M. Jean-François Husson. Zéro !
M. François Bonhomme. Il est bien oublié !
M. Benoît Huré. « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités, garantissant les dotations à leur niveau actuel. » Nous étions alors en 2011.
La nouvelle mandature devra refonder non seulement la relation entre l’État et les départements, mais aussi notre système de solidarité.
M. Benoît Huré. La position que je défends, au nom de tous mes collègues de l’Assemblée des départements de France, n’est pas seulement de circonstance. À la faveur de l’examen de ce projet de loi de finances, elle a vocation à conforter le rôle des départements, dans l’intérêt même de tous nos compatriotes.
Dans le combat décisif qu’il nous faudra livrer, toutes les énergies et toutes les initiatives devront pouvoir être mobilisées sur l’ensemble du territoire national. Il y va de la construction de l’avenir dans chacun des territoires qui font notre beau pays de France. Il y va des générations futures et de notre avenir commun. Nous devons tous en avoir conscience, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Benoît Huré. Pardonnez-moi, madame la présidente, d’avoir quelque peu dépassé mon temps de parole, mais on parle si peu des départements.
M. André Gattolin. On aurait pu en parler réellement, en examinant le budget !
M. Benoît Huré. J’ai même l’impression que l’on n’en parlera bientôt plus du tout ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je saisis l’occasion de cette discussion générale pour commenter pour partie les crédits de la mission « Justice », dont la commission des finances m’a nommé rapporteur spécial. Cette mission a pour objet les moyens de la justice judiciaire, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.
Le nouveau garde des sceaux a, semble-t-il, pris la mesure du désarroi, notamment matériel, dans lequel se trouvent les juridictions. En la matière, le volontarisme dont il a fait preuve mérite d’être salué.
M. le garde des sceaux propose de renforcer les moyens dévolus aux juridictions et de créer plus de 2 000 postes, dont des postes de magistrats ou de greffiers.
M. Antoine Lefèvre. En octobre, il a également annoncé un ambitieux plan de construction d’établissements pénitentiaires. Mais, malgré des crédits de paiement de 8,6 milliards d’euros, affichant une hausse de l’ordre de 5 % par rapport à 2016, je ne peux pas souscrire à ce projet de budget. En effet, cette augmentation significative des moyens doit être replacée dans son contexte.
Depuis 2012, alors que le Parlement adopte des budgets ambitieux, les dépenses effectives demeurent en deçà des crédits votés. Il s’agit moins d’une maîtrise réelle des coûts que de tentatives pour respecter la norme de dépenses, comme le montre l’augmentation continue des charges à payer. Ainsi, en 2016, si les charges à payer sont de la même ampleur qu’en 2015, leur résorption absorberait la quasi-totalité de l’augmentation des crédits prévue en 2017.
Par ailleurs, la hausse des crédits de paiement de la mission « Justice » correspond à l’évolution tendancielle des dépenses, en particulier au coût de l’augmentation des effectifs en 2016 et en 2017, ce qui est normal. Ce qui l’est moins, c’est qu’en conséquence les mesures nouvelles, les « annonces », ne sont pas financées. Je pense notamment à la construction de places de prison. Le Gouvernement nous propose de construire plus de 6 000 nouvelles places de prison sans dégrader le déficit public, grâce à un tour de passe-passe : il ouvre 1,2 milliard d’euros d’autorisations d’engagement, permettant à l’administration pénitentiaire de commencer les recherches de terrains et d’engager les dépenses y afférentes ; charge au prochain gouvernement de trouver les moyens de les financer ! (M. Jean-François Husson applaudit.)
Que l’on me comprenne bien : étant donné l’état de nos prisons et la situation de surpopulation carcérale, une action volontariste paraît indispensable, même s’il ne faut pas oublier de s’interroger sur l’efficacité de la réponse pénale. Néanmoins, est-ce bien raisonnable, à six mois des élections, d’engager de tels chantiers et de laisser la facture à la majorité suivante ? En définitive, ce projet de budget arrive un peu tard.
À ce stade, je tiens à formuler une remarque au sujet des moyens dont dispose la justice en France.
Pour savoir si un budget est prioritaire, nous étudions souvent son évolution par rapport à celle des autres postes de dépense. Mais les ordres de grandeur sont également significatifs. En 2017, les moyens de la justice judiciaire sont inférieurs aux dépenses publiques en faveur de l’audiovisuel public. Voilà qui peut nous interpeller. Ce constat doit nous faire réfléchir sur ce qui est réellement essentiel pour nos concitoyens.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. Antoine Lefèvre. Le Gouvernement propose d’augmenter les effectifs dans les juridictions, notamment en créant des postes de magistrats et de greffiers. La pyramide des âges rend ces recrutements nécessaires.
