M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Aussi, nombre d’entre nous, dont je fais partie, souhaitent absolument que la première partie, correspondant à la prorogation de l’état d’urgence, puisse être votée et se sentent donc, d’une certaine manière, pris en otage par le fait de devoir accepter ce qui est inscrit dans la suite du texte, afin de disposer des mesures de sécurité indispensables. Je le regrette profondément !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l'article.
M. Jacques Mézard. Nous entrons en effet dans le titre II du projet de loi, qui n’est plus du tout relatif à l’état d’urgence et à sa prorogation. Il inclut, en fait, des dispositions, dont certaines ont déjà été votées par le Sénat, mais que l’on nous soumet, de nouveau et globalement, dans des conditions – je le dis avec mesure et gravité –, qui ne me paraissent pas correspondre à l’état d’esprit d’union et de rassemblement que nous souhaitons.
Comme je le disais ce matin à M. le rapporteur, nous avons besoin d’un texte sur lequel nous puissions in fine trouver, non pas un compromis – je n’aime pas ce mot –, mais un certain consensus. Cela constituerait un message positif vis-à-vis de nos concitoyens. Il n’est donc pas opportun d’ajouter des dispositions, que vous voulez faire passer et qui, d’une manière ou d’une autre, aboutiront.
Vous avez proposé que le projet de loi inclue un titre II « Dispositions relatives au renforcement de la lutte antiterroriste ». Toutefois, nous sommes tous d’accord pour lutter contre le terrorisme ! D’ailleurs, nous n’arrêtons pas de voter des textes en ce sens, avec l’efficacité que l’on constate…
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Comme cela vient d’être rappelé par MM. Sueur, Leconte et Mézard, cet article 3 vise à rétablir des dispositions que la droite sénatoriale avait adoptées lors de la première lecture du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, afin de créer un régime complet d’application des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme.
Ces dispositions ont déjà été adoptées par trois fois au Sénat cette année, comme l’a d’ailleurs rappelé en commission le président Philippe Bas ce matin. Elles n’en restent pas moins dangereuses pour notre droit pénal.
En outre, elles s’insèrent dans un article qui sort complètement du contexte de la prorogation de l’état d’urgence. Autrement dit, il s’agit bien d’un cavalier législatif.
La surenchère sécuritaire, purement politicienne, qui est à l’œuvre dans les ajouts de la commission des lois du Sénat nuit à la véritable lutte contre le terrorisme et à la recherche de solutions véritablement efficaces.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous appelons à supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je voudrais apporter deux réponses aux différents orateurs qui se sont exprimés.
Tout d’abord, on avance l’argument selon lequel ces dispositions, en complétant les lois pénales ou de procédure pénale, sortent du cadre de l’état d’urgence et sont de nature pérenne. C’est tout à fait vrai ! Je ne puis nier l’évidence.
Néanmoins, mes chers collègues, rappelez-vous que nous délibérons sur le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale, et non sur la version initiale du Gouvernement. Or, dans la nuit, la nature du projet de loi a changé, et ce avec le soutien du Gouvernement.
Ainsi, une partie, jusqu’à l’article 2, est bien consacrée à la prorogation de l’état d’urgence et à l’augmentation des pouvoirs de l’autorité administrative durant cette période, mais deux mesures pérennes ont ensuite été ajoutées : d’une part, l’amendement dit « Abdeslam », dont nous parlerons certainement tout à l’heure ; d’autre part, la question que nous examinons maintenant à l’article 3. Nous avons donc toute légitimité, nous aussi, pour faire des propositions.
Ensuite, M. Sueur avance que ce que nous proposons s’ajoute à l’amendement voté à l’Assemblée nationale cette nuit, à la demande du groupe Les Républicains. Eh bien, nous réglerons cette question au sein de la commission mixte paritaire !
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. – La section 8 du chapitre III du titre Ier de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complétée par un article 58-1 ainsi rédigé :
« Art. 58-1. – La direction de l’administration pénitentiaire peut mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatifs aux systèmes de vidéosurveillance de cellules de détention au sein des établissements pénitentiaires.
« Ces traitements ont pour finalité le contrôle sous vidéosurveillance des cellules de détention dans lesquelles sont affectées les personnes placées sous main de justice, faisant l’objet d’une mesure d’isolement, dont l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public eu égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et à l’impact de celles-ci sur l’opinion publique.
« Ces traitements garantissent la sécurité au sein de l’établissement en cas de risque d’évasion et celle de la personne placée dans l’éventualité d’un risque de passage à l’acte suicidaire.
« Ces traitements ne peuvent concerner que les cellules de détention hébergeant des personnes placées en détention provisoire, faisant l’objet d’un mandat de dépôt criminel. Ils ne peuvent être mis en œuvre qu’à titre exceptionnel.
« La personne détenue est informée du projet de la décision de placement sous vidéosurveillance et dispose de la faculté de produire des observations écrites et orales, dans le cadre d’une procédure contradictoire. À cette occasion, la personne détenue peut être assistée d’un avocat.
« En cas d’urgence, le garde des sceaux peut décider du placement provisoire sous vidéosurveillance de la personne détenue si la mesure est l’unique moyen d’éviter l’évasion ou le suicide de l’intéressé. Le placement provisoire ne peut excéder cinq jours. À l’issue du délai de cinq jours, si aucune décision de placement sous vidéosurveillance, prise dans les conditions ci-dessus décrites, n’est intervenue, il est mis fin à la mesure de vidéosurveillance. La durée du placement provisoire s’impute sur la durée totale de la mesure de vidéosurveillance.
« Le placement de la personne détenue sous vidéosurveillance fait l’objet d’une décision spécialement motivée prise par le ministre de la justice pour une durée de trois mois, renouvelable. Cette décision est notifiée à la personne détenue.
« L’avis écrit du médecin intervenant dans l’établissement peut être recueilli à tout moment, notamment avant toute décision de renouvellement de la mesure.
« Le système de vidéosurveillance permet un contrôle en temps réel de l’intéressé. Un pare-vue fixé dans la cellule garantit l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées. L’emplacement des caméras est visible.
« Est enregistré dans ces traitements l’ensemble des séquences vidéo provenant de la vidéosurveillance des cellules concernées.
« Il n’y a ni transmission ni enregistrement sonore.
« Aucun dispositif biométrique n’est couplé avec ces traitements de vidéosurveillance.
« Les images enregistrées faisant l’objet de ces traitements sont conservées sur support numérique pendant un délai d’un mois.
« S’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne détenue présente des risques de passage à l’acte suicidaire ou d’évasion, le chef d’établissement ou son représentant peut consulter les données de la vidéosurveillance pendant un délai de sept jours à compter de l’enregistrement. Au-delà de ce délai de sept jours, les données ne peuvent être visionnées que dans le cadre d’une enquête judiciaire ou administrative.
« Au terme du délai d’un mois, les données qui n’ont pas fait l’objet d’une transmission à l’autorité judiciaire ou d’une enquête administrative sont effacées.
« Les personnes ou catégories de personnes qui, à raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont accès aux données à caractère personnel susmentionnées sont :
« 1° Les agents de l’administration pénitentiaire individuellement désignés et dûment habilités par le chef d’établissement pour les données visionnées en temps réel ;
« 2° Le chef d’établissement ou son représentant pour la consultation, dans le délai de sept jours, des données enregistrées ;
« 3° Le correspondant local informatique individuellement désigné et dûment habilité par le chef d’établissement.
« Le droit d’opposition prévu à l’article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ne s’applique pas aux traitements susmentionnés.
« Les droits d’accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée s’exercent auprès du chef d’établissement de l’administration pénitentiaire où sont mis en œuvre les traitements de vidéosurveillance.
« Une affiche apposée à l’entrée de la cellule équipée d’un système de vidéosurveillance informe de l’existence dudit système ainsi que des modalités d’accès et de rectification des données recueillies.
« Le traitement fait l’objet d’une journalisation concernant les consultations, les créations et les mises à jour. Ces journalisations sont conservées pour une durée de trois mois. Le traitement fait l’objet d’une journalisation des extractions des séquences vidéo enregistrées. Cette journalisation est conservée pour une durée d’un an. »
II (Non modifié). – Le chapitre Ier du titre II du livre V du code de procédure pénale est complété par un article 716-1 A ainsi rédigé :
« Art. 716-1 A. – Les personnes mises en examen, prévenues et accusées soumises à la détention provisoire, faisant l’objet d’un mandat de dépôt criminel et d’une mesure d’isolement, dont l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public eu égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et à l’impact de celles-ci sur l’opinion publique, peuvent faire l’objet des mesures de vidéosurveillance prévues à l’article 58-1 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. » – (Adopté.)
Article 5 (nouveau)
Le chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° Après l’article 421-2-6, il est inséré un article 421-2-7 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-7. – Constitue un acte de terrorisme le fait d’avoir séjourné intentionnellement à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes afin d’entrer en relation avec un ou plusieurs de ces groupements, en l’absence de motif légitime. » ;
2° L’article 421-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-7 est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
« La tentative du délit défini au même article 421-2-7 est punie des mêmes peines. »
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. « Les terroristes nous tendent un piège politique », « Ce n’est pas par des lois et juridictions d’exception que l’on défend la liberté contre l’ennemi ». Tout est dit dans ces formules de Robert Badinter !
Dans ce contexte, nous sommes opposés, comme cela vous a déjà été indiqué, mes chers collègues, à l’économie générale du texte. En outre, au sein du projet de loi, plusieurs dispositions intégrées par la droite sénatoriale en commission dressent un édifice répressif qui est particulièrement néfaste à notre droit commun.
Il en est ainsi du délit de séjour intentionnel à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, sachant que le seul séjour suffit ici pour caractériser le délit, sans qu’il soit nécessaire de démontrer la réalisation ou la préparation d’une entreprise terroriste. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’en est-il des personnes qui reviennent de ces théâtres ou qui ont su s’en échapper ? Qu’en est-il des membres d’organisations humanitaires ?
Au-delà de ces questions, nous considérons de nouveau qu’il s’agit d’une disposition qui sort du contexte de la prorogation de l’état d’urgence. C’est pourquoi nous en proposons la suppression. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, pour deux raisons.
Premièrement, les personnes qui reviennent d’un théâtre d’opérations terroristes peuvent faire l’objet de mesures d’assignation à résidence. Les mesures que nous avons déjà prises, notamment dans la loi du 3 juin 2016, permettent de satisfaire l’article qui a été introduit par la commission des lois du Sénat.
Deuxièmement, nous avons la possibilité d’incriminer pénalement ces personnes, dans le cadre d’une association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.
C’est pourquoi nous sommes favorables à l’amendement n° 11 du groupe CRC.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6 (nouveau)
Le dernier alinéa de l’article L. 225-2 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « , renouvelable deux fois par décision motivée ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure est supprimée.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer la durée maximale de deux années au-delà de laquelle il n’est actuellement pas possible, aux termes de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, d’interdire à un Français de quitter le territoire. C’est le régime administratif de l'interdiction de sortie du territoire.
En effet, le risque d’un départ à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ou sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français, peut perdurer au-delà de deux années, privant ainsi l’autorité administrative du pouvoir de faire échec à un tel départ.
L’interdiction de sortie du territoire constitue, par ailleurs, une mesure de police administrative, distincte des mesures prononcées par l’autorité judiciaire, dont l’objet est de prévenir un risque pour la sécurité publique et dont la mise en œuvre doit être rendue possible, dès lors que ce risque demeure.
Le dispositif demeure proportionné, dès lors que la mesure doit être réexaminée tous les six mois en vue de son renouvellement, afin que l’autorité administrative s’assure que les conditions sont toujours réunies. Elle doit être levée dès lors que les conditions ne sont plus satisfaites.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 7 (nouveau)
Après l’article 706-24-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-24-4 ainsi rédigé :
« Art. 706–24–4. – La durée totale de détention provisoire mentionnée au douzième alinéa de l’article 11 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est portée à deux ans pour l’instruction du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal.
« La durée totale de détention provisoire mentionnée au quatorzième alinéa du même article 11 est portée à trois ans pour l’instruction des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du code pénal. »
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Issu initialement de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste de nos collègues Bas, Mercier et Retailleau adoptée en février dernier au Sénat, et rediscuté dans le cadre de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, cet article 7 tend à augmenter les durées de détention provisoire pour les mineurs mis en examen pour acte de terrorisme.
Nous déplorons une telle surenchère pénale à l’endroit de mineurs qui n’ont d’ailleurs pas encore été jugés, puisqu’il n’est question ici que de détention provisoire. Nous pensons que la justice devrait avoir les moyens de statuer sur leurs cas dans un délai inférieur à un an, ce qui est déjà considérable.
Nous rejetons donc cette mesure supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Elle pense en effet que ces mineurs âgés de plus de seize ans peuvent faire l’objet d’investigations longues et difficiles. Actuellement, dix personnes seulement sont concernées : ce nombre est donc extrêmement faible. Il s’agit cependant d’individus dangereux et la justice doit pouvoir disposer de temps pour mener à bien ses investigations.
Nous ne défendons pas cette mesure au nom de je ne sais quelle volonté philosophique, mais en vertu de considérations pratiques. Nous avons consulté les magistrats et c’est à leur demande que la commission a adopté cet amendement introduisant cet article 7. Je comprends que des questions de principe puissent se poser, mais nous devons aussi agir en fonction du principe d’efficacité qui ne doit pas être oublié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis, pour une raison très simple.
