compte rendu intégral

Présidence de M. Hervé Marseille

vice-président

Secrétaires :

Mme Valérie Létard,

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 43 ter (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Quatrième partie

Financement de la sécurité sociale pour 2017

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article 43 quater (nouveau)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (projet n° 106, rapport n° 114 [tomes I à VIII], avis n° 108).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre IV de la quatrième partie, à l’article 43 quater.

QUATRIÈME PARTIE (SUITE)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2017

TITRE IV (SUITE)

DISPOSITIONS RELATIVES À LA BRANCHE MALADIE

CHAPITRE II (SUITE)

Promouvoir les parcours de santé

Quatrième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article 43 quinquies (nouveau)

Article 43 quater (nouveau)

I. – À défaut de signature avant le 1er février 2017 d’un avenant à la convention nationale des chirurgiens-dentistes en vigueur mentionnée à l’article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, un arbitre arrête un projet de convention dans le respect du cadre financier pluriannuel des dépenses d’assurance maladie.

Ce projet de convention reconduit la convention nationale des chirurgiens-dentistes en vigueur, en modifiant ses articles 4.2.1 et 4.3.3 et ses annexes I et V, pour déterminer les tarifs mentionnés au 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale et la limite applicable aux dépassements autorisés sur tout ou partie de ces tarifs. Les dispositions de la convention antérieure continuent de produire leurs effets jusqu’à la date d’entrée en vigueur du règlement arbitral qui la remplace.

L’arbitre est désigné avant le 1er février 2017 par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et au moins une organisation syndicale représentative des chirurgiens-dentistes. À défaut, l’arbitre est désigné par le président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, sur proposition du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, dans un délai de huit jours. Le nom de l’arbitre est notifié aux partenaires conventionnels ainsi qu’aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

L’arbitre dispose d’un délai d’un mois à compter de sa désignation pour transmettre un projet de règlement arbitral aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Il auditionne les représentants de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, des organisations syndicales représentatives des professionnels de santé et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire.

Le I de l’article L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale s’applique aux conditions de transmission, d’approbation et de mise en œuvre du règlement arbitral.

La procédure d’approbation de l’avenant mentionné au premier alinéa du présent article est mise en œuvre sans appliquer le délai prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 162-14-3 du même code.

II. – La deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est complété par les mots : « , de l’adolescent et du jeune adulte » ;

2° L’intitulé du titre III du livre Ier est complété par les mots : « , l’adolescent et le jeune adulte » ;

3° Le même titre III est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Examens et prévention

« Art. L. 2134-1. – Dans l’année qui suit leur neuvième, leur quinzième, leur dix-huitième, leur vingt et unième et leur vingt-quatrième anniversaire, les assurés bénéficient d’un examen bucco-dentaire de prévention réalisé par un chirurgien-dentiste ou un médecin qualifié en stomatologie. Ces examens, ainsi que les soins consécutifs, ne donnent pas lieu à contribution financière de la part des assurés.

« Les conventions mentionnées aux articles L. 162-5 et L. 162-9 du code de la sécurité sociale déterminent, pour les médecins qualifiés en stomatologie et pour les chirurgiens-dentistes, la nature, les modalités et les conditions de mise en œuvre de cet examen. À défaut de convention, ou si la convention ne prévoit pas de disposition sur la nature, les modalités et les conditions de mise en œuvre de cet examen et sur la prise en charge des soins consécutifs, ces dernières sont définies par arrêté interministériel. »

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux rappeler l’importance de l’enjeu sous-jacent à cet article.

Des négociations conventionnelles sont actuellement en cours entre les chirurgiens-dentistes et l’assurance maladie. Il s’agit d’adopter un avenant à la convention tacitement reconduite en juin dernier portant sur le rééquilibrage des soins conservateurs et des soins prothétiques dans la rémunération des professionnels.

Anticipant un possible échec de ces négociations en cours, l’article 43 quater vise à définir une procédure arbitrale subsidiaire permettant de mettre en œuvre cette réforme dans le cas où la procédure n’aboutirait pas avant le 1er février 2017.

La mise en œuvre d’une procédure arbitrale, telle qu’elle est prévue par l’article L.162-14-2 du code de la sécurité sociale, apparaît tout à fait souhaitable en cas de blocage des négociations conventionnelles. Sur ce point, madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous.

Cette procédure générique est cependant prévue pour l’élaboration d’une nouvelle convention, et non pour la mise en œuvre d’un avenant ponctuel, par une procédure ad hoc. Or c’est bien ce qu’il est proposé de faire ici, à savoir changer les règles du jeu en cours de négociation.

Bien évidemment, on ne peut que reconnaître l’évidente nécessité d’un meilleur équilibre entre les soins conservateurs et les actes prothétiques dans la rémunération des chirurgiens-dentistes. Pour autant, il paraît très peu opportun de modifier les règles conventionnelles en cours de négociation. En outre, cela risquerait de déstabiliser l’équilibre conventionnel global de l’ensemble des professions médicales et paramédicales.

Une série de sept amendements visant à la suppression de cette procédure arbitrale ad hoc ont été déposés. Les six premiers amendements tendent à la suppression totale de l’article ; le septième, déposé au nom de la commission, ne tend qu’à la suppression des six premiers alinéas de l’article 43 quater, les alinéas suivants concernant l’inscription dans le code de la santé publique d’un dispositif de prévention bucco-dentaire à destination des enfants et des jeunes.

La commission a émis un avis favorable sur les amendements de suppression totale de l’article. À titre personnel, je signale toutefois qu’il est possible de supprimer la procédure arbitrale, qui pose problème, tout en conservant le reste du dispositif.

L’amendement n° 197 rectifié bis tend quant à lui à repousser de six mois la date à laquelle le règlement arbitral pourrait intervenir. Si je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, je leur demanderai de bien vouloir le retirer. En effet, le problème posé ici n’est pas tant la durée impartie aux négociations, que le caractère ad hoc du dispositif imaginé par le Gouvernement. En outre, en cas d’échec de la négociation, une telle disposition pourrait créer un précédent dangereux pour l’ensemble de l’édifice conventionnel.

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.

L'amendement n° 41 rectifié bis est présenté par MM. Revet, Vaspart, Cornu, G. Bailly, Bignon, Bizet, D. Laurent et Chaize, Mme Duchêne et MM. Mayet et Grand.

L'amendement n° 163 rectifié est présenté par M. Husson, Mme Cayeux, MM. B. Fournier et Savin, Mme Estrosi Sassone, MM. Bas, Laufoaulu, Perrin, Raison et Chasseing, Mme Gruny, MM. de Raincourt et Rapin, Mme Hummel, MM. Lefèvre et Revet, Mme Mélot, MM. Houel, Karoutchi, Laménie et Buffet, Mme Deromedi, MM. Lemoyne et Longuet, Mme Lamure et M. Gremillet.

L'amendement n° 285 est présenté par M. Labazée.

L'amendement n° 343 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 399 rectifié bis est présenté par MM. Canevet, Gabouty, Longeot, Détraigne, Cadic, Luche, Marseille, Tandonnet et L. Hervé, Mme Billon, M. Delahaye et Mme Férat.

L'amendement n° 431 rectifié bis est présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Bertrand, Castelli et Guérini, Mme Laborde, MM. Mézard, Requier et Barbier et Mme Jouve.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 41 rectifié bis n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° 163 rectifié.

Mme Jacky Deromedi. Le présent article, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, prévoit l’intervention d’une procédure de règlement arbitral en l’absence de signature d’un avenant à la convention dentaire d’ici au 1er février 2017.

L’arbitre désigné arrêterait alors un projet de convention reconduisant le texte en vigueur et modifiant les articles relatifs aux tarifs – notamment les articles 4.2.1 et 4.3.3 et les annexes I et V de la convention –, ainsi que la limite applicable aux dépassements autorisés sur tout ou partie de ces tarifs.