Ce travail de recrutement est d’autant plus important qu’il faut anticiper ses effets, en raison de la durée de formation de ces personnels. Pour les magistrats, le temps de formation s’élève, ainsi, à trente et un mois.
Malgré des recrutements en hausse, notamment depuis 2015, le taux de vacance des magistrats affectés en juridictions atteint 6 %. C’est là un niveau préoccupant.
Parallèlement, j’éprouve des doutes quant à la budgétisation des frais de justice.
À la rentrée, M. le rapporteur général nous a présenté un projet de décret d’avance ouvrant des crédits en faveur des frais de justice. Le Gouvernement avait indiqué que ce « dérapage » résultait des attentats. Toutefois, selon le ministère de la justice, les économies prévues dans la précédente loi de finances n’ont pas pu être réalisées, en raison notamment du décalage du déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ. C’est désormais cette plateforme que doivent utiliser les enquêteurs pour réaliser les écoutes ordonnées par le juge. En conséquence, les économies prévues sur les frais de justice grâce au déploiement de la PNIJ, qui doivent être de l’ordre de 35 millions d’euros, me paraissent assez peu crédibles. Les reports de crédits risquent de repartir à la hausse.
La création d’une telle plateforme a été décidée en 2005. Onze ans plus tard, ce dispositif n’est pas encore pleinement opérationnel.
Les bénéfices en termes de rapidité et l’automatisation des réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie sont indéniables. Le problème, aujourd’hui, porte sur les écoutes elles-mêmes.
Il me semble que ce projet, dont le coût total s’élève à 121 millions d’euros, ne doit pas être abandonné, étant donné les économies significatives qu’il devrait être à même d’entraîner. À titre de comparaison, les frais de justice en matière d’interceptions judiciaires ont coûté plus de 110 millions d’euros en 2015. Toutefois, il paraît indispensable de renforcer la coordination interministérielle. En outre, il convient de mieux piloter le projet avec Thales, entreprise sélectionnée pour réaliser la PNIJ. Enfin, il faut continuer à travailler avec les prestataires privés loueurs de matériel, qui proposent des fonctionnalités différentes.
Aujourd’hui même, des policiers et des magistrats ont fait paraître, dans la presse, un courrier destiné à Thales, par lequel ils relèvent les nombreux dysfonctionnements qu’a subis ce projet. Cette lettre dénonce un véritable fiasco.
Avant de conclure, j’aborderai le volet pénitentiaire du budget. Il porte principalement sur le plan de construction de nouvelles places de prison, mais il a également pour objet le recrutement de 1 255 surveillants pénitentiaires.
L’attractivité du recrutement est un enjeu majeur, alors que les conditions d’exercice du métier sont difficiles, notamment du fait de la surpopulation carcérale. À ce titre je formulerai deux remarques.
Premièrement, j’appelle l’attention sur un aspect spécifique de la situation des prisons.
J’ai visité plusieurs établissements pénitentiaires cette année. Alors que l’on demande aux visiteurs, et même aux équipes médicales, de laisser leur téléphone à l’entrée, plus de 30 000 téléphones portables ont été saisis dans les prisons françaises depuis le début de l’année. La semaine dernière, j’ai rappelé ce fait très préoccupant à M. le garde des sceaux, lors de son audition devant la commission des lois.
Les brouilleurs dont disposent certains établissements n’ont pas évolué avec la technologie. Autrement dit, ils brouillent la 2G, mais non la 4G. Dès lors, comme on me l’a rapporté à Fresnes ou à Osny, certains détenus utilisent des téléphones portables pour continuer à gérer des trafics, pour contacter leurs proches, voire leurs victimes, pour prendre en photo les surveillants ou leur véhicule, les localiser et les menacer de se livrer à des représailles sur leur famille.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Dominique de Legge. C’est incroyable !
M. Antoine Lefèvre. De telles situations sont inacceptables. Il nous faut agir.
Il semble qu’en Allemagne le groupe Siemens ait mis en œuvre un dispositif de brouillage performant, mais bien sûr onéreux. Aux dernières nouvelles, l’administration pénitentiaire française aurait enfin engagé des négociations pour trouver un moyen technique efficient permettant de brouiller effectivement les communications. Même si ces investissements coûtent cher, ils me paraissent constituer aujourd’hui une priorité absolue pour la sécurité de tous.
