M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Je n’ai rien à ajouter à ce que vient d’expliquer Mme la rapporteur.

Je tiens à le redire, nous n’avons pas créé de nouveaux publics prioritaires, nous avons simplement codifié les choses correctement. En effet, auparavant, les publics prioritaires en matière de logement relevaient de différents codes.

Quant à la commission de médiation, elle ne peut être saisie que par les citoyens et doit se prononcer sur des recours amiables. Elle n’est pas une instance consultative, et cela doit rester ainsi.

Vous avez posé une question sur l’insertion sociale, monsieur Dubois. Les bailleurs sociaux sont très clairement chargés non pas de l’insertion sociale, mais du logement social. Dans le cadre des politiques de la ville, ils peuvent mettre en place des gestions urbaines de proximité, et avoir une fonction sociale. Nombre d’entre eux ont adopté une démarche de RSE, ou responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, et mènent un travail en la matière. Toutefois, l’insertion relève des travailleurs sociaux, dont c’est le métier et auxquels les bailleurs sociaux peuvent faire appel. Il ne faut absolument pas mélanger les choses !

En revanche, vous l’avez dit, il existe du logement adapté : il s’agit de faire de l’insertion par le logement. C’est une action sociale s’appuyant sur le vecteur du logement. On confie donc cette mission à des travailleurs sociaux, même s’ils utilisent le logement en tant que facteur d’intégration.

Le Gouvernement est par conséquent défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Je suis désolé, je ne comprends pas !

Permettez-moi de vous lire l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation relatif aux commissions de médiation – je passe rapidement sur la composition de celles-ci, qui regroupent notamment des représentants de l’administration, des organismes d’HLM et des organismes d’insertion.

« La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4.

« Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement […].

« Le demandeur peut être assisté par les services sociaux, par un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à l’ingénierie sociale, financière et technique prévu à l’article L. 365-3, ou par une association agréée de défense des personnes en situation d’exclusion. […]

« Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu’elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement, ainsi que, le cas échéant, les mesures de diagnostic ou d’accompagnement social nécessaires. Elle peut préconiser que soit proposé au demandeur un logement appartenant aux organismes définis à l’article L. 411-2 loué à une personne morale aux fins d’être sous-loué à titre transitoire dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 442-8-3. »

Par conséquent, quand une personne cumule des difficultés financières et d’insertion, il est possible et même souhaitable que des demandes soient faites à la commission de médiation, celle-ci pouvant décider de mesures d’accompagnement parfois nécessaires.

Madame la ministre, vous avez énoncé un principe selon lequel l’insertion ne serait pas le métier des bailleurs sociaux. Or, si un bailleur social n’offre des logements qu’à des familles rencontrant des difficultés financières, ce n’est pas un problème. Mais la situation est différente si les familles ont des difficultés d’insertion sociale. En effet, les bailleurs ne sont pas formés pour accompagner ces publics.

Pourquoi ces mots « confrontés à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale » ont-ils été ajoutés par l’Assemblée nationale ?

Je maintiens donc ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 363.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 364.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Daniel Dubois. On peut avoir raison seul contre tous ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 118 est présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 584 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° 620 rectifié est présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« k) Personnes menacées d’expulsion sans relogement.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l’amendement n° 118.

M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement très simple est facile à comprendre. Il vise en effet à ce que le risque d’expulsion sans relogement soit défini comme un critère de priorité dans le cadre de l’attribution de logements sociaux.

Il existe une ambiguïté, voire une certaine hypocrisie, sur cette question. La loi reconnaît aujourd’hui que toute personne menacée d’expulsion sans possibilité de relogement peut être reconnue éligible au DALO.

Une circulaire en date de 2012 signée par le ministre de l’intérieur et la ministre du logement de l’époque incitait les préfets « à mettre en œuvre systématiquement le relogement effectif du ménage dans un délai tel qu’il intervienne avant la date à laquelle le concours de la force publique sera mis en œuvre ».

Pourtant, les associations de locataires constatent que, parmi les 12 000 expulsions effectuées chaque année, beaucoup se font sans relogement, voire sans hébergement, entraînant parfois les personnes concernées dans une situation dramatique de misère.

Il conviendrait donc de sortir de l’ambiguïté en inscrivant dans la loi le risque d’expulsion sans relogement comme critère prioritaire dans le cadre de la filière de droit commun et en faisant ainsi du droit au logement un droit fondamental de l’être humain en toutes circonstances.

Je me permets de citer à ce propos l’article 11 du pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont la France est signataire : « les États parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront les mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit ».

Il convient donc d’agir rapidement en ce sens. Je l’ai bien compris au travers des différentes interventions, il manque en France un grand nombre de logements. Œuvrons donc pour satisfaire les demandes de logement, urgentes pour un grand nombre d’entre elles !

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 584.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Cet amendement vise à rétablir les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans la liste des publics prioritaires. Celles-ci font partie des personnes pouvant présenter un recours devant la commission de médiation, dans le cadre du DALO. Il est donc naturel qu’elles soient prioritaires, sous réserve de l’examen de leur bonne foi, pour l’accès au logement social, le DALO étant une procédure d’exception.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 620 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a pour objet de rétablir les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans la liste des personnes prioritaires pour l’accès au logement social.

En effet, cette mention a été supprimée par la commission spéciale, alors que l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation en vigueur prévoit que la commission de médiation peut être saisie sans condition de délai par les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans le cadre du droit au logement opposable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur ces trois amendements identiques, l’avis de la commission est défavorable.

Nous n’avons pas voulu inscrire dans la liste des personnes prioritaires les personnes menacées d’expulsion sans relogement, dont certaines peuvent être de mauvaise foi.

S’agissant des personnes de bonne foi, elles seront éligibles au DALO et considérées comme « super prioritaires » pour l’attribution d’un logement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Je souhaite prendre la parole sur ce sujet, qui a fait l’objet d’un débat en commission.

Je veux assumer la responsabilité de la position que j’ai adoptée en commission. Je sais en effet, madame la rapporteur, que vous n’étiez pas d’accord sur le fond.

Pourquoi ai-je proposé que les personnes menacées d’expulsion ne soient pas prioritaires ? Mon opposition relève à la fois d’un principe et d’un problème technique.

Tout d’abord, cela me gêne que quelqu’un se trouvant dans l’illégalité soit prioritaire par rapport à quelqu’un qui est dans la légalité. Ma position était partagée par un certain nombre de mes collègues, quelle que soit leur appartenance politique. Quand on est en train de faire la loi, on doit être exemplaire dans les décisions que l’on prend. C’est un vrai problème de principe.

Ensuite, pour arriver à expulser quelqu’un, il faut véritablement que la mauvaise foi soit prouvée. Or je connais pour ma part de nombreux petits propriétaires, qui payent leurs emprunts, mais louent à des personnes qui ne paient pas leur loyer.

À l’heure actuelle, il existe suffisamment d’outils pour faire en sorte qu’une famille dans la difficulté bénéficie d’une aide. Ainsi, dans tous les organismes d’HLM, on trouve des commissions de prévention d’expulsion. Je vous le dis, et j’assume complètement les paroles que je m’apprête à prononcer, les membres des commissions qui travaillaient dans l’organisme que je dirigeais étaient plus durs que moi s’agissant des décisions à prendre relatives aux expulsions, car ils n’en pouvaient plus !

Par ailleurs, le FSL, le Fonds de solidarité pour le logement, accorde des aides financières aux personnes qui rencontrent des difficultés. Tous les organismes de France et de Navarre apporteront à une personne en difficulté des solutions techniques à ces familles. Les accidents de la vie, cela arrive !

Madame la ministre, j’ai relevé dans vos propos les notions de bonne foi et de mauvaise foi. Selon moi, seule la commission de médiation peut trancher en la matière ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur Dubois, je veux vous répondre sur ce point.

Je tiens à le rappeler, derrière les expulsions se dissimulent des situations multiples. Comme je le dis toujours, il faut lutter contre les expulsions en travaillant dès le premier impayé.

Aujourd'hui, autour de 100 000 personnes sont concernées par les expulsions, ce qui conduit in fine à environ 11 000 expulsions réellement effectuées, dont une moitié concerne les bailleurs sociaux et l’autre moitié le parc privé.

Je suis désolée de vous le dire, de nombreuses personnes expulsées ne sont pas dans l’illégalité. Parmi elles se trouvent des gens qui payent leur loyer. En matière d’expulsion, il y a des histoires de congés pour vente – c’est un sujet majeur –, les locataires se trouvant mis à la porte extrêmement rapidement. On observe de nombreuses fraudes dans le cadre de ce congé pour vente, ce qui entraîne un contentieux judiciaire important.

On dénombre également des personnes qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer. Je tiens à l’affirmer, il y a des ménages qui sont de bonne foi. Ils ont des difficultés pour acquitter leur loyer, après des ruptures dans l’emploi ou des désastres familiaux. Je pense notamment aux femmes quittées par des maris qui ne versent pas leur pension alimentaire. Depuis quelques mois, grâce à l’adoption de la loi ALUR, elles peuvent bénéficier, si elles sont de bonne foi, du maintien des allocations familiales en cas d’impayés, pour éviter le désastre final. Vous avez raison, il faut agir dès la première difficulté.

Si nous avons voulu rétablir les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans la liste des publics prioritaires, c’est aussi parce que, parmi elles, certaines sont très prioritaires.

J’espère que le plan national de prévention des expulsions locatives, qui a été mis en place voilà plusieurs mois et qui s’appuie sur des actions départementales, permettra d’éviter certains cas sociaux, pour lesquels l’alerte est émise trop tard. Ce n’est pas au moment où la mise en œuvre de l’expulsion et le concours de la force publique sont demandés que nous pouvons agir. C’est bien en amont ! Telle est en tout cas notre volonté.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118, 584 et 620 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 83 amendements au cours de la journée ; il n’en reste « que » 455…

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 20 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Discussion générale

12

Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Yves Détraigne membre titulaire et Mme Cécile Cukierman membre suppléant du Conseil supérieur de l’éducation routière.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 6 octobre 2016, à dix heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (n° 773, 2015-2016) ;

Rapport de Mmes Dominique Estrosi Sassone et Françoise Gatel, fait au nom de la commission spéciale (n° 827, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 828, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 6 octobre 2016, à zéro heure trente.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD