, et c’est l’avenir de toute une région qui est en jeu !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Le Gouvernement est sensible à la problématique de congestion du trafic sur la rocade bordelaise, qui mêle trafic local – majoritairement – et trafic de transit.
Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, un grand contournement autoroutier avait un temps été envisagé afin d’écarter le trafic de transit de cet itinéraire. Il s’agissait d’une infrastructure autoroutière d’une centaine de kilomètres en tracé neuf, dont le coût était estimé, voilà dix ans, à plus de 1 milliard d’euros.
Conformément aux orientations du Grenelle de l’environnement, ce projet a été abandonné en 2008, car il ne répondait pas à une nécessité de sécurité ou d’utilité collective et présentait un impact non négligeable sur l’environnement. De ce fait, il n’a pas figuré au schéma national des infrastructures de transport de 2011.
La commission « Mobilité 21 », qui a priorisé les grands projets d’infrastructures de transport en 2013, n’a pas non plus retenu le projet de grand contournement de Bordeaux. Aujourd’hui, aucun nouvel élément ne permet de remettre en cause ces conclusions.
Toutefois, l’État est pleinement conscient des problèmes de congestion que rencontrent quotidiennement les usagers de la rocade. Celle-ci cumule à la fois les déplacements quotidiens des habitants de la métropole et le passage du trafic de transit français et européen.
C’est pourquoi, depuis 2009, l’État s’est engagé aux côtés de Bordeaux Métropole pour son élargissement à 2x3 voies dans les plus brefs délais.
Les travaux d’élargissement de la moitié sud de la rocade ouest, entre les échangeurs 10 et 16, se sont achevés en novembre 2016 et ont coûté plus de 100 millions d'euros, pris en charge à 75 % par l’État.
Les travaux concernant la moitié nord de la rocade ouest débuteront en 2017. Là encore, un investissement important de plus de 130 millions d'euros est consenti, à parité, entre l’État et la métropole de Bordeaux.
Ces investissements permettront d’améliorer significativement la circulation sur la rocade et, ainsi, de diminuer les temps de parcours. Le premier bilan des mises en service des élargissements progressifs fait d’ores et déjà ressortir des résultats très positifs : les trafics sur la rocade ont été fluidifiés et les voiries urbaines, délestées.
C’est donc dans ce sens que le Gouvernement veut conduire une politique des infrastructures de transport pour notre pays, de manière à répondre aux attentes des Français tout en ciblant les investissements de l’État, dans un contexte budgétaire que l’on sait contraint.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je reconnais les quelques efforts fournis par l’État, mais, en tant qu’utilisateur régulier de cette rocade, je sais à quel point la question doit être traitée en urgence. La thrombose est réelle !
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse ne pourra satisfaire les populations girondines. D’ailleurs, le nombre de réactions recueillies à la suite de l’enquête menée par notre grand quotidien régional Sud-Ouest sur cette problématique est révélateur de l’exaspération. Aujourd’hui, huit personnes interrogées sur dix se déclarent réellement en colère. Elles se retrouvent bloquées dans leur véhicule, avec des murs de camions qui défilent ! Pour elles, il faut absolument dériver le flux des poids lourds !
Et je n’évoquerai pas, au-delà de l’exaspération des automobilistes, la gabegie économique et le problème de la sécurité routière. Je vous assure, monsieur le secrétaire d’État, que le problème est très grave.
À Montpellier, on a fait ce qu’il fallait faire ! C’est maintenant au tour de Bordeaux, et de cet axe nord-sud qui est réellement bloqué.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, j’ai souhaité intervenir assez fortement sur le sujet ce matin.
pêche abusive au large de la baie de seine
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, auteur de la question n° 1569, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, les pêcheurs normands sont confrontés à leurs homologues britanniques qui viennent pêcher la coquille Saint-Jacques, contournant le cadre normatif en vigueur, en Manche Est, en particulier au large de la baie de Seine.
Pas moins de 50 navires britanniques pêchent régulièrement de manière abusive, bafouant l’accord franco-britannique conclu. Celui-ci visait à permettre à chaque flotte de pêcher dans des conditions équitables, mais les Britanniques, en achetant massivement des navires de plus petite taille, échappent aux restrictions qu’il impose et à ses dispositions.
En effet, nos bateaux sont contraints de se limiter à 2 tonnes par jour pour quatre sorties en mer. Les Britanniques, quant à eux, sont autorisés à pêcher 10 à 15 tonnes quotidiennement, et ce sur une semaine. Ainsi, la filière normande se trouve lésée et le marché français est submergé par la production britannique provenant de nos propres côtes, notamment sous forme de produits congelés.
C’est pourquoi il est urgent que les autorités anglaises, mais aussi irlandaises et européennes – notamment la Commission européenne – se saisissent de ce problème de la pêche en mer sans limites, qui fait courir des risques à la fois à la filière normande et aux ressources naturelles.
De plus, nos pêcheurs craignent les effets du Brexit qui pourrait entraîner la remise en cause de l’accord déjà malmené, comme je viens de l’expliquer. Les Britanniques bénéficieraient alors d’une plus grande liberté, au détriment des pêcheurs français, ce qui, bien entendu, n’est pas acceptable.
Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux vous ont interpellé à propos de règles communes et équitables qui devraient régir ce marché de la coquille Saint-Jacques.
Vous souhaitiez par ailleurs appuyer activement les propositions qui ont déjà été formulées par la France auprès de la Commission européenne et de son comité scientifique pour une gestion durable du stock de coquilles Saint-Jacques en Manche Est.
Pouvez-vous nous fournir des éléments de nature à rassurer les pêcheurs normands et à leur permettre de poursuivre leur activité dans des conditions plus sereines ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la situation de la coquille Saint-Jacques en Manche Est et sur l’appel lancé par nos pêcheurs voilà quelques mois.
Je suis très sensible aux préoccupations des professionnels qui se sont exprimées dans cet appel concernant la gestion européenne de la coquille Saint-Jacques, en raison de l’importance socio-économique de cette pêcherie en France.
En 2013, au terme d’un long processus de discussion, les professionnels britanniques et français ont conclu les premiers accords relatifs à une gestion concertée et raisonnée de la coquille Saint-Jacques en Manche. Ces accords ont été entérinés par les gouvernements français et anglais. Ils consistent en la cession au Royaume-Uni d’une partie du quota français d’effort de pêche pour la coquille Saint-Jacques en échange du respect, par les navires britanniques, de la fermeture estivale de cette pêche.
Ces accords ont par la suite été renouvelés chaque année.
En 2016, la date d’ouverture au sud du parallèle 49°42’N a été anticipée et fixée, à la demande du secteur français, au 11 octobre – au lieu du 30 octobre – pour toutes les flottilles.
Cet accord n’inclut toutefois pas les navires de pêche irlandais et les navires de pêche britanniques de moins de 15 mètres.
Comme je m’y étais engagé, à l’occasion du Conseil européen de la pêche qui s’est tenu le 14 novembre dernier, j’ai mené une série d’entretiens bilatéraux avec le commissaire européen, le ministre britannique et le ministre irlandais afin de leur faire part des préoccupations de la France sur la question de la gestion européenne de la coquille Saint-Jacques en Manche Est.
Dans ce cadre, j’ai réaffirmé ma volonté de parvenir à un cadre réglementaire commun, conformément aux propositions constructives formulées par la France pour une gestion durable de ce stock, propositions que les professionnels français, de leur propre initiative, mettent déjà en œuvre.
À la suite de ces échanges, des contacts ont été pris entre les administrations des trois pays pour travailler avec les représentants des secteurs professionnels concernés sur l’élaboration d’un cadre réglementaire commun.
Dans le contexte actuel du Brexit, et compte tenu de l’importance des enjeux liés à la pêche en France, il est très important que nous puissions maintenir le dialogue et éviter toute forme de surenchère.
Je rappelle que nos navires de pêche fréquentent également de manière importante les eaux britanniques, et que l’enjeu des années à venir sera de défendre nos intérêts de pêche dans le cadre de discussions globales qui s’engageront avec la Grande-Bretagne.
Ces éléments illustrent la nécessité d’une politique commune de la pêche, à la fois pour harmoniser les réglementations entre les différents pavillons et pour permettre l’accès réciproque aux eaux des États membres.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des garanties apportées par vos soins à une profession qui, je le rappelle, est particulièrement respectueuse de la gestion des ressources naturelles et des contingences imposées dans l’intérêt de tous.
conséquences du classement des bois « dalbergia » parmi les espèces menacées
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, auteur de la question n° 1550, adressée à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le classement des bois « Dalbergia », plus communément appelés bois de rose, à l’annexe II de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.
Ce classement, qui vise à réglementer drastiquement le commerce international de ce bois, est évidemment très utile, la forte croissance de ce commerce, tiré par la forte consommation, notamment chinoise, conduisant à une augmentation des prix et des prélèvements, en particulier des prélèvements illicites. Néanmoins, il suscite de nombreuses inquiétudes au sein des entreprises du secteur de la facture instrumentale.
Les bois de rose sont largement utilisés dans la fabrication d’instruments de musique – je pense tout particulièrement aux clarinettes et aux hautbois –, notamment pour leur qualité acoustique actuellement irremplaçable. En outre, près de 90 % de la production de ces instruments est vendue à l’étranger.
Je rappelle que la France dispose d’entreprises d’excellence dans ce domaine, notamment dans mon département des Yvelines où se trouvent les entreprises Selmer et Buffet Crampon, leaders mondiaux des instruments à vent, qui servent les plus grands musiciens de la planète.
Malgré les formations actuellement délivrées par le ministère de l’environnement, un certain nombre de questionnements demeurent. Des entreprises, de taille moyenne, s’interrogent sur leur capacité à faire aussi soudainement face à un tel redoublement des contraintes administratives.
En cas d’export, puis d’import et de réexport d’un même instrument en raison de sa réparation, quelles formalités administratives seront appliquées, notamment au niveau européen ?
Enfin, des interrogations portent sur les conséquences administratives de ce classement pour les artistes et orchestres, qui sont amenés à se produire à l’étranger et, donc, traversent les frontières en possession d’instruments fabriqués dans ce bois.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir nous préciser les conséquences économiques et réglementaires de ce classement sur les entreprises de la facture instrumentale, transformatrices de ce bois de rose.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, dite CITES, comprend les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction, mais qui pourraient le devenir si leur commerce international n’était pas régulé.
Aussi, l’annexe II n’interdit pas le commerce, mais l’encadre par un système de permis, contrôlés et visés en frontières, qui certifient que les spécimens objets de la transaction ont été obtenus légalement et de façon non préjudiciable à la conservation de l’espèce.
L’ensemble des palissandres ont été inscrits à l’annexe II à l’occasion de la 17e session de la conférence des parties, qui s’est tenue à Johannesburg en octobre 2016, et cette inscription est entrée en vigueur le 2 janvier dernier sur le plan international. Elle oblige donc les professionnels de la facture instrumentale – clarinette et hautbois – à respecter ce système de permis.
Aussitôt, tout a été mis en œuvre pour accompagner au mieux les professionnels concernés : des réunions et des formations spécifiques ont été organisées, les entreprises exportatrices françaises sont accompagnées pour déposer leurs premières demandes de permis ; elles ont la possibilité d’obtenir à l’avance des permis préremplis pour faire face à leurs commandes urgentes, et une assistance technique permanente est assurée par les services du ministère de l’environnement.
Ainsi, au 23 janvier, en réponse aux demandes des entreprises concernées, plus de 570 permis CITES ont déjà été délivrés pour des instruments de musique en palissandre, afin d’éviter toute rupture dans leurs livraisons et leur approvisionnement.
Comme il l’a été expliqué aux professionnels concernés, les procédures liées aux expéditions d’instruments dans le cadre de réparations et aux artistes et orchestres qui se produisent à l’étranger exigent une approche commune de la France, des autres États membres de l’Union européenne et des pays tiers partenaires, afin d’éviter tout risque de saisie des instruments en frontières. Ces questions figurent à l’ordre du jour de la réunion CITES qui se tiendra à Bruxelles le 7 février prochain. Les services du ministère de l’environnement veilleront à ce que des solutions opérationnelles, telles que vous les appelez de vos vœux, soient définies. Ils tiendront les usagers informés de résultats de cette réunion.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions. Elles sont de nature, me semble-t-il, à rassurer les entreprises d’excellence qui œuvrent dans ce domaine d’activité.
sécurité dans les centrales nucléaires
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 1425, adressée à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, élu d’un département qui compte deux centrales nucléaires, celles de Penly et Paluel, je souhaite vous interroger sur la sécurité de ces sites.
Après la catastrophe de Tchernobyl puis celle de Fukushima, nos concitoyens s’interrogent sur les risques de cette industrie et sur l’importance des facteurs humains, organisationnels et techniques lors de ces accidents.
En 2016, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, a demandé à EDF l’arrêt de plusieurs réacteurs pour contrôler d’éventuelles déficiences des générateurs de vapeur, en particulier l’excès de carbone présent dans l’acier, qui pourrait en altérer la résistance mécanique.
Le 31 mars 2016, un des quatre générateurs de vapeur de la centrale de Paluel, qui devait être remplacé dans le cadre du grand carénage, a basculé lors d’une opération de manutention. Haut de 22 mètres et pesant 500 tonnes, le générateur a terminé sa chute, selon l’Autorité de sûreté nucléaire, en position horizontale, en partie sur le béton du bâtiment du réacteur et en partie sur les plateaux de protection de la piscine, qui, pour certains, ont été endommagés.
Un tel incident, non prévu lors de la conception du site, aurait pu avoir des conséquences dramatiques.
Un dernier générateur de vapeur doit à son tour être sorti de la centrale, suscitant légitimement des inquiétudes. Compte tenu des risques sanitaires et environnementaux, la plus grande sécurité et l’anticipation sont indispensables. Les travaux du grand carénage devant normalement durer jusqu’au mois de novembre 2017, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les dispositions retenues et celles à venir pour garantir la sécurité lors des travaux dans ces centrales et, plus largement, les dispositions prises pour garantir la plus grande sécurité lors de leur fonctionnement.
Par ailleurs, dans un contexte de menace terroriste toujours particulièrement élevée et puisque ces sites peuvent devenir des cibles privilégiées, pouvez-vous nous indiquer les dispositions retenues pour les protéger ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, la sûreté nucléaire et la sécurité nucléaire sont une priorité pour le gouvernement français.
La garantie de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est un enjeu majeur qui justifie que des moyens techniques, organisationnels et réglementaires suffisants y soient consacrés.
Ségolène Royal a ainsi veillé personnellement à ce que l’ASN et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, soient dotés de renforts en 2017, à hauteur de 30 emplois pour l’ASN et de 20 emplois pour l’IRSN. C’est un effort exceptionnel de la part du Gouvernement.
Le 31 mars 2016, dans le cadre de la troisième visite décennale du réacteur n° 2 de Paluel, un générateur de vapeur a chuté sur le sol du bâtiment réacteur lors de son remplacement. L’analyse de l’événement et les mesures mises en place en vue du redémarrage de l’installation conduisent d’ailleurs EDF à allonger la durée prévue de cette visite décennale au-delà de deux ans.
Par lettre adressée à la ministre de l’énergie en date du 14 novembre 2016, l’exploitant EDF a déposé une demande de prorogation motivée de l’arrêt de fonctionnement. L’événement n’a pas eu de conséquence sur la sûreté nucléaire de l’installation ni d’impact sur la protection de la population et de l’environnement.
Les opérations de levage destinées à procéder à l’évacuation du générateur de vapeur ont commencé le 27 décembre et sont en cours. L’ASN contrôle la réalisation de ces opérations, sous l’angle tant de la sûreté nucléaire que de la protection des travailleurs.
Les services du ministère ont demandé qu’une analyse approfondie soit réalisée, avec un retour d’expérience pour l’ensemble du parc nucléaire national, afin qu’un tel incident ne se reproduise plus.
Par ailleurs, l’ASN a demandé récemment à EDF des contrôles sur les générateurs de vapeur de ses réacteurs dont l’acier présente une concentration élevée en carbone pouvant conduire à des propriétés mécaniques plus faibles qu’attendu.
Ces générateurs de vapeur équipent dix-huit réacteurs de 900 ou de 1 450 mégawatts électriques. Parmi ces réacteurs, douze sont équipés de fonds primaires fabriqués par le japonais JCFC susceptibles de présenter une concentration en carbone particulièrement élevée.
Les centrales nucléaires de Paluel et Penly ne sont pas concernées. Neuf des douze réacteurs concernés ont redémarré, un réacteur est en cours de redémarrage, et des contrôles complémentaires sont prévus pour les deux derniers.
Par ailleurs, dans le cadre la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, Ségolène Royal a renforcé les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l’ASN : celle-ci est désormais dotée de moyens de police plus gradués, tels que les amendes et les astreintes administratives ; la ministre de l’énergie a également doté l’ASN d’une commission des sanctions à cet effet ; par ailleurs, les modifications des installations nucléaires sont désormais soumises à autorisation de l’ASN, et non à déclaration comme auparavant ; enfin, le recours à des prestataires ou à des sous-traitants pour les activités importantes pour la sûreté est mieux encadré, et les activités qu’un exploitant doit impérativement exercer en propre et ne peut déléguer sont désormais établies.
En ce qui concerne la protection des sites sensibles, la base réglementaire a été entièrement renouvelée au titre de la responsabilité de la protection et du contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport. Les nouvelles dispositions apportent une amélioration sans précédent des exigences en matière de sécurité, à partir d’une prise en compte des nouvelles menaces.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces informations et je salue les décisions qu’a prises le Gouvernement pour renforcer les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire. Cela sera de nature à rassurer non seulement les salariés qui interviennent sur les sites de Paluel et Penly, mais aussi les populations environnantes.
fermeture de la plate-forme industrielle du courrier de nice en 2018
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1526, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur la fermeture de la plate-forme industrielle du courrier de Nice, ou PIC, en 2018.
Annoncée par la direction de La Poste l’été dernier, cette décision concerne plus de 300 agents, qui travaillent au sein de la plate-forme postale niçoise.
Celle-ci est pourtant stratégique puisqu’elle est implantée à proximité du deuxième aéroport de France et que l’ensemble du trafic postal niçois pour les particuliers et les entreprises y est géré, favorisant ainsi le maillage économique et les échanges postaux dans les Alpes-Maritimes.
L’argument avancé par La Poste pour justifier cette fermeture relève de la baisse d’activité et d’une meilleure adaptabilité au réseau. Mais cet argument paraît discordant tant le volume de colis est important et s’est fortement substitué au courrier postal traditionnel.
De plus, l’activité postale à Nice est importante puisque le groupe avait par exemple sélectionné la ville pour expérimenter le travail dominical des facteurs volontaires avant les fêtes de fin d’année 2015.
La direction de La Poste projette un transfert de la plate-forme vers Toulon, dans le Var, pour des raisons de propriété foncière, mais ce choix ne semble pas opérant pour la performance du groupe compte tenu du temps de transport postal par la route qui va considérablement augmenter le délai de transmission du courrier.
Le bail du site actuel n’étant pas renouvelable, la Métropole Nice Côte d’Azur a proposé des solutions pour conserver la plate-forme industrielle du courrier, avec des emplacements libres pour un transfert dans la plaine du Var.
Ce transfert permettrait de sauvegarder les emplois et l’activité postale dans les Alpes-Maritimes, tout en modernisant l’infrastructure.
Monsieur le secrétaire d'État, l’État détient plus de 70 % du capital de La Poste ; quelle est la logique économique de cette décision à la fois pour les salariés concernés, pour le maillage postal dans les Alpes-Maritimes et pour Nice, qui sera une des seules grandes villes de France sans plate-forme industrielle de courrier ?
Encouragez-vous La Poste à relocaliser sa plate-forme dans la plaine du Var afin de sauvegarder les emplois et conserver une activité postale qui permettra de rendre un service de qualité à nos concitoyens, sans allonger les délais de remise du courrier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, La Poste est engagée dans une transformation sans précédent de son modèle industriel, économique et social.
Le développement des échanges numériques, la baisse significative et irréversible du volume du courrier et la diminution concomitante de la fréquentation des bureaux de poste d’en moyenne 6 % par an qui en résulte ont profondément remis en cause son cœur de métier.
Cette transformation est indispensable pour assurer l’avenir économique de La Poste et lui donner les moyens de continuer à assumer les missions de service public que l’État lui a confiées, tout en développant de nouvelles activités adaptées aux attentes actuelles.
Ainsi, dans les domaines du colis et de la logistique de proximité, La Poste doit impérativement moderniser son outil industriel et faire évoluer son organisation pour rester concurrentielle sur ces marchés porteurs d’avenir pour l’entreprise.
C’est dans ce contexte que La Poste a souhaité réorganiser son activité de tri dans la région niçoise. La plate-forme industrielle de courrier existante implantée dans la zone aéroportuaire de Nice est devenue vétuste, mais aussi nettement surdimensionnée par rapport au volume de courrier à traiter, et s’avère inadaptée à la croissance prévue de l’activité logistique.
Par ailleurs, les autorités aéroportuaires ont exprimé de longue date leur souhait de récupérer le terrain occupé par la plate-forme afin d’y implanter d’autres activités.
Les collectivités locales sont également intéressées par ce terrain pour des projets d’aménagement comme la desserte de l’aéroport par le tramway.
Par conséquent, après avoir étudié différentes solutions, La Poste a décidé de transférer, d’ici à 2019, l’activité de traitement du courrier de la plate-forme de Nice vers celle de Toulon-La Valette, qui sera agrandie et modernisée afin de pouvoir traiter les courriers de toute la Côte d’Azur. Ce transfert est déjà engagé : un quart du courrier des Alpes-Maritimes est actuellement trié à Toulon.
En parallèle, La Poste prévoit d’investir pour renforcer sa présence dans les Alpes-Maritimes. Elle recherche des terrains dans les agglomérations de Nice et Cannes pour relocaliser l’activité « concentration-dispersion » de la PIC de Nice et pour implanter deux sites logistiques de plusieurs milliers de mètres carrés.
La Poste a rencontré les collectivités et partenaires concernés : mairie de Nice, communauté d’agglomération et établissement public d’aménagement de la plaine du Var. Elle étudie les différentes propositions et devrait rendre ses décisions dans les prochains mois.
Ces réorganisations seront conduites sans aucun licenciement et La Poste a mis en place des mesures d’accompagnement adaptées pour les agents. Des activités nouvelles offriront des opportunités de nouveaux métiers pour les personnels de la PIC de Nice. Un plan de formation adapté sera proposé aux postiers concernés. De nouveaux parcours professionnels seront construits en fonction des choix de métier, des compétences, des souhaits et du lieu de résidence de chacun.
Sur les 336 agents de la plate-forme, plus d’une centaine seront en situation de partir à la retraite ou pourront bénéficier de mesures d’âge d’ici à 2018. Une centaine rejoindront la plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Carros.
L’objectif de La Poste est bien de développer des activités de services au plus près des habitants de Nice. Ces projets d’investissements industriels dans les plates-formes de traitement du courrier permettront à La Poste d’offrir des services répondant aux nouvelles attentes de ses clients, professionnels, particuliers et collectivités. Elle prévoit par exemple la mise en place d’un service de livraison des colis le soir.
L’État est très attentif au bon accomplissement par La Poste de ses missions de service public. Il suit de très près les objectifs en matière de qualité de service. En 2015, 14 des 15 objectifs mesurant la qualité du service universel postal ont été atteints au niveau national. Le prochain contrat d’entreprise, dont la préparation vient d’être engagée, sera l’occasion pour l’État de rappeler son attachement à la bonne exécution, mais aussi à la modernisation des missions de service public de La Poste.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse n’est pas de nature à rassurer les nombreux salariés du site – même si vous nous assurez qu’il n’y aura pas de perte d’emplois –, à rassurer les élus du département des Alpes-Maritimes, qui, quelle que soit leur couleur politique, sont tous rassemblés et unis pour demander le maintien de la plate-forme industrielle du courrier de Nice sur un terrain qu’a proposé la Métropole et, surtout, à permettre l’adaptation de ce terrain et de cette nouvelle structure aux évolutions que connaît La Poste.
La Cour des comptes, dans son rapport, précise bien que l’État doit accompagner l’entreprise dans ces évolutions. Aussi, j’ose espérer que l’État pèsera encore de tout son poids auprès de celle-ci pour que cette réflexion ne se fasse pas au détriment du département des Alpes-Maritimes, des salariés de La Poste, de nos concitoyens, qui ont besoin d’un service de qualité.
Demandez à La Poste de trouver avec les élus une solution adaptée au département des Alpes-Maritimes pour assurer le meilleur service qui soit à nos concitoyens et, surtout, préserver ces emplois. Après 2018, nous devons disposer sur ces terrains d’une structure adaptée à ces nouvelles évolutions, beaucoup plus performante. Nous comptons véritablement sur l’accompagnement de l’État auprès de la direction de La Poste. Ce combat sera long, mais nous ne lâcherons pas !
obstacle à la mise en place d'un accueil échelonné en petites sections de maternelle
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, en remplacement de M. Robert Navarro, auteur de la question n° 1579, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Mireille Jouve, en remplacement de M. Robert Navarro. Monsieur le secrétaire d'État, mon collègue Robert Navarro a été saisi par plusieurs enseignants, parents d’élèves et élus locaux sur la question de l’accueil échelonné pour les petites sections de maternelle.
De plus en plus, des équipes éducatives veulent mettre en place un accueil échelonné sur deux jours des élèves inscrits en première année de maternelle.
Ce type d’accueil rencontre un véritable succès auprès des enfants d’abord – c’est là notre priorité à tous –, ainsi qu’auprès des parents et des enseignants. Une telle unanimité mérite d’être saluée et encouragée !
Vous le savez, ces premiers jours ne sont jamais simples pour un petit enfant de trois ans – parfois moins –, que ses parents laissent dans un lieu inconnu, avec des personnes inconnues, entouré d’autres enfants qui se sentent perdus.
L’accueil échelonné permet d’améliorer cette étape si importante pour les enfants ; elle permet de respecter ces derniers, ainsi que leurs parents, en leur accordant le temps nécessaire pour être écoutés, reconnus, informés, rassurés. Elle permet de nouer un lien de proximité dès le premier jour, et chacun sait combien celui-ci sera nécessaire, primordial, afin que l’enfant s’adapte à ce nouvel environnement, tout en plaçant le parent dans son rôle de parent d’élève.
Je suis sûre que vous partagez, avec l’ensemble de la communauté éducative, l’objectif d’améliorer la qualité de l’accueil et le bien-être du tout jeune enfant à l’école, cela d’autant plus que peu d’enfants ont la chance de faire l’apprentissage de la vie en collectivité via la crèche. De plus, cette mesure simple a un coût nul pour le budget de l’État.
Un dernier point, non négligeable : dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons, une telle rentrée progressive permet à l’ensemble de l’équipe d’identifier plus rapidement les visages des nouveaux parents. C’est donc aussi un dispositif efficace supplémentaire pour la sécurité de l’école au moment de la rentrée.
Monsieur le secrétaire d'État, cette idée simple et gratuite rencontre néanmoins un obstacle : même lorsqu’il y a unanimité au conseil d’école entre les enseignants, la directrice, les parents d’élèves et les élus, une inspectrice de circonscription peut en effet décider, seule, de tout empêcher. Je cherche un autre mot que « absurde », mais je n’en trouve pas.
Aussi, je vous serais particulièrement reconnaissante de donner des consignes claires aux directeurs académiques des services de l’éducation nationale, les DASEN, afin qu’ils imposent aux inspecteurs de circonscription le respect de la volonté du conseil d’école sur ce point. Il s’agit non pas, bien sûr, d’imposer l’accueil échelonné partout en France, mais seulement de permettre à la communauté éducative de décider de la meilleure organisation possible au sein du conseil d’école. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, parce qu’elle concerne des « tout-petits » ayant des besoins spécifiques, la scolarisation précoce nécessite en effet un projet éducatif particulier.
La circulaire du 18 décembre 2012 insiste sur le nécessaire dialogue avec les familles, et les horaires d’entrée et de sortie peuvent être assouplis par rapport à ceux des autres classes, selon une organisation régulière convenue avec les parents, de façon à respecter le rythme de ces jeunes enfants. Ils peuvent donc être accueillis chaque jour de manière échelonnée, avec une amplitude horaire adaptée à leurs besoins.
Des ressources pédagogiques d’accompagnement, accessibles en ligne sur le site eduscol.education.fr, proposent aux enseignants des activités adaptées et les conditions d’accueil à mettre en œuvre pour ces publics.
De leur côté, les inspecteurs de l’éducation nationale – les IEN – chargés de l’école maternelle impulsent des actions et apportent leur expertise, leurs conseils et de la formation aux IEN de circonscription du premier degré, aux équipes de circonscription et aux enseignants afin de prolonger ce travail.
La formation des formateurs a été renforcée par la création d’une option « maternelle » au CAFIPEMF – certificat d’aptitude aux fonctions d’instituteur ou de professeur des écoles maître-formateur –, permettant de constituer un réseau de professionnels experts.
De même, la circulaire du 9 juillet 2014 relative à l’établissement du règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires publiques invite à prendre en compte les réalités de chaque territoire et à étudier localement chaque situation.
Pour le département de l’Hérault, l’accueil échelonné des élèves en maternelle est une pratique ancienne et généralisée, et aucune consigne n’a été donnée au niveau académique pour en restreindre la portée.
Mais comme vous le savez, madame la sénatrice, la prolongation de l’état d’urgence et le niveau Vigipirate actuel imposent des mesures particulières de vigilance vis-à-vis des établissements scolaires, et certaines mesures impliquent l’intervention des collectivités territoriales compétentes pour les infrastructures scolaires.
Et c’est bien dans ce cadre que certains maires ont pris des dispositions pouvant restreindre ponctuellement l’échelonnement et l’entrée des parents dans l’école, avec pour objectif de garantir la sécurité des écoles, qui reste une priorité absolue pour le Gouvernement.
ouverture d'une classe préparatoire à dreux
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1585, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Chantal Deseyne. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur l’ouverture d’une classe préparatoire à Dreux.
Le rectorat de l’académie d’Orléans-Tours ainsi que les divers corps d’inspection ont tous donné un avis favorable à l’ouverture d’une classe préparatoire technique-physique-chimie au lycée Rotrou de Dreux. Cette ouverture avait même été budgétée. Le coût de la création de cette classe préparatoire est limité, car le lycée dispose de tous les équipements nécessaires à cette formation, ainsi que des professeurs capables d’enseigner dans cette section.
L’ouverture de cette classe préparatoire était si avancée que cette nouvelle formation apparaissait sur le site d’inscription pour les admissions post-bac, géré par le ministère, avant de disparaître pendant les vacances de Noël 2015.
Au mois de mars suivant, le recteur m’a informée par courrier que son avis favorable était acquis pour le projet d’ouverture d’une classe préparatoire dans ce lycée pour la rentrée de septembre 2017.
Or les enseignants et les personnels viennent d’apprendre avec consternation le refus du ministère. Cette décision, qui semble arbitraire, est d’autant plus regrettable que le bassin drouais est la capitale du cluster d’industries pharmaceutiques Polepharma et du centre de la Cosmetic Valley, qui proposent de nombreux emplois dans les domaines enseignés dans une classe préparatoire physique-chimie.
Le lycée Rotrou accueille des élèves issus de catégories socioprofessionnelles différentes et plutôt défavorisées. L’ouverture de cette classe préparatoire permettait d’offrir une voie d’orientation d’excellence à des élèves parfois brillants, mais qui n’ont pas les moyens de poursuivre des études longues.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais connaître les raisons qui ont motivé au dernier moment ce revirement deux années de suite, privant ainsi les élèves d’une insertion professionnelle accessible, qualifiante et valorisante.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, à la rentrée 2016, ce sont 86 500 étudiants qui ont été accueillis en classe préparatoire aux grandes écoles dans 365 lycées, dont près de 83 % d’établissements publics et 17 % d’établissements privés.
Avec un contingent en hausse continuelle, la filière scientifique concentre à elle seule près des deux tiers de ces effectifs. La répartition territoriale de ces classes est déséquilibrée puisqu’un étudiant de classes préparatoires aux grandes écoles sur trois étudie en Île-de-France.
Il existe trois sections technologie-physique-chimie : une à Mulhouse, dans le Haut-Rhin, une à Montpellier, dans l’Hérault, et une à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne.
À la suite de la dernière rénovation de la voie technologie-physique-chimie en 2013, il a été proposé d’accroître le nombre de divisions, notamment au regard de places ouvertes pour cette voie dans les écoles d’ingénieurs.
Dans le cadre des modifications de la carte des implantations des classes préparatoires en vue de la rentrée universitaire 2017, trois demandes d’ouverture de classe technologique-physique-chimie provenant des académies de Bordeaux, Lyon et Orléans-Tours ont été adressées à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.
Si ces trois projets de qualité bénéficiaient bien d’un avis favorable des recteurs concernés, il était exclu de répondre favorablement à chacun d’entre eux, car le doublement de l’offre de formation aurait introduit un déséquilibre compte tenu du nombre de places de concours réservées aux étudiants de cette filière, à savoir moins de quarante.
C’est à la lumière de ce constat que la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a pris la décision, après expertise des services de son ministère, de ne pas donner une suite favorable à la demande du lycée Rotrou de Dreux, cette ville étant proche du bassin francilien, où se trouve la section de Saint-Maur-des-Fossés.
Enfin, j’ajoute que, s’agissant d’un cursus généraliste non diplômant, la décision d’ouverture d’une classe préparatoire aux grandes écoles doit se fonder sur les débouchés offerts en école et non sur les débouchés professionnels, afin que l’orientation de chaque élève s’inscrive dans un parcours cohérent.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait que partiellement. Je vous mets au défi d’envoyer des élèves drouais à Saint-Maur-des-Fossés pour suivre une formation, sachant que cette population est relativement peu mobile.
Je précise également que le bassin drouais souffre : le taux de chômage y est de 12 %, alors qu’il s’établit à 10 % sur l’ensemble du département.
Enfin, je regrette, alors que les entreprises du pôle d’excellence pharmacie-cosmétique peinent à recruter des personnels qualifiés, qu’il n’y ait pas une adéquation entre les offres de formation et les emplois locaux. (Mme Sophie Primas applaudit.)
réforme de l'éducation prioritaire
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 1539, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je regrette que Mme la ministre de l’éducation ne soit pas présente pour répondre à une question aussi importante.
Une nouvelle fois, j’interpelle le Gouvernement au sujet des conséquences de la réforme de l’éducation prioritaire pour les lycées classés jusqu’alors en zone d’éducation prioritaire, ou ZEP.
Les inquiétudes que j’avais exprimées dès 2014 quant au choix, fait par le ministère, de traiter « à part » le cas des lycées dans cette réforme se confirment. Il y a moins d’un mois, lors des questions d’actualité au Gouvernement, j’ai demandé à Mme la ministre de maintenir les lycées de ZEP dans la carte de l’éducation prioritaire.
Depuis la rentrée de septembre dernier, la mobilisation ne faiblit pas. De plus en plus d’établissements rejoignent le collectif « Touche pas à ma ZEP », qui concerne désormais vingt académies.
En réponse, lors d’un déplacement à Marseille, Mme la ministre a annoncé un plan qualifié d’« exceptionnel » de 450 postes supplémentaires pour la rentrée 2017.
Dans l’académie de Versailles, 40 postes sont ainsi attribués. Mais, jusqu’à présent, il est impossible de connaître leur répartition dans les établissements. Le directeur académique des Hauts-de-Seine, que j’ai interrogé, ne m’a pas répondu !
Le ministère est sans doute conscient que, en dévoilant ces chiffres trop en détail, il révélerait l’insuffisance des moyens annoncés.
En revanche, ce qui est certain, c’est que les premières prévisions de dotations horaires globales, les DHG, commencent à être communiquées établissement par établissement.
Dans le département dont je suis l’élue, qui compte douze lycées ZEP relevant principalement de l’enseignement professionnel, que constatent déjà les équipes ? Des heures en moins pour la prochaine rentrée et cela pour le même nombre d’élèves.
Les annonces ne sont donc pas à la hauteur des enjeux, et l’argument selon lequel il serait trop tard pour définir une nouvelle carte de l’éducation prioritaire ne tient pas : précisément, le ministère a dû plancher sur les critères déterminant la répartition de ces 450 postes, même si cette dernière n’est pas connue. Pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion pour établir une carte de l’éducation prioritaire élargie aux lycées de ZEP ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, avant tout, je vous prie de bien vouloir excuser Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, qui ne pouvait être présente ce matin.
Si la réforme de l’éducation prioritaire menée durant ce quinquennat a d’abord concerné l’école et le collège, il a constamment été rappelé qu’un tel travail devait, ensuite, être mené pour les lycées.
Bien sûr, cette réforme devra conduire à actualiser la liste des établissements qui se heurtent objectivement au plus grand nombre de difficultés sociales et scolaires. Ainsi, il sera possible de mieux les accompagner grâce à un effort financier soutenu et à l’élaboration d’un référentiel pédagogique, lequel permettra d’atteindre les ambitions assignées à l’éducation prioritaire.
Il va sans dire que cette réforme devra passer par une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.
En attendant, la ministre de l’éducation nationale a pris des engagements forts en faveur des lycées généraux et professionnels relevant de l’éducation prioritaire, ainsi que pour les établissements scolarisant les élèves les plus défavorisés.
Depuis 2015, ces lycées bénéficient à titre prioritaire de la nouvelle allocation progressive des moyens. Ainsi, les moyens d’enseignement et d’éducation sont répartis entre établissements proportionnellement aux difficultés économiques, sociales et scolaires de leurs élèves. Une dotation exceptionnelle de 450 emplois nouveaux est d’ores et déjà programmée, pour la rentrée 2017, pour les établissements les plus en difficulté.
Par ailleurs, toutes les dispositions ont été prises pour sécuriser les rentrées 2017, 2018 et 2019, qu’il s’agisse du maintien des indemnités des enseignants ou des droits attachés à leur mutation, mais aussi pour garantir, et c’est important, le maintien de tous les moyens supplémentaires dont bénéficient ces lycées.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La réponse du Gouvernement est invariable. Toutefois, pourquoi ne pas avoir traité la réforme dans son ensemble en y incluant les lycées ?
Madame la secrétaire d’État, vous invoquez la création de 450 postes supplémentaires, que je ne conteste pas. Je fais simplement observer la faiblesse et le saupoudrage des moyens déployés. Surtout, j’insiste sur ce point : au sein des académies, on ignore toujours tout de la répartition de ces moyens, établissement par établissement !
Je m’inquiète de ce qui pourrait résulter de ces mesures. En particulier, j’ai peur de voir les lycées exclus de l’éducation prioritaire.
Dans le département dont je suis l’élue, ce sont surtout des lycées d’enseignement professionnel qui sont concernés. On connaît le rôle joué au titre de la remédiation par ces lycées, qui proposent des diplômes à des jeunes et, ainsi, évitent qu’ils ne quittent le système scolaire sans qualification. Cette perspective me navre profondément !
Par votre intermédiaire, j’attire l’attention du Gouvernement sur une tribune que 300 universitaires ont publiée dans Libération le 12 janvier dernier. Les signataires appellent urgemment à la publication de cette carte scolaire, que je réclame moi aussi.
situation financière du centre hospitalier de la rochefoucauld
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 1570, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Michel Boutant. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation financière et budgétaire du centre hospitalier de La Rochefoucauld.
Cet établissement, structurant pour son environnement dans le département de la Charente, affiche un déficit cumulé de 3,5 millions d’euros, dont 760 000 euros pour l’année en cours, et une suppression prévisionnelle de vingt et un postes.
Grâce à la nomination récente d’un nouveau directeur, les relations avec le personnel, et particulièrement les organisations syndicales, sont maintenant apaisées. C’est une bonne chose. Mais les problèmes ne sont pas résolus pour autant. La situation dans laquelle se débattent le centre hospitalier et son personnel reste très dégradée.
Les restructurations précédentes sont arrivées au bout de ce qu’il est possible et acceptable de demander aux personnels comme aux patients et à leur famille. Des équipements sont autorisés, mais non financés. Les salariés ont accepté de réviser les accords de réduction du temps de travail pour application à compter du 1er janvier dernier. Les banques n’acceptent plus de financer des investissements pourtant indispensables, et les fournisseurs eux-mêmes sont frileux à servir l’établissement. Une impasse de trésorerie commence à se dessiner.
Ces éléments sont de nature à justifier une intervention rapide et durable des services de l’État en vue d’assurer la pérennité de l’offre de santé dans cette partie du territoire de la Charente.
Je vous demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour apporter une réponse à la situation urgente et inquiétante dans laquelle se trouve l’hôpital de La Rochefoucauld, et ainsi apaiser les inquiétudes.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, les hôpitaux publics sont bien au cœur de l’action de ce gouvernement, et en particulier de la ministre de la santé, Marisol Touraine, que je vous prie de bien vouloir excuser.
En effet, les hôpitaux publics sont au centre de notre système de santé, singulièrement dans les territoires où l’on constate un risque de désertification médicale. C’est un rôle structurel que joue, dans son ressort, un établissement comme celui de La Rochefoucauld.
Voilà pourquoi l’Agence régionale de santé de la Nouvelle Aquitaine suit et accompagne la situation économique du centre hospitalier de La Rochefoucauld depuis l’apparition des difficultés que vous avez évoquées.
Ainsi, dans le cadre de la reconstruction de ses bâtiments destinés aux activités sanitaires et aux soins de suite et de réadaptation, le centre hospitalier a bénéficié dès 2015 d’une revalorisation de sa dotation annuelle de financement de 350 000 euros par an, ainsi que d’une subvention d’investissement de 500 000 euros.
Cette importante opération de reconstruction a d’ailleurs joué un rôle majeur pour améliorer l’attractivité de cet établissement, tant pour les patients que pour les personnels hospitaliers.
Néanmoins, le contexte économique de l’établissement a également exigé la mise en œuvre de mesures organisationnelles permettant d’assurer un meilleur service rendu aux patients.
Un plan de restructuration a été proposé par la nouvelle direction commune mise en place avec le centre hospitalier d’Angoulême. Ce plan a été adopté par le conseil de surveillance du centre hospitalier de La Rochefoucauld. Il a permis à l’établissement de bénéficier d’un accompagnement financier de 1 million d’euros en 2016.
Monsieur le sénateur, Mme Touraine suit de très près la situation du centre hospitalier de La Rochefoucauld. L’ensemble des services du ministère de la santé ont une attention particulière pour cet établissement. Le Gouvernement entend bien s’assurer de la pérennisation de cette offre de soins locale, qui répond aux besoins du territoire.
accès aux soins bucco-dentaires
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, auteur de la question n° 1580, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Isabelle Debré. Madame la secrétaire d’État, les soins dentaires sont devenus inabordables pour beaucoup de Français. Dans un récent rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes relève que près d’un Français sur cinq renonce aux soins, proportion deux fois supérieure à la moyenne européenne.
Quelles en sont les raisons ?
La Cour constate tout d’abord une diminution régulière des remboursements effectués par l’assurance maladie. La part des dépenses de soins dentaires prise en charge par l’assurance maladie est tombée à 33 %, les assurances complémentaires en supportant 39 % et les patients environ le quart.
Le reste à charge se révèle très élevé pour la plupart de nos concitoyens, raison pour laquelle nombre d’entre eux renoncent, en particulier, aux soins prothétiques, d’implantologie et orthodontiques, coûteux et peu remboursés.
La Cour des comptes avance une autre explication au renoncement des soins bucco-dentaires : la répartition très disparate des praticiens, qui conduit à une inégalité entre les territoires.
En matière dentaire comme en médecine de ville, nos concitoyens sont confrontés à ce que certains qualifient de « déserts médicaux ».
La Cour des comptes préconise une restauration de l’action publique et une refondation de la prise en charge, notamment par la mise en œuvre d’une politique active de santé bucco-dentaire et par la fixation d’objectifs conventionnels beaucoup plus ambitieux.
Dès lors, ma question est simple et grave : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre très rapidement, tout d’abord, pour permettre à chacun de bénéficier d’une meilleure couverture des soins dentaires, ensuite, pour améliorer la situation sanitaire de l’ensemble de la population et, enfin, pour maîtriser plus strictement les coûts de la santé bucco-dentaire ? La qualité et l’accessibilité des soins bucco-dentaires est assurément un enjeu de santé publique.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice Isabelle Debré, l’accès aux soins dentaires est effectivement une préoccupation majeure de nos concitoyens en matière de santé. C’est aussi un sujet d’attention essentiel pour la ministre de la santé, Marisol Touraine, que je vous prie de bien vouloir excuser. En effet, les soins bucco-dentaires ne concernent pas uniquement la bouche et les dents (Mme Isabelle Debré acquiesce.) : ils mettent en jeu l’ensemble de la santé d’un individu, avec tous les problèmes infectieux ou les questions liées à la nutrition que cela peut impliquer.
À l’heure actuelle, 25 % des soins restent à la charge des ménages. Cette situation n’est plus acceptable. Entre 2005 et 2015, les taux de dépassements sur les prothèses ont augmenté de 66 points. Sur certains actes prothétiques courants, les dépassements moyens atteignent jusqu’à 400 %. En contrepartie, des soins dits « conservateurs » ne sont pas pris en charge à leur juste valeur.
Cet état de fait est ancien. Il est bien antérieur à ce quinquennat. Il conduit les dentistes à limiter certains soins réalisés parfois à perte au profit d’actes plus lucratifs.
Le cadre que Marisol Touraine a fixé, et que le Parlement a voté, pour les négociations entre les chirurgiens-dentistes et l’assurance maladie, est un réel changement de paradigme pour toute cette profession. Il se résume en deux actions indissociables : un plafonnement des dépassements d’honoraires et une revalorisation des soins conservateurs.
Je ne parle pas d’un plafonnement qui ne concernerait que les dentistes présentant des habitudes tarifaires à la marge. Toute la profession sera concernée dans sa pratique quotidienne, à la fois par les mesures de limitation tarifaire et par d’importantes revalorisations de certains soins.
Madame la sénatrice, vous souhaitez connaître les mesures qui seront rapidement mises en œuvre. La négociation conventionnelle s’achève le 31 janvier prochain.
Vous connaissez l’attachement de Mme la ministre de la santé à cette réforme. C’est pourquoi une mesure a été introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, afin de garantir l’aboutissement de ces modifications tarifaires. En effet, en cas d’échec des négociations, un arbitrage extérieur prendra le relais des partenaires conventionnels.
En garantissant un accès aux soins plus juste, en diminuant le reste à charge et en valorisant le travail de prévention primaire – il s’agit également de cela ! – et secondaire des dentistes, les évolutions à venir modifieront durablement la pratique des soins dentaires en France, dans l’intérêt de tous les Français.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui ne me satisfait cependant qu’à moitié. Je vais attendre les résultats de la négociation en cours. S’ils me conviennent, ainsi qu’à mes collègues et, surtout, à nos concitoyens, j’en prendrai acte. Si tel n’est pas le cas, je vous interrogerai de nouveau sur ce sujet.
C’est quelque chose de très urgent, que nos compatriotes attendent avec beaucoup d’impatience. Il est absolument anormal que les Français ne puissent pas tous avoir, de manière équitable, accès aux soins dentaires.
émanations dangereuses dans les cabines d'avions
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, auteur de la question n° 1545, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Colette Giudicelli. Madame la secrétaire d’État, en juillet 2012, par le biais d’une question écrite, j’avais déjà alerté le ministère dont vous relevez sur un problème qui a pris de l’ampleur dans le monde entier : l’intoxication des cabines d’avions.
Plusieurs associations et syndicats professionnels de personnels navigants, s’appuyant sur des études médicales, envisagent de porter en justice les conséquences de ces intoxications. Il s’agit en effet d’un sujet très grave soulevant un véritable défi de santé publique.
Actuellement, la plupart des avions utilisent un système où l’air respiré est dirigé de l’extérieur de l’appareil dans la cabine par les compresseurs des moteurs principaux. Il faut savoir que, si l’industrie aéronautique est passée à ce système, c’est essentiellement pour des raisons de coûts.
Plusieurs documents officiels, dont une circulaire établie par l’Organisation de l’aviation civile internationale en 2015, indiquent que des émanations dangereuses provenant d’huiles de moteur peuvent contaminer le système d’alimentation en air de la cabine et du poste de pilotage.
Ces huiles contiennent notamment du trichlorophénol, ou TCP, et d’autres éléments chimiques extrêmement dangereux.
Ces inhalations peuvent entraîner de graves symptômes neurologiques. Or il n’existe aucun détecteur d’émanations dangereuses dans les avions.
De plus, les équipages ne sont absolument pas formés pour détecter avec certitude une intoxication de la cabine.
En cas d’incident, l’utilisation des masques à oxygène ne sert pas à grand-chose : seule la moitié de l’air distribué par ces masques est composé d’oxygène pur, l’autre moitié provenant directement de la cabine.
Diverses études signalent que les incidents les plus dangereux concernent environ cinq vols par semaine dans le monde.
Je vous demande votre avis sur cette question, et je vous remercie par avance de votre réponse. À mon sens, il serait bon que le ministère de la santé obtienne une étude épidémiologique indépendante et à grande échelle.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la question des émanations aérotoxiques pouvant survenir dans les cabines d’avions.
Le sujet de la qualité de l’air dans les cabines d’avions fait l’objet d’un suivi attentif de la part de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, l’AESA.
Pour mémoire, cette instance a été créée par l’Union européenne en 2003. Son objectif est de promouvoir et maintenir un niveau élevé et uniforme de sécurité dans le domaine de l’aviation civile en Europe.
En 2009, cette Agence a lancé un processus visant à déterminer si des exigences devaient être édictées quant à la qualité de l’air dans les cabines d’avions. Après examen des études publiées disponibles et de l’information recueillie au cours de ce processus, elle a conclu qu’une intervention immédiate et générale ne se justifiait pas, dans la mesure où aucune relation de cause à effet n’avait été établie entre les symptômes parfois ressentis et une contamination par l’huile ou des fluides hydrauliques.
Néanmoins, en 2015, l’AESA a souhaité mettre à jour les connaissances dans ce domaine. Une étude est en cours. Elle prévoit la réalisation de mesures de la qualité de l’air à l’intérieur d’avions en vol, au niveau de la cabine et du poste de pilotage.
Dès que ces données seront disponibles, le lancement d’une étude épidémiologique pourra, le cas échéant, être envisagé.
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.
Mme Colette Giudicelli. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. La sensibilisation et la formation des équipages me semblent absolument essentielles. J’insiste sur le fait qu’il s’agit là d’une question très préoccupante : ce qui est en jeu – ne l’oublions pas –, ce n’est rien de moins que la santé des millions de personnes qui prennent l’avion tous les jours !
difficultés financières des associations de services à la personne
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 1584, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation financière difficile des associations de services à la personne.
Vous le savez, dans le cadre de ses compétences, le conseil départemental accompagne la prise en charge des personnes âgées et/ou handicapées. Ainsi, à travers l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, il rembourse leur tarification aux associations de services à la personne.
Dans le département dont je suis l’élu, le Nord, le montant de la tarification remboursée à ces structures de services à la personne n’a pas évolué depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, il semble totalement figé : il est gelé à 17,50 euros, alors que la moyenne nationale s’établit à plus de 20 euros. Vous constatez d’ores déjà le différentiel subi par un département comme le Nord.
Ces structures jouent un rôle crucial dans notre société, en assurant à nos concitoyens en situation de perte d’autonomie des services de plus en plus personnalisés qui leur sont indispensables au quotidien.
Malgré cela, ces structures sont confrontées à des difficultés financières croissantes. L’enjeu, aujourd’hui, c’est ni plus ni moins que leur survie et la pérennité de leurs emplois. Les déficits, les redressements judiciaires et les menaces de licenciements se multiplient, ce qui affecte également les conditions de travail de tous ces agents.
Ainsi, le recours au temps de travail partiel se généralise, alors que les besoins en accompagnement de la population vieillissante ne cessent de croître dans notre pays. Nous sommes donc face à un véritable enjeu de société.
Je vous demande donc de bien vouloir m’indiquer les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour pallier les difficultés financières importantes auxquelles sont confrontées les associations de services à la personne, en particulier dans le département du Nord, et ainsi renforcer la pérennisation de ce secteur d’activité essentiel à l’avenir de notre population.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, depuis plusieurs années, le secteur de l’aide à domicile fait l’objet d’un important soutien de la part de l’État. Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées, et moi-même y sommes très attentives.
La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, ou loi ASV, a été préparée en concertation étroite avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Elle comporte un certain nombre de mesures en direction du secteur de l’aide à domicile, qui incluent un financement pérenne reposant sur la solidarité nationale.
La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, qui permet de conduire ces réformes, représente environ 740 millions d’euros. Elle a permis, en grande partie, de financer la réforme de l’APA, avec une revalorisation des plans d’aide et une baisse du reste à charge, ce qui est de nature à favoriser l’activité des services d’aide à domicile.
Le Gouvernement a également décidé d’aider financièrement le secteur en compensant les dépenses nouvelles des départements à la suite de l’augmentation des salaires de 1 %, décidée dans le cadre des accords de la branche d’aide à domicile et rétroactive au 1er juillet 2014, dans le cadre d’une enveloppe annuelle de 25 millions d’euros.
En outre, un fonds de restructuration de l’aide à domicile a été créé en 2012. Dans ce cadre, 130 millions d’euros sont mobilisés pour remédier aux difficultés rencontrées par certains services. Un nouvel abondement de ce fonds de 25 millions d’euros a été mis en œuvre pour 2016, et cette action se poursuit en 2017 dans un cadre rénové.
Enfin, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017 contiennent de nouvelles mesures visant à renforcer le soutien du Gouvernement à ce secteur.
Je songe notamment à l’extension, dès 2017, du crédit d’impôt à destination des personnes en perte d’autonomie non imposables. Ce crédit d’impôt, à hauteur de 1 milliard d’euros, permettra de renforcer l’accès à des services d’aide. Il pourra bénéficier à 1,3 million de ménages.
Je pense surtout à l’extension du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi au secteur privé non lucratif. Financé à hauteur de 600 millions d’euros, ce CICE associatif permettra un abattement de 4 % de la masse salariale pour tous les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, ce qui est considérable pour l’ensemble des associations de ce secteur. Je me suis livrée à un rapide calcul : pour une structure employant 70 équivalents temps plein –, cette aide équivaut à deux équivalents temps plein supplémentaires.
Enfin, un fonds d’appui aux bonnes pratiques conjointes des départements et des services d’aide à domicile sera créé et financé à hauteur de 50 millions d’euros. Ce dispositif est destiné à soutenir les conseils départementaux et services d’aide à domicile qui, dans le cadre d’une démarche volontaire déclinée au titre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, s’engagent à respecter les bonnes pratiques en matière de libre choix des personnes âgées de leur service d’aide à domicile, de juste tarif et de conditions de travail adaptées.
Chaque conseil départemental pourra également demander à bénéficier de ce fonds pour être aidé à définir sa stratégie territoriale dans le champ de l’aide à domicile et ses modalités de pilotage. L’appel à candidatures s’est tenu entre le 23 novembre 2016 et le 20 janvier dernier : il vient de prendre fin.
J’évoquerai en un mot la mission parlementaire sur la tarification et l’évolution des services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui a été confiée à M. le sénateur Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Présent ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cette mission devra permettre de mieux identifier les difficultés rencontrées sur les territoires. Dans le cadre de ces travaux, des représentants du conseil départemental du Nord ainsi que d’associations intervenant dans son ressort ont notamment été rencontrés.
Enfin, le Gouvernement va lancer au cours du mois de février 2017 une campagne visant à rendre plus attractifs les métiers du domicile.
Monsieur Dominique Bailly, vous le constatez, les structures de services à la personne sont au cœur des préoccupations et de l’action de ce gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je ne doutais pas de l’accompagnement assuré par le Gouvernement sur ce dossier essentiel. Il s’agit là d’un véritable enjeu de société.
Chaque année, dans chaque budget, il faut garantir les évolutions et les améliorations nécessaires pour que les collectivités territoriales puissent continuer à assumer leurs missions.
À ce titre, je tiens à remercier mon collègue Georges Labazée du travail qu’il mène au titre de la mission qui lui est confiée. C’est en tenant compte des actions de proximité et des particularités des différents départements que l’on pourra améliorer les dispositifs existants.
déserts médicaux
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1507, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, bien que le nombre de médecins n’ait jamais été aussi élevé en France, la désertification médicale ne cesse de s’aggraver.
Les disparités territoriales sont de plus en plus alarmantes : alors que la ville de Paris compte 8 médecins pour 1 000 habitants, le département de l’Eure, dont je suis l’élu, en dénombre 2 pour 1 000 habitants.
Toutes spécialités confondues, 86 départements enregistrent une baisse de la densité médicale sur la période 2007-2016.
Une étude récente révèle que 14,6 millions de personnes vivaient en 2016 dans un territoire où l’offre de soins libérale est « notoirement insuffisante ».
En quatre ans, plus du quart des Français ont vu diminuer le nombre de médecins généralistes accessibles à moins de trente minutes en voiture.
Plus grave encore, le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous n’a cessé d’augmenter depuis 2012.
Aujourd’hui, deux Français sur trois renoncent à des soins à cause des délais d’attente. Ils étaient 59 % en 2012. Pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste, le délai est en moyenne de 110 jours.
Voilà le triste bilan du Gouvernement en termes de démographie médicale.
Je vous rappelle que, depuis 2009, avec un certain nombre de mes collègues, je propose l’extension aux médecins du conventionnement sélectif en fonction de la zone d’installation.
En vertu de ce dispositif, un médecin resterait, naturellement, libre de son installation, mais, pour s’installer dans une zone surdotée, il devrait soit remplacer un confrère partant dans un autre secteur, soit renoncer au conventionnement.
Ce dispositif existe déjà pour un grand nombre de professions de santé et il a fait la preuve de son efficacité. Il a, par exemple, permis d’augmenter de 30 % le nombre de kinésithérapeutes dans les zones sous-dotées.
Les mesures incitatives que vous prônez sont sans doute nécessaires, mais elles sont insuffisantes. Vingt-cinq ans de politiques purement incitatives le prouvent, malheureusement.
Il ne s’agit pas de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux », comme l’appelait de ses vœux Mme Marisol Touraine en 2011, mais de réguler cette liberté, comme toute liberté, et de la soumettre à un principe plus important encore : l’intérêt général.
Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : avant de nous quitter, ce gouvernement envisage-t-il de faire enfin preuve de courage en prenant des mesures efficaces, de nature à enrayer la situation dramatique de l’accès aux soins dans les territoires ruraux, mais aussi, et de plus en plus, dans certains territoires urbains ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, vous appelez l’attention de la ministre des affaires sociales et de la santé sur la question de l’accès aux soins dans les territoires et, plus spécifiquement, de la démographie médicale.
Devant cette problématique complexe, qui concerne le vieillissement de la population, l’organisation des soins en ville et en milieu rural, mais aussi les souhaits de vie des professionnels et des personnels de toute une génération de praticiens de santé, je regrette que la seule solution que vous avanciez systématiquement dans le débat soit la mise en place d’un conventionnement sélectif des médecins.
Vous parlez de courage politique, mais je me demande pourquoi vous n’avez pas mis en place cette mesure pendant les dix années où vous étiez au pouvoir !
Marisol Touraine a déjà eu l’occasion de le dire devant vous lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 : le conventionnement sélectif, c’est d’abord l’assurance de voir s’installer dans nos villes des médecins déconventionnés, dont les patients ne seront pas remboursés par la sécurité sociale. C’est la création d’une médecine rapide pour les riches et d’une médecine dégradée pour les pauvres avec des temps d’accès aux soins incomparables avec ceux que nous connaissons aujourd’hui. Je vous réponds ici comme secrétaire d’État chargée de la lutte contre l’exclusion : ce n’est pas une bonne solution.
La vraie question est l’organisation des soins ambulatoires. C’est bien cela qui est au cœur du pacte territoire-santé, lancé dès 2012 – nous n’avons pas attendu ! – par ce gouvernement.
Pendant ce quinquennat, le nombre de maisons de santé a été multiplié par cinq. Voilà une mesure structurante ! La loi de modernisation de notre système de santé en contenait d’autres : elle a créé les plates-formes territoriales d’appui et les communautés professionnelles territoriales de santé, deux innovations dont ont su se saisir les professionnels de santé.
Enfin, vous évoquez le développement de la télémédecine (M. Hervé Maurey fait un signe de dénégation.) et la mise en place d’une offre de soins ambulatoires assurée par des remplaçants dans les zones fragiles. Je ne doute pas que vous saurez agir dans votre territoire avec le soutien du développement de la télémédecine, que ce gouvernement a mis en place dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, et que vous ferez la promotion du praticien territorial médical de remplacement, issu du même texte.
Monsieur le président Maurey, vous reprochez à la ministre de la santé de ne pas avoir su prendre la mesure de l’urgence démographique. C’est pourtant bien parce que la ministre et ce gouvernement en avaient pleinement conscience que nous ne nous sommes pas contentés de mesures dénuées d’efficacité, voire simplement populistes. Il n’existe pas de solution miracle à la désertification médicale. Relâcher le numerus clausus ou mettre un terme à la liberté d’installation ne résoudra pas le problème. Il nous faut prendre un ensemble de mesures structurelles, qui demandent du temps, mais qui produisent déjà des résultats.
Ces grandes avancées s’inscrivent dans la durée, c’est tout le sens de l’action de Marisol Touraine depuis cinq ans.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, il m’avait échappé que j’avais été au pouvoir pendant dix ans. C’est une donnée qui ne m’était pas restée en mémoire, mais vous avez certainement raison…
Toujours est-il que je ne suis pas de ceux dont les propositions diffèrent selon qu’ils sont dans l’opposition ou dans la majorité, contrairement à Mme Touraine qui proposait des mesures coercitives lorsqu’elle était dans l’opposition et qui maintenant ne jure plus que par l’incitatif !
Lorsque j’étais dans la majorité, si c’est à cela que vous faites référence, je prônais déjà les mêmes mesures. Les débats qui se sont tenus ici à l’occasion de l’adoption de la loi Bachelot en 2009 en font foi.
Malheureusement, face à la situation dramatique que connaissent nos territoires, vous faites preuve, d’abord, de déni de réalité et, ensuite – c’est une constante de ce gouvernement –, d’autosatisfaction.
Vous nous expliquez que tout va bien ; que le pacte territoire-santé, c’est formidable ; que les maisons de santé sont la panacée, mais vous oubliez de dire qu’un certain nombre d’entre elles n’ont même pas de médecin.
Vous avez beau vous féliciter de tout ce que vous avez fait, les résultats sont là : la situation ne fait que s’aggraver, et vous ne pouvez pas le contester.
Cela prouve que tout ce qui a été fait durant ces cinq années en matière d’accès aux soins, contrairement aux engagements pris par François Hollande en 2012, est un échec tragique. Aussi, il ne me reste plus qu’à espérer que vos successeurs fassent preuve de plus de courage et de responsabilité.
lutte contre la maladie de lyme
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 1540, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les difficultés du système médical français à diagnostiquer la maladie de Lyme dans des délais raisonnables. C’est une condition préalable pour offrir aux patients un horizon de guérison aussi rapide et efficace que possible.
Chaque année en France, 23 000 cas de maladie de Lyme sont diagnostiqués, contre 300 000 en Allemagne, alors que le différentiel de population atteint à peine 20 %.
Face à cette carence, nombre de Français se rendent à l’étranger, par exemple en Bavière dans la clinique spécialisée d’Augsbourg, afin de bénéficier d’une prise en charge leur garantissant un « droit à guérir », pour reprendre l’expression de certains de nos concitoyens.
Plusieurs médias nationaux se sont déjà fait l’écho de cette situation préoccupante, qui souligne la différence d’approche dans le diagnostic et la prise en charge de ce risque sanitaire.
En Bavière, après un traitement intensif de trois semaines, d’un coût de 7 000 euros environ, nombre de nos concitoyens reprennent espoir et voient leur état de santé s’améliorer, après des mois, voire des années, à attendre en vain le bon diagnostic.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer les raisons pour lesquelles la France a attendu le 29 septembre 2016 avant d’annoncer un vaste plan de mobilisation contre cette maladie, quand nos voisins d’outre-Rhin créaient, par exemple, cette clinique spécialisée il y a déjà dix ans.
Naturellement, je me réjouis de cette prise de conscience du Gouvernement, en particulier de l’élaboration d’un protocole de diagnostic et de soins qui associe les malades.
Je vous remercie par avance de bien vouloir préciser si, entre le dépôt de cette question en octobre et aujourd’hui, ce protocole a été validé par la Haute Autorité de santé et par l’assurance maladie. La situation est urgente.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, vous évoquez la situation de l’Allemagne, où l’on relève pour la maladie de Lyme des taux d’incidence allant jusqu’à 313 cas pour 100 000 habitants.
En France, la situation est très différente selon les régions : en effet, dans les régions Centre, Normandie et Aquitaine, on relève des incidences basses, alors que des taux d’incidence particulièrement élevés, très proches de ceux de l’Allemagne, sont constatés, par exemple, en Alsace.
En matière de maladies infectieuses, et particulièrement de maladies vectorielles, l’épidémiologie n’est pas uniforme sur l’ensemble des territoires. Il faut savoir le reconnaître.
La majorité des cas rapportés concerne une forme primaire de la maladie, qui peut être traitée par une simple cure d’antibiotique. Toutefois, il en existe d’autres, notamment la forme secondaire, que nous connaissons mal, qui sont parfois mal diagnostiquées et donc mal soignées. Ces situations sont difficiles à vivre pour les patients, qui en souffrent et errent de médecin en médecin, ce qui n’est pas acceptable.
La France n’a pas attendu 2016 pour agir. Un centre national de référence sur la Borréliose de Lyme existe depuis 2002 et le Haut Conseil de la santé publique a été saisi dès 2012 pour émettre des recommandations sur ce sujet. Différentes actions de sensibilisation et de formation des professionnels de santé ont été menées en 2014 et en 2015, mais il est vrai que l’année 2016 marque un tournant dans la lutte contre cette maladie.
En septembre 2016, Marisol Touraine a lancé un plan national de lutte contre la maladie de Lyme, qui comprend cinq axes stratégiques et quinze actions. Ce plan a été établi en lien étroit avec les associations de patients, qui sont également associés à sa gouvernance.
Il prévoit de renforcer la surveillance sanitaire pour mieux connaître la réalité de cette pathologie partout en France, mais également de développer les actions d’information et de prévention du public, puisqu’il s’agit d’une maladie transmise par les tiques. Ce plan mobilise aussi la recherche pour, notamment, développer de nouveaux outils de diagnostic. En effet, le diagnostic de cette pathologie est très difficile à poser, car le test, qui recherche la présence d’anticorps, manque de sensibilité et de spécificité.
L’une des mesures les plus importantes de ce plan consiste en l’élaboration d’un protocole national de diagnostic et de soins, ou PNDS, qui doit permettre d’améliorer et d’homogénéiser la prise en charge des patients développant une forme chronique de maladie de Lyme.
La ministre a confié l’élaboration de ce PNDS à la Haute Autorité de santé, qui s’entourera de toutes les compétences médicales nécessaires et associera les associations de patients à cette démarche.
Les travaux d’élaboration de ce PNDS ont débuté et la ministre souhaite que celui-ci soit disponible dès le mois de juin 2017. Une instruction sera alors adressée aux agences régionales de santé, les ARS, afin que ces dernières organisent sa mise en œuvre partout sur les territoires dans les meilleurs délais.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, il y a urgence. C’est la raison pour laquelle Marisol Touraine a souhaité la mise en œuvre rapide d’un tel plan national. Pour autant, l’urgence ne justifie pas de déroger aux pratiques permettant de garantir la santé et la sécurité de nos concitoyens.
Progresser rapidement dans la connaissance, le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme tout en respectant les pratiques professionnelles, garantes de sécurité pour les patients, telle est notre ambition.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Mme la secrétaire d’État me prête des propos que je n’ai pas tenus. Je n’ai pas dit que l’on trouvait des malades partout en France, mais il se trouve que je suis de l’Est, non pas de l’Alsace, mais de la Haute-Marne, de Colombey-les-Deux-Églises. Monsieur le président, cette maladie porte le nom d’une petite ville du Connecticut.
M. le président. Je ne sais même pas de quoi il s’agit !
M. Bruno Sido. C’est une maladie transmise par les tiques, en forêt ou dans les champs.
Sur mon territoire, elle se développe actuellement, et pose un problème patent. En 1970, elle a été décrite par un médecin américain et les Allemands, qui étaient peut-être plus concernés que nous, ont pris les choses en main.
Aujourd’hui, les Français sont obligés d’aller se faire soigner en Bavière, ce qui n’est pas admissible. Alors que nous prétendons disposer du meilleur système de santé au monde, c’est une preuve supplémentaire que ce n’est pas tout à fait le cas. Le Gouvernement – quelle que soit sa couleur politique, car il ne s’agit pas d’une question politicienne – devrait se pencher sur ce problème, qui touche tout l’est de la France et qui gagne du terrain.
Les gens souffrent alors qu’il existe des protocoles de soin. Il faut donc faire preuve de volonté. Les procédures doivent être finalisées et la sécurité sociale doit travailler sur ce sujet.
anonymat des travailleurs sociaux
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, auteur de la question n° 1543, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Jacques Lasserre. Madame la secrétaire d’État, je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur l’anonymat des travailleurs sociaux, assistants de services sociaux, éducateurs spécialisés, conseillers d’insertion, animateurs socioculturels et autres, qui sont des professionnels de l’aide et de l’accompagnement social.
Ils sont nombreux et représentent les piliers de l’action sociale menée par les départements, mais également par les communes et les centres communaux d’action sociale, les CCAS, dans le cadre d’associations conventionnées avec les départements.
Or ces travailleurs sont aujourd’hui de plus en plus confrontés à de multiples violences, à des agressions, à des menaces en tous genres, verbales et, malheureusement, parfois physiques.
Lors d’un dépôt de plainte à la gendarmerie, ils voient leur nom, leur prénom et leur adresse mentionnés dans le procès-verbal. Il est aisé d’en imaginer les conséquences, qui s’accentuent de jour en jour, pour devenir très préoccupantes.
Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, les chiffres sont éloquents. Les agressions chez les assistants sociaux ont augmenté d’un tiers entre 2015 et 2016. Il s’agit en grande majorité de menaces ou d’agressions verbales, qui, hélas, se durcissent de plus en plus.
Dans un registre similaire, le Président de la République avait, avant l’été, évoqué des mesures en direction des forces de l’ordre afin de protéger leur anonymat et d’éviter les éventuelles répercussions.
Aussi, je vous demande, madame la secrétaire d’État, si un système similaire ne pourrait pas être mis en place pour protéger les travailleurs sociaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur les mesures de protection qui pourraient être mises en œuvre au profit des travailleurs sociaux, dans une démarche similaire à ce que le projet de loi « sécurité publique » prévoit à l’égard des gendarmes et des policiers.
Les violences et les menaces que subissent les travailleurs sociaux sont inacceptables. Elles font l’objet de la plus grande attention du Gouvernement. Elles mobilisent les forces de sécurité pour prévenir tout acte de ce type et, le cas échéant, donnent systématiquement lieu à des enquêtes afin d’appréhender les auteurs de tels faits.
Par ailleurs, le dispositif d’anonymat prévu pour les policiers et les gendarmes répond à une situation bien spécifique. En effet, la conduite des actes qui visent à confondre des délinquants et des criminels déterminés est particulièrement sensible, dans la mesure où elle expose les gendarmes et les policiers à des représailles ou à des pressions pour empêcher que leurs enquêtes aboutissent. Appliquer un tel dispositif aux travailleurs sociaux ne paraît donc pas adapté.
En revanche, les dispositions protectrices des témoins issues de la loi du 3 juin 2016 sont applicables aux travailleurs sociaux dans le cadre des procédures pénales. Ainsi, le dispositif prévu pour les repentis ou les témoins a été élargi aux témoins les plus exposés, qui pourront bénéficier de mesures de protection et de réinsertion ainsi que d’une identité d’emprunt. Le décret du 5 décembre 2016 permet la mise en œuvre effective de cet élargissement.
Cette protection accrue s’est traduite ensuite par la création du statut de témoin confidentiel, afin de préserver certains témoins de pressions.
Enfin, les conditions du huis clos des audiences ont été élargies pour favoriser la sécurité de ceux qui sont amenés à contribuer à la manifestation de la vérité.
Par ailleurs, la politique conduite par le gouvernement depuis 2012, et, notamment, la mise en place de quatre-vingt-une zones de sécurité prioritaires, contribue directement à la protection des travailleurs sociaux, inscrivant le partenariat comme la clef de voûte de la politique territoriale de sécurité.
Enfin, monsieur le sénateur, au-delà de votre question, mais puisque vous vous intéressez au travail social et aux travailleurs sociaux, je vous informe que ce gouvernement a mis en œuvre un plan d’action pour le travail social qui a été validé en conseil des ministres en 2015, dont je vous encourage à prendre connaissance des éléments sur le site du ministère des affaires sociales et de la santé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Le dispositif de protection des témoins serait à mon sens très avantageusement complété par la demande que je viens de formuler. La protection des témoins et des personnes intéressées est importante, mais leur anonymat renforcerait véritablement leur sécurité.
Je forme le vœu que votre réponse, madame la secrétaire d’État, n’ait qu’un caractère momentané, car je souhaite que cette demande soit réévaluée dans quelque temps.
prix de revente des caveaux par les communes
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, auteur de la question n° 1564, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Georges Labazée. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Elle porte sur la nécessaire actualisation de la circulaire ministérielle n° 76–160 du 15 mars 1976, qui précise que le prix de revente des caveaux par les communes doit être établi en tenant compte de ceux que pratiquent les marbriers pour des caveaux neufs. Cela revient à dire qu’une commune peut augmenter le prix de vente des caveaux de façon exorbitante.
Une telle disposition soulève de nombreuses interrogations.
Se pose la question de la possibilité, pour une collectivité territoriale, de revendre un bien gratuit et d’occasion au prix du neuf. Je suis choqué, en sus, que cela implique l’alignement d’un service public sur une prestation privée marchande.
Se pose également la question de la différence entre service public et prestation privée dans le cadre de prestations funéraires.
Monsieur le ministre, l’organisation d’obsèques et les frais funéraires engendrés conduisent de plus en plus à un triste constat, celui de l’inégalité sociale face à la mort.
En effet, nombreux sont les foyers en difficultés financières, et en particulier les personnes âgées, qui, soumis au diktat du marché funéraire extrêmement onéreux, doivent s’endetter, se précarisant ainsi toujours plus.
D’autres solutions devraient être proposées aux communes, notamment l’obligation de réattribution des caveaux repris par les communes à des familles en précarité financière et sociale, avec la liberté accordée aux maires de fixer un tarif modulaire de revente des caveaux repris, pouvant même aller jusqu’à la gratuité pour des familles en dessous des minima sociaux.
Je me permets de vous demander, en conséquence, si le Gouvernement entend revoir les termes de cette circulaire, qui a aujourd’hui quarante ans, afin de lui donner un caractère social utile et juste.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le sénateur, la construction, l’entretien et la commercialisation des caveaux sont hors du champ du service extérieur des pompes funèbres.
La commune ne dispose d’aucune exclusivité en la matière et est tenue d’autoriser la construction de caveaux par toute entreprise dans l’enceinte du cimetière, si tel est le souhait des titulaires des concessions funéraires.
Dans un souci de service rendu à l’égard des familles, une commune peut procéder à la construction de caveaux d’avance, qui seront vendus aux familles concomitamment avec la délivrance de concessions funéraires.
J’en viens donc à votre inquiétude, quant à la possibilité pour une commune d’augmenter le prix des caveaux de façon exorbitante.
La circulaire n° 76–160 du 15 mars 1976 permet avant tout de garantir et de protéger la liberté des familles en leur donnant la possibilité d’acquérir des concessions libres de toute construction préalable et de faire appel à une entreprise de leur choix.
En outre, le recours aux caveaux d’avance permet d’éviter aux familles l’inhumation en caveau provisoire et, le cas échéant, d’avoir à engager des frais supplémentaires.
La circulaire encadre également la faculté pour les communes de procéder à des constructions de caveaux. Elle rappelle que les prix de vente doivent être établis en tenant compte des prix des marchés conclus pour leur construction, à l’exclusion de tout profit financier pour la commune.
S’agissant d’une activité s’exerçant dans le secteur concurrentiel, la commune doit respecter les dispositions du code des marchés publics pour réaliser ces opérations.
Au regard de ce que je viens d’exposer, il paraît donc délicat de prévoir des dispositions dérogatoires au marché concurrentiel. Toutefois, le soutien à des familles en précarité financière et sociale pourrait être abordé sous un autre prisme par une aide à l’acquisition de toute concession, qu’elle soit communale ou marbrière.
Enfin, les personnes sans ressources financières peuvent déjà bénéficier de la prise en charge des funérailles par la commune, comme le prévoient les dispositions de l’article L. 2223–27 du code général des collectivités territoriales.
Vous le voyez, le cadre juridique actuel permet de distinguer entre ce qui peut être pris en charge par la commune et ce qui relève du marché et de la concurrence et de pourvoir au caractère social qui était au cœur de votre question.
Le ministre de l’intérieur est, bien entendu, à votre disposition pour approfondir ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. J’ai écouté avec attention la réponse de Mme la secrétaire d’État. Il me semble néanmoins que cette demande de révision d’une circulaire ancienne s’explique aussi par les nouvelles formes d’incinération, avec, par exemple, la création de columbariums, qui n’existaient pas il y a quarante ans et qui méritent aujourd’hui d’être prises en compte par les services du ministère de l’intérieur.
sécurisation dans les transports
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1530, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Alain Fouché. La tentative d’attentat dans le Thalys, le 21 août, a accentué considérablement la gravité de la menace terroriste.
La vulnérabilité structurelle des gares et des stations de métro est un élément défaillant. Il s’agit de lieux ouverts, accessibles par de multiples voies et moyens de transport, qui concentrent des flux importants de population. Cela en fait une cible privilégiée pour les terroristes.
À ma demande, j’ai dirigé une mission d’information sur la sécurisation dans les transports. Des éléments de son rapport ont été repris dans la loi Savary, dont une partie des décrets d’application n’a hélas toujours pas été publiée, sans que l’on en connaisse la raison.
Il existe aujourd’hui un vrai problème de contrôle et de fouilles dans les gares.
Comment se fait-il que des TGV restent à quai quinze ou vingt minutes le long des voies ouverts et sans contrôle ?
Comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de renforcement de police et de contrôle des passagers ?
Comment se fait-il qu’il n’y ait aucun portique aléatoire, comme cela était prévu ? Je ne parle pas ici des portiques de la Gare du Nord. Il n’y en avait ni à Bruxelles ni ailleurs, c’était ridicule !
Comment se fait-il qu’aucun contrôle des bagages ne soit effectué, alors que ceux-ci doivent obligatoirement être étiquetés dans les trains ?
Combien de personnes sont-elles réellement équipées de caméras bouton ?
Combien de policiers en civil se trouvent dans les trains ?
La mission d’information s’est attachée à dresser un bilan très strict des dispositifs permettant d’assurer la protection des gares, des stations de métro et des réseaux de transports terrestres.
Madame la secrétaire d’État, je m’inquiète de la fragilité de notre dispositif, car les mesures préconisées n’ont pas été prises. Cela dénote, dans le contexte actuel, un manque de sérieux.
Pouvez-vous m’en dire plus, ainsi qu’à la représentation nationale, qui s’inquiète à juste titre ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le sénateur, votre question comporte beaucoup plus d’éléments que ce dont je dispose pour vous répondre. Les détails que vous demandez, ainsi que les chiffres, ne m’ont pas été transmis par le ministre de l’intérieur, mais je ne manquerai pas de lui communiquer vos demandes précises.
Comme vous le savez, un important travail législatif a été mis en œuvre, le texte de la proposition de loi dite « Savary » a été adopté. Le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État chargé des transports se sont attachés à élaborer le plus rapidement possible les textes permettant l’entrée en vigueur de ces mesures.
Tous ont été produits rapidement par le Gouvernement et la publication des différents décrets est intervenue à partir du 3 juillet 2016 jusqu’au 27 décembre 2016, à l’exception de deux textes.
Ces deux textes concernent les enquêtes administratives et la communication des données des administrations et des organismes de sécurité sociale pour fiabiliser les informations des opérateurs concernant les contrevenants – rien qu’à leur intitulé, on comprend qu’il ne s’agit pas des textes les plus faciles à élaborer.
Sur ce dernier point, donc le second texte non encore publié, un projet de décret a été transmis au Conseil d’État et un important travail a été conduit pour élaborer une plate-forme par laquelle transiteront les demandes des opérateurs et les réponses des administrations.
S’agissant du texte relatif aux enquêtes administratives, il a été examiné – ce qui veut dire, monsieur le sénateur, que ce texte était prêt – le 15 novembre 2016 par le Conseil d’État, lequel a demandé la disjonction d’une disposition prévoyant les conséquences d’un avis négatif de l’enquête administrative de type reclassement ou pouvant aller jusqu’au licenciement. Un nouvel article a été introduit dans le projet de loi relatif à la sécurité publique en cours d’examen au Parlement.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement a non seulement préparé ce texte, mais aussi déjà tenu compte de la position du Conseil d’État dont les recommandations ont été intégrées dans un nouveau texte, déjà élaboré. Aucun reproche ne peut donc nous être fait en la matière.
Le principe de ces enquêtes administratives, préconisées par M. le sénateur Bonhomme et vous-même dans votre rapport d’information, ainsi que d’autres recommandations comme la dispense de tenue pour les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ou la possibilité donnée à ceux-ci d’effectuer des contrôles de bagages ou des palpations des personnes ont été prises en compte et intégrées dans la loi Savary. Il en est également ainsi de la disposition consistant à refuser l’accès aux véhicules de transport à toute personne en infraction tarifaire, qui compromet l’exploitation, ou qui refuse de se soumettre à l’inspection visuelle, à la fouille de ses bagages ou aux palpations de sécurité.
Au-delà des dispositions législatives, diverses nouvelles mesures visant à sécuriser les gares ont été prises ou sont en cours d’examen ou de test par la SNCF et la RATP en lien avec les services de l’État.
Elles font appel, par exemple, aux nouvelles technologies, aux équipes cynotechniques ou à d’autres approches visant à détecter des comportements atypiques et, enfin, à sensibiliser les usagers pour signaler les abandons de bagages au moyen de lignes téléphoniques dédiées. Ces expérimentations feront l’objet, à leur terme, d’une validation par les services de l’État.
Je ne peux vous laisser dire, monsieur le sénateur, que le Gouvernement n’a pas fait son travail en ne prenant pas les dispositions réglementaires ou opérationnelles nécessaires à la suite de l’adoption des textes.
Un grand nombre des dispositions que vous aviez proposées dans votre rapport d’information ont été intégrées ; d’autres vont l’être prochainement, notamment dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité publique. Les dispositions opérationnelles de terrain ont été prises.
Le ministre de l’intérieur reviendra vers vous sur les points précis que vous avez soulevés et auxquels je n’ai pas été en mesure de vous répondre, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Je vous ai bien entendu, madame la secrétaire d’État. Cependant, je prends le train plusieurs fois par semaine et je vois ce qui se passe dans les gares.
M. Alain Fouché. Il y a un relâchement certain dans les gares : on y voit peu de policiers, pas de contrôles, pas de fouilles, pas de portiques – alors qu’il était prévu d’installer des portiques aléatoires –, sinon pour contrôler les billets…
Les vraies mesures ne sont pas prises, alors que le risque d’attentat dans les gares est énorme. Je dis que le Gouvernement ne prend pas les bonnes mesures. Beaucoup de gens le ressentent. Il faut vraiment s’attacher à ce dossier. En cas de nouveaux attentats, le Gouvernement aura une part de responsabilité dans la mesure où n’est pas fait ce qui devrait être fait !
expérimentation pour la gestion du foncier rural
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 1563, transmise à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
M. Henri Cabanel. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais connaître votre avis sur la mise en œuvre d’une expérimentation visant à rapprocher les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – SAFER – et les établissements publics fonciers – EPF – sur la gestion du foncier rural, par le biais de conventions d’objectifs relatives à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers, et à l’installation, au maintien et à la consolidation des exploitations agricoles ou forestières.
L’essentiel du financement des SAFER provient de leur activité de transaction sur le marché des terres. Cette situation est inégalement répartie selon les régions, alors que les obligations de transparence et d’égalité de traitement de toutes les candidatures sont les mêmes partout. La mission de service public rendue par les SAFER à leurs usagers n’est donc pas rémunérée de façon équitable sur le territoire national.
Devant une telle situation, nous risquons de voir certaines SAFER retenir des choix stratégiques rémunérateurs en se transformant en prestataires d’opérations foncières, s’éloignant de l’objectif de service public originel.
Les établissements publics fonciers, quant à eux, sont des outils d’action foncière ayant vocation d’acquérir du foncier – bâti ou non bâti – en vue de constituer des réserves foncières, de faire du portage et de réaliser des opérations d’aménagement – renouvellement urbain et développement économique. Leur financement est prévu par une taxe spéciale d’équipement fixée par l’administration.
Par cette expérimentation, il s’agit d’assurer un meilleur financement aux SAFER, spécialistes de la gestion du foncier agricole, via un financement des établissements publics fonciers.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur Cabanel, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Emmanuelle Cosse, qui n’a pu être présente ce matin, retenue par une réunion à laquelle elle ne pouvait pas ne pas assister.
Les établissements publics fonciers de l’État, comme les établissements publics fonciers locaux – EPFL –, coopèrent déjà avec les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – SAFER.
La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, a en effet contribué à renforcer la coopération entre EPF et SAFER : le code de l’urbanisme prévoit maintenant que, dans le cadre de leurs compétences, les EPF peuvent contribuer, à titre subsidiaire, à la préservation des espaces naturels et agricoles en coopération avec les SAFER et les autres organismes chargés de la préservation de ces espaces.
En pratique, les dix établissements publics fonciers placés sous la tutelle de l’État travaillent aujourd’hui en coopération avec les SAFER dans le cadre de conventions. Dans certains cas, un représentant de la SAFER est invité au conseil d’administration de l’EPF, et réciproquement.
Les EPF contribuent donc, dans la limite de leurs compétences, à faciliter l’intervention des SAFER et à éviter des effets de spéculation sur les prix du foncier.
Il faut néanmoins rappeler que les EPF n’interviennent qu’à titre subsidiaire, au titre de la préservation des espaces naturels et agricoles. Ils ne sauraient donc consacrer à ce type d’actions une part trop importante de leurs ressources financières.
Au-delà des partenariats déjà existants et des évolutions introduites par la loi ALUR, qui me semblent répondre en large part à vos interrogations, le Gouvernement s’est engagé à améliorer la couverture du territoire national – qui n’est aujourd’hui que partielle – par les EPF.
Ainsi, l’EPF de Poitou-Charentes et l’EPF Languedoc-Roussillon pourraient voir leur périmètre d’intervention largement étendu dès 2017, en partie sur des territoires ruraux.
Ces extensions de périmètre permettront d’engager de nouveaux partenariats avec les SAFER, sur des territoires non couverts actuellement.
Enfin, un projet de convention nationale entre les EPF d’État et la FNSAFER, la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui définit des objectifs stratégiques partagés, est en cours de finalisation. Sa signature permettra de donner un cadre commun national aux coopérations entre les EPF et les SAFER en matière d’intervention, d’observation et d’expertise foncières.
Bien évidemment, Mme Cosse se tient à votre disposition pour vous fournir, le cas échéant, tout complément d’information, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Aujourd’hui, tous les EPF ne peuvent conclure de convention avec les SAFER. La situation est inégale selon les territoires.
Il serait intéressant, sur certains territoires, de flécher une part de la taxe spéciale d’équipement finançant les EPF – taxe qui pourrait alors être augmentée tout en restant dans la limite du plafond de 20 euros – vers les missions dédiées aux SAFER, tout en déterminant des objectifs précis avec les EPF publics régionaux, car les SAFER sont les spécialistes du foncier agricole.
difficultés liées à la réforme des zones de revitalisation rurale
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, auteur de la question n° 1562, transmise à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, au 1er juillet 2017, la loi de finances rectificative pour 2015 aura pour effet de réformer le classement des territoires en zone de revitalisation rurale, ou ZRR.
Le classement en ZRR sera désormais réalisé au niveau de l’intercommunalité, sans distinction entre les communes la composant, en tenant compte de deux critères : la densité de population et la richesse des habitants.
Selon la carte actuelle des EPCI, 4 000 communes vont sortir du classement en ZRR et 3 000 communes vont y entrer.
Par ailleurs, la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale, réalisée dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, engendre, lors de certaines fusions, des augmentations de densité de territoire préjudiciables au maintien de nombreuses communes rurales ou hyper-rurales dans le dispositif des ZRR.
C’est typiquement le cas lorsqu’un EPCI « rural » de type communauté de communes, à très faible densité de population, fusionne avec un EPCI de type agglomération dont la commune centre augmente très sensiblement la densité démographique du nouvel EPCI issu de la fusion.
Pour autant, les raisons d’être du dispositif des ZRR demeurent pleinement au regard des caractéristiques rurales, voire hyper-rurales, des communes concernées.
En effet, les exonérations fiscales de type impôt sur les sociétés ou cotisation foncière des entreprises – CFE – constituent des avantages fiscaux favorisant l’implantation de nouvelles activités en secteur rural.
L’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d’habitation pour les hôtels, les meublés de tourisme et les chambres d’hôtes favorise aussi le développement d’une activité touristique souvent au cœur de l’économie des zones rurales.
Le dispositif législatif actuel va donc fragiliser l’attractivité des territoires sortant du dispositif ZRR.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souhaiterais, dans l’attente de dispositifs futurs permettant de prendre en compte les fragilités économiques de ces territoires ruraux et hyper-ruraux, savoir si des mesures transitoires pourraient être envisagées afin qu’une commune concernée par un déclassement, à la suite de son intégration dans un nouvel EPCI, continue de bénéficier des exonérations prévues pour les ZRR. Je souhaiterais également savoir si les exonérations de CFE en cours au titre de la ZRR amenée à disparaître au 1er juillet 2017 seront applicables pour la durée restant à courir.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la réforme des critères de classement en ZRR, votée en décembre 2015, fait suite au rapport d’information des députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier du 8 octobre 2014.
Elle reprend très largement leurs préconisations, notamment en ce qui concerne les critères devant être pris en compte dans les territoires, à savoir la densité démographique et le revenu par habitant.
Actuellement, les critères de classement sont établis au niveau soit de l’intercommunalité, soit du canton, soit de l’arrondissement. Il n’y a jamais eu d’examen des critères à l’échelon communal. La réforme simplifie donc le niveau territorial en ne retenant que celui de l’intercommunalité.
De plus, le Gouvernement a veillé à ce que les futurs critères permettent de maintenir globalement le nombre de communes classées en ZRR – ce que les simulations ont confirmé –, même s’ils entraînent de nombreux changements dans chaque département. Au niveau national, nous conservons, à très peu de chose près, le même nombre de communes classées en ZRR.
Il n’est donc pas exact de dire que la réforme conduira à classer 1 000 communes de moins. Les simulations réalisées en 2016 font apparaître une quasi-stabilité du nombre de communes classées.
Maintenant que les EPCI sont constitués, que les nouvelles intercommunalités sont une réalité, nous y voyons clair et je vais pouvoir, dans quelques jours, publier la carte définitive.
S’agissant du département du Gers – qui vous intéresse tout particulièrement, monsieur le sénateur – les données font apparaître que seuls quatre des nouveaux EPCI ne seraient pas en ZRR, du fait non de leur densité démographique, mais du niveau de revenu fiscal médian de leurs habitants.
La communauté d’agglomération Grand-Auch Cœur de Gascogne, avec un revenu fiscal médian des habitants de 19 951 euros, alors que le plafond de classement est de 18 664 euros, ne sera effectivement plus classée en ZRR.
Concernant l’impact d’une sortie du dispositif des ZRR, je rappelle que les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises et associations sont maintenues jusqu’à leur terme, quel que soit le statut de la commune ou de l’intercommunalité concernée. Par exemple, l’exonération de l’impôt sur les sociétés pourra aller jusqu’au 31 juillet 2025, soit huit années d’exonération après la mise en place de la réforme. Comme vous le voyez, nous avons essayé de travailler de manière cohérente et efficace pour que les ZRR soient conformes aux nouvelles intercommunalités sans pour autant pénaliser les zones et, surtout, les entreprises ayant bénéficié de ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Merci de votre réponse, monsieur le ministre.
Pour mon territoire, Grand Auch Cœur de Gascogne, issu de la fusion d’une communauté de communes très rurale avec une communauté d’agglomération déjà rurale, au 1er juillet 2017, 29 communes sur 34 sortent du dispositif ZRR.
À la lumière de l’expérience, on mesurera vite que les problématiques caractérisant des secteurs extrêmement ruraux ne sont en rien modifiées du fait de la création d’agglomérations ou de communautés de communes à la géographie XL ou XXL.
Pour ce qui est des ZRR, quand la loi prévoit que l’éligibilité à un dispositif de revitalisation rurale doit dorénavant s’apprécier à l’échelle géographique du territoire de l’agglomération, elle considère soit que la collectivité agglomération dispose de la capacité juridique et financière d’organiser un dispositif palliatif, soit que l’intégration d’une commune dans le périmètre géographique d’une agglomération fait disparaître, ipso facto, les particularismes – déclin de la population ou forte proportion d’emplois agricoles, par exemple – qui avaient jusqu’alors motivé l’application de dispositifs spécifiques.
Pourtant, les statuts d’une agglomération ou d’une communauté de communes ne lui permettent pas de décider d’exonération de CFE.
De surcroît, leurs budgets, dont on pourrait considérer qu’ils profitent d’un niveau de dotation élevé leur permettant d’être présentes dans des domaines où certaines aides ont disparu, connaissent une contraction extrêmement préoccupante. Cela non seulement en raison de leur contribution à la réduction de la dette publique, mais plus encore du fait du complet chamboulement de la strate des agglomérations qui, en raison de la réécriture des périmètres intercommunaux, entraîne une diminution sensible du niveau des dotations.
Pour ces raisons et pour d’autres, il nous faudra revenir sur la place des territoires ruraux dans notre pays – même si je reconnais que des choses ont été faites –, fussent-ils partie d’une agglomération. La discussion d’un projet de loi de programmation pour le développement des territoires ruraux et hyper-ruraux pourrait en être l’occasion prochaine.
état des lieux de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1586, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la principale dotation de fonctionnement de l’État aux collectivités territoriales : la dotation globale de fonctionnement, ou DGF. Je tiens à préciser que cette question a été déposée trois mois avant l’examen de la loi Montagne au Sénat, ce qui explique certains aspects redondants.
Depuis l’an dernier, les communes et intercommunalités peuvent connaître sur internet le montant de leur DGF pour l’année en cours afin de préparer leur budget.
Cette transparence permet de constater des inégalités importantes entre les communes. Les injustices dans la répartition de la DGF sont d’autant plus douloureuses quand les dotations baissent, comme c’est le cas aujourd’hui.
La ponction énorme réalisée sur les collectivités s’élèvera au total à 28 milliards d’euros entre 2014 et 2017.
Les collectivités territoriales peinent à faire face à cette situation, de même que toute l’économie de nos territoires ruraux. Les conséquences sur les finances publiques locales sont lourdes, les collectivités représentant 70 % de l’investissement public.
Je dirai également un mot du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. Le maire de Chamonix, que vous avez rencontré récemment, monsieur le ministre, m’indiquait que sa commune de 9 000 habitants allait débourser cette année – commune et intercommunalité ensemble – 3,1 millions d’euros, soit une augmentation de 46 % en un an, pour un budget de fonctionnement de la commune de 23 millions et de l’intercommunalité de 21 millions d’euros.
Même avec des économies drastiques sur le fonctionnement depuis plusieurs années, l’investissement est en forte rétraction…
Que pouvez-vous nous répondre, monsieur le ministre, devant l’aggravation de la santé financière des collectivités ?
Je souhaite rappeler ici que nous sommes convenus dans cette enceinte, lors de l’examen de la loi Montagne, que le FPIC et la dotation globale de fonctionnement devront tenir compte des surcoûts et des aménités de la montagne, mais aussi des spécificités des zones frontalières, compte tenu des variations de revenus que peut entraîner la présence de travailleurs étrangers. Sur ce sujet, j’aurais aimé que vous me confirmiez, monsieur le ministre, que ce dispositif exclut toute autre interprétation. Avez-vous eu des nouvelles de Bercy sur cette question ?
Cet élément est notamment important pour les communes de mon département, frontalier de la Suisse, comme vous le savez.
Quant à une nécessaire réforme de la DGF, le rapport d’information de nos collègues Charles Guené et Claude Raynal, publié en juin 2016, a mentionné la nécessité de travailler sur la définition de la « population DGF », ou sur le calcul des indicateurs, tels le potentiel fiscal, le potentiel financier, l’effort fiscal, le coefficient d’intégration fiscale. Ce calcul des indicateurs est imparfait et conduit à ce que ces indicateurs ne reflètent pas correctement la situation des collectivités.
La Cour des comptes a publié, en décembre dernier, un intéressant rapport sur le rôle des concours financiers de l’État au secteur communal dans l’explication des disparités de dépenses par habitant entre collectivités territoriales comparables.
Ces disparités varient du simple au triple pour les communes et du simple au double pour les blocs intercommunaux. De même, les montants de dotation par habitant fluctuent, eux aussi, du simple au triple.
Selon la Cour, la dotation forfaitaire des communes expliquerait à elle seule une part importante de ces écarts.
La Cour des comptes recommande une véritable réforme de la DGF pour « réduire la composante figée des dispositifs forfaitaires au profit d’un mode de calcul tenant meilleur compte de la réalité des charges auxquelles sont confrontées les collectivités ». Cette appréhension des charges des collectivités est importante.
L’articulation des dispositifs de péréquation verticale – dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, ou DSU, dotation de solidarité rurale, ou DSR, dotation nationale de péréquation, ou DNP – et de la péréquation horizontale – FPIC – est également fondamentale.
Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, monsieur le ministre ? Vous l’aurez compris, j’aimerais que vous nous fassiez, en cette fin de quinquennat, un « état des lieux » de la DGF.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, votre question est vaste. (M. Cyril Pellevat opine.) Elle recouvre à peu près tous les problèmes de fiscalité locale, et il me sera bien difficile d’y répondre en deux minutes.
Commençons par nous souvenir de l’état déplorable des finances publiques en 2012. Le Premier ministre de l’époque, aujourd’hui candidat à la présidence de la République, parlait d’un État en faillite.
Nous avons décidé, avec courage, de nous atteler au redressement. Ce fut plutôt un succès puisque nous sommes aujourd’hui dans les normes bruxelloises, le déficit public ayant été ramené de 5,5 % à moins de 3 %.
L’État a donné l’exemple à travers un plan d’économies de 50 milliards d’euros entre 2014 et 2019. De même, les collectivités ont été appelées à faire un certain nombre d’efforts, en particulier via la réduction des dotations. Elles l’ont fait avec beaucoup de sérieux et de courage, et je tiens à leur rendre hommage.
Elles en ont d’ailleurs profité pour mettre de l’ordre dans leurs budgets de fonctionnement, ce qui a permis de renflouer puissamment leur capacité d’autofinancement.
Dans le même temps, le Gouvernement, conscient de la baisse de l’investissement public – vous l’avez souligné, les collectivités représentent 70 % dudit investissement –, a décidé d’augmenter la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de 62 % – elle est ainsi passée de 600 millions d’euros à 1 milliard d’euros en trois ans – et de créer le fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, géré par mon ministère et doté de 1 milliard d’euros l’année dernière et de 1,2 milliard cette année – 600 millions d’euros pour la ruralité et 600 millions pour l’investissement.
Ceci s’ajoutant à cela, nous assistons au redémarrage de l’investissement public. Les collectivités ont repris leurs investissements. Cela commence déjà à se sentir. L’objectif est donc atteint. Nous souhaitions en effet que les collectivités mettent de l’ordre dans leurs budgets pour que l’investissement reprenne. Et qui dit investissement, dit croissance, et qui dit croissance, dit emplois.
Nous avons atteint cet objectif en menant une politique contractuelle avec l’ensemble des collectivités : avec les régions, à travers le pacte État-régions, signé par le Premier ministre et le président Richert voilà quelques mois, et financé par l’État de manière significative ; avec les métropoles – vous ne l’ignorez pas, monsieur le président (Sourires.) – à travers le pacte État-métropoles, dans lequel l’État s’engage aux côtés des métropoles.
Il faut encore évoquer le plan « 500 000 actions de formation » mis en œuvre dans le cadre d’une plateforme État-régions
Nous avons donc créé les conditions de la reprise de l’investissement public et nous sommes parvenus ensemble à ce résultat.
Concernant la DGF, il faut la réformer ; elle est inéquitable, illisible, incompréhensible. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé, lors du Congrès des maires, que la part de l’effort du bloc communal dans le redressement des comptes publics serait réduite de moitié pour 2017, soit 1 milliard au lieu de 2 milliards d’euros. C’est donc 1 milliard d’euros supplémentaires pour les caisses des collectivités.
Le Président de la République en a profité pour annoncer un certain nombre de mesures allant aussi, je crois, dans le bon sens pour les collectivités.
Cela fait des années que l’on évoque le caractère injuste de la péréquation en disant qu’il y a des communes riches et des communes pauvres. Quand on a fait la péréquation verticale, de l’État vers les collectivités, tout le monde l’a bien évidemment saluée. Quand on fait la péréquation horizontale entre collectivités, cela fait plus mal aux collectivités bien dotées qu’aux autres. Je comprends que le maire de Chamonix, que nous avons reçu ensemble et pour lequel j’ai la plus grande estime, se plaigne. Rassurez-vous – si tant est que cela doive vous rassurer –, je préside aussi une intercommunalité fortement frappée par la participation au FPIC.
Le Président de la République a annoncé, lors de ce congrès, que la réforme de la DGF était remise à 2018, dans le cadre d’un projet de loi de finances « collectivités », que l’ensemble des associations appellent de leurs vœux et c’est une bonne chose.
Enfin, pour ce qui est des travailleurs saisonniers, c’est-à-dire les Français qui vont travailler en Suisse et qui y paient leurs impôts, nous en avons déjà parlé lors de l’examen de la loi Montagne. Nous pourrons en reparler, mais ce que je vous ai dit alors est bien confirmé : il n’y aura pas de modification.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments de réponse.
En Haute-Savoie, les collectivités nous font savoir que la baisse de la DGF et le prélèvement du FPIC ont des conséquences graves notamment sur l’investissement, en particulier pour les pistes de ski.
S’agissant du FPIC, il importe de tenir compte de la spécificité et de ne pas revenir sur la compensation genevoise. C’est ce qui avait été dit notamment dans le cadre de la commission mixte paritaire avec les écrits d’Annie Genevard.
8
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Catherine Troendlé, M. Mathieu Darnaud, M. Michel Magras, Mme Lana Tetuanui, M. Thani Mohamed Soilihi, M. Serge Larcher, Mme Gélita Hoarau ;
Suppléants : M. Guillaume Arnell, Mme Karine Claireaux, Mme Chantal Deseyne, Mme Vivette Lopez, M. Jean François Mayet, M. Georges Patient, M. François Zocchetto.
9
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Gélita Hoarau membre de la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures quinze, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
10
Éloge funèbre de Jean-Claude Frécon, sénateur de la Loire
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec de la stupeur et une immense tristesse que nous avons appris, le samedi 10 décembre dernier, la brutale disparition de Jean-Claude Frécon, à l’âge de 72 ans. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, se lèvent.)
Il avait été victime d’un infarctus massif, après avoir assisté au marché aux vins de Chavanay. Conduit à l’hôpital de Givors, il n’a pu être réanimé. Sa générosité et son engagement total pour accomplir les mandats qui lui avaient été confiés auront eu raison de sa santé, que nous savions fragilisée par la charge de travail qu’il s’imposait.
Sa disparition a été un choc pour les sénatrices et les sénateurs, quelles que soient leurs sensibilités politiques, et bien sûr pour son département de la Loire, dont Jean-Claude Frécon fut une figure majeure durant des décennies.
Je lui ai rendu hommage, en votre nom, le 13 décembre dernier, à l’occasion d’une émouvante cérémonie en l’église de Pouilly-lès-Feurs, au milieu de sa famille, de ses proches, de ses collègues et de ceux qui lui étaient chers.
J’étais accompagné du président du groupe socialiste et républicain, M. Didier Guillaume, de la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Catherine Morin-Desailly, et de nos collègues sénateurs de la Loire, Mme Cécile Cukierman et MM. Maurice Vincent et Bernard Fournier. Cet hommage devait trouver son prolongement dans notre hémicycle.
Jean-Claude Frécon était un militant infatigable, un élu local et national exemplaire, un Européen convaincu et un défenseur inlassable des territoires ruraux.
Natif de Castellane dans les Alpes-de-Haute-Provence, c’est dans le département de la Loire qu’il a accompli toute sa carrière politique. Il avait gardé de son métier d’instituteur, puis de directeur d’école, la passion d’enseigner et un sens de la pédagogie et de l’écoute dont il a fait des vertus majeures tout au long de son itinéraire public et politique.
Toutefois, il était aussi, depuis toujours, un homme de convictions, qui aimait à dire : « Je suis toujours un militant dans l’âme. Je milite depuis l’âge de onze ans. »
Jean-Claude Frécon fut, durant vingt-quatre années, le maire de sa commune de Pouilly-lès-Feurs, dont il avait été élu conseiller municipal dès 1971, à l’âge de 27 ans, avant d’en devenir le premier magistrat en 1983.
Il était avant tout un élu de proximité, qui a marqué l’histoire de sa commune. Il restera aux yeux des Pouillerots un maire actif, dynamique et apprécié pour sa capacité d’écoute, son dévouement inlassable, sa disponibilité à l’égard de ses concitoyens et un attachement particulier à toutes les dimensions festives et participatives.
Jean-Claude Frécon mesurait et subissait aussi le prix de cet engagement total. Il soulignait en ces termes la difficulté de la mission de maire dans nos territoires ruraux : « Les maires sont en contact direct, 365 jours par an, avec la population, 24 heures sur 24. C’est un travail passionnant, mais le plus stressant de tous. »
Cette proximité absolue, qui est le cœur du mandat de maire, Jean-Claude Frécon avait aussi tenu à la mettre au service de l’Association des maires de France, dont il fut le vice-président de 1989 à 2006. Il fut aussi conseiller général du canton de Feurs de 1979 à 2002, et président de la commission des transports de l’assemblée départementale de 1994 à 1998.
Son engagement total et son sens du travail bien fait en faisaient aussi un défenseur convaincu de la limitation des mandats. Permettez-moi de lui donner à nouveau la parole : « Je n’aime pas faire les choses à moitié et si l’on ne peut pas faire un travail complètement, il faut s’en démettre. »
Tenant à s’appliquer à lui-même ce principe, il renonça à son mandat de conseiller général en 2002, avant d’abandonner en 2006 ses fonctions de maire. Ce fut pour lui une décision douloureuse, qu’il expliquait ainsi : « C’est une déchirure ; le mandat de maire est un mandat passionnant, on est près des gens, on voit des choses concrètes se réaliser. Mais je savais qu’un jour ou l’autre, il faudrait s’arrêter… »
Après avoir été élu sénateur de la Loire le 23 septembre 2001, Jean-Claude Frécon se consacra intensément à son activité de parlementaire.
Chargé de mission, en 1985-1986 au cabinet de Jean Auroux, ministre de l’urbanisme, du logement et des transports, puis candidat aux élections législatives, Jean-Claude Frécon souhaitait fortement représenter son département de la Loire au Parlement, notamment au Sénat de la République.
Sa marche vers le Palais du Luxembourg fut un long chemin. Militant socialiste fidèle, élu local d’exception, spécialiste des finances locales, il fut candidat à plusieurs élections sénatoriales, avant d’être élu sénateur de la Loire en 2001, aux côtés de Josiane Mathon, de Michel Thiollière et de notre collègue Bernard Fournier. Dix années plus tard, il fut reconduit dans ce mandat qui lui était si cher.
Jean-Claude Frécon, qui avait visité chacune des 326 communes de la Loire, avait sans doute été le plus ému de tous lors de son élection. Comme toujours, il se consacra avec passion à son mandat national, qu’il voulait exercer de manière plénière, dans toutes ses dimensions.
Il s’investit pleinement dans la défense des territoires de la Loire et l’exercice de sa fonction de législateur, siégeant successivement à la commission des lois, puis à la commission des finances, dont il fut le vice-président, et enfin, depuis 2014, à la commission de la culture.
Spécialiste reconnu des finances locales, ses rapports budgétaires annuels sur le conseil et le contrôle de l’État ou sur les engagements financiers de l’État faisaient autorité. Il y déplorait fortement que l’État se comporte trop souvent comme un simple actionnaire financier.
Le travailleur infatigable qu’était Jean-Claude Frécon tenait aussi à participer pleinement à la mission de contrôle du Sénat. Il mettait un point d’honneur à élaborer, presque chaque année, un rapport d’information sur les sujets les plus variés : Les Avances aux services de l’État et aux organismes gérant des services publics ; Les Engagements hors bilan de l’État ; La Cour nationale du droit d’asile ; La Réforme du Conseil économique, social et environnemental, ou encore La Sécheresse de 2003.
Il tenait aussi à s’investir pleinement dans un certain nombre de groupes d’études et dans de nombreuses activités internationales, rédigeant, là encore, de nombreux rapports concernant aussi bien le Brésil que les relations économiques et financières à reconstruire entre la France et l’Iran.
Jean-Claude Frécon, dont l’intérêt se portait sur les situations difficiles, présidait le groupe d’amitié avec le Kosovo et le groupe d’études et de contact du Sénat avec la République populaire démocratique de Corée.
Le tour d’horizon des innombrables sujets qui le passionnaient serait toutefois très incomplet si l’on ne soulignait pas la force des convictions européennes de Jean-Claude Frécon.
Membre du Conseil de l’Europe, il participa dès 1994 aux travaux du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Il eut ainsi à observer de nombreuses élections locales dans les 47 pays membres de cette instance, qui défend les droits de l’homme, la démocratie et le respect de l’État de droit.
L’investissement de Jean-Claude Frécon dans cette institution européenne fut consacré, quelque vingt ans plus tard, par son élection à la présidence du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Ce fut, le 14 octobre 2014, un moment de grande émotion pour lui. Il s’exprima en ces termes devant le Congrès réuni à Strasbourg : « C’est pour moi un immense honneur que vous venez de m’accorder. C’est, permettez-moi de le dire avec une grande sincérité, la consécration d’une carrière tout entière dédiée aux collectivités territoriales à travers toutes les fonctions que j’ai pu occuper dans mon pays. »
Orateur chaleureux, l’Européen Jean-Claude Frécon était avant tout un humaniste. Il avait décidé de ne pas être candidat en septembre prochain au renouvellement de son mandat de sénateur. Il était venu m’en parler, avant d’adresser aux maires de son département un courrier rédigé en ces termes : « J’aurai passé seize ans dans cette fonction de sénateur et j’y ai connu beaucoup de satisfactions, avec énormément de travail, mais je ne le regrette pas, car j’ai toujours eu le souci de nos communes. J’aurai en septembre prochain 73 ans et il sera temps pour moi de laisser la place à des plus jeunes, avec la satisfaction d’avoir servi notre pays, notre département, nos communes et nos concitoyens. »
Le destin n’aura pas laissé à notre collègue le temps de bénéficier d’un repos aussi mérité. C’est un travailleur infatigable et un homme de bien qui nous a quittés.
En cette heure de partage et de recueillement, je souhaite redire notre sympathie aux membres du groupe socialiste et républicain du Sénat et à ses collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Je souhaite aussi exprimer à son épouse, Ginette, à ses trois enfants Éric, Isabelle et Christelle, à ses petits-enfants, à toute sa famille, à ses proches, ma profonde peine personnelle. En les écoutant à Pouilly-lès-Feurs, j’ai mieux perçu l’intime de Jean-Claude Frécon, les souffrances et les espérances, les douleurs et les rêves, qu’il a emportés dans le secret de son cœur, sur l’une des routes de la Loire.
Jean-Claude Frécon restera présent dans nos mémoires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, c’est avec une grande tristesse que le Gouvernement a appris, le 10 décembre dernier, que Jean-Claude Frécon nous avait brutalement quittés.
Enseignant par vocation, instituteur, puis directeur d’école, il s’engage très tôt dans la vie associative locale de Pouilly-lès-Feurs, en créant le comité des fêtes. Il se lance aussi dans l’éducation populaire au sein de la Fédération des œuvres laïques et anime la vie sportive de sa commune, notamment le club de football.
Militant associatif, il est aussi militant syndical à l’UNSA, l’Union nationale des syndicats autonomes, dont il restera toujours membre. C’est donc tout naturellement qu’il fait son entrée dans la vie publique au niveau local, en devenant, à 35 ans, conseiller général du canton de Feurs dans le département de la Loire.
Quatre ans plus tard, il est élu maire de la commune de Pouilly-lès-Feurs, un mandat qu’il remplira pendant vingt-trois ans avec passion, œuvrant jour après jour pour ses concitoyens, dont il sut conserver la confiance par son inlassable dévouement. Apprécié de ses concitoyens dans sa commune, il le fut aussi au conseil général comme à l’Association des maires de France, de 1983 à 2006, dont il devint vice-président.
Élu local viscéralement attaché à son territoire, Jean-Claude Frécon n’en était pas moins un Européen convaincu. C’est ainsi qu’il fut, dès les années 1980, membre de la délégation française à la Chambre des pouvoirs locaux du Conseil de l’Europe. Il en gravit ensuite tous les échelons, jusqu’à en devenir président, avant de devenir président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en 2014. Cette consécration européenne fut l’aboutissement de trente années d’engagement au service de la démocratie locale.
Jean-Claude Frécon ne se limitait pas à ces responsabilités importantes. Il s’engagea aussi avec passion sur des sujets majeurs : les migrants et les réfugiés, la situation en Ukraine, les relations entre la France et l’Iran ou encore la Corée du Nord.
C’est ainsi que, au fil des années, il s’imposa comme l’une des figures politiques marquantes de son département de la Loire. C’est naturellement qu’il fut élu au Sénat en 2001.
Au sein de la prestigieuse Haute Assemblée, il trouva très vite ses marques et réussit à s’épanouir, jusqu’à démissionner de ses mandats de conseiller général et de maire, afin de mieux se consacrer à ses activités de sénateur et de président de chambre au Conseil de l’Europe.
Tous les sénateurs, qui, comme moi, ont eu la chance de siéger à ses côtés sur ces travées, se souviennent d’un collègue chaleureux, inépuisable travailleur, parlementaire enthousiaste passionné par son travail.
Je l’avais croisé voilà quelques mois à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry. Il s’envolait pour la Scandinavie, où se tenait une réunion du Conseil de l’Europe. Il m’avait de nouveau impressionné par la sagacité dont il faisait preuve pour analyser le contexte politique, aussi bien régional que national.
Jean-Claude Frécon avait annoncé qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat sénatorial, car il souhaitait passer le flambeau et profiter d’une retraite bien méritée, après avoir consacré près de quarante années au service de sa commune, de son département et de son pays.
Durant toutes ces années, Jean-Claude Frécon a marqué l’histoire de la Loire. Il a brillamment représenté notre pays au Conseil de l’Europe. Il a ardemment défendu nos collectivités locales au Sénat. Et il a toujours défendu avec fierté les couleurs de son idéal socialiste.
Le Gouvernement souhaite donc aujourd'hui, par ma voix, lui rendre un hommage appuyé. À son épouse, à ses trois enfants, à ses amis, à ses collaborateurs, à l’ensemble de ses concitoyens et de ses collègues, notamment du groupe socialiste, j’adresse, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes condoléances les plus sincères et les plus attristées.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mesdames, messieurs, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de Jean-Claude Frécon. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État, observent une minute de silence.)
Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Jean-Claude Frécon, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Candidature à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et républicain a fait connaître à la présidence qu’il présente la candidature de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont pour représenter la France en qualité de membre suppléant à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
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Candidature à une commission
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Jean-Claude Frécon, décédé.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
13
Autoconsommation d'électricité et énergies renouvelables
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (projet n° 269, texte de la commission n° 286, rapport n° 285).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà dix-huit mois, à la suite d’une discussion parlementaire intense, qui a contribué à enrichir et améliorer le texte que défendait Ségolène Royal, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte était promulguée, ouvrant la voie à la stratégie nationale bas carbone, à la programmation pluriannuelle de l’énergie et à l’accord historique sur le climat obtenu à Paris le 12 décembre 2015.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette loi, le développement des énergies renouvelables est la principale priorité, pour diversifier notre mix énergétique, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et favoriser l’essor des filières de la croissance verte et la création des emplois de demain.
C’est pourquoi, sans attendre la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie le 28 octobre dernier, et pour l’application de l’objectif de la loi d’atteindre 32 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030, le Gouvernement avait déjà publié le volet « énergies renouvelables » de cette programmation pluriannuelle dès le 24 avril dernier. C’était un document très attendu par les filières des énergies renouvelables, pour avoir de la visibilité.
L’ambition est considérable. Par exemple, il s'agit de plus que tripler la puissance photovoltaïque installée, de plus que doubler la puissance éolienne terrestre installée, ou d’augmenter de plus de 50 % la production de chaleur renouvelable.
Grâce à cette ambition résolue, une dynamique est à l’œuvre. Ainsi, depuis 2014, la puissance éolienne et solaire installée a augmenté de 25 %. Les énergies renouvelables électriques produisent désormais, à la pointe de midi, l’équivalent de six réacteurs nucléaires et contribuent à la sécurité de l’alimentation. Les projets de chaleur renouvelable et de récupération qui sont aidés par le Fonds chaleur ont augmenté de près de 30 %. Au total, ce dernier a ainsi permis d’accompagner près de 4 000 opérations d’investissement, pour un montant total de 1,4 milliard d’euros.
Ces résultats se traduisent en termes de créations d’emplois et de croissance verte. Au 31 décembre 2015, la filière éolienne comptait ainsi près de 15 000 emplois sur le territoire français et 800 sociétés actives dans le secteur. En 2015, la croissance des emplois éoliens a été de 15,6 % par rapport à 2014, avec près de 2 000 créations d’emplois supplémentaires. Par rapport à 2013, les emplois éoliens ont crû de 33,3 %, soit 3 620 emplois supplémentaires. La première usine de construction d’éoliennes terrestres en France achève d’ailleurs sa construction : il s’agit de l’usine Poma, en Isère.
Pour prolonger cette dynamique, l’ordonnance relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, que ratifie l’article 1er du projet de loi dont vous êtes saisis, permet une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché et au système électrique et prévoit la mise en œuvre de nouvelles procédures de mise en concurrence, plus adaptées au stade de maturité de certaines énergies renouvelables.
En particulier, l’ordonnance supprime la priorité d’appel pour les installations de production d’électricité à partir de charbon, contradictoire avec la priorité qui doit être donnée à la production à partir d’énergies renouvelables.
Elle introduit une priorité d’appel pour les installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables dans les zones non interconnectées, comme c’est déjà le cas en métropole continentale.
Elle ouvre la possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres, telle que la procédure de dialogue concurrentiel, qui tire les leçons des premiers appels d’offres éoliens en mer, et permettra désormais une évolution des projets au fil de la procédure et ainsi réduire les délais.
Elle est en cours dans le cadre de l’appel d’offres éolien en mer que Ségolène Royal a lancé au large de Dunkerque et s’appliquera également pour l’appel d’offres au large d’Oléron.
L’article 1er du projet de loi ratifie également l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité. Elle permet de doter la France d’un cadre légal qui facilite le développement de l’autoconsommation.
Le développement de l’autoconsommation est en effet un objectif vertueux, pour les énergies renouvelables, pour les réseaux d’électricité et pour les factures énergétiques. Un appel d’offres a ainsi été lancé à l’été dernier pour le développement de l’autoconsommation dans les secteurs industriels, tertiaires et agricoles. Les soixante-douze premiers lauréats de cet appel d’offres, qui a rencontré un très grand succès, sont désormais connus, ce qui témoigne de l’ambition des territoires, des citoyens et des acteurs économiques à évoluer vers un système énergétique plus décentralisé.
L’ordonnance prévoit également la définition des opérations d’autoconsommation, en reconnaissant notamment l’autoconsommation collective. Elle reconnaît l’obligation pour les gestionnaires de réseau de faciliter les opérations d’autoconsommation, ainsi que l’établissement par la Commission de régulation de l’énergie d’une tarification d’usage du réseau adaptée aux installations en autoconsommation, pour tenir compte des réductions de coûts d’utilisation des réseaux que peuvent apporter ces opérations.
Nous sommes très attachés à ce que les tarifs d’usage des réseaux intègrent dès à présent ce nouvel usage qu’est l’autoconsommation, pour en favoriser le développement. L’ordonnance prévoit enfin la simplification des procédures pour les installations de petite taille faisant de l’autoconsommation partielle.
Pour aller plus loin, afin d’accompagner l’autoconsommation, l’Assemblée nationale et votre commission ont introduit un dispositif d’exonérations de taxes – contribution au service public de l’électricité et taxes locales sur la consommation d’électricité – pour l’électricité autoconsommée à l’article 1erbis A. Nous y sommes très favorables.
Mme la ministre de l’environnement a souhaité cette discussion parlementaire pour la ratification des ordonnances, pour que celles-ci puissent bénéficier de vos enrichissements. Il s’agit là d’une méthode de coconstruction, à laquelle Ségolène Royal et moi-même tenons beaucoup. Je veux vous remercier des améliorations apportées au texte.
Au-delà de la ratification des ordonnances, la mise en application de la loi de transition énergétique, que ce soit à travers la publication des textes réglementaires, conduite tambour battant avec aujourd’hui plus de 95 % des décrets adoptés, ou des appels d’offres, a permis d’identifier des dispositions complémentaires permettant d’accélérer et de simplifier la transition énergétique et la croissance verte en France. C’est le sens des autres articles du projet de loi qui vous est soumis.
L’article 2 prévoit d’interdire le cumul de la valorisation des garanties d’origine de l’électricité renouvelable avec le bénéfice d’un dispositif de soutien : tarif d’achat ou complément de rémunération. L’objectif est de garantir que l’électricité soutenue par des dispositifs nationaux, qui sont financés par tous les consommateurs, revienne bien à l’ensemble des consommateurs, sans que les fournisseurs puissent bénéficier d’une double rémunération indue, et de favoriser le développement de l’électricité renouvelable.
Maintenir ce principe de non-cumul est également nécessaire pour sécuriser juridiquement les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables dont nous avons obtenu la validation par la Commission européenne le 12 décembre dernier.
Ce dispositif a fait l’objet de débats importants à l’Assemblée nationale. Les députés ont prévu que les garanties d’origine issues des installations de production d’énergies renouvelables bénéficiant d’un dispositif de soutien soient mises aux enchères par l’État.
Votre commission a contribué à améliorer le dispositif en prévoyant la possibilité d’un allotissement par filière et par zone géographique. Je suis convaincue que le travail intense d’écoute conduit par les parlementaires a permis d’aboutir à un dispositif équilibré, et je tiens à vous en remercier. Notre objectif est que le décret d’application de ce dispositif soit publié dans les meilleurs délais, après une concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
L’article 3 met en place une réduction des coûts de raccordement au réseau électrique pour les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, dite « réfaction tarifaire ». En effet, le coût du raccordement se révèle parfois un obstacle pour les projets des producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. Tel est notamment le cas pour les installations de petite ou moyenne puissance, notamment en milieu rural, dont l’éloignement par rapport au réseau nécessite parfois une extension significative de ces derniers, afin d’évacuer l’électricité produite.
Ce dispositif a pu susciter l’inquiétude de certaines entreprises locales de distribution de petite taille. Certaines ont pu craindre que, en cas de réfaction importante sur le raccordement d’installations d’énergie renouvelable de très grande taille, le dispositif pèse sur leur trésorerie.
Je voudrais ici les rassurer, en précisant que l’objectif de la réfaction est bien de favoriser le développement des énergies renouvelables en milieu rural, là où les coûts de raccordement sont souvent plus élevés qu’en milieu urbain ou périurbain. C’est une mesure d’équité.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je pense en particulier aux agriculteurs qui s’engagent dans des projets de méthanisation ou de photovoltaïque. Les coûts plus importants de raccordement peuvent actuellement les défavoriser dans les appels d’offres. Ce seront donc les installations de petite taille qui bénéficieront du taux maximal de réfaction de 40 %.
L’article 3 permet également de clarifier les modalités de prise en charge des indemnités en cas de retard de raccordement pour les parcs éoliens en mer. Cette visibilité était indispensable pour mener à bien les procédures administratives des appels d’offres et accélérer la mise en service des parcs éoliens en mer.
L’article 4 propose de confier la coordination des opérations associées à la modification de la nature du gaz acheminé dans des réseaux aux gestionnaires de ces réseaux.
Cette clarification des responsabilités lors des opérations de modification de la nature du gaz acheminé dans des réseaux est tout particulièrement nécessaire pour préparer la prochaine conversion des réseaux de transports de distribution de gaz à bas pouvoir calorifique, situés dans le nord de la France – comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une région à laquelle je suis particulièrement attachée (Sourires.) –, en lien avec la baisse de la production du champ néerlandais de Groningue, qui va devoir conduire à les alimenter à l’avenir avec du gaz à haut pouvoir calorifique comme le reste du pays.
Pour les consommateurs dont les appareils et équipements peuvent être réglés ou adaptés au changement de la nature du gaz naturel, l’ensemble des coûts associés à ce changement de la nature du gaz sera donc pris en charge par le gestionnaire de réseau de distribution et répercuté dans les tarifs d’utilisation du réseau.
Toutefois, certains appareils très anciens ou ne respectant pas les normes européennes ne peuvent être adaptés ou réglés à la modification de la nature du gaz, et devront donc être remplacés. Cela concerne moins de 5 % des appareils actuellement en fonctionnement.
Une attention particulière doit être apportée pour les ménages en situation de précarité, qui devront supporter le coût du remplacement de ces appareils très anciens. Il sera nécessaire de les accompagner financièrement. Votre rapporteur propose un amendement tendant à demander au Gouvernement un rapport qui devra proposer des solutions pour accompagner ces ménages précaires. J’accueille très favorablement cette demande de rapport, et je souhaite que ses conclusions puissent être mises en œuvre dans un délai compatible avec les opérations de conversion.
En conclusion, je voudrais souligner combien le travail parlementaire a permis d’améliorer le projet du Gouvernement.
M. Bruno Sido. C’est bien vrai ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. De nombreuses dispositions ont été adoptées pour clarifier et améliorer la lisibilité du texte législatif.
La discussion d’aujourd’hui permettra, j’en suis sûre, de nouvelles avancées dans ce sens. À l’issue de ces débats, nous souhaitons que le texte puisse rapidement avancer sur le chemin de son entrée en vigueur, afin de tirer tout le parti de ses dispositions pour accélérer encore la mise en œuvre de la transition énergétique et de la croissance verte en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (M. Bruno Sido applaudit.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les parlementaires, surtout lorsqu’ils sont dans l’opposition, n’aiment pas beaucoup le recours aux ordonnances. (Exclamations amusées.)
M. Charles Revet. Ça, c’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. On peut changer d’avis ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourtant, cela me paraît tout à fait justifié lorsque l’urgence d’une réforme ou la technicité de la matière l’exigent, pour autant que le Parlement – c’est précisément le cas aujourd’hui – en soit ensuite saisi pour contrôler et ratifier explicitement le travail du Gouvernement.
J’ajoute que nous, parlementaires, n’avons parfois que ce que nous méritons quand, sur de trop nombreux textes, nous empilons les articles additionnels jusqu’à plus soif. À cet égard, les exemples des lois Travail, Macron ou encore Transition énergétique parlent d’eux-mêmes, avec un nombre d’articles qui aura doublé, triplé ou quadruplé entre le texte initial et la loi adoptée ! Je tenais à le souligner. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sur le fond, sous des abords assez techniques, le texte qui nous est soumis n’en comporte pas moins plusieurs enjeux importants pour le fonctionnement de notre système électrique.
Ainsi, la première ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier fixe pour la première fois un cadre légal à l’autoconsommation.
Cette pratique, appelée à se développer fortement dans les années à venir, pourrait en effet permettre de réduire les coûts du réseau, sous réserve qu’un certain nombre de règles soient prévues pour assurer une bonne synchronisation de la production et de la consommation, dimensionner les installations en fonction des besoins et garantir que la production soit située à proximité des lieux de consommation. Sur ce dernier point, notre commission vous proposera de compléter le texte, afin de limiter les opérations d’autoconsommation individuelle à un même site, car, en l’état, un client « multisites » pourrait produire dans sa résidence secondaire, par exemple dans le Midi, et consommer dans sa résidence principale, ce qui solliciterait le réseau et donc ne créerait aucune économie.
Pour le reste, notre commission a approuvé les avancées prévues par l’ordonnance, qu’il s’agisse de la garantie d’accès au réseau, de la possibilité de céder les surplus à titre gratuit ou de la fixation d’un tarif d’accès au réseau spécifique pour les plus petites installations. Elle les a même complétées par plusieurs dispositions fiscales ou techniques facilitatrices. Je mentionnerai seulement l’extension du champ de l’autoconsommation collective, qui autorisera les échanges d’énergie entre deux bâtiments tout en préservant le caractère de proximité sur le réseau de l’opération. Vous avez bien voulu le rappeler, madame la secrétaire d’État.
La seconde ordonnance comporte plusieurs mesures techniques pour accompagner le développement des énergies renouvelables et améliorer leur intégration au réseau. Je pense en particulier à la possibilité pour l’État de recourir à d’autres formes de mise en concurrence que le traditionnel appel d’offres, au renforcement de la coordination entre les producteurs et les gestionnaires de réseaux, ou encore à l’extension de la priorité d’appel dans les zones non interconnectées.
L’article 2 du projet de loi, qui a fait l’objet, à juste titre, de nombreux débats, a trait aux garanties d’origine associées à la production d’électricité renouvelable, qui permettent de certifier le caractère « 100 % vert » d’une offre de fourniture. Jusqu’à présent, seules les garanties d’origine de la production non subventionnée étaient valorisées en France, en moyenne entre 0,1 euro et 0,3 euro par mégawattheure, et pour un volume total de vingt-cinq térawattheures, soit environ le quart de la production renouvelable.
Dans la version initiale du texte, le Gouvernement proposait d’interdire toute émission des garanties d’origine en cas d’aides publiques à la production, afin en particulier d’éviter que le consommateur ne paie deux fois pour la même électricité renouvelable, une première fois par la fiscalité énergétique, et une seconde fois en souscrivant à une offre verte. Or cette solution n’aurait pas permis de tracer l’électricité verte subventionnée, dont les garanties auraient ainsi été « perdues » pour la collectivité.
Pour résoudre la difficulté, l’Assemblée nationale, en lien avec le Gouvernement, a prévu un mécanisme de mise aux enchères, organisé par et au bénéfice de l’État, qui présente le triple avantage d’éviter toute double rémunération des producteurs, d’assurer la traçabilité de l’électricité verte soutenue et de dégager des recettes qui viendront en déduction des subventions versées aux énergies renouvelables.
La fixation d’un prix de réserve évitera par ailleurs de déstabiliser un marché des garanties déjà largement excédentaire, de même que l’obligation d’inscription des seules installations de plus de 100 kilowatts limitera les coûts de gestion du système et dispensera les plus petites installations, à commencer par celles des particuliers, d’une obligation inutile.
Au total, notre commission a jugé qu’il s’agissait d’un bon compromis et que le mécanisme ainsi mis en place restait relativement simple. Elle n’y a donc apporté que quelques compléments, dont la possibilité d’allotir par type de filière et par zone géographique, pour mieux répondre aux demandes en faveur d’un mix diversifié et d’une énergie produite localement.
L’article 3 traite d’un autre problème important. Il propose de rétablir la réfaction tarifaire, c’est-à-dire le financement par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, d’une partie des coûts de raccordement des installations de production d’électricité renouvelable, et ce pour favoriser la réalisation de projets plus éloignés du réseau. Sont prioritairement visées des installations situées en milieu rural, le cas le plus représentatif étant celui des panneaux solaires installés sur des bâtiments agricoles, qui, par définition, ne peuvent pas être déplacés pour réduire les coûts d’extension et de renforcement du réseau.
Après une analyse approfondie, notre commission a approuvé une disposition dont certains des inconvénients potentiels ont été corrigés par nos collègues députés.
Ainsi, pour éviter une réduction indifférenciée quelle que soit la taille des projets, la modulation du taux de réfaction selon le niveau de puissance ou la filière, désormais explicitement prévue dans le texte, permettra d’adapter la mesure à la diversité des situations, donc d’aider davantage les petits producteurs que les gros, qui n’en ont pas besoin. De même, pour éviter une différence de traitement entre le gaz et l’électricité renouvelables, la mesure a été opportunément étendue aux installations produisant du biogaz, dont l’injection sur le réseau sera ainsi facilitée.
Nous avons enfin examiné une autre difficulté, à laquelle vous avez fait référence, madame la secrétaire d’État : la charge excessive de trésorerie que la réfaction pourrait faire peser, avant remboursement par le TURPE, sur les gestionnaires de réseaux, et en particulier sur les entreprises locales de distribution les plus petites.
Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat, mais ces ELD peuvent d’ores et déjà être rassurées. Outre la modulation des taux, dont le Gouvernement pourra sans doute nous préciser le « calibrage » – du moins, je l’espère, madame la secrétaire d’État –, cette charge sera encore minorée par l’abaissement du taux maximal de réfaction, décidé par votre commission, à 40 %, qui réduira sensiblement le coût de la mesure.
J’évoquerai brièvement une disposition introduite au même article par l’Assemblée nationale pour créer un régime indemnitaire spécifique en cas de retard de raccordement des énergies renouvelables en mer, et dont le coût, certes plafonné, sera pris en charge en tout ou partie par le TURPE, le reste relevant du gestionnaire du Réseau de transport, RTE, selon que sa responsabilité sera engagée ou non.
Là encore, notre commission a examiné avec d’autant plus d’attention le dispositif qu’il pourrait engager, en cas de survenance du risque couvert, plusieurs centaines de millions d’euros. Elle l’a cependant jugé nécessaire pour permettre la réalisation des parcs d’éoliennes en mer déjà attribués ou à venir, considérant que la spécificité des aléas visés, en particulier la faillite d’un câblier, justifiait un régime dérogatoire du droit commun et une « socialisation » partielle du risque.
Enfin, l’article 4 du projet de loi aborde un sujet conjoncturel, certes, mais qui aura son importance pour une grande partie des Hauts-de-France. (Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité opine.) En raison de l’arrêt programmé du gisement néerlandais qui alimentait la région en gaz d’un type particulier, dit « gaz de type B », une partie du réseau doit être convertie pour accueillir un autre gaz, dit « gaz de type H », qui dessert déjà le reste de la France. Au total, ce sont environ 10 % de la consommation française et 1,3 million de clients en distribution qui sont concernés.
Or, si la question avait déjà été abordée dans la loi de transition énergétique, il est apparu nécessaire de compléter ce cadre législatif, notamment pour permettre aux gestionnaires de réseaux d’intervenir sur les installations intérieures de gaz, afin de les contrôler et, le cas échéant, de les adapter ou de les régler. Il s’agira d’une opération d’ampleur, puisque, sur la période 2016-2029, quelque 650 millions d’euros devraient être engagés et couverts par les tarifs de réseaux, dont 400 millions d’euros pour les seules opérations de contrôle.
Comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, deux sujets restent cependant à traiter. J’espère que le Gouvernement pourra nous répondre au cours du débat.
D’une part, les sites de stockage du gaz, qui sont aussi concernés que les réseaux par un changement de nature du gaz acheminé, ne sont aujourd’hui pas inclus dans le dispositif alors que leurs coûts d’adaptation seront significatifs.
D’autre part, rien n’est prévu à ce stade pour accompagner les consommateurs aux revenus modestes qui seraient contraints de remplacer un ou plusieurs appareils inadaptables. Sur ce dernier point, et faute de pouvoir introduire dès à présent une aide sous peine de nous voir opposer l’article 40 de la Constitution, notre commission, qui a exprimé cette préoccupation sur toutes ses travées, demandera la remise d’un rapport sur le sujet. Il s’agit d’une pratique à laquelle nous ne sommes habituellement guère favorables, mais j’ai cru comprendre que, en l’espèce elle permettrait au Gouvernement d’avancer dans sa réflexion et de proposer un dispositif opérationnel dans une prochaine loi de finances.
Sous réserve des quelques amendements complémentaires que je vous présenterai, la commission des affaires économiques vous proposera donc d’adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est assez rare que les projets de ratification d’ordonnances soient inscrits à l’ordre du jour et examinés. Nous ne pouvons que nous féliciter que ce soit le cas aujourd'hui.
Cette ratification par le Parlement permettra de sécuriser le dispositif juridique mis en place par les ordonnances, lesquelles ont pour objet de dynamiser plus encore la transition énergétique. Nous sommes donc au cœur de la transition énergétique, cette transition qui constitue l’un des chantiers législatifs majeurs de ces dernières années face au dérèglement climatique et qui a fait de la France un pays en pointe sur le plan européen et mondial dans ce domaine. Cela a contribué au succès de la COP21 lors du sommet de Paris.
Si ce projet de loi permet de ratifier notamment les deux ordonnances, il contient aussi de nombreuses dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz, ainsi qu’aux énergies renouvelables, ce qui conforte la mise en œuvre de la transition énergétique.
Cela étant, la ratification de l’ordonnance de juillet 2016 sur l’autoconsommation répond à de fortes attentes sociétales en ce domaine, car le fait de produire sa propre énergie est perçu par le citoyen de manière positive pour des raisons d’indépendance et de contribution citoyenne. De plus, la baisse du prix des équipements, notamment des panneaux photovoltaïques, facilitera le choix de l’autoconsommation.
Selon le Syndicat des énergies renouvelables, les panneaux photovoltaïques ont enregistré une baisse de 80 % entre 2009 et 2015. Cette diminution des coûts devrait se poursuivre. Cela dit, le choix de l’autoconsommation à partir d’énergies renouvelables pourrait être, par ailleurs, favorisé par la hausse de la facture d’électricité.
Il n’en demeure pas moins que ce choix, qui reste relativement coûteux, doit être encouragé. C’est l’objet de cette première ordonnance, et c’est un signal fort pour faciliter le développement de l’autoconsommation. Il était donc devenu nécessaire à la fois d’encourager le choix de l’autoconsommation et d’anticiper son développement, tout en fixant un cadre pour bien la maîtriser.
En effet, plusieurs risques peuvent être liés à un développement incontrôlé, comme le souligne à juste titre un rapport issu de l’Assemblée nationale. Par exemple, l’émergence de réseaux de distribution « sauvages », dissimulés derrière un point d’alimentation, un transfert de charges des autoconsommateurs vers le reste des utilisateurs ou enfin l’apparition de difficultés non négligeables pour le réseau de transport d’électricité.
La deuxième ordonnance vise à simplifier le droit existant et à permettre une meilleure intégration des énergies renouvelables dans le marché électrique, notamment en supprimant le plafond législatif de 12 mégawatts applicable aux installations sur obligation d’achat.
À cette meilleure intégration au système électrique peut aussi s’ajouter la mise en œuvre, pour les appels d’offres, d’une procédure de dialogue concurrentiel, procédure plus souple, donc plus adaptée à certaines filières. On peut aussi évoquer la suppression de l’appel à priorité par Réseau de transport d’électricité, ou RTE, des centrales à charbon.
En peut enfin se féliciter de la création d’une priorité d’appel pour les énergies renouvelables dans les zones non interconnectées : ce peut être un plus pour le développement des centrales à biomasse et des énergies renouvelables.
Concernant l’interdiction, à l’article 2, du cumul de la valorisation des garanties d’origine avec les dispositifs de soutiens publics, comme l’obligation d’achat ou le complément de rémunération, il nous paraît normal d’éviter que le consommateur ne paye plusieurs fois l’origine renouvelable de l’électricité.
L’autre avantage de cette interdiction était, nous semble-t-il, d’encourager le développement de nouvelles capacités renouvelables, avec pour objectif d’une meilleure intégration au marché. Cependant, par rapport au texte initial, nous craignions que cette interdiction ne se traduise par la disparition de toute traçabilité, dans la mesure où l’on ne pourrait plus faire mention de la garantie d’origine. La nouvelle rédaction va dans le bon sens en interdisant les cumuls, tout en préservant la traçabilité de l’électricité verte.
Ainsi, l’État, et non plus les producteurs, détiendra le bénéfice des garanties d’origine pour l’électricité produite sous mécanisme de soutien. Il pourra ensuite mettre ces garanties d’origine aux enchères auprès des fournisseurs d’énergie, qui pourront dès lors proposer des offres vertes aux consommateurs. Voilà qui valorisera la traçabilité tout en allégeant la facture des consommateurs, puisque les recettes tirées des enchères réduiront les charges de service public de l’électricité.
Au sein de la commission, un amendement est venu modifier l’article 2 pour permettre à l’État une mise aux enchères partielle des garanties d’origine issues de la production renouvelable soutenue par l’obligation d’achat ou par le complément de rémunération.
Certes, cet amendement vise à apporter une certaine flexibilité au dispositif, mais celui-ci ne répond plus à la demande de traçabilité totale souhaitée. Cela risquerait de compromettre l’équilibre global tel qu’il a été intensément recherché. Nous restons donc sceptiques sur l’opportunité d’une telle modification.
L’article 3 permet au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, de couvrir une partie des coûts de raccordement aux réseaux de distribution des producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Cette prise en charge partielle, appelée « réfaction tarifaire », va tout à fait dans le bon sens, car les coûts de raccordement constituent souvent un obstacle à l’implantation d’installations en énergies renouvelables, notamment en milieu rural, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné.
Cela dit, le reste à charge qui sera supérieur à 50 % du coût de raccordement devrait normalement inciter les producteurs à localiser, de façon optimale, les installations produisant des énergies renouvelables.
À ceux qui s’inquiéteraient des conséquences sur le TURPE de cet élargissement de la « réfaction tarifaire », rappelons que son effet sera négligeable, puisque la réfaction sera compensée par une hausse du tarif de seulement 0,65 %, soit environ 80 à 90 millions d’euros pour un TURPE de 13 milliards d’euros.
J’en viens aux énergies renouvelables en mer, lesquelles mobilisent des investissements importants. Il était donc indispensable de prévoir un régime particulier pour les indemnités versées aux producteurs en cas de délais non respectés pour la mise à disposition des ouvrages de raccordement. C’est ce que prévoit la nouvelle rédaction du texte, qui distingue deux hypothèses.
Soit la cause du retard n’est pas imputable au gestionnaire de réseau et, dans ce cas, les indemnités ne sont pas à la charge de celui-ci et seront couvertes par le TURPE dans la limite d’un plafond fixé par décret.
Soit la cause est imputable au gestionnaire de réseau et, dans ce cas, le TURPE ne couvrira qu’une partie des indemnités.
Je salue d’autant plus ces deux dispositions que nous aurons prochainement au large des côtes audoises deux fermes-pilotes d’éoliennes. Elles seront plus précisément installées au large de Gruissan-Port-la-Nouvelle et de Leucate. Je remercie le Gouvernement de ce choix pertinent ! (Sourires.)
Enfin, concernant l’article 4 et le projet « Tulipe », c’est-à-dire le projet dans les Hauts-de-France de conversion des réseaux de gaz B en gaz H, notre intention était de parvenir à une solution nous permettant d’attribuer des soutiens financiers aux consommateurs en situation de précarité qui seraient dans l’obligation, du fait des modifications de la nature du gaz acheminé, de remplacer des équipements et appareils inadaptables.
Nous avons évoqué cette importante préoccupation en commission. Nous avons donc travaillé à la rédaction d’un amendement visant à instaurer un mécanisme d’aide à caractère social. Néanmoins, la crainte de nous heurter à une irrecevabilité financière nous a conduits à abandonner cette proposition. En conséquence, monsieur le rapporteur, nous nous rallierons à votre amendement.
Par ailleurs, par voie d’amendements, nous allons tenter de compléter le texte, mais je ne m’étendrai pas ici davantage.
En conclusion, réussir la transition énergétique nécessite d’être innovant. Ce texte l’est assurément. Il représente une avancée majeure pour le présent et l’avenir. Dès lors, nous le voterons avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre système électrique est le produit d’un projet collectif incarné pendant des années par l’entreprise publique EDF-GDF et par ses agents. L’énergie doit être un bien public et le rester.
Notre système électrique constituait aussi, au travers de la péréquation tarifaire, l’affirmation du principe d’égalité de traitement, d’un « pacte républicain » entre mondes rural et urbain, d’une part, et entre zones économiques riches et régions plus défavorisées, d’autre part. Il me semble opportun de rappeler cette partie de notre histoire. En effet, la libéralisation des marchés de l’énergie devait garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité à un coût socialement acceptable : nous en sommes bien loin !
Comment peut-on parler du droit à l’énergie pour tous quand notre pays compte près de 12 millions de précaires énergétiques et que le Gouvernement fait la promotion de l’effacement de millions de foyers en lieu et place de l’effacement habituel des entreprises ? Ou encore quand les gouvernements successifs renoncent à faire de l’État le garant de la solidarité nationale prenant en charge les activités d’intérêt général nécessaires au développement de la vie collective et le transforment en simple actionnaire parmi d’autres ?
Ce rappel est opportun, car ces ordonnances prévues par la loi de transition énergétique nous sont présentées alors que la Commission européenne est en train d’élaborer le cadre juridique de l’autoconsommation d’énergie renouvelable. Cette évolution des modes de production et de consommation d’énergie, peu conforme à notre vision du problème, se traduit, notamment, par de nouvelles dispositions au sein du « paquet énergie propre » que la Commission vient de présenter.
Ce « paquet d’hiver » présenté le 30 novembre 2016 comporte plusieurs propositions de modifications des textes relatives au marché intérieur de l’électricité, à l’efficacité énergétique ou bien encore aux énergies renouvelables. L’un des éléments les plus structurants de ce paquet « énergie propre » tient à la volonté affichée par la Commission de donner aux citoyens européens un pouvoir de contrôle plus grand sur leur production et sur leur consommation d’énergie.
Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, l’autoconsommation bénéficie d’une reconnaissance et d’un cadre juridique. C’est dans ce contexte de démantèlement d’un modèle centralisé ayant démontré son efficacité qu’il faut aborder ce projet de loi ratifiant l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Il en est ainsi des mesures qui ont en commun de modifier diverses dispositions du code de l’énergie concernant les conditions de raccordement des énergies renouvelables aux réseaux publics de distribution d’électricité, les sites fortement consommateurs d’électricité ou de gaz naturel ou la valorisation des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant de l’obligation d’achat.
Ces ordonnances s’inscrivent au cœur de la transition énergétique. Nous regrettons néanmoins que l’on mélange la production d’énergies renouvelables et l’autoproduction ou l’autoconsommation.
En ce qui concerne l’autoconsommation, le projet de loi fixe une définition très large. Apparaît ainsi la possibilité d’une autoconsommation collective, ce qui est nouveau. Des logements collectifs ou des centres commerciaux pourront produire leur propre électricité en fonction de leurs besoins de consommation, par exemple par le biais d’installations photovoltaïques. En soi, c’est une bonne chose. En revanche ce qui est plus problématique, c’est qu’ils pourront la vendre et déroger à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommée.
La production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est l’objet de la seconde ordonnance, qui comporte de nombreuses dispositions, parmi lesquelles la possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres. La procédure d’appel d’offres pourra notamment être remplacée par la procédure de dialogue concurrentiel, inspirée du dialogue compétitif utilisé en matière de commande publique.
Comme l’ont souligné nos collègues de l’Assemblée nationale, si la mise en place de cette nouvelle procédure pour les installations de production d’électricité a été saluée par la Commission de régulation de l’énergie, elle nous éloigne un peu plus de l’objectif d’une maîtrise publique accrue du secteur de l’énergie renouvelable. Devons-nous continuer dans la voie du développement de ces filières très capitalistiques pour le plus grand profit de quelques opérateurs privés ?
Nous approuvons les dispositions de l’article 2, qui vise à interdire la valorisation des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant déjà d’un soutien public.
Nous ne pouvons continuer de faire payer aux consommateurs le surcoût de l’aide aux investisseurs éoliens, répercutée dans la contribution au service public de l’électricité, alors que ces filières ont atteint la maturité économique et que le chiffre d’affaires de l’éolien, en France, s’élève aujourd’hui à plus de 10 milliards d’euros. Mme la secrétaire d’État a d’ailleurs rappelé que la construction de la première usine d’éoliennes terrestres était en cours.
À nos yeux, nous l’avons dit et répété, les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec leurs logiques de profit à court terme, ne peuvent nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique, qui nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics.
Enfin, le Conseil d’État saisi pour avis sur ce texte considère que « de façon générale, l’étude d’impact transmise par le Gouvernement est très insuffisante, voire confuse sur les objectifs poursuivis », et ce sur tous les sujets abordés, qu’il s’agisse de la garantie d’origine, de la modulation des tarifs de réseau pour les entreprises fortement consommatrices d’électricité ou de gaz, de l’impact sur les consommateurs ou encore des conséquences pour le réseau du changement de gaz.
Certes, l’autoconsommation avait besoin d’un cadre légal. Toutefois, comme le souligne le rapporteur, celle-ci présente « des risques pour la couverture des coûts du système électrique et le financement de la transition énergétique ». En effet, elle « pourrait conduire à des transferts de charges significatifs entre les autoconsommateurs et les autres utilisateurs ainsi qu’à des baisses de recettes fiscales ».
À cet égard le texte organise l’exonération de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, pour les autoconsommateurs, même lorsque ceux-ci ne consomment pas entièrement l’énergie produite, ce qui implique un report sur les autres consommateurs.
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, en particulier la casse de notre système unifié de production et de distribution de l’énergie, nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’une économie fondée sur les énergies fossiles, il est aujourd’hui impératif d’accélérer la transformation vers un modèle plus sobre en carbone, par le développement des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Cette nouvelle économie est créatrice d’emplois, à condition d’accompagner ces transformations par l’élaboration d’un cadre juridique et financier clair et stable. En même temps, la politique énergétique, coûteuse pour nos finances publiques, doit être davantage efficace.
Sans prétendre ici dresser le bilan du quinquennat, même si c’est la mode apparemment en ce moment (Sourires.), nous regrettons que la politique énergétique ait manqué de visibilité, notamment pour la filière nucléaire, sans laquelle aucune transition n’est possible.
M. Olivier Cigolotti. Bravo !
M. Jean-Claude Requier. Nous le constatons en ce moment avec le dossier de Fessenheim.
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Toutefois, deux points majeurs auront marqué la politique de notre pays en matière de lutte contre changement climatique ces dernières années : l’accord de Paris et la loi relative à la transition énergétique.
Deux mois et demi après l’adoption de ce texte, le présent projet de loi permet, par son article 1er, la ratification de l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation et de l’ordonnance du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Ces ordonnances sont essentielles dans un contexte de décentralisation énergétique. L’autoconsommation et le développement des énergies renouvelables doivent, dès lors, être intégrés en toute sécurité dans notre système électrique, et leur production doit être optimisée. Je partage les remarques du rapporteur quant aux risques d’un développement massif non maîtrisé de l’autoconsommation. Certes, nous n’en sommes pas encore là, puisque la part de l’autoconsommation en France reste très en deçà du niveau atteint par d’autres pays tels que le Royaume-Uni ou l’Espagne.
Alors qu’il était plus avantageux de revendre l’électricité produite en raison d’un prix d’achat des énergies renouvelables attractif, la donne est en train de changer. En effet, les prévisions sont à la hausse inéluctable de la facture d’électricité, ainsi qu’à des installations et à des offres en autoconsommation de plus en plus accessibles, même si, reconnaissons-le, les charges demeurent élevées.
Cet obstacle financier n’a pas empêché l’augmentation de la part des demandes de raccordement sur le réseau géré par ENEDIS, anciennement ERDF, qui sont ainsi passées de 4 % en 2013 à quelque 37 % en 2016.
Le projet de loi devrait contribuer enfin à ce que cette solution soit de plus en plus répandue par la fixation d’un cadre légal et par l’adaptation de la tarification de l’accès au réseau de distribution aux petites installations d’une puissance inférieure à 100 kilowatts. Celles-ci sollicitent moins le réseau et pourront bénéficier d’un « micro-TURPE », qui sera établi par la Commission de régulation de l’énergie, la CRE.
Nous sommes également favorables à la dérogation à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommée, ce qui simplifiera le régime de l’autoconsommation.
La seconde ordonnance comporte des mesures importantes en matière d’énergies renouvelables telles que l’extension de la priorité d’appel pour les installations dans les zones non interconnectées, le renforcement de la coordination entre les producteurs et les gestionnaires du réseau ou la possibilité de recourir à d’autres formes de mise en concurrence qui amélioreront le dialogue entre l’État et les porteurs de projets présélectionnés à partir de leurs capacités techniques et financières.
Outre la ratification de ces ordonnances, le projet de loi prévoit à l’article 2 de mettre en place un système de mise aux enchères des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable subventionnée. Organisé par l’État à son bénéfice, il a pour vertu d’assurer la traçabilité de l’électricité « verte » et de prémunir les consommateurs d’un double paiement de l’électricité d’origine renouvelable consommée, ainsi que d’éviter une double rémunération des producteurs, alors que certaines filières ont atteint une maturité économique suffisante.
Nous saluons en particulier le rétablissement, à l’article 3, du financement par le TURPE à hauteur de 40 % d’une partie des coûts de raccordement des installations de production d’énergies renouvelables ou réfaction tarifaire. Cette disposition constitue une bonne nouvelle pour les territoires ruraux où les coûts de raccordement sont prohibitifs, alors qu’ils s’engagent souvent dans une politique énergétique volontariste.
De même, au regard des risques encourus lors du raccordement des installations d’énergies renouvelables en mer, le projet de loi vise à instaurer opportunément un régime d’indemnisation spécifique en cas de retard.
Ainsi, par l’ensemble de ses dispositions très attendues, le présent projet de loi prépare l’avenir grâce à des outils utiles à la décentralisation énergétique et contribue pleinement à la lutte contre le changement climatique. Dans ces conditions, le groupe du RDSE votera ce texte à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est en pleine vague de grand froid et après des débats sur les questions d'approvisionnement en électricité de notre pays que nous examinons ce projet de loi de ratification d'ordonnances relatives à l'autoconsommation et à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables.
Diversifier notre bouquet énergétique en renforçant la part des énergies renouvelables et prendre le virage de la croissance verte, tel était bien l'objectif de la loi de transition énergétique. Ces deux ordonnances dont vous nous proposez la ratification, madame la secrétaire d’État, en sont les déclinaisons concrètes.
J’évoquerai tout d'abord l'autoconsommation, qui fait l'objet de l'ordonnance du 27 juillet 2017. L'autoconsommation d'électricité connaît une croissance dynamique. La demande est bien présente sur le marché français, bien qu'elle soit en retard par rapport à nos voisins européens, chez qui elle représente 8 % de la consommation totale en Allemagne, 13,2 % en Espagne et 12,9 % au Royaume-Uni. En France, ce chiffre est seulement de 4,2 %, mais on observe une forte demande sociale en faveur d'une électricité renouvelable et localisée.
L'autoconsommation se situe aujourd'hui au carrefour entre transitions énergétique et numérique et bénéficie des avancées technologiques qui facilitent la mise en place et le suivi de la production d'électricité.
Considérée de manière globale avec les mesures de rénovation et de sobriété énergétique, l'autoconsommation dessine de belles perspectives prometteuses, notamment en matière d'habitat propre.
Le groupe UDI-UC souscrit pleinement à cette ordonnance, qui vise à favoriser le développement des opérations d'autoconsommation en fixant un cadre légal à l'autoconsommation ; en définissant à la fois l’autoconsommation individuelle et collective ; en garantissant l'accès des opérations d'autoconsommation aux réseaux publics ; en offrant la possibilité de déroger, pour les plus petites installations, à l'obligation, trop contraignante, du contrat de vente pour le surplus d'électricité non consommée, qui sera cédé à titre gratuit au gestionnaire de réseau ; en confiant à la Commission de régulation de l'énergie la charge de fixer un TURPE spécifique pour les installations d'une puissance inférieure à 100 kilowattheures ; enfin, en étendant l'exonération de CSPE aux autoproducteurs qui réinjectent une part de l'énergie qu'ils ne peuvent pas consommer dans le réseau, à condition qu'ils ne dépassent pas un mégawatt de puissance.
L'autoconsommation, c'est aussi permettre plus largement au monde de l'entreprise de s'engager pleinement dans la transition énergétique. À cet égard, je me réjouis que le premier appel d'offres national ait été lancé et que soixante-dix projets de taille intermédiaire, développés par des entreprises industrielles, tertiaires et les bâtiments commerciaux aient ainsi été désignés.
Je dirai ensuite un mot des sources d'énergie renouvelables employées dans ces projets. Le solaire est l'énergie la plus utilisée à ce jour. Assurons-nous, madame la secrétaire d'État, que le développement de tels projets favorise bien la filière française du photovoltaïque.
Mme Anne-Catherine Loisier. La traçabilité est l'autre grand axe de ce projet de loi. L'article 2 vise à introduire un nouveau système de ventes aux enchères des garanties d'origine associées à la production d'électricité renouvelable.
Actuellement, il y a davantage d'offres de garanties d'origine que de demandes. L'idée consiste donc à faire diminuer l'offre pour faire grimper la valeur de la garantie d'origine et, in fine, permettre au producteur d'énergie renouvelable d'obtenir un revenu plus important et plus attractif.
Est interdite la valorisation des garanties d'origine de la production d'électricité renouvelable bénéficiant d'un système de soutien sous forme d'obligation d'achat ou de complément de rémunération. Cette disposition favorisera, espérons-le, l'émergence de nouveaux modèles de financement des énergies renouvelables, fondés davantage sur la valeur de la garantie d'origine.
J'en viens enfin à un levier sur lequel nombre de mes collègues ont insisté et qui est effectivement très attendu dans les territoires ruraux, à savoir l'extension de la réfaction tarifaire aux producteurs d'électricité renouvelable proposée à l'article 3.
Ce dispositif constitue une attente forte des agriculteurs qui souhaitent investir dans la production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables, mais qui sont freinés dans leur démarche par des coûts de raccordement au réseau qui constituent un obstacle économique important.
Le projet de loi prévoit donc qu’une partie des coûts de raccordement soit prise en charge par le TURPE. Cette disposition permettra de lever les freins qui retiennent encore ces acteurs et les incitera à investir, tout en leur offrant un complément de revenu. Il s’agit donc un levier exceptionnel pour développer les énergies renouvelables.
Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, plafonner le taux de la réfaction à 40 %, afin de réduire le coût et la charge de trésorerie correspondante pour les gestionnaires de réseaux, notamment pour les plus petites entreprises locales de distribution, les ELD. Nous souscrivons à cette mesure.
Vous vous êtes aussi assuré que la fixation d’un TURPE spécifique ne contrevenait pas au principe de péréquation tarifaire, qui vise à garantir que chaque utilisation entraîne le même tarif, sur tout le territoire. C’est un élément essentiel qui garantit l’équité, donc le développement du dispositif.
Attention toutefois aux effets pervers de ce dispositif. Le coût de la mesure serait de 70 millions d’euros par an, à comparer aux 13,5 milliards d’euros financés, au total, par le TURPE. Dans son étude d’impact, le Gouvernement signale que la couverture par le TURPE d’une partie des coûts de raccordement induira pour les consommateurs un renchérissement du tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité, donc de la facture d’électricité. Le Parlement devra rester vigilant et suivre l’application de cette mesure avec attention.
Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC partage les objectifs de développement durable contenus dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous sommes particulièrement attachés au développement des sources d’énergies renouvelables.
Nous voterons donc en faveur du présent projet de loi, un texte que nous qualifierons de « facilitateur », puisqu’il contribuera à inciter les Français à se saisir davantage de ses dispositions d’autoconsommation et à accompagner ainsi la montée en puissance des productions d’énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher.
M. Hervé Poher. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque l’on examine le texte de ce projet de loi et que l’on a la curiosité de lire tout ce qui s’est dit à son sujet en commission, on est frappé par le caractère très technique – technique matérielle, financière, voire fiscale – des ordonnances qu’il tend à ratifier et de la démarche qu’il implique.
Je veux bien le reconnaître : la technique est nécessaire. Certains de nos collègues se sont d’ailleurs spécialisés dans ce domaine. C’est tant mieux pour notre assemblée et pour les nombreuses personnes qui, comme moi, sont allergiques aux procédures et hermétiques aux acronymes.
Aussi, permettez-moi, mes chers collègues, d’aborder le sujet sous un autre angle : celui des arguments et des conséquences, celui du pourquoi et du comment, un angle, en somme, que je qualifierais de philosophique plus que de technique.
En février 2015, nous avons débattu, dans cet hémicycle, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Le 16 novembre 2015, nous avons adopté, à l’unanimité, une résolution visant à rappeler, à quelques jours de la COP21, que les collectivités territoriales avaient un rôle essentiel à jouer en la matière. Il y a quinze jours, nous discutions du recul du trait de côte.
Tous ces dossiers sont liés, nous le savons. Tous ces dossiers rejoignent un constat intangible : le constat cause-conséquence. Tous ces dossiers font, au fil du temps, la une de l’actualité sous des titres différents : énergie, gaz à effet de serre, réchauffement climatique et ses conséquences.
Pour chacun de ces thèmes, la conclusion est la même : la recherche de solution doit être collective, la dynamique également. Cette dynamique inventive, créatrice, mobilisatrice n’a d’efficacité que si elle rassemble l’État, y compris dans son fonctionnement déconcentré dont nous parlions récemment, les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens.
Cette approche devient une évidence quand on travaille, en particulier, sur un projet de territoire à énergie positive, dont l’objectif est de diminuer la consommation d’énergie dans un territoire défini, tout en y augmentant la production. Cette démarche a un intérêt majeur : elle oblige à réfléchir sur la vie énergétique d’un territoire, à imaginer un panel de solutions, souvent constitué, en réalité, d’une association de petites solutions, tout en reconnaissant que l’acceptabilité de ces moyens de production est variable selon le type et l’importance des projets, ainsi que selon leur lieu d’implantation. On le voit encore dans l’actualité récente.
Avec ce raisonnement, bien sûr, toutes les formes d’énergies renouvelables sont à examiner, à finaliser et à mettre en valeur, mais, surtout, tous les maîtres d’ouvrage doivent être aidés, accompagnés et valorisés. L’entreprise, l’agriculteur ou le simple citoyen sont – ou plutôt, ils peuvent et doivent être – des maîtres d’ouvrage. À nous de leur faciliter les choses : les plus belles intentions et les meilleures idées du monde ne restent que de jolies utopies – certes, bien souvent utiles ! –, des vœux pieux, si personne ne sert de relais sur le terrain.
La démarche est claire : si nous voulons réussir la transition énergétique, si nous voulons promouvoir un autre schéma de l’énergie, si nous voulons finaliser et illustrer un vrai mix énergétique, nous devons inciter et faciliter, j’insiste sur ce terme, les initiatives citoyennes, en y incluant les collectivités territoriales et les entreprises. Nous devons promouvoir le droit à l’expérimentation et perdre ce réflexe un peu trop centralisateur, quand on parle d’énergie.
Le présent texte améliore les choses pour le citoyen, pour les collectivités territoriales et, j’ai cru le comprendre, pour les habitants des Hauts-de-France. Or je suis un citoyen, j’habite les Hauts-de-France et je me chauffe au gaz.
M. Hervé Poher. Je ne sais pas si je suis concerné par les dispositions contenues dans ce texte, mais, d’avance, je vous en remercie !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne crois pas que vous entriez dans les catégories visées, mon cher collègue !
M. Hervé Poher. Le présent texte est donc de bonne facture. Joël Labbé a néanmoins proposé de préciser un peu les choses, en particulier, au sein de l’article 2, pour ce qui a trait au processus de la mise aux enchères et de la démarche d’allotissement. Nous aurons l’occasion de débattre de deux amendements déposés par notre groupe à cet effet.
Ce projet de loi étant extrêmement technique, il nous semblait utile de réaffirmer la philosophie qui le sous-tendait.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe écologiste votera ce projet de loi, non pas pour le TURPE, la réfaction ou d’autres dispositions techniques, mais bien parce que ces quelques articles représentent une avancée pour les vrais acteurs de la mutation et de la transition : citoyens, collectivités territoriales, entreprises, qui, au fil des lois, peuvent se mettre en ordre de marche. C’est comme cela, et uniquement comme cela, que nous atteindrons notre objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, je voudrais mettre en perspective le chemin parcouru depuis la publication de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte adoptée en juillet 2015, mais aussi appeler votre attention sur le devenir du principe de la péréquation tarifaire.
Sur le plan national, depuis juillet 2015, la stratégie nationale bas carbone a constitué la base de la contribution française à l’accord de Paris, qui a été un succès pour notre pays. Les programmations pluriannuelles de l’énergie, ou PPE, ont été publiées. La PPE de la métropole a été accompagnée de la stratégie de développement de la mobilité propre, dont on mesure très concrètement, en ce moment même, l’intérêt et l’enjeu de santé publique.
Sur le plan local, les territoires se sont fortement engagés dans la transition énergétique, en se saisissant du dispositif des territoires à énergie positive pour la croissance verte, ou TEPCV, qui leur a été proposé. Je le vis très concrètement dans mon agglomération, dont la partie rurale est importante : c’est un succès et un soutien considérable pour les maires, qu’il s’agisse de rénovation énergétique de bâtiments publics, de modernisation de l’éclairage public, de mobilité propre, de mise en œuvre de plateformes de rénovation énergétique dont profiteront les particuliers pour leur habitat, ou de soutien à la montée en puissance des productions d’énergies renouvelables.
Par sa contribution, le fonds de financement de la transition énergétique, passé de 250 millions d’euros en 2015 à 750 millions d’euros en 2017, joue un rôle décisif dans les choix que font les élus. Il contribuera dans le temps à alléger les budgets de fonctionnement de nos collectivités.
De la même manière, les certificats d’économie d’énergie, les chèques énergie, désormais ouverts au bois, au GPL et au fioul, le crédit d’impôt transition énergétique engagent la France et ses territoires dans la transition énergétique et profiteront aux foyers français les plus modestes.
Je me réjouis de tous ces efforts engagés par le Gouvernement. Ils font franchir à la France une étape fondamentale dans la transition énergétique, en adéquation avec les engagements de la COP21.
L’autoconsommation participe également de ce volontarisme en matière de transition énergétique, et je m’en félicite. Toutefois, en même temps que nous avançons dans ce domaine, nous sommes obligés de réglementer pour faire face à des situations complètement nouvelles. Dans ce contexte, la question du devenir du principe de péréquation tarifaire ne peut être éludée.
Le développement des énergies renouvelables et des systèmes d’autoconsommation, amorce la transition de notre modèle national de gestion de l’énergie électrique. Progressivement, nous allons nous éloigner du modèle centralisé, vertical, conçu dans l’après-guerre, pour nous approcher, plus ou moins vite suivant les progrès techniques – en matière de stockage en particulier –, d’un système décentralisé.
Ce mouvement inéluctable nous oblige à penser sur des bases nouvelles la question de la péréquation tarifaire, qui est, on le sait, une forme de traduction de l’égalité territoriale.
Même si elle est consentie de manière marginale, j’en conviens, l’exonération de contribution au service public de l’électricité, la CSPE, des petits producteurs – c’est-à-dire dont la production est inférieure à un mégawattheure – ne génère-t-elle pas de la distorsion au regard du principe de péréquation ? Plus fondamentalement, si les modes de production autonome se développent à grande échelle, comment éviter la disparité des coûts de l’énergie ? Comment garantir le recours assurantiel au réseau classique ?
Dans une note récente intitulée Énergie centralisée ou décentralisée ?, France Stratégie remarque que la logique du tout-décentralisé « voudrait que les investissements soient majoritairement portés par les collectivités locales en tant que futures gestionnaires et responsables de la sécurité d’approvisionnement sur leur territoire ».
Dans l’hypothèse intermédiaire de coexistence du système centralisé actuel avec des boucles locales, France Stratégie note que « conserver l’égalité de traitement entre tous les consommateurs suppose la mise en place d’une tarification adaptée, qui donne moins de poids au kilowattheure consommé et davantage à la puissance mise à disposition par le réseau ». L’institut précise en outre que, « pour ne susciter au niveau local que des solutions pertinentes économiquement, il est […] impératif que les tarifs reflètent bien les coûts ».
Quand on sait l’enjeu que représente pour notre modèle républicain la péréquation tarifaire de l’électricité et les difficultés que rencontrent aujourd’hui nos collectivités pour le financement du très haut débit, par exemple, on se dit que ce type de sujet mériterait une réflexion technico-économique approfondie.
Loin de moi l’idée de remettre en question le développement des systèmes locaux de production, bien au contraire ; je voterai d’ailleurs le présent projet de loi. Je voulais seulement appeler votre attention, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur la nécessité de penser la réorganisation du système électrique, qui émerge sous nos yeux et qui connaît un véritable changement de paradigme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois que le Gouvernement ne souhaite pas intervenir à l’issue de cette discussion générale. C’eût été pourtant utile, notamment après les propos de Franck Montaugé, qui a soulevé un véritable problème, et dont je souscris pleinement à l’analyse.
Quel est, madame la secrétaire d’État, l’avenir de la péréquation tarifaire ? J’en rappelle les principes essentiels, sur lesquels la France s’est mise d’accord dès 1946 : l’électricité est payée au même prix, quel que soit le territoire sur lequel elle est utilisée.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est ce que nous avons dit !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Or nous constatons aujourd’hui une dérive, sur laquelle je veux appeler votre attention, madame la secrétaire d’État. Le fait que vous n’ayez pas réagi aux différentes interventions m’interpelle.
Lors de la discussion au Sénat du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, des amendements ont été déposés qui tendaient à permettre aux régions de s’organiser d’une façon autonome pour s’approvisionner en énergie électrique et en gaz.
Lors de nos débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, un autre amendement visait à ce que les îles bretonnes puissent être déconnectées du réseau quand elles n’en avaient pas besoin, et reconnectées dans le cas inverse. C’eût été, là encore, leur accorder une forme d’autonomie dans leur approvisionnement.
Le Sénat avait mis le holà à ces deux propositions. Néanmoins, le débat perdure. Ce qu’a indiqué Franck Montaugé à l’instant me semble de ce point de vue particulièrement pertinent. Il est impératif d’être très clair quand on parle d’« autoconsommation ».
L’autoconsommation telle qu’elle est présentée dans le texte que nous examinons aujourd’hui est très encadrée. Cependant, il existe des intentions que je veux ici relever. Les candidats à la primaire de la gauche ont exprimé leur point de vue sur ces sujets. C’est bien légitime : c’est la démocratie ! L’un d’entre eux – celui qui a recueilli le plus de voix au premier tour, et qui sera peut-être désigné candidat de la gauche dimanche prochain… – a déclaré dans un débat télévisé qu’il était pour l’autoconsommation et pour l’autonomie des territoires.
M. Jean-Claude Requier. C’est un bobo !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Je vous le dis avec beaucoup de fermeté, mes chers collègues, quelle que soit la place que vous occupez dans les travées de cet hémicycle : c’est une idée perverse, qui se retournera contre les territoires ! (M. Hervé Poher s’exclame.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite que les choses soient très claires : le Sénat est, ce me semble, unanime à considérer qu’il n’est pas question de toucher à la péréquation tarifaire. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Si l’on mettait à terre ce principe républicain, les territoires ruraux seraient abandonnés et les territoires richement dotés auraient le privilège de s’organiser autrement.
Je souhaite donc, mes chers collègues, que vous manifestiez votre adhésion à l’affirmation de ce principe ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Les réflexions du président de la commission des affaires économiques me poussent à intervenir. Je voudrais aborder avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sur des bonnes bases et dissiper les confusions à ce sujet.
Il n’est évidemment pas question de remettre en cause la péréquation tarifaire.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est toujours mieux de le dire !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Je vous en rappelle le principe : pour un même usage, le même tarif est appliqué sur tout le territoire national. Cela n’empêche pas de différencier les tarifs quand les usages ou les services rendus au système électrique sont différents. C’est le sens des dispositions du présent projet de loi, qui visent à encadrer comme il convient ces pratiques.
J’entends l’inquiétude de certains orateurs : nous passons en effet d’un système auparavant très centralisé à un autre plus décentralisé. Les énergies renouvelables le permettent ; et les territoires doivent pouvoir gagner ce faisant une forme d’autonomie.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Cela, non !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. C’est un choix politique, monsieur le président de la commission !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Oui, très clairement !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Ce choix a été fait par le Gouvernement.
L’égalité entre les citoyens dans l’accès à l’électricité, comme l’égalité tarifaire, sont des points de préoccupation essentiels. Nous y veillons. C’est pourquoi nous avons pris des dispositions en ce sens dans le présent texte.
Le monde change, mesdames, messieurs les sénateurs,…
M. Jean-Pierre Bosino. Pas dans le bon sens !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. … les productions d’électricité évoluent, la transition énergétique, voulue par le Gouvernement, est en marche : les débats doivent évoluer. Engageons-nous sur cette voie, sans jamais oublier que les citoyens doivent être traités de façon égale sur tout le territoire.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
Article 1er
(Non modifié)
Sont ratifiées :
1° L’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité ;
2° L’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis AA (nouveau)
L’intitulé de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’énergie est ainsi rédigé : « La procédure de mise en concurrence ». – (Adopté.)
Article 1er bis AB (nouveau)
Au début du second alinéa de l’article L. 311-10 du code de l’énergie, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des articles L. 2224-32 et L. 2224-33 du code général des collectivités territoriales, ». – (Adopté.)
Article 1er bis AC (nouveau)
L’article L. 311-10-1 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « prix », sont insérés les mots : « , qui représente plus de la moitié de la note totale, » ;
2° Au sixième alinéa, après le mot : « implanté », sont insérés les mots : « , ou sur des territoires situés à proximité, ».
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par MM. Courteau, Daunis, Montaugé et Cabanel, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
plus de
par les mots :
au moins
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article 10 de l’ordonnance relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, codifié à l’article L. 311-10-1 du code de l’énergie, définit l’ensemble des critères objectifs, autres que le prix, sur lesquels l’autorité administrative se fonde pour désigner le ou les candidats retenus lors de la procédure de mise en concurrence. Il peut s’agir de critères qualitatifs – qualité environnementale de l’offre, efficacité énergétique, caractère innovant du projet –, de critères portant sur la rentabilité du projet, ou encore de critères relatifs à la sécurité d’approvisionnement.
Soucieux de voir les projets sélectionnés au meilleur coût pour la collectivité, M. le rapporteur a déposé en commission un amendement tendant à ce que le prix compte pour plus de la moitié dans les critères de notation des candidats.
Nous sommes bien sûr d’accord avec cette volonté de privilégier les projets les moins onéreux pour la collectivité. Toutefois, pourquoi le prix devrait-il compter pour « plus de la moitié » de la note, au lieu d’« au moins la moitié » ? Il ne me semble pas, par ailleurs, que la réglementation européenne exige une telle pondération.
Il nous paraît donc essentiel que d’autres critères environnementaux qui, comme la performance énergétique, peuvent contribuer à diminuer le coût d’usage pour la collectivité, pèsent de manière importante dans le choix des projets. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, au travers de cet amendement, que le prix représente « au moins » la moitié de la note des candidats.
Personnellement, j’aurais préféré aller plus loin, mais je me suis rangé à la volonté de mon groupe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je dois reconnaître une forme de confusion, pour ne pas dire d’incompréhension, à l’écoute de votre intervention, mon cher collègue.
Sincèrement, entre la rédaction introduite par la commission pour la prise en compte du prix dans la notation des dossiers – « plus de la moitié », soit, par exemple, 50,001 % – et celle de cet amendement – « au moins » la moitié, soit 50 % tout rond et plus –, la différence est nulle !
La confusion naît de vos propos, puisque vous expliquez avoir voulu « aller plus loin ». En commission, j’avais compris que vous vouliez plutôt que ce critère de prix compte pour la moitié « au plus » de la notation. J’avoue être un peu perdu…
Un point mérite cependant d’être relevé, mes chers collègues. Vous êtes tous, ici, élus locaux. Cela pourra changer pour certains en septembre prochain ! Vous savez à quel point le critère du prix dans les appels d’offres peut poser d’importants problèmes. Les règles s’imposant en la matière aux collectivités territoriales diffèrent en fonction des appels d’offres : le critère du prix peut représenter tantôt 50 %, tantôt 35 %, tantôt encore un autre pourcentage de la notation des dossiers.
Pour les appels d’offres dont nous discutons, fixer son niveau à « plus de la moitié » de la notation me paraît bon. Néanmoins, entre la rédaction adoptée la semaine dernière par la commission et celle qui est proposée au travers du présent amendement, je préfère la première.
C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Oui, je voulais aller plus loin que la rédaction finalement retenue dans cet amendement, et prévoir un dispositif selon lequel le critère du prix représentait « au plus » la moitié de la notation. Toutefois, je m’en suis tenu à la rédaction voulue par mon groupe.
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au 4°, après le mot : « territoire », sont insérés les mots : « ou à proximité du territoire ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis AC, modifié.
(L’article 1er bis AC est adopté.)
Article 1er bis AD (nouveau)
L’article L. 314-19 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « bénéficier », sont insérés les mots : « une seule fois » ;
2° Au cinquième alinéa, le mot : « souhaitant » est remplacé par les mots : « pour lesquelles les producteurs souhaitent ».
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. M. le rapporteur a souhaité réintroduire une disposition adoptée dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoyait que les installations ayant déjà bénéficié de tarifs d’achat ne pouvaient, lorsqu’elles répondaient ensuite à certaines dérogations, jouir qu’une seule fois d’un complément de rémunération.
Nous pensons, au contraire, qu’il est nécessaire de prévoir que certaines installations puissent bénéficier plusieurs fois d’un contrat de complément de rémunération.
L’article L. 314-19 du code de l’énergie restreint déjà la possibilité de conclure des contrats de complément de rémunération après avoir bénéficié d’un contrat d’achat à trois catégories spécifiques d’installations.
Tout d'abord, les installations qui s’engagent à réaliser un programme d’investissement. La réalisation de nouveaux investissements justifie de pouvoir bénéficier de nouveaux contrats, sans que cela soit limité à un seul contrat.
Ensuite, les installations dont le niveau des coûts d’exploitation d’une installation performante représentative de la filière reste supérieur au niveau de l’ensemble de ses recettes. Pour ces installations, il peut également être préférable de conclure des contrats successifs qui couvrent uniquement les coûts d’exploitation plutôt que d’inciter à la construction d’une nouvelle installation, dont il faudrait couvrir en plus l’amortissement du capital, ce qui conduirait à augmenter les coûts du soutien.
Enfin, les installations souhaitant rompre leur contrat d’achat pour un contrat de complément de rémunération sur la durée restante du contrat d’achat initial. Dans ce cas, il peut être nécessaire à ces installations de bénéficier d’un nouveau contrat, qui permettra de prolonger leur durée d’exploitation, au lieu de l’interdire, ce qui inciterait à remplacer les installations amorties, dont le coût du soutien serait faible, par de nouvelles installations qu’il faudrait à nouveau amortir.
Nous souhaitons donc, par cet amendement, supprimer l’alinéa 2 du présent article, qui empêche que certaines installations puissent bénéficier plusieurs fois d’un contrat de complément de rémunération.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L’article L. 314-21 du code de l’énergie permet déjà à certaines installations, qui sont dès l’origine sous complément de rémunération, d’en bénéficier plusieurs fois. Il serait illogique que certaines installations en bénéficient et pas d’autres.
En outre, l’argument de Roland Courteau est pertinent : le système actuel pourrait inciter des propriétaires d’installations à tout casser pour construire du neuf, alors qu’il vaut mieux restaurer de l’ancien.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Le dispositif de cet amendement permettra de maintenir en fonctionnement certaines installations renouvelables qui, sans cela, ne pourraient continuer d’être exploitées. Cela se révélera moins coûteux pour la collectivité que la construction de nouvelles installations.
Le Gouvernement émet donc un avis tout à fait favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis AD, modifié.
(L’article 1er bis AD est adopté.)
Article 1er bis AE (nouveau)
Le septième alinéa de l’article L. 314-20 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le bénéfice du complément de rémunération peut, à cette fin, être subordonné à la renonciation, par le producteur, à certaines de ces aides financières ou fiscales. » – (Adopté.)
Article 1er bis A
I. – L’article 266 quinquies C du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 2° du 3 est ainsi rédigé :
« 2° Les personnes qui, dans le cadre de leur activité économique, produisent de l’électricité et l’utilisent pour les besoins de cette activité. » ;
2° Le 5 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Produite par des producteurs d’électricité de taille modeste qui la consomment en tout ou partie pour les besoins de leur activité. Sont considérées comme producteurs d’électricité de taille modeste les personnes qui exploitent des installations de production d’électricité dont la puissance de production installée est inférieure ou égale à 1 000 kilowatts ou, pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, celles dont la puissance crête installée est inférieure ou égale à 1 000 kilowatts. »
II (nouveau). – Le V de l’article L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Produite par des producteurs d’électricité de taille modeste qui la consomment en tout ou partie pour les besoins de leur activité. Sont considérées comme producteurs d’électricité de taille modeste les personnes qui exploitent des installations de production d’électricité dont la puissance de production installée est inférieure ou égale à 1 000 kilowatts, ou, pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, celles dont la puissance crête installée est inférieure ou égale à 1 000 kilowatts. »
III (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du II du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l’État du III du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le 4° du V de l’article L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« 4° Produite et utilisée dans les conditions du 4° du 5 de l’article 266 quinquies C du code des douanes. »
II. - Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Au a du 3 de l’article 265 bis, au a du 5 de l’article 266 quinquies et au 1° du 5 de l’article 266 quinquies B, les mots : « V de l’article L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « 5 de l’article 266 quinquies C » ;
2° Le 4° du 5 de l’article 266 quinquies C est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette disposition s’applique également à la part, consommée sur le site, de l’électricité produite par les producteurs d’électricité pour lesquels la puissance de production installée sur le site est inférieure à 1 000 kilowatts. Pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, la puissance installée s’entend de la puissance crête installée. »
III. - Les I et II s’appliquent à compter du premier jour du trimestre civil suivant la promulgation de la présente loi.
IV. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I à III est compensée à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
V. - La perte de recettes résultant pour l’État du IV est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L’article 1er bis A, tel qu’il a été introduit par l’Assemblée nationale, puis amendé par votre commission, clarifie le droit applicable en matière d’exonération de CSPE et de taxes locales sur l’électricité au bénéfice des autoconsommateurs.
Deux compléments doivent toutefois être apportés au dispositif : d’une part, il convient d’exonérer uniquement la part autoconsommée de l’électricité produite, et non la totalité de la production ; d’autre part, il est nécessaire de préciser la date d’entrée en vigueur du dispositif, pour en simplifier la mise en œuvre.
Tel est l’objet du présent amendement, qui vise en outre à procéder, dans un souci de clarification, à plusieurs coordinations dans le code des douanes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Cet amendement tend à assurer la conformité de la mesure au droit européen sur la taxation des produits énergétiques.
Le Gouvernement émet donc un avis tout à fait favorable.
Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, acceptez-vous de lever le gage sur cet amendement ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 25 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis A est ainsi rédigé.
Article 1er bis
(Non modifié)
L’article L. 315-1 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La part de l’électricité produite qui est consommée l’est soit instantanément, soit après une période de stockage. »
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 315-1 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 315-1 – Une opération d’autoconsommation individuelle est le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation. La part de l’électricité produite qui est consommée l’est soit instantanément, soit après une période de stockage. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous avons évoqué ce sujet à deux reprises en commission, et une fois encore durant la discussion générale.
Cet amendement vise à préciser qu’une opération d’autoconsommation individuelle doit être circonscrite géographiquement à un « même site ». Cela évitera d’attribuer le statut d’autoconsommateur à des clients « multisites », qui produiraient, par exemple, de l’électricité dans leur résidence secondaire et la consommeraient dans leur résidence principale, sans qu’il y ait aucun gain pour le réseau.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis est ainsi rédigé.
Article 1er ter
Après le mot : « situés », la fin de l’article L. 315-2 du code de l’énergie est ainsi rédigée : « en aval d’un même poste de distribution publique d’électricité. Les chapitres III et V du titre III du présent livre, la mise en œuvre de la tarification spéciale dite “produit de première nécessité” prévue aux articles L. 121-5 et L. 337-3 du présent code et la section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation ne sont pas applicables aux utilisateurs participant à une opération d’autoconsommation collective. »
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
1° Première phrase
Remplacer les mots :
de distribution publique d’électricité
par les mots :
public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
Les chapitres III et
par les mots :
Le chapitre
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Au sein de la commission, sur l’initiative de M. le rapporteur, un amendement a été adopté en vue de modifier l’article L. 315-2 du code de l’énergie, en introduisant la notion de « poste de distribution publique d’électricité ».
Cette notion englobe également les postes de transformation de haute en moyenne tension, dits « postes sources », qui transforment par exemple une tension de 63 000 volts en tension de 20 000 volts. La rédaction actuelle viserait donc également tous les départs moyenne tension, ou HTA, alors qu’il apparaît que l’intention de la commission était d’étendre le dispositif à tous les départs basse tension, ou BT, à l’aval d’un poste HTA/BT.
Par ailleurs, l’autoconsommation « collective », qui s’exerce entre producteurs et consommateurs « liés entre eux au sein d’une personne morale », ne saurait être qualifiée d’activité « d’achat pour revente » au sens de l’article L. 333-1 du code de l’énergie, puisque c’est bien l’électricité produite par cette personne qui est consommée.
En revanche, si de l’électricité est achetée par cette personne à un tiers, cette activité sort du périmètre de l’autoconsommation collective : dans ce cas, une dispense d’autorisation d’achat pour revente permettrait de contourner facilement le dispositif de l’autoconsommation en le transformant en une simple activité de fourniture qui, compte tenu de l’extension du périmètre de l’autoconsommation collective, pourrait concerner un volume important de consommateurs et d’électricité pour une autoproduction symbolique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’apporter deux précisions opportunes.
Il vise, premièrement, à limiter le champ d’une opération d’autoconsommation collective à tous les départs basse tension à l’aval d’un poste moyenne/basse tension, conformément à l’intention de la commission, dont vous avez rappelé les termes de l’amendement initial.
Il tend, deuxièmement, à exclure des mesures de simplification prévues par la commission pour faciliter le développement de l’autoconsommation la dispense d’autorisation pour revente, au motif qu’une telle dispense n’est en fait pas nécessaire et qu’elle pourrait au contraire avoir des effets pervers en permettant de contourner le dispositif, ce qui serait contraire à l’objectif de la commission.
L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er ter, modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater
Après le mot : « établit », la fin du second alinéa de l’article L. 315-4 du code de l’énergie est ainsi rédigée : « la consommation d’électricité relevant de ce fournisseur en prenant en compte la répartition mentionnée à l’alinéa précédent ainsi que le comportement de chaque consommateur final concerné, selon des modalités fixées par voie réglementaire. » – (Adopté.)
Article 1er quinquies (nouveau)
Après le mot : « raccordée », la fin du premier alinéa de l’article L. 315-5 du code de l’énergie est ainsi rédigée : « et rattachées au périmètre d’équilibre de ce dernier. » – (Adopté.)
Article 1er sexies (nouveau)
La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 322-10-1 du code de l’énergie est complétée par les mots : « pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie ». – (Adopté.)
Article 2
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 121-24 est supprimé ;
2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 314-14 est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« L’électricité produite à partir de sources renouvelables ou de cogénération et pour laquelle une garantie d’origine a été émise par le producteur ne peut ouvrir droit au bénéfice de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération dans le cadre des contrats mentionnés aux articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18 et, le cas échéant, L. 314-26.
« L’émission par le producteur d’une garantie d’origine portant sur l’électricité produite dans le cadre d’un contrat conclu en application des mêmes articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18 et, le cas échéant, L. 314-26 entraîne, sous les conditions et selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État, la résiliation immédiate du contrat.
« Cette résiliation immédiate s’applique aux contrats conclus à compter de la date de publication de la loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables, ainsi qu’aux contrats en cours à cette même date.
« La résiliation d’un contrat mentionné au troisième alinéa du présent article entraîne également le remboursement :
« 1° Pour un contrat de complément de rémunération conclu en application du 2° de l’article L. 311-12 ou de l’article L. 314-18, des sommes actualisées perçues au titre du complément de rémunération ;
« 2° Pour un contrat d’achat conclu en application du 1° de l’article L. 311-12, de l’article L. 314-1 ou de l’article L. 314-26, des sommes actualisées perçues au titre de l’obligation d’achat, dans la limite des surcoûts qui en résultent, mentionnés au 1° de l’article L. 121-7.
« Toutefois, ce remboursement ne peut porter que sur les sommes versées à compter de la publication de la loi n° … du … précitée. » ;
2° bis Après le même article L. 314-14, il est inséré un article L. 314-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 314-14-1. – Les installations d’une puissance installée de plus de 100 kilowatts bénéficiant d’un contrat conclu en application des articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18 et, le cas échéant, L. 314-26 sont tenues de s’inscrire sur le registre mentionné à l’article L. 314-14.
« Pour les installations inscrites sur le registre mentionné au même article L. 314-14 et bénéficiant d’un contrat conclu en application des articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18 et, le cas échéant, L. 314-26, dès lors que les garanties d’origine issues de la production d’électricité d’origine renouvelable n’ont pas été émises par le producteur dans un délai fixé par décret, elles sont émises d’office, en tout ou partie, par l’organisme mentionné à l’article L. 314-14 au bénéfice de l’État à sa demande.
« Ces garanties d’origine sont mises aux enchères par le ministre chargé de l’énergie. Pour chaque mise aux enchères, il est préalablement fixé un prix minimal de vente de la garantie d’origine. Un allotissement par filière et par zone géographique peut être prévu.
« Les revenus de la mise aux enchères des garanties d’origine, déduction faite des frais de gestion de cette mise aux enchères et des frais d’inscription au registre mentionné au même article L. 314-14, viennent en diminution des charges imputables aux missions de service public mentionnées aux 1° et 4° de l’article L. 121-7.
« Les modalités et conditions d’application du présent article, en particulier les conditions de mise aux enchères, sont précisées par décret, après avis de la Commission de régulation de l’énergie. » ;
3° Au 3° de l’article L. 314-20, les mots : « , la valorisation par les producteurs des garanties d’origine » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, concernant les garanties d’origine, les GO, nous avons été alertés par Enercoop sur un risque portant sur le calendrier prévu par cet article, lequel serait très serré et pourrait, de fait, compromettre les émissions de GO pour 2017.
En effet, selon cette association, l’article 2 prévoit un délai pendant lequel le producteur peut choisir d’émettre la GO. Ce délai passé, l’État pourra émettre ensuite ces GO pour les mises aux enchères. Or les garanties d’origine issues de la production de 2017 doivent être, aux termes du décret n° 2016-944 du 11 juillet 2016, utilisées par les fournisseurs avant le 31 mars 2018 pour justifier de leur mix pour l’année 2016.
Cela veut dire que les producteurs ou acheteurs obligés ne pourront pas émettre les GO en 2017, alors même que le décret ne sera pas publié et que les enchères ne seront pas organisées. Il y a donc un risque que les GO de 2017, en particulier, ne puissent être émises ni par le producteur ni par l’État, ce qui serait nuisible en termes de traçabilité.
Par ailleurs, un nouveau gestionnaire du registre des garanties d’origine devrait être choisi à la mi-janvier 2018, après une mise en concurrence. Toutefois, j’attire votre attention sur le fait que, lors de la dernière désignation, il avait fallu attendre quelques mois pour que le gestionnaire de GO soit pleinement opérationnel.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous rassurer sur les délais de mise en œuvre du dispositif prévu dans cet article, donc sur la publication des décrets, y compris dans le cadre de la désignation prévue d’un nouvel organisme gestionnaire du registre des garanties d’origine ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, ainsi que l’ensemble de vos collègues. Comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, le décret sera publié d’ici au mois d’avril prochain, afin que le dispositif soit appliqué le mieux possible et réponde aux préoccupations des fournisseurs et des producteurs d’électricité.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
Les installations
insérer les mots :
qui produisent de l’électricité à partir de sources renouvelables
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Il s’agit d’un amendement de précision, mais qui est somme toute important. Il est en effet nécessaire, selon nous, de prévoir que l’obligation d’inscription sur le registre ne concerne que les installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables, et non pas les autres installations pouvant également bénéficier d’un dispositif de soutien en application des articles L. 311-12, L. 314-1 et L. 314-18, telles que les installations de cogénération.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement tendant à apporter une précision utile, l’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par MM. Poher, Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
à sa demande
par les mots :
à la demande de l’État ou des candidats qui participent aux enchères mentionnées au troisième alinéa
La parole est à M. Hervé Poher.
M. Hervé Poher. Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai conjointement les amendements nos 11 et 12, afin de ne pas prolonger nos débats.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 12, présenté par MM. Poher, Dantec et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 14, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Un allotissement par installation, par filière et par zone géographique est prévu sur demande des candidats qui participent aux enchères.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Hervé Poher. J’interviens au nom de Joël Labbé, par ailleurs vice-président de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements tendent à compléter les modifications adoptées à l’Assemblée nationale et visant à garantir que le modèle économique proposé par Enercoop ne sera pas mis en danger par le présent projet de loi. En effet, le modèle de cette coopérative de production et de consommation d’électricité renouvelable permet aux clients sociétaires d’avoir la garantie de consommer de l’électricité 100 % renouvelable et produite de manière décentralisée, au plus près des consommateurs.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 11, les modifications apportées en commission sur l’émission partielle ou totale des garanties d’origine dans le cadre de la mise aux enchères sont les bienvenues, car elles permettront de limiter les coûts de la mise aux enchères aux seules garanties d'origine demandées, sans créer d’offre excédentaire.
Cependant, il convient aussi de garantir que l’offre corresponde bien à la demande. C’est pourquoi il est proposé, au travers de cet amendement, que l’évaluation de la quantité de garanties d’origine mise aux enchères régulièrement se fonde sur la demande en garanties d’origine prévue par l’État et par les candidats participant à la mise aux enchères.
Quant à l’amendement n° 12, il vise à optimiser les allotissements à prévoir dans le cadre des enchères sur les garanties d’origine issues d’installations de production d’électricité de source renouvelable. Ainsi, au-delà de l’allotissement par filière et par zone géographique déjà prévu à l’article 2, effectivement nécessaire pour optimiser les prix, il est proposé d’ouvrir la possibilité d’organiser des allotissements par installation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous rassure, mon cher collègue, le système Enercoop n’est en aucun cas remis en cause par l’article 2.
Je comprends quel est votre objectif au travers de l’amendement n° 11 : mieux calibrer l’offre en fonction de la demande. La commission a d'ailleurs visé le même objectif en prévoyant la possibilité d’émettre les garanties d’origine en totalité ou partie. Cependant, le dispositif que vous proposez va beaucoup plus loin et me semble à la fois impraticable et contre-productif.
Il est impraticable, tout d’abord, sur le plan juridique, car on voit mal comment des candidats à un appel d’offres pourraient en fixer eux-mêmes, à l’avance, les modalités, sans être tenus ensuite juridiquement d’acheter les volumes qu’ils auraient demandé à voir mis en vente.
Il est contre-productif, ensuite, par rapport aux intentions des auteurs de l’amendement, à la fois en termes d’équilibre entre l’offre et la demande et de juste valorisation des garanties : les fournisseurs auraient intérêt à demander une très grande quantité de garanties pour que l’offre soit très supérieure à la demande, et ainsi être certains d’obtenir des garanties au moindre coût. Tel n’est plus du tout votre objectif initial, mon cher collègue !
Je demande donc le retrait des amendements nos 11 et 12 ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 11, des consommateurs de plus en plus nombreux souhaitent connaître l’origine de l’électricité qu’ils consomment et utiliser de l’électricité d’origine renouvelable.
Le Gouvernement soutient cette démarche et souhaite faciliter le développement des offres vertes. Le dispositif de mise aux enchères des garanties d’origine issues de la production renouvelable électrique, et bénéficiant d’un dispositif de soutien introduit par l’Assemblée nationale, permettra à tous les fournisseurs, quelle que soit leur taille, de proposer des offres vertes qui soient issues de cette électricité.
Les amendements votés au Sénat en commission sont par ailleurs venus préciser ce dispositif. Leur adoption permettra au Gouvernement de mettre aux enchères des garanties d’origine par filières d’énergies renouvelables et par zones géographiques. Cela aura aussi pour effet de répondre à la demande des fournisseurs qui veulent garantir un approvisionnement en électricité renouvelable et produite localement.
Le décret d’application sera publié rapidement, après concertation avec l’ensemble des parties prenantes, de façon à garantir une entrée en vigueur la plus rapide possible du dispositif.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que tout sera fait afin de mettre en place un dispositif efficace, simple et lisible pour tous les fournisseurs d’offres vertes, même les plus petits.
M. le rapporteur l’a dit, les dispositions de l’amendement n° 11 posent des problèmes techniques et juridiques. En effet, par définition, les participants à une mise aux enchères, laquelle est une procédure concurrentielle, ne sont pas connus à l’avance. Il pourra s’agir de fournisseurs français, européens, ou de tout autre acteur souhaitant acquérir des garanties d’origine pour les revendre. Il n’est pas possible de contraindre à organiser une procédure concurrentielle sur la demande d’un ou plusieurs acteurs que rien n’oblige, par ailleurs, à candidater à la mise aux enchères.
Par ailleurs, cet amendement tend à impliquer qu’un éventuel candidat pourrait également indiquer un volume de garanties d’origine devant être mis aux enchères. Or il est impossible que les candidats participant à une procédure concurrentielle fixent en amont la quantité de garanties d’origine mise aux enchères sans fausser le caractère concurrentiel du dispositif. Ce serait bien évidemment contraire au principe de transparence et d’égalité de traitement des candidats régissant toute procédure concurrentielle.
Je vous invite donc à retirer cet amendement, tout en vous rassurant : le Gouvernement souhaite mettre aux enchères suffisamment de garanties d’origine pour répondre à la demande des fournisseurs.
J’en viens à l’amendement n° 12. Aujourd’hui, environ 11 000 installations produisent de l’électricité à partir de sources renouvelables ayant une puissance supérieure à 100 kilowatts, donc sont potentiellement concernées par le dispositif. Faire un allotissement par installation engendrerait une complexité et des coûts administratifs très élevés.
La rédaction actuelle de l’alinéa 14, qui laisse la possibilité d’un allotissement par filières et par zones géographiques, semble suffisante pour répondre aux demandes des fournisseurs souhaitant garantir un approvisionnement en électricité sur une zone géographique limitée.
Par ailleurs, je le répète, les participants à un appel d’offres ou à une mise aux enchères ne sont, par définition, pas connus à l’avance. Il n’est pas possible d’allotir une procédure concurrentielle en fonction de la demande d’un participant éventuel, sauf à préjuger à l’avance du résultat de cette procédure, ce qui est contraire aux principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats qui régissent toute procédure de ce type.
J’ai bien compris qu’il y avait, au travers de ces amendements, une inquiétude exprimée par certains fournisseurs qui, à l’instar d’Enercoop, produisent une électricité 100 % renouvelable et s’engagent dans une démarche coopérative. Ils souhaitent être rassurés quant à leur capacité à acheter des garanties d’origine correspondant à l’énergie qu’ils auront eux-mêmes produite.
En somme, ces fournisseurs souhaitent s’assurer que leur modèle pourra être préservé. Je veux les rassurer, tel sera le cas.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer également l’amendement n° 12.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 12, j’écarterais l’argument juridique que j’avais déjà évoqué et que vient de rappeler Mme la secrétaire d’État. Je reprendrai, en revanche, un autre de ses propos : quelque 11 000 installations produisent de l’électricité à partir de sources renouvelables ayant une puissance supérieure à 100 kilowatts.
Au travers de votre amendement, mon cher collègue, vous allez beaucoup plus loin que ce que la commission avait proposé. Nous avions en effet introduit la possibilité d’allotir la mise aux enchères, à la fois par type de filières et par zones géographiques. Vous avez donc satisfaction sur ce point. Or vous demandez également un allotissement par installation. C’est impossible ! Imaginez-vous que l’on va créer 11 000 lots et lancer 11 000 appels d’offres ? Ce ne serait pas raisonnable.
Mme la présidente. Monsieur Poher, les amendements nos 11 et 12 sont-ils maintenus ?
M. Hervé Poher. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 11 et 12 sont retirés.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Le titre IV du livre III du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 341-2 est ainsi modifié :
a) À la fin du 3°, les mots : « et suivants » sont remplacés par la référence : « à L. 342-12 » ;
b) Le sixième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Peuvent bénéficier de la prise en charge prévue au présent 3° :
« a) Les consommateurs d’électricité dont les installations sont raccordées aux réseaux publics d’électricité, quel que soit le maître d’ouvrage de ces travaux ;
« b) Les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité mentionnés à l’article L. 111-52, pour le raccordement de leurs ouvrages au réseau amont ;
« c) Les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable dont les installations sont raccordées aux réseaux publics de distribution, quel que soit le maître d’ouvrage de ces travaux.
« Le niveau de la prise en charge prévue au présent 3° ne peut excéder 40 % du coût du raccordement lorsque celui-ci est effectué sous la maîtrise d’ouvrage du gestionnaire de réseau concerné et peut être différencié par niveau de puissance et par source d’énergie. Il est arrêté par l’autorité administrative après avis de la Commission de régulation de l’énergie.
« La prise en charge prévue au présent 3° n’est pas applicable lorsque les conditions de raccordement sont fixées dans le cadre de la procédure de mise en concurrence prévue à l’article L. 311-10. » ;
c) Après le même sixième alinéa, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les indemnités versées aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable en mer en cas de dépassement du délai prévu par la convention de raccordement ou, à défaut, par l’article L. 342-3, lorsque la cause du retard n’est pas imputable au gestionnaire du réseau concerné, mais résulte de la réalisation d’un risque que celui-ci assume aux termes de la convention de raccordement. Lorsque la cause du retard est imputable au gestionnaire de réseau, ce dernier est redevable d’une part de ces indemnités, dans la limite d’un pourcentage et d’un plafond sur l’ensemble des installations par année civile, fixés par arrêté du ministre chargé de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie.
« Les indemnités visées au présent 4° ne peuvent excéder un montant par installation fixé par décret en Conseil d’État. » ;
1° bis (Supprimé)
2° L’article L. 342-12 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La prise en charge prévue au 3° de l’article L. 341-2 porte sur l’un ou sur l’ensemble des éléments constitutifs de cette contribution. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le raccordement d’une installation à partir de sources d’énergie renouvelable ne s’inscrit pas dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables, le producteur est redevable d’une contribution au titre du raccordement défini au premier alinéa de l’article L. 342-1. La prise en charge prévue au 3° de l’article L. 341-2 porte sur l’ensemble des éléments constitutifs de cette contribution. »
II (nouveau). – Le délai mentionné au premier alinéa du I de l’article 136 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République n’est pas applicable au schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables. Toutefois, ce dernier est révisé au plus tard six mois à compter de l’adoption du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Nous abordons l’examen d’un article dans lequel il est question du TURPE, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité. C’est l’occasion pour moi, en ce 24 janvier, d’interroger le Gouvernement.
Je le dis pour mémoire, mes chers collègues, dans la partie hors taxe de la facture d’électricité, la moitié représente le coût de l’acheminement, c’est-à-dire le transport et la distribution, et l’autre moitié le coût du produit fourni par le producteur que l’on qualifie d’« historique », mais qui peut être un producteur alternatif.
Le tarif qui s’applique à l’utilisation des réseaux est fixé par la puissance publique, soit la Commission de régulation de l’énergie, la CRE. C’est elle qui décide !
Le Gouvernement peut, comme la loi le lui permet, contester les chiffres fixés par le CRE. Or nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation insolite. Pour la première fois depuis que le dispositif existe, la CRE a pris la décision d’augmenter le tarif de la distribution intérieure, c’est-à-dire de l’acheminement, de 2,71 %, et de 3,94 % pour les consommateurs ayant une puissance n’excédant pas 36 kilovoltampères, ou KVA, donc les ménages et les petits professionnels, et celui du transport de 6,76 %. Voilà une hausse assez importante !
Pour la première fois depuis que le dispositif existe, le Gouvernement a dit qu’il n’acceptait pas les chiffres proposés par la CRE, non parce qu’il a estimé que cette augmentation était trop importante, comme pourraient le penser certains, mais parce qu’il a considéré qu’elle était insuffisante pour répondre aux besoins de la transition énergétique.
La décision de la CRE aurait dû paraître au Journal officiel aujourd’hui. Tel n’est pas le cas ; nous avons donc confirmation que la décision de la CRE n’a pas été acceptée. La balle est donc dans le camp du Gouvernement. Celui-ci peut demander à la CRE de délibérer une seconde fois.
Pour ma part, je souhaite profiter de ce débat et de l’examen de l’article 3 du présent projet de loi pour interroger le Gouvernement sur ses intentions : quel chiffre souhaite-t-il que la CRE retienne ? Autrement dit, à quelle hauteur – élevée – veut-il augmenter une partie de la facture d’électricité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. La ministre de l’environnement et de l’énergie avait indiqué à la CRE, en février dernier, ses orientations de politique énergétique. Elle a estimé que la proposition faite par cette instance ne prenait pas suffisamment en compte ces orientations, notamment en matière d’autoconsommation et d’énergies renouvelables.
Ce faisant, Ségolène Royal a demandé non pas que soient décidées des augmentations tarifaires, mais que la structure du tarif intègre la transition énergétique.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n’est pas le sujet !
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié quinquies, présenté par M. Mouiller, Mme Primas, MM. Huré, D. Laurent, Kern et Chasseing, Mme Giudicelli, MM. Pointereau, Longeot, Genest, Pierre, Laufoaulu et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Bignon et Morisset, Mme Deroche, M. Trillard, Mme Lamure, MM. del Picchia, G. Bailly, Mandelli, L. Hervé, P. Leroy, Revet, Charon, Rapin, Laménie, Longuet, Détraigne, Raison et Perrin, Mme Doineau, M. Cuypers, Mme Billon et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
raccordées
insérer les mots :
en basse tension
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement vise à recentrer le dispositif de réfaction sur les projets de petite et moyenne puissance, jusqu’à 250 KVA.
Le nouveau texte que nous allons voter doit contribuer efficacement aux objectifs de soutien aux projets de production renouvelable qui en ont besoin. Toutefois, les situations, selon les filières et la puissance des installations de production, sont très disparates. Il faut les distinguer, faute de quoi cette disposition serait très onéreuse pour les consommateurs et peu efficace.
Les sites de petite et moyenne puissance, jusqu’à 250 KVA, consistent généralement en des installations photovoltaïques en toiture de bâtiments résidentiels, tertiaires, industriels ou agricoles. En zone rurale, ils se développent notamment sur les hangars des bâtiments agricoles, ce qui apporte un complément de revenu pérenne aux exploitants. Raccordés au réseau basse tension, ils produisent à proximité des zones de consommation.
Les sites de production de grande puissance, c’est-à-dire le plus souvent, les parcs éoliens terrestres, s’inscrivent dans une logique économique, technique et environnementale très différente. Il s’agit d’investissements de grande ampleur, typiquement de 10 à 20 millions d’euros, portés par de grands opérateurs spécialisés sur ce secteur. Ils sont raccordés directement aux postes sources par une liaison haute tension, pour un coût qui représente, en moyenne, 4 % du coût total du projet.
Les gestionnaires de réseau de distribution, qui sont consultés très en amont de ces projets, observent que leur viabilité dépend d’un grand nombre de facteurs et que le coût de raccordement pèse peu dans leur rentabilité économique.
Une prise en charge partielle du coût de raccordement de ces grands projets serait donc une dépense qui pèserait sur le pouvoir d’achat des ménages, via la facture d’électricité.
En outre, elle exposerait les gestionnaires du réseau de distribution, les GRD, les plus ruraux, qui sont les plus propices à l’installation de nouveaux sites et supportent donc déjà des investissements très lourds, à des charges nouvelles potentiellement très importantes, qui mettraient immédiatement en danger leur équilibre économique. Pour ces GRD, la compensation par augmentation du TURPE ne serait que très partielle, puisque celle-ci serait dimensionnée par la moyenne nationale, de surcroît différée jusqu’à la révision du TURPE.
Comme le disait le président Lenoir, nous connaissons aujourd’hui une compensation sur laquelle pèsent trop d’incertitudes. Voilà pourquoi le projet de loi inquiète tant les GRD ruraux.
Il est donc nécessaire de réserver le bénéfice d’une prise en charge aux projets de basse et moyenne puissance raccordés au réseau basse tension. C’est un enjeu fondamental pour les gestionnaires du réseau, particulièrement ceux des territoires ruraux, qui sont les plus aptes à accueillir les projets éoliens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout d'abord, je veux expliquer pourquoi cette disposition revient en discussion. Après les longues explications que j’avais données sur ce sujet en commission, ses auteurs étaient prêts à le retirer, mais je leur ai demandé de le présenter de nouveau en séance, pour une raison simple : il est important de rassurer les entreprises locales de distribution, les ELD. En effet, la demande est double : elle tend à réserver cette aide non pas aux grosses unités, mais aux unités petites et moyennes, et à ne pas mettre les ELD en difficulté.
L’Assemblée nationale a répondu en partie à la première préoccupation des auteurs de l’amendement, et le Sénat, en commission, à la seconde.
Les députés ont en effet demandé que soit fixé un taux différent pour les grandes, les moyennes et les petites unités. N’oublions pas, mes chers collègues, que la réfaction est surtout destinée à favoriser les énergies renouvelables en milieu rural – c’est la demande principale –, en particulier la pose de panneaux photovoltaïques sur les hangars agricoles. Il n’y a donc aucune raison que les grosses installations soient aidées, car elles n’en ont pas besoin. Je veux vous rassurer : elles ne sont pas concernées.
En demandant que soit fixé un taux maximal de 40 %, la commission des affaires économiques du Sénat a voulu éviter que le dispositif ne soit trop lourd pour les ELD. Celles-ci ne dépenseront pas un centime, puisqu’elles seront remboursées, ensuite, par le TURPE. Il ne s’agira pour elles que d’une avance de trésorerie.
Je ne sais pas ce qu’il en est dans votre secteur de distribution, mon cher collègue, mais il est très possible que faire une avance de trésorerie pose problème aux petites ELD.
Nous avons fait le calcul suivant : en baissant de 50 % à 40 % le plafond maximum de prise en charge, nous faisons passer la dépense maximale pour toute la France de 110 millions d’euros à 70 millions, à répartir sous forme d’avances de trésorerie par toutes les ELD. Cela reste raisonnable !
En revanche, je ne suis pas d’accord, techniquement parlant, avec les auteurs de l’amendement lorsqu’ils proposent d’insérer les mots « en basse tension ». Surtout pas ! Il faut savoir en effet que certaines installations, pourtant modestes, comme des panneaux photovoltaïques installés sur des bâtiments agricoles, ne peuvent être raccordés à un réseau de basse tension, car cela ferait sauter ce dernier. Mes chers collègues, imaginez ce que donneraient des bouts de réseau dans vos communes… Il est important de pouvoir raccorder en basse et en moyenne tension.
Je vous demande donc, chers auteurs de cet amendement – de deux signataires, vous êtes passés à une bonne trentaine ! –, de bien vouloir le retirer, car je crois sincèrement qu’il est satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je n’ai rien à ajouter à l’excellente argumentation de M. le rapporteur.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 4 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Les explications données par M. le rapporteur en commission, aujourd’hui confirmées en séance, étaient essentielles. Je conclus de votre avis, madame la secrétaire d’État, que vous allez dans le même sens.
Nous avons bien noté la notion d’avance de trésorerie et la nécessité d’un équilibrage financier à l’euro près pour les ELD.
Je remercie le rapporteur de ses précisions et retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié quinquies est retiré.
L’amendement n° 6, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le raccordement mentionné au a ou au c est réalisé sous la maîtrise d’ouvrage d’une autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité mentionnée à l’article L. 121-4, conformément à la répartition opérée par le contrat de concession ou par le règlement de service de la régie, une convention avec le gestionnaire du réseau public de distribution règle les modalités d’application pour la prise en charge prévue au présent 3°. Le modèle de cette convention est approuvé par la Commission de régulation de l’énergie.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Il est légitime que les utilisateurs du réseau bénéficient des mêmes droits, quel que soit le maître d’ouvrage des travaux de raccordement.
Toutefois, les amendements adoptés par la commission aux a) et c) de cet article ne règlent pas la question, puisque, par définition, les autorités organisatrices de la distribution d’électricité, les AODE, ne percevant pas le TURPE qui porte cette réfaction, la partie des coûts de raccordement ne peut être couverte directement par le dispositif de réfaction institué par l’article L. 341-2.
Il convient donc de donner une base législative au dispositif dit « PCT » – part couverte par le tarif –, mis en œuvre conventionnellement entre les AODE et les gestionnaires de réseau. Ce dispositif ayant un impact sur le TURPE, il convient par ailleurs de le faire valider par la CRE.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 23, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 6, alinéa 3
1° Première phrase
Après le mot :
règle
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
notamment les modalités de versement de la prise en charge prévue au présent 3°
2° Seconde phrase :
Rédiger ainsi cette phrase :
Le modèle de cette convention est transmis pour approbation au comité du système de distribution publique d’électricité mentionné à l’article L. 111-56-1.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 6.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L’amendement n° 6 est utile, car ses dispositions ont le mérite, en particulier, de confirmer que la maîtrise d’ouvrage peut concerner le raccordement des consommateurs comme des producteurs, ainsi que de donner une base législative au dispositif conventionnel dit « PCT ».
Néanmoins, je veux, au travers de mon sous-amendement, apporter deux précisions.
La première concerne le 1° de l’amendement. Elle est relative à l’objet de la convention entre ENEDIS et les AODE.
La seconde porte sur le 2° de l’amendement : il s’agit de soumettre pour approbation le modèle de cette convention non pas à la CRE, qui n’a pas pour mission de réguler l’ensemble des dispositions contractuelles ayant vocation à être traitées dans la convention, mais au Comité du système de la distribution publique d’électricité créé par la loi relative à la transition énergétique précisément pour examiner tous les investissements sur les réseaux de distribution, qu’ils soient réalisés sous maîtrise d’ouvrage d’ENEDIS ou des AODE.
Je suis donc favorable à l’amendement n° 6, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 23 de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. En ce qui concerne l’amendement n° 6, il est légitime que les utilisateurs du réseau bénéficient des mêmes droits, quel que soit le maître d’ouvrage des travaux de raccordement : le gestionnaire du réseau ou, comme certains contrats de concession le permettent, l’autorité organisatrice de la distribution d’électricité.
Toutefois, les amendements adoptés par la commission aux a) et c) de l’article ne règlent pas la question, puisque, par définition, les AODE ne percevant pas le TURPE, qui porte cette réfaction, la partie des coûts de raccordement ne peut pas être couverte directement par le dispositif de réfaction institué par l’article L. 341-2. Il convient donc de donner une base législative au dispositif dit « PCT » mis en œuvre conventionnellement entre les AODE et les gestionnaires de réseaux.
Le Gouvernement est par conséquent favorable à cet amendement.
S’agissant du sous-amendement n° 23, la convention entre ENEDIS et les AODE, dite « convention PCT », impactant le TURPE, il apparaît normal de la faire approuver par la CRE. Vous souhaitez plutôt, monsieur le rapporteur, une approbation par le comité du système de la distribution publique d’électricité. Sur ce point, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée.
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Supprimer les mots :
lorsque celui-ci est effectué sous la maîtrise d’ouvrage du gestionnaire de réseau concerné
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Sur l’initiative du rapporteur, la commission des affaires économiques a adopté une disposition selon laquelle le plafonnement de la réfaction tarifaire prévue à l’article 3 concerne uniquement les raccordements réalisés sous la maîtrise d’ouvrage des gestionnaires des réseaux.
Toutefois, cette disposition pourrait laisser penser qu’il existe, en fonction de la qualité du maître d’ouvrage des travaux de raccordement, plusieurs plafonds de prise en charge d’une partie des coûts par le TURPE, ce qui ne serait pas légitime au regard du principe d’égalité applicable aux usagers du service public. En matière de raccordement, ces derniers doivent être placés dans une situation identique.
Par ailleurs, l’objet de l’article L. 341-2, dans lequel s’insère le dispositif de réfaction tarifaire, est de fixer les catégories de coûts couverts par le TURPE. Or il apparaît que les motifs de la disposition adoptée en commission sont sans rapport avec cet objet. En effet, les compléments financiers susceptibles d’être apportés par les AODE ne relèvent pas du TURPE, mais, dans l’exemple cité – le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ –, du budget de l’État via le compte d’affectation spéciale à l’électrification rurale.
En matière de réfaction tarifaire proprement dite, le plafond est donc identique, quel que soit le maître d’ouvrage.
Cette insertion est inappropriée. C’est la raison pour laquelle nous proposons de la supprimer au travers de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de conséquence de celui que nous venons d’adopter.
Aussi, l’avis de la commission est tout à fait favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 10 est présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12, première phrase
Après le mot :
délai
insérer les mots :
de raccordement
La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour présenter l’amendement n° 10.
Mme Nelly Tocqueville. Il s’agit d’un amendement de précision. Il est en effet nécessaire de préciser la nature du délai visé par la convention de raccordement, qui est bien le délai de mise à disposition des ouvrages de raccordement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit en effet d’un amendement de précision rédactionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 20.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par MM. Bouvard et Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 522-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, indépendamment des modalités de calcul fixées par voie réglementaire, cette compensation financière ne peut être inférieure par mégawattheure à 25 % du tarif réglementé de vente d’électricité pris comme référence pour l’année 2015. » ;
2° L’article L. 522-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, indépendamment des modalités de calcul fixées par voie réglementaire, cette compensation financière ne peut être inférieure par mégawattheure à 25 % du tarif réglementé de vente d’électricité pris comme référence pour l’année 2015. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Les trois amendements que je présenterai sont relatifs au régime de l’énergie réservée. Je le rappelle à l’attention de mes collègues qui ne seraient pas au fait de ces questions, s’agissant des concessions hydrauliques, les collectivités de montagne, singulièrement les départements, bénéficient de contingents d’énergie qui leur sont attribués au titre du préjudice que représente l’implantation des ouvrages sur le territoire.
Il y a quelques années, l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie a posé des difficultés pour l’affectation de cette énergie réservée. Depuis lors, nous avons été incapables d’attribuer des contingents d’énergie réservée à des entreprises, car cela pouvait constituer une distorsion de concurrence.
À cette époque, la loi a institué un système intelligent de monétisation des contingents d’énergie réservée qui n’étaient pas utilisés. Comme les collectivités n’en avaient pas l’usage et qu’EDF « turbinait » cette énergie et en tirait recette, il a été prévu de verser une compensation financière aux collectivités.
De la même manière a été prévue une compensation pour les concessions en cours de renouvellement.
Ce système a fonctionné très correctement jusqu’à une période récente. Un arrêté avait déterminé le prix de valorisation de cette énergie, qui était fixé à partir du tarif réglementé et du tarif vert. Depuis lors, des modifications sont intervenues et le tarif de référence a disparu. Un nouvel arrêté a été pris, sans aucune concertation avec les collectivités locales, je le précise, indexant le prix sur le tarif Spot du marché de l’énergie. Cela a entraîné une diminution très importante des ressources que touchaient les collectivités.
Il est proposé, au travers de cet amendement, de fixer un plancher pour la dernière période du tarif réglementé, afin que nous ayons la garantie d’obtenir au moins les mêmes ressources. Il n’y a aucune raison qu’EDF bénéficie d’une prime, au travers d’un dispositif qu’elle a elle-même déterminé, alors même que l’énergie hydraulique se vend, en pointe, très au-dessus du tarif Spot.
S’il y avait besoin d’en apporter une preuve, je peux citer l’exemple du renouvellement d’une concession hydraulique en cours dans mon département. Je me suis rendu compte que le prix retenu pour le modèle économique de la future concession était évidemment sans commune mesure avec le prix du marché de la bourse de l’électricité et du marché Spot.
Il s’agit donc, madame la secrétaire d’État, d’apporter une garantie de ressources aux collectivités locales. Il n’y a aucune raison que ces dernières soient spoliées parce qu’une modification est intervenue dans les textes et qu’un nouvel arrêté a été pris sans concertation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Bouvard, j’ai bien compris la position que vous défendez, et je vais essayer de vous expliquer celle que la commission a adoptée.
Pour tenir compte de la disparition des tarifs réglementés de vente, les TRV, jaune et vert au 31 décembre 2015, le mode de calcul des compensations financières de l’énergie réservée versées par les exploitants d’installations hydrauliques concédées aux départements, qui était précédemment fondé sur ces tarifs, a été révisé par un arrêté de février 2016, qui se fonde désormais sur le prix de marché de l’électricité. Or qui dit marché dit des prix qui montent et qui baissent, et cela pour tout le monde !
Je comprends votre crainte que le niveau et la volatilité de ce prix de marché n’aient un impact négatif sur les finances départementales et ne nuisent à leur prévisibilité. Vous proposez que cette compensation ne puisse être inférieure à ce qu’elle aurait été avec le mode de calcul précédent, c’est-à-dire à la quantité d’énergie réservée due par le concessionnaire, valorisée à 25 % du tarif réglementé applicable en 2015. Ai-je bien compris, mon cher collègue ?
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Toutefois, la solution proposée soulève plusieurs difficultés.
Elle viendrait tout d’abord remettre en cause la cohérence du nouveau système qui a été mis en place. Avant la fin des TRV, tout le système était fondé sur ces tarifs, qu’il s’agisse de la valorisation de l’énergie réservée, des factures des bénéficiaires de cette énergie ou de celle du département, pour les contingents non attribués, et tous les éléments évoluaient donc de la même façon.
Dans le nouveau système, cette cohérence est préservée puisque tout évolue désormais sur la base des prix de marché. Si le prix vient à baisser, le département serait effectivement moins compensé, mais verrait sa facture d’électricité baisser exactement dans les mêmes proportions. En réintroduisant les TRV, on reviendrait donc sur cette cohérence.
Deuxième difficulté, votre proposition serait contraire à la philosophie de l’énergie réservée, qui a vocation à être assise sur un prix de vente. Or l’énergie produite par la concession est bien vendue au prix de marché.
Troisième problème, enfin, votre solution aboutit à revenir sur un cadre réglementaire récent, ajouterait de la complexité et réintroduirait une référence à un objet aujourd’hui disparu, les TRV non résidentiels.
Pour l’ensemble de ces raisons, je souhaite, mon cher collègue, le retrait de votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Monsieur Bouvard, la fin des tarifs réglementés de vente jaune et vert a conduit, comme vous l’avez dit, à prendre une référence de marché pour l’énergie réservée.
Cette référence est parfaitement cohérente tant pour le bénéficiaire que pour les producteurs. Elle reflète une réduction de la facture énergétique des bénéficiaires d’énergie réservée, dont la facture dépend des prix du marché, au travers des offres de marché. Elle reflète également les gains du concessionnaire liés à l’exploitation de la concession, puisque ces recettes dépendent du prix du marché.
Ainsi, même si le montant d’énergie réservée fluctue, il évolue de la même manière que la valeur produite par les concessions et que la facture des bénéficiaires, y compris la facture énergétique des conseils départementaux.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’introduction d’un plancher indexé sur les tarifs réglementés de 2015.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je comprends bien les arguments développés par la commission et le Gouvernement, notamment sur la logique de cohérence.
Nous avons néanmoins un désaccord sur le prix de référence. En effet, nous parlons ici d’énergie hydraulique, dont on sait très bien qu’elle se vend, de manière générale, à un prix supérieur à celui du marché de la bourse de l’énergie, parce qu’elle est mobilisable instantanément et qu’elle permet une optimisation de la recette.
Pour être clair, on nous applique un prix de référence – celui de la totalité de l’énergie – qui ne correspond pas à celui auquel cette énergie est vendue. Voilà où se situe le problème !
C’est en quelque sorte la seconde fois que l’on essaye de modifier à la baisse le retour d’énergie réservée pour les collectivités territoriales. En effet, je le rappelle, il y a quelques années, par un décret pris également sans concertation, le volume d’énergie réservée avait été modifié pour prendre comme référence la période d’étiage et non la production sur l’ensemble de l’année. Cette solution léonine aboutissait à supprimer toute énergie réservée pour un certain nombre d’ouvrages, alors même que la loi de 1919 en faisait une obligation.
Je suis d’accord pour retirer mon amendement, mais sous réserve qu’une concertation soit engagée pour trouver un prix de référence qui ne fasse pas appel au passé et à un dispositif supprimé, mais qui corresponde, à tout le moins, au prix moyen de vente de l’énergie hydraulique. En effet, nous savons que ce prix moyen est supérieur au prix de marché qui sert actuellement de référence.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Bouvard et Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 521-16 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, pour compenser les pertes financières engendrées par le retard pris dans le renouvellement des concessions concernées, l’exploitant de l’ouvrage verse chaque année aux collectivités bénéficiaires de la redevance prévue à l’article L. 523-2, une compensation financière dont le montant est calculé par voie réglementaire. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai conjointement les amendements nos 3 et 2, car ils ont pour origine le même problème.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2, présenté par MM. Bouvard et Vial, et ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 522-2 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 521-16, les affectations de l’énergie réservée de l’aménagement hydroélectrique concerné, effectuées par l’État et le département, deviennent caduques à compter du 1er juillet 2017. L’énergie réservée est alors, et dans l’attente de la délivrance de la nouvelle concession, soit réaffectée par les soins du département concerné, soit monétisée à son profit dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent article. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Ce problème vient évidemment du renouvellement des concessions hydrauliques. Je ne referai pas toute l’histoire, depuis le décret de 2011, sur lequel le Gouvernement est revenu lors de son arrivée au pouvoir, jusqu’au récent décret, en passant par la longue concertation pour aboutir au nouveau dispositif, le rapport de notre excellente collègue député Marie-Noëlle Battistel, les discussions qui n’ont toujours pas abouti avec l’Union européenne et le renouvellement toujours en attente des concessions hydrauliques…
La Cour des comptes a d’ailleurs souligné la perte de recettes induite tant pour l’État que pour les collectivités territoriales, qui se partagent les redevances domaniales.
Mon premier amendement tend à prévoir, dès lors qu’un système n’entre pas en vigueur, une compensation permettant aux collectivités de percevoir une ressource correspondant aux recettes tirées par l’exploitant de ces ouvrages dans l’attente du renouvellement des concessions. Cette compensation serait fixée par décret.
Mon second amendement vise les contingents d’énergie réservée qui continuent d’exister tant que la concession n’a pas été renouvelée. Il tend à prévoir que, à l’inverse, les contingents d’énergie réservée arrivent à leur terme à la fin de la concession. C’est notamment le cas de ceux qui étaient attribués par les préfets avant le vote de la loi de décentralisation transférant la gestion des contingents aux départements, intervenue dans la pratique en 1985.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Bouvard, quand vous défendez une cause, vous le faites vraiment sur tous les textes qui vous passent sous la main ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous êtes redoutable, car, même quand vous obtenez de temps en temps en partie satisfaction, vous en rajoutez, si j’ose dire, pour obtenir un peu plus ! Vous voyez très bien à quoi je fais allusion, avec votre deuxième amendement…
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le premier amendement pose les mêmes problèmes que ceux que j’ai évoqués pour l’amendement n° 1. Je vous signale – vous en êtes sûrement conscient ! – que vous allez mettre en difficulté les titulaires des concessions actuelles, c’est-à-dire pas seulement les deux grands opérateurs – EDF et Engie –, mais aussi tous les autres exploitants.
Il est vrai que nous prenons du retard dans le renouvellement des concessions. C’est la faute du Sénat : par un amendement voté à l’unanimité, nous avons protégé nos installations hydrauliques et, par conséquent, les actuels exploitants.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bosino. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le problème vient de ce que notre système, le système français, n’est pas le même que celui de nos voisins.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nos voisins – Espagne, Suède et, bien sûr, Suisse – regardent avec gourmandise nos barrages hydrauliques. Ils ont des chances, en effet, d’obtenir certaines de nos concessions hydrauliques si jamais elles font l’objet d’une ouverture de marché, alors que les entreprises françaises n’auront, elles, jamais aucune chance d’exploiter un barrage à l’étranger – aucun barrage, ou presque, n’ayant un statut public dans les pays voisins.
Le Sénat n’a pas été très libéral en la matière. L’amendement a été voté sur toutes les travées, assez logiquement par la gauche de l’hémicycle, mais par nous aussi, mes chers collègues de la majorité sénatoriale. Il ne faut pas le nier, nous avons protégé nos barrages hydrauliques…
M. Roland Courteau. Nous avons bien fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … et nous avons donc du retard. Néanmoins, je ne suis pas sûr que nous puissions tenir très longtemps notre position vis-à-vis de Bruxelles.
Monsieur Bouvard, votre combat est différent, car vous pensez aux collectivités territoriales et à ce qui leur est versé. Avec votre amendement, vous allez trop vite. Attendons de voir comment aboutissent les négociations.
Avec votre second amendement, vous exagérez ! Vous avez obtenu satisfaction dans la loi Montagne, en négociant avec le Gouvernement, qui a fait un pas vers vous. Vous avez obtenu un retour pour les collectivités locales à partir du 1er janvier 2018, et vous revenez aujourd’hui avec un amendement, pour essayer de gagner six mois supplémentaires, et mettre le dispositif en marche à partir du 15 juillet. (M. Michel Bouvard rit.)
Je suis ravi de voir que vous riez : c’est signe que vous prenez très bien ma position, qui consiste à vous demander très aimablement de bien vouloir retirer vos amendements !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. J’écoute toujours avec une grande attention les propos du rapporteur, qui sont particulièrement instructifs.
En ce qui concerne l’amendement n° 3, le Gouvernement est défavorable à l’introduction de cette nouvelle charge fiscale sur les concessions hydroélectriques exploitées sous le régime dit « des délais glissants ». Les départements bénéficient déjà d’une compensation financière pour l’énergie réservée non attribuée, qui perdure pendant la période de délai glissant et à laquelle s’ajouterait la nouvelle compensation prévue par l’amendement.
Rien ne permet pourtant d’attester de la réalité des pertes financières alléguées. Le montant des futures redevances résultera d’une procédure concurrentielle par nature incertaine, des caractéristiques propres de chaque concession, ainsi que des conditions de marché. On ne peut présupposer qu’il sera supérieur à l’énergie réservée actuelle, dispositif que la nouvelle redevance remplacera.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l'amendement n° 3.
Par ailleurs, l’amendement à la loi Montagne dont le rapporteur vient de nous parler, voté avec l’avis favorable du Gouvernement, permet déjà aux conseils départementaux, à compter du 1er janvier 2018, d’abroger n’importe quelle ancienne décision d’attribution de l’énergie réservée, afin de réattribuer ou de bénéficier d’une compensation financière pour les volumes correspondants.
Les dispositions de l’amendement n° 2 n’apportent donc rien de plus, à part un caractère automatique et général contre-productif pour les bénéficiaires, qui seront dans l’incertitude d’une rétribution ou non de l’énergie réservée à leur profit par le conseil départemental.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur l'amendement n° 2.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, les amendements nos 3 et 2 sont-ils maintenus ?
M. Michel Bouvard. Je vais retirer l’amendement n° 2, qui a été redéposé, peut-être avec insuffisamment d’attention, dans le paquet des amendements relatifs à ce texte.
Je retirerai aussi l’amendement n° 3, étant bien conscient du caractère imparfait de ma proposition. Je tenais à rappeler que la situation dans laquelle nous sommes n’est pas normale.
Je comprends parfaitement la nécessité de protéger les intérêts nationaux. Toutefois, un régime a été prévu pour le renouvellement des concessions hydrauliques : nous avons voté, voilà maintenant une dizaine d’années, un dispositif prévoyant une répartition de la redevance domaniale entre l’État et les collectivités. Depuis dix ans, aucune concession hydraulique n’est passée à ce régime, parce que tout le système est figé !
Ce faisant, je ne fais aussi que rappeler ce qui figure dans le référé délivré par la Cour des comptes, laquelle chiffre la perte à plusieurs centaines de millions d’euros pour le budget de l’État et pour les budgets des collectivités territoriales.
Je retire donc mes amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 3 et 2 sont retirés.
L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, B. Fournier, D. Laurent et Requier, Mmes Morhet-Richaud et Cayeux, MM. de Nicolaÿ, G. Bailly et Mandelli, Mme Deromedi, M. L. Hervé, Mme Joissains, MM. Chaize, Nougein, Laménie, P. Leroy, Perrin, Raison, Pointereau, Huré, de Raincourt, Mayet, Revet, Doligé, Kern, César, Maurey, Danesi et Longuet, Mme Lamure, MM. Détraigne, D. Dubois, Longeot, Guené, Pierre, Capo-Canellas, Masclet, Boulard et Émorine, Mme Billon et MM. Gabouty, Bas et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les anciens moulins à eau situés en milieu rural et équipés par leurs propriétaires, des tiers délégués ou des collectivités territoriales, pour produire de l’électricité ne sont plus soumis au classement par arrêté des préfets coordonnateurs.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. L’avenir des moulins à eau en France semble aujourd’hui très compromis par l’actuelle réglementation sur la continuité écologique, issue en partie de la loi sur l’eau, mais aussi des lois Biodiversité et Création.
Les moulins à eau, bien qu’ils soient très anciens et parfaitement intégrés dans le paysage rural, font l’objet de l’hostilité de l’administration française, qui veut les « effacer » – c’est le terme employé –, au nom de la prétendue continuité écologique.
J’ai saisi, par une question écrite, en 2015, le ministère concerné. Il m’a été répondu, en 2016, que les moulins non adaptés aux contraintes écologiques, en fonction de leur classement par les préfets coordonnateurs, devraient être « effacés », c’est-à-dire détruits.
Cette réglementation semble excessive, pour ne pas dire arbitraire, comme l’a fort bien suggéré notre collègue Rémi Pointereau, au travers d’un amendement qu’il avait fait voter, naguère, par le Sénat.
En outre, les travaux récents des chercheurs démontrent que les seuils séculaires des moulins n’ont pas d’impact sur les populations de poissons, dont la disparition est en réalité imputable à la pollution chimique ou médicamenteuse.
Les moulins possédant encore un matériel en état de fonctionnement pourraient donc jouer un rôle non négligeable en matière d’énergie renouvelable si on leur laissait produire de l’électricité, dans la limite, définie par Mme la ministre, de 150 kilowattheures, et ce à un coût très bas et sans risque de pollution, puisque la plupart de ces ouvrages existent depuis le XVIIIe siècle et respectent parfaitement l’environnement. Au reste, c’est ce qu’a observé la commission de la culture du Sénat lorsqu’elle a adopté, sur l’initiative de son rapporteur, Mme Férat, à deux reprises une mesure « visant à faciliter la préservation des moulins à eau protégés pour leur intérêt patrimonial ».
Si cet amendement était adopté, les moulins équipés pour produire de l’électricité, que ce soit pour l’autoconsommation ou pour la vente d’énergie, échapperaient au classement des préfets coordonnateurs.
Selon les spécialistes, que j’ai consultés, l’équipement de 30 000 moulins hydroélectriques, ce qui serait possible, générerait 20 000 emplois de techniciens, de chaudronniers ou de maçons et 15 000 emplois relevant de l’économie sociale et solidaire.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission considère avec beaucoup de sympathie cet amendement,…
Mme Sophie Primas. Ça commence mal… (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … pour une raison simple : j’ai toujours défendu le petit hydraulique – il s’agit même ici de microhydraulique –, que ce soit dans cet hémicycle ou au sein de celui dans lequel je siégeais auparavant, puisque je présidais la commission de l’énergie à l’Assemblée nationale.
En réalité, madame la secrétaire d’État, c’est plutôt vous que les signataires de cet amendement visent…
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … ou, du moins, votre famille politique, qui a une position assez contradictoire.
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En effet, les écologistes devraient être des défenseurs de l’utilisation de l’eau pour produire de l’électricité. Or ils défendent bien davantage les petits poissons qui remontent les rivières. Ce n’est, du reste, pas le seul sujet sur lequel votre parti peut être pris en flagrant délit de contradiction… C’est dommage, parce que les moulins font partie du patrimoine français.
M. Michel Bouvard. Absolument !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L’histoire nous montre qu’ils ont permis, voire qu’ils permettent encore de produire de l’énergie, même si c’est en petite quantité. Je ne mets toutefois pas dans le même sac la microélectricité produite par ces moulins et le petit hydraulique, présent, par exemple, en zone de montagne, où la solution est plus simple et l’enjeu économique plus crucial.
Cela étant, j’ai déjà demandé en commission à M. Chasseing de bien vouloir retirer son amendement. Il a gagné un combat tout récemment lors de l’examen de la loi Montagne, mais il reste inquiet.
Il a bien été acté dans ce texte que ce patrimoine doit être protégé et que l’administration doit faire preuve d’écoute quand les propriétaires de moulins souhaitent ne pas dépenser une fortune pour pouvoir garder leur ouvrage, puisque c’est de cela qu’il s’agit. En effet, quand un moulin doit être modernisé ou remis en marche et qu’une demande d’autorisation est déposée, bien souvent, l’administration n’oppose pas un refus, mais impose des exigences tellement coûteuses que cela décourage le propriétaire. Aussi, les mesures obtenues dans la loi Montagne sont, dans la lettre, positives, mais on attend tous leur application aux prochaines demandes d’autorisation.
Reste que je ne peux pas accepter ce qui est demandé au travers de cet amendement, à savoir la suppression de toute autorisation préfectorale. Cela va trop loin. Les parlementaires que nous sommes ne peuvent pas laisser faire n’importe quoi, n’importe comment sur notre territoire.
Pour ma part, je souhaite attendre de voir comment s’appliquera la loi Montagne, qui, je le rappelle, vaut pour l’ensemble du territoire et pas seulement pour les petits cours d’eau de montagne. Voyons si les propriétaires de petits moulins rencontrent les mêmes blocages administratifs et, si tel est le cas, il faudra alors mettre les points sur les « i ». Rassurez-vous, monsieur Chasseing, je défendrai alors fortement votre position.
Pour l’heure, je le répète, je ne peux pas accepter la mesure radicale proposée au travers de cet amendement, qui vise à supprimer purement et simplement toute autorisation administrative.
Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. M. le rapporteur a prononcé des paroles de raison. Je veux moi aussi que l’on aborde cette question de manière raisonnable.
Le Gouvernement n’entend pas opposer la préservation, et même la reconquête, indispensable de notre biodiversité à la production d’énergie renouvelable ou à la défense de notre patrimoine culturel. J’ai été la première à insister pour que les journées du patrimoine intègrent, aux côtés du patrimoine culturel, le patrimoine naturel. Nous ne devons pas les opposer, mais faire en sorte d’atteindre tous ces objectifs.
Il serait absurde de vouloir empêcher, au nom des énergies renouvelables, la continuité écologique des cours d’eau. Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, de laisser « quelques petits poissons » remonter les rivières. Ces « quelques petits poissons » font partie d’un écosystème global qui permet d’avoir une eau de qualité et de rendre bien des services. On se rend d’ailleurs de plus en plus compte que la nature nous rend des services gratuits que nous aurions tort de négliger ; pour les avoir trop négligés, on paie aujourd’hui une facture, y compris financière, importante.
Aussi, tout simplement, nous devons tenter de concilier, au cas par cas, ces impératifs. À certains endroits, il faudra effacer des obstacles…
M. Michel Bouvard. Ah !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. … et, à d’autres, ce ne sera pas nécessaire.
Laissons aux différents acteurs la possibilité de considérer la situation et de travailler ensemble pour trouver la meilleure solution. Tout dogmatisme sur cette question poserait problème.
Ne nous laissons pas entraîner par ceux qui, pour défendre des intérêts personnels, délaisseraient l’intérêt général. Essayons de rester les gardiens de cet intérêt général et de trouver les meilleures solutions. Je défends donc les moulins, qui constituent un magnifique patrimoine et qui peuvent contribuer à la solution, mais je suis évidemment, en tant que secrétaire d’État chargée de la biodiversité, gardienne de cet impératif de sauvegarde de l’environnement pour nos enfants.
Vous l’avez dit, vous avez obtenu, au travers de la loi Montagne, l’introduction dans le code de l’environnement d’une disposition relative aux moulins. Je la rappelle : « La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. »
Par ailleurs, effectivement, nous devons mieux connaître les processus de la microhydraulique. Le ministère poursuit ainsi son action pour mieux concilier les enjeux du rétablissement de la continuité écologique et de la préservation des moulins. Le Conseil général de l’environnement et du développement durable rendra prochainement les résultats d’un travail sérieux et scientifique demandé par Ségolène Royal à ce sujet.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur Chasseing, à l’instar du rapporteur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, car nous devons vraiment travailler en bonne intelligence sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. J’apporte mon soutien à cet amendement, qui constitue un message très fort : n’effaçons pas les barrages et les moulins susceptibles de produire de l’électricité hydraulique. Il constitue également un hommage à une révolution datant de 10 000 ans : durant la période du néolithique, les hommes ont eu l’idée de retenir l’eau pour l’utiliser quand ils en auraient besoin.
J’ajoute que, l’été dernier, lors de la sécheresse, l’État a demandé de fermer les vannes de barrages destinés à être « effacés », parce que l’on avait besoin de retenir l’eau. Il est donc temps que le Sénat affirme, très fortement, sa volonté de défendre les moulins et les barrages. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Je le précise d’emblée pour éviter toute ambiguïté, je suis tout à fait solidaire des propos du rapporteur. Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
Cela étant, cette discussion est extrêmement intéressante. On a le sentiment que le débat porte sur la création de moulins sur nos rivières.
M. Charles Revet. Il ne s’agit pas de cela !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. En effet, mais je réponds au Gouvernement.
L’amendement commence bien par la mention « Les anciens moulins » ; il s’agit principalement d’ouvrages remontant au XVIIIe siècle. Or, si l’on poussait le raisonnement jusqu’au bout – certains le souhaitent –, il faudrait les supprimer pour établir la continuité écologique.
M. Jackie Pierre. Ce serait une erreur !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. On bouleverserait ainsi, non seulement l’économie locale, au travers de la microhydraulique, mais encore les paysages et les usages.
Nous devons donc être extrêmement attentifs à cette question des anciens moulins, y compris du point de vue patrimonial, puisque ce sont souvent de petits monuments, qui peuvent être visités lors des journées du patrimoine. Il doit y avoir une réflexion à ce sujet pour ne pas conduire à ce que craint Jean-Claude Boulard, à savoir la disparition de ces petits monuments du génie français du XVIIIe siècle.
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement, certes très audacieux, mérite toute notre attention. J’ai eu l’occasion de rappeler, à plusieurs reprises, l’importance de l’hydroélectricité et son fort potentiel de développement.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Michel Le Scouarnec. On recense, dans notre pays, 60 000 moulins et 100 000 seuils prêts à reprendre de l’activité. D’autres ont simplement besoin d’être équipés d’une petite turbine. Or certaines contraintes administratives freinent des projets d’hydroélectricité,…
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Michel Le Scouarnec. … alors que les installations envisagées correspondent tout simplement à des remises en activité d’un patrimoine industriel existant, largement intégré dans nos paysages.
La continuité écologique est nécessaire, mais pourquoi détruire l’ensemble des seuils de moulins alors que, depuis 2006, des chercheurs ont démontré que ces seuils séculaires n’ont pas d’impact sur les migrations de poissons ? En faisant disparaître les seuils des moulins, on se prive d’un moyen important de lutte contre le réchauffement climatique via la production d’énergie renouvelable, l’hydroélectricité.
La conservation d’un seuil présente l’avantage de réduire la pollution de l’eau et ne nuira pas à la reconquête de la biodiversité aquatique, puisqu’il s’agit précisément d’espaces où elle est concentrée. Il faut donc adapter la philosophie de la continuité écologique à chaque site, selon les usages économiques, sociaux et, bien évidemment, environnementaux.
Par ailleurs, les moulins représentent des atouts importants pour l’activité touristique dans nos zones rurales ; les vingt-sept moulins à marée qui fonctionnaient jusqu’en 1960 dans le Morbihan en sont des exemples. Ils furent même au nombre de cent en Bretagne et de deux cents au Royaume-Uni. Ils sont assis tant sur la mer que sur la terre, en quelque sorte sur le trait de côte.
Les moulins à marée ne sont plus aujourd’hui que les témoins d’un passé disparu et les précurseurs des usines marémotrices ainsi que, dans une certaine mesure, des hydroliennes. Cette particularité très présente dans l’Ouest, notamment dans le Morbihan, démontre l’utilisation très ancienne de l’énergie d’origine naturelle.
Tout doit être fait pour utiliser mieux et davantage l’énergie, la force de l’eau, même si ce doit être mis en place dans un cadre bien défini et contrôlé par l’État. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Ce débat me rappelle une discussion que nous avions eue à l’occasion d’un autre projet de loi ; c’était Mme Royal qui siégeait alors au banc du Gouvernement.
J’avais déposé un amendement dans le même esprit et, pour me convaincre de le retirer, Mme Royal avait affirmé que son cabinet organiserait une réunion avec tous les acteurs, y compris les parlementaires. J’ignore si cette réunion s’est tenue ; en tout cas, les parlementaires n’y ont pas été associés… Vous nous proposez presque la même chose aujourd’hui, madame la secrétaire d’État. Or je pense qu’il faut prendre une décision.
Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’une autorisation doit être nécessaire pour construire un nouveau moulin, je rejoins M. Lenoir à ce sujet, mais ceux qui existent depuis longtemps n’ont jamais empêché les poissons de remonter les cours d’eau. L’administration demande au propriétaire qui veut garder son moulin de construire une passe à poissons ; mais si les poissons remontaient autrefois, il n’y a pas de raison qu’ils n’y arrivent plus aujourd’hui. Ainsi, on exige du propriétaire des travaux que beaucoup d’amoureux des moulins ne peuvent assumer financièrement.
J’ai cosigné cet amendement, car il faut prendre des dispositions, quitte à les aménager par la suite. C’est tout de même magnifique, les moulins, c’est un patrimoine extraordinaire, vous venez de le dire ! En outre, s’ils ne broient plus du grain, ils permettent maintenant de produire de l’électricité. Certains organismes veulent les supprimer – je ne comprends toujours pas pourquoi –, alors qu’ils font partie de notre patrimoine et qu’ils n’ont jamais empêché les poissons de remonter les cours d’eau.
Je voterai donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis comme vous, mes chers collègues, une amoureuse des vieux moulins du XVIIIe siècle et de ce patrimoine. Néanmoins, je vous rappelle que la directive-cadre européenne sur l’eau a fixé la continuité halieutique comme principe. Nous devons donc garantir que les poissons puissent circuler normalement dans nos cours d’eau. Les ressources de poissons de rivière se sont appauvries en raison d’une mauvaise gestion de cette question.
Mme la secrétaire d’État ne dit pas que l’on va supprimer les moulins aveuglément, partout, pour assurer la continuité écologique. Elle indique qu’il doit y avoir, au cas par cas, un examen intelligent de la situation, d’où l’intérêt d’une autorisation administrative. On peut aménager le dispositif – par un changement d’horaire, une passe à poissons –, pour que les mécanismes garantissent une certaine continuité halieutique.
M. Michel Bouvard. Il y a un problème d’aval et d’amont… (Sourires.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui, mais l’Hamon va gagner, car on remonte toujours à la source… (Nouveaux sourires.)
Il s’agit d’une situation où la cécité, d’un côté comme de l’autre, ne peut constituer une stratégie. On ne peut laisser les choses se faire en prétendant que ces ouvrages ont toujours existé et qu’ils ne posent aucun problème, ni contredire le principe acté dans nos textes, au travers d’une directive européenne, de la continuité halieutique.
La stratégie proposée par le Gouvernement – la loi Montagne rappelle bien l’importance de ces moulins – me paraît pragmatique, mon cher Jean-Claude Boulard, vous qui êtes si attaché à cette notion. Cette position me semble équilibrée et juste.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. J’ai cosigné cet amendement, qui me semble plein de bon sens. Je ne parle pas d’amont ou d’aval (Mêmes mouvements.), mais je connais un peu les moulins, ma femme étant d’une famille de meuniers.
Il y a toujours eu des poissons dans les rivières. Aujourd’hui, ils sont plus menacés par la pollution que par les seuils. Je soutiens donc cet amendement, favorable à la ruralité. (MM. Michel Bouvard et Jackie Pierre applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jackie Pierre, pour explication de vote.
M. Jackie Pierre. Je tiens moi aussi à la préservation de ce beau patrimoine.
Les truites n’ont pas attendu que l’on tienne ici des discours pour remonter les cours d’eau !
Je ne vois pas pourquoi on ne laisserait pas la possibilité aux propriétaires de produire de l’électricité. Cela contribuera aussi à sauvegarder ce patrimoine. Sans cela, on se dirige vers sa ruine.
Je voterai donc cet amendement si, comme je l’espère, il n’est pas retiré.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. J’y insiste, le Gouvernement défend le patrimoine des moulins ; Ségolène Royal a d’ailleurs lancé récemment, j’ai omis de le préciser, un appel d’offres pour équiper 150 moulins et produire de l’électricité, le marché devant être attribué en mars prochain. Nous nous inscrivons donc dans une démarche de promotion de ce mode de production d’énergie.
En outre, pour les moulins qui existent depuis des années, des décennies ou des siècles et qui ne nuisent pas à la continuité écologique des cours d’eau – très certainement, l’immense majorité des moulins –, il n’y a pas de problème. En revanche, certains moulins ont été aménagés – on ne prétendra pas que, depuis le XVIIIe siècle rien n’a bougé –, d’où l’intérêt de l’étude au cas par cas. On se fabrique donc là des peurs pour rien et une telle disposition risque de nous mettre en difficulté.
Monsieur Revet, vous évoquiez une réunion, mais nous avons justement demandé une étude du CGEDD pour sortir des fantasmes et pour pouvoir nous appuyer sur des faits, ce qui est préférable pour agir et travailler dans les meilleures conditions.
Encore une fois, ne nous créons pas de faux problèmes. Nous avons tous la même volonté : la préservation de notre patrimoine, qui est exceptionnel, et la sauvegarde de notre environnement. La sagesse et l’intelligence des parlementaires consisteront justement à concilier les deux impératifs.
Cet amendement posera plus de problèmes qu’il n’en réglera, d’où notre avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 13 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Je souhaite indiquer, à la suite de M. Le Scouarnec et d’autres, que les études montrent que les seuils séculaires des moulins n’ont pas d’impact sur les populations de poissons, dont la disparition est imputable à autre chose, à la pollution.
D’autre part, les seuils sont des zones humides qui représentent environ 30 000 hectares et qui sont capables de détruire le nitrate et le phosphore. On fait la COP 21, on se pose en champion de l’écologie, mais on ne veut pas conserver des ouvrages vraiment écologiques… Bref, pas de problème écologique, des créations d’emplois, de la production d’énergie, du tourisme, il n’y a que des atouts.
J’ai beaucoup de respect et même d’estime pour M. le rapporteur et pour M. le président de la commission, qui sont des sénateurs brillants et précis, mais les moulins vont disparaître, alors que 30 000 moulins réhabilités produiraient l’équivalent d’une centrale nucléaire (Marques de scepticisme aux bancs du Gouvernement et de la commission.) Les moulins ont servi à l’alimentation ; je propose simplement qu’ils puissent désormais contribuer à la production d’énergie.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Article 4
I A (nouveau). – Après l’article L. 421-9 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 421-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-9-1. – En cas de modification de la nature du gaz acheminé dans les réseaux de distribution et de transport de gaz naturel, pour des motifs tenant à la sécurité d’approvisionnement du territoire, les opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel mettent en œuvre les dispositions nécessaires pour contribuer au bon fonctionnement et à l’équilibrage des réseaux, à la continuité du service d’acheminement et de livraison du gaz et à la sécurité des biens et des personnes. La décision et les modalités de mise en œuvre par les opérateurs d’une telle modification font l’objet d’un décret, pris après une évaluation économique et technique de la Commission de régulation de l’énergie permettant de s’assurer de l’adéquation des mesures envisagées au bon fonctionnement du marché du gaz naturel au bénéfice des consommateurs finals. »
I. – Le livre IV du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 432-13 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
c) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les gestionnaires des réseaux de distribution de gaz naturel dirigent et coordonnent les opérations de modification de leurs réseaux respectifs et veillent à la compatibilité des installations des consommateurs finals durant toute la durée des opérations ainsi qu’à l’issue de celles-ci. À cette fin, ils peuvent sélectionner et missionner des entreprises disposant des qualifications nécessaires pour réaliser les opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage de tous les appareils et équipements gaziers des installations intérieures ou autres des consommateurs raccordés aux réseaux de distribution concernés.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret, après avis de la Commission de régulation de l’énergie. Cet avis comprend une évaluation économique et technique qui permet de garantir l’adéquation des mesures envisagées au bon fonctionnement du marché du gaz naturel et à l’intérêt des consommateurs finals.
« II. – Le I est applicable aux réseaux de distribution de gaz combustibles autres que le gaz naturel en cas de modification de la nature du gaz concerné. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 452-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Figurent également parmi ces coûts les dépenses afférentes aux opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage des appareils et équipements gaziers mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article L. 432-13. »
II. – Le chapitre IV du titre V du livre V du code de l’environnement est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Risques propres aux canalisations de gaz ou liés au changement de la nature du gaz acheminé
« Art. L. 554-10. – L’exploitant d’une canalisation de transport ou de distribution de gaz naturel ou assimilé peut interrompre la livraison du gaz à tout consommateur final qui est raccordé à cette canalisation dès lors que ce consommateur s’oppose à un contrôle réglementaire de ses appareils à gaz ou équipements à gaz prévu à l’article L. 554-8 ou aux opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage mentionnées à l’article L. 432-13 du code de l’énergie, nécessaires en cas de changement de nature du gaz acheminé. Il interrompt la livraison du gaz à un consommateur final lorsqu’il a connaissance du danger grave et immédiat pour la sécurité des personnes et des biens que présentent les appareils et équipements de ce dernier.
« Art. L. 554-11. – I. – En cas de modification de la nature du fluide acheminé, l’exploitant d’une canalisation de transport ou de distribution met en œuvre les dispositions nécessaires pour assurer à tout moment, dans le cadre de ses missions, la sécurité des biens et des personnes.
« II. – L’exploitant d’une canalisation de transport ou de distribution de gaz concernée par une modification de la nature du gaz acheminé s’assure auprès de tout consommateur final qui est raccordé à la canalisation concernée que les opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage des appareils et équipements rendues nécessaires par cette modification ont été réalisées. Dans le cas d’une canalisation de distribution de gaz, l’exploitant ainsi que, le cas échéant, les entreprises sélectionnées par cet exploitant pour réaliser les opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage des appareils et équipements en application de l’article L. 432-13 du code de l’énergie accèdent au domicile ou aux locaux industriels ou commerciaux du consommateur final afin de garantir la sécurité de ses installations intérieures, sous réserve du consentement du consommateur. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je veux vous poser une question, que j’ai déjà évoquée au cours de la discussion générale, concernant l’installation de stockage de Gournay-sur-Aronde, qui doit être adaptée.
Des montants circulent, on parle de 20 millions d’euros, mais le texte ne prévoit rien. J’ai averti vos services que je vous interrogerais sur ce sujet. Le Gouvernement a-t-il prévu quelque chose ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. En effet, monsieur le rapporteur, vous avez appelé notre attention, à juste titre, sur cette question. Le Gouvernement a donc déposé un amendement pour répondre à votre interrogation, que je défendrai dans un instant.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Il était prévu, dans l’avant-projet de loi soumis au Conseil d’État, un dispositif permettant d’aider financièrement certains ménages précaires contraints, en raison d’un changement de type de gaz, de remplacer un appareil ou un équipement inadapté, comme une chaudière ou une gazinière. Le Gouvernement avait confié la mission d’attribution de ces aides financières au gestionnaire de réseau. Or le Conseil d’État a considéré que le tarif d’utilisation du réseau n’était pas destiné à financer des aides à caractère social.
Ne sous-estimant pas pour autant l’importance de la question soulevée, le Conseil d’État a indiqué deux voies possibles sur lesquelles je ne reviens pas, chacun les ayant en tête.
Si nous n’avons pas déposé d’amendement pour répondre à cette situation préoccupante concernant les ménages à revenu modeste, c’est parce qu’un tel amendement aurait subi le couperet de l’irrecevabilité financière. Notre idée consistait à concevoir un dispositif d’aide financière semblable à celui du chèque énergie, attribué sous condition de ressources pour remplacer les appareils devenus obsolètes en raison du changement de nature du gaz, c’est-à-dire en un chèque permettant aux ménages précaires, sous condition de revenus, de financer leurs nouveaux équipements.
Je rappelle que le chèque énergie actuel peut être utilisé pour l’achat d’équipements « lorsque le remplacement d’un ancien équipement permet un gain substantiel de performance énergétique ». Cela aurait été évidemment le cas avec des chaudières ou d’autres équipements plus performants, plus économes.
Comme le chèque énergie, cette aide sociale à destination des plus précaires aurait pu être financée par le budget de l’État. Nous savons que le Gouvernement cherche une solution pour ces ménages, et nous l’en félicitons. Il ne s’agit que d’une proposition, d’une base de réflexion, mais qui permettrait d’aider des personnes qui auront bientôt à faire face à des dépenses importantes qu’ils n’avaient pas prévues. Nous ne pouvons, en effet, rester indifférents aux difficultés de financement auxquelles ces familles précaires vont être confrontées.
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L'article L. 431-6-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin d'assurer l'équilibrage des réseaux et la continuité du service d'acheminement tout au long du processus de modification de la nature du gaz acheminé, le gestionnaire de réseau de transport de gaz naturel peut conclure avec les opérateurs des stockages souterrains de gaz naturel raccordés à son réseau des contrats spécifiant la nature du gaz stocké durant la phase de modification. Ces contrats prévoient la compensation par le gestionnaire de réseau de transport des coûts induits pour l'opérateur de stockage par la modification de la nature du gaz. Un décret pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie précise les coûts faisant l'objet d'une compensation. »
II. – Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que la compensation des opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel au titre des contrats mentionnés à l'article L. 431-6-1
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je sais que cet amendement vous est parvenu tardivement – il a été déposé ce matin –, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser. Il y a certainement eu un petit problème d’acheminement.
La modification de la qualité du gaz est une opération de grande ampleur, qui va concerner près de 1,3 million de consommateurs dans la région des Hauts-de-France. Cette opération est rendue nécessaire par la diminution de la production du gisement de Groningue, aux Pays-Bas. Sa réussite nécessite d’impliquer non seulement les gestionnaires de réseau, mais également l’opérateur de stockage du gaz, situé dans la région. La nature du gaz stocké peut, en effet, être un prérequis pour le déroulement de certaines phases de conversion.
Afin de permettre le bon déroulement du plan de conversion, l’amendement vise à donner aux gestionnaires de réseau de transport la possibilité de contractualiser avec l’opérateur de stockage la nature du gaz stocké durant la phase de conversion, en contrepartie de la compensation des coûts induits pour ledit opérateur de stockage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission n’ayant pas eu la possibilité de l’examiner, je ne pourrai vous donner que mon avis personnel sur cet amendement.
J’estime que l’on ne pouvait pas laisser sur le bord de la route l’opérateur de stockage, infrastructure dont on a besoin. J’ai bien compris que l’accord passé avec celui-ci par les gestionnaires de réseau serait couvert par le TURPE. Il y va tout de même de quelque 20 millions d’euros !
Il fallait trouver une solution pour assurer le devenir de l’opérateur de stockage. À titre personnel, j’indique que celle qui est proposée dans l’amendement me convient ; raison pour laquelle j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… . – Dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport indiquant quelles mesures il entend mettre en œuvre pour accompagner les consommateurs finals aux revenus modestes qui seraient contraints, en raison de la modification de la nature du gaz acheminé dans les réseaux de distribution de gaz naturel auxquels ils sont raccordés, de remplacer un ou des appareils ou équipements gaziers inadaptables.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je propose, au travers de cet amendement, la remise d’un rapport au Parlement. Me voilà pris en flagrant délit, moi qui ai émis des avis négatifs lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique sur tous les amendements tendant à créer des rapports, alors que tous ne me paraissaient pas complètement injustifiés… (Sourires.)
Dans la première version du texte, le Gouvernement proposait une solution. Le Conseil d'État l’a rejetée, créant un vrai problème pour les personnes les plus modestes.
Le réglage de certains équipements ne posera pas de difficulté : il relèvera du gestionnaire de réseau. En revanche, tous les Français ne peuvent pas se permettre de remplacer leur chaudière.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est pour examiner ce problème que je propose qu’un rapport soit remis au Parlement. Ce rapport devra véritablement permettre de trouver une solution pour les familles concernées : les familles les plus modestes de la région des Hauts-de-France.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, la remise d’un rapport n’est pas toujours la meilleure solution. Cependant, en l’espèce, un rapport permettra de mener une réflexion dans des délais appropriés.
De fait, il faudra que, le moment venu, nous puissions proposer des solutions pour aider les ménages les plus démunis à faire face à cette nouvelle donne. C’est pourquoi le Gouvernement est très favorable à cet amendement. Nous pourrons travailler ensemble pour trouver les meilleures solutions pour les personnes qui risqueraient de se retrouver en situation de précarité énergétique.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je tiens simplement à dire que nous soutiendrons cet amendement.
Mme la présidente. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis
La première phrase des I et II de l’article L. 314-28 du code de l’énergie est complétée par les mots : « ou sur des territoires situés à proximité ». – (Adopté.)
Article 4 ter
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel et Daunis, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa des articles L. 341-4 et L. 453-7 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret précise le contenu des données concernées ainsi que les modalités de leur mise à disposition. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Sur l’initiative de son rapporteur, la commission a supprimé l’article 4 ter, au motif que le Gouvernement dispose d’un pouvoir réglementaire autonome, ce qui est tout à fait exact. Toutefois, les dispositions des articles L. 341-4 et L. 453-7 du code de l’énergie nécessitent un texte d’application pour préciser le contenu et les modalités de recueil des informations mises à disposition des usagers, notamment les modalités de recueil de leur consentement.
Dans le cas d’espèce, la difficulté est principalement technique : l’article L. 341-4, qui concerne l’électricité, s’insère dans le chapitre Ier du titre IV du livre III du code de l’énergie. Or l’article L. 341-5 dispose qu’« un décret en Conseil d’État, pris après proposition de la Commission de régulation de l’énergie, précise les modalités d’application du présent chapitre, notamment les modalités de prise en charge financière du dispositif prévu au premier alinéa de l’article L. 341-4 », relatif aux compteurs communicants. L’article L. 453-7, qui concerne, lui, le gaz, ne comporte pas de disposition similaire ; la précision de ses modalités relève donc d’un décret simple.
Outre le fait que les modalités d’information des consommateurs ne relèvent pas de compétences exclusives de la CRE qui justifieraient un décret en Conseil d’État pris après proposition de celle-ci et que le décret prévu à l’article L. 341-5 vise essentiellement la régulation financière du déploiement des compteurs communicants, la suppression de l’article 4 ter aboutirait à une situation juridique paradoxale, puisque, pour des dispositions similaires, ces dernières seraient fixées soit par décret en Conseil d’État pris après proposition de la CRE, soit par décret simple. Pour cette raison, nous proposons le rétablissement de l’article 4 ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 ter est rétabli dans cette rédaction.
Article 4 quater
Après le deuxième alinéa de l’article L. 452-1 du code de l’énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel qui ne sont pas concédés en application de l’article L. 432-6 et qui ont pour société gestionnaire une société mentionnée à l’article L. 111-61, ces coûts comprennent également une partie des coûts de raccordement à ces réseaux des installations de production de biogaz. Le niveau de prise en charge ne peut excéder 50 % du coût du raccordement. Il est arrêté par l’autorité administrative, après avis de la Commission de régulation de l’énergie. »
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer le pourcentage :
50 %
par le pourcentage :
40 %
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement vise à étendre au gaz ce que nous venons d’adopter pour l’électricité. Il s’agit de réparer un oubli à la fois du Gouvernement et de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Paul Émorine. D’où l’utilité du Sénat !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 quater, modifié.
(L'article 4 quater est adopté.)
Article additionnel après l’article 4 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° L’article L. 171-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 171-7. – Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l’objet de l’autorisation, de l’enregistrement, de l’agrément, de l’homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application des dispositions du présent code, ou sans avoir tenu compte d’une opposition à déclaration, l’autorité administrative compétente met l’intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d’un an.
« Elle peut suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux, opérations ou activités jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d’autorisation, d’enregistrement, d’agrément, d’homologation ou de certification, à moins que des motifs d’intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s’y opposent.
« L’autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure.
« S’il n’a pas été déféré à la mise en demeure à l’expiration du délai imparti, ou si la demande d’autorisation, d’enregistrement, d’agrément, d’homologation ou de certification est rejetée, ou s’il est fait opposition à la déclaration, l’autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code.
« Elle peut faire application du II de l’article L. 171-8, notamment aux fins d’obtenir l’exécution de cette décision. » ;
2° Le troisième alinéa du 4° du II de l’article L. 171-8 est ainsi rédigé :
« L’amende ne peut être prononcée plus de trois ans à compter de la constatation des manquements. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le code de l’environnement encadre les activités polluantes ou ayant à tout le moins une incidence sur l’environnement par des régimes administratifs d’autorisation ou de déclaration. C’est à ce titre notamment que la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement soumet certaines installations industrielles à une autorisation préalable visant à encadrer les atteintes à l’environnement, tels les seuils de rejet, les niveaux d’émission, etc. Parmi ces installations figurent les installations de production électrique.
Les articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement précisent les pouvoirs de l’autorité administrative lorsqu’une installation ou une activité est réalisée sans l’autorisation ou la déclaration obligatoire ou sans respecter les prescriptions de ladite autorisation. Dans ce cadre, il est notamment possible que l’autorité administrative prenne des mesures conservatoires permettant la poursuite temporaire de l’activité d’une installation dépourvue de l’autorisation requise par le code de l’environnement, ces mesures conservatoires s’accompagnant d’une mise en demeure de régularisation de la situation administrative.
Il a cependant paru nécessaire de laisser à l’autorité administrative la possibilité de permettre ces poursuites temporaires d’activité, afin d’éviter des fermetures brutales d’installations, qui, au-delà des conséquences socio-économiques désastreuses que l’on devine pour le personnel, pourraient avoir des conséquences environnementales plus désastreuses encore pour l’environnement. Tel est notamment le cas de l’arrêt brutal d’une installation de traitement des déchets ou d’épuration des eaux.
Aussi, le dispositif envisagé pourrait comporter trois modifications principales visant à concilier la protection de l’environnement et le développement de l’activité économique.
Premièrement, la durée maximale de la mise en demeure serait limitée à un an – la disposition actuelle laisse la possibilité de procédures de régularisation longues et non encadrées.
Deuxièmement, la suspension serait désormais le principe en cas de fonctionnement sans l’autorisation requise, tout en maintenant la possibilité d’édicter des mesures conservatoires permettant, sous conditions, une poursuite de l’activité.
Troisièmement, il serait procédé à la suspension ou à la cessation définitive automatique de l’installation s’il n’a pas été déféré à la mise en demeure à l’issue du délai fixé.
Par ailleurs, l’allongement de la période permettant le prononcé d’une amende administrative après la constatation d’un manquement aux prescriptions d’une autorisation, proposé à l’article L. 171-8, participe également d’un encadrement plus important des activités potentiellement polluantes.
Enfin, ces modifications permettent d’assurer la pleine conformité du droit national au droit de l’Union européenne en matière d’évaluation environnementale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La disposition proposée est bienvenue, puisqu’elle permettra de lever un risque de contentieux au niveau européen. La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.
Article 5
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, permettez-moi simplement une petite réflexion sur l’autoconsommation.
D’un côté, l’autoconsommation représente une opportunité pour les consommateurs : elle permet, logiquement, de réduire les coûts.
De l’autre, elle constitue un risque pour les systèmes électriques. En effet, l’exonération de CSPE et, jusqu’à un certain plafond, de la taxe locale sur l’électricité induit des pertes de recettes fiscales pour les syndicats et les communes. En outre, l’autoconsommation impacte les réseaux : il faut ajuster les courbes de production et de consommation. En effet, les personnes connectées feront appel aux réseaux dans les moments de pointe, par exemple lors des grands froids d’hiver, puisqu’elles n’auront pas assez d’électricité produite localement. C’est une contrainte qu’il faudra gérer. C’est un peu comme les personnes qui ont une source, mais qui sont reliées au réseau d’eau potable : elles n’utilisent celui-ci que durant l’été, en période de sécheresse.
Il faut tout de même dire que l’autoconsommation vise un public de bobos.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les paysans ? Les agriculteurs ?
M. Jean-Claude Requier. En effet, l’installation des équipements nécessite d’avoir quelques moyens.
Malgré tout, je pense que le projet de loi est bon. Les membres du RDSE le voteront donc à l’unanimité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Le débat que nous avons eu cet après-midi est important. Un travail très intéressant a été réalisé sur ce texte. D’ailleurs, nous avons voté certains amendements.
Cependant, la philosophie générale du texte, la discussion générale, l’examen des amendements ou encore les propos que vient de tenir M. Requier nous confortent dans l’opinion que, petit à petit, nous sommes en train de démanteler le système de production et de distribution d’électricité qui a été bâti à la Libération.
Pour certains, le fait que les choses aient évolué, le développement des énergies renouvelables justifient la mise en cause de ce système. Je ne comprends pas cette argumentation : parce qu’il y a les énergies renouvelables, parce qu’il est nécessaire de défendre l’environnement, nous avons plus que jamais besoin d’un système national qui organise et régule toute la production d’électricité !
Aujourd'hui, tout le monde déplore qu’il soit très compliqué de faire venir la fibre optique dans telle ou telle région. Si l'on n’avait pas cassé France Télécom, nous n’en serions pas là ! Et La Poste n’est pas en reste : comme je le lisais encore tout récemment, on a annoncé à un monsieur résidant en haut d’un petit village de l’Ardèche qu’on ne pourrait plus monter lui livrer son courrier. C’est la même logique qui est à l’œuvre aujourd'hui.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Ce projet de loi va contribuer à la réussite de la transition énergétique. En effet, il permettra la mise en œuvre de solutions pertinentes, innovantes, qui répondent, par ailleurs, à une attente sociétale véritable. Il adresse un signal fort en direction de l’autoconsommation, dont il accompagne le développement, en le maîtrisant, en l’encadrant, en anticipant sa progression, tout en évitant certaines dérives possibles.
Par ailleurs, ce texte devrait booster le développement des énergies renouvelables. Ainsi, la réfaction tarifaire des coûts de raccordement – c’est l’un des éléments essentiels en matière de politique énergétique – va contribuer à lever les freins et les obstacles au développement des énergies renouvelables.
De même, les dispositions en faveur de l’éolien en mer sécuriseront les porteurs de projets en cas de non-respect des délais de raccordement.
Le groupe socialiste votera ce texte, d'autant plus que la plupart de nos amendements ont été adoptés. Nous en remercions le Gouvernement, M. le rapporteur et le Sénat. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme mes collègues du groupe socialiste, je vais soutenir ce projet de loi.
Je veux répondre à ceux qui estiment que favoriser l’autoconsommation fragiliserait le système énergétique français global et l’esprit qui a prévalu à la Libération, visant à permettre à chacun, sur tout le territoire, d’avoir accès à l’énergie.
Les craintes qui s’expriment sont précisément celles qui, depuis plusieurs années, font de la France l’un des mauvais élèves de l’Union européenne en matière d’autoproduction d’énergie. C’est notamment vrai dans certains secteurs ruraux.
Je pense que nous avons tout intérêt à développer l’autoconsommation dans le cadre du mix énergétique. C’est de la production locale ; c’est du 100 % made in France. (Sourires.)
La complexité sera alors de rendre cette autonomie, choisie, et non subie – chacun décide s’il veut ou non être producteur et autoconsommateur –, compatible avec l’intérêt général. Le système qui nous est proposé vise précisément à permettre l’autoconsommation tout en préservant l’intérêt général et le bon fonctionnement de notre système électrique.
La plupart des pays qui sont parvenus à un taux élevé d’autoconsommation sans déstabiliser leurs réseaux ont beaucoup travaillé sur des méthodes de stockage de l’énergie nettement plus autonomisées et individualisées. Il faudra y réfléchir. On sait que l’avenir énergétique, c’est aussi la bonne gestion du stockage énergétique. Il me semble que nous devons continuer à travailler dans ce sens, innover et financer de la recherche sur l’ensemble des mécanismes de stockage énergétique.
Enfin, notre collègue Montaugé a soulevé une question qui touche à nos fondamentaux républicains : comment garantit-on l’autonomie, la capacité d’autoconsommation et d’autoproduction, tout en faisant vivre la péréquation tarifaire ? De fait, il ne faut jamais oublier l’idéal d’égalité républicaine.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 311 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté.
14
Nomination d’un membre représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et républicain a présenté une candidature pour représenter la France en qualité de membre suppléant à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Marie-Françoise Perol-Dumont membre suppléant représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
15
Nomination d’un membre d’une commission
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée, et je proclame Mme Évelyne Rivollier membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Jean-Claude Frécon, décédé.
16
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
(Mme Françoise Cartron remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
17
Sécurité publique
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurité publique (projet n° 263, texte de la commission n° 310, rapport n° 309, avis n° 299).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour l’examen du projet de loi relatif à la sécurité publique, dont chacun, dans cet hémicycle, mesure l’importance.
En premier lieu, je souhaite revenir sur le contexte et les objectifs qui ont présidé à l’élaboration de ce texte, ainsi que sur les grandes lignes qui en assurent l’équilibre.
À cet égard, je veux remercier d’emblée le rapporteur, François Grosdidier, ainsi que les membres de la commission des lois, tout particulièrement son président, Philippe Bas, mais aussi Jacques Bigot et René Vandierendonck, pour leur engagement et la très grande qualité du travail préalable que nous avons pu faire ensemble. Cela nous a permis de consolider le projet de loi, dans un esprit constructif et profondément républicain.
Important, ce texte l’est avant tout pour les policiers et les gendarmes, qui sont chargés de la protection quotidienne de nos concitoyens, sur la voie publique, dans les commissariats de police et dans les brigades de gendarmerie. Ils accomplissent un travail absolument indispensable sur l’ensemble du territoire national, dans des conditions souvent difficiles, parfois même éprouvantes.
Depuis maintenant plus de deux années, les policiers et les gendarmes de France sont en effet présents sur tous les fronts à la fois, notamment celui de l’antiterrorisme, tout en continuant de lutter avec la même détermination contre la délinquance du quotidien, la criminalité organisée et les différents types de trafics qui empoisonnent la vie de certains quartiers.
Chaque jour, ils sont en toute première ligne pour garantir la paix publique, entretenir le lien de proximité avec les Français, les accueillir dans les commissariats et dans les brigades, écouter leurs angoisses et leurs craintes, réaliser des interventions de toute nature au cours de la même journée. Face à des phénomènes d’insécurité parfois enracinés de longue date dans certains territoires, ils font preuve d’un professionnalisme de chaque instant en dépit des accès de lassitude qu’il est bien légitime d’éprouver lorsque l’on est confronté au caractère endémique de certaines formes de délinquance.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité du quotidien est la condition même de l’exercice de nos libertés fondamentales partout en France. Elle constitue également un enjeu décisif de justice, et c’est largement sur les épaules des policiers et des gendarmes de la sécurité publique, au sens large de l’expression, que repose cette exigence.
Ainsi, ces femmes et ces hommes sont directement au contact des drames et des injustices qui traversent notre société, au contact des pires noirceurs que celle-ci est capable d’engendrer. Par là même, ils se trouvent de plus en plus souvent exposés, sont victimes d’agressions de toute sorte, parfois d’une extrême gravité, au seul motif qu’ils portent l’uniforme et incarnent l’autorité publique, ce qui suffit désormais dans quelques endroits à faire d’eux des cibles.
Bien sûr, chacun sait que le métier qu’ils exercent et la vocation qu’ils ont embrassée sont par définition dangereux. Quiconque s’engage dans les forces de sécurité s’expose au risque d’être blessé ou même tué au nom de la protection des Français. Toutefois, il nous faut bien admettre aujourd’hui qu’un nouveau palier a été franchi dans la violence à laquelle policiers et gendarmes sont confrontés.
Je pense bien entendu à l’attaque de Viry-Châtillon, le 8 octobre dernier, commise par des délinquants en bande organisée dans l’intention de tuer quatre policiers en mission. Sous la conduite de l’autorité judiciaire, les services de police judiciaire ont rapidement progressé. Au terme d’investigations minutieuses, leur travail a entraîné ces derniers jours la mise en examen et l’incarcération de plusieurs individus soupçonnés d’avoir participé à cette tentative d’assassinat. Je veux le dire ici très clairement : aucun fait de cette nature ne doit rester impuni !
Je pense également à l’assassinat du commissaire Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider à leur domicile de Magnanville, le 13 juin 2016, par un terroriste qui se réclamait de Daech.
Je pense enfin au major de gendarmerie Christian Rusig, tué en mission en novembre dernier près de Tarascon-sur-Ariège, alors qu’il s’apprêtait à contrôler un véhicule suspect. Refusant d’obtempérer, le conducteur l’avait violemment percuté de façon délibérée dans l’intention évidente de le tuer.
L’année dernière, vingt-six policiers et gendarmes ont perdu la vie en service, tandis que plus de 16 000 d’entre eux ont été blessés. Je précise qu’un très grand nombre d’entre eux ont été victimes d’agressions qui les prenaient explicitement pour cible, certains assaillants n’hésitant pas à utiliser des armes à feu.
C’est bien parce que le Gouvernement doit tenir compte de ce contexte général et de la montée en puissance des enjeux liés à la sécurité que sa politique en la matière a consisté depuis 2012 à renforcer les moyens humains, matériels et juridiques qui sont accordés aux forces de l’ordre et qui leur permettent d’accomplir leurs missions avec efficacité. C’est ce à quoi se sont employés mes prédécesseurs, Manuel Valls, puis Bernard Cazeneuve. C’est également le but que je me suis donné à mon tour depuis le jour où j’ai été nommé à la tête du ministère de l’intérieur.
Je ne reviendrai pas en détail sur la hausse des budgets de fonctionnement de la police et de la gendarmerie nationales entre 2012 et 2017, car vous connaissez aussi bien que moi cette évolution budgétaire.
Le projet de loi relatif à la sécurité publique constitue l’ultime étape parlementaire de ce processus de renforcement de la sécurité des Français, en cohérence totale avec l’ensemble des décisions prises jusqu’à présent.
Bien sûr, nous faisons face à un contexte qu’il ne s’agit pas d’occulter. À l’automne dernier, de nombreux policiers – la plupart d’entre eux étaient gardiens de la paix – ont manifesté leur malaise face au quotidien que je décrivais il y a quelques instants et dans lequel ils affirment ne plus se reconnaître, alors même qu’ils risquent bien souvent leur vie pour accomplir les missions qui sont les leurs. Dans le cadre de la lutte antiterroriste, les policiers et les gendarmes ont été en outre amenés à consentir de nombreux sacrifices. Cela a sans nul doute contribué à amplifier le malaise. Enfin, la tentative d’assassinat de Viry-Châtillon a constitué en quelque sorte l’élément déclencheur du mouvement.
Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité apporter deux réponses principales.
Tout d’abord, des concertations inédites ont été organisées dans les commissariats sur l’initiative des préfets et sous l’égide des directeurs départementaux de la sécurité publique. Depuis maintenant plusieurs mois, une grande concertation a également été conduite dans le même esprit au sein de la gendarmerie pour recueillir les doléances et les propositions des personnels, afin d’améliorer leurs conditions de travail, notamment les conditions d’exercice de leurs missions de sécurité publique. Je recevrai d’ici à la fin de la semaine les conclusions de cette double concertation et serai évidemment à la disposition du Parlement, singulièrement de la Haute Assemblée, dans le courant du mois de février pour détailler les propositions que nous entendons formuler après avoir tiré les principaux enseignements issus de ces concertations.
Ensuite, nous avons mis en œuvre un grand plan de 250 millions d’euros pour la sécurité publique, annoncé dès le 26 octobre dernier. Ce plan a lui-même été décidé dans le cadre d’un dialogue constant avec les organisations syndicales et en tenant compte des premiers résultats provenant des concertations.
Je ne reviens pas dans le détail sur ce plan. Vous le savez, il repose sur deux volets : d’une part, un volet matériel et, d’autre part, un volet législatif, celui-là même qui est soumis à votre examen aujourd’hui. Ce dernier volet correspond en tout point aux engagements que le Gouvernement a pris à l’égard des policiers et gendarmes de France et, donc, à l’égard des Français.
Avec ce texte, nous entendons répondre à deux exigences.
Il s’agit, première exigence, de proposer un texte cohérent sur les enjeux qui s’attachent à la sécurité publique, c’est-à-dire un texte qui réponde à une situation précise et dont l’objectif consiste à ajouter les dernières mesures qui faisaient jusqu’alors défaut à notre dispositif global, tout en procédant à quelques ajustements nécessaires. Ce n’est donc pas, j’y insiste, un texte fourre-tout qui collecterait in extremis toute une série de mesures hétéroclites.
Il s’agit, seconde exigence, d’aboutir à un consensus, car, chacun en conviendra, la protection et la reconnaissance du travail des forces de l’ordre constituent des enjeux d’intérêt général. Je sais que c’est là une préoccupation qui vous tient également à cœur. Je souhaite que ce texte puisse marquer notre volonté commune de répondre à un enjeu d’importance vitale, quelle que soit la manière dont le débat se déroulera dans les prochains mois.
Ce projet de loi est équilibré : il tient compte à la fois des impératifs opérationnels auxquels sont confrontées les forces de l’ordre et des exigences en matière de respect des libertés publiques et de l’État de droit. C’est la raison pour laquelle il a reçu l’approbation du Conseil d’État comme celle des instances représentatives des personnels de la police et de la gendarmerie.
Trois mesures législatives résultent du plan pour la sécurité publique. Avant de les évoquer, je veux rappeler que les réflexions conduites dans le cadre de ce plan se poursuivent, notamment celle qui porte sur le traitement des procédures d’usage des armes ou encore celle qui a trait à l’échange d’informations entre magistrats, policiers et gendarmes dans le souci permanent de maintenir la solidité des liens qui les unissent, tout en préservant le rôle de chacun.
Une première mesure consiste à proposer un cadre commun d’usage des armes pour l’ensemble des forces de sécurité, afin d’unifier les règles applicables et de les adapter aux situations auxquelles les effectifs sont confrontés. Il s’appliquera aux policiers et aux gendarmes, ainsi qu’aux douaniers et aux militaires déployés dans le cadre de réquisitions – je pense bien sûr à l’opération Sentinelle. Je précise évidemment que le cadre général de la légitime défense est maintenu. Les membres des forces de l’ordre l’ont d’ailleurs tout à fait intériorisé. Je veux ici leur rendre hommage pour le courage et le sang-froid dont ils font preuve dans l’accomplissement de leurs missions.
Dès lors, notre objectif est de clarifier, de stabiliser et de moderniser les conditions d’usage des armes dans un contexte où, comme je l’ai dit, les effectifs font face à une violence de plus en plus importante. Nous le faisons dans le but de mieux protéger les forces de l’ordre, et ce dans un cadre juridique scrupuleusement conforme à l’État de droit. À cet égard, le projet de loi, directement inspiré des travaux de grande qualité menés par la commission présidée par Hélène Cazaux-Charles, présente toutes les garanties nécessaires en tenant compte des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, notamment celles qui concernent le respect des conditions d’absolue nécessité et de proportionnalité.
Les dispositions figurant dans le présent projet de loi viennent ainsi compléter celles que nous avions déjà prises dans le cadre de la loi du 3 juin 2016, mesures autorisant les policiers, les gendarmes et les militaires déployés à faire usage de leur arme en cas d’« absolue nécessité », dès lors qu’ils sont confrontés à un « périple meurtrier », et ce afin de prévenir tout risque de réplique lors d’une tuerie de masse. Par cohérence, un transfert de ces dispositions dans le code de la sécurité intérieure est prévu dans le texte qui vous est présenté aujourd’hui.
Avec ce texte, dont la qualité a été soulignée par le Conseil d’État, nous avons souhaité parvenir à un point d’équilibre. Les débats en commission, nourris des auditions réalisées, ont suscité des interrogations sur certains points. Je souhaite que nous y répondions ensemble en gardant toujours à l’esprit la nécessité d’un équilibre.
Toujours au sujet de l’article 1er, je veux dès à présent dire quelques mots concernant les polices municipales, même si nous aurons bien sûr l’occasion d’y revenir au cours de la discussion.
Nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sont ou bien ont été maires. Je comprends donc votre intérêt particulier pour une question qui nous a d’ailleurs conduits à faire évoluer de manière significative les derniers textes examinés dans nos assemblées. Il y a quelques instants, j’évoquais les policiers et les gendarmes tués dans l’exercice de leurs missions. Je n’oublie pas non plus les policiers municipaux qui ont perdu la vie dans des circonstances dramatiques similaires. Nous avons tous à l’esprit le sort de Clarissa Jean-Philippe, membre de la police municipale de Montrouge, et celui d’Aurélie Fouquet, jeune policière municipale de Villiers-sur-Marne.
C’est parce que les policiers municipaux sont eux aussi confrontés au danger en raison de l’uniforme qu’ils portent que le Gouvernement a considérablement développé, au cours de ces cinq dernières années, les moyens matériels et juridiques dont ils disposent.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. Bruno Le Roux, ministre. En effet, notre volonté a toujours été d’accompagner les maires dans la modernisation de leur police municipale, le financement de leurs équipements, tout en soutenant la rénovation de leur cadre d’emploi. Sur le plan juridique, trois lois et sept décrets ont ainsi contribué à renforcer les polices municipales. Je veux brièvement rappeler deux textes essentiels.
Le décret du 28 novembre 2016 élargit la gamme des armes de catégorie B auxquelles les agents concernés peuvent recourir et autorise le port de l’arme de poing à la ceinture pour les trajets compris entre le poste de police municipale et le centre d’entraînement au tir, sous réserve que les agents portent leur uniforme et se déplacent en véhicule sérigraphié.
Le décret publié le 23 décembre 2016 permet aux policiers municipaux, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, d’utiliser des caméras individuelles pour enregistrer leurs interventions. L’objectif est ainsi de prévenir les incidents et d’apaiser les tensions pouvant survenir à la suite de ces interventions.
Il faut continuer à réfléchir ensemble à ce que nous pouvons apporter aux policiers municipaux, en raison des risques qu’ils prennent dans l’accomplissement de leurs missions. Je me suis moi-même rendu à Nancy, vendredi dernier, pour signer une trentaine de conventions de coordination entre les forces de sécurité intérieure et les polices municipales de Meurthe-et-Moselle, dans le cadre d’une véritable coproduction de sécurité.
Cette reconnaissance du travail des polices municipales, leur professionnalisation et le rôle essentiel qu’elles jouent ne doivent pas non plus conduire à une confusion des missions. Le travail que nous avons réalisé ensemble nous permet là encore de clarifier cette question. Lorsque l’association Villes de France indique que la police municipale doit continuer à agir en complémentarité, et non en substitution des forces de police de l’État, je partage évidemment ce point de vue. Je pense d’ailleurs qu’il est très largement partagé sur ces travées.
Je resterai donc très vigilant à ce que cette reconnaissance ne crée aucune confusion, dès lors que les missions confiées aux uns et aux autres demeurent aujourd’hui fort différentes. À cela s’ajoute au sein des polices municipales une forme d’hétérogénéité des structures, des missions, des équipements et des doctrines, dont nous devons aussi tenir compte. Le Gouvernement sera toutefois ouvert à des dispositions susceptibles de consolider l’action des polices municipales, dès lors que celles-ci, je le répète, ne créent pas davantage de confusion.
La deuxième évolution majeure que nous proposons vise à protéger l’identité des policiers et des gendarmes, dès lors que sa révélation constitue un danger pour eux-mêmes ou pour leur famille. Tel est l’objectif du numéro d’immatriculation administrative auquel les policiers et les gendarmes seront autorisés à recourir en lieu et place de leur état civil pour s’identifier dans les procédures pénales et sous certaines conditions.
C’est un dispositif qui, je le rappelle, existe déjà en matière de lutte antiterroriste. Dans les cas exceptionnels où la connaissance de l’état civil de l’enquêteur serait indispensable à l’exercice des droits de la défense, le juge pourra, bien entendu, ordonner la révélation de ces informations. Des dispositifs similaires existent chez certains de nos voisins européens, et la Cour européenne des droits de l’homme admet que ce type de dispositif puisse être utilisé, sous réserve que les droits de la défense soient respectés, ce à quoi nous avons veillé.
De même, afin d’assurer la protection de l’identité des auteurs de décisions administratives en lien avec le terrorisme, l’administration sera autorisée à ne notifier à la personne concernée qu’une ampliation anonyme de l’acte, tout en aménageant les règles du contradictoire en matière contentieuse.
Enfin, la troisième évolution que nous souhaitons vise à doubler les peines encourues en cas d’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique, en les alignant sur celles qui sont prévues en cas d’outrage à magistrat.
S’en prendre à un policier national ou municipal, ou à un gendarme, c’est tout simplement s’en prendre à la République. Comme les magistrats, les policiers et les gendarmes jouent un rôle absolument indispensable au bon fonctionnement de notre société et de notre État de droit.
Au cours de vos discussions, vous avez identifié d’autres évolutions législatives susceptibles de contribuer au renforcement de l’autorité des dépositaires de l’autorité publique. Le Gouvernement les examinera évidemment avec beaucoup d’intérêt et d’attention.
Le texte comporte en outre des dispositions ajustant des mesures d’ores et déjà en vigueur. Avec l’article 4, nous entendons ainsi compléter les dispositions de la loi Savary du 22 mars 2016 pour tirer les conséquences des enquêtes administratives touchant des salariés occupant des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes au sein d’entreprises de transport. Nous l’évoquerons certainement au cours de nos débats, mais je tiens dès à présent à rappeler que les dispositions que nous souhaitons introduire dans le texte servent à consolider le dispositif déjà existant.
Par ailleurs, nous souhaitons améliorer l’articulation entre les procédures judiciaires et les mesures de contrôle administratif, lesquelles permettent de contrôler les personnes ayant rejoint ou cherché à rejoindre un théâtre d’opérations terroristes à l’étranger dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français.
Enfin, nous prévoyons d’ouvrir de manière strictement encadrée la possibilité d’un armement des agents de sécurité privée exerçant des activités de protection des personnes, lorsque celles-ci sont exposées à des risques exceptionnels d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité physique.
Le projet de loi contient également deux articles qui relèvent plus particulièrement du ministère de la justice, ainsi qu’un article concernant le ministère de la défense. Je laisserai bien sûr le soin au garde des sceaux de présenter les articles 8 et 9 en indiquant simplement que, comme pour le reste du texte, le Gouvernement a souhaité intégrer ces articles dans un souci d’efficacité et de complémentarité, afin d’aider les acteurs qui contribuent à la sécurité publique.
S’agissant de l’article 10, enfin, qui relève du ministère de la défense, il concerne le service militaire volontaire et vise à créer un statut spécifique combinant celui de militaire et celui de stagiaire de la formation professionnelle.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures figurant dans ce projet de loi. Je veux à nouveau souligner leur importance pour les forces de l’ordre. Être policier national ou municipal, être gendarme, ce n’est pas exercer un métier comme les autres. C’est accepter d’être confronté à la violence dans ses manifestations parfois les plus extrêmes. C’est accepter d’exposer son intégrité physique, et parfois même sa vie, au nom de l’intérêt général. C’est précisément parce que les policiers et les gendarmes acceptent d’encourir de tels risques que nous nous devons de leur offrir la garantie d’une protection vigilante et juridiquement incontestable. C’est là tout simplement renforcer la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Mercier et Mme Catherine Troendlé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui donne de l’utilité, de la légitimité et du sens au contrat social, c’est avant tout la protection qu’il apporte à ceux qui s’y engagent. La sécurité publique n’est donc pas une question ordinaire ; c’est une question démocratique essentielle. Le projet de loi que le ministre de l’intérieur vient de vous présenter constitue par conséquent pour nous tous une opportunité de proposer de nouvelles réponses aux sujets d’actualité brûlants et d’anticiper ceux que nous connaîtrons demain.
Le ministère de la justice est chargé de deux questions importantes dans le cadre de ce texte.
La première concerne la prise en charge des mineurs dans le cadre de l’assistance éducative, mineurs dont la situation particulièrement complexe impose que les services de l’État viennent soutenir l’action des départements. Je pense, par exemple, aux enfants confrontés à la radicalisation violente, qu’ils reviennent d’une zone de conflit ou pas.
Dans ce contexte qui nous pousse à l’inquiétude, il me semble primordial de ne pas oublier que l’avenir de notre société réside dans ses enfants – je vous prie de bien vouloir m’excuser pour cette tautologie – et que les malheurs de ces derniers sont et seront nos malheurs.
Nous avons une responsabilité collective à leur égard. C’est pourquoi le dispositif de protection de l’enfance doit être le plus opérationnel possible et adapté aux problématiques nouvelles qui s’imposent à nous. À cette fin, nous nous sommes évidemment rapprochés des départements, car ce sont eux qui ont au premier chef la lourde tâche de veiller à la protection de l’enfance. Je tiens d’ailleurs à remercier ici l’Assemblée des départements de France pour sa disponibilité et sa compréhension. Lors de ces échanges, de vives inquiétudes ont été exprimées à l’égard de la prise en charge éducative et médicale de ces enfants.
Dès lors, il était légitime de s’interroger sur la place de l’État. Si la protection de l’enfance relève en effet des conseils départementaux, je garde en tête la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989. Son article 19 dispose en effet que l’État est responsable et doit garantir « des procédures efficaces pour l’établissement de programmes sociaux visant à fournir l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié ».
Aussi, il me semble logique que l’État assume sa responsabilité et prenne toute sa place dans la conception et la diffusion d’outils adaptés à ce nouveau défi dans le cadre d’une politique publique coordonnée au niveau national.
Loin de concurrencer la compétence des conseils départementaux, l’État doit avoir pour objectif de se doter des moyens de leur apporter un soutien, de les accompagner dans la prise en charge de ces situations éminemment complexes et de coordonner les approches.
Depuis de nombreux mois, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse – la PJJ – réfléchit au sein de mon ministère à la difficulté que pourrait représenter pour les services éducatifs la prise en charge, potentiellement en grand nombre, de ces enfants. Elle accumule des connaissances, forme ses personnels et développe une expérience auprès d’adolescents mis en examen pour des faits de nature terroriste.
Je veux saluer cette capacité d’anticipation, qui n’est pas si courante au sein de l’administration. J’y vois le signe du profond engagement de la PJJ sur les questions de l’enfance. En effet, l’objectif est bien de protéger ces enfants et de transmettre les savoir-faire acquis aux services des conseils départementaux chargés de la protection de l’enfance.
Voilà pourquoi j’ai proposé une expérimentation d’une durée de trois ans dans ce texte. Je suis conscient qu’une telle démarche n’est pas courante, mais la matière, complexe, et l’urgence, évidente, paraissent l’imposer.
Demain donc, le procureur de la République et le juge des enfants qui l’estimeraient nécessaire pourraient confier aux services de la PJJ une mesure éducative de milieu ouvert, y compris lorsque l’enfant est confié à l’Aide sociale à l’enfance dans le cadre d’un placement. Un service pluridisciplinaire interviendrait alors auprès de l’enfant et de sa famille, sous la forme d’entretiens, pour qu’ils puissent exprimer leurs difficultés et être aidés à trouver des solutions. Or un tel cumul de mesures n’est aujourd’hui pas autorisé par l’article 375-4 du code civil.
Notre intention est de faciliter le soutien de l’État aux départements face à la complexité de certaines situations, parfois anxiogènes, comme le retour de zones de conflit. Nous voulons développer une politique publique en direction des familles radicalisées violentes qui sont, ou qui ne sont pas d’ailleurs, de retour d’une zone de guerre.
Notre ambition est de mutualiser les compétences acquises dans le champ pénal et dans celui de l’investigation. En effet, les prises en charge dispensées par les conseils départementaux sont variées, mais leur expérience solide en matière d’enfance en est encore à ses prémices s’agissant de radicalisation violente. À ce jour, seuls vingt et un enfants de retour de la zone irako-syrienne sont suivis en assistance éducative sur l’ensemble du territoire national.
Il faut amplifier les premières initiatives qui ont été prises, afin de prendre en compte les traumatismes subis par ces jeunes, notamment le vécu de situations de guerre, qu’il s’agisse de bombardements, de privations, de blessures ou de la participation à des actes violents, ou le vécu de situations de repli. Il faut également tenir compte de l’incarcération des parents de retour en France et le placement des enfants, ce qui impliquera une séparation qui ne peut être que brutale.
Il faudra aussi prendre en considération le risque accru de prosélytisme à l’école, en activité de jour, en placement ou, au contraire, le risque de repli et de conformisme ne donnant aucune prise à l’action éducative.
Enfin, nous devrons tenir compte, dans la mesure du possible, de la nécessité de ne pas séparer les fratries. Il ne s’agit pas d’autoriser l’intervention de la PJJ dans toutes les procédures, mais bien de cibler celles qui font l’objet d’une politique particulière de l’État. C’est la raison pour laquelle je tiens à ce que le procureur de la République, qui met en place et anime ces politiques, demeure la voie d’entrée dans l’expérimentation par le biais de ses réquisitions.
L’État, quant à lui, doit structurer une offre d’accompagnement des collectivités locales en matière d’assistance éducative. Ainsi, au-delà de la généralisation de l’évaluation, les mesures éducatives en milieu ouvert devront être étendues pour permettre à l’État d’agir. Cela se fera par le biais d’une mesure judiciaire d’investigation éducative spécifique, dont l’objectif sera d’évaluer la problématique familiale, le danger encouru et, enfin, de proposer des mesures. À cette fin, l’expérimentation de double mesure s’inscrira dans un dispositif plus global qu’il faudra encore affiner, au fur et à mesure des échanges et des retours d’expérience de l’ensemble des partenaires concernés.
Dans le cadre de ce projet de loi, le ministère de la justice défend une seconde disposition relative à la sécurité pénitentiaire.
La mesure que nous vous proposons constitue une étape décisive dans l’amélioration de la sécurité pénitentiaire. La sécurité des établissements et de leurs personnels implique des actions à l’intérieur des enceintes et dans les domaines pénitentiaires, mais aussi lors des déplacements opérés dans le cadre des extractions médicales, administratives ou judiciaires.
Le 25 octobre dernier, j’annonçais la création d’équipes de sécurité pénitentiaire dans le cadre d’un plan ambitieux de lutte contre la radicalisation violente à l’intérieur des établissements pénitentiaires. La création de ces équipes ne modifiera pas l’unité du corps des personnels de surveillance, dans la mesure où la polyvalence qu’induit la variété des tâches qui incombent à cette unité constitue une véritable richesse.
Un décret publié le 17 janvier dernier crée la sous-direction de la sécurité pénitentiaire et, par là même, les équipes de sécurité pénitentiaire. Cette sous-direction de la sécurité comprendra notamment un bureau de gestion de la détention et des missions extérieures, qui aura la responsabilité de définir, de coordonner et d’évaluer les normes et les procédures relatives à l’activité de ces équipes de sécurité pénitentiaire.
La disposition qui figure dans ce projet de loi permettra de doter ces équipes de pouvoirs de contrôle. Cette transformation s’accompagnera de l’armement des agents réalisant des missions extérieures. Cet armement sera adapté aux conditions dans lesquelles se dérouleront les missions. En outre, un programme de formation spécifique des agents est en préparation.
Votre commission des lois a souhaité compléter ce dispositif en adaptant à ces missions le nouveau cadre d’usage des armes proposé par le Gouvernement pour les autres forces de sécurité intérieure. Je ne suis pas opposé à cette préoccupation légitime. Il nous faudra simplement être certains que tous les cas de figure sont bien pris en compte dans la rédaction du texte qui sera retenue.
En fonction des effectifs et de la charge des missions effectuées, les équipes de sécurité pénitentiaires participeront à la sécurité périmétrique des établissements dans les limites du domaine pénitentiaire. En exprimant ce souhait, j’ai là une divergence avec le rapporteur. En effet, je ne souhaite pas étendre leur champ d’intervention en dehors du domaine pénitentiaire, sur la voie publique ; nous aurons donc un débat sur ce point.
Au-delà de cette divergence, nous nous retrouvons pour offrir de nouvelles prérogatives à ces équipes. Je pense, par exemple, à une déclinaison adaptée du modèle des équipes de sécurité de la SNCF et de la RATP, défini dans la loi du 22 mars 2016.
Évidemment, la création des équipes de sécurité pénitentiaires entraînera une structuration plus opérationnelle des missions extérieures, notamment dans sa dimension de prise en charge des questions de sécurité. Elle constitue le préalable nécessaire à la montée en puissance de ce pan d’activité de l’administration pénitentiaire.
Par ailleurs, un plan pluriannuel de recrutements sera défini, afin d’assurer un déploiement progressif de ces équipes sur l’ensemble du territoire.
Cela témoigne de la détermination du Gouvernement à conduire ce changement utile pour l’administration pénitentiaire, donc pour les personnels, les personnes détenues, mais aussi pour notre pays.
Enfin, j’entends également soumettre à votre assemblée un amendement de précision concernant le renseignement pénitentiaire. En effet, le travail réglementaire accompli depuis la loi du 3 juin 2016 pour permettre au renseignement pénitentiaire d’accéder à des techniques de recueil de renseignements a révélé que nous devions apporter plus de précisions dans les processus prévus par la loi, et que nous pensions renvoyer au pouvoir réglementaire. Pour satisfaire cette nécessité, j’ai souhaité déposer un amendement relatif à l’article 727–1 du code de procédure pénale.
Le nouveau dispositif vise à assurer l’articulation et la répartition des techniques entre le code de procédure pénale et le code de la sécurité intérieure. Très concrètement, trois techniques sont maintenues dans le code de procédure pénale au titre de la prévention des évasions et du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements. Deux d’entre elles s’appliquent d’ailleurs à des dispositifs autorisés en détention : le dispositif de téléphonie publique SAGI et l’accès aux données stockées sur les ordinateurs autorisés en détention.
La troisième technique porte sur les systèmes d’information et les terminaux électroniques de communication détenus de façon illicite – je pense évidemment aux téléphones portables. Il nous faut éradiquer ce fléau, illustré par la découverte quotidienne de téléphones en détention. Il est prévu l’information du procureur de la République et un constant dialogue avec lui, afin d’envisager une judiciarisation.
Par ailleurs, l’administration pénitentiaire doit être en mesure de mettre en œuvre les techniques de renseignement prévues dans différents articles, que je ne citerai pas en détail compte tenu de leur complexité.
Seules sont concernées ici les personnes détenues, pour des finalités de prévention des évasions, de maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements. J’insiste sur ce point, car j’ai trop souvent lu que les entourages ou les personnels seraient, eux aussi, concernés. Il s’agit en fait du régime relevant du livre VIII du code de la sécurité intérieure.
Pour permettre la mise en œuvre de ces techniques par l’administration pénitentiaire, je vous propose de créer un titre V bis de ce livre VIII, qui serait intitulé « Du renseignement de sécurité pénitentiaire ». Naturellement, le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, au titre d’une nouvelle finalité « prévention des évasions et sécurité et bon ordre des établissements », est prévu.
Tout cela participera à la structuration et à l’avènement du renseignement pénitentiaire, dont, tout le monde en conviendra, nous avons tant besoin.
Tels sont les deux sujets sur lesquels le ministre de la justice souhaitait avancer des propositions, dans un texte extrêmement bien défendu par le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Mercier et Mme Catherine Troendlé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie du projet de loi relatif à la sécurité publique, déposé sur le bureau du Sénat le jour même de son adoption par le conseil des ministres, le 21 décembre 2016.
Ce texte est l’une des réponses apportées par le Gouvernement à la mobilisation des policiers ayant fait suite à l’agression de Viry-Châtillon le 8 octobre dernier. Les faits ont été rappelés : deux équipes de police avaient été sauvagement agressées par des individus armés de cocktails Molotov, au cours d’une attaque planifiée, ayant grièvement blessé deux policiers.
Cet acte, odieux et lâche, n’était, hélas, pas un fait isolé. Au cours des dernières années, les agressions contre les forces de l’ordre se sont multipliées, avec une violence accrue. La plus traumatisante, qui a été également évoquée, a été le meurtre d’un couple de policiers à leur domicile de Magnanville, le 13 juin 2016.
Parallèlement, jamais les forces de l’ordre n’ont été autant sollicitées et exposées à la menace terroriste.
Les policiers ont exprimé un malaise profond, le sentiment de ne pas être suffisamment soutenus tant sur le plan des conditions matérielles que sur celui des conditions juridiques de leur action.
Notre commission a délégué l’examen au fond de l’article 10, relatif à la création d’un dispositif de volontariat militaire d’insertion, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Elle a chargé notre excellent collègue Philippe Paul d’établir le rapport.
Le chapitre Ier tend à créer un régime d’utilisation des armes commun aux forces de l’ordre relevant du ministère de l’intérieur. Il ne s’agit pas de satisfaire une revendication conjoncturelle des policiers, sous le coup de l’émotion suscitée par ces ignobles agressions ; il s’agit bien de déterminer un cadre stable, durable, cohérent, au sein duquel les agents des forces de l’ordre pourront agir, se défendre et défendre la vie des citoyens qu’ils ont le devoir de protéger.
Les gendarmes disposent d’un cadre large, déterminé par un décret ancien – il date de 1903 – qui reprend même des règles du XIXe siècle. Ce texte permet de faire feu, après deux sommations, y compris sur des personnes qui ne sont pas nécessairement dangereuses. Il est obsolète et, fort heureusement, n’est plus appliqué depuis longtemps. Ainsi, les gendarmes respectent, en toutes circonstances, les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité posés par la convention européenne des droits de l’homme et par la jurisprudence.
Les policiers, eux, sont soumis au seul droit commun de la légitime défense, comme tous les citoyens. Pourtant, ils n’ont pas que le droit de se protéger ; ils ont le devoir de protéger tous les citoyens. Le droit n’est pas adapté à leur mission, même s’ils peuvent se prévaloir, dans certaines situations, de l’état de nécessité et, pour le maintien de l’ordre, de l’autorisation de la loi.
Les gendarmes sont formés à utiliser leur arme avec le plus grand discernement. Les policiers sont davantage formés à ne pas les utiliser. Nous avons vu ce jeune adjoint de sécurité affronter à main nue une foule et essuyer des coups de barre de fer sans sortir son arme. D’autres policiers ont pris le risque de mourir carbonisés dans leur véhicule, plutôt que d’utiliser leur arme, tant ils craignaient de voir leur vie basculer en cas de mise en cause.
De nombreux policiers nous ont confié leur peur d’utiliser leur arme pour se défendre ou pour protéger les citoyens. Cette inhibition paralyse nos forces de l’ordre et les démoralise. Nous devons donc les désinhiber, en nous gardant bien de tout effet de balancier.
Nous avons la grande responsabilité d’écrire le texte le plus équilibré et le plus précis possible, anticipant autant que faire se peut sa lecture par les agents et la jurisprudence.
Messieurs les ministres, il faudra à partir de ce texte dégager une doctrine partagée entre le ministère de l’intérieur et la Chancellerie, l’expliquer aux gendarmes et aux policiers, et la décliner sur tout le territoire, en lien avec les parquets. La formation devra être théorique et pratique, répondant à l’avance aux cas concrets les plus probables, et elle devra se doubler d’un entraînement renforcé.
Ce nouveau régime d’utilisation des armes s’inspire de celui des gendarmes. Il le rénove à la lumière des principes conventionnels et jurisprudentiels précédemment cités : l’absolue nécessité et la stricte proportionnalité. Il s’appliquera aux policiers et gendarmes, y compris aux adjoints de sécurité, aux gendarmes adjoints volontaires et aux réservistes, dès lors qu’ils agiront dans l’exercice de leurs fonctions, revêtus des insignes apparents de leur qualité. Je le rappelle à la lumière des nouvelles règles qui autorisent désormais les agents des forces de l’ordre à porter leur arme en dehors du service.
En dehors des heures de service, un agent peut faire usage de son arme, par exemple en cas d’agression soudaine. Il se retrouve, de facto, basculé dans le cadre de ses fonctions et bénéficie alors du nouveau régime juridique. Ce point doit être clair.
L’article 1er tend à prévoir cinq cas d’usage des armes.
Dans le premier cas, les atteintes à la vie et menaces par des individus armés, il s’inspire des dispositions de droit commun relatives à la légitime défense, en en élargissant le cadre. Il s’applique donc, soit lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre un membre des forces de l’ordre ou contre autrui, soit lorsque des personnes armées menacent sa vie, son intégrité physique ou celles d’un tiers. Même si la jurisprudence reconnaît la légitime défense putative, notre rédaction doit mettre les policiers et gendarmes à l’abri de toute incertitude jurisprudentielle à cet égard.
Dans le deuxième cas, on autorise les membres des forces de l’ordre à faire usage de leur arme, après deux sommations, quand « ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ». Cela ne s’applique qu’à des sites ou des personnes hautement sensibles.
Les troisième et quatrième cas, également après sommation, permettent l’arrêt d’un fugitif ou d’un véhicule, mais il ne s’agit pas de n’importe quel fugitif… Il doit être tenu compte de sa dangerosité et du risque que sa fuite fait prendre pour la vie d’autrui. Toutefois, la formulation proposée par le Gouvernement nous pose problème. Il faudrait que l’agent ayant fait feu puisse apporter devant le juge la preuve que le fugitif allait perpétrer une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. Or cette preuve est impossible à apporter.
Devant un véhicule dont les occupants exhiberaient des Kalachnikov et ne s’arrêteraient pas, ou redémarreraient après deux sommations, aujourd’hui, les gendarmes tireraient, mais pas les policiers. Tel que le texte a été initialement rédigé, les gendarmes laisseraient désormais partir le véhicule et les terroristes potentiels, aux dires mêmes du DGGN, le directeur général de la gendarmerie nationale, confirmés par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ! Ce n’était pas les intentions du Gouvernement, et ce ne sont pas non plus celles de la commission de lois.
Nous proposons donc une nouvelle rédaction, inscrite dans le droit fil des propositions de Mme Cazaux-Charles et reprenant une rédaction s’inspirant des dispositions que nous avons adoptées pour le périple meurtrier. L’agent pourra utiliser son arme s’il a des raisons réelles et objectives d’estimer que la perpétration par le fugitif d’atteintes à sa vie, à son intégrité physique ou à celles d’autrui est probable.
Le cinquième cas, enfin, traite d’un usage visant à mettre fin à un périple meurtrier.
Quelles forces de l’ordre seraient concernées par ces dispositions ?
Le Gouvernement a judicieusement étendu le régime aux douaniers, régis par un article du code des douanes, et aux militaires déployés dans le cadre de missions de sécurité intérieure.
Nous avons également jugé nécessaire de l’étendre aux agents de surveillance de l’administration pénitentiaire, même s’ils disposent déjà d’un cadre juridique spécifique. Celui-ci doit être complété, tant pour y inscrire les principes de la CEDH que pour tenir compte des nouvelles missions de certains de ces agents : sécurité des établissements, extractions judiciaires ou transfèrements.
Enfin, nous avons souhaité inclure les policiers municipaux dans le dispositif. Leur vie est de plus en plus exposée, tandis que leur formation s’est considérablement accrue et que leur entraînement, lorsqu’ils sont armés, n’a rien à envier à la police nationale.
Les polices municipales forment la troisième force de l’ordre de la République. Nous avons donc décidé de les englober dans le régime posé par le premier alinéa de l’article 1er et nous aurons une discussion sur le cinquième alinéa de cet article – le premier alinéa est un minimum minimorum ! Cette proposition a fait l’objet d’un large consensus en commission des lois, dépassant le clivage entre droite et gauche.
Nous n’avons pas retenu pour ces agents les possibilités de tir après sommation. Cette proposition n’aurait pas recueilli le même consensus.
Il importe surtout que l’usage des armes par les policiers municipaux relève désormais du code de la sécurité intérieure et de sa jurisprudence.
Je serai plus concis sur les autres dispositions.
À l’article 2, qui permet aux policiers, gendarmes et douaniers de s’identifier par un numéro d’immatriculation administrative, nous proposons de supprimer la condition du quantum de peine. La condition du risque doit être déterminante et suffisante.
À l’article 4, relatif aux enquêtes administratives sur des employés en lien avec la sécurité dans les transports, nous voulons encadrer les délais pour ne pas pénaliser les entreprises du fait de la durée des mesures conservatoires.
L’article 6 tend à autoriser le port d’arme pour les agents de sécurité privée chargés de missions de protection de l’intégrité physique des personnes. Il comble, nous le reconnaissons, un vide juridique pour la protection des personnes, mais pas pour les lieux sensibles. Nous proposons de régler cette question.
Nous avons ajouté un article 6 bis pour permettre l’échange d’informations intéressant la lutte antiterroriste entre les autorités judiciaires et les services spécialisés de renseignement, ce qui est aujourd'hui légalement impossible.
Nous avons également ajouté un article 6 ter reprenant la proposition de notre collègue Michel Mercier sur la composition de la cour d’assises spéciale.
L’article 7 vise à aggraver les peines prévues en cas d’outrage commis contre des personnes dépositaires de l’autorité publique. Nous renforçons aussi la sanction de la rébellion et celle du refus d’obtempérer.
L’article 8 a pour objet de doter les équipes de sécurité pénitentiaire des prérogatives nécessaires aux missions de sécurité. Il nous paraît indispensable d’étendre le périmètre de leur action au-delà de la stricte emprise foncière des établissements, à proximité, notamment pour empêcher les « parloirs par-dessus le mur » ou le jet d’objets illicites.
Un large consensus s’est dégagé au sein de notre commission pour approuver ce texte, ainsi amendé, étant précisé que le Sénat n’a jamais manqué un rendez-vous avec le Gouvernement, dès lors qu’il s’est agi de garantir la sécurité des Français dans le respect des libertés fondamentales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Richard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est plus particulièrement saisie des articles 1er et 10.
J’évoquerai tout d’abord brièvement l’article 1er.
En clarifiant les règles d’usage des armes et en les harmonisant, cet article améliore substantiellement la sécurité juridique pour les forces de l’ordre. Celles-ci seront plus confiantes dans leur capacité à répondre aux agressions sans risquer de se trouver mises en cause.
Par ailleurs, nous nous félicitons de la prise en compte des militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ainsi que de ceux qui protègent les installations militaires.
Les soldats intervenant dans le cadre du plan Vigipirate ou de l’opération Sentinelle forment une cible privilégiée. Ils pourront désormais répliquer dans les mêmes conditions que les gendarmes et les policiers, ce qui constitue une avancée très positive.
Même si ce n’est pas l’objet du débat de ce jour, je signale le souhait de la commission de voir la réflexion poursuivie avec les forces de sécurité intérieure sur la nécessaire complémentarité dans les déploiements respectifs et la remontée potentielle du renseignement de proximité par les militaires.
J’en viens à l’article 10, qui tend à instaurer une nouvelle étape dans l’expérimentation du service militaire volontaire – le SMV –, dénommée volontariat militaire d’insertion, ou VMI. Je rappelle que le SMV constitue une transposition expérimentale du service militaire adapté, le SMA, en métropole. Quatre centres lui sont dédiés, à Montigny-lès-Metz, Brétigny-sur-Orge, La Rochelle et Chalon-sur-Saône.
Selon le rapport d’évaluation transmis par le Gouvernement, le SMV a démontré son efficacité pour permettre à des jeunes « décrocheurs » d’acquérir des diplômes, des formations et de trouver un emploi : le taux de sortie positive avoisine les 70 %.
La formation militaire dispensée par les centres pendant les quatre premiers mois permet une structuration très bénéfique pour les volontaires. Les employeurs et les formateurs qui les accueillent par la suite témoignent de la confiance en soi retrouvée, de l’engagement et du dynamisme de ces jeunes.
Notre commission souligne l’engagement de nos armées en direction des publics les plus en difficulté. Cette expérimentation incarne par excellence le renouveau du lien entre l’armée et la Nation depuis les attentats. La commission s’en félicite, surtout s’agissant des jeunes les plus en difficulté.
Le présent projet de loi vise à améliorer le dispositif en conférant le statut de stagiaire de la formation professionnelle aux volontaires, qui pourront ainsi bénéficier des formations organisées et financées par l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle et recevront la rémunération prévue par le code du travail.
Cette nouvelle étape de l’expérimentation durera jusqu’au 31 décembre 2018. Le SMV ayant été également prolongé jusqu’à cette date par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, le législateur devra se prononcer à la fin de l’année 2018 sur la pérennisation ou non d’un dispositif qui sera nécessairement unique.
À ce propos, il me semble qu’il serait préférable, in fine, de garder la marque « SMV », plutôt que « VMI », car elle constitue un label déjà reconnu et traduit mieux le lien entre l’armée et la Nation, ainsi que la notion d’engagement, ces deux éléments constituant l’essence du dispositif.
La commission des lois a adopté plusieurs amendements de notre commission tendant à clarifier la nature du contrat souscrit par les jeunes, améliorer l’articulation de l’état militaire avec le statut de stagiaire de la formation professionnelle et préciser la nature du rapport d’évaluation qui sera transmis par le Gouvernement.
Par ailleurs, nous resterons vigilants sur deux points. D’une part, le SMV, ou VMI, doit demeurer un dispositif militaire et ne doit pas connaître la même évolution que l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, qui visait le même objectif, mais s’en est ensuite très vite éloigné. D’autre part, compte tenu du coût du dispositif, il faudra s’assurer de son efficacité sur le long terme et de sa bonne articulation avec les autres dispositifs de la formation professionnelle à destination de publics similaires.
Rendez-vous est donc pris pour le bilan, à la fin de l’année 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. La demande à laquelle je vais procéder aurait pu intervenir ultérieurement, mais, en la formulant dès maintenant, peut-être permettra-t-elle de mieux organiser nos travaux.
En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement, en accord avec la commission des lois, demande la réserve, jusqu’après l’examen de l’article 11, des articles 8 et 9, ainsi que de l’amendement n° 40 tendant à insérer un article additionnel après l’article 9.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve formulée par le Gouvernement ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Favorable.
Mme la présidente. La réserve est ordonnée.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en préambule, je souhaite à mon tour rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui travaillent chaque jour à préserver notre sécurité.
Il est toujours facile de discuter des questions liées à l’usage de la force et de la violence légitime dans de confortables fauteuils, quand ceux qui seront soumis à la loi votée par nos soins devront l’appliquer dans des situations de stress, de violence et, surtout, dans des délais extrêmement courts. Les forces de l’ordre sur le terrain n’ont pas, comme nous, ici, le loisir de la discussion. Bien souvent, les membres des forces de l’ordre doivent prendre en une fraction de seconde, dans un environnement souvent détérioré, des décisions qui peuvent être lourdes de conséquences pour eux-mêmes, pour la population et pour le hors-la-loi contre lequel ils agissent.
Par ailleurs, on sent bien que ce projet de loi est présenté, d’abord, pour calmer la colère légitime des forces de l’ordre à la suite de la tentative d’assassinat de policiers à Viry-Châtillon. N’étant finalement qu’une réaction à un fait divers – ce que, je le dis au passage, monsieur le ministre, vous dénonciez sous le précédent quinquennat –, ce texte préparé dans la précipitation ne semble satisfaire personne, à commencer par les policiers eux-mêmes. Ces derniers y voient une occasion ratée ou, pis, l’inscription dans la loi d’une jurisprudence peu favorable à l’instauration d’un climat de sérénité pour les forces de l’ordre.
Mais vous vous en moquez bien, car, en réalité, ce texte vous permet de faire d’une pierre trois coups : montrer que vous légiférez alors que la mandature s’achève, calmer un peu les policiers qui ont spontanément fait part de leur ras-le-bol et faire croire aux citoyens qu’ils seront mieux protégés. Bref, une nouvelle fois – et, espérons-le, une dernière fois –, vous faites de la com’ au lieu de prendre des mesures efficaces pour protéger les Français !
Contrairement au Gouvernement, et à la majorité sénatoriale qui n’a pas voulu reprendre la disposition dans ce texte, nous jugeons nécessaire d’instaurer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre. Cela ne constituerait en rien un permis de tuer, comme d’aucuns voudraient le caricaturer. Il s’agirait simplement que les forces de l’ordre ne soient plus seulement des cibles et qu’elles puissent enfin se battre à armes égales, en utilisant, si besoin, la violence légitime que l’État leur octroie contre les délinquants et terroristes en tous genres.
Il est temps, en fait, que la peur change de côté ! Les policiers ne doivent plus avoir peur de se servir de leur arme si la situation le requiert, ni penser qu’il vaut mieux ne rien faire pour ne pas risquer la prison. Une telle disposition devrait s’accompagner de la mise en place d’une juridiction spécialisée, compétente pour tout usage des armes par les forces de l’ordre.
Ce texte doit également nous offrir l’occasion de réfléchir à la formation et à l’entraînement de nos forces de l’ordre : formation juridique pour que l’ensemble des forces intervenant sur le terrain soit bien au fait de la loi en vigueur et entraînement au maniement des armes. Or de nombreux policiers nous font remonter une information selon laquelle l’entraînement au tir est aujourd'hui réduit à la portion congrue !
Enfin, et ce point n’est pas le moins important, la lecture de l’exposé des motifs fait apparaître la CEDH pour pratiquement tous les articles. C’est le justificatif avancé pour un grand nombre des mesures que vous proposez, monsieur le ministre. Il me semble pourtant, d’une part, que la justice est rendue au nom du peuple français, et non au nom d’une instance supranationale sans légitimité, et que, d’autre part, le vote de la loi est du ressort du Parlement, tirant sa légitimité de la souveraineté du peuple. La CEDH ne décide pas de ce qui est légal ou non ! II est donc urgent de se libérer de ce gouvernement des juges, surtout quand ces juges ne sont même pas français !
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. David Rachline. Nos forces de l’ordre méritent d’être mieux protégées juridiquement pour mieux nous protéger physiquement. Cela passe par une volonté politique et par le retour de notre souveraineté pleine et entière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 8 octobre 2016, une quinzaine de personnes incendiaient deux voitures de police, occupées par quatre agents en mission de surveillance à Viry-Châtillon. Deux policiers avaient été alors très grièvement blessés. Cet événement avait sur le moment déclenché un mouvement de protestation sans précédent des forces de l’ordre, éreintées par des mois d’état d’urgence et de plan Vigipirate relevé au niveau « alerte attentat ».
Le projet de loi relatif à la sécurité publique qui nous réunit aujourd’hui constitue la réponse législative du Gouvernement à la mobilisation des policiers et vise, selon ses auteurs, à assurer la protection des forces de l’ordre et la sécurité juridique de leurs interventions.
Je voudrais en préambule, mes chers collègues, rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui assument, chaque jour, la lourde tâche de nous protéger. Ils exercent leur mission dans des conditions extrêmement difficiles, dues certainement à la menace terroriste qui pèse sur notre pays, mais également au manque criant de moyens.
En fait, il ne s’agit pas ici du budget consacré au fonctionnement des commissariats, ni du nombre de postes dont la police aurait besoin pour travailler plus sereinement. Il est plutôt question – c’est la mesure phare du texte – de définir les conditions dans lesquelles policiers et gendarmes peuvent faire usage de leur arme.
In fine, la question qui se pose à nous est celle de savoir si l’adoption des dispositions qui nous sont proposées est à même, pour reprendre les mots du Gouvernement, d’assurer la protection des forces de l’ordre. Il convient également de s’assurer que les droits des citoyens et citoyennes de ce pays sont suffisamment garantis.
Le sentiment du groupe écologiste face à ce texte est plus que mitigé.
Le projet de loi contient des avancées certaines : l’instauration d’un cadre commun aux différentes forces de sécurité en matière d’usage des armes et l’inscription dans la loi des principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité en sont les exemples. Toutefois, les risques de dérive liés à une mauvaise interprétation de ces dispositions sont nombreux et devraient absolument être revus ou supprimés. En effet, si la vocation de ce projet de loi est de protéger les policiers, certains spécialistes considèrent au contraire qu’en l’état le texte serait source d’une plus grande insécurité juridique.
Permettez-moi ainsi de citer Olivier Cahn, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, qui s’inquiète : « Si cette réforme ne s’accompagne pas d’un message clair, on peut craindre que les policiers n’en déduisent qu’ils auront plus de possibilités d’ouvrir le feu. Alors que ce n’est pas le cas, puisqu’ils devront de toute façon respecter la convention européenne des droits de l’homme, qui dit que la nécessité de recourir à la force doit être absolue. »
À son tour, maître Laurent-Franck Lienard, avocat spécialisé dans la défense des policiers, abonde dans le même sens. « Mes clients avaient parfois déjà du mal à saisir la notion de légitime défense, alors ils ne vont pas saisir les contours de l’absolue nécessité. Si on commence à dire aux policiers qu’ils peuvent tirer sur une voiture en fuite, nous aurons plus de coups de feu, plus de blessés et plus de condamnations de policiers. » Selon lui, cette réforme est « extrêmement dangereuse pour les policiers et les citoyens ».
En conséquence, le groupe écologiste, dont je porte la voix aujourd’hui, a déposé, malgré vos injonctions à ne pas le faire, monsieur le ministre de l’intérieur, quelques amendements dont le sort conditionnera notre vote final sur ce texte.
Si, finalement, la majorité du groupe écologiste vote contre ce projet de loi, ce sera, non par défiance envers les forces de l’ordre de notre pays, mais plutôt parce que nous aurons jugé que le texte ne servira à protéger ni les policiers, ni les gendarmes, ni nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant d’aborder l’examen du texte inscrit à l’ordre du jour, permettez-moi de rappeler que nous vivons depuis deux ans dans une situation à laquelle la France n’était absolument pas préparée. Personne, tant à gauche qu’à droite, n’aurait pu imaginer le scénario catastrophe que nous avons vécu et que nous nous efforçons de surmonter avec dignité, avec lucidité et avec courage.
Depuis deux ans, des fanatiques, guidés par des barbares qui manipulent leur religion, s’attaquent durement et aveuglement à tous ceux qui ne leur ressemblent pas. En janvier 2015, puis en novembre 2015 et, enfin, en juillet 2016, la France a subi des actes d’une violence inimaginable, inacceptable, des actes qui nous ont plongés en état de sidération.
Nous avons eu des discussions théoriques sur les causes de cette nouvelle guerre et sur les libertés publiques. Nous devons d’ailleurs les prolonger et les approfondir pour cerner avec plus de justesse ce qui les a rendues possibles pour tenter, demain, de les éviter.
Force aussi est de constater que notre pays n’est pas le seul à essuyer les foudres de déséquilibrés en mal de reconnaissance. Les Turcs, les Maliens, les Belges, les Allemands et bien d’autres peuples ont été frappés et luttent désormais quotidiennement contre la barbarie.
En un an, les 4 000 perquisitions, les centaines d’arrestations et d’armes saisies ont permis aux forces de sécurité de déjouer dix-sept attentats.
Militaires en patrouille, présence policière accrue, fouilles systématiques aux abords des lieux publics, contrôles aux frontières sont autant de situations imposant plus de moyens pour les forces de l’ordre.
D’aucuns, évidemment, prisonniers de sirènes électoralistes, diront qu’il faut faire bien plus afin d’agir plus fermement ou bien moins, car nous vivrions désormais dans un état policier. La logique du « toujours plus de sécurité » consiste fréquemment à nous faire oublier qu’elle est retenue par ceux qui ont choisi d’imposer des coupes claires dans les effectifs des forces de sécurité.
Aujourd’hui, ces fortes voix nous promettent, sans ciller, de faire des économies en procédant à des ventes à la découpe chez les agents de la fonction publique. Dans le même temps, quelques bonnes âmes n’hésitent pas à élever la voix, brandissant le glorieux étendard des droits de l’homme, pour nous affirmer que la mobilisation contre le terrorisme et pour la sécurité de tous ferait de la République placée en état d’urgence un État policier. Je crains que ces partisans du toujours moins de sécurité ne laissent naïvement place aux ennemis de notre démocratie, qui, eux, n’hésitent jamais à nous faire la guerre avec toujours plus de barbarie.
Pressés, comme à l’accoutumée, les uns et les autres, victimes du toujours plus de critiques, oublient que la politique engagée depuis cinq ans dans le cadre de la sécurité, loin de correspondre aux caricatures dans lesquelles ils se complaisent, n’a pas seulement apporté des réponses concrètes aux demandes des policiers et des gendarmes. Tout en prenant en compte les exigences des personnels présents sur le terrain, elle n’a jamais sacrifié les attentes de la population, qui, en matière de sécurité publique, demande des actes et non pas des postures.
Chacun de nous connaît le coût de cette présence et les difficultés qu’elle peut entraîner. Nous devons rester vigilants à l’équilibre délicat, toujours à réinventer, entre besoin légitime de sécurité et préservation des libertés individuelles.
Permettez-moi, mes chers collègues, une incursion philosophique, mais certains auteurs considèrent que, depuis Thomas Hobbes, les tensions entre la liberté et la sécurité sont au cœur de la philosophie politique. Ils affirment même que la sécurité est une condition de la jouissance des libertés, mais elle est aussi au principe de leur restriction.
Nous avons adopté quatre lois tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme et voté majoritairement, à l’occasion de la discussion de la loi de finances pour 2016, le renforcement de la lutte contre le terrorisme au travers de moyens tant humains que financiers. Peut-être va-t-on m’accuser d’être trop conciliant avec les socialistes, mais il faut savoir reconnaître le travail accompli dans ce domaine par l’ancien ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et je reste convaincu que son successeur, Bruno Le Roux, suivra la route qu’il a tracée.
Pour autant, la fermeté et la détermination ont un coût. Nos forces de l’ordre sont fatiguées et sollicitent la reconnaissance de la Nation.
Les différentes manifestations qui ont fait suite à l’assassinat d’un couple de policiers à leur domicile à Magnanville en juin 2016 et à l’agression de quatre policiers par des jets de cocktails Molotov à Viry-Châtillon le 8 octobre dernier témoignent d’une situation difficile et traduisent le mal-être profond des forces de l’ordre.
Nous examinons donc une loi de cohérence finalisant et parachevant les mesures nécessaires à la lutte contre le terrorisme.
La refonte globale du cadre me convient et me rassure. En effet, elle unifie dans un même article du code de la sécurité intérieure l’usage des armes pour toutes les forces de sécurité en y intégrant les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité tels qu’ils sont mis en exergue par la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme.
Je crois très sincèrement que ce texte permet de garantir la sécurité de nos policiers et de nos gendarmes. Il est l’expression d’un État sûr de ses valeurs, qui ne cède pas aux tentations de la confusion des rôles et des pouvoirs.
Laissons donc les vaines polémiques et faisons face avec lucidité à la dure réalité. Les majorités pourront changer, les menaces resteront malheureusement. Dans ce contexte, plus que jamais, notre cause, c’est l’État et c’est la République. Servons-les avec passion et conviction, parce que c’est ainsi que nous contribuons à assurer la sécurité de chacun. C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour le Parlement, singulièrement pour le Sénat, l’examen de ce projet de loi est d’abord une façon de rendre hommage aux vingt-six policiers et gendarmes qui ont perdu la vie dans des opérations de lutte contre le terrorisme. C’est ensuite une façon de dire à tous les policiers, à tous les gendarmes, à tous les douaniers, à tous les militaires de l’opération Sentinelle que nous savons ce que nous leur devons en termes de tranquillité et de sûreté. Ce sont eux, en ces temps difficiles, qui nous permettent de vivre en commun.
Bien entendu, la question de l’usage des armes face à cette menace terroriste sans précédent devait être revue. Pour autant, dans notre République, il ne saurait être question d’envisager un usage plus laxiste, d’abandonner nos principes de droit : il faut à la fois permettre aux forces de l’ordre de se défendre – c’est évident – et respecter les règles que nous nous sommes fixées, qu’elles soient d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Vous avez su faire la synthèse des rapports de M. Guyomar et de Mme Cazaux-Charles, ce que M. le rapporteur a justement souligné. À cet égard, je le remercie d’avoir insisté sur ce point précis : le régime unique d’usage des armes que crée ce texte permettra aux membres des forces de l’ordre de faire feu dès lors qu’ils penseront que leur vie est immédiatement menacée, mais avec responsabilité, en s’assurant chaque fois du caractère proportionné de leur réponse.
Tout le monde l’a rappelé, le régime d’usage des armes dont bénéficient les militaires de la gendarmerie nationale, qui date du XIXe siècle, encadré par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation et par celle de la Cour européenne des droits de l’homme, est obsolète. Les policiers, quant à eux, sont placés dans la même situation qu’une personne en situation de légitime défense.
Unifier le régime d’usage des armes, c’est aussi participer à l’unification de nos forces de sécurité, qui, si elles doivent conserver leurs spécificités, doivent également bénéficier des mêmes protections légales lorsque la vie de leurs membres est en jeu et lorsque ceux-ci ont à faire face, au cours d’interventions dans des opérations de terrorisme, à des individus pour lesquels la vie n’a pas grande importance.
Cela a été rappelé, la loi du 3 juin 2016, qui a créé la notion de « périple meurtrier », présente l’avantage d’envisager globalement l’usage des armes par les forces de l’ordre. De fait, nous souscrivons pleinement aux propositions du Gouvernement et de la commission, et, monsieur le rapporteur, nous approuvons particulièrement les dispositions que vous avez fait voter s’agissant des polices municipales.
L’article 2 prévoit que tout policier ou gendarme aura la possibilité de s’identifier, dans certains actes de procédure, par un numéro d’immatriculation administrative : cela nous semble une très bonne chose.
J’en viens maintenant à un autre point particulièrement important de ce projet de loi s’agissant des jeunes mineurs attirés par le terrorisme.
Que l’on puisse à la fois prononcer une mesure de placement – c’est-à-dire de protection sociale – dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance et, en même temps, que la protection judiciaire de la jeunesse puisse exercer une mesure d’action éducative en milieu ouvert, c’est un vrai progrès. Je salue tous ceux – Gouvernement, Assemblée des départements de France – qui ont œuvré en ce sens. Auparavant, il fallait choisir l’une ou l’autre de ces mesures ; en définitive, très souvent, on perdait de vue l’enfant. Dorénavant, il pourra être suivi correctement.
En outre, la commission s’est montrée favorable à notre amendement visant à modifier la composition de la cour d’assises spéciale de Paris, objet de l’article 6 ter. Je n’insisterai pas davantage : le président Jean-Michel Hayat l’ayant fait suffisamment, voilà quelques jours, devant M. le garde des sceaux, le Gouvernement soutiendra avec enthousiasme cette disposition pour lui être agréable… (Sourires.)
C’est un bon texte qui nous est soumis, qui ne se limite pas à répondre à une demande : il permet d’armer notre pays correctement face au terrorisme, à la suite de nombreux autres textes.
Monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, le Sénat, comme toujours lorsqu’il s’agit de la sécurité de notre pays, sait faire abstraction des considérations strictement électorales à l’approche des échéances. Nous aurions pu nous dire : « Attendons quatre mois, nous serons peut-être aux responsabilités et c’est mieux si c’est nous qui légiférons. » Eh bien non ! Notre sens des responsabilités, notre façon d’appréhender la lutte contre le terrorisme nous font considérer qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Puisque le Gouvernement nous propose un texte nécessaire, nous le voterons, parce que nos forces de l’ordre en ont besoin, parce que la liberté a besoin de ce texte. Le groupe UDI-UC est heureux de s’associer à ce vote. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à quelques mois de la fin de la législature, nous sommes appelés une nouvelle fois à nous prononcer – dans l’urgence – sur des mesures aux conséquences lourdes pour des pans de notre droit.
Dicté par la grogne policière de l’automne dernier, à la suite de l’agression violente de quatre fonctionnaires à Viry-Châtillon – qu’on ne peut que condamner –, ce texte portant sur des mesures de sécurité intérieure nous est soumis dans un contexte anxiogène d’inflation de lois antiterroristes depuis plusieurs années et de multiplication de dispositifs d’urgence depuis le 13 novembre 2015.
Le Gouvernement nous propose – c’est le cœur du projet – de refondre l’usage des armes des forces de l’ordre, dans la continuité de la loi « antiterroriste » du 3 juin 2016, qui prévoit déjà que les policiers, les militaires de l’opération Sentinelle, les gendarmes et les douaniers peuvent faire usage de leur arme en cas de « périple meurtrier ».
Ainsi note-t-on une fois encore un glissement des lois d’exception vers notre droit commun de plus en plus dicté par le tout-sécuritaire. Espérons que ces mesures ne trouveront pas une application dans la répression de la délinquance « ordinaire » plutôt que dans la lutte contre le terrorisme.
L’alignement du cadre d’usage des armes des policiers nationaux sur celui des gendarmes, qui permettra de s’affranchir du principe de riposte immédiate présidant normalement à l’ouverture du feu, n’a pourtant pas toujours recueilli l’assentiment du Gouvernement… Et pour cause, l’idée est depuis longtemps un leitmotiv du Front national, repris par certains syndicats de police et par Nicolas Sarkozy en 2012.
Depuis 2012, la même mesure a fait l’objet de cinq initiatives parlementaires : quatre des Républicains et une de M. Masson. Toutes ont été rejetées.
Au-delà du projet de société qu’elle porte en elle, nous pensons pour notre part qu’elle est inutile, inefficace, voire dangereuse pour nos forces de l’ordre elles-mêmes.
En 2013 déjà, la commission des lois du Sénat relativisait l’idée selon laquelle les policiers sont dans une situation d’insécurité juridique : « Seuls quelques cas d’usage des armes ont donné lieu à des mises en cause de policiers », rappelait le Sénat.
D’après la direction générale de la police nationale, « seulement » 120 procédures liées à des cas de légitime défense et d’ouverture du feu ont été transmises à l’IGPN au cours des cinq dernières années. Le nombre de condamnations qui en émane est plus marginal encore.
Par ailleurs, si le nouveau régime est adopté, il sera soumis au respect des principes d’« absolue nécessité » et de « stricte proportionnalité », comme l’exige la convention européenne des droits de l’homme en son article 2, qui consacre le droit à la vie. C’est pourquoi, si l’exécutif pense qu’il est nécessaire de légiférer pour libérer les coups de feu, il oublie que l’Europe a déjà condamné à plusieurs reprises des gendarmes ayant fait usage de leur arme « illégitimement ».
Outre la refonte de l’usage des armes, le texte prévoit notamment des dispositions concernant l’anonymisation des procès-verbaux et la répression des outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique. Autant de mesures censées répondre aux revendications des policiers à l’automne dernier, ou plutôt aux revendications de certains de leurs leaders autoproclamés. Car, je vous rappelle, mes chers collègues, que les premiers mots d’ordre des policiers alors mobilisés portaient, d’une part, sur des revendications matérielles – la vétusté des locaux, les véhicules, les protections inadaptées – et, d’autre part, sur des revendications « salariales », telles que les millions d’heures supplémentaires accumulées.
Or, une fois encore, le Gouvernement élude la question des moyens. La mise en place de ces mesures ne masquera pas la « paupérisation » des deux forces de l’ordre, qui ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions. Attachons-nous donc à défendre les conditions de travail concrètes des policiers, qui sont des travailleurs du service public, et notre sécurité publique n’en sera que renforcée !
En outre, si le Gouvernement reprend une préconisation de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, il « oublie » que l’INHESJ préconise, en parallèle à cet alignement, la mise en place d’un magistrat référent par cour d’appel en matière d’usage des armes, ou encore le renforcement de la formation des policiers. Qu’en est-il de ces propositions ?
À mon tour, permettez-moi de citer Laurent-Franck Liénard, avocat au barreau de Paris, spécialiste de la défense des membres de forces de l’ordre : « Qu’il s’agisse de la police ou de la gendarmerie, la formation est la honte de notre pays. » C’est inquiétant…
Nous vous invitons, monsieur le ministre de l’intérieur, à vous emparer de cette question extrêmement importante : il est de notre point de vue scandaleux de munir d’armes des policiers, a fortiori municipaux, comme le préconise la droite sénatoriale, sans leur dispenser la formation nécessaire. On sait que nos policiers nationaux ne sont contraints qu’à trois séances de tir par an ! Ainsi, pourquoi ne pas missionner d’urgence l’Inspection générale de la police nationale et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale pour conduire un audit sur les formations de la police et de la gendarmerie nationales ?
Si le Gouvernement et la majorité sénatoriale partagent la philosophie générale de ce texte, bien sûr, la commission des lois l’a durci, notamment en élargissant une partie des dispositions relatives à l’usage des armes aux policiers municipaux autorisés à porter une arme, ainsi qu’en réprimant plus sévèrement les comportements de rébellion contre les membres des forces de l’ordre. Dans ce cadre de surenchère sécuritaire incessante, quelle sera la prochaine étape ? Le rétablissement de la maréchaussée ? L’autorisation d’armement pour les civils ?
Cette loi illustre le basculement dangereux de l’État social vers l’État pénal. Dans ce contexte, mes chers collègues, prenons nos responsabilités, cessons de faire la loi dans l’émotion. La peur sert de prétexte à un mode de gouvernement, un programme politique qui s’élabore indépendamment des émotions des citoyens. C’est ce que nous enseignent l’historien Patrick Boucheron et le politologue Robin Corey dans un entretien intitulé L’exercice de la peur : usages politiques d’une émotion.
Finalement, avec ce projet de loi, nous constatons, une fois encore, et avec une gravité certaine, que sont d’ores et déjà construites des fondations solides pour l’édifice du tout-sécuritaire qu’érigera aisément un futur gouvernement de droite dure.
Ainsi, vous l’aurez compris, l’état d’esprit et les trop nombreux antécédents de ce texte, la vision du tout-sécuritaire et la privatisation de notre sécurité publique qu’il porte nous conduisent à nous y opposer fermement.
J’appelle tous nos collègues à faire preuve d’humilité devant le scénario peut-être annoncé d’un gouvernement qui nous conduirait dans une voie loin d’être la meilleure pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la menace maximale, constante et durable qui pèse sur notre pays mobilise nos forces de sécurité de façon éprouvante. Les actes terroristes survenus sur notre territoire depuis plus de deux ans ont tous révélé la nécessité de donner à nos forces de sécurité tous les moyens utiles dans le domaine du renseignement, pour pouvoir prévenir dans le domaine de la lutte opérationnelle, pour pouvoir neutraliser, sans oublier une réponse pénale précise et ferme pour punir et empêcher que l’horreur ne se réitère.
Monsieur le ministre, vous le savez, le Sénat n’a jamais failli, comme l’a rappelé le président du Sénat à l’occasion de ses vœux la semaine dernière. Nous avons pris toute notre part de responsabilité dans le combat contre ce fléau en donnant aux forces de sécurité et à la justice des moyens pour une plus grande efficacité.
Le groupe auquel j’appartiens aurait souhaité aller plus loin et plus vite. Le Gouvernement nous a entendus pour partie, mais bien tardivement. Je pense à la création de deux nouveaux délits terroristes – le délit d’entrave au blocage des sites incitant à la commission d’actes de terrorisme et celui de consultation habituelle de tels sites – ou bien à la création d’un régime procédural spécifique permettant d’empêcher l’accès des personnes condamnées pour terrorisme à la libération conditionnelle, que nous avions proposée dès février 2016 à travers la proposition de loi du président Bas et que le Sénat avait adoptée, sans votre consentement, cependant que vous en actiez en définitive la nécessité en juin dernier.
Hors de toute polémique sur la méthode employée par le Gouvernement, notre conscience républicaine nous implique et nous impose de poursuivre nos efforts collectifs, sans faiblesse, pour plus d’efficacité.
Si nous avons accepté d’apporter des réponses immédiates, à la suite des tragiques événements passés, nous n’avons cessé de vous rappeler la nécessité de renforcer les moyens donnés aux personnes dépositaires de l’autorité publique. En effet, l’autorité de l’État, nécessaire pour protéger les Français, passe par ces personnes dévouées, au service de l’État et, surtout, de tous les Français.
Il est urgent, monsieur le ministre, de rétablir cette autorité. Nous ne pouvons nous contenter de communiqués de presse, comme celui de la semaine dernière, annonçant tout bonnement que, « depuis 2012, nous observons une tendance globale à la baisse des principaux indicateurs statistiques de délinquance », ou qu’il n’y aurait plus de « zone de non-droit ».
Comment expliquer que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales relève que, pour l’année 2016, la violence sur notre territoire est en hausse de 4 % ? Il faut dire les choses telles qu’elles sont.
Nous devons aux Français un discours de vérité, celle que nous connaissons tous, celle que les représentants de l’autorité publique constatent dans leur activité quotidienne, celle que les Français veulent connaître. Oui, la violence augmente ! Oui, l’autorité publique, singulièrement celle de l’État, est affaiblie, pour ne pas dire contestée, parfois ! Oui, la délinquance gangrène les rapports sociaux, faute de sanctions effectives !
Nous avons donc besoin de l’ensemble des forces vives de ce pays, qui doivent s’engager dans la voie de la coopération, à tous les niveaux de la chaîne, depuis le renseignement, la surveillance, l’interpellation, la neutralisation, jusqu’à la sanction pénale, qui doit être certaine et effective.
Sans remettre en cause la compétence des agents, qui effectuent un travail minutieux et opérant, il est utile de donner la possibilité aux services spécialisés, notamment aux services de renseignement, d’échanger avec l’autorité judiciaire lorsque les procédures concernent les infractions terroristes.
Nous allons mieux armer, dans ce texte, la police nationale et les polices municipales, alors que, depuis cinq ans, la justice pénale a parfois été désarmée. La délinquance ne peut être maîtrisée en l’absence de sanction, de vision globale et de confiance dans le terrain.
Voilà quel a été le cri des policiers à l’automne dernier ! Leur action volontariste n’a souvent pas été suivie d’effets, l’impunité révélant un manque d’autorité de l’État.
La profession policière est par définition à risques, mais ces agents ne se sont pas engagés dans la police pour devenir des cibles, à l’image de ces hommes enfermés dans leur voiture en feu et ne pouvant se défendre. Il faut en effet que la peur change de camp !
Tous les policiers vous le diront : saisir sa crosse de pistolet, c’est le début d’un très long marathon administratif, procédural et parfois judiciaire. Pour certains, c’est même le début des ennuis.
Le texte que la commission des lois nous propose d’adopter est pertinent à plusieurs titres, notamment parce qu’il répond à cette exigence nouvelle d’implication généralisée des forces vives de notre pays.
Ce texte répond à une demande des personnels opérationnels qui, aux termes de la rédaction initiale du texte proposé par le Gouvernement, craignaient de ne pas être suffisamment sécurisés juridiquement pour agir : le cadre proposé est plus lisible et répond aux exigences d’absolue nécessité et de proportionnalité, auxquelles nous sommes tous fermement attachés.
Au regard de la place fondamentale que la police municipale occupe dans la sécurité de nos concitoyens, comme l’avaient, dès 2012, relevé nos collègues François Pillet et René Vandierendonck dans un rapport d’information, la commission des lois a élargi le bénéfice d’une partie des dispositions relatives à l’usage des armes aux policiers municipaux autorisés à porter une arme.
La question de l’armement n’est pas nouvelle pour la sécurité privée, mais les différents secteurs sont soumis à des régimes très divers. Certes, les principes constitutionnels s’opposent à ce que l’exercice d’une activité privée de sécurité empiète sur les prérogatives de puissance publique. Pourtant, le juge constitutionnel n’a jamais invalidé les règles qui assurent le contrôle et la solidité de la profession. C’est pourquoi permettre l’armement des agents privés de protection rapprochée uniquement dans les cas où il est rendu strictement nécessaire pour assurer la protection d’une personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie est une mesure d’efficacité. La sécurité privée est en pleine mutation.
N’oublions pas que tous ces secteurs de la sécurité publique sont composés d’hommes et de femmes qui agissent avec professionnalisme au service de leurs concitoyens. Nous devons naturellement les accompagner. Là est sans doute un peu le point faible de ce texte, qui ne prévoit pas d’actions de formation supplémentaires.
Avant de conclure, je dirai un mot du « spectre des revenants ». Un grand quotidien a titré la semaine dernière en employant cette expression. Puis, les magistrats du pôle antiterroriste du parquet de Paris, auxquels je tiens à rendre un hommage particulier, n’ont cessé de la répéter.
Ce spectre n’est pas qu’un mirage lointain. Cela fait des mois que la majorité sénatoriale milite pour que ces hommes et ces femmes qui sont partis combattre les symboles de la liberté soient pris en charge à leur retour en France, afin que leur présence sur notre territoire ne soit pas une menace pour la République. L’UCLAT, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, évalue à 700 le nombre de Français sur zone irako-syrienne et à 1 000 le nombre de velléitaires candidats au départ, qui risquent d’alimenter un terrorisme endogène.
Si les frontières sont aujourd’hui de plus en plus difficiles à franchir et les départs sur zone moins nombreux, une question reste très préoccupante : celle de ces mineurs que le procureur Molins assimile à de « véritables bombes à retardement ». Le présent texte ne répond que partiellement à cette problématique. Ne faudrait-il pas envisager, en complément de la prise en charge par la protection de l’enfance, une prise en charge psychiatrique de ces enfants qui n’auront bien souvent connu qu’une conception de société glorifiant la haine et des valeurs que nous bannissons ?
Enfin, pour ce qui concerne les vétérans du djihad, la difficulté de l’ensemble de la chaîne de sécurité et pénale réside dans l’évaluation du risque que représentent, désormais, les individus suivis. Il est donc judicieux de prévoir que les mesures de contrôle administratif des personnes revenant des théâtres d’opérations de groupements terroristes ne puissent être levées à l’occasion d’une poursuite judiciaire pour un autre motif que le terrorisme.
Mes chers collègues, grâce au travail précis, pertinent mené par notre collègue François Grosdidier et à son écoute, le Sénat va adopter un texte répondant pour partie à l’épreuve humaine et physique subie quotidiennement par nos forces de sécurité intérieure. Les élus du groupe Les Républicains, auquel j’appartiens, le voteront avec confiance. Toutefois, nous ne cesserons de l’affirmer : la lutte contre le terrorisme, comme la lutte contre la délinquance classique, ne peut s’entendre que dans une politique de sécurité liée à une politique pénale ferme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, apparemment, le présent texte satisfait l’essentiel des membres de cet hémicycle. M. le ministre de l’intérieur se félicitera sans doute que le Gouvernement ait demandé que cette lecture commence au Sénat… (Sourires.)
Mis à très rude épreuve, les policiers ont incontestablement le sentiment de ne pas être entièrement soutenus et compris par la population. On ne rappelle pas assez souvent les difficultés de leur métier, les menaces dont ils font l’objet, qui pèsent sur leur vie et même sur celle des membres de leur famille. Sans doute cette situation explique-t-elle les importants mouvements qui ont eu lieu.
Mes chers collègues, souvenons-nous des débats qui ont précédé la loi du 3 juin 2016. Nous étions persuadés d’avoir atteint un équilibre, notamment grâce à la rédaction élaborée par notre rapporteur, Michel Mercier, pour répondre à la demande des forces de l’ordre au sujet de la notion de péril. En fait, il n’en était rien. Les policiers ont demandé à obtenir davantage de précisions, et ils ont exprimé la volonté que ces dernières figurent dans « leur code », à savoir le code de la sécurité intérieure. Les dispositions que nous avions adoptées relevaient, elles, du code pénal. Pour les appliquer, il fallait donc préalablement s’assurer qu’une infraction avait été commise.
Le présent texte a donc vocation à rassurer les policiers. Cela étant, je ne suis pas sûr que, juridiquement, il les rassurera toujours totalement.
Le projet de loi a également vocation à calmer l’inquiétude des forces de police quant à l’interprétation que les magistrats pourraient donner de leur rôle. On l’a clairement perçu en auditionnant les représentants des policiers : ces derniers ont l’impression que les magistrats ne comprennent pas les difficultés qu’ils éprouvent sur le terrain. À mon sens, ce sentiment n’est pas fondé, en particulier pour ce qui concerne les procureurs, les juges d’instruction et, a fortiori, les magistrats chargés de la lutte contre le terrorisme.
D’ailleurs, la question ici posée n’est pas réductible à celle du terrorisme. À Viry-Châtillon, il ne s’agissait pas de terroristes : bien sûr, des actes épouvantables ont été commis, mais ils l’ont sans doute été par de jeunes délinquants ordinaires. Le projet de loi traite donc de nombreuses formes de criminalité. Il doit préciser dans quelles conditions les policiers et, au-delà, toutes les forces de l’ordre doivent exercer leurs missions, tout en respectant les règles édictées par la Cour européenne des droits de l’homme.
Monsieur le ministre, dans l’étude d’impact, vous rappelez la jurisprudence établie par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l’homme. Or cette jurisprudence est beaucoup plus nuancée que certains le font croire.
Les notions d’« absolue nécessité » et de « proportionnalité » sont conformes à la convention européenne des droits de l’homme, ce grand texte que la France – il ne faudrait pas l’oublier – avait appelé de ses vœux. Trop souvent, on attribue à cette convention des interdictions qu’elle n’énonce pas. En particulier, vous avez rappelé que, dans son arrêt Guerdner, rendu le 17 avril 2014, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée quant à la conformité des règles établies, en la matière, par la législation française. Dans les faits, il y a donc moins de difficultés que l’on ne pense.
En parlant avec les policiers de la base, on constate que les problèmes viennent parfois des relations avec la hiérarchie. Certains soulignent que, sitôt après avoir fait usage de leur arme, ils sont confrontés aux inspections internes. Dans ce cadre, ils peuvent être placés en garde à vue, ce qui n’est pourtant pas une nécessité : il y a sans doute d’autres moyens d’enquêter.
Les policiers sont bien conscients qu’ils doivent rendre des comptes lorsqu’ils font usage de leur arme. Néanmoins – cela a été rappelé, notamment par le Conseil d’État –, à travers ce projet de loi, il est nécessaire de leur assurer une bonne formation. Cette dernière doit porter, non seulement sur le tir, mais sur les conditions dans lesquelles ils peuvent utiliser leur arme. Dans ces moments de très grand stress, qu’un précédent orateur a rappelés, on n’a pas le temps de lire et d’analyser un texte complexe. Quand on s’initie à la conduite d’un véhicule automobile, on apprend à être réactif face à des événements surprenants. Une formation similaire est nécessaire pour les membres des forces de l’ordre. Le Conseil d’État a eu raison de le rappeler.
Je suis tenté de dire que le projet de loi est un texte de clarification, mais non de changement. Il est d’ailleurs à espérer qu’une trop grande clarification n’ait pas d’effets négatifs. Reste que cette clarification était souhaitée et, à mon sens, le texte est équilibré. D’une part, il répond aux exigences de la convention européenne des droits de l’homme en faisant référence aux critères d’absolue nécessité et de proportionnalité. D’autre part, il vaut pour tous ceux qui sont conduits à utiliser des armes au nom de la République, pour la défense des personnes et des biens. Il s’agit à la fois des gendarmes, des policiers, des militaires et des douaniers.
Reste la question des policiers municipaux.
Monsieur le rapporteur, la proposition que vous avez émise à ce sujet nous satisfait. Elle vise les cas de légitime défense. De plus, elle permet d’indiquer aux policiers municipaux que nous, sénateurs, représentants des collectivités territoriales, sommes conscients qu’ils sont de plus en plus souvent appelés à épauler la police nationale dans des missions de sécurité. Je ne peux pas oublier tout ce que les policiers municipaux de Strasbourg ont fait, pendant tout le marché de Noël, pour sécuriser les lieux, aux côtés des militaires et de la police nationale.
Nous avons déposé un amendement qui a pour objet de corriger une curiosité de la législation : les policiers municipaux à qui l’on demande de sécuriser une manifestation peuvent contrôler le contenu des sacs, mais non procéder à des palpations. Or des agents de sécurité privée peuvent le faire. Voilà l’exemple d’une anomalie à laquelle il faut mettre un terme. Saisissons l’occasion que nous fournit ce texte. Il me semble que, sur ce sujet, la commission a émis ce matin un avis favorable.
Je voudrais appeler l’attention sur la difficulté juridique que soulève l’article 2, lequel a pour objet l’anonymisation.
René Vandierendonck et moi-même avions envisagé de confier au procureur de la République le soin d’accorder l’autorisation. Cette piste n’a pas été retenue par la commission ; je ne la défendrai donc pas de nouveau ce soir.
Cela étant, monsieur le ministre, vous avez raison de chercher, par voie d’amendement, à revenir au texte du Gouvernement. En effet, il faut impérativement sécuriser les procédures d’anonymisation. Certes, il est nécessaire d’assurer la protection des personnes, mais il faut également éviter qu’un dossier n’arrive un jour devant la Cour de cassation, voire devant la Cour européenne des droits de l’homme et qu’elles aboutissent à cette conclusion : la procédure n’était pas conforme.
Sur cette question comme sur les précédentes, soyons extrêmement prudents. Prenons en considération les difficultés qui peuvent survenir, non seulement pour les policiers et leur famille, mais aussi pour les magistrats et toutes les personnes en contact avec la grande délinquance – je songe non seulement au terrorisme, mais aussi à la mafia. L’ensemble de ces acteurs doivent être protégés par le biais d’une anonymisation.
Monsieur le garde des sceaux, sauf erreur de ma part, nous aborderons plus tard le sujet de la sécurisation des abords des établissements pénitentiaires. On préconise d’étendre cette action à la voie publique. Selon moi, on ne peut pas, à ce jour, demander à l’administration pénitentiaire d’assurer une sécurisation au-delà de l’emprise foncière des centres pénitentiaires.
Monsieur le président de la commission, j’ai l’occasion de vous accompagner fréquemment sur le terrain dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice. Nous avons vu combien l’administration pénitentiaire a pu être mise en difficulté dès lors que les transferts de détenus ont cessé d’être de la compétence du ministère de l’intérieur. Les personnels du ministère de l’intérieur s’en sont trouvés soulagés, mais aux dépens des agents relevant de la Chancellerie. Soyons très vigilants !
Tant que les personnels pénitentiaires ne seront pas en nombre suffisant, on ne pourra pas envisager que la sécurisation, autour des établissements pénitentiaires donnant sur la voie publique, soit assurée par des personnels relevant du ministère de la justice.
Sur de tels sujets, il faut se montrer modeste et constructif. Il faut être à l’écoute des personnels, ce qui est le rôle des parlementaires. Il faut également garder à l’esprit que, derrière les personnels, il y a la hiérarchie, et que cette dernière fait elle aussi l’objet de fortes attentes. J’ai été très sensible à cet aspect de la question.
Enfin, il faut assurer les moyens nécessaires. M. Buffet l’a rappelé, en évoquant « l’ensemble des forces vives » de la police et de la justice. À ce titre, je n’ai qu’une inquiétude : que ceux qui, aujourd’hui, viennent nous donner des leçons en nous disant « Vous n’avez pas fait assez, vous n’avez pas fait assez vite » ne pensent pas suffisamment à conserver toutes ces forces vives. Je ne perds pas une occasion de rappeler combien de magistrats ont été recrutés ces temps derniers, dans quelles proportions ont été renforcés les moyens de l’administration pénitentiaire et de la police.
M. Jacques Bigot. Ces efforts sont indispensables, et il ne faudrait surtout pas y renoncer. Nous devons veiller à ce que les moyens de la République soient préservés, sinon nos lois seront vaines ! (Mme Catherine Di Folco et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos propos unanimes visant à rendre hommage aux forces de l’ordre et au travail qu’elles mènent. M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis ont rappelé la situation de tension à laquelle elles sont confrontées depuis plus de deux ans, et que nous connaissons bien, en raison de la menace terroriste. On pourrait également rappeler les conditions dans lesquelles nos forces de l’ordre sont appelées à protéger notre territoire et à contrôler les flux migratoires, lesquels n’ont jamais été aussi forts depuis la Seconde Guerre mondiale. Même si des différences d’appréciation se sont ensuite fait jour au sujet du présent texte, je tenais à souligner vos propos unanimes et les remerciements que vous leur avez adressés.
Tout ce qui permet une évolution de l’usage des armes dans ce texte répond à la fois à des impératifs opérationnels et, bien entendu, au strict respect de l’État de droit dans tout ce qui le compose, non seulement notre droit interne, mais aussi les conventions internationales auxquelles nous sommes soumis.
Je salue l’esprit constructif, qui pourrait même devenir un esprit de consensus, dont bénéficie le présent texte.
Monsieur Guérini, soyez-en assuré, je ne me satisferai jamais assez que les voix du groupe du RDSE soient apportées à la majorité socialiste. En votant en ce sens, ce n’est pas la majorité gouvernementale que vous confortez, mais les policiers et les gendarmes. Nous sommes tous comptables des conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions.
MM. Bigot, Buffet et Mercier ont souligné à juste titre que le projet de loi était nécessaire. Il permet, comme les six textes qui ont été adoptés depuis 2012, de prendre en compte un environnement en plein bouleversement, notamment quant à la nécessité d’assurer des moyens et des outils à nos services de renseignement. Il n’y a là aucune volonté d’agir dans l’émotion. Il s’agit de répondre à des problèmes qui se posent à nos forces de sécurité. Ces différents textes devront d’ailleurs certainement continuer à évoluer au cours des prochains mois et des prochaines années. Aussi, je me félicite des marques d’ouverture exprimées par tous ceux qui mènent ce travail constructif.
M. Rachline a quitté cet hémicycle. Peut-être est-il allé demander aux policiers et aux gendarmes si ce projet de loi était « un texte de com’ » ? Quoi qu’il en soit, je lui dis, par l‘intermédiaire du compte rendu, que ses interventions sur ces questions sont justes là pour faire semblant : faire semblant de s’occuper de la sécurité des Français, faire semblant de porter un regard bienveillant sur les forces de l’ordre. Quand on ne vote absolument aucun texte en matière de sécurité, je ne suis pas sûr qu’on puisse qualifier de « com’ » un projet de loi qui découle d’une concertation étroite, sur le terrain, avec les policiers et les gendarmes. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Concernant la formation, je rappelle qu’une direction centrale de la formation et du recrutement de la police nationale a été créée ; chaque fois que les policiers participent à une séance de tir, des rappels sont formulés quant à l’usage des armes, quant à la manière dont nos textes les régissent. L’article 1er nous permettra sans doute d’échanger sur l’ensemble de ces sujets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à ce stade, je tiens à vous remercier de nouveau de l’esprit dans lequel ce débat s’engage. Je salue le travail préalable mené par la commission. M. le garde des sceaux et moi-même en sommes persuadés : le Gouvernement a fait un bon choix en commençant l’étude de ce texte nécessaire avec la Haute Assemblée ! (M. Jacques Bigot applaudit.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurité publique.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la discussion générale est close. Nous passons donc à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la sécurité publique
Chapitre Ier
Usage des armes par les forces de l’ordre
Article 1er
I. – Le titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Règles d’usage des armes
« Art. L. 435-1. – Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l’article L. 211-9, faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :
« 1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ;
« 2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ;
« 3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix à des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations, ils ne peuvent contraindre ces personnes à s’arrêter que par l’usage de leurs armes et qu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer probable la perpétration par ces personnes d’atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;
« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt, autrement que par l’usage de leurs armes et qu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer probable la perpétration par ces conducteurs d’atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;
« 5° Dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.
II. – Au premier alinéa de l’article L. 214-2 du même code, après les mots : « police nationale », sont insérés les mots : « et les militaires de la gendarmerie nationale ».
III. – (Non modifié) L’article L. 214-3 du même code est abrogé.
III bis (nouveau). – La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du même code est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et règles d’usage des armes » ;
2° Il est ajouté un article L. 511-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-5-1. – Les agents de police municipale autorisés à porter une arme selon les modalités définies à l’article L. 511-5 peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 435-1 et dans les cas prévus au 1° du même article. »
IV. – Le titre II du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 2 de l’article 56 est ainsi rédigé :
« 2. Ils peuvent en faire usage dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. » ;
2° Le 2 de l’article 61 est ainsi rédigé :
« 2. Ces derniers peuvent faire usage de matériels appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre chargé des douanes, pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l’article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure. »
V. – L’article L. 2338-3 du code de la défense est ainsi rédigé :
« Art. L. 2338-3. – Les militaires de la gendarmerie nationale peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. Ils peuvent également faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du même code.
« Les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du présent code peuvent faire usage de leurs armes et immobiliser des moyens de transport dans les mêmes conditions.
« Les militaires chargés de la protection des installations militaires situées sur le territoire national peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure et dans les cas prévus aux 1° à 4° du même article et immobiliser des moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du même code. »
VI. – (Non modifié) L’article 122-4-1 du code pénal est abrogé.
VII (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article 12 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi rédigé :
« Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d’une arme à feu, que dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, ou en cas de tentative d’évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu’ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 38 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Éliane Assassi. À nos yeux, le cadre commun d’usage des armes données aux policiers et aux gendarmes n’améliore en rien les conditions de travail de nos forces de l’ordre.
Qu’elle soit nationale ou européenne, la jurisprudence a déjà considérablement unifié le droit, en exigeant notamment que soient réunis les critères d’absolue nécessité et de proportionnalité, quel que soit le cas de recours aux armes.
C’est d’ailleurs ce que Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, déclarait au mois d’avril 2013. Il avançait que l’unification avait déjà eu lieu dans les faits, que cette demande d’harmonisation des régimes relatifs à l’usage de la force armée n’était ni utile ni opportune. En effet, poursuivait-il, « la différence de régime demeure justifiée, autant par le statut militaire des gendarmes que par la porosité, dans certaines zones, entre missions de maintien de l’ordre et missions militaires. »
Nous faisons nôtres ces arguments. Gardons à l’esprit que la prétendue couverture assurée par la gendarmerie est à géométrie variable et qu’elle est soumise à la norme supranationale européenne.
On fait croire aux policiers que le cadre juridique entourant l’usage des armes leur sera plus favorable, alors que c’est tout le contraire qui se profile. On ne peut douter que ce dispositif les fragilisera davantage, d’autant plus – j’y reviens – quand on connaît l’indigence des formations dispensées aux fonctionnaires de la police nationale.
« On donne une arme aux gens sans les former ni les informer, alors qu’elle constitue une composante de l’uniforme qui va servir potentiellement à sauver leur vie », explique Laurent Franck Liénard, spécialiste de la défense des membres des forces de l’ordre, avant de poursuivre : « On ne met pas du tout les moyens qu’il faut, même en formation initiale. »
Selon nous, s’il est nécessaire de progresser en matière d’unification des règles, le cadre d’usage des armes des gendarmes aurait dû être aligné sur celui des policiers, et non l’inverse. La légitime défense devrait s’appliquer à tous. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. L’amendement n° 38 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 22 ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Le cadre strict de la légitime défense ne permet pas aux forces de l’ordre d’intervenir dans tous les cas où elles sont dans l’obligation de faire usage des armes, même pour protéger la vie d’autrui.
On l’a clairement vu lorsqu’il s’est agi d’interrompre un périple meurtrier. Dès lors qu’un terroriste tirant dans une foule avec une kalachnikov tourne le dos aux policiers, ces derniers ne peuvent plus intervenir. De même, si deux personnes armées de kalachnikovs repartent au volant d’une voiture, la police ne peut rien faire.
Il a été aisément démontré que les policiers et les gendarmes ne peuvent pas agir en limitant l’utilisation de leur arme au cadre strict de la légitime défense. Ce dernier est fait pour les citoyens, qui peuvent être appelés à protéger leur vie directement, et parfois même en l’absence des représentants des forces de l’ordre. Mais il ne permet certainement pas à celles-ci de protéger la vie de nos compatriotes.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Bien sûr, le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
Je l’ai rappelé dans mon propos liminaire : le cadre proposé à travers cet article fait suite au rapport remis par Mme Cazaud-Charles. Il répond à toutes les exigences que nous devons avoir quant au respect des règles de jurisprudence en vigueur, qu’elles soient issues de la Cour de cassation ou de la Cour européenne des droits de l’homme.
Qui plus est, ces dispositions ont fait l’objet d’une véritable concertation avec les forces de sécurité intérieure. D’ores et déjà, ces dernières sont prêtes à s’en emparer, et je suis sûr qu’elles s’en saisiront. Au sein du ministère de l’intérieur, tous les instruments nécessaires seront élaborés, afin que le cadre d’usage soit véritablement enseigné, lors des séances de tir et des distributions de matériels.
Ces initiatives seront déployées dès les prochaines semaines, sitôt que le Parlement aura adopté ce projet de loi. Elles ouvriront la voie à une avancée majeure pour les policiers et les gendarmes en clarifiant et en harmonisant le cadre d’usage des armes.
Madame Assassi, je peux me montrer plus précis si vous le souhaitez, mais je ne tiens pas à allonger nos discussions.
Sur ce sujet, je connais les positions des uns et des autres. Toutefois, je peux vous le garantir : toutes les précautions ont été prises, non seulement pour répondre aux demandes exprimées par nos forces de sécurité, dans la période de tensions qu’elles connaissent, mais aussi pour que celles-ci aient tous les moyens d’intervenir face au danger qu’elles rencontrent tous les jours et pour qu’elles interviennent dans le strict respect des règles d’usage.
Toutes les interventions qui ont eu lieu au cours des derniers mois viennent à l’appui de mes propos. Et, dans les cas éventuels où ce strict respect ne sera pas assuré, les règles établies permettront d’en juger, que ce soit en interne, au sein de la police ou de la gendarmerie, ou devant les juridictions appropriées, conformément à l’État de droit.
Je n’ai donc pas la moindre inquiétude quant à l’usage qui, demain, sera fait des armes, de la part de fonctionnaires qui sont dûment formés et bien conscients de la responsabilité qui va de pair avec la part d’autorité que nous leur déléguons.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Par son alinéa 6, le présent article rend possible l’usage d’une arme lorsque, après deux sommations, les forces de l’ordre ne peuvent défendre autrement le terrain qu’elles occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiées.
Cette disposition revient à autoriser l’usage d’une arme pour défendre un terrain ou un poste alors même que les forces de l’ordre ne seraient pas confrontées à une situation d’attroupement telle que définie à l’article 431-3 du code pénal. Cette extension paraît aussi inutile que risquée.
D’une part, elle est redondante avec l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure, en vertu duquel « les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent. »
D’autre part, il nous semble, qu’il existe peu de situations dans lesquelles les forces de sécurité sont amenées à défendre un poste ou une personne, en dehors du cadre des attroupements. Les rares cas n’entrant pas dans ce champ – attaque d’une brigade ou d’un commissariat, protection rapprochée d’une personne – seront, pour leur part, couverts par les autres alinéas de l’article L. 435–1 du code de la sécurité intérieure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption introduirait une confusion autour des règles applicables à la dispersion des attroupements. Ce ne sont en effet généralement pas ces derniers qui sont les plus dangereux et les plus menaçants pour les sites, les lieux et surtout les personnes dont des policiers ou des gendarmes peuvent avoir la garde.
L’alinéa en cause concerne peu de sites et peu de personnes, car on bascule très vite vers l’alinéa précédent, mais il peut s’appliquer, par exemple, à des sites militaires ou industriels sensibles, à des dépôts de munitions, ainsi qu’aux hautes personnalités de la République, mais également à des témoins devant être protégés ou encore à des prévenus dont on pourrait penser que l’on cherche à les neutraliser.
Seuls ces cas, très limités, sont concernés par cet alinéa 6, qui n’entretient que peu de rapports avec la notion d’attroupement dans l’exercice du maintien de l’ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Attaque d’une brigade de gendarmerie ou d’un commissariat de police, attaque en vue de faire évader une personne confiée à la garde des forces de sécurité lors d’un transfèrement, par exemple, protection rapprochée d’une personne, on le voit bien, de telles circonstances sont rares, mais elles sont bien distinctes de la situation d’attroupement, comme de celles auxquelles s’applique la notion de légitime défense. Cela rend nécessaire le maintien de la disposition concernée.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, et l’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les situations prévues aux 3° et 4°, il est exclu de tirer sur un fugitif, y compris s’il est coupable de meurtre, alors qu’aucune raison réelle et objective ne permet de penser qu’il va réitérer son acte ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Les alinéas 7 et 8 de l’article 1er confèrent aux forces de l’ordre la possibilité d’ouvrir le feu pour arrêter un fugitif ou pour immobiliser un véhicule. Il s’agit d’une modification essentielle apportée par le présent projet de loi aux possibilités de recourir à une arme à feu. En effet, seuls les gendarmes disposent actuellement de cette faculté.
Nous considérons que la rédaction de ces dispositions fait peser de trop grands risques de mauvaise compréhension par les fonctionnaires de police sur le terrain. Nous proposons donc, par cet amendement, de reprendre, dans un alinéa additionnel, les termes du rapport de l’INHESJ, l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, selon lesquels il est clairement exclu de tirer sur un fugitif, « y compris s’il est coupable de meurtre, alors que rien ne permet de penser qu’il va réitérer son acte. » « Toute autre interprétation », ajoutent les auteurs du rapport, « ne serait pas compatible avec l’exigence de nécessité posée par la Cour de Strasbourg » ni « avec une conception démocratique et républicaine de l’ordre, les armes ne pouvant parler à la place de la loi, expression de la souveraineté populaire. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’amendement présenté par Mme Esther Benbassa est satisfait par la nouvelle rédaction de la commission qui précise justement qu’un policier ou un gendarme ne peut tirer que s’il a des raisons réelles et objectives de penser qu’une personne va commettre une atteinte à la vie. Dans cette hypothèse, il est nécessaire que le policier ou le gendarme puisse faire usage de son arme après sommation pour éviter qu’un tel acte ne soit accompli.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Benbassa, l’amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.
L’amendement n° 23, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les armes ne doivent être utilisées qu’en ultime recours, seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes. Les forces de l’ordre ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’une arme que si c’est absolument inévitable pour protéger des vies humaines. Lorsqu’elles n’ont pas d’autres choix que de faire usage d’une arme à feu, elles s’efforceront en toutes circonstances de viser les zones non vitales du corps de la personne qu’elles cherchent à appréhender ; ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme impose que tout usage d’une arme à feu par les forces de sécurité réponde aux conditions de stricte proportionnalité et d’absolue nécessité.
Ces notions ont été reprises par la jurisprudence française, ainsi que par des textes réglementaires. Elles n’ont cependant pas de valeur législative. Leur inscription dans la loi vient donc renforcer le cadre juridique national des armes, en conformité avec la CEDH. En ce sens, le présent projet de loi constitue une avancée importante, que nous saluons.
Cependant, la formulation de l’article 1er laisse craindre une interprétation trop extensive. Ajouté aux modifications opérées par la commission, cela nous conduit à relever des risques de dérives.
En particulier, les notions d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité, dont les contours sont pour le moins flous, doivent être précisées, car on peut craindre qu’elles n’introduisent paradoxalement une insécurité juridique pour les forces de l’ordre. Selon les cas de figure, celles-ci hésiteront à tirer en se demandant si elles se trouvent dans un cadre permettant l’usage des armes, ou au contraire le feront à tort en pensant que la loi les y autorise.
C’est pourquoi nous proposons, comme le recommande notamment l’organisation ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, que les armes ne soient utilisées qu’en ultime recours, seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes, conformément à la formulation des Nations unies et à l’article 2 de la CEDH, lequel n’admet des exceptions au droit à la vie que si le recours à la force est rendu absolument nécessaire.
Par ailleurs, nous proposons que les forces de l’ordre ne recourent intentionnellement à l’usage létal d’une arme que si c’est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.
Lorsqu’elles n’ont pas d’autres choix que de faire usage d’une arme à feu, elles s’efforceront, en toutes circonstances, de viser les zones non vitales du corps de la personne qu’elles cherchent à appréhender. Certains pays, tels que l’Espagne, imposent déjà qu’un tir, permis en tout dernier recours, ne soit effectué que dans des parties non vitales du corps du fugitif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable ; vous ne faites que décrire, ma chère collègue, les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité que nous avons posés.
Le tir dans des parties non vitales du corps, comme d’ailleurs le recours aux armes non létales telles que le Flash-Ball ou le Taser – dont vous n’avez jamais été très partisane –,…
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. François Grosdidier, rapporteur. … permet justement des réponses graduées, dans le cadre de cette stricte proportionnalité.
Il est en effet souhaitable que la formation soit délivrée en ce sens, mais cela relève selon moi du pouvoir réglementaire, dès lors que le pouvoir législatif aura posé le principe de la stricte proportionnalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Madame la sénatrice, je souhaite être précis dans la réponse que le Gouvernement vous apporte.
Votre intention est louable en tant qu’elle vise à expliciter les notions d’absolue nécessité et de proportionnalité, mais le Gouvernement considère que cette explicitation n’a pas sa place dans un texte de loi, car elle relève des instructions sur la doctrine d’emploi des armes et des manuels de formation des personnels amenés à en faire usage.
Les notions d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité sont suffisamment explicites et directement issues de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui irrigue celle des juridictions nationales, au premier rang desquelles la Cour de cassation.
Les illustrations jurisprudentielles en sont donc abondantes et sont citées dans les formations de la gendarmerie aux règles d’usage des armes.
La rédaction des différents cas d’autorisation d’usage des armes par ce nouvel article L. 435–1 du code de la sécurité intérieure démontre, enfin, que ce n’est que lorsqu’elles n’ont pas d’autre choix et pour prévenir des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique des personnes que les forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme.
Votre préoccupation me semble donc satisfaite. Si vous ne retiriez pas cet amendement, le Gouvernement y serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Assassi, l’amendement n° 23 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Par principe, je le maintiens !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je souhaite préciser certains éléments. Le type de rédaction proposé en l’espèce ne répond pas du tout à la préoccupation des membres des forces de l’ordre, mais risque, au contraire, de rendre plus complexe leur travail. Ces personnels nous disent qu’ils ne veulent pas, à chaque fois, être obligés de tout prouver. Avec cette disposition, on leur demandera s’ils ont bien visé les parties non vitales.
Il faut imaginer l’instant T de l’action. La personne qui tire va viser, sans doute, mais elle visera peut-être mal. Cela peut arriver.
On complexifie les choses, alors que le principe posé par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l’homme est l’absolue nécessité et la juste proportionnalité, et, à partir de là, l’appréciation in concreto. Il faut laisser cette appréciation aux magistrats, que parfois les policiers craignent, et ne pas entrer dans des détails de précision de texte.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 24 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 30 rectifié est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 12 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Éliane Assassi. La commission des lois a adopté un amendement visant à étendre aux policiers municipaux des mesures du futur cadre commun d’usage des armes, initialement prévu pour les seuls policiers nationaux et les gendarmes.
Nous sommes absolument opposés à l’extension à des fonctionnaires de police municipale de la possibilité de faire usage de leur arme hors du cadre légal existant de la légitime défense.
Rappelons que les missions de la police municipale et celles de la police nationale sont différentes : les missions administratives et de proximité sont au cœur de la fonction du policier municipale et diffèrent des missions d’investigation de la police nationale, saisie d’enquêtes judiciaires.
Il ne s’agit pas là d’un « cadeau » fait aux policiers municipaux, pour lesquels l’application de l’article 122–5 du code pénal relatif à la légitime défense suffit amplement.