Deuxièmement, je tiens à mentionner les extractions judiciaires. Depuis 2012, ces dernières ne relèvent plus des forces de sécurité intérieure. Elles sont de la responsabilité de l’administration pénitentiaire. Or, au 31 juillet 2016, le taux d’impossibilité de faire était de l’ordre de 20 % : ainsi, lorsqu’un magistrat demandait à voir un détenu, l’administration pénitentiaire indiquait dans 20 % des cas qu’elle n’en était pas capable.
Enfin, le recours à la visioconférence doit être facilité.
Mes chers collègues, compte tenu de ces diverses remarques, particulièrement pour ce qui concerne le financement du programme immobilier pénitentiaire, j’ai proposé à la commission des finances d’émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice ». Cet avis a été suivi. Les mêmes motifs me conduisent, à présent, à voter la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, pour ma part, je vais vous entretenir du budget du ministère de la défense. Ses crédits s’élèvent à 32,7 milliards d’euros, soit 400 millions d’euros de plus que l’inscription figurant dans la loi de programmation militaire actualisée.
L’incertitude majeure qui pesait sur la sincérité du budget pour 2017, liée à la fin de gestion de l’année 2016, pourrait sembler levée au regard de deux éléments.
Tout d’abord, le décret d’avance de fin d’année prévoit l’ouverture de 830 millions d’euros au titre des OPEX comme des OPINT. Ces crédits supplémentaires, qui étaient en partie gagés sur les crédits du programme 146, « Équipement des forces », font l’objet d’une compensation au titre du projet de loi de finances rectificative.
Ensuite, sont restitués au ministère de la défense 1,9 milliard d’euros de crédits ayant fait l’objet d’un gel ou d’un surgel au titre de 2015 ou de 2016.
M. le secrétaire d’État recueillera à cet égard un semblant de satisfecit, si toutefois il m’écoute…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous écoute ! Si je consulte mes documents, c’est pour comparer vos chiffres aux miens !
M. Dominique de Legge. Mais nous n’allons pas en rester là, car, sur le fond comme sur la forme, plusieurs incertitudes demeurent et certaines pratiques budgétaires se révèlent contestables.
Sur les 400 millions d’euros de recettes supplémentaires du budget pour 2017, 100 millions d’euros proviennent d’une inscription de recettes exceptionnelles, en sus des 150 millions d’euros déjà prévus à ce jour à travers la loi de programmation militaire actualisée.
Lorsque nous avons examiné la précédente loi de programmation militaire, nous avons dénoncé, ici, au Sénat, le chiffre totalement irréaliste de 2 milliards d’euros.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est parce que vous avez oublié 500 millions d’euros dans vos calculs !
M. Dominique de Legge. La position que j’ai alors eu l’honneur de défendre a contribué à ce que le Gouvernement remplace, sous la contrainte, des crédits improbables par de véritables crédits budgétaires. Monsieur le secrétaire d’État, il serait fâcheux de retourner à ces errements !
Par ailleurs, je ne peux que le répéter, le choix de maintenir une provision OPEX à un niveau de 450 millions d’euros, alors que nous savons que le surcoût réel lié aux opérations extérieures sera certainement proche du milliard d’euros, nous fait douter de la sincérité du budget de la défense et, au-delà, du budget de l’État dans son ensemble. Ce matin même, en commission des finances, nous avons pu observer diverses manipulations de fin de gestion.
De plus, la perspective de la prolongation de l’état d’urgence, qui suppose le maintien de l’opération Sentinelle à son niveau actuel, continue de soulever trois problèmes.
Le premier est de garantir le maintien en condition opérationnelle des hommes pour assumer les missions traditionnelles.
Le deuxième problème est de maintenir dans la durée, par le biais de réquisitions prononcées par le ministre de l’intérieur, la participation de militaires à des tâches de maintien de l’ordre. Soyons clairs : le fait que des militaires participent à des opérations sur le territoire national ne pose pas problème en soi. La question est celle du mandat et du statut sous lesquels ces forces interviennent. On ne peut, d’un côté, affirmer que la lutte contre l’islam intégral va être longue et, de l’autre, continuer à fonctionner sans autre perspective que la reconduction d’un état d’urgence qui, d’exceptionnel, deviendrait permanent.
Le troisième problème est celui des conditions matérielles dans lesquelles nos militaires interviennent. Le présent projet de loi de finances permet de parer au plus urgent, en logeant dans des conditions à peu près décentes les troupes déployées dans le cadre de l’opération Sentinelle. Mais les crédits prévus ne permettront pas d’assurer de manière satisfaisante l’entretien quotidien des bâtiments concernés.
Je souligne au passage que les primes allouées aux militaires de l’opération Sentinelle n’ont toujours pas été versées.
De surcroît, les travaux de contrôle que j’ai consacrés au surcoût des OPEX et des OPINT mettent au jour ce constat : la forte activité opérationnelle de nos armées se traduit par des phénomènes de suractivité et de surintensité.
Dans ce contexte, il paraît évident que les crédits dédiés au maintien en condition opérationnelle sont significativement insuffisants. Ils ne permettent pas d’assurer la régénération ou le renouvellement des matériels. Dès lors, le risque d’une perte de capacité est réel.
Au total, j’estime que ce budget et, plus généralement, la politique de défense du gouvernement laissent sans réponse trois questions fondamentales.
Tout d’abord, je pense à l’inscription dans la durée des OPINT, en lien avec la reconduction de l’état d’urgence. Dans ce cadre, la répartition des responsabilités entre la défense, la police et la justice n’est pas encore clarifiée.
Ensuite, je songe à l’inadéquation avérée entre la loi de programmation militaire et les besoins des armées.
Chers collègues, on peut se réjouir que les crédits de la loi de finances soient supérieurs aux montants anticipés au titre de la LPM. On pourrait en conclure que les objectifs fixés par ce dernier texte sont respectés et même dépassés. Mais on peut aussi, comme je vous y invite, considérer une autre réalité : nos forces sont mobilisées bien au-delà du contrat opérationnel prévu en LMP, et elles ne disposent pas pour autant de moyens en conséquence.
Enfin, j’ai à l’esprit les importants besoins qui se font jour quant à la régénération des matériels et qui ne sont pas satisfaits. Cette situation donne cruellement le sentiment que le ministère vit à crédit.
M. Dominique de Legge. En conclusion, le budget de la défense pour 2017 ne fait pas exception. Le Gouvernement renvoie à plus tard, non seulement le financement de ces actions, mais aussi la réponse aux questions de fond qui sont posées. Dès lors, l’effort de 2 % du PIB consacré à la défense n’apparaît plus comme un objectif, mais comme un impératif si la France entend conserver la place qu’elle s’est assignée sur la scène internationale.
Monsieur le secrétaire d’État, le budget que vous nous proposez pour 2017 ne va pas du tout dans ce sens. Il ne prépare pas cet effort. Voilà des raisons suffisantes pour que nous adoptions la question préalable qui nous sera proposée demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite évoquer devant vous le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », dont j’ai examiné les crédits en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’adoption de ces crédits en commission n’est pas un satisfecit donné au Gouvernement. Elle signifie simplement que les financements en question sont indispensables au fonctionnement de notre réseau culturel, diplomatique et consulaire, de notre réseau d’écoles, ainsi qu’à notre attractivité universitaire et scientifique.
Comme les années précédentes, et même plus nettement encore, les financements restent insuffisants : moins 4 % l’année dernière, moins 1,2 % cette année… Si l’on considère l’évolution du budget sur la totalité du quinquennat, on constate que les fonds alloués au programme 185 reculent de 10 %, ce qui est considérable.
Certes, il convient de contribuer à la réduction du déficit public, mais cette dernière contraint les postes diplomatiques à une gestion de la pénurie qui rencontre aujourd’hui ses limites. Aussi, je m’inquiète de l’insouciance avec laquelle le présent gouvernement laisse s’appauvrir plusieurs postes importants, tout en remettant à plus tard les réformes structurelles qui permettraient de dégager des ressources extérieures.
J’évoquerai tout d’abord les difficultés de l’enseignement français à l’étranger.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Louis Duvernois. En la matière, notre réseau est l’un des plus étendus du monde. Il s’étend à 137 pays d’accueil et compte 495 établissements scolaires homologués par l’éducation nationale. De plus, il rencontre un vif succès. Cette année, les lycées français à l’étranger ont affiché un taux de réussite au baccalauréat de 97 %.
Monsieur le secrétaire d’État, vous me direz que la subvention versée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, laquelle représente plus de la moitié des crédits du programme, augmente de 1,7 million d’euros en 2017. Cependant, il serait erroné de croire que cette augmentation répond à la hausse constante des effectifs scolaires – ces derniers ont encore crû de 1,8 % en 2016. Non, l’amélioration en trompe-l’œil des financements publics est due à une enveloppe de plus de 14 millions d’euros ! Ces crédits, versés cette année à titre exceptionnel, viennent assurer la sécurisation des établissements dans les zones géographiques les plus sensibles et non renforcer l’offre éducative stricto sensu. Ainsi, hors sécurité, la dotation est réduite de 13 millions d’euros en 2017 par rapport à 2016. Les chiffres ne mentent pas. Arrêtons de les manipuler pour faire croire que tout va bien !
La Cour des comptes ne concluait-elle pas, il y a un mois, qu’il était nécessaire de maintenir, dans ce domaine, le niveau des crédits publics ? Elle estimait dans le même temps que « l’absence de décisions ambitieuses condamnerait notre réseau d’enseignement français à l’étranger à l’incertitude, voire à un lent déclin ».
Ce qui manque le plus aujourd’hui dans la gestion des finances publiques, c’est la capacité managériale, c’est le courage de voir les choses en face, c’est la volonté de réformer. En cette fin de quinquennat, nous attendons toujours la réforme du modèle de gouvernance économique de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et la diversification de ses sources de financement. Je rappelle que l’État ne couvre plus que 38 % des coûts de fonctionnement de cette instance. Le restant doit être pris en charge par les familles via la hausse régulière des frais de scolarité, lesquels peuvent atteindre 25 000 euros par élève et par année.
Ce modèle de gouvernance économique est déjà contesté par les premiers contributeurs financiers au sein des établissements scolaires homologués à l’étranger, à savoir les parents d’élèves. En outre, seuls 104 millions d’euros ont été consacrés aux bourses scolaires cette année, au lieu des 125 millions d’euros que le Gouvernement s’était engagé à maintenir à la suite de la réforme du barème des bourses. On nous avait promis que cette réforme, menée en 2013, serait équilibrée et généreuse. Or, trois ans plus tard, l’enveloppe boursière a fondu de plus de 20 millions d’euros et l’augmentation du nombre de boursiers a réduit d’autant les quotités attribuées, excluant encore davantage les familles à revenus moyens.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le ministère de l’éducation nationale, je peux attester que les fameuses créations de postes d’enseignants mises en avant par le Gouvernement ne bénéficient pas aux Français de l’étranger, alors que les écoles du réseau homologué comptent un tiers de Français parmi les élèves scolarisés. En vertu de la priorité fixée à l’échelle nationale, ces élèves devraient bénéficier de 600 enseignants supplémentaires, ce qui n’est pas le cas. Les Français de l’étranger ont l’habitude d’être considérés comme une variable d’ajustement au titre des comptes publics. Désormais, ils sont devenus des oubliés au sein de la maison France.
Un autre secteur subit une contrainte budgétaire forte : le réseau culturel français. Je songe tout particulièrement à l’Institut français, dont les crédits sont en baisse de 3 % pour 2017 et dont les capacités d’autofinancement atteignent leurs limites.
Les coupes budgétaires successives mettent en péril la capacité de l’Institut français à exercer ses missions : du fait des coûts fixes que cette instance doit assumer, la variable d’ajustement ne peut plus porter que sur les projets mis en œuvre. Il sera nécessaire de garantir tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, une complémentarité d’action entre l’Institut français et d’autres réseaux, tel celui les alliances françaises locales. En outre, il faudra rechercher des synergies au sein de réseaux autonomes.
Enfin, j’évoquerai l’attractivité universitaire française.
Notre pays se situe entre la troisième et la cinquième position pour l’accueil d’étudiants étrangers. Il doit aujourd’hui renforcer ses positions dans un contexte où le nombre d’étudiants dans le monde explose – il doublera d’ici à 2020 – et où la concurrence pour attirer les meilleurs s’intensifie.
On compte 236 espaces et antennes Campus France dans 120 pays, mais la subvention pour charges de service public ne cesse de baisser.
De même, l’octroi de bourses d’études et de stage, qui fait partie de la politique d’attractivité de notre pays, subit pour 2017 une baisse des crédits gouvernementaux de 4,3 %.
Ce mouvement ne saurait se prolonger sans finir par porter atteinte à la capacité d’attractivité du réseau universitaire et scientifique français, à un moment où une récente étude démontre que la reconnaissance de l’enseignement supérieur français progresse auprès des grands décideurs économiques mondiaux.
Cette situation traduit bien l’échec du Gouvernement en matière d’action extérieure : une action insincère et démagogique, car il sait qu’il n’aura pas à l’appliquer. Elle soumet nos opérateurs à des restrictions qui finalement ne viennent pas régler le problème du déficit public, car les dépenses explosent en faveur d’autres cibles plus intéressantes sur le plan électoral. Je voterai donc la motion tendant à opposer la question préalable afin de rejeter le projet de loi de finances pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2017 revêt cette année un caractère particulier : le recours à la motion tendant à opposer la question préalable fait partie du présent débat budgétaire, engagé jeudi dernier. Je tiens toutefois à souligner le travail de fond de grande qualité réalisé non seulement par la commission des finances, mais également par les autres commissions et l’ensemble de leurs services sur les différentes missions.
Certes, gérer un pays comme la France est très difficile, quel que soit le gouvernement en place.
L’ensemble des recettes prévisionnelles brutes s’élève à 416 milliards d’euros, dont 401 milliards d’euros de recettes fiscales. Parmi celles-ci, la TVA constitue la première recette pour un montant de 203 milliards d’euros, suivie de l’impôt sur le revenu pour un montant de 78 milliards d’euros et de l’impôt sur les sociétés pour un montant de 60 milliards d’euros.
À l’ensemble de ces recettes, il convient d’ôter 63 milliards d’euros de prélèvements sur les recettes de l’État, dont 44 milliards d’euros au profit des collectivités locales et 19 milliards d’euros au profit de l’Union européenne.
Dans l’analyse objective du Haut Conseil des finances publiques relative aux grands équilibres du projet de loi de finances, il est constaté une surestimation des recettes publiques attendues pour 2017. D’un côté, on assiste à une surestimation des recettes et, de l’autre, à une sous-évaluation des dépenses. C’est pourquoi ce projet de loi est soupçonné d’insincérité.
Les dépenses représentent plus de 427 milliards d’euros répartis inégalement entre les différentes missions. Parmi les postes de dépenses les plus importants, 108 milliards d’euros sont prévus pour les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et locaux, 70 milliards d’euros pour l’enseignement scolaire, 40 milliards d’euros pour la défense et 19 milliards d’euros pour les sécurités.
Dans le cadre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », que je rapporte au sein de la commission des finances, les crédits de paiement s’élèvent à 2,55 milliards d’euros. Cette mission comporte trois programmes.
Le programme 167 concerne essentiellement les crédits de la journée défense et citoyenneté et les opérations commémoratives promues par le secrétariat d’État.
Le programme 169, qui est le plus important, représente 2,4 milliards d’euros de crédits destinés à honorer un certain nombre de droits, dont la dette viagère à hauteur de 1,9 milliard d’euros. Il s’agit de la retraite du combattant et des pensions militaires d’invalidité.
Le programme 158 implique les services du Premier ministre et réunit les moyens nécessaires à la réparation des spoliations et des actes de nature antisémite et de barbarie commis pendant le second conflit mondial.
Globalement, le projet de budget fait ressortir une baisse des crédits à hauteur de 2,6 % en crédits de paiement liée malheureusement à la réduction du nombre de bénéficiaires. Cet effort financier en faveur du monde combattant et des associations patriotiques et de mémoire est aussi une action de respect et de solidarité. S’y ajoutent les 750 millions d’euros estimés concernant les dépenses fiscales.
S’agissant de la revalorisation de la carte du combattant, ce coup de pouce ne suffira pas à effacer les pertes de pouvoir d’achat subies par les titulaires des droits liés à la valeur du point PMI, qui sert de base de calcul de leur paiement.
Cette mission a été adoptée à l’unanimité au sein de notre commission des finances bien que des efforts restent à faire en faveur du monde combattant.
Un autre point que je souhaite évoquer concerne les avis de la commission des finances pour les décrets portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance, comme c’était le cas ce matin en commission pour 1,7 milliard d’euros de crédits de paiement.
Des annulations diverses concernent beaucoup de missions. J’en donnerai trois exemples : moins 14,7 millions d’euros pour la mission « Anciens combattants », moins 147 millions d’euros pour le concours aux collectivités locales, moins 2,9 millions d’euros pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dont la délégation aux droits des femmes regrette l’infime budget.
Enfin, le devenir des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, qui soutiennent les communes et intercommunalités défavorisées, semble particulièrement menacé. Pour compléter les propos de mon collègue Benoît Huré, j’ajouterai que cette aide représente 12 millions d’euros dans le département des Ardennes. Notre collègue M. Michel Bouvard a également rappelé avec beaucoup d’insistance l’importance de ces fonds.
Compte tenu des incertitudes qui ont été évoquées par de nombreux collègues, j’adopterai la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)