La convention dentaire a été tacitement reconduite pour cinq ans, par avis publié au Journal officiel du 20 juillet 2016.

La négociation, qui a débuté le 22 septembre dernier et qui réunit autour de la table les trois syndicats représentatifs – la Fédération des syndicats dentaires libéraux, FSDL, la Confédération nationale des syndicats dentaires, CNSD, et l’UJCD-Union Dentaire –, l’Union nationale des caisses d’assurances maladie, l’UNCAM, et l’Union des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, porte sur la signature d’un avenant n° 4 ayant pour ambition de rééquilibrer les soins dentaires.

Cette disposition, inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale alors que la négociation est en cours, remet en cause les prérogatives des partenaires conventionnels et nie leur capacité à pouvoir aboutir à un accord. En outre, elle modifie le cadre juridique et la procédure conventionnelle de façon arbitraire et fragilise pour l’avenir l’ensemble des conventions.

Nous demandons donc la suppression du présent article, afin de permettre le succès de la négociation en cours.

M. le président. L’amendement n° 285 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 343.

Mme Laurence Cohen. L’article 43 quater, introduit à l’Assemblée nationale par un amendement gouvernemental, propose de fixer une date butoir aux négociations visant à la signature d’un avenant à la convention de 2006 des chirurgiens-dentistes.

En cas d’échec de ces négociations au 1er février 2017, un règlement arbitral définira la nouvelle convention en y inscrivant des dispositions non négociées.

Les syndicats responsables de la négociation – la FSDL, la CNSD et l’Union dentaire –, l’UNCAM et l’UNOCAM ont pourtant commencé la négociation du quatrième avenant à cette convention le 22 septembre 2016. Qui plus est, les discussions respectent les objectifs et les axes que vous avez vous-même fixés, madame la ministre, notamment en ce qui concerne l’encadrement des tarifs des soins dentaires.

Après quatre séances d’échanges, les constats sur l’état des lieux sont partagés et la volonté de changer la situation pour améliorer l’accès aux soins semble unanime. À ce stade de la discussion, les moyens à mettre en œuvre pour aboutir à une ambitieuse réforme du financement des soins dentaires n’ont pas encore été définis.

Faisant visiblement peu confiance à la capacité des partenaires conventionnels de mener à bien ces négociations, le Gouvernement a décidé de changer les règles du jeu, sans doute pour annoncer une réforme de soins dentaires en trompe-l’œil, qui ne changera rien aux problèmes de nos concitoyens.

Ce passage en force, en imposant une procédure arbitrale en l’absence d’accord avant le 1er février 2017, n’est pas la bonne méthode. Les difficultés d’accès à l’ensemble des soins dentaires – préventifs, conservatoires, prothétiques, orthodontiques et implantaires – résultent en grande partie de l’aspect financier.

Or la solution ne se trouve pas dans les soins low cost, comme en témoignent les 2 000 victimes des cabinets Dentexia. La santé bucco-dentaire doit être traitée sur le même plan que la santé en général. Toute discrimination va à l’encontre de la santé de la population.

L’élaboration d’une véritable politique de prévention bucco-dentaire collective et individuelle dès le plus jeune âge, de concert avec les professionnels du secteur, nous semble la mesure la plus pertinente d’un point financier, comme le montre l’exemple du département pilote du Val-de-Marne.

M. le président. L’amendement n° 399 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 431 rectifié bis.

M. Gilbert Barbier. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Favorable, monsieur le président, pour les raisons que j’ai évoquées lors de mon intervention sur l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces amendements de suppression me surprennent un peu.

L’accès aux soins dentaires dans notre pays constitue aujourd’hui un enjeu majeur. Tout d’abord, parce que les prix des soins dentaires, en particulier les soins prothétiques, qui ne sont pas encadrés, sont extrêmement élevés – les différences peuvent donc être très importantes selon les praticiens. Ensuite, parce que la part prise en charge par la sécurité sociale est inférieure à celle des organismes complémentaires.

Le Gouvernement vise donc un double objectif : une baisse des prix des prothèses, en échange d’une revalorisation des tarifs de soins dits « conservateurs » ; l’augmentation progressive de la part prise en charge par l’assurance maladie par rapport à celle des complémentaires, pour se rapprocher du droit commun.

Cela ne se fera pas un an. Le Gouvernement a mis en place un plan pluriannuel. Nous avons prévu, pour la seule année 2017, une enveloppe de 200 millions d’euros. Nous savons que cela ne suffira pas. C'est la raison pour laquelle les sommes allouées sur cinq ans seront, au final, beaucoup plus importantes.

Ce n’est pas la première fois que les partenaires conventionnels engagent des négociations sur la maîtrise du prix des prothèses. En 2006, lors de la négociation de la convention, les constats étaient déjà partagés par l’ensemble des acteurs. Tout le monde était d’accord pour aller vers une maîtrise, sinon une baisse, des prix des prothèses et une revalorisation des soins conservateurs. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Rien n’a changé, et les inégalités se sont même encore creusées.

Je ne mets pas du tout en cause, par principe, la volonté des partenaires conventionnels d’aboutir. Toutefois, dans la mesure où il s’agit d’un enjeu d’intérêt général, j’estime nécessaire de nous doter des moyens d’avancer en cas de blocage.

Or j’ai pu constater au cours de ces dernières que la perspective d’un transfert des discussions au niveau gouvernemental, voire parlementaire, incitait généralement les partenaires conventionnels à trouver un accord favorable aux patients. Ainsi, lors de la négociation de l’avenant VIII, prévenir les parties que nous aurions recours au législateur en cas d’échec – c’est toujours légitime sur les questions de santé – a permis de parvenir à un accord.

Ma démarche ne s’inscrit donc pas dans la défiance. Il s’agit ici d’une mesure de précaution et d’engagement vis-à-vis de nos concitoyens, qui nous disent tous – pas seulement dans nos permanences ou sur les marchés, mais aussi lors des repas de famille – que les soins dentaires sortant de l’ordinaire coûtent trop cher. Et ce sont non pas seulement les Français les plus modestes qui se plaignent d’éprouver de telles difficultés, mais aussi les classes moyennes.

Nous devons nous donner les moyens d’atteindre cet objectif, que nous partageons tous. Encore une fois, le constat est le même depuis des années, et nous faisons toujours du sur-place. Je vois bien, eu égard au nombre d’amendements déposés, que ces dispositions vont être supprimées, ce que je regrette, car il s’agit d’un sujet majeur pour nos concitoyens.

Au reste, il ne s’agit pas de mettre à mal la logique conventionnelle. L’avenant ne vise pas à ajouter trois virgules et deux paragraphes au texte. Un texte aussi important peut à lui seul faire l’objet à lui seul d’une négociation. Je le répète, pour l’avenant VIII, nous n’avions pas prévu de recourir à un arbitrage, mais au législateur en cas d’échec de la négociation. Or cet argument a incontestablement permis d’accélérer les discussions et favorisé un accord.

Les partenaires conventionnels sont engagés dans une démarche positive que je souhaite voir aboutir. Je ne voudrais pas que nous nous retrouvions, comme en 2006, avec des déclarations d’intention qui ne soient pas suivies d’effet.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Je partage tout à fait l’avis de Mme la ministre.

Je ne supportais plus, quand j’exerçais encore, de voir tant de personnes âgées ne pouvant accéder aux soins dentaires et aux prothèses. Nous parlions hier du non-accès aux soins, faute de médecins ; ici, c’est du non-accès aux soins en raison des coûts qu’il est question.

Je puis comprendre que l’on veuille respecter les règles de négociation, mais quand l’on constate que le coût d’un implant dentaire peut varier du simple au triple, c’est bien que des marges de manœuvre existent. Cette situation n’est plus supportable. S’il faut être un peu coercitif et mettre la pression sur les parties pour parvenir à l’encadrement tarifaire des prothèses dentaires, faisons-le !

À titre personnel, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Lors de son audition, la CNSD a constaté avec regret que 20 % du nombre d’actes représentaient 80 % du chiffre d’affaires des cabinets. Il est donc bien nécessaire de revoir la tarification des actes. Toutefois, madame la ministre, le meilleur moyen d’aboutir est de poursuivre les négociations engagées.

Par ailleurs, l’amendement n° 132 rectifié de la commission, qui tend à préserver le chapitre IV, me semble de meilleur aloi que le nôtre. En effet, il est indispensable de consacrer des moyens à la politique de prévention bucco-dentaire qui régresse depuis dix ans.

L’instauration d’un examen bucco-dentaire conventionnel annuel de la petite enfance, dès un an, est une avancée précieuse. Il serait sans doute nécessaire d’en réaliser un second à l’âge de trois ans. De même pour les seniors : il me semble indispensable de réaliser un examen dentaire lors de l’entrée en EHPAD, avec une prise en charge à 100 % des frais de prévention et de soins qui en découlent.

C'est la raison pour laquelle j’insiste sur la mise en place, dans tous les établissements, d’une filière de soins. La réponse réside dans la création de réseaux de santé bucco-dentaire articulés avec les réseaux de gériatrie.

Il appartient, en lien de financement avec l’assurance maladie, aux collectivités et aux établissements d’accorder les moyens nécessaires à cette prise en charge de la santé bucco-dentaire des personnes en perte d’autonomie, notamment dans le cadre des plans départementaux des personnes âgées ou des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.

De plus, il est nécessaire que les services hospitaliers puissent recevoir les patients ayant des besoins spécifiques.

Mes propos peuvent sembler contradictoires, mais il n’en est rien. Je pense sincèrement que, si nous menons les négociations jusqu’au bout avec les professionnels de la santé bucco-dentaire, nous aboutirons à des accords permettant à la population d’être mieux soignée, à de meilleurs tarifs.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Gérard Roche s’est exprimé avec beaucoup de clarté et de force. L’enjeu, au-delà de cette discussion, c’est la place de l’assurance maladie, des complémentaires et des assurances privées dans notre système de santé.

La démarche du Gouvernement en matière de soins dentaires doit être soutenue avec la plus grande force. Mme la ministre a rappelé les difficultés et les échecs du passé. Si, comme je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, la primauté doit toujours être accordée à la négociation conventionnelle, il nous semble nécessaire de pouvoir exercer une pression sur les discussions en cours. C’est que nous touchons ici à un sujet très pointu de santé publique, qui concerne l’ensemble de nos concitoyens. Nous devons faire en sorte que la négociation collective aboutisse.

Pour ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Nous ne voterons pas non plus ces amendements, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées par M. Roche et par M. Daudigny.

Nos concitoyens de tous âges nous disent leurs difficultés à soigner leurs dents en raison des faibles remboursements et des tarifs pratiqués. Ce problème de santé publique massif touche toutes les générations.

Devant de tels enjeux, nous souhaitons, comme Mme la ministre, que les négociations aboutissent. Elles doivent se poursuivre de manière sérieuse et régulière. Toutefois, devant l’ampleur du problème, il me semble que le législateur doit aussi prendre ses responsabilités et ne négliger aucune précaution.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais dire à Gérard Roche, à Yves Daudigny et à Aline Archimbaud que nous sommes conscients du problème. Il ne s’agit pas de maintenir la population en « sous-traitement », si j’ose dire. Pardonnez-moi l’expression, mais nos concitoyens ne sont pas des « sans-dents ».

Toutefois, il y a une question de principe : cette disposition revient à revient à traiter les négociateurs comme des gamins, incapables de se mettre d’accord. C’est faire peu de cas de la négociation conventionnelle que de les menacer de la fessée. Pis encore, on inscrit cette dernière dans la loi !

Soyons sérieux : rien ne nous empêche d’attendre le 1er février 2017, date de la fin des négociations, pour décider de légiférer s’ils n’ont pu se mettre d’accord.

Enfin, je souhaiterais que le recours à l’arbitrage en cas d’échec des négociations soit prévu, qu’il s’agisse de conventions ou d’avenants aux conventions.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. M. le rapporteur général a bien posé le problème. Le risque encouru, c’est l’éclatement de la convention. Un certain nombre de chirurgiens-dentistes se contenteront alors de faire des prothèses sans plus participer aux soins primaires.

Mme Laurence Cohen. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Je crois que les parties à la convention ont la volonté d’aboutir. Faut-il manier le bâton ? Je ne pense pas que ce soit la meilleure solution… Prenons garde de ne pas pousser au déconventionnement, ce qui aggraverait encore les inégalités de soins sur notre territoire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Les prothèses dentaires sont des soins absolument fondamentaux. Nous en devons garantir l’accès à nos concitoyens à un prix abordable et selon de meilleures modalités de remboursement.

C'est la raison pour laquelle nous avons prévu d’augmenter la part prise en charge par la sécurité sociale dans le cadre de la construction de l’objectif national de dépenses de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Nous y consacrons une première enveloppe de 200 millions d’euros en 2017. Des moyens supplémentaires seront nécessaires pour résoudre le problème. Nous nous y attellerons dans le cadre du plan pluriannuel que j’ai déjà évoqué.

Aujourd’hui, monsieur Barbier, certains dentistes font le choix de privilégier les soins prothétiques dont ils maîtrisent complètement les prix. Il s’agit donc de rééquilibrer l’ensemble du dispositif, sans que les dentistes y perdent. C'est la raison pour laquelle nous proposons de revaloriser les soins de base.

Sur le plan juridique, je trouve invraisemblable que vous me reprochiez de prévoir un arbitrage, alors qu’il s’agit d’un avenant. Vous avez même affirmé, monsieur le rapporteur général, que cela revenait à prendre les partenaires conventionnels pour des enfants ! Or nous ne faisons qu’appliquer le droit conventionnel le plus classique : le recours à l’arbitrage est prévu en cas d’échec des négociations pour les conventions.

Je m’étonne aussi des arguments de Mme Cohen, dont je sais qu’elle souhaite, comme l’ensemble des membres de son groupe, faciliter l’accès de nos concitoyens à des soins de qualité.

Mme Laurence Cohen. Vous avez raison !

Mme Marisol Touraine, ministre. Selon elle, mettre la pression sur une négociation en cours – je l’assume – risquerait de produire un résultat inverse de celui que nous recherchons. Or, madame Cohen, l’expérience montre qu’exercer une pression extérieure sur une négociation permet justement d’aller un peu plus loin, sans bousculer la donne.

Sans présumer du résultat final, l’arbitrage, par définition, ne peut être radicalement différent des positions sur lesquelles sont restées les parties. Le rôle de l’arbitre étant justement de parvenir à rapprocher ces positions.

Au contraire, une négociation qui se fait sous pression, même si elle ne va pas aussi loin que l’exécutif pourrait le souhaiter, va en général plus loin que si les partenaires conventionnels étaient laissés libres de suivre la logique de la discussion.

Il s’agit donc de mettre la pression sur les parties et de dire clairement que les pouvoirs publics se saisissent de ce sujet.

Je partage l’objectif, mais les arguments juridiques avancés, franchement, je ne les comprends pas ! À la limite, j’entends plus facilement ceux qui proposent de laisser faire les dentistes, d’accepter la liberté des tarifs, de déléguer la prise en charge des prothèses aux complémentaires santé. Que chacun se débrouille avec sa complémentaire santé : cela, au moins, c’est une logique !

Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas ce que nous proposons !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cette logique, je l’entends. Quant à ceux qui disent partager nos objectifs, mais refusent la méthode que nous proposons en brandissant je ne sais quels arguments juridiques et en insinuant que nous prendrions les partenaires conventionnels pour des enfants, je dois dire que leur discours m’échappe totalement !