En effet, le retour des mineurs du théâtre des opérations terroristes va devenir un des enjeux très importants des prochains mois. Nous devons permettre aux juges de conduire leurs investigations à leur terme. Dans le cadre de cette menace très forte, il faut donner aux juges la possibilité de travailler dans de bonnes conditions.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8 (nouveau)
Après le premier alinéa de l’article 421-5 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-1 est commis à l’occasion ou est précédé d’un séjour à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 225 000 € d’amende. »
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article 421–5, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « trente » ;
2° L’article L. 421–6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « vingt ans de réclusion criminelle et 350 000 » sont remplacés par les mots : « trente ans de réclusion criminelle et 450 000 » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « trente ans de réclusion criminelle et » sont remplacés par les mots : « la réclusion criminelle à perpétuité et de ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement résulte également des entretiens que nous avons eus avec les magistrats. Il vise à réécrire l’article 8 du texte de la commission, qui reprend les dispositions de l’article 11 de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le terrorisme, dont nous avons déjà parlé. Il s’agit de répondre à un phénomène dit « d’écrasement des peines », né de la difficulté à apporter les preuves permettant la criminalisation de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Nous voulons éviter l’embolie de la cour d’assises spéciale de Paris du fait d’un afflux trop important de dossiers, en distinguant les affaires particulièrement graves sans pour autant renoncer à augmenter la durée de la peine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 8 est ainsi rédigé.
Article 9 (nouveau)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article 362, les mots : « par l’article » sont remplacés par les mots : « par les articles 706-25-15 et » et, après le mot : « conformément », sont insérés les mots : « à l’article 706-25-16 ou » ;
2° Le titre XV du livre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté
« Art. 706–25–15. – À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l’issue d’un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive, peuvent faire l’objet à l’issue de cette peine d’une rétention de sûreté selon les modalités prévues par la présente section, à la condition qu’elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du code pénal.
« La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d’assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l’objet à la fin de sa peine d’un réexamen de sa situation en vue d’une éventuelle rétention de sûreté.
« La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge destinée à permettre la fin de cette mesure.
« Art. 706–25–16. – La situation des personnes mentionnées à l’article 706-25-15 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité.
« À cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.
« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l’objet d’une rétention de sûreté dans le cas où :
« 1° Les obligations résultant de l’inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, ainsi que, le cas échéant, les obligations résultant d’un placement sous surveillance électronique mobile, susceptible d’être prononcé dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-25-15 ;
« 2° Et si cette rétention constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.
« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge adaptée.
« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle peut renvoyer, le cas échéant, le dossier au juge de l’application des peines pour qu’il apprécie l’éventualité d’un placement sous surveillance judiciaire.
« Art. 706–25–17. – La décision de rétention de sûreté est prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente. Cette juridiction est composée d’un président de chambre et de deux conseillers de la cour d’appel, désignés par le premier président de cette cour pour une durée de trois ans.
« Cette juridiction est saisie à cette fin par le procureur général, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l’article 763-10, au moins trois mois avant la date prévue pour la libération du condamné. Elle statue après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public, au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.
« La décision de rétention de sûreté doit être spécialement motivée au regard de l’article 706-25-16.
« Cette décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la peine du condamné.
« Elle peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, composée de trois conseillers à la Cour de cassation désignés pour une durée de trois ans par le premier président de cette cour.
« La juridiction nationale statue par une décision motivée, susceptible d’un pourvoi en cassation.
« Art. 706–25–18. – La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d’un an.
« La rétention de sûreté peut être renouvelée, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, selon les modalités prévues à l’article 706-25-17 et pour la même durée, dès lors que les conditions prévues à l’article 706-25-16 sont toujours remplies.
« Art. 706–25–19. – Après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté, la personne placée en rétention de sûreté peut demander à la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu’il soit mis fin à cette mesure. Il est mis fin d’office à la rétention si cette juridiction n’a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet de la demande, aucune autre demande ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai de trois mois.
« La décision de cette juridiction peut faire l’objet des recours prévus à l’article 706-25-17.
« Art. 706–25–20. – La juridiction régionale de la rétention de sûreté ordonne d’office qu’il soit immédiatement mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues à l’article 706-25-16 ne sont plus remplies.
« Art. 706–25–21. – Si la rétention de sûreté n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin en application des articles 706-25-19 ou 706-25-20 et si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l’article 706-25-15, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, par la même décision et après débat contradictoire au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d’office, placer celle-ci sous surveillance de sûreté pendant une durée de deux ans. La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l’article 723-30, en particulier, après vérification de la faisabilité technique de la mesure, le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues aux articles 763-12 et 763-13. Le placement sous surveillance de sûreté peut faire l’objet des recours prévus à l’article 706-25-17. La mainlevée de la surveillance de sûreté peut être demandée selon les modalités prévues à l’article 706-25-19.
« À l’issue du délai mentionné à la première phrase du premier alinéa du présent article, la surveillance de sûreté peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.
« Si la méconnaissance par la personne des obligations qui lui sont imposées fait apparaître que celle-ci présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau l’une des infractions mentionnées à l’article 706-25-15, le président de la juridiction régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la juridiction régionale statuant conformément à l’article 706-25-17, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la rétention. La décision de confirmation peut faire l’objet des recours prévus au même article 706-25-17.
« Le placement en centre judiciaire de sûreté prévu au troisième alinéa du présent article ne peut être ordonné qu’à la condition qu’un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-25-15.
« Le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté avertit la personne placée sous surveillance de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en œuvre sans son consentement mais que, à défaut ou si elle manque à ses obligations, le placement dans un centre judiciaire de sûreté pourra être ordonné dans les conditions prévues par les troisième et quatrième alinéas du présent article.
« En cas de violation de ses obligations par la personne placée sous surveillance de sûreté, l’article 709-1-1 est applicable ; le juge de l’application des peines ou, en cas d’urgence et d’empêchement de celui-ci ou du magistrat du siège qui le remplace, le procureur de la République peut décerner mandat d’arrêt ou d’amener contre la personne, conformément à l’article 712-17, pour permettre le cas échéant sa présentation devant le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté ; en cas de décision de placement en rétention prise par ce président, la personne peut être retenue le temps strictement nécessaire à sa conduite dans le centre judiciaire de sûreté.
« Art. 706–25–22. – La présente section n’est pas applicable à la personne qui bénéficie d’une libération conditionnelle, sauf si cette mesure a fait l’objet d’une révocation.
« Art. 706–25–23. – La rétention de sûreté et la surveillance de sûreté sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.
« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure.
« Art. 706–25–24. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente section.
« Ce décret précise les conditions dans lesquelles s’exercent les droits des personnes retenues dans un centre judiciaire de sûreté, y compris en matière d’emploi, d’éducation et de formation, de visites, de correspondances, d’exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne peut apporter à l’exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l’ordre public.
« La liste des cours d’appel dans lesquelles siègent les juridictions régionales prévues au premier alinéa de l’article 706-25-17 et le ressort de leur compétence territoriale sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. » ;
3° Après l’article 723-37, il est inséré un article 723-37-1 ainsi rédigé :
« Art. 723–37–1. – Lorsque le placement sous surveillance judiciaire a été prononcé à l’encontre d’une personne condamnée à une réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l’une des infractions visées à l’article 706-25-15, la juridiction régionale mentionnée à l’article 706-25-17 peut, selon les modalités prévues par cet article, décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte la personne, au-delà de la limite prévue à l’article 723-29, en la plaçant sous surveillance de sûreté pour une durée de deux ans.
« La juridiction régionale de la rétention de sûreté est saisie par le juge de l’application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la mesure.
« Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné, après expertise constatant la persistance de la dangerosité, que dans le cas où :
« 1° Les obligations résultant de l’inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-25-15 ;
« 2° Et si cette mesure constitue l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.
« La surveillance de sûreté peut être prolongée selon les mêmes modalités et pour la même durée si les conditions prévues par le présent article demeurent remplies.
« Les quatre derniers alinéas de l’article 706-25-21 sont applicables.
« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut également, selon les modalités prévues à l’article 706-25-17, ordonner une surveillance de sûreté à l’égard d’une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l’article 723-35, à la suite d’une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu’elle commette à nouveau l’une des infractions mentionnées à l’article 706-25-15. La surveillance de sûreté s’applique dès la libération de la personne. » ;
4° À l’article 723-38, la référence : « à l’article 706-53-13 » est remplacée par la référence : « aux articles 706-25-15 ou 706-53-13 ».
II. – Les personnes exécutant, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, une peine privative de liberté pour les infractions mentionnées à l’article 706-25-15 du code de procédure pénale peuvent être soumises, dans le cadre d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté, à une obligation d’assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile.