M. le président. Il faut conclure !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Notre première priorité est de minimiser le nombre des victimes civiles. Nous serons vigilants quant aux flux de combattants qui pourraient se déplacer vers la Syrie après la chute de Mossoul. Je rappelle que l’un des prochains objectifs de la coalition sera Raqqa, en Syrie, d’où les attaques terroristes contre la France ont été planifiées et lancées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.
Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d’État, il est certes important de mettre en place des dispositifs humanitaires, mais ma question concernait surtout la sécurité des Français ; notre devoir est de ne pas sous-estimer la menace qui pèse sur eux.
Il faut impérativement prendre la mesure des risques encourus et y apporter des réponses aussi concrètes qu’efficaces. Les Français ne pardonneraient pas une nouvelle erreur d’appréciation… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
parcours professionnels et carrières des fonctionnaires
M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Éliane Giraud. Ma question s'adressait à Mme la ministre de la fonction publique, mais je crois savoir qu’il reviendra à M. Le Guen de me répondre.
Dans notre pays, nous aimons tous l’infirmière qui apporte les soins à l’hôpital public, le professeur d’école, de lycée ou de collège qui instruit nos enfants, voire nos petits-enfants, ou bien encore les personnels qui se chargent d’entretenir les locaux de ces établissements.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Éliane Giraud. Nous aimons le policier, le gendarme ou le soldat qui nous protègent. Nous aimons avoir l’assurance que nos parents sont bien accompagnés.
Nous aimons aussi la personne dévouée qui accompagne tel ou tel projet d’entreprise ou qui aide l’agriculteur au bon montage de son projet pour obtenir des financements européens.
Toutes ces personnes s’appellent des fonctionnaires, des fonctionnaires locaux, territoriaux, hospitaliers ou nationaux. Voilà le mot est lâché : les fonctionnaires ! Ceux à qui les candidats à la primaire de la droite proposent un avenir noir (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), avec notamment une réduction drastique des effectifs.
Tous ces candidats sont d’accord sur ce point, mais ils le sont un peu moins sur le nombre : 300 000, 500 000, 1 million de suppressions de postes. C’est un peu à qui perd gagne ! Mais, bien évidemment, ils ne disent pas quels services seront réduits, rognés ou supprimés.
Toutefois, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Rappelons-nous, comme l’a relevé M. le ministre de l’intérieur, la casse opérée par le précédent gouvernement Sarkozy-Fillon (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), avec des suppressions de postes de police et de gendarmerie (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui nous seraient bien utiles aujourd’hui, mettant à plat pendant des années des services entiers.
D’ailleurs, je le dis au passage, cela n’a en rien réduit le déficit public ; au contraire, la dette de la sécurité sociale a augmenté, ainsi que la dette de notre pays.
Les fonctionnaires maintiennent un service public de qualité, et le service public français est le garant d’une véritable lutte contre les inégalités sociales et territoriales. L’engagement de ces fonctionnaires est précieux.
Monsieur le secrétaire d'État, face aux propositions de la droite, qui ne remontent pas le moral aux fonctionnaires (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – à nous non plus, d’ailleurs ! –, pouvez-vous nous parler un peu de la réalité que vous rencontrez et nous exposer la vision du Gouvernement quant au devenir des fonctionnaires ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, votre question est le témoignage de ce que pensent nombre de nos compatriotes : lorsqu’ils rencontrent des difficultés à titre personnel et demandent à bénéficier de la solidarité de l’État, ils savent qu’ils peuvent se tourner vers les fonctionnaires.
De ce point de vue, vous avez raison, chaque agent est indispensable. Leur statut leur apporte une protection et constitue une garantie pour assurer leur mission d’intérêt général.
Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, le Gouvernement a reconnu l’engagement quotidien de nos fonctionnaires en prenant un certain nombre de mesures, des mesures responsables, à savoir, notamment, le dégel de la valeur du point d’indice, la loi récente relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Bref, grâce au dialogue social, ces mesures ont permis, dans le cadre des contraintes budgétaires qui sont les nôtres aujourd'hui et qui existeront encore demain, des avancées réelles.
