M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le second alinéa de l’article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence est supprimé ;
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise à mettre en évidence la menace potentielle, que contient l’état d’urgence, contre les libertés publiques. Faut-il rappeler une nouvelle fois que ce dernier est un état d’exception et instaure une mise entre parenthèses, plus ou moins forte, de l’État de droit en vigueur ?
L’interdiction de réunion prévue à l’alinéa 2 de l’article 8 de la loi du 3 avril 1955, qui entraîne également celle de manifester, constitue, avec le droit de dissolution d’associations ou organisations, l’une des mesures les plus menaçantes pour les libertés publiques.
Cet état d’urgence, qui évolue aujourd’hui vers un état permanent, ce que semble d’ailleurs implicitement et curieusement critiquer M. le ministre de l’intérieur lui-même dans une interview accordée au journal Le Monde paru ce soir, est une menace pour l’exercice essentiel des droits politiques, au premier rang desquels se trouve le droit de manifester.
Ce qui s’est d’ailleurs passé le 23 juin dernier au matin, quand le Gouvernement a tenté d’interdire une manifestation contre la loi Travail, montre bien la sensibilité de l’opinion et son attachement à un tel droit. Il n’est pas acceptable qu’une telle menace pèse sur le mouvement social et le débat politique durant une période aussi longue.
Notre appréciation est renforcée par l’amendement de la majorité sénatoriale, devenu le nouvel article 1er ter A, qui facilite et précise la procédure d’interdiction.
Monsieur le Premier ministre, il n’est pas concevable que la population ne puisse réagir à un événement ou à une réforme, quelle que soit d’ailleurs la période dans laquelle nous sommes.
La liberté de manifester, reconnue par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne peut être mise entre parenthèses. Elle doit subsister, y compris en période d’état d’urgence.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le second alinéa de l’article 8 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les commissions des lois des deux chambres du Parlement se prononcent sur l’opportunité de telles interdictions en amont de toute mise en œuvre. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. C’est le même avis que celui qui a été exprimé sur l’amendement précédent, qui visait à supprimer l’ensemble de l’article : défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour faire remarquer que la plupart des manifestations ont effectivement eu lieu. À aucun moment, le Gouvernement, même lorsqu’il y a eu des tensions extrêmes, n’a remis en cause la liberté de manifester dans la période de l’état d’urgence.
Je ne crois même pas qu’une manifestation ait été interdite, et vous vous souviendrez d’ailleurs que l’on nous l’a beaucoup reproché.
Nous avons toujours considéré que l’état d’urgence et la lutte contre le terrorisme doivent être compatibles avec l’État de droit et que nous devions absolument respecter les jurisprudences du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je souhaite tout de même faire remarquer que le danger existe.
Monsieur le ministre, rappelez-vous qu’il a fallu que deux secrétaires généraux des principales organisations syndicales de notre pays se déplacent jusqu’au ministère de l’intérieur pour que l’interdiction envisagée soit évitée ! Dans ces circonstances, comment nous dire que la disposition proposée, mise entre d’autres mains, ne peut déboucher, demain, sur des interdictions illégitimes de manifestations ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter A.
(L'article 1er ter A est adopté.)
Article 1er ter
Après l’article 8 de la même loi, il est inséré un article 8-1 ainsi rédigé :
« Art. 8-1. – En cas de menace terroriste, le préfet peut autoriser, par décision écrite et motivée, les officiers de police judiciaire et, sur ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du code de procédure pénale à procéder aux contrôles d’identité prévus au huitième alinéa de l’article 78-2 du même code, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.
« La décision du préfet désigne les lieux concernés, qui doivent être précisément définis, ainsi que la durée de l’autorisation, qui ne peut excéder vingt-quatre heures.
« Les deuxième, troisième et quatrième alinéas du II et deuxième et troisième alinéas du III de l’article 78-2-2 dudit code sont applicables aux opérations conduites en application du présent article.
« L’autorisation du préfet mentionnée au premier alinéa est transmise sans délai au procureur de la République. » – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le I de l’article 11 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La perquisition donne lieu à l’établissement d’un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République, auquel est joint, le cas échéant, copie du procès-verbal de saisie. » ;
2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une perquisition révèle qu’un autre lieu répond aux conditions fixées au premier alinéa du présent I, l’autorité administrative peut en autoriser par tout moyen la perquisition. Cette autorisation est régularisée en la forme dans les meilleurs délais. Le procureur de la République en est informé sans délai. » ;
3° Le quatrième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Si la perquisition révèle l’existence d’éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l’ordre publics le comportement de la personne concernée, les données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la perquisition peuvent être saisies soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la perquisition.