On demande désormais aux agents de la police municipale de réfléchir à l’usage de leur arme en dehors de toute riposte. Cela paraît extrêmement risqué, pour eux-mêmes. Les cas de bavure, en effet, se régleront aux assises. Ce n’est plus la même dimension…
Gardons à l’esprit que la jurisprudence européenne en la matière est constante.
Prenons conscience, enfin, de la gravité de telles mesures, examinées en procédure d’urgence en toute fin de législature. Ce contexte empêche un débat apaisé sur ces questions extrêmement sensibles et sur un texte dont l’adoption emportera des conséquences lourdes sur différents pans de notre droit.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Les alinéas visés introduits par la commission des lois ont pour conséquence d’étendre le bénéfice d’une partie de l’article 1er aux membres de la police municipale.
À l’instar du groupe communiste républicain et citoyen, qui vient de s’exprimer, le groupe écologiste s’oppose à ces dispositions.
En effet, concernant les policiers municipaux, nous considérons que c’est le droit commun de la légitime défense qui doit continuer d’être appliqué.
Rappelons que, aux termes de l’article 122–5 du code pénal, « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. »
De surcroît, ces dispositions, qui emportent des conséquences des plus importantes, n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact.
Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 21 rectifié ter, présenté par MM. Buffet, Rapin, Carle, Retailleau, Grand, Reichardt et Lemoyne, Mme Di Folco, M. Vial, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Mandelli et Lefèvre, Mme Debré, MM. Bizet et Bouchet, Mme Keller, MM. Cantegrit, Pillet, Darnaud, Portelli et Vasselle, Mme Giudicelli, MM. Milon et Pellevat, Mmes Lamure et Hummel, MM. Bonhomme et de Legge, Mme Garriaud-Maylam, M. Doligé, Mme Gruny et M. Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
au 1°
par les mots :
aux 1° et 5°
La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. La commission des lois a étendu le bénéfice d’une partie des dispositions de l’article 1er à la police municipale, au regard de la contribution déterminante apportée par les membres de cette force de sécurité intérieure.
Nous en sommes satisfaits, mais nous estimons qu’il pourrait être utile d’étendre également aux policiers municipaux le bénéfice des dispositions du 5° de l’article L. 435–1 du code de la sécurité intérieure, relatif au périple meurtrier.
Je précise cette notion, qui permet l’usage de la force armée dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsque les agents ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.
Ces dispositions nous semblent de nature à contribuer utilement à la parfaite complémentarité des capacités d’agir des policiers municipaux, auxquels nous proposons qu’elles soient étendues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Les deux premiers amendements visent à supprimer l’extension du bénéfice de l’alinéa 5 de l’article 1er du présent projet de loi aux policiers municipaux, tandis que le troisième tend à étendre à ces mêmes policiers le bénéfice de l’alinéa 9, relatif à l’intervention pour interrompre un périple meurtrier. Ce sont là deux débats bien distincts.
Les deux premiers amendements me semblent traduire une méconnaissance totale de ce que sont aujourd’hui les policiers municipaux.
Mme Éliane Assassi. Nous travaillons, nous connaissons le terrain !
M. François Grosdidier, rapporteur. Ma chère collègue, je vous ai écoutée courtoisement, je vous prie de faire de même ! Cessez de m’interrompre alors que j’entame ma deuxième phrase !
Vous méconnaissez manifestement…
Mme Éliane Assassi. Non !
M. François Grosdidier, rapporteur. … le niveau de formation des policiers municipaux aujourd’hui. Vous faites même un procès à la police nationale. Si l’on peut évoquer la formation perfectible, notamment la formation continue, des membres de la police nationale, je n’accepterai pas d’entendre que ceux-ci ne sont pas du tout formés à l’usage des armes !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. François Grosdidier, rapporteur. Votre vision retarde d’une décennie. Les policiers municipaux bénéficient aujourd’hui d’une formation plus pointue aux techniques professionnelles, mais également au droit et à la déontologie.
Vous méconnaissez plus encore les conditions d’emploi actuelles de nombreux policiers municipaux, dans un mouvement qui s’affirme toujours davantage.
Mme Éliane Assassi. Vous êtes grossier, monsieur Grosdidier, comme d’habitude !
M. François Grosdidier, rapporteur. Aurélie Fouquet et Clarissa Jean-Philippe ont été assassinées dans les mêmes conditions que des policiers nationaux. Leur nom vous dit-il quelque chose ?
Mme Éliane Assassi. Elles méritent le respect, ne mélangez pas tout !
M. François Grosdidier, rapporteur. Il n’y a aucun manque de respect de ma part à affirmer que vous méconnaissez manifestement le niveau de formation et les conditions d’emploi des policiers municipaux lorsque vous affirmez qu’ils n’ont besoin de rien d’autre pour assurer leur mission que des dispositions relatives à la légitime défense qui s’appliquent aux simples citoyens.
Tous les membres de la commission des lois, à l’exclusion des communistes et des écologistes, se sont accordés sur une position très consensuelle qui nous est apparue comme le minimum minimorum : permettre aux policiers municipaux de protéger leur vie ou celle des citoyens contre des atteintes instantanées ou des menaces immédiates, grâce aux dispositions proposées. Celles-ci sont parfaitement adaptées à des agents chargés de protéger la vie des autres.
La commission émet donc un avis très défavorable sur ces deux amendements, qui contredisent sa position consensuelle.
À propos du troisième amendement, la question de cette nouvelle extension est posée, elle peut l’être pour tous les alinéas de l’article 1er.
Il fallait l’exclure complètement pour le 2°, relatif à la protection des lieux et des personnalités, y compris sans menace directe d’atteinte aux personnes. Cela ne rentre pas dans les missions de la police municipale. Même la protection d’un bureau de police municipale relèvera très vite du 1°.
Nous avons donc exclu l’extension des 2° et 3° qui concernent les tirs après sommation. Nous pensons qu’il faut aujourd’hui réserver ces dispositions à la police nationale et à la gendarmerie exclusivement.
Se pose ensuite le problème de l’interruption du périple meurtrier. Des terroristes ou des gangsters tirent de façon folle sur des individus qui passent devant eux, tuent et continuent à tuer. Les agents des forces de l’ordre peuvent tirer alors même qu’ils ne relèvent pas des dispositions de la légitime défense. En effet, s’ils ne sont pas visés ou si le délinquant ou le terroriste n’est pas en train de viser une personne, tout permet, toutefois, de penser que celui-ci a entamé un périple qui ne s’achèvera que par sa neutralisation.
Le 5°pourrait donc s’appliquer à la police municipale, tout comme aux agents de surveillance de la SNCF ou de la RATP, sur l’emprise desquelles peut se produire un tel périple.
Ce matin, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 21 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Il s’agit effectivement de deux sujets différents. Le Gouvernement est très attaché à maintenir l’équilibre de l’article 1er tel qu’il l’a rédigé. Pour autant, l’extension aux policiers municipaux de l’élément de légitime défense défini dans le 1° fait apparaître un risque de confusion.
Toutefois, nous devons entendre cette revendication des policiers municipaux. Même si leurs missions diffèrent de celles des membres de la police nationale ou de la gendarmerie, sur ce sujet, le débat mérite d’être poursuivi dans le cadre de l’échange entre les deux assemblées, pour aboutir à une position que je souhaite commune, afin que nous émettions un signal fort. C’est pourquoi, sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat au regard du choix qu’a fait, notamment, la commission des lois, lors de ses discussions très claires, même si je ne suis pas favorable au maintien de la rédaction issue des travaux de cette dernière et si je comprends bien les arguments invoqués. Il ne faut pas laisser paraître la moindre défiance envers les policiers municipaux et leurs missions.
En revanche, monsieur Buffet, le Gouvernement est clairement défavorable à votre amendement. Il ne souhaite pas étendre aux polices municipales le bénéfice du 5° de l’article 1er relatif au périple meurtrier.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je souhaite, mes chers collègues, que vous preniez un instant de réflexion sur l’extension du pouvoir d’intervention proposée par François-Noël Buffet pour les polices municipales.
Celles-ci comprennent des forces locales extrêmement différentes, mais elles sont toujours sous le commandement opérationnel d’un représentant du maire ou du maire lui-même et jamais sous celui de la police nationale. Seule une petite minorité d’entre elles dispose d’armes à feu.
J’appelle votre attention sur un point. En cas de périple meurtrier, lorsqu’elle est réalisée non pas par une formation commandée, mais par un policier isolé qui se trouve sur le lieu de l’action et prend l’initiative de poursuivre les meurtriers, l’intervention est conditionnée au fait que cet agent soit dans un réseau et qu’il ait été alerté par la radio ou par tout autre mode de transmission. On lui aura décrit le véhicule et indiqué qu’il pourrait se trouver sur le parcours.
Or, et pour encore plusieurs années, il n’existe pas de moyen de communication en temps réel entre police nationale et police municipale. Le réseau radio complètement polyvalent est encore en conception et celle-ci va demander du temps.
Il n’y a donc que des inconvénients à inscrire dans une loi, sur un sujet aussi sérieux, une éventualité qui n’a pas de chance de se produire. En raison des commentaires qui accompagneraient une telle décision, cela reviendrait à donner un signal très trompeur aux forces de police municipale dans les cinq à dix villes, au maximum, où cette possibilité pourrait être mise en œuvre.
On peut évidemment respecter les forces de police municipale et considérer qu’elles jouent un rôle important dans le maintien de la sécurité. Toutefois, autoriser un tir d’initiative sur un véhicule non identifié, à partir d’un phénomène de périple meurtrier dont la personne ne peut pas être informée ne me semble pas relever d’une bonne manière de légiférer.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 30 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Chapitre II
Protection de l’identité de certains agents intervenant dans les procédures pénales et douanières ainsi que des signataires de décisions administratives fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme
Article 2
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complétée par un article 15-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-4. – I. – Dans l’exercice de ses fonctions, tout agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut être autorisé à ne pas s’identifier par ses nom et prénom, dans les actes de procédure définis au troisième alinéa du présent I qu’il établit, lorsque la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de sa mission ou de la nature des faits qu’il est habituellement amené à constater, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.
« L’autorisation est délivrée nominativement par un responsable hiérarchique défini par décret. Copie en est transmise au procureur de la République territorialement compétent.
« Cette autorisation permet à son bénéficiaire de s’identifier par un numéro d’immatriculation administrative, sa qualité et son service ou unité d’affectation dans tous les actes de procédure portant sur un crime ou un délit.
« Le bénéficiaire de l’autorisation est également autorisé à déposer ou à comparaître comme témoin, au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement, et à se constituer partie civile, en utilisant ces mêmes éléments d’identification qui sont seuls mentionnés dans les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts. Il ne peut être fait état de ses nom et prénom au cours des audiences publiques.
« Le présent I n’est pas applicable lorsqu’en raison d’un acte commis dans l’exercice de ses fonctions, le bénéficiaire de l’autorisation est entendu en application des articles 61-1 ou 62-2 ou qu’il fait l’objet de poursuites pénales.
« I bis. – Le I est applicable aux agents mentionnés aux articles 28-1 et 28-2.
« II. – Les juridictions d’instruction ou de jugement saisies des faits ont accès aux nom et prénom de la personne qui s’est identifiée par un numéro d’immatriculation administrative dans un acte de procédure.
« Saisi par une partie à la procédure d’une requête écrite et motivée tendant à la communication du nom et du prénom d’une personne ayant bénéficié du I, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement décide des suites à donner à cette requête, après avis du ministère public et en tenant compte, d’une part, de la menace que la révélation de l’identité de cette personne ferait peser sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches et, d’autre part, de la nécessité de communiquer cette identité pour l’exercice des droits de la défense de l’auteur de la demande. Le procureur de la République se prononce dans les mêmes conditions lorsqu’il est fait application de l’article 77-2.
« En cas de demande d’annulation d’un acte de procédure fondée sur la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou sur l’inobservation des formalités substantielles dont l’appréciation nécessite la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I du présent article, le juge d’instruction, le président de la chambre de l’instruction ou le président de la juridiction de jugement statuent sans verser ces éléments au débat contradictoire ni indiquer les nom et prénom du bénéficiaire de cette autorisation dans leur décision.
« III. – Hors les cas prévus au deuxième alinéa du II, la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
« Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l’encontre du bénéficiaire de l’autorisation ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende.
« Lorsque cette révélation a entraîné la mort des personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent III, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende, sans préjudice, le cas échéant, de l’application du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
II. – Après l’article 55 du code des douanes, il est inséré un article 55 bis ainsi rédigé :
« Art. 55 bis. – Par dérogation au chapitre IV du titre II et au titre XII du présent code, les agents des douanes peuvent, sur autorisation d’un responsable hiérarchique défini par décret, être identifiés dans les actes de procédure, déposer, être désignés, comparaître comme témoins ou se constituer parties civiles en utilisant le numéro de leur commission d’emploi, leur qualité et leur service ou unité d’affectation, dans les conditions prévues à l’article 15-4 du code de procédure pénale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 2 introduit un dispositif d’anonymisation des policiers, gendarmes et agents des douanes dans les procédures pénales, sur décision d’un « responsable hiérarchique qui doit être d’un niveau suffisant, défini par décret ».
Nous sommes opposés à l’extension des dispositions déjà existantes en la matière. Les conditions posées pour autoriser l’anonymisation sont très extensives, et permettent potentiellement de l’envisager non pas de manière exceptionnelle, mais comme un mode d’exercice normal de l’activité policière.
En outre, le nouveau dispositif sera inefficace pour empêcher les agressions et les menaces contre les forces de l’ordre, auxquelles il apportera une protection illusoire.
Dans les faits, ce n’est pas à partir de la connaissance de l’identité de la personne dépositaire de l’autorité publique que les agressions sont généralement commises. Les exemples fournis dans l’étude d’impact du projet de loi le montrent bien : les policiers qui en sont victimes sont souvent rencontrés fortuitement sur leur lieu de vie ou suivis depuis leur lieu de travail.
Enfin, contrairement à ce qui est avancé dans l’étude d’impact, le dispositif choisi n’opère pas un juste équilibre entre la sécurité des forces de l’ordre et le respect des droits de la défense. Il peut être nécessaire à celle-ci de connaître l’identité de l’agent ayant procédé aux constatations, ayant témoigné ou s’étant constitué partie civile.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Vous méconnaissez, ma chère collègue, les menaces ou les pressions dont peuvent faire l’objet des policiers intervenant dans certaines procédures.
Ce dispositif existe dans d’autres pays d’Europe et n’est donc nullement en contradiction avec la Convention européenne des droits de l’homme. Il est systématique dans les pays qui ont connu un terrorisme endogène, comme l’Espagne, avec l’ETA, ou l’Irlande du Nord.
Il peut être nécessaire de protéger les agents contre des menaces, au moins lorsqu’il s’agit d’affaires en lien avec le terrorisme, le grand banditisme, ou des mafias organisées qui exercent des pressions.
Cela peut également s’imposer lorsque des délinquants bien moindres font preuve d’agressivité en étant capables d’une violence extrême, même pour des enjeux mineurs aux yeux de toute personne rationnelle.
Nous défendons cette disposition.
Cela dit, nous n’avons pas retenu la formulation « niveau suffisant », car il revient à l’autorité administrative de définir ce niveau. En général, il s’agit du directeur départemental de la sécurité publique ou du commandant du groupement de gendarmerie, non du chef immédiat.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que nous sommes dans un État de droit : à tout moment, les magistrats peuvent lever cet anonymat, qui n’est jamais définitivement établi par le pouvoir administratif sans restriction ou en violation des droits de la défense.
La commission émet un avis très défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Madame la sénatrice, « très extensives », « protection illusoire », vous permettrez que je réponde très précisément à vos critiques.
Ce dispositif de protection de l’identité a vocation à s’adresser à l’ensemble des fonctionnaires de police et des personnels civils et militaires de la gendarmerie dans le cadre d’une procédure pénale, abstraction faite de leur qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire.
L’étude d’une partie des incidents recensés en 2016 révèle que tous les agents concourant à une enquête pénale sont susceptibles d’être victimes de menaces ou de violences en raison de leurs fonctions. Dès lors, l’article 2 ne peut être considéré comme trop extensif.
De surcroît, le bénéfice de ce système de protection de l’identité est particulièrement encadré : l’autorisation d’y recourir ne peut être délivrée que lorsque la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou celle de ses proches à raison soit des conditions d’exercice de sa mission, soit de la nature des faits qu’il est habituellement amené à constater.
Dès lors, vous ne pouvez soutenir que le dispositif de protection de l’identité envisagé est conçu comme le mode d’exercice normal de l’activité policière.
Eu égard aux conditions mises en œuvre et aux garanties prévues, le dispositif envisagé dans l’article 2 paraît tout à fait proportionné à l’objectif poursuivi, raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le rapporteur, pour la suite de nos échanges, sachez que nous ne méconnaissons pas l’importance de la menace.
Comme pour tout risque, c’est à chacun de l’apprécier et d’apporter les réponses qu’il estime appropriées, fussent-elles différentes des vôtres. Ne pas être d’accord avec vous ne revient ni à méconnaître ni à sous-estimer les menaces, et encore moins à se désintéresser de la vie des fonctionnaires concernés.
En matière de débat politique, la question n’est pas celle de la connaissance ou de la méconnaissance des problèmes, mais celle de leur appréciation et des solutions à y apporter. C’est à la fois ce qui fait vivre notre démocratie et ce qui la préservera dans les prochaines années.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que l’on puisse comparer – mais peut-être vous êtes-vous quelque peu emporté – ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays et dans le monde avec ce qui a pu arriver par le passé au Pays basque, en Irlande du Nord ou ailleurs. Nous devons circonscrire nos propos à la menace et aux dangers qui pèsent actuellement sur notre pays.
Nous ne partageons pas votre avis, monsieur le ministre. Comme je l’ai souligné, cela fait plusieurs mois que nous discutons de cet équilibre, toujours délicat à trouver, entre sécurité des forces de l’ordre, respect des droits de la défense et respect des droits individuels et collectifs.
Il nous semble que l’article 2, tel qu’il est rédigé, fragilise cet équilibre. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression. Au-delà des échéances qui nous attendent, nous devrons poursuivre cette réflexion dans l’intérêt de la sécurité des personnes et de la défense des droits individuels et collectifs.
Mme la présidente. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase, et alinéa 16
Après les mots :
responsable hiérarchique
insérer les mots :
qui doit être d’un niveau suffisant,
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Cet amendement, qui vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, me semble assez cohérent avec la démonstration que vient d’apporter M. le rapporteur sur le niveau hiérarchique du responsable compétent pour délivrer l’autorisation.
Ce point constitue l’une des garanties essentielles du dispositif. Le Conseil d’État en a admis le principe à condition que la décision soit prise à un niveau hiérarchique élevé et que l’autorisation soit communiquée au procureur de la République.
Nous considérons qu’un simple renvoi à un décret ne garantit pas suffisamment le respect de cette condition que nous souhaitons rétablir dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement non pour une raison de principe, mais parce que cette disposition n’a pas grand-chose à faire dans la loi. La détermination du niveau hiérarchique compétent relève de la compétence du pouvoir exécutif.
Il ne s’agit pas d’une divergence de fond – le niveau retenu nous semble pertinent –, mais d’une question purement formelle. L’exécutif fera ce qu’il a à faire…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est donc un avis défavorable bienveillant ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Vandierendonck, Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 31 rectifié est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
puni d’au moins trois ans d’emprisonnement
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jacques Bigot. Il nous faut, là encore, faire preuve d’une extrême prudence et ne pas généraliser.
Je ne me suis pas rallié aux amendements de suppression, car je crois qu’il s’agit d’un vrai problème et qu’il faut autoriser l’anonymat des enquêteurs.
Nous pensons toutefois qu’il faut le limiter aux infractions graves, là où le risque est présent, c’est-à-dire aux crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. Il s’agit d’ailleurs du seuil de gravité à partir duquel une mise en détention provisoire peut être ordonnée.
Il nous semble assez logique de préciser que cette anonymisation ne peut être généralisée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 31 rectifié.
Mme Esther Benbassa. L’article 2, qui constitue également l’un des engagements pris par le ministre de l’intérieur au mois d’octobre dernier, élargit les conditions dans lesquelles les agents intervenant dans le cadre d’une procédure judiciaire peuvent protéger leur identité et faire mention, en lieu et place de leurs nom et prénom, d’un numéro d’identification, de leur qualité et de leur service ou unité d’affectation.
Cette disposition doit être envisagée avec beaucoup de sérieux, notamment parce que les conditions posées pour autoriser l’anonymisation sont très extensives et permettent potentiellement de l’envisager non de manière exceptionnelle – en raison de circonstances particulières liées à l’activité de tel ou tel agent –, mais comme un mode d’exercice normal de l’activité policière.
Nous considérons, à l’instar de nos collègues socialistes, que le bénéfice des dispositions relatives à l’anonymat des enquêteurs doit, a minima, être réservé aux crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Nous sommes d’accord avec les auteurs de ces amendements : l’anonymisation ne peut être générale, même si certains syndicats de policiers le réclament.
Pour autant, nous préférons autoriser les agents à bénéficier des dispositions relatives à l’anonymat non pas en fonction du quantum de peine, mais lorsque la révélation de leur identité serait susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de leur mission ou de la nature des faits qu’ils constatent habituellement, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celles de leurs proches. Il s’agit, pour nous, de la condition nécessaire et suffisante.
Même si nous aggravons les peines encourues en cas d’outrage ou de rébellion – ces faits sont l’expression d’une agressivité très personnalisée à l’encontre d’agents des forces de l’ordre –, elles resteront en deçà du quantum de trois ans. Les agents ne seront donc pas couverts par le dispositif d’anonymisation, alors même que le délinquant aurait pu formuler des menaces extrêmement précises et qu’il y aurait lieu de penser qu’il puisse passer à exécution.
Nous en sommes d’accord, je le répète, l’anonymisation ne peut être générale ; l’interprétation du critère de la menace par les services doit être rigoureuse, mais nous ne pensons pas qu’il faille ajouter cette condition systématique du quantum de peine.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Le Gouvernement ne peut qu’être favorable à ces amendements, qui visent à revenir à la rédaction initiale du texte.
Nous pensons que l’inscription d’un seuil est indispensable pour préserver l’équilibre du dispositif. Nous serons amenés à prolonger notre réflexion au cours des différentes lectures…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 31 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Chasseing, Milon, Reichardt, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, MM. Gremillet et Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et à l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 511-5 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent, sous leur numéro d’immatriculation administrative, leur qualité et leur commune d’affectation, être identifiés dans les actes de procédure, sur autorisation du maire, déposer, être désignés, comparaître comme témoins ou se constituer parties civiles en utilisant ces mêmes informations, dans les conditions et sous les réserves prévues à l’article 15-4 du code de procédure pénale et dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Le présent article vise à protéger l’identité des policiers et des gendarmes.
Compte tenu des objectifs affichés, ce dispositif est étendu aux agents de la douane judiciaire et aux agents des services fiscaux qui, même s’ils n’ont pas la qualité d’officiers de police judiciaire, disposent de prérogatives des enquêtes de police judiciaire à l’occasion desquelles ils peuvent être exposés aux mêmes menaces que les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie nationale.
Cette protection s’explique par leur statut, qui les lie à la police ou à la gendarmerie nationale, et n’est pas attaché à leur qualité et compétence judiciaires reconnues par le code de procédure pénale.
En effet, l’étude des incidents démontre que les victimes recensées ont été agressées à raison de leur appartenance aux forces de sécurité, sans considération aucune de leur qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire.
Dès lors, il apparaît nécessaire d’élargir également cette protection aux agents de police municipale qui peuvent être victimes d’agressions du simple fait de leur appartenance aux forces de sécurité de notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Vous savez, mon cher collègue, combien je suis attaché – je ne suis pas le seul au sein de la commission des lois – aux prérogatives et à la protection des agents de police municipale. Je pense qu’il n’est plus nécessaire de le démontrer.
Comme l’a souligné le ministre, cette disposition a d’abord été pensée pour protéger les agents des menaces dont ils pourraient faire l’objet dans le cadre d’affaires liées au terrorisme, puis au grand banditisme.
L’expérience montre que des policiers peuvent aussi être menacés dans le cadre de petits délits – même contraventionnels – par des personnes extrêmement agressives et objectivement dangereuses.
Pour autant, cette anonymisation, qui ne peut être générale, me paraît sans effet sur la petite délinquance de proximité, qu’il s’agisse des policiers nationaux de secteur ou des policiers municipaux, que les délinquants appellent parfois par leur prénom.
Nous risquerions alors d’entrer dans la généralisation, au risque de renverser l’équilibre du dispositif et de contrevenir à certains principes fondamentaux du droit, dont celui du respect des droits de la défense.
Je comprends les motivations des auteurs de cet amendement, dont je pense cependant que l’adoption serait sans effet pour les policiers municipaux et reviendrait à menacer le principe même de l’anonymisation : à vouloir trop l’étendre, on risque de réduire à néant ce dispositif nécessaire.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Je connais votre sincérité, monsieur le sénateur, et celle des signataires de cet amendement. Vous souhaitez apporter la meilleure protection possible aux agents des polices municipales.
Toutefois, compte tenu des conditions qui président à la mise en œuvre de cette procédure dérogatoire, son extension à ces agents ne serait pas cohérente avec la position du Gouvernement qui souhaite la réserver aux infractions les plus graves.
Comme je l’ai expliqué à l’instant, nous souhaitons qu’il ne puisse être dérogé aux règles du droit commun d’identification par les nom et prénom que dans le cadre d’actes de procédure portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement – même si j’ai bien conscience que votre assemblée vient de revoir ce seuil…
Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, les policiers municipaux n’ont pas compétence pour procéder à des actes de constatation ni, a fortiori, pour établir des actes d’enquête relatifs à ce type d’infraction.
En effet, si l’article 21 du code de procédure pénale leur reconnaît les attributions de police judiciaire sur le territoire de leur commune, leur compétence est limitée à certaines infractions relevant essentiellement du domaine contraventionnel – infractions aux arrêtés de police du maire, certaines contraventions au code de la route… – et qui ne sont pas susceptibles de les exposer au risque contre lequel le Gouvernement entend prémunir les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale appelés à constater tout crime et délit.
Je comprends votre souci, monsieur le sénateur, mais il ne paraît pas cohérent d’adopter cet amendement. Pour ces raisons, le Gouvernement y est donc défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Grand, l'amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Fontaine et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Chasseing, Milon, Reichardt, Legendre, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, M. Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 62-1 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou de la préfecture de leur département ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 62-1 du code de procédure pénale autorise les officiers et agents de police judiciaire et les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire concourant à une procédure à déclarer comme domicile l’adresse du siège du service dont ils dépendent.
Comme le souligne l’étude d’impact, la localisation est facilitée pour les militaires. Or cette possibilité est rendue inopérante par le fait que les familles sont logées sur le même site que l’unité de rattachement.
Il est donc proposé de compléter cet article par la faculté de domiciliation à l’adresse de la préfecture de département.
Cet amendement vise à protéger nos forces de sécurité – principalement les militaires – dans le cadre d’une procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’agression dans une caserne est tout de même moins aisée que dans les appartements diffus où sont logés la plupart des policiers.
Par ailleurs, si tant est que la domiciliation à la préfecture soit possible – il y a des objections juridiques et techniques fortes, notamment le risque de confusion entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire –, l’appartenance du gendarme à telle ou telle brigade n’est pas difficile à établir.
Les dispositions actuelles sont suffisamment protectrices. L’adoption de cet amendement poserait certaines difficultés, tout comme celle de l’amendement n° 13 rectifié bis, que vous vous apprêtez à défendre, mon cher collègue.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
L’article 62-1 du code de procédure pénale prévoit déjà la domiciliation au siège du service dont dépendent les agents, ce qui paraît suffisant pour garantir la protection de ceux-ci, y compris celle des gendarmes résidant habituellement sur le lieu de leur service.
De plus, la remise des plis qui sont adressés à ces agents peut difficilement dépendre d’un renvoi, diligent ou pas, par les services préfectoraux.
Enfin, la domiciliation à la préfecture du département de personnels pris en leur qualité d’officiers ou d’agents de police judiciaire serait susceptible d’entraîner une confusion entre les rôles respectifs de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire.
Le Gouvernement souhaite conserver la rédaction actuelle de l’article visé et vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Grand, l'amendement n° 10 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Fontaine et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Legendre, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 322-2 du code de la route, il est inséré un article L. 322-… ainsi rédigé :
« Art. L. 322-… – Pour la délivrance du certificat d’immatriculation de leurs véhicules personnels, les personnels visés aux articles 16 à 29 du code de procédure pénale sont autorisés à déclarer comme domicile l’adresse du siège du service dont ils dépendent. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 62-1 du code de procédure pénale autorise les officiers et agents de police judiciaire et les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire concourant à une procédure à déclarer comme domicile l’adresse du siège du service dont ils dépendent.
Il convient également de protéger les forces de sécurité en permettant l’utilisation de leur adresse professionnelle pour l’immatriculation de leurs véhicules personnels.
En effet, l’accès au système d'immatriculation des véhicules, ou SIV, est autorisé à de nombreux professionnels de l’automobile – garagistes, concessionnaires… L’identité et l’adresse personnelle d’un policier ou d’un gendarme pourraient ainsi être dévoilées à une personne ayant repéré la plaque d’immatriculation de son véhicule personnel et ayant des relations avec un garagiste peu scrupuleux.
Nous proposons que les éventuelles contraventions concernant ces véhicules soient reçues par le service dont ces agents dépendent, lequel se chargera de la transmission au contrevenant.
Il s’agit, là encore, d’une mesure de protection très attendue par nos forces de l'ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’accès au système d’immatriculation des véhicules est extrêmement restreint et garanti par une traçabilité totale. Nous avons déjà débattu de cette question au sein de cette assemblée quand nous avons défendu l’accès des polices municipales au fichier minéralogique.
La consultation du SIV ne peut entraîner aucun abus : tout agent public – y compris un membre de la direction départementale de la sécurité publique ou un préfet – qui utilise ce fichier peut être amené à justifier des raisons qui l’ont conduit à le consulter.
Par ailleurs, les garagistes y ont uniquement accès lorsqu’ils sont mandatés par leurs clients pour procéder à l’immatriculation.
Enfin, que se passerait-il si arrivaient dans les préfectures toutes les contraventions non seulement des fonctionnaires couverts par l’anonymisation, mais aussi de leurs conjoints ou de leurs enfants qui auraient utilisé un véhicule immatriculé au nom du policier ou du gendarme concerné ? Je vous laisse imaginer les difficultés pour gérer ce stock de contraventions, qu’il faudra adresser au titulaire de la carte grise dans les délais lui permettant de bénéficier de l’amende minorée… (Sourires.)
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Le Gouvernement partage totalement la première partie de la démonstration de M. le rapporteur, même s’il est aussi sensible à la seconde. (Sourires.)
C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Grand, l'amendement n° 13 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 13 rectifié bis est retiré.
Article 3
I. – L’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme sont prises dans des conditions qui préservent l’anonymat de leur signataire. Seule une ampliation de cette décision peut être notifiée à la personne concernée ou communiquée à des tiers, l’original signé, qui seul fait apparaître les nom, prénom et qualité du signataire, étant conservé par l’administration. »
II. – La seconde phrase de l’article L. 5 du code de justice administrative est complétée par les mots : « , du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ».
III. – Après le chapitre III bis du titre VII du livre VII du même code, il est inséré un chapitre III ter ainsi rédigé :
« Chapitre III ter
« Le contentieux des décisions administratives fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme
« Art. L. 773-9. – Les exigences de la contradiction mentionnées à l’article L. 5 sont adaptées à celles de la protection de la sécurité des auteurs des décisions mentionnées au second alinéa de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration.
« Lorsque dans le cadre d’un recours contre l’une de ces décisions, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prescrites par le même article L. 212-1 ou de l’incompétence de l’auteur de l’acte est invoqué par le requérant ou si le juge entend relever d’office ce dernier moyen, l’original de la décision ainsi que la justification de la compétence du signataire sont communiqués par l’administration à la juridiction qui statue sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni indiquer l’identité du signataire dans sa décision. » – (Adopté.)
Chapitre III
Dispositions diverses
Article 4
Avant le dernier alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le résultat d’une enquête réalisée en application du deuxième alinéa du présent article fait apparaître, le cas échéant après l’exercice des voies de recours devant le juge administratif dans les conditions fixées au neuvième alinéa, que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l’exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l’employeur peut engager à son encontre une procédure de licenciement dès lors qu’il n’est pas en mesure de lui proposer un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications. Cette incompatibilité constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.
« L’employeur peut décider, à titre conservatoire et pendant la durée strictement nécessaire à la mise en œuvre des suites qu’il entend donner au résultat de l’enquête qui lui est communiqué par l’autorité administrative, de retirer le salarié de son emploi, avec maintien du salaire.
« Le salarié peut contester, devant le juge administratif, l’avis de l’autorité administrative dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et, de même que l’autorité administrative, interjeter appel, puis se pourvoir en cassation, dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. La procédure de licenciement ne peut être engagée tant que la décision juridictionnelle n’est pas devenue définitive.
« Le présent article est applicable aux salariés des employeurs de droit privé, ainsi qu’au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ou régi par un statut particulier, recrutés ou affectés sur les emplois mentionnés au premier alinéa. » – (Adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
L’article L. 132-10-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le 4° du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À cet effet, ils peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information à caractère personnel liée au comportement de ces personnes en détention et aux modalités d’exécution de leur peine qu’ils jugent utiles au bon déroulement du suivi et du contrôle de celles de ces personnes dont le comportement est susceptible de constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics. » ;
2° Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne destinataire d’une telle information est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 5
À l’article L. 225-5 du même code, après les mots : « poursuites judiciaires », sont insérés les mots : « , fondées sur des faits qualifiés d’actes de terrorisme par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal et accompagnées de mesures restrictives ou privatives de liberté, ». – (Adopté.)
Article 6
L’article L. 613-12 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 613-12. – Les agents exerçant les activités mentionnées au 3° de l’article L. 611-1 ne peuvent être autorisés à être armés que lorsqu’ils assurent la protection d’une personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise les conditions dans lesquelles est délivrée l’autorisation d’être armé, celles dans lesquelles est vérifiée l’aptitude professionnelle des agents concernés, les catégories et types d’armes susceptibles d’être autorisés, les conditions de leur acquisition et de leur conservation et celles dans lesquelles les armes sont portées pendant le service et remisées en dehors du service. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 36 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Rivollier, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Évelyne Rivollier. Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui permet un encadrement législatif du port d’armes concernant certains agents de sécurité privée.
Cette disposition est inquiétante, car elle participe d’une dynamique rampante depuis quelques années, celle de la privatisation de la sécurité intérieure.
Le port et l’usage d’une arme doivent, selon nous, rester de la responsabilité d’un agent public formé à cet effet, garant de l’intégrité des personnes, représentant de la force publique et responsable devant la loi en tant que tel.
Nous ne souhaitons pas que des compagnies privées, donc des sociétés à but lucratif, à terme, complètent les dispositifs publics en matière de lutte contre la délinquance et de prévention des risques, notamment antiterroristes.
D’autre part, les magistrats nous alertent sur le fait qu’adopter cette disposition reviendrait à mettre le doigt dans l’engrenage dangereux de la généralisation de l’armement des agents de sécurité privée, lequel pourrait aller jusqu’à celui des agents de surveillance, absolument pas formés pour cela.
Or, nous le savons tous dans cet hémicycle, la multiplication du nombre d’armes à feu au sein d’un territoire ne fait pas bon ménage avec le principe de sécurité.
Nous soulignons une nouvelle fois que le manque de moyens ne peut justifier que l’État délègue son pouvoir régalien à des entreprises privées, dont la logique, et c’est leur droit, n’est pas la recherche du bien commun et de l’intérêt collectif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.
M. Jean-Noël Guérini. Comme le précise l'étude d’impact, l’article 6 vise à « rendre juridiquement possible l’armement d’agents privés de protection de l’intégrité physique des personnes dans les cas où cet armement est strictement nécessaire pour assurer la protection d’une personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie ».
Il est certain que la protection de l’intégrité physique de personnes exposées à des risques exceptionnels d’atteinte à la vie constitue une charge importante pour les forces de l’ordre qui les éloigne de leurs missions traditionnelles de sécurité publique.
Les auteurs de cet amendement considèrent cependant que des pistes alternatives devraient être explorées, dès lors qu’une telle disposition se heurte à la conception française du « monopole de la violence physique légitime » de l’État, matérialisée par les articles II et XII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État encadre très strictement les possibilités de déléguer des prérogatives de police.
Enfin, fidèle à cette conception, le législateur lui-même avait veillé à exclure la possibilité d’armer les personnels des entreprises exerçant une activité de protection de personnes – article 10 de loi du 12 juillet 1983 –, là où il l’autorisait pour les activités de gardiennage ou de transport de fonds.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 6.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements identiques.
Comment imaginer, au moment où il convient de décharger nos forces de sécurité de charges indues, que l’on affecte des agents de la police nationale ou de la gendarmerie à la protection de personnes privées – de grands patrons d’entreprises sensibles, par exemple.
Une surveillance de vingt-quatre heures sur vingt-quatre mobilise quatre policiers. Imaginez quels effectifs il faudrait dégager, aux frais du contribuable, pour assurer la protection de personnes privées qui ont les moyens de la financer !
En l’espèce, il s’agit simplement de permettre à des personnes qui pourraient disposer d’un port d’arme, dans la mesure où l’État reconnaît qu’elles sont objectivement menacées, de déléguer ce port d’arme à un tiers parfaitement qualifié et entraîné.
On est aujourd’hui dans un système très hypocrite, dans lequel les gardes du corps privés ne disposent pas d’un port d’arme à titre professionnel, mais se voient confiés à titre personnel des ports d’arme qu’ils utilisent à des fins professionnelles, ce que la loi ne prévoit pas. Cela se fait sans aucun contrôle.
Il est simplement proposé de retenir le dispositif qui est appliqué aux convoyeurs de fonds. Il existe en effet trois filières de sécurité privée : celles des convoyeurs de fonds, des gardes du corps, qui gardent les personnes, et des vigiles, qui gardent les lieux.
Vous ne demandez pas que la force publique assure le convoyage de fonds ! Pour ce faire, une filière est d’ores et déjà en place, avec des personnes formées sous l’égide du CNAPS, le Conseil national des activités privées de sécurité, et qui se voient ou non renouveler leur carte professionnelle. C’est un système qui fonctionne très bien ; il n’y a jamais eu de bavure.
Il convient donc de dupliquer cette organisation rigoureuse, contrôlée par l’État et le CNAPS, pour protéger les personnes et les lieux. C’est l’État qui décide d’une telle protection, à tel point d’ailleurs qu’il autorise déjà les entreprises à acheter des armes. Pour autant, les salariés ne sont autorisés à les utiliser que dans le cadre professionnel.
Je comprends que vous bloquiez intellectuellement, mes chers collègues, s’agissant de l’armement de la sécurité privée. Celui-ci existe aujourd'hui, et il convient de l’organiser et de le contrôler en assurant notamment une formation. Je le rappelle, c’est toujours l’État qui décide quelle personne ou quel lieu peuvent être protégés par des gardes armés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Madame la sénatrice, monsieur le sénateur, dans la mesure où ce débat nous accompagnera quelques jours, voire quelques mois ou quelques années, vous me permettrez de vous apporter une réponse extrêmement précise.
L’activité de protection de l’intégrité physique des personnes est déjà une activité privée de sécurité réglementée par le code de la sécurité intérieure. Il s’agit en l’occurrence de prévoir une modalité particulière à l’exercice de cette activité, en rendant l’armement possible dans des cas très rares où une personne est exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie et où sa protection armée est nécessaire.
Il ne s’agit en aucune façon de déléguer des prérogatives de police de manière générale et non encadrée. Ni le Conseil constitutionnel ni le Conseil d’État n’ont interdit à des acteurs privés de se voir confier des missions concourant à la sécurité des personnes et des biens, dès lors que les conditions d’exercice de ces missions sont encadrées par la loi. C’est l’objet du livre VI du code de la sécurité intérieure.
Les garanties relatives à l’exercice de ces activités n’ont d’ailleurs cessé de croître ces dernières années : création du CNAPS en 2012 en tant qu’organe de contrôle et encadrement des organismes de formation à la sécurité privée en 2015, avec des obligations de formation continue.
Je tiens à le souligner, la protection policière, malgré son coût financier et humain particulièrement lourd, n’a pas vocation à disparaître. Pour autant, dans un contexte particulier où l’évolution de la menace conduit les forces de l’ordre à protéger un nombre croissant de personnalités de la société civile, il paraît indispensable que nous autorisions d’autres régimes de protection armée.
Par ailleurs, le droit permet aujourd'hui à des personnes menacées d’un risque exceptionnel de bénéficier elles-mêmes du droit de porter une arme pour se défendre. Mais nous pensons que ce régime n’est pas entièrement satisfaisant. Porter une arme, c’est un métier : c’est tout le sens de l’article 6 du présent texte.
Depuis de nombreuses années, un nombre limité d’autorisations de port d’arme a été délivré à des accompagnateurs de personnalité dans des conditions juridiques insatisfaisantes qu’il faut aujourd'hui clarifier. Tel est l’objet du dispositif proposé par le Gouvernement : l’exercice armé de protection physique des personnes donnera lieu à la délivrance d’une nouvelle carte professionnelle, créée par voie réglementaire. L’armement sera limité et l’usage de l’arme ne pourra se faire que dans le cadre de la légitime défense.
L’analyse du risque exceptionnel d’atteinte à la vie relèvera de la compétence du ministre de l’intérieur. L’autorisation du port d’armes par le ministre de l’intérieur concernera la protection d’une personnalité identifiée. L’agent privé ne pourra porter l’arme que pour l’exercice de cette mission.
De nombreuses garanties ont par ailleurs été prévues quant à l’aptitude professionnelle des agents, qui devront suivre des programmes de formation initiale et continue, notamment concernant le maniement des armes. De plus, l’administration exigera la production d’un certificat médical et s’assurera que le comportement du demandeur n’est pas incompatible avec l’usage d’une arme.
Je souhaitais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous apporter ces précisions, le débat étant loin d’être mineur aux yeux du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle tous les principes nécessaires à l’encadrement de cette activité ont été mis en œuvre.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 36 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel après l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Grosdidier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le 1° de l’article L. 611-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis À faire assurer par des agents armés l’activité mentionnée au 1° lorsque celle-ci est exercée dans des circonstances exposant ces agents, ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés, à un risque exceptionnel d’atteinte à leur vie ; »
2° Après le premier alinéa de l’article L. 612-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice de l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 est exclusif de toute autre activité. » ;
3° Après l’article L. 612-9, il est inséré un article L. 612-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 612-9-1. – L’autorisation prévue à l’article L. 612-9 ne peut être délivrée en vue de l’exercice de l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 à un demandeur qui ne justifie pas de l’emploi d’agents disposant d’une aptitude professionnelle spécifique ainsi que d’une organisation et d’équipements propres à garantir la sécurité du port et de la conservation des armes.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
4° Après la section 1 du chapitre III, est insérée une section 1° bis ainsi rédigée :
« Section 1° bis : Activités de surveillance armée
« Art. L. 613-7-1. – Toute mission exercée dans les conditions prévues au 1° bis de l’article L. 611-1, dans un lieu déterminé et pour une durée donnée, par une personne titulaire de l’autorisation mentionnée à l’article L. 612-9-1, nommément désignée, est soumise à l’autorisation préalable du représentant de l’État dans le département.
« Art. L. 613-7-2. – Sans préjudice des dispositions des articles L. 612-7 et L. 612-20, nul ne peut exercer l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1, comme employé ou comme dirigeant, s’il est interdit d’acquisition ou de détention d’armes en application des articles L. 312-3, L. 312-3-1, L. 312-10 et L. 312-13.
« Art. L. 613-7-3. – Les articles L. 613-1, L. 613-2, L. 613-3 et L. 613-4 sont également applicables aux personnes exerçant l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1. »
5° Après le 2° de l'article L. 617-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis Le fait d'exercer l'activité mentionnée au 1° bis de l'article L. 611-1 et d'avoir une autre activité ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle filière d’activité privée de sécurité permettant une surveillance par des agents de sécurité armés de lieux, quand les circonstances exposent ces agents, ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés, à un risque exceptionnel d'atteinte à leur vie.
À l’instar des autres activités privées de sécurité, l’exercice de cette activité serait exclusif de toute autre activité. Les sociétés devraient justifier de l’emploi d’agents disposant d’une aptitude professionnelle spécifique, ainsi que d’une organisation et d’équipements propres à garantir la sécurité du port et de la conservation des armes, sous le contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité.
Enfin, l’exercice d’une telle activité s’effectuerait sous le contrôle étroit de l’État, puisque le préfet serait la seule autorité habilitée à estimer qu’un lieu pourrait justifier, compte tenu des risques auxquels il serait exposé, d’avoir recours aux services d’une société de sécurité disposant d’agents armés.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à un vide juridique s’agissant de la protection des lieux. Certaines entreprises sensibles sont protégées par des agents armés à titre personnel, sans qu’aucun texte n’établisse l’exercice professionnel. Certes, une loi de 1983 avait prévu une telle disposition, mais celle-ci renvoyait à un décret qui n’a jamais été publié au cours des trente-trois dernières années.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que, entre-temps, la loi a permis à des entreprises d’acheter des armes pour les mettre à disposition de leur personnel ou de salariés de sociétés prestataires. Je pense notamment à AREVA ou Disneyland, qui gèrent de façon empirique leur sécurité avec des gardes armés. Par souci de cohérence, il convient d’appliquer aux vigiles de lieux désignés par l’État ce qui existe depuis longtemps pour les convoyeurs de fonds et ce que nous venons de décider pour les gardes du corps.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez de nouveau d’être extrêmement précis en la matière. Je sais en effet que le débat se poursuivra au cours de nos échanges.
Monsieur le rapporteur, vous proposez la création d’une nouvelle activité privée de sécurité, à savoir la surveillance armée. Il s’agit de la possibilité de faire surveiller certains lieux par des agents de sécurité armés lorsque cette surveillance est réalisée dans des circonstances exposant ces agents ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés à un risque exceptionnel d’atteinte à leur vie.
Je souhaite d’abord rappeler que la législation sur la sécurité privée prévoit de longue date la possibilité d’armer les agents privés exerçant des activités de surveillance ou de gardiennage. L’article 10 de la loi du 12 juin 1983 réglementant les activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection physique des personnes prévoyait que les personnels des entreprises de surveillance et de gardiennage, comme ceux des entreprises de transport de fonds, puissent être armés dans des conditions fixées par voie réglementaire. Cette disposition existe toujours à l’article L. 613-5 du code de la sécurité intérieure, mais cette possibilité d’armement des agents de surveillance et de gardiennage n’a pas été mise en œuvre jusqu’à présent, à de rares exceptions près, faute de cadre réglementaire adapté. La réforme que vous proposez ne vise donc pas à créer un cadre nouveau : elle s’inscrit dans un cadre préexistant.
Une telle évolution a du sens et peut répondre à un besoin réel dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons. Votre proposition intervient cependant alors que des débats techniques sur cette question ont lieu depuis maintenant près d’un an. Juridiquement, une telle réforme aurait pu se faire par voie réglementaire. C’est d’ailleurs ce qu’avait signifié mon prédécesseur à la fin de l’année dernière, lors des assises de la sécurité privée.
Toutefois, votre initiative est la bienvenue, dans la mesure où elle ouvre un débat parlementaire sur cette question sensible.
En outre, l’intervention du législateur offre la possibilité d’apporter à la réforme proposée un encadrement supplémentaire par rapport à l’état du droit, dont certains éléments sont de niveau législatif.
D’une part, la réforme serait circonscrite dans son champ d’application : avec le critère de risque exceptionnel d’atteinte à la vie, elle ciblerait clairement les cas où une menace terroriste serait identifiée. Il ne s’agit pas d’autoriser n’importe où, dans n’importe quelle condition, la présence d’agents armés.
D’autre part, le dispositif serait doublement régulé, non seulement par le contrôle d’une filière professionnalisée et consacrée exclusivement à cette activité, mais aussi par l’intervention de l’autorité administrative pour apprécier au cas par cas la nécessité d’une surveillance armée.
Il s’agit donc d’une proposition plutôt équilibrée correspondant à un besoin avéré. Pour autant, ce sujet lourd de sens mérite que se poursuive le débat démocratique. La réflexion devra par conséquent se prolonger à l’Assemblée nationale, pour identifier les points qui mériteraient d’être encore renforcés.
Au regard de ces différents éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 6 bis (nouveau)
La section 2 du titre XV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-25-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-25-2. – Le procureur de la République de Paris, pour les procédures d’enquête ouvertes sur le fondement d’une ou plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 dont il s’est saisi, peut, d’initiative ou à leur demande, communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure copie des éléments de toute nature figurant dans la procédure et nécessaires à l’exercice de leurs missions en matière de prévention du terrorisme.
« Le premier alinéa du présent article est également applicable aux procédures d’information ouvertes au tribunal de grande instance de Paris sur le fondement d’une ou plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du présent code. Le juge d’instruction chargé de l’information peut communiquer, d’initiative ou à la demande de ces mêmes services, copie des éléments de toute nature figurant au dossier d’information, après avis du procureur de la République de Paris.
« Les informations communiquées en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Les agents des services mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure destinataires des informations communiquées en application du présent article sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 6 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du titre XV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 706-25-4, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 et L. 225-7 » ;
2° Au quatrième alinéa de l’article 706-25-6, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 ou L. 225-7 » ;
3° Au quinzième alinéa de l’article 706-25-7, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 ou L. 225-7 » ;
4° Au 2° de l’article 706-25-9, les mots : « à l’article L. 224-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 224-1 et L. 225-7 ».
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Les lois du 3 juin 2016 et du 21 juillet 2016 ont introduit dans notre législation un nouveau régime de contrôle administratif des personnes de retour d’un théâtre étranger d’opérations de groupements terroristes. Les services de renseignement les appellent communément les « returnees ». L’encadrement de ces retours est une garantie indispensable à la préservation de notre sécurité nationale.
Le dispositif proposé n’a vocation à s’appliquer qu’aux personnes non prises en compte par l’autorité judiciaire, part résiduelle sur l’ensemble des revenants, donc aux personnes contre lesquelles des éléments de participation à des faits à caractère terroriste n’ont pu être réunis. Ce régime prévoit la possibilité d’imposer différentes obligations – assignation à résidence des personnes en cause, déclaration de domicile et de changement de domicile, interdiction d’entrer en relation avec d’autres individus –, le respect de celles-ci étant sanctionné pénalement par une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Or, contrairement à ce qui est prévu pour d’autres mesures de police administrative prises dans le cadre de la lutte antiterroriste telles que les interdictions de sortie du territoire, la législation ne prévoit pas d’inscrire les personnes s’étant soustraites aux obligations de contrôle administratif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le FIJAIT. Pourtant, une telle inscription est de nature à assurer une continuité dans le suivi et l’évaluation de la dangerosité de ces personnes.
En effet, l’inscription à ce fichier emporte de nouvelles obligations pour les personnes concernées : elles sont soumises à une obligation de déclaration de changement de domicile ou de déplacement à l’étranger, autant d’informations précieuses dans le suivi opéré par nos services de sécurité.
L’adoption du présent amendement, qui vise à permettre l’inscription au FIJAIT des individus condamnés pour non-respect des obligations fixées par le ministre de l’intérieur, par une décision elle-même soumise au contrôle du juge, offrirait aux services de sécurité un moyen de contrôle et de suivi complémentaire à l’égard des personnes ayant effectué ou tenté d’effectuer un séjour sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Les personnes condamnées pour non-respect de leurs obligations résultant d’une interdiction de sortie du territoire font d’ores et déjà l’objet d’une inscription au FIJAIT. Il est donc cohérent d’étendre cette inscription aux personnes condamnées pour non-respect des obligations de contrôle administratif s’appliquant aux personnes de retour des théâtres d’opérations de groupements terroristes.
La commission est par conséquent favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.
Article 6 ter (nouveau)
À la première phrase du premier alinéa de l’article 698-6 du même code, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre » et le mot : « huit » est remplacé par le mot : « six ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 6 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par M. Grosdidier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : « ou de retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle » ;
2° Après la deuxième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire, le contrevenant est tenu de demeurer à la disposition d’un agent mentionné au premier alinéa. La violation de cette obligation est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur. Cet amendement tend à répondre aux préoccupations de Jean-Pierre Grand. Il vise à apporter des précisions sur la procédure suivie par les agents de police municipale lorsqu’ils relèvent l’identité des contrevenants. Il est ainsi prévu que ces derniers doivent demeurer à la disposition des agents de police municipale pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire territorialement compétent. Cette obligation est assortie d’une sanction.
Il s’agit également de préciser que les agents de police municipale conduisent l’auteur de l’infraction devant l’officier de police judiciaire ou le retiennent le temps nécessaire à l’arrivée de celui-ci, s’ils en reçoivent l’ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Monsieur le rapporteur, l’ajout que vous prévoyez d’introduire dans le texte correspond à un alignement des prérogatives des policiers municipaux sur celles dont disposent les agents assermentés des exploitants des services de transport, à savoir les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
À cet égard, il me semble en effet souhaitable que le régime applicable aux policiers municipaux ne se situe pas en deçà de ce que la loi permet pour ces agents assermentés.
Votre proposition me paraît en outre de nature à renforcer l’efficacité de l’action des policiers municipaux lorsqu’ils constatent des contraventions relevant de leur compétence. Elle tend à préciser les rôles respectifs de la police municipale et des autorités de police judiciaire dans de telles situations. Elle respecte enfin les droits des personnes concernées, puisque la retenue ne pourra s’exercer qu’à l’égard de contrevenants refusant de justifier de leur identité et pour une durée nécessairement brève, dès lors que la loi prévoit déjà que l’officier de police judiciaire doit être immédiatement informé du refus ou de l’impossibilité d’un contrevenant de justifier de son identité.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 21 du même code est ainsi modifié :
1° Le 1°ter est complété par les mots : « et les membres de la réserve civile de la police nationale qui ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 20-1 » ;
2° Le 1° sexies est abrogé.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Depuis le renforcement de la menace terroriste voilà plus de deux ans, les fonctionnaires de la police nationale sont soumis à une très forte pression et à un haut degré de mobilisation sur l’ensemble du territoire national. Pour les aider à y faire face, il a été décidé de s’appuyer plus largement sur les membres de la réserve civile de la police nationale, composée notamment de policiers retraités et de volontaires.
Par la loi du 21 juillet 2016, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez déjà élargi le vivier de recrutement des réservistes, en l’étendant aux anciens adjoints de sécurité. Le présent amendement s’inscrit dans la même démarche. Les membres de la réserve civile de la police nationale ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint, ou APJA. À l’heure actuelle, leurs prérogatives sont à ce titre extrêmement restreintes, en comparaison notamment avec celles d’autres agents de la police judiciaire adjoints, tels que les adjoints de sécurité ou les réservistes de la gendarmerie nationale. Ces membres sont ainsi limités dans leur possibilité de procéder à des contrôles d’identité, à la visite de véhicules ou à la fouille de bagages. Une telle restriction de leurs compétences restreint le soutien qu’ils peuvent apporter aux fonctionnaires actifs et ne leur permet pas de jouer pleinement leur rôle.
En 2011, dans le cadre de la LOPPSI 2, les militaires de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale s’étaient vu reconnaître les mêmes prérogatives d’agents de police judiciaire adjoints que les gendarmes adjoints volontaires.
Il est donc proposé de réaliser la même évolution pour les membres de la réserve civile de la police nationale ne relevant pas de l’article 20-1 du code de procédure pénale, en les intégrant au 1° ter de l’article 21 de ce même code qui vise actuellement les seuls adjoints de sécurité, et en supprimant corrélativement le 1° sexies. Ces personnes auraient ainsi les mêmes prérogatives que les militaires servant au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et que les adjoints de sécurité de la police nationale, ce qui n’est pas incohérent s’agissant, pour certains d’entre eux, d’anciens adjoints de sécurité. Ils pourront, de cette manière, contribuer de manière plus effective et efficace à la mobilisation des forces de la police nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’extension des prérogatives d’APJA aux membres de la réserve civile de la police nationale, lesquelles seront alignées sur celles dont bénéficient les membres de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, nous paraît cohérente, dans un contexte de forte mobilisation des forces de l’ordre et au regard de la nécessité d’un traitement équivalent des deux forces placées sous l’autorité du ministre de l’intérieur. La commission est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale est complété par les mots : « mais également pour rédiger un rapport lors de la constatation d’une infraction pénale ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L'article 78-6 du code de procédure pénale prévoit que les policiers municipaux, en qualité d’agents de police judiciaire adjoints, sont habilités à relever l’identité des contrevenants.
Ce relevé d’identité est uniquement autorisé pour dresser les procès-verbaux concernant des contraventions aux arrêtés de police du maire, des contraventions au code de la route que la loi et les règlements les autorisent à verbaliser, ou des contraventions qu’ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse.
Cette liste limitative ne permet donc pas aux policiers municipaux de procéder à un relevé d’identité en vue de la rédaction d'un rapport lors de la constatation d’une infraction pénale. Par cet amendement, il est proposé de les y autoriser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Je comprends et partage pleinement votre préoccupation, mon cher notre collègue. Toutefois, le cadre constitutionnel nous contraint à une grande prudence en la matière.
Dans le cadre de l’examen de ce texte, j’ai été particulièrement sensible à la question des policiers municipaux, qui constituent, je l’ai dit, la troisième force de sécurité intérieure de notre pays, ce qui m’a conduit à proposer les amendements que nous venons d’adopter.
Faut-il aller plus loin ? Je le crois ! Il me semblerait parfaitement logique, notamment pour certaines infractions – je pense notamment aux infractions aux arrêtés de stationnement qui relèvent des compétences du maire –, que les policiers municipaux puissent constater celles-ci par eux-mêmes, sans passer par le filtre de l’officier de police judiciaire, et en rendre compte directement au parquet.
Je reprendrai l’exemple que j’ai cité en commission, à savoir la verbalisation de contrevenants à la suite d’un arrêté municipal interdisant la fréquentation d’un square après 22 heures. L’amende n’étant pas forfaitaire, les forces de l’ordre, à savoir les policiers nationaux, sont contraintes d’entendre la totalité des contrevenants ou leurs parents, si les contrevenants sont mineurs, pour boucler la procédure avant de la transmettre au parquet. Il s’agit là d’une charge dénoncée comme indue par la police nationale.
La LOPPSI allait beaucoup plus loin, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que, les policiers municipaux étant sous les ordres du maire, une telle disposition méconnaissait le principe constitutionnel d’indépendance de l’autorité judiciaire.
Je le rappelle, le Conseil constitutionnel avait déclaré inconstitutionnelles des mesures visant à donner aux policiers municipaux des prérogatives d’OPJ, au motif que ces agents ne relevaient pas de l’autorité judiciaire.
Il semble donc difficile, aujourd'hui, d’aller plus loin. Certes, les infractions aux arrêtés municipaux pourraient sans doute faire l’objet d’une telle évolution. Cela paraît déjà plus difficile pour ce qui concerne les contraventions au code de la route, même si l’utilité pratique est évidente. On ne peut en effet mettre en fourrière un véhicule qu’en présence d’un OPJ. D’ores et déjà, au sein de la police nationale, les plus faiblement gradés ont la qualification d’OPJ uniquement pour le code de la route. Dès lors, est-il définitivement impossible pour les polices municipales d’accéder à une telle prérogative ? Je n’en suis pas persuadé !
En revanche, je suis sceptique pour ce qui concerne d’autres délits concernant davantage l’application des lois et les attributions de la police nationale.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pourrez-vous travailler rapidement, au sein de la commission consultative des polices municipales, que j’ai l’honneur de présider depuis quelque temps – elle a mis en place des groupes de travail sur des sujets thématiques –, sur la qualification judiciaire des policiers municipaux, afin de répondre au problème soulevé avec beaucoup de pertinence par mon collègue ? Je transmettrai cette même question à M. le ministre de la justice. Elle mérite d’être traitée dans des délais rapides, non seulement pour permettre une plus grande efficacité de la police municipale, mais aussi pour décharger la police nationale de charges indues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Si je demande également le retrait de cet amendement, je me range à la proposition de M. le rapporteur : il convient de travailler dans le cadre de la commission consultative des polices municipales, pour examiner ensemble les sujets évoqués.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Grand ?
M. Jean-Pierre Grand. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de cette proposition.
Je souhaite évoquer, pour appuyer mes précédents propos, un cas concret. J’ai assisté à l’arrestation par la police municipale de voleurs. Ce soir-là, pour des raisons évidentes, les gendarmes étaient complètement débordés. Ils ont donc demandé aux délinquants de se présenter le lendemain à la gendarmerie, ce que ceux-ci ont fait, sans doute pris de remords.
À mon sens, il aurait été préférable que les policiers municipaux puissent récupérer plus tôt l’identité des délinquants. Ce qui s’est passé une fois ne se reproduira pas, s’agissant des gens du voyage…
Cela étant, je retire mon amendement.
M. François Grosdidier, rapporteur. Mon cher collègue, l’amendement que nous avons adopté précédemment permet de retenir les personnes avant l’arrivée de l’OPJ territorialement compétent ou de les conduire auprès de celui-ci. Force est de le constater, nous avançons !
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premiers alinéas des I, II et III de l’article 78-2-2, au premier alinéa de l’article 78-2-3 et au premier alinéa du I de l’article 78-2-4 du code de procédure pénale, la référence : « et 1° ter » est remplacée par les références : « , 1° ter et 2° ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L'article 78-6 du code de procédure pénale prévoit que les policiers municipaux, en leur qualité d’agents de police judiciaire adjoints, sont uniquement habilités à relever l'identité des contrevenants dans le but de dresser certains procès-verbaux.
Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, le policier municipal en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant. À défaut de cet ordre, il ne peut retenir ce dernier.
Afin d’optimiser la qualité des services rendus par les policiers municipaux, il est proposé d’autoriser ces derniers à effectuer différents contrôles sous l’autorité d’un officier de police judiciaire et sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour le laps de temps que ce magistrat détermine. Il s’agit uniquement d’étendre les dispositions déjà applicables pour les adjoints de sécurité.
La rédaction proposée ne contrevient pas à l’intervention du procureur de la République.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dont les dispositions devront également être examinées par la commission consultative précédemment évoquée.
Il s’agit là, en effet, de dispositions censurées par le Conseil constitutionnel après l’adoption de la LOPPSI. Pour autant, cet amendement soulève de vrais problèmes, qu’il faudra traiter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Dans ces conditions, je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Vandierendonck, Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le sixième alinéa de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après la référence : « L. 613-3 », sont insérés les mots : « ou à la surveillance de l’accès à un bâtiment communal » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Ils peuvent également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Dans le droit fil de ce que nous avons déjà prévu, il s’agit de permettre aux policiers municipaux de faire ce que des agents de sécurité privée sont d’ores et déjà autorisés à faire.
Les policiers municipaux, qui assurent parfois, à la demande du maire, des opérations de sécurité lors de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, ne peuvent pas procéder à des palpations.
Par cet amendement, il s’agit de remédier à une telle situation. Cette mise en cohérence permettra de prendre en considération l’activité effective des polices municipales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission soutient totalement cet amendement. C’est bien le moins que les policiers municipaux bénéficient des mêmes prérogatives que les agents de sécurité des transports publics ou que des agents privés de sécurité dans des manifestations privées.