Nous entendons, il est vrai, un certain nombre de propositions visant à diminuer de 300 000 le nombre de fonctionnaires. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai entendu ce matin le président d’un des principaux partis parler de la suppression de 150 000 fonctionnaires d’État, sans qu’il soit évidemment question de toucher à la justice, à la sécurité ou à la défense…
Il serait possible d’en supprimer 50 000 en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux dans l’éducation nationale. Un enseignant sur deux, vous imaginez bien ce que cela signifie, madame la ministre de l'éducation nationale ?… Mais où sont passés les 100 000 autres ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Carrère. Il ne sait pas compter !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Quid des 100 000 autres quand il en a terminé avec l’éducation nationale et qu’il ne touche à rien d’autre ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Et la question !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Toutefois, comme il propose de supprimer 150 000 postes dans les collectivités territoriales, j’imagine, mesdames, messieurs les sénateurs de la droite, que vous êtes déjà en train, vous qui avez le souci de la crédibilité, de préparer les plans de licenciement ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Bon travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Zéro pointé !
M. Alain Vasselle. Au revoir !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 27 octobre prochain, à quinze heures, et qu’elles seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
M. Bruno Gilles,
M. Claude Haut.
M. le président. La séance est reprise.
9
Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (projet n° 773 [2015-2016], texte de la commission n° 828 [2015-2016], rapport n° 827 [2015-2016]).
Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps de parole attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté avait au départ l’ambition à la fois d’encourager l’engagement républicain de tous les citoyens, de mieux répartir l’offre de logement social sur le territoire et de promouvoir l’égalité.
Après une série d’attentats dramatiques, dans un contexte difficile de peur, de repli sur soi, de préjugés, de stigmatisation, où les réseaux terroristes et d’extrême droite soufflent sur les braises pour diviser et mettre en échec le vivre ensemble, un tel projet nous paraît précieux, et même indispensable. Il a suscité beaucoup d’espoir.
Quelques dispositions positives demeurent, après le débat au Sénat, dont nous nous réjouissons. Je pense, par exemple, aux mesures visant à développer le recours au service civique, avec, notamment, l’objectif affiché d’une grande mixité sociale, le critère déterminant de recrutement étant non pas d’abord les compétences ou les diplômes, mais la volonté d’être utile à l’intérêt général.
Néanmoins, force est de constater que, globalement, la version de ce texte, amendé par la majorité sénatoriale, a, selon nous, défiguré ce qui en faisait l’essence. Je citerai brièvement quelques éléments qui illustrent cette perte de sens.
Premièrement, les dispositions à l’égard des jeunes ont été supprimées en grand nombre : suppression de la possibilité pour un jeune mineur de créer ou d’administrer une association, pour un jeune mineur de seize ans de devenir directeur de publication, même s’il n’est plus à l’école ; suppression de la répartition des sièges entre personnes de toutes les classes d’âge dans les CESER, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, ou les conseils de développement et, surtout, introduction d’un sous-contrat de quinze heures maximum payé au SMIC horaire réservé aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. L’objectif affiché est de faire diminuer les chiffres du chômage, au mépris, nous semble-t-il, d’une augmentation certaine du taux de précarité des jeunes, qui se trouvent déjà bien souvent dans des situations compliquées.
Ainsi, selon l’INSEE, la moitié des 15-24 ans avaient un emploi précaire en 2014 et les trois quarts, j’y insiste, des nouveaux pauvres sont des jeunes adultes ou des mineurs. Clairement, nous sommes bien loin d’envoyer des signaux de confiance à la jeunesse.
Deuxièmement, la déclaration d’irrecevabilité de l’amendement du Gouvernement visant l’interruption volontaire de grossesse est, à nos yeux, incompréhensible.
L’adoption de cet amendement aurait permis de donner une base juridique à la lutte contre tous les sites internet qui avancent masqués, qui se font passer pour des sites d’information sérieux et qui trompent leurs lectrices et lecteurs sur ce sujet particulier. Pourquoi serait-il irrecevable et sans lien avec le texte ? Pourquoi empêcher que le débat ait au moins lieu, quelle qu’en soit l’issue ?
Nous le savons très bien, ce sont les jeunes femmes les plus isolées, les plus fragiles, vivant dans les milieux les plus modestes qui, ne sachant où trouver des interlocuteurs, vont sur internet pour trouver des éléments de réponse à leur désarroi. Il existe donc bien une inégalité, et la mesure proposée répondait à ce problème ou, en tout cas, apportait un début de réponse.
Troisièmement, je veux dire un mot de la suppression de l’interdiction pour les communes de discriminer les enfants pour les accueillir à la cantine, selon la situation professionnelle des parents.
Certaines villes – elles sont certes peu nombreuses, c’est vrai, mais elles existent ! – refusent les enfants de parents au chômage, au motif que ces derniers auraient le temps de s’occuper du déjeuner de leurs enfants. Quelle vision stigmatisante des personnes en recherche d’emploi et des enfants ! Cela signifie que ces personnes passeraient la journée à ne rien faire, à attendre qu’un emploi tombe du ciel ! C’est blessant pour les parents comme pour les enfants. Aussi, nous espérons que l’Assemblée nationale réintroduira l’article 47.
Quatrièmement, les dispositions relatives à nos concitoyens français des gens du voyage ont été modifiées en séance publique. Je pense, notamment, à la mise en place de quotas des gens du voyage – 3 % maximum – sur les listes électorales d’une commune, limitant de fait la possibilité pour ces personnes de s’y inscrire une fois le quota atteint. Cette mesure, qui nous paraît discriminatoire, n’est pas acceptable.
Cinquièmement, parmi les autres coupes majeures dans le projet de loi figure la baisse pure et simple de l’obligation minimale de construction de logement social de 25 % à 15 % pour les villes, les objectifs chiffrés étant remplacés par une prétendue contractualisation entre le maire et le préfet, mais sans certitude, puisque le préfet ne pourra pas s’appuyer sur la loi.
M. Philippe Dallier. Mais si !
Mme Aline Archimbaud. Je veux aussi mentionner le rejet des mesures visant à répartir le quart des demandeurs de logement social aux revenus les plus faibles dans les quartiers qui ne sont pas politiques de la ville, un moyen de lutter structurellement contre le développement de poches de pauvreté.
Selon nous, on abandonne là le cœur de la loi SRU, qui avait fait l’objet, me semble-t-il, d’un certain consensus et qui, en tout cas, avait été adoptée, alors que presque 2 millions de personnes dans notre pays attendent un logement et que le délai moyen d’attente est proche de six ans ! De plus, une actualité brûlante nous incite de manière urgente à faire reculer les ghettos. Tout cela ne nous paraît vraiment pas raisonnable.
Bien sûr, des aménagements peuvent être demandés par les communes ; des discussions sont possibles, des dérogations, des délais. Oui, tout cela est possible, Mme la ministre l’a confirmé, mais, sans base légale chiffrée, les discussions ne peuvent être construites que sur du sable.
Sixièmement, et enfin, au titre des autres manques fondamentaux de ce projet de loi, je citerai les mesures visant à faciliter l’accès aux droits.
Aucun des amendements que nous avons proposés n’a été accepté, et nous le regrettons. La citoyenneté implique des devoirs, mais aussi des droits. Or une partie de la population de notre pays constate que ses droits, pourtant inscrits dans la loi, ne sont pas assurés. C’est un véritable problème dans la République.
Permettez-moi d’évoquer quelques chiffres. En 2011, quelque 35 % des personnes éligibles au RSA socle n’y avaient pas accès. En 2013, quelque 20 % des personnes éligibles légalement à la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, soit presque un million de personnes, n’avaient pas réussi à ouvrir leurs droits !
Nos propositions visant à renforcer l’accompagnement des personnes qui en ont besoin dans leurs démarches administratives, devant la complexité récurrente des dossiers, et à mettre en place des mesures de simplification importantes pour les particuliers, demandées avec force par les professionnels dans les administrations, ont été rejetées. Rien pour aider ceux qui constituent des dossiers pour lutter contre la fracture numérique ; rien sur les refus de guichet ; aucun statut professionnel donné aux médiateurs sociaux. Nous regrettons que toutes ces mesures n’aient pu être adoptées.
Mes chers collègues, cette version sénatoriale du texte n’est vraiment pas bonne. Je crains qu’elle ne préfigure – cela a d’ailleurs été revendiqué ! – certains programmes électoraux des candidats de droite. C’est donc avec tristesse, mais aussi inquiétude que nous voterons contre ce texte, en gardant l’espoir que l'Assemblée nationale restituera son esprit initial. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les attentats de 2015, le Gouvernement a jugé indispensable de réaffirmer les valeurs de la République et de faire en sorte qu’elles s’incarnent dans le quotidien de tous les Français.
Pour cela, soixante mesures ont été déployées, engageant l’expérimentation concrète de la citoyenneté, développant la lutte contre les inégalités et les discriminations, incarnant la promesse républicaine dans le quotidien des Français, notamment de ceux qui vivent dans les territoires les plus fragiles de la République.
Le présent projet de loi prévoyait une mise en œuvre de ces mesures ou une prolongation de certaines d’entre elles par voie législative.
Malheureusement, nous constatons, en le regrettant, que le texte présenté par le Gouvernement a été considérablement dénaturé par la majorité sénatoriale, qui est revenue sur tout ce qui représentait un vrai progrès, pour nous comme pour la jeunesse de ce pays, ainsi que pour la mixité sociale.
En commission spéciale, la majorité sénatoriale a utilisé des artifices de procédure, comme cela vient d’être rappelé, pour empêcher que certains de nos amendements ne soient discutés en séance publique.
M. Philippe Kaltenbach. C’est scandaleux !
M. Jacques-Bernard Magner. Sous couvert d’une prétendue volonté de simplification et de cohérence, les rapporteurs et la majorité sénatoriale ont invoqué, d’une manière arbitraire et injustifiée, l’irrecevabilité, en vertu des articles 41 et 45 de la Constitution, écartant ainsi une vingtaine de nos amendements. Certains d’entre eux visaient à faciliter l’accès de nos concitoyens aux prestations sociales, par exemple. Oui, par ces amendements, le Gouvernement voulait mettre en place la première étape de la réforme des minima sociaux annoncée par le Premier ministre.
Ainsi, pour des raisons strictement politiciennes, la majorité sénatoriale a choisi de pénaliser les Français les plus modestes. De la même manière, un amendement du Gouvernement visant à élargir le délit d’entrave à l’IVG aux sites internet véhiculant des informations biaisées et fausses sur l’avortement a été rejeté. Par cette manœuvre, la droite sénatoriale confirme la fragilité du droit à l’avortement dans notre pays, plus de quarante ans après l’adoption de la loi Veil.
Le titre Ier du projet de loi doit notamment mettre en œuvre le « parcours citoyen généralisé » annoncé par le Président de la République. Certes, la généralisation du service civique et la réserve citoyenne tout au long de la vie ont été adoptées, mais la droite sénatoriale a rejeté tous les nouveaux droits que le Gouvernement voulait offrir à la jeunesse et qui portaient sur l’émancipation des jeunes et la citoyenneté.
Le congé d’engagement – l’un des piliers parmi les mesures en faveur de l’engagement associatif – a été supprimé, alors que cette disposition était très attendue par le secteur associatif et concernait les 16 millions de bénévoles qui s’y investissent.
En contrepartie, la seule proposition que l’on peut qualifier d’innovante et venant de la droite de notre hémicycle réside dans un nouveau type de contrat pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans, les fameux « contrats emploi d’appoint jeune », en réalité des sous-contrats précaires, des mini-jobs. Copiant ce qui existe en Allemagne ou en Grande-Bretagne, on revient dix ans en arrière, en tentant de replacer une forme de CPE, un contrat dont on sait ce qu’il advint en 2006…
Au sujet du droit à la parole des jeunes, de leur émancipation et de leur participation à la vie sociale, la majorité sénatoriale s’est systématiquement opposée à toutes les mesures que nous proposions. C’est très clair, à présent : la droite n’a pas confiance dans la jeunesse de notre pays et elle la sanctionne. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Emorine. Caricature !
M. David Assouline. C’est clair, pourtant !
M. Jacques-Bernard Magner. Par ailleurs, le Gouvernement voulait mieux garantir le droit à l’éducation de nos enfants et lutter contre les dérives à caractère sectaire en matière d’instruction.
Le texte initial comportait deux mesures renforçant les capacités de contrôle des pouvoirs publics sur l’instruction à domicile et l’ouverture d’établissements scolaires hors contrat. Face à cela, la majorité sénatoriale a choisi d’agiter le chiffon rouge d’une remise en cause de la liberté d’enseignement et rejeté nos propositions.
Dans le titre II, consacré au logement, le Gouvernement avait l’ambition de mettre en œuvre des outils opérationnels en faveur de la mixité dans les quartiers et à l’échelle des bassins de vie, en recentrant le dispositif de la loi SRU sur les territoires où la pression en matière de demande de logement social est très importante. Mais là encore, la droite sénatoriale a opposé sa frilosité, en rejetant les mesures proposées par le Gouvernement et en vidant les lois SRU et ALUR des dispositions en faveur des plus défavorisés.
M. Hubert Falco. Que n’a-t-elle pas fait, la droite sénatoriale ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques-Bernard Magner. La mesure phare du projet – octroyer au moins 25 % de l’habitat social aux plus modestes dans les quartiers non prioritaires – a d’ailleurs été retoquée.
Et que dire du sketch sur la création de la société foncière solidaire, proposée par le Gouvernement pour alléger le coût du foncier et accélérer la construction de logements sociaux et l’accession à la propriété !
Cette création avait été adoptée par la commission spéciale à la quasi-unanimité et la droite sénatoriale est brusquement revenue sur sa décision, rejetant finalement un projet d’intérêt national.
Dans le titre III, intitulé « Pour l’égalité réelle », là aussi, la droite nous a régalés, puisque, sans s’en rendre compte, nous dit-on, et au détour d’un amendement, la commission spéciale a touché à l’équilibre de la loi de 1881, causant des atteintes majeures au droit de la presse par la modification du délai de prescription, la possibilité de requalifier l’infraction et la porte ouverte à des demandes de réparation civile.
Et vous avez improvisé, madame la rapporteur ! Reconnaissant vous-même que votre rédaction initiale touchait les journalistes, vous avez, en effet, proposé de les en écarter, avec un amendement que votre majorité s’est empressée de voter.
Dans le titre III encore, la majorité sénatoriale a supprimé l’article 47, qui prévoyait que l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe – j’insiste sur cette condition –, est un droit pour tous les enfants scolarisés, et qu’il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. Vous avez insinué que cela obligerait les mairies à ouvrir des services de cantine, ce qui n’est pas du tout le cas !
À l’opposé, nous nous félicitons de l’adoption de notre amendement, qui tend à élargir la répression de la négation ou de la banalisation à tous les crimes contre l’humanité, y compris à ceux qui ne sont pas encore reconnus par leurs auteurs. Ces dispositions, issues de l’Assemblée nationale, avaient été supprimées en commission par les sénateurs de droite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité sénatoriale n’a pas seulement réécrit ou modifié le texte, elle l’a complètement dénaturé !
Votre projet de loi, monsieur le ministre, affichait la volonté de donner de nouveaux droits aux jeunes de notre pays et d’apporter plus d’égalité à tous nos concitoyens. Finalement, cette belle ambition a été empêchée par le rabot idéologique de la majorité sénatoriale et le projet du Gouvernement est devenu une pâle copie du programme de la droite pour 2017. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe socialiste et républicain ne voteront pas ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. Alain Néri. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, restaurer les valeurs de la République et rassembler autour d’elles l’ensemble de notre communauté nationale, en ramenant les personnes qui s’en étaient éloignées, telle était l’ambition de ce projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Dans les faits, c’est un texte qui vise essentiellement à afficher et déclamer des principes et à encadrer la société pour restaurer une réalité et changer les mentalités.
Pour ce qui concerne le logement, le texte sorti du conseil des ministres institue la mixité sociale, de manière étatique et autoritaire et en feignant de croire que toutes les situations rencontrées par les communes de France se ressemblent et que les mêmes règles doivent s’appliquer à tous les élus. Jamais le retour à la centralisation n’aura autant marqué un texte, le comble étant qu’il est organisé par celles et ceux qui se réclament encore aujourd’hui des grandes lois de décentralisation !
Quant à l’égalité réelle, qui est un concept, avouons-le, quelque peu flou,…
M. André Reichardt. Absolument !
M. Jean-Claude Lenoir. … elle a néanmoins pris, durant quelques semaines, le visage d’une jeune secrétaire d’État rapidement propulsée vers d’autres fonctions.
Elle vise essentiellement, dans le chapitre du projet de loi qui la concerne, à énoncer, dit-on, de nouveaux droits. Or, parmi ces droits nouveaux, il y a ceux qui avaient déjà été accordés lors d’un précédent quinquennat… Je pense notamment au permis de conduite à un euro pour les jeunes en contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, ou à la couverture maladie universelle pour les jeunes.
Tout cela conduit, en fait, à défier le bon sens, en construisant une sorte de démocratie rêvée des anges, où inégalités, discriminations et violences auraient disparu par le seul miracle de la promulgation de lois vertueuses par l’État.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. L’Assemblée nationale s’est employée à faire de ce texte une forme de logorrhée législative et normative, quand on pense que le texte comportait 41 articles à l’issue du conseil des ministres et 217 au sortir du Palais Bourbon !
Certes, la majorité de l’Assemblée nationale s’est retrouvée pour adopter un texte, ignorant que le Gouvernement avait proposé un projet de loi ayant sa cohérence idéologique. Toutefois, elle l’a transformé en une sorte de bric-à-brac, dans lequel on retrouve toutes sortes de dispositions voulues, paraît-il, par ses différentes tendances.
M. Gérard Longuet. Et Dieu sait s’il y en a ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)