« La copie des données ou la saisie des systèmes informatiques ou des équipements terminaux est réalisée en présence de l’officier de police judiciaire. L’agent sous la responsabilité duquel est conduite la perquisition rédige un procès-verbal de saisie qui en indique les motifs et dresse l’inventaire des matériels saisis. Une copie de ce procès-verbal est remise aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent I. Les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition. À compter de la saisie, nul n’y a accès avant l’autorisation du juge.
« L’autorité administrative demande, dès la fin de la perquisition, au juge des référés du tribunal administratif d’autoriser leur exploitation. Au vu des éléments révélés par la perquisition, le juge statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l’autorité administrative. Sont exclus de l’autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la menace que constitue pour la sécurité et l’ordre publics le comportement de la personne concernée. En cas de refus du juge des référés, et sous réserve de l’appel mentionné au dixième alinéa du présent I, les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués à leur propriétaire.
« Pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée par le juge des référés, les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et à la saisie. Les systèmes informatiques ou équipements terminaux sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu’il a été procédé à la copie des données qu’ils contiennent, à l’issue d’un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, a autorisé l’exploitation des données qu’ils contiennent. À l’exception de celles qui caractérisent la menace que constitue pour la sécurité et l’ordre publics le comportement de la personne concernée, les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la perquisition ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation.
« En cas de difficulté dans l’accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l’exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus au huitième alinéa du présent I peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des référés saisi par l’autorité administrative au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de ces délais. Le juge des référés statue dans un délai de vingt-quatre heures sur la demande de prorogation présentée par l’autorité administrative. Si l’exploitation ou l’examen des données et des supports saisis conduisent à la constatation d’une infraction, ces données et supports sont conservés selon les règles applicables en matière de procédure pénale.
« Pour l’application du présent article, le juge des référés est celui du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu de la perquisition. Il statue dans les formes prévues au livre V du code de justice administrative, sous réserve du présent article. Ses décisions sont susceptibles d’appel devant le juge des référés du Conseil d’État dans un délai de vingt-quatre heures à compter de leur notification. Le juge des référés du Conseil d’État statue dans le délai de vingt-quatre heures. En cas d’appel, les données et les supports saisis demeurent conservés dans les conditions mentionnées au huitième alinéa du présent I. » ;
4° Avant le dernier alinéa, sont insérés huit alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics, les personnes présentes sur le lieu d’une perquisition administrative peuvent être retenues sur place par l’officier de police judiciaire pendant le temps strictement nécessaire au déroulement de la perquisition. Le procureur de la République en est informé dès le début de la retenue.
« Les personnes faisant l’objet de cette retenue sont informées de leur droit de faire prévenir par l’officier de police judiciaire toute personne de leur choix ainsi que leur employeur. Si l’officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités liées à la retenue, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s’il y a lieu, d’y faire droit.
« La retenue ne peut excéder quatre heures à compter du début de la perquisition et le procureur de la République peut y mettre fin à tout moment.
« Lorsqu’il s’agit d’un mineur, la retenue fait l’objet d’un accord exprès du procureur de la République. Le mineur doit être assisté de son représentant légal, sauf impossibilité dûment justifiée.
« L’officier de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui justifient la retenue. Il précise le jour et l’heure à partir desquels la retenue a débuté, le jour et l’heure de la fin de la retenue et la durée de celle-ci.
« Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’intéressé. Si ce dernier refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.
« Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’intéressé.
« La durée de la retenue s’impute, s’il y a lieu, sur celle de la garde à vue. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas
II. - Après l'alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La perquisition donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République, auquel est joint, le cas échéant, copie du procès-verbal de saisie. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s'agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 26, présenté par Mmes Assassi et Cukierman et M. Favier, est ainsi libellé :
Amendement n° 22, alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une copie de l'ordre de perquisition est remise à la personne faisant l'objet d'une perquisition.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À l’aune des enseignements tirés pendant la première période de mise en œuvre de l’état d’urgence, nous constatons que le cadre juridique de ce dispositif mériterait un réexamen. Je crois d’ailleurs que M. Mercier, qui a réalisé un rapport sur ce sujet en février dernier, dressait le même constat que nous. Nous sommes donc favorables à ce que plusieurs compléments soient apportés à la loi du 3 avril 1955.
Ainsi, les perquisitions administratives, écartées du dernier texte de prorogation, sont rétablies dans celui-ci ; elles sont même aggravées avec les perquisitions informatiques. Or leur cadre juridique mérite d’être précisé. À la lumière de plusieurs éléments qui nous ont été révélés, il semble indispensable de prévoir, dans la loi, qu’une copie de l’ordre de perquisition soit remise à la personne en faisant l’objet.
Comme l’indiquait M. Mercier dans le rapport que je viens de citer, bien que les ordres de perquisition signés par les préfets disposent, en leur dernier article, que l’acte doit être notifié à l’intéressé, des perquisitions ont été conduites sans qu’il ait été procédé à une telle remise, ce qui rend ensuite quasi impossible toute faculté de recours juridictionnel pour les personnes concernées, celles-ci n’étant pas formellement informées de leur droit de recours.
De la même manière, il est indispensable qu’une copie du compte rendu de la perquisition soit, à l’issue de cette dernière, remise à l’intéressé.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une copie de l’ordre de perquisition est remise à la personne faisant l’objet d’une perquisition.
II. – Alinéa 8, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ainsi qu’à la personne faisant l’objet d’une perquisition
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous retirons cet amendement, monsieur le président, au bénéfice du sous-amendement qui vient d’être présenté.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 26 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’amendement n° 22 est incohérent, car c’est non pas une personne qui fait l’objet d’une perquisition, mais un lieu.
En outre, l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 prévoit que la perquisition ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou témoin. L’article 2 du présent projet de loi, qui vient compléter cet article 11, prévoit déjà que la copie du procès-verbal de saisie est remise à ces personnes.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à l’amendement n° 22, ainsi qu’au sous-amendement n° 26.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9, deuxième phrase, alinéa 11 première et deuxième phrases, alinéa 12 troisième et quatrième phrases
Remplacer les mots
vingt-quatre
par les mots :
quarante-huit
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement vise à rétablir les dispositions initiales du projet de loi présenté par le Gouvernement, prévoyant un délai de jugement de quarante-huit heures pour le juge des référés appelé à se prononcer sur la régularité de la saisie et sur la possibilité, pour l’autorité de police, d’exploiter les données ou matériels saisis lors de la perquisition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Ce délai est raisonnable et incompressible.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 14-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La condition d’urgence est présumée remplie pour le recours juridictionnel en référé d’une mesure d’assignation à résidence. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Alors que nous nous apprêtons à proroger l’état d’urgence pour six mois supplémentaires et comme nous le disions par le biais de notre précédent amendement, plusieurs compléments doivent être apportés à la loi du 3 avril 1955.
Tout d’abord, si la loi, telle qu’elle a été modifiée le 20 novembre 2015, améliore, en théorie, les voies de recours contre les mesures prises pendant l’état d’urgence, il apparaît que l’efficacité de ces recours est fortement limitée.
Pendant les premières semaines de l’état d’urgence, de nombreuses personnes ont été dans l’impossibilité de faire valoir leur droit à se défendre. Leur droit à un procès effectif a, par conséquent, été violé. En effet, un grand nombre de recours ont été classés selon la procédure du « tri sans audience », qui correspond à une demande ne présentant pas un caractère d’urgence.
En dépit de la décision du Conseil d’État du 11 décembre 2015, qui affirme que la condition d’urgence pour la contestation d’une mesure d’assignation à résidence en référé liberté est présumée, le ministère de l’intérieur a continué de soutenir, dans ses mémoires en défense à l’occasion des audiences de contestation de ces mesures, que la condition d’urgence n’était pas remplie.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons, pour garantir le droit à la défense, d’inscrire dans la loi le fait que la condition d’urgence est présumée remplie pour le recours juridictionnel en référé d’une mesure d’assignation à résidence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Comme vient de le rappeler Mme Assassi, cet amendement vise, en quelque sorte, à consacrer la jurisprudence que le Conseil d’État a établie le 11 décembre 2015.
Nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir à la rentrée, car c’est une grande avancée pour la garantie des libertés publiques : en situation d’état d’urgence et en cas de saisine du juge des référés, le Conseil d’État garantit un droit à l’audience pour la personne à l’origine de la saisie. Je le répète, cela constitue l’une des avancées de l’État de droit pendant une période d’état d’urgence.
La commission émet donc un avis favorable.
M. Roger Karoutchi. Cela fait deux fois sur un amendement du groupe CRC ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 2 bis (nouveau)
À l’article 15 de la même loi, les mots : « loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 2 bis
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 17 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, il est inséré un article … ainsi rédigé :
« Art. … – Lors du dépôt d’un projet ou d’une proposition de loi visant à proroger l’application de tout ou partie des dispositions prévues par la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé présentant l’ensemble des mesures conduites dans le cadre de l’état d’urgence et les éléments de nature à mesurer l’évolution du péril imminent ou des atteintes mentionnées à l’article 1er de la présente loi.
« Sans la transmission préalable de ce rapport, aucun projet ou proposition de loi de prorogation ne peut être inscrit à l’ordre du jour des assemblées. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié est retiré.
Titre II
DISPOSITIONS RELATIVES AU RENFORCEMENT DE LA LUTTE ANTITERRORISTE
(Division et intitulé nouveaux)
Article 3
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les articles 720, 720-1, 723-1, 723-3, 723-7 et 730-3 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code. » ;
2° Après l’article 721-1, il est inséré un article 721-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 721-1-1. – Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, ne bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article 721 du présent code. Elles peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de peine dans les conditions définies à l’article 721-1. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Sueur. Le texte de l’article 3 résulte d’un amendement présenté par M. le rapporteur et adopté par la majorité de la commission des lois. Il reprend, en fait, une disposition figurant dans une proposition de loi que M. le rapporteur avait préalablement présentée et à laquelle nous nous étions opposés.
Or les députés ont adopté, cette nuit et sur l’initiative du groupe Les Républicains, un amendement n° 32 prévoyant que, en matière de terrorisme, toute automaticité de la réduction de peine est supprimée – on s’en remet donc au pouvoir du juge en la matière. Cette mesure a été adoptée par une large majorité de l’Assemblée nationale. Elle est claire, précise et compréhensible par tous.
Par conséquent, la rédaction proposée par M. le rapporteur et adoptée par la majorité de la commission des lois n’a plus de raison d’être. C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain votera en faveur de l’amendement de suppression de l’article 3, qui sera présenté dans quelques instants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l'article.
M. Jean-Yves Leconte. En cet instant, où nos cœurs sont emplis d’émotion et de colère, nos têtes doivent rester absolument froides. Nos valeurs et notre droit sont attaqués, mais ils constituent aussi notre force pour réagir.
Cet attentat, horrible par ses conséquences, mais provoqué par un acte de folie, de haine et de barbarie, nous conduit aujourd’hui à voir la Nation tout entière, plongée dans l’effroi, douter d’elle-même et se remettre en cause.
La réponse sécuritaire est probablement indispensable dans l’urgence, mais, sans maintien de l’État de droit, nous commencerions à alimenter le terreau du terrorisme.
La prorogation de l’état d’urgence, qui a fait l’objet des articles que nous avons votés jusqu’à ce point du projet de loi, relève des mesures de prévention indispensables dans le contexte actuel. Nous avons prorogé et renforcé les mesures administratives, permettant ainsi à la police et aux autorités d’agir face au terrorisme.
Tout cela, nous venons de le voter, mais nous passons maintenant à un autre titre, dans lequel il est proposé d’ajouter, à cette prorogation, de nouvelles incriminations et peines, ainsi que des modifications du code de procédure pénale. Toutes ces mesures nouvelles, qui ont parfois été évoquées dans des discussions précédentes, mais qui n’ont pas été adoptées, le sont maintenant en quelques jours, sans audition ni discussion. Pourquoi ? Ce n’est pas cela, la prorogation de l’état d’urgence !
Il s’agit finalement de cavaliers, alors même que ce projet de loi ne sera certainement pas soumis au contrôle du Conseil constitutionnel ; d’ailleurs, il faut probablement souhaiter que ce ne soit pas le cas, ne serait-ce que pour assurer l’entrée en vigueur rapide de ce texte.
Les dispositions que nous allons maintenant examiner sont toutefois susceptibles de faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité. Elles soulèvent d’importantes interrogations et introduisent une forte insécurité juridique. Je ne pense pas que cela soit satisfaisant dans le contexte que nous connaissons.