L’avis de la commission est donc très favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Il nous est proposé de renforcer l’efficacité du dispositif actuel.
Le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suivrai la commission et le Gouvernement.
Toutefois, j’observe que l’objet de l’amendement mentionne des « palpations de sécurité avec le consentement exprès de la personne concernée », en soulignant que cette « possibilité est déjà prévue pour les agents privés de sécurité et les membres de services d’ordre affectés par un organisateur à la sécurité de telles manifestations. »
Ne pensez-vous pas qu’il s’agisse d’un coup d’épée dans l’eau ? Il est évident que des personnes ayant l’intention de faire un mauvais coup refuseront la palpation ; ceux qui l’accepteront seront ceux qui n’auront rien à se reprocher. Ne sommes-nous donc pas en train de perdre notre temps en légiférant ainsi ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, M. Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale, les agents de police municipale peuvent, sur décision du maire et sur l’instruction de l’officier de police judiciaire territorialement compétent, effectuer des contrôles de véhicules ou de personnes lors de circonstance exceptionnelle et dans un périmètre préalablement identifié. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Troisième force de sécurité, les polices municipales ne peuvent pas être ignorées dans le présent projet de loi.
Actuellement, les policiers municipaux sont activement sollicités dans le cadre de la sécurisation des manifestations sportives, culturelles ou récréatives, mais aussi pour renforcer la sécurité aux abords des établissements scolaires, établissements publics et lieux de cultes.
Afin d’optimiser la qualité des services qu’ils rendent, il est proposé de les autoriser à effectuer sous conditions des contrôles de véhicule sans infraction préalable ou de personnes lors de circonstances exceptionnelles.
La rédaction plus complète et encadrée proposée par cet amendement permet de répondre à la censure précédente du Conseil Constitutionnel.
Dans une décision de 2011, le Conseil a en effet censuré un article de la loi LOPPSI 2, au motif qu’il « résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Cet amendement se heurte, lui aussi, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel que j’évoquais.
En outre, sa rédaction présente, me semble-t-il, deux inconvénients majeurs.
D’une part, le texte de l’amendement fait référence à une décision du maire et à l’instruction de l’officier de police judiciaire territorialement compétent. Que se passe-t-il si cette décision et cette instruction, qui ne relèvent pas de la même autorité, divergent ? Certes, je sais que l’on essaie souvent de les faire converger. Mais nous sommes toujours face au problème constitutionnel auquel je faisais référence. On peut juger la jurisprudence contestable, mais il faudra retravailler pour apporter à l’avance les réponses aux questions soulevées par le Conseil constitutionnel.
D’autre part, les termes « contrôles de véhicules ou de personnes » sont trop imprécis, et ne relèvent pas du code de procédure pénale. D’ailleurs, la possibilité offerte serait beaucoup plus large que la faculté dont dispose la police nationale. Les notions qui figurent dans le code sont celles de contrôle d’identité, de fouilles, de palpations, de contrôle de la plaque d’immatriculation…
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. Les sujets qui y sont abordés doivent s’inscrire dans le travail plus global sur la qualification judiciaire et les prérogatives des policiers municipaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je profite de l’occasion pour répondre à l’objection que M. Vasselle a soulevée voilà quelques instants.
Il est évidemment possible de refuser des palpations. Mais cela peut aussi justifier l’interdiction d’accès à certains périmètres que les forces de l’ordre veulent sécuriser. Ainsi, la volonté de se soustraire à un contrôle à l’entrée d’une fan zone peut valoir interdiction d’y pénétrer.
Mme la présidente. Monsieur Grand, l'amendement n° 6 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié bis est retiré.
Article 7
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 433-5 est ainsi modifié :
a) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende » ;
2° (nouveau) L’article 433-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « deux ans d’emprisonnement et de 30 000 » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « deux ans d’emprisonnement et de 30 000 » sont remplacés par les mots : « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Gabouty et Détraigne, Mme Loisier, MM. Capo-Canellas, Médevielle et Longeot, Mmes Joissains et Férat, MM. D. Dubois, Roche, Cigolotti, Bockel, Tandonnet, M. Mercier et Maurey, Mme Billon, MM. J.L. Dupont et Canevet, Mme Létard, MM. Vogel, Kennel, A. Marc, Legendre et Reichardt, Mme Keller, MM. Doligé et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Bignon, Danesi et J.P. Fournier, Mme Duchêne, MM. Lemoyne, Laménie, Joyandet, Mandelli, Grand et Chasseing, Mme Deromedi, M. Gremillet, Mme Hummel, MM. Pellevat et César, Mmes Duranton, Gruny et Garriaud-Maylam et MM. Perrin, Raison et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont considérés comme dépositaires de l'autorité publique les représentants de l’État et des collectivités territoriales, les représentants de la force publique et les agents exerçant une fonction de police, les officiers ministériels lorsqu’ils exercent les fonctions pour lesquelles ils ont été investis, les fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité définies par la loi ou le règlement. » ;
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Le présent amendement vise à inscrire dans la loi les personnes dépositaires de l’autorité publique. Sur la base de la jurisprudence, une liste exhaustive peut en être dressée. Il s’agit notamment de faire reconnaître par la loi cette qualité aux maires et aux adjoints au maire.
Après les agressions répétées subies par des maires et le reclassement de certains délits en contraventions, il semble urgent d’accompagner les élus dans l'exercice de leurs fonctions et de confirmer ainsi que l’aggravation des peines proposée par le présent texte concerne également les outrages aux maires et aux adjoints au maire.
Je pense connaître l’avis de la commission et du Gouvernement. Néanmoins, par cet amendement, nous tenons à faire clairement apparaître les maires et adjoints au maire, entre autres, comme relevant de la qualification de « personnes dépositaires de l’autorité publique ». Car, comme l’indique l’excellent rapport de François Grosdidier, cette notion n’est pas précisément définie par la loi ; elle est uniquement basée sur la jurisprudence.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, au vu du nombre de cosignataires de cet amendement, vous pouvez mesurer le besoin de rassurer nos collègues maires quant à leur protection. De plus, une telle mesure permettrait d’éviter de devoir faire appel à la jurisprudence plutôt qu’à la loi, comme cela s’est passé lors de procès récents.
Ne l’oublions pas, les maires sont amenés à remplir cette fonction vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an. Et la Haute Assemblée est censée les représenter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, même si elle partage totalement la préoccupation de ses auteurs.
La qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique est aujourd'hui systématiquement reconnue aux maires ou aux adjoints au maire par la jurisprudence.
Mon cher collègue, je sais qu’il y a récemment eu un cas d’agression d’un maire dans votre région. Alors que cet édile se trouvait dans une manifestation publique et qu’il était évident pour tout le monde qu’il se trouvait là en tant que maire, le tribunal ne lui a pas reconnu cette qualité, considérant qu’il intervenait comme président d’une association foncière.
J’ignore si cette jurisprudence a été confirmée en appel et si elle le serait en cassation. Je vous l’avoue, en tant que membre représentant de l’Association des maires de France, elle me choque ; j’espère qu’elle sera infirmée.
Cela étant, même en cas d’établissement d’une liste limitative des personnes dépositaires de l’autorité publique, cette qualité ne serait pas reconnue, par exemple, à un maire ou à un adjoint au maire injurié ou agressé par son voisin dans un litige de voisinage. Dans ce cas, c’est en tant que personne privée que l’élu a maille à partir avec son voisin. Ainsi, même en cas d’inscription expresse dans la loi de la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique du maire, celui-ci pourra difficilement s’en prévaloir lorsque l’on considérera qu’il a été injurié ou agressé à un autre titre.
En revanche, l’établissement d’une liste limitative présente l’inconvénient d’exclure les personnes qui n’auront pas été expressément mentionnées, alors que la jurisprudence est assez large. La qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique pourrait ainsi être refusée à un conseiller départemental, à un conseiller régional ou à d’autres acteurs n’ayant pas la qualité d’officiers de police judiciaire du seul fait que la loi ne les mentionne pas expressément.
Pour nous, les choses sont claires. Un maire ou un adjoint au maire dans l’exercice de ses fonctions est sans contestation possible une personne dépositaire de l’autorité publique. C’est vrai aussi des policiers municipaux, même si l’étude d’impact fait seulement référence aux policiers nationaux et aux gendarmes pour l’aggravation des peines pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique.
L’adoption de cet amendement pourrait, me semble-t-il, présenter plus d’inconvénients que d’avantages. Mais ce débat nous donne au moins l’occasion de préciser en présence de M. le ministre que les maires et les adjoints au maire bénéficient bien de cette qualité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Je comprends bien la préoccupation des auteurs de cet amendement. Toutefois, une telle disposition me semble inutile, la jurisprudence reconnaissant déjà aux maires la qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique. Cela étant, la question qui nous est posée doit nous amener à réfléchir.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, selon la jurisprudence, sont dépositaires de l’autorité publique non seulement les policiers et les gendarmes, mais aussi des représentants de l’État et des collectivités territoriales : Président de la République, ministres, secrétaires d’État, président du Conseil constitutionnel, préfets, sous-préfets, chefs de division et de bureau des préfectures, présidents des conseils départementaux et régionaux, directeurs et sous-directeurs régionaux et départementaux des services extérieurs de l’État, présidents d’un syndicat intercommunal à vocation multiple, membres des commissions municipales chargées de la révision des listes électorales, présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat…
De même, sont dépositaires de l’autorité publique les officiers ministériels tels que les notaires, les huissiers, les avoués près les cours d’appel dans l’exercice de leurs fonctions d’officiers publics et les avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État.
Vous pouvez le constater, cette liste, au sein de laquelle figurent déjà les maires, est plus vaste que les cas pris en compte par la rédaction de l’amendement proposé, dont l’adoption nécessiterait l’élaboration de textes complémentaires pour conférer dans le droit positif la qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique que leur reconnaît la jurisprudence.
En outre, une telle précision des dépositaires de l’autorité publique serait de nature à restreindre le champ de l’article 433-5 du code pénal en ce qu’elle exclurait, par exemple, des agents contractuels exerçant des fonctions d’autorité.
Je le sais, des agressions verbales à l’égard de certains maires ont pu être l’objet d’une requalification en contravention dès lors qu’il n’a pu être établi que l’outrage avait été commis au regard de leur qualité de dépositaires de l’autorité publique, condition matérielle exigée pour voir qualifié ce délit.
Je tiens à le souligner, au-delà des maires, les dispositions de l’article 433-5 du code précité sont également applicables aux outrages commis à l’encontre des policiers, de sorte que l’augmentation des peines encourues proposée par le Gouvernement est également applicable lorsqu’ils en sont victimes. En effet, la Cour de cassation a jugé que les policiers municipaux dans l’exercice de leurs fonctions de sanction des infractions à la réglementation sont également des dépositaires de l’autorité publique.
Par conséquent, à l’instar de M. le rapporteur, je comprends, je le répète, la préoccupation des auteurs de cet amendement. Mais la rédaction de celui-ci ne permet pas au Gouvernement d’y être favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis cosignataire, avec de nombreux collègues, de cet amendement, qui m’a séduit par sa rédaction et par son objet.
Selon M. le rapporteur et M. le ministre, cet amendement serait déjà satisfait, au moins en partie, par la jurisprudence, et son adoption risquerait d’affaiblir les maires au lieu de les renforcer dans des cas où nous souhaiterions que les préjudices subis par eux soient réparés par une décision de justice.
J’ai tout de même été étonné par l’exemple donné par M. le rapporteur, celui d’un maire intervenant dans un conflit de voisinage entre deux personnes.
M. François Grosdidier, rapporteur. Non ! Je parlais d’un conflit entre le maire et son voisin !
M. Alain Vasselle. Il s’agit donc bien d’un territoire privé. Et c’est parce que le maire intervient sur un territoire privé qu’il n’est plus considéré comme agissant dans l’exercice de ses fonctions.
M. François Grosdidier, rapporteur. Non ! Ce n’est pas le problème !
M. Alain Vasselle. Il y a tout de même lieu de réfléchir à des adaptations de notre législation. En effet, lorsque le maire intervient pour un problème de voisinage, même sur un territoire privé, il y va, dans le cadre de sa fonction, pour assurer la sécurité publique. Car, même sur un territoire privé, l’objectif est d’apaiser les tensions qui existent. Et c’est bien en qualité de maire qu’il s’y rend, à la demande d’une des familles ou de la population.
Je trouve donc préoccupant que le maire ne puisse pas être protégé par des textes lorsqu’il intervient sur un territoire privé pour assurer la sécurité ou apaiser des conflits. Et si la législation actuelle ne permet de répondre à ce type de situation, il faut la faire évoluer.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis également cosignataire de cet amendement.
Comme l’a fort justement rappelé Claude Kern, quand vous êtes maire, vous l’êtes sept jours sur sept, et vous pouvez être sollicité à tout moment pour un oui ou pour non.
Toutefois, il faut se demander jusqu’où va l’autorité du maire. Quelle est, légalement, sa mission d’officier de police judiciaire ?
Nous avons tous des expériences différentes, en fonction de la taille des communes. Dans la mienne, qui compte moins de 200 habitants, nous faisons le plus souvent appel à la gendarmerie. Certes, nous pouvons agir sur le domaine public. Mais ce sont les gendarmes qui se chargent des conflits de voisinage ou des interventions à caractère social.
Nous sommes plusieurs à nous être exprimés en 2011 lors du débat sur la loi LOPPSI 2, qui a été évoquée. Mais, aujourd'hui, nous essayons d’apporter des éléments complémentaires. Nous savons que nous n’avons peut-être pas forcément toutes les bonnes solutions. Les pouvoirs d’officier de police judiciaire du maire sont malheureusement très modestes ; c’est pour cela que nous ne pouvons pas toujours intervenir, surtout dans le domaine privé.
Je peux donc comprendre les arguments de la commission et du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. J’ai entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre. Peut-être la rédaction de notre amendement aurait-elle effectivement pu être différente. Mais je considère qu’il s’agit avant tout d’un amendement d’appel, et je vais le retirer.
Je souhaite simplement apporter quelques éléments d’information. Le maire dont nous parlons a été frappé, mis à terre ; il a reçu plusieurs coups. Le médecin lui avait d’ailleurs prescrit quinze jours d’interruption temporaire de travail. Mais, compte tenu de son mandat, le maire a préféré n’en prendre que deux. Ce fut son erreur : du coup, le parquet a requalifié l’agression en simple contravention.
Voyez ce qui arrive aux maires qui veulent bien faire…
Cela étant, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
M. Jean-François Longeot. J’aurais souhaité m’exprimer sur cet amendement – je ne le peux malheureusement plus, puisqu’il a été retiré – notamment pour dire que je le considérais moi aussi comme un amendement d’appel !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cela figurera au compte rendu intégral ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Noël Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Dans son avis du 15 décembre 2016 sur le projet de loi, le Conseil d’État soulignait : « les peines qui seraient désormais encourues en cas d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ne sont pas manifestement disproportionnées, même si, dans les faits, les plafonds présentement fixés par la loi sont loin d’être atteints. »
L’augmentation des quantums de peine pour les délits d’outrage et de rébellion fait courir le risque d’accroître un peu plus l’écart qui existe déjà entre les plafonds prévus par la loi et les peines effectivement prononcées, donc d’augmenter la frustration des agents qui en sont victimes et leur impression de ne pas être soutenus par l’autorité judiciaire. Il est par conséquent proposé de supprimer cette augmentation décidée par la commission des lois.
En outre, il n’est pas évident que le nouveau régime de légitime défense prévu à l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure soit plus protecteur pour les agents que le régime actuel prévu par le code pénal.
Cet amendement vise donc à préserver la cohérence de la nouvelle architecture du régime d’utilisation des armes.
Mme la présidente. L'amendement n° 43, présenté par M. Grosdidier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Remplacer le mot :
un
par les mots :
d'un
2° Avant le mot :
deux
insérer le mot :
de
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 37 rectifié.
M. François Grosdidier, rapporteur. L’amendement n° 43 est un amendement rédactionnel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 37 rectifié.
Dès lors que nous aggravons l’outrage, il convient, pour respecter l’échelle des peines, de sanctionner davantage la rébellion.
Je le rappelle, l’outrage est verbal tandis que la rébellion est une résistance physique, une résistance violente ; elle ne peut pas être considérée exactement de la même manière.
En ces périodes où les forces de l’ordre sont peut-être plus malmenées que voilà quelques années, il peut être nécessaire d’adresser un signal consistant à renforcer effectivement la sanction possible pour la rébellion, avec toujours un maximum que le législateur détermine. Mais il faut, me semble-t-il, que cela soit cohérent et s’inscrive dans le cadre général dont nous avons déjà parlé.
La commission, qui est attachée à l’aggravation de la sanction de la rébellion comme corollaire de l’aggravation de la sanction d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Les auteurs de l’amendement n° 37 rectifié proposent de revenir à la rédaction initiale du Gouvernement.
Or le Gouvernement apprécie le travail qui a été effectué par la commission des lois du Sénat, sur l’initiative du rapporteur. Les propositions de modifications des peines apparaissant adaptées, il lui semble opportun de les retenir. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 37 rectifié.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 43.
M. Jean-Noël Guérini. Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 43.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 7
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par M. Grosdidier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre III du livre II du code de la route est ainsi modifié :
1° L’article L. 233-1 est ainsi modifié :
a) Au I, les mots : « de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende » ;
b) Le II est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« …° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« …° La confiscation d’un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné. » ;
2° Après l’article L. 233-1-1, il est inséré un article L. 233-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 233-1-…. – Toute personne coupable, en état de récidive au sens de l’article 132-10 du code pénal, de l’une des infractions prévues aux articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du présent code encourt également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
« 2° La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur. Les refus d’obtempérer constituent un phénomène délictuel de plus en plus prégnant, qui met en cause l’autorité de l’État et la sécurité des forces de l’ordre.
Selon les informations fournies par le ministère de l’intérieur, de 2012 à 2016, le nombre de ces délits est passé de 5 624 à 7 812 pour la seule zone gendarmerie, c’est-à-dire de 15 à 21 par jour. Cela représente une augmentation de près de 40 % en quatre ans.
Face à la recrudescence de ce phénomène préoccupant, il est proposé de renforcer la répression des peines encourues du chef du délit de refus d’obtempérer. Par comparaison, le régime espagnol connaît une forte baisse des refus d’obtempérer, dans un cadre juridique très dissuasif : quatre ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Par ailleurs, en France, depuis 2011, le délit de fuite, incrimination comparable, mais ne protégeant que des intérêts matériels, est réprimé de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Jusqu’alors puni de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, le refus d’obtempérer se verrait réprimé d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende – on est loin de ce qui se pratique en Espagne et des peines applicables au délit de fuite –, permettant de rendre applicable l’article 395 du code de procédure pénale relatif au jugement en comparution immédiate.
D’autres mesures viennent alourdir la répression de cette infraction en instaurant les peines complémentaires déjà prévues pour le refus d’obtempérer aggravé du code de la route : l’annulation du permis de conduire dans un délai moindre et la confiscation de véhicules appartenant au condamné.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Monsieur le rapporteur, vous venez de rappeler que le nombre de refus d’obtempérer s’est nettement accru depuis quelques années. Cette situation constitue une manifestation concrète et inacceptable du délitement de la perception de l’autorité publique par certains individus qui met gravement en péril l’intégrité de nos policiers, de nos gendarmes, mais aussi de l’ensemble de nos concitoyens.
J’ai évoqué lors de la discussion générale le décès, au début du mois de décembre dernier, du major Rusig dans l’Ariège. Ce décès a pour origine un refus d’obtempérer dans le cadre duquel, pour se soustraire au contrôle, le contrevenant a délibérément foncé sur le gendarme.
Je pourrais également faire référence à ce qui s’est passé le 18 janvier dernier, à Méru, dans l’Oise. Lors d’une opération anti-délinquance, des gendarmes ont tenté de contrôler un véhicule. Le conducteur a refusé d’obtempérer et pris la fuite. Repéré quelques minutes plus tard sur le territoire d’une commune voisine, il a une nouvelle fois refusé d’obtempérer, percuté le véhicule des gendarmes et pris la fuite, avant d’être immobilisé, quelques kilomètres plus loin lors d’un nouveau contrôle, par un usage des armes des gendarmes.
Il est donc indispensable de se doter d’une incrimination suffisamment dissuasive grâce à l’augmentation des peines encourues, portées à un an d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende.
Il est également cohérent de rapprocher la peine encourue pour refus d’obtempérer de celle qui l’est pour les faits qui, souvent, motivent ceux qui refusent de se soumettre aux injonctions. Je pense notamment à la conduite sans permis, fait pour lequel une peine d’un an est prévue.
Cet accroissement des peines encourues permettra aussi d’apporter une réponse pénale rapide dès lors que le parquet pourra recourir à la procédure de comparution immédiate. L’ajout de nouvelles peines complémentaires contribue de surcroît à renforcer l’aspect dissuasif et répressif de cette incrimination.
J’ai présidé hier à la mise en place du Conseil national de la sécurité routière. Si le Parlement adopte cet amendement, je demanderai immédiatement au délégué interministériel à la sécurité routière d’en assurer la publicité. Nos concitoyens doivent savoir que, en cas de défaut de permis ou d’assurance, on s’arrête au contrôle ; on n’essaie pas de passer en force.
Cela me semble nécessaire compte tenu de l’augmentation des refus d’obtempérer ; c’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient cet amendement. Il faut aussi continuer à avoir les explications nécessaires à partir de cette nouvelle incrimination, afin que personne ne veuille se soustraire demain à un contrôle.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Savary, Milon, Reichardt, Rapin, Legendre, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi, Charon et Chasseing, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre III du livre IV du code pénal est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Du signalement de la présence des forces de sécurité intérieure
« Art. 433-… – Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, tout message de nature à signaler la présence des forces de sécurité intérieure est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Alors que l’état d’urgence est en vigueur dans notre pays, le signalement de la présence des forces de l’ordre constitue une source d’information majeure pour les délinquants, voire pour les terroristes.
En effet, c’est un simple contrôle qui a permis la localisation à Milan et l’arrêt de la fuite de l’auteur présumé de l’attentat de Berlin. Le signalement de la présence des forces de l’ordre aurait pu compromettre cette chance. C’était en Italie ; cela aurait pu se dérouler en France…
Par ailleurs, dans un contexte où les forces de l’ordre sont victimes d’attaques du fait même de leur qualité, leur signalement risque d’en faire des cibles privilégiées et localisées.
L’attaque de policiers au cocktail Molotov à Viry-Châtillon, présente dans toutes les mémoires, est une triste illustration de ces phénomènes particulièrement violents.
L'article L. 2242-10 du code des transports, résultant de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageur, prévoit l’interdiction de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs ou d’agents de sécurité employés ou missionnés par un exploitant de transport public de voyageurs.
Il est donc proposé de légiférer de manière similaire, afin d’interdire toutes les formes de signalisation de la présence des forces de l’ordre qui n’ont pas à être géolocalisées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Je comprends vos motivations, mon cher collègue. Vous faites référence à un cas particulièrement grave, aux conséquences très dommageables, de signalement de la présence policière.
Toutefois, le mode le plus fréquent de signalisation de la présence policière est souvent le simple appel de phares de la part d’un automobiliste. Or une peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende pour un simple appel de phares paraîtrait pour le moins disproportionnée !
Certes, signaler la présence des forces de sécurité intérieure peut, dans certaines circonstances, comme la recherche d’un fugitif ou d’une personne suspectée d’un enlèvement, avoir des conséquences négatives, mais la création d’un tel délit va trop loin et me semble contraire au principe de nécessité des peines posé à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Nous pourrions discuter du principe. Quoi qu’il en soit, la peine me paraît disproportionnée. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je rappelle, par ailleurs, que l’amendement que nous avons adopté sur le délit d’obtempérer peut déjà conduire les automobilistes à bien davantage de civisme qu’aujourd'hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Grand, l'amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Les articles L. 311-1 et L. 313-1 sont abrogés ;
2° L’intitulé du chapitre III est ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Fabrication et commerce » ;
3° L’intitulé du chapitre VI est ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Acquisition, détention et transferts au sein de l’Union européenne, importations et exportations » ;
II. – Les articles L. 2331-2, L. 2332-2, L. 2336-1, L. 2337-1, L. 2339-3-1, L. 2339-5 et L. 2339-9 du code de la défense sont abrogés.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Cet amendement n’est pas de fond. Il est de pure forme, mais il est nécessaire à la sécurisation juridique d’une évolution très importante dans la conduite, par l’État, de la politique publique de contrôle de la circulation des armes sur notre territoire.
Il a plus précisément pour objet de permettre, dans des conditions de sécurité juridique incontestables, l’insertion dans les codes de la sécurité intérieure, d’une part, et de la défense, d’autre part, des dispositions d’un décret qui sera pris avant la fin de ce trimestre, modifiant la répartition des compétences entre les ministères de l’intérieur et de la défense en matière de gestion des armes civiles.
Vous le savez, puisque c’est inscrit dans la loi de finances pour 2017, le Gouvernement a décidé de clarifier le partage des compétences sur la thématique des armes, dont l’organisation actuelle remonte à 1939. Le ministère de la défense est naturellement compétent s’agissant des armes et matériels de guerre ; le ministère de l’intérieur, chargé de la sécurité publique, doit quant à lui disposer de toutes les compétences sur les armes civiles, depuis leur fabrication et leur commerce jusqu’à leur acquisition et leur détention.
J’ai d’ailleurs récemment inauguré un nouveau service du ministère de l’intérieur : le service central des armes, qui a pour vocation de piloter cette politique de contrôle des armes civiles.
Cette réorganisation des compétences se fera par voie réglementaire : c’est l’objet du décret que je viens d’évoquer, lequel devra être codifié au nom du principe, à valeur constitutionnelle, de lisibilité et d’intelligibilité du droit.
Il faut pour cela mettre en harmonie formellement, au nom du principe de l’homothétie qui gouverne les règles de codification, l’architecture des deux codes, entre leurs parties législatives, aujourd’hui calées sur le schéma actuel de répartition des compétences entre les deux ministères, et réglementaires, qui vont être modifiées par le décret.
Il est donc simplement proposé par cet amendement, qui n’a pas, j’y insiste, de portée normative – la norme se trouve dans le décret à venir – et qui est purement légistique, d’adapter l’architecture, en quelque sorte l’annonce de plan, des deux codes pour permettre, en toute sécurité juridique, l’insertion de la nouvelle répartition réglementaire des compétences entre les deux ministères. C’est par conséquent formel, mais c’est néanmoins indispensable pour sécuriser la codification du décret à venir.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de modifier la loi pour rendre possible le décret. Je viens de l’indiquer, sur le fond, la matière est réglementaire, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel. Il s’agit simplement d’adapter l’architecture de la partie législative des codes pour permettre, selon les règles de codification, l’insertion du décret à venir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement technique nécessaire et parfaitement cohérent avec ce qui a été adopté lors de la discussion du dernier projet de loi de finances.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa du II de l’article L. 4139-16 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les volontaires dans les armées, en service au sein de la gendarmerie nationale, peuvent, sur demande agréée, être maintenus en service au-delà de la limite de durée de service pour une période d’une année. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Roux, ministre. Le statut de volontaire dans les armées a été créé lors de la réforme du service national en 1997.
C’est un sujet que connaît particulièrement bien le sénateur Alain Richard, la gendarmerie nationale compte près de 12 000 de ces volontaires dans ses rangs : il s’agit des gendarmes adjoints volontaires. En qualité d’agents de police judiciaire adjoints, ils secondent les sous-officiers de gendarmerie et sont aujourd’hui indispensables au service de la gendarmerie nationale.
Leur statut est, depuis sa création, enserré dans une durée maximale de service fixée à cinq ans. Dans le cadre des enjeux de sécurité que connaît actuellement notre pays, il est impérieux que la gendarmerie nationale puisse conserver plus longtemps dans ses rangs ces personnels formés et disposant d’une expérience opérationnelle avérée.
Le mécanisme proposé permettra aux gendarmes adjoints volontaires d’être, à leur demande, maintenus en activité pour une sixième et dernière année.
Il permettra également d’aligner, au sein du ministère de l’intérieur, sur la même durée de contrat les gendarmes adjoints volontaires et les adjoints de sécurité de la police nationale, qui pourront ainsi tous servir pour une période maximale de service de six années.
Élément important pour la bonne compréhension de l’enjeu, 500 à 600 gendarmes adjoints volontaires atteignent chaque année cette limite des cinq ans. C’est l’équivalent d’un mois d’activité de la chaîne de recrutement de la gendarmerie.
Cet amendement vise à contribuer à réaliser le schéma d’emploi de la gendarmerie nationale en maintenant dans l’emploi des personnels déjà expérimentés plutôt qu’en les remplaçant par des jeunes gendarmes adjoints volontaires dont la durée de formation a par ailleurs été raccourcie de treize à neuf semaines. Garder ces militaires une année supplémentaire, c’est ne pas recruter ni former l’équivalent de cinq compagnies d’élèves gendarmes adjoints volontaires, alors que les capacités de nos écoles sont actuellement sous très grande tension.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Il s’agit d’une proposition très opportune, qui permet de renforcer substantiellement le vivier de gendarmes adjoints sur lesquels nous pouvons compter pour assurer les missions de sécurité publique.
La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Article 8
Après l’article 12 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :
« Art. 12-1. – Les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire et individuellement désignés par le chef d’établissement ou par le directeur interrégional des services pénitentiaires peuvent procéder, sur l’ensemble de l’emprise foncière affectée au service public pénitentiaire ainsi qu’à ses abords immédiats, au contrôle des personnes, autres que les personnes détenues, à l’égard desquelles existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu’elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l’établissement pénitentiaire.
« Dans le cadre de ce contrôle, ils peuvent inviter la personne concernée à justifier, par tout moyen, de son identité, procéder à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle de ses bagages et, avec son consentement, à leur fouille. La palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet.
« En cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou d’impossibilité de justifier de son identité, le personnel mentionné au premier alinéa en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ la personne ou de la retenir jusqu’à son arrivée ou celle d’un agent de police judiciaire placé sous son contrôle. À défaut de cet ordre, ce personnel ne peut retenir la personne. Lorsque l’officier de police judiciaire décide de procéder à une vérification d’identité en application de l’article 78-3 du code de procédure pénale, le délai prévu par le troisième alinéa de ce même article court à compter du début du contrôle. Les opérations de contrôle ayant donné lieu à l’application du présent alinéa font l’objet d’un rapport adressé au procureur de la République territorialement compétent par le personnel mentionné au premier alinéa.
« Un décret précise les conditions de définition de l’emprise foncière, de ses abords immédiats et de sa signalisation. » – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, le juge des enfants peut, dans le cas prévu au 3° de l’article 375-3 du code civil, sur réquisitions écrites du ministère public, charger un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse d’apporter l’aide et le conseil et d’exercer le suivi prévus au premier alinéa de l’article 375-4 du même code, lorsque la situation et l’intérêt de l’enfant le justifient. Les dépenses afférentes à ces mesures sont prises en charge financièrement par l’État.
II. – Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Vandierendonck et Bigot, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
, sur réquisitions écrites du ministère public
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Je sais que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement. Par conséquent, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 727-1 est ainsi rédigé :
« Art. 727-1. – I. – Aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues, le ministre de la justice peut autoriser les agents individuellement désignés et habilités de l’administration pénitentiaire à :
« 1° Intercepter, enregistrer, transcrire ou interrompre les correspondances de personnes détenues émises par la voie des communications électroniques et autorisées en détention, à l’exception de celles avec leur avocat, et conserver les données de connexion y afférentes ;
« 2° Accéder aux données stockées dans un équipement terminal ou un système informatique qu’utilise une personne détenue et dont l’utilisation est autorisée en détention, les enregistrer, les conserver et les transmettre.
« Les personnes détenues ainsi que leurs correspondants sont informés au préalable des dispositions du présent article.
« L’autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un an, renouvelable.
« II. – La découverte dans un établissement visé au I, de tout équipement terminal, système informatique ou support de données informatiques dont la détention est illicite, fait l’objet d’un avis immédiat au procureur de la République.
« Sous réserve d’une éventuelle saisie de ces matériels par l’autorité judiciaire ouvrant à la personne détenue les voies de recours prévues à l’article 41-5, le procureur de la République peut autoriser, par tout moyen, l’administration pénitentiaire à les conserver, s’il estime que ceux-ci ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité.
« Dans ce cas et pour les finalités visées au I du présent article, le ministre de la justice peut autoriser les agents individuellement désignés et habilités de l’administration pénitentiaire à mettre en œuvre les techniques visées au 2° du I. L’autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un an, renouvelable.
« La personne concernée, lorsqu’elle est identifiée, est alors informée de la décision de l’administration pénitentiaire de mettre en œuvre ces techniques. Elle est également informée que les matériels seront détruits à l’issue du délai prévu au troisième alinéa du présent II, sauf si l’exploitation de ces données conduit à l’ouverture d’une procédure judiciaire au dossier de laquelle ils sont alors versés.
« III. – Chaque mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement donne lieu à l’établissement d’un relevé qui mentionne les dates de début et de fin de cette mise en œuvre ainsi que la nature des renseignements collectés. Ce relevé est tenu à la disposition du procureur de la République, qui peut y accéder de manière permanente, complète et directe, quel que soit son degré d’achèvement.
« La décision de mettre en œuvre les techniques prévues au présent article est consignée dans un registre tenu par la direction de l’administration pénitentiaire, elle peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif dans les conditions prévues par le code de justice administrative.
« Les données ou enregistrements qui ne font l’objet d’aucune transmission à l’autorité judiciaire en application du présent code sont détruits à l’issue d’une durée de quatre-vingt-dix jours à compter de leur recueil.
« Les transcriptions ou les extractions sont détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées au I.
« Lorsque les données ou enregistrements servent de support à une procédure disciplinaire, les délais mentionnés au troisième alinéa du présent III sont suspendus jusqu’à l’extinction des voies de recours.
« Il est dressé un procès-verbal rendant compte des opérations de destruction.
« Les données, enregistrements, transcriptions, extractions et procès-verbaux mentionnés au présent III sont mis à disposition du procureur de la République, qui peut y accéder à tout instant.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article 230-45 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « , 709-1-3 ainsi que des 1° et 3° de l’article 727-1 » sont remplacés par les mots : « et 709-1-3 » ;
b) Au quatrième alinéa, les mots : « ainsi que des 2° et 4° de l’article 727-1 » sont supprimés.
II. – Après le titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :
« TITRE V bis
« DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ PÉNITENTIAIRE
« Art. L. 855-1. – Dans le respect des dispositions de l’article L. 801-1 autres que ses 3° et 4°, les services de l’administration pénitentiaire désignés par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peuvent être autorisés à recourir aux techniques mentionnées aux articles L. 851-1, L. 851-4, L. 851-5, L. 851-6 et au I de l’article L. 852-1 dans les conditions prévues aux titres II et V du présent livre, à l’encontre des seules personnes détenues, aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La loi du 3 juin 2016 a modifié le code de la sécurité intérieure pour intégrer les services relevant du ministre de la justice au deuxième cercle de la communauté du renseignement et permettre la création d’un véritable renseignement pénitentiaire.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le travail d’élaboration des textes réglementaires d’application a été l’occasion de constater qu’il était nécessaire de préciser dans la loi elle-même certaines garanties procédurales initialement renvoyées au décret, concernant notamment les modalités de demande, la durée de l’autorisation ou les voies de recours.
Le présent amendement vise donc à préciser ce cadre juridique et à procéder à une répartition des techniques entre le code de procédure pénale et le code de la sécurité intérieure.
Trois techniques sont maintenues dans le code de procédure pénale au titre de la prévention des évasions, du maintien de la sécurité et du bon ordre de la sécurité des établissements. Bien que d’un usage fréquent, elles ne sont jamais mises en œuvre à l’insu des personnes visées, mais s’appliquent soit à des matériels autorisés en détention, soit à des matériels non autorisés, mais dont l’appréhension et l’exploitation sont notifiées au détenu concerné.
Les techniques de renseignement mises en œuvre à l’insu des détenus sont, quant à elles, inscrites dans le code de la sécurité intérieure et soumises au régime de droit commun du renseignement, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR.
L’ensemble de ces techniques ne concerne que les seules personnes détenues pour des finalités de prévention des évasions et de maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements ; les éventuels recours contre les décisions de l’administration pénitentiaire relèvent du seul contentieux administratif.
Le dispositif ainsi précisé permettra le développement et la structuration du renseignement pénitentiaire, qui représente aujourd’hui un enjeu de premier ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement important qui tend à parachever le travail sur le renseignement pénitentiaire que le nouveau garde des sceaux a entrepris depuis sa prise de fonction, au mois de février dernier.
Cet amendement vise à réarticuler les régimes judiciaire et administratif pour lutter contre le fléau des communications illicites en détention – nous sommes heureux que le nouveau garde des sceaux affiche aussi fortement cette ambition. Il convient de permettre au service du renseignement pénitentiaire de mettre en œuvre les techniques de recueil de renseignement à l’égard des personnes détenues dans le plein respect du régime juridique défini par la loi du 24 juillet 2015 : demande du ministre, avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, autorisation du Premier ministre.
Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
Article 10
Le chapitre V de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et comportant diverses dispositions concernant la défense est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions relatives à l’expérimentation de nouvelles formes de volontariat » ;
2° Il est ajouté un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. – Sans préjudice de l’article L. 4132-12 du code de la défense et des articles 22 et 23 de la présente loi, les Françaises et Français âgés de dix-huit ans révolus et de moins de vingt-six ans à la date de recrutement, qui ont leur résidence habituelle en métropole, peuvent, à titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2018, demander à accomplir le volontariat militaire d’insertion.
« Le contrat de volontaire stagiaire du volontariat militaire d’insertion est souscrit pour une durée minimale de six mois, renouvelable par période de deux à six mois, et pour une durée maximale de douze mois. Les volontaires servent en tant que volontaires stagiaires du volontariat militaire d’insertion au premier grade de militaire du rang.
« Le volontariat militaire d’insertion comporte une formation militaire ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire visant à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des volontaires.
« Les volontaires stagiaires du volontariat militaire d’insertion sont encadrés par du personnel militaire qui assure une partie de ces formations.
« Ils ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle au sens du titre IV du livre III de la sixième partie du code du travail. Les dispositions du code du travail applicables aux stagiaires de la formation professionnelle leur sont applicables, sauf lorsqu’elles sont incompatibles avec l’état militaire. Ils bénéficient du compte personnel d’activité prévu à l’article L. 5151-2 du même code.
« L’État, les régions et, le cas échéant, les organismes collecteurs paritaires agréés concourent au financement de la rémunération des volontaires stagiaires du volontariat militaire d’insertion. Cette rémunération est déterminée et versée conformément au chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie dudit code.
« Le service relevant du ministère de la défense, chargé du volontariat militaire d’insertion, est regardé comme un organisme de formation pour l’application du livre III de la sixième partie du même code. Il n’est pas soumis aux titres V et VI du même livre III.
« L’article 23 de la présente loi, à l’exception de la dernière phrase de son I, est applicable aux stagiaires du volontariat militaire d’insertion.
« Les contrats conclus en application du présent article peuvent prendre effet à compter du 1er janvier 2017.
« Au plus tard à la fin du seizième mois suivant le début de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation proposant les suites à lui donner. Il détaille notamment le niveau de diplôme des volontaires à leur entrée dans le dispositif, leur devenir professionnel à sa sortie ainsi que le coût financier global de ce dispositif. Il propose les modalités du dispositif permanent qui pourrait succéder aux dispositifs expérimentaux de volontariat. » ;
3° L’article 22 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « code de la défense », sont insérés les mots : « et de l’article 23-1 de la présente loi » ;
b) (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « dix-sept ans » sont remplacés par les mots : « dix-huit ans».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l'article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet article permet la poursuite de l’expérimentation du service militaire volontaire, le SMV, en prévoyant de nouvelles adaptations législatives.
Le service militaire volontaire a effectivement trouvé sa place dans la palette des outils mis en œuvre pour aider les jeunes ayant décroché à retrouver espoir, grâce à un encadrement militaire de très grande qualité. Officiers, sous-officiers et hommes du rang s’impliquent énormément, avec de nombreux partenaires, pour faire progresser ces jeunes.
Aujourd'hui, tous partagent le même constat : il importe, pour répartir le coût du dispositif, que ces jeunes soient des stagiaires de la formation professionnelle. C’est l’objet de l’article 10.
J’appelle l’attention de la Haute Assemblée et des rapporteurs sur une question qui paraît sémantique, mais qui va bien au-delà des simples mots. Il est proposé d’intituler le nouveau dispositif « volontariat militaire d’insertion », ou VMI.
J’ai visité dans le département de François Grosdidier le centre de Montigny-lès-Metz. Un autre sera prochainement implanté à Brest, dans la circonscription de Philippe Paul. Force est de constater que le label SMV bénéficie d’une connotation très positive auprès de nos partenaires. Il serait donc dommage de s’en priver.
Si l’article 10 vise à prévoir des évolutions législatives que nous approuvons tous, ce changement d’intitulé donne quant à lui matière à réflexion. Ne pourrions-nous pas lors des prochaines lectures ou en commission mixte paritaire prévoir de maintenir le sigle SMV, quitte à ce qu’il soit transformé en SMVI, service militaire volontaire pour l’insertion ?
Je tenais à relayer cette question à la suite des remontées que m’ont fait parvenir les personnes gérant ce dispositif sur le terrain.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. Les deux dispositifs sont en expérimentation jusqu’à la fin de l’année 2018. Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale et dans mon rapport, l’appellation SMV sera maintenue après cette date.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Maurey, Joyandet, Pillet, Reichardt et Médevielle, Mme N. Goulet, MM. A. Marc, Longeot, L. Hervé et Cardoux, Mme Joissains, MM. Chaize, Karoutchi et D. Laurent, Mme Lopez, M. Pointereau, Mme Gruny, MM. Doligé, Bizet, Kern, Rapin, Lefèvre et Laménie, Mme Billon, M. Laufoaulu, Mme Duchêne, MM. del Picchia, D. Dubois, Dufaut, G. Bailly, Masclet, Bouchet et Gabouty, Mme Férat, M. Houpert, Mme Duranton et MM. Nègre, Raison et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après l’article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, sont insérés des articles L. 2212-2-3 et L. 2212-2-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 2212-2-3. – Le représentant de l’État dans le département communique au maire qui en fait la demande l’identité des personnes résidant dans sa commune et inscrites au fichier des personnes recherchées dans les conditions définies au 8° du III de l’article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. Le maire ne peut utiliser les informations ainsi transmises que dans le cadre de ses attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui lui sont confiées.
« Art. L. 2212-2-4. – Aux fins de sécurité publique, le maire peut délivrer les informations mentionnées à l’article L. 2212-2-3 au responsable de la police municipale de sa commune. »
II. Après l’article 11-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-3 ainsi rédigé :
« Art. 11-3. – Le maire détenteur des informations mentionnées à l’article L. 2212-2-3 du code général des collectivités territoriales est tenu au secret dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. Cette obligation s’applique dans les mêmes termes au responsable de la police municipale mentionné à l’article L. 2212-2-4 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. La plupart des auteurs d'attentats terroristes en France ces dernières années, outre leur profil radicalisé et leur affiliation à l’idéologie islamiste, avaient un point commun : ils faisaient l’objet d'une surveillance au titre du fichier des personnes recherchées, dans la sous-catégorie S.
Dans ce fichier, peuvent être inscrites, à la demande des autorités administratives compétentes, « les personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ».
Face à ce constat, de nombreux maires soucieux de la sécurité de leurs concitoyens demandent à pouvoir obtenir une liste des personnes fichées S résidant dans leur commune. L’accès à ce type d'informations étant aujourd’hui réservé aux services de renseignement et à certains agents dûment habilités, cette demande ne peut pas aboutir. Pourtant, elle relève d’une aspiration légitime des élus en termes de sécurité publique, qui est une des missions premières de leur fonction.
Pour remédier à cette situation, le présent amendement vise à permettre aux maires qui en font la demande d’obtenir communication de l’identité des personnes résidant dans leur commune et inscrites dans ce fichier.
Ce dispositif renforcera le niveau d’information et les moyens dont dispose le maire pour assurer la sécurité de ses concitoyens.
Il permettra par ailleurs de compléter utilement les informations des services de renseignement, car il améliorera la coopération entre l’État et les communes en matière de sécurité, comme le souhaite le Gouvernement.
Cependant, pour éviter toute dérive, ce droit sera strictement encadré et limité. Le maire ne pourra utiliser les informations transmises que dans le cadre de ses missions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui lui sont confiées. Pour éviter une divulgation d'informations qui pourrait nuire aux services de renseignement, il sera tenu à la confidentialité des données transmises.
Ainsi, cet amendement vise à autoriser le préfet à communiquer au maire qui en fait la demande l’identité des personnes résidant dans sa commune et inscrites au fichier des personnes recherchées dans la sous-catégorie S.
Il tend également à habiliter le maire à communiquer les informations transmises au responsable de la police municipale de sa commune.
Il a cependant pour objet de préciser que les personnes détentrices de ces informations sont tenues au secret dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
Je précise qu’Hervé Maurey a préparé cet amendement après un rendez-vous avec Bernard Cazeneuve le 21 novembre dernier.
Mme la présidente. Messieurs les ministres, mes chers collègues, il est minuit ; je vous propose de prolonger nos travaux, afin de terminer l’examen du présent texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 1 rectifié ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Je comprends les motivations qui sous-tendent cet amendement, car je suis moi-même maire d’une ville qui compte un certain nombre de personnes fichées S. Je connais même dans ma commune un assigné à résidence.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un débat récurrent que nous avons eu à plusieurs reprises. À chaque fois, nous avons repoussé cette idée de partage systématique des fiches S, objet de tous les fantasmes…
Les fiches S sont des documents très sommaires et synthétiques et ne contiennent aucun détail. Elles renvoient à des codes délivrant un mode d’emploi. Elles donnent juste aux forces de l’ordre une conduite à tenir, codifiée S02, S03, S04, etc. Bref, elles recensent quinze types de conduites différentes à tenir, plusieurs d’entre elles, d’ailleurs, insistant sur la nécessité de faire preuve d’une absolue discrétion pour ne pas alerter la personne fichée S.
Il ne me paraît donc pas pertinent de vouloir transmettre systématiquement les fiches S aux 36 000 maires de France, lesquels n’ont d’ailleurs pas tous la même pratique de l’information partagée dans le domaine de la sécurité. Dans certaines villes, les maires sont en relation constante avec le procureur de la République, le préfet ou le renseignement territorial. J’ai, pour ma part, des rapports très réguliers avec eux sans que cela ne transpire jamais auprès de mes collaborateurs, qui ne savent strictement que ce qu’ils doivent savoir quand il s’agit de la police municipale. Il peut arriver que nous allions plus loin dans le cadre parfaitement institutionnalisé et bien borné d’un groupe de traitement local de la délinquance où nous discutons, sous la présidence du procureur, d’informations nominatives sur des prédélinquants, des délinquants ou des post-délinquants. Dans ce cas, le secret est partagé et demeure absolu.
Il n’y a que dans ce cadre-là que l’on peut imaginer l’échange de ce genre d’informations, qui ne peuvent certainement pas faire l’objet d’un partage systématique. Imaginez un instant qu’une fiche S traîne dans le bureau du secrétaire du maire où passe parfois l’ensemble des membres du conseil municipal !
L’idée des auteurs de cet amendement peut paraître séduisante. Il convient effectivement, je le dis devant les membres du Gouvernement, qui travaillent d’ailleurs avec l’Association des maires de France, de renforcer encore davantage la collaboration entre les maires, qui connaissent leur population et sont responsables de la sécurité dans leurs communes, et les autorités de l’État. Néanmoins, je ne suis pas favorable à une transmission systématique de ce type d’informations peu utiles au maire. Une telle pratique pourrait même compromettre et rendre inopérant le travail des services de sécurité, voire être source d’insécurité pour eux. C’est du moins le sentiment de ces services, que j’ai pu consulter.
Voilà pourquoi la commission est défavorable à cet amendement, même si elle se prononce très favorablement pour un travail encore plus approfondi des maires avec les autorités de l’État. Je sais que c’est un objectif partagé par les membres du Gouvernement et par l’AMF.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. J’aurai plaisir à vous recevoir au ministère de l’intérieur si vous en faites la demande, monsieur le sénateur, mais je vous assure que nos discussions n’aboutiront pas nécessairement au dépôt d’un amendement qui vous satisfasse !
Je connais la position du Premier ministre sur cette question, qui a requis au cours des derniers mois – et continuera de requérir – toute notre attention. Nous avons adapté les moyens destinés à nos services de renseignement et les outils de la surveillance territoriale, au profit du renseignement territorial comme de la DGSI, d’ailleurs, et ce à l’aide de cadres rénovés. Nous devrons très certainement continuer à le faire tant sur le plan législatif que sur le plan des moyens, la montée en puissance de nos services étant absolument essentielle à la sécurité de notre pays.
Pour ce qui est du dispositif de votre amendement, il aurait pour effet de n’apporter aux maires que peu d’éléments opérationnels, lesquels ne serviraient en outre qu’à mettre en place des protections locales, et contribueraient donc à faire tomber le système de renseignement et de surveillance, fondé sur la confidentialité des informations. Ces personnes fichées S font l’objet d’une surveillance destinée à procurer des informations qui servent à prévenir les risques pouvant survenir sur notre territoire.
En outre, un certain nombre d’informations inscrites dans ces fiches S proviennent de services étrangers, dont nous ne sommes pas sûrs qu’ils continueraient de nous les fournir sans exigence de confidentialité.
Je vois bien à quoi cette demande correspond. Elle est formulée par un nombre significatif de maires, pas par tous ! Le préfet doit continuer à animer, à l’échelle du département, des groupes avec les maires pour traiter des questions relatives à la prévention de la radicalisation ou aux comportements devant prévaloir sur nos territoires. Les échanges d’informations générales, portant sur le nombre de personnes inscrites dans différents fichiers, de radicalisation notamment, et les discussions sur les moyens de bâtir des stratégies communes doivent se poursuivre.
Mais la performance de l’outil que représentent les fiches S pour notre renseignement subirait un réel coup d’arrêt si celles-ci étaient communiquées au maire, malgré les conditions strictes prévues dans votre amendement. Je n’imagine pas qu’un maire, avec les obligations qui lui incombent à l’égard de sa population, puisse détenir des informations dont il ne tirerait pas enseignement. Son action contribuerait à rendre plus difficile la compilation, dans ces fiches, d’éléments consolidés dans le temps et exploitables par les services de renseignement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. J’ai bien entendu les arguments avancés par M. le rapporteur et M. le ministre. Vous avez néanmoins avoué connaître les personnes fichées S de votre commune, monsieur le rapporteur. Je ne vois pas pourquoi d’autres maires ne pourraient pas y avoir accès. C’est sûrement une petite imprudence de votre part que de l’avoir dit.
Le dispositif de cet amendement aurait peut-être dû préciser que la demande du maire devait être motivée afin que l’accès ne soit pas automatique ou fondé sur la seule curiosité. Il y a peut-être une faille rédactionnelle dans cet amendement, dont l’objet mériterait cependant d’être repris. On demande aux maires d’assumer la responsabilité dans un certain nombre de tâches d’état civil ou de police : passeports, cartes d’identité, mariages, PACS, enregistrement des naissances, des décès, internements d’office… Sur une demande motivée, on devrait pouvoir communiquer ces fiches aux maires, dans le respect des plus hautes exigences de confidentialité, voire de secret.
Cette extension me paraît logique. Elle permettrait aux maires de conforter le travail des services de renseignement.
Aujourd’hui, on peut très bien recruter dans le personnel communal des personnes fichées S sans le savoir ! Il y a quelques précautions à prendre en la matière. Accordons un peu plus de confiance aux maires si nous voulons améliorer la coopération entre l’État et les communes en matière de sécurité.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Grand, Danesi et Joyandet, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Milon, Reichardt, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Charon et Chasseing, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 511-5 du code de la sécurité intérieure, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Après accord du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale, cette autorisation reste valable tant qu’ils continuent d’exercer des fonctions d’agents de police municipale. En cas de recrutement par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale dans un autre département, les représentants de l’État compétents au titre de l’ancien et du nouveau lieu d’exercice des fonctions sont avisés sans délai.
« L’autorisation peut être retirée, suspendue ou modifiée par le représentant de l’État après consultation du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, en cas d’urgence, l’autorisation peut être suspendue par le représentant de l’État sans qu’il soit procédé à cette consultation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 94 de la LOPPSI 2 a modifié les conditions d’agrément et d’assermentation des agents de police municipale. Ces dispositions ont depuis été codifiées, pour partie, à l’article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure par une ordonnance du 12 mars 2012.
Concrètement, le double agrément et le serment prêté par les agents de police municipale restent valables tant que ceux-ci continuent d’exercer des fonctions d’agents de police municipale.
Lors d’une mutation d’un agent de police municipale, il convient également pour la commune de renouveler la demande d’autorisation d’armement, conformément aux dispositions de l’article L. 511-5 du code de la sécurité intérieure. Cette démarche peut prendre plusieurs mois, pendant lesquels l’agent se retrouve non armé sur son nouveau territoire d’affectation.
Sur le même principe que les agréments, il est donc proposé de maintenir l’autorisation d’armement pour un policier municipal à la suite d’une mutation, après accord du nouveau maire de la commune d’affectation. Cela s’appelle, mes chers collègues, une mesure de simplification administrative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Nous partageons totalement la préoccupation exprimée par les auteurs de l’amendement.
Nous avons d’ailleurs connu un problème similaire, qui se posait au moment du transfert du double agrément délivré par le préfet et le procureur de la République au bénéfice de policiers municipaux mutés d’une commune à l’autre. Il m’est arrivé d’employer des policiers municipaux venant d’être mutés, qui étaient privés de cet agrément pendant six à huit mois parce que le transfert de leur agrément traînait dans les tiroirs ou les parapheurs. Ce problème a été réglé.
Peut-on trouver une solution semblable pour les autorisations de port d’arme d’une police à l’autre ? Il faudrait pour cela poser des conditions strictes. Cela ne pourrait se faire, bien sûr, qu’entre deux polices municipales armées. Mais les polices municipales armées peuvent très bien ne pas l’être entièrement. Un maire peut aussi décider d’armer des policiers pour certaines missions et pas pour d’autres. Les policiers chargés de veiller au bon déroulement du marché municipal le matin ou au respect de la réglementation de stationnement, par exemple, ne sont pas nécessairement armés. En revanche, ceux qui doivent intervenir dans des missions de sécurisation, le soir, le seront.
Un maire peut également décider d’armer ou non ses agents en raison de leur profil. Imaginons un agent dont le maire n’est pas sûr de la bonne utilisation de son armement en toutes circonstances du fait de certaines faiblesses – j’ai connu un tel cas de figure.
Le transfert systématique de l’agrément prévu dans votre amendement, mon cher collègue, pose donc problème.
Vous précisez néanmoins que ce transfert systématique ne se ferait qu’après accord du maire. Quelle différence avec la demande d’autorisation d’armement qui doit être actuellement formulée par le maire ? Qui dit accord dit existence d’une démarche du maire, laquelle doit être enregistrée par les services du préfet qui décideront d’y donner suite ou non. Je ne vois donc pas la différence entre un transfert automatique de l’agrément après accord du maire et une réponse rapide à une nouvelle demande de port d’arme pour un policier municipal muté.
Vous avez raison, cher collègue, de souligner la longueur de la procédure actuelle, qui prend parfois plusieurs mois. Cela ne peut durer. Il n’y a aucune raison que les agents municipaux que l’on embauche dans une commune pour exercer des missions sur le terrain, dans les mêmes conditions que leurs collègues armés, ne soient pas immédiatement armés.
Je me tourne donc vers vous, monsieur le ministre. Il faudrait que vous donniez des consignes pour la mise en place d’une procédure simplifiée.
Je ne crois pas qu’il faille retenir cet amendement, raison pour laquelle j’en demande le retrait, ou à défaut y serai défavorable, mais il faut répondre à la question que ses auteurs posent. Il n’est pas normal d’attendre des mois une autorisation de port d’arme alors que l’on connaît le profil de l’individu, les conditions d’utilisation des armes de la police municipale, et que l’on se trouve dans le même département ou la même agglomération.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Monsieur le sénateur, vous posez la question des délais nécessaires à l’obtention d’un nouvel agrément en cas de mutation. Je suis tout à fait disposé à donner les instructions permettant de les réduire au maximum.
Néanmoins, tel que rédigé, le dispositif de votre amendement introduit une confusion entre les compétences du maire et du préfet. Je rappelle en outre que toutes les polices municipales ne sont pas armées de la même façon ; certaines ne le sont même pas.
Une mutation d’un agent offre, en outre, au préfet l’occasion de procéder à une série de vérifications sur son compte, notamment sur sa compétence à pouvoir toujours porter une arme.
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement. En revanche, je prends l’engagement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de donner les instructions nécessaires pour accélérer les procédures de transfert d’agrément, dès la fin de cette première lecture.
M. Jean-Pierre Grand. Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente. La réponse de M. le ministre me convient.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Grand, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Milon, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre III du livre V du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions particulières applicables à Paris et dispositions particulières à certains agents territoriaux chargés de missions de police » ;
2° Est ajouté un chapitre …ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Agents de surveillance de la voie publique
« Art. L. 533-1. – Les agents de surveillance de la voie publique sont des agents communaux agréés par le procureur de la République et assermentés.
« Sans être investis d’une mission générale de surveillance de la voie publique, ils peuvent, lorsque les lois et règlements le prévoient, constater les contraventions.
« Leur entrée en fonctions est subordonnée à l’accomplissement d’une formation initiale d’application.
« Par décision du maire, ils peuvent être armés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Sous réserve du deuxième alinéa, un décret en Conseil d’État précise les conditions de leur emploi sur la voie publique, la nature de leurs missions, les modalités de leur équipement et les conditions de leur formation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Contrairement aux autres amendements déposés par Jean-Pierre Grand, je suis opposé au fond de l’amendement n° 9 rectifié.
On ne peut pas à la fois défendre une exigence de qualité toujours croissante des polices municipales, pouvant passer par leur armement, et offrir une filière d’accès à cette même police à des agents de surveillance de la voie publique, les ASVP, qui n’en ont pas la qualification. Il faut choisir entre ces deux voies.
Pour moi, la priorité va à la professionnalisation de la police municipale. Les ASVP peuvent passer le concours pour y accéder : ils réussiront s’ils en ont les qualités. Sans cela, ils changeront d’orientation professionnelle.
On ne peut pas, mes chers collègues, courir les deux lièvres à la fois. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Vos interrogations sont légitimes, monsieur le sénateur. Une circulaire sera très prochainement adressée aux préfets pour rappeler aux maires l’exacte étendue des missions des ASVP. Le contenu de cette circulaire qui a été soumis à l’avis de l’Association des maires de France, ou AMF, permettra d’opérer utilement la clarification qui semble être l’un de vos objectifs par le biais de cet amendement, auquel le Gouvernement est néanmoins défavorable.
M. Jean-Pierre Grand. Par conséquent, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Milon, Reichardt, Laufoaulu, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Charon et Chasseing, Mme de Rose, MM. Revet et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 114 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d’un mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Je ne suis traditionnellement pas favorable aux rapports, mais il s’agit en l’occurrence de l’évaluation de l’expérimentation relative à l’emploi de caméras-piétons par les policiers municipaux.
Ce rapport, je pourrais presque vous l’écrire, mes chers collègues ! Voilà déjà cinq ans que ces caméras sont expérimentées dans ma ville. C’est un système très positif pour les citoyens, qui sont protégés des éventuels abus des forces de l’ordre, pour les policiers, qui sont mis à l’abri de mises en cause injustifiées, pour la hiérarchie policière, qui évite ainsi les débordements des subordonnés, et pour les magistrats, qui disposent d’éléments tangibles en cas de contestation.
Tout le monde est content : il serait seulement nécessaire de le formaliser dans un rapport qui conclue, au vu du succès de l’expérimentation, à la généralisation de ce type de caméras.
Mme Éliane Assassi. Ou pas…
M. François Grosdidier, rapporteur. Avis favorable, donc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Compte tenu de l’estime que je vous porte, monsieur le sénateur, j’aurais préféré que cet amendement vienne en discussion avant tous ceux qui ont reçu de la part du Gouvernement un avis défavorable ! Le Gouvernement s’en remet, en effet, à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Grand et Masclet, Mme Imbert, MM. Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mme Cayeux, MM. Huré, Savary, Chasseing, Milon, Reichardt, Rapin, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Charon et D. Laurent, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 371-6 du code civil est complété par les mots : « et validée par la mairie de la commune de résidence ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. L’efficacité du dispositif prévu par cet amendement n’est pas démontrée, sans compter qu’il ajoute des charges supplémentaires importantes aux services municipaux, sans compensation de l’État. Je m’étais déjà opposé à la transcription du PACS par les communes pour les mêmes raisons.
C’est la position constante de la commission des lois : pas de charge supplémentaire sans compensation. Par conséquent, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Roux, ministre. Vous le savez, le Gouvernement est attentif à ne pas transférer de charges sans les compenser. (Exclamations amusées.) Je ne peux donc qu’être défavorable à cet amendement.
M. Jean-Pierre Grand. Dans ces conditions, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.
Chapitre IV
Dispositions relatives aux outre-mer
Article 11
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1, L. 288-1, L. 895-1, L. 896-1, L. 897-1 et L. 898-1, les mots : « loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … relative à la sécurité publique » ;
1° bis (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1 et L. 448-1, les mots : « loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, les dispositions suivantes » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … relative à la sécurité publique, les dispositions du présent livre » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1, L. 158-1, L. 645-1, L. 646-1, L. 647-1 et L. 648-1, les mots : « loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … relative à la sécurité publique » ;
3° À la fin du 1° de l’article L. 288-1, les mots : « à L. 214-3 » sont remplacés par les mots : « et L. 214-2 » ;
4° L’article L. 152-1 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les références au code du travail sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. » ;
5° Après le 3° de l’article L. 157-2, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Les références au code du travail sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet ; »
6° L’article L. 158-2 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les références au code du travail sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. »
II. – Les articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 2338-3 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique ».
III. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
IV. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
V. – La deuxième colonne de la septième ligne du tableau constituant le second alinéa des articles L. 552-6, L. 562-6 et L. 573-2 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi rédigée :
« Résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité publique ».
VI. – Le IV de l’article 1er et l’article 8 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Le II de l’article 2 et les II et III de l’article 3 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
L’article 9 est applicable en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à la sécurité publique.
(Le projet de loi est adopté.)
18
Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 24 janvier 2017, deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- les contrôles d’identité sur réquisitions du procureur de la République (n° 2016-606/607 QPC) ;
- le délit de communication irrégulière avec un détenu (n° 2016-608 QPC).
Acte est donné de ces communications.
19
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 26 janvier 2017 :
À dix heures trente :
1. Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales (n° 230, 2016-2017).
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l’assistance alimentaire (n° 137, 2016-2017).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (n° 271, 2016-2017).
3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro (n° 173, 2016-2017) ;
Rapport de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 313, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 314, 2016-2017).
4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays (n° 272, 2016-2017) ;
Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 307, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 308, 2016-2017).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze :
Projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (procédure accélérée) (n° 264, 2016-2017) ;
Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 311, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 312, 2016-2017) ;
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 306, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 janvier 2017, à zéro heure vingt.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD