M. Philippe Bonnecarrère. Le nombre d’entreprises qui ne publient pas leurs comptes en France est considérable, pour des raisons multiples.
Je suis un peu réservé sur les arguments avancés par M. le rapporteur pour avis à propos des mécanismes juridiques applicables pour y faire face. L’amende est extrêmement faible et, à ma connaissance, le pouvoir de prononcer des astreintes, sans entrer dans un débat juridique sur la notion d’astreinte provisoire, n’a jamais été exercé.
J’aurai deux remarques supplémentaires à formuler.
La première a trait à l’information nécessaire pour pouvoir apprécier la situation agricole, et qui passe par l’accès aux comptes des entreprises. À mon sens, il ne devrait pas y avoir de difficultés, pour un organisme public, de se voir communiquer ces données par l’administration, qu’il s’agisse du ministère de l’agriculture ou de Bercy.
M. Philippe Bonnecarrère. Je me permets néanmoins d’insister sur l’intérêt qu’il y aurait à trouver une solution juridique de ce type.
Seconde remarque : le dispositif prévu par ces trois amendements, si l’un d’entre eux est adopté, n’aura probablement pas le résultat escompté.
Les entreprises ne déposent pas leurs comptes, car elles ne veulent pas que leurs clients aient accès à ces informations. Il faut essayer de comprendre, non pas seulement les producteurs, que vous voulez protéger, mais également la logique de la grande distribution.
Les premiers à regarder les comptes que vous aurez demandé aux entreprises de publier seront non pas les producteurs de lait, mais les centrales de grande distribution. Si les résultats des entreprises sont plus importants qu’estimés, comme vous semblez le subodorer, ces centrales s’estimeront légitimes à donner un tour de pressoir supplémentaire, dont seront victimes les entreprises. Telles sont les conséquences pratico-pratiques du schéma que vous voulez mettre en place.
Dès lors, si un problème juridique se pose bien en matière de transparence des comptes, je me permets de vous inciter à une certaine prudence dans le mode opératoire retenu pour le résoudre, qui pourrait avoir l’effet inverse à celui recherché.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je soutiens les arguments développés par M. le rapporteur pour avis. Nous disposons déjà des outils juridiques nécessaires pour agir.
La question n’est pas de faire de la politique spectacle, cher collègue,…
M. Michel Le Scouarnec. Je n’ai jamais fait de politique spectacle !
Mme Sophie Primas. … elle est de voter une loi solide, sur laquelle on puisse s’appuyer.
Les éléments de droit fournis par le rapporteur pour avis témoignent de la nécessité de faire appliquer les dispositions existantes, de faire respecter la loi. Pourquoi des astreintes ne sont-elles pas prononcées ? C’est le cœur du problème.
Par ailleurs, je suis là aussi d’accord avec M. le rapporteur pour avis : les comptes sociaux intéressent moins l’Observatoire de la formation des prix et des marges que les prix qui sont derrière. Dans le cas d’une société avec un mix produit à haute valeur ajoutée, pour reprendre l’expression du ministre, il est difficile de voir où les marges se font sur la base de ces seuls comptes.
Dès lors, tout en étant adepte de la transparence dans la formation des prix et des marges, je ne voterai pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je ne me suis pas encore exprimé sur les différents amendements déposés.
Pour les trois dont nous discutons actuellement, je tiens à dire que nous avons tous le même but : créer de la confiance, susciter davantage de transparence.
Dans une société inquiète, comme la nôtre, livrer les comptes des entreprises au public, chose qui n’est pas dans la culture française, risque d’avoir des effets négatifs.
J’ai beaucoup apprécié les propos de Philippe Bonnecarrère : utilisons et rationalisons les outils qui sont d'ores et déjà à notre disposition, l'Observatoire de la formation des prix et des marges et les deux moyens relevés par M. le rapporteur pour avis.
Si ces moyens sont insuffisants, durcissons-les. Mais je ne pense pas qu’il soit bénéfique de mettre sur la place publique les comptes des entreprises,…
M. Jacques Mézard. Mais c’est la loi !
M. Jean Bizet. … car, dans un monde extrêmement tendu sur le plan économique, cela aura l’effet inverse à celui qui est escompté.
Je suivrai donc les avis de la commission des affaires économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous, y compris M. le rapporteur pour avis, a déposé des amendements visant à ce que les prix intègrent les coûts de production ou à connaître la répartition de la valeur ajoutée. Tout le monde est d’accord sur tout, jusqu’au moment où il s’agit de demander à une entreprise de publier ses comptes.
M. Jean Bizet. Mais pas n’importe comment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez dit quelque chose de surprenant, monsieur le sénateur : il faudrait vivre caché, ne pas révéler la réalité des comptes !
M. Jean Bizet. Si, mais pas n’importe comment !
Mme Cécile Cukierman. Évidemment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela pose-t-il un problème quand le groupe Danone le fait ? Sodiaal, une coopérative, publie également ses comptes.
M. Michel Le Scouarnec. Tout à fait !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cette coopérative connaît des difficultés financières. Mais grâce à la publication de ses comptes, je sais de quoi je parle quand j’échange avec elle pour analyser et résoudre ses problèmes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est bien, les coopératives !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Pas toutes…
D’autres entreprises refusent de déposer leurs comptes ; elles refusent de respecter la loi. C’est que les astreintes, madame la sénatrice Primas, sont tellement faibles qu’elles n’ont aucun intérêt à le faire.
Rappelez-vous les pénalités infligées aux sociétés pétrolières qui dégazaient en mer : il a fallu les augmenter sensiblement pour qu’elles acceptent de dégazer dans les ports et cessent de polluer. C’est la même chose en l’occurrence.
Le dispositif de ces amendements prévoit d’augmenter l’astreinte à 2 % du chiffre d’affaires journalier. Cela va faire réfléchir.
J’ai eu des dizaines de discussions au sujet des marges. La grande distribution prétend que ce sont les industriels qui empochent la valeur ajoutée et la cachent ; les industriels disent la même chose de la grande distribution ; les agriculteurs, quant à eux, n’en pensent pas moins des industriels et de la grande distribution.
Mme Sophie Primas. Cela fait trente ans que cela dure !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comment savoir qui a raison quand des entreprises, comme les deux dont nous avons parlé, ne publient pas leurs comptes ?
Un amendement que nous allons examiner a trait à la mise en place d’une réunion de filière pour discuter des grandes orientations du secteur. Vous allez probablement adopter cet amendement et vous ne voudriez pas connaître la vérité des prix, arguant de la nécessité pour certaines entreprises de cacher leurs comptes ?
M. Jean Bizet. Mais non, ce n’est pas cela !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la France ne fait pas comme les autres.
M. Jean Bizet. Ce n’est pas la même culture, oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais il faudrait peut-être voir ce qui marche à l’étranger, de temps en temps.
Je m’adresse à ceux qui se considèrent comme des défenseurs du monde agricole : vous assumerez auprès des producteurs la responsabilité de n’avoir pas voulu renforcer les sanctions et les astreintes pour la publication des comptes des entreprises.
Mme Sophie Primas. Vous n’avez jamais actionné les dispositifs existants !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je répète donc que le Gouvernement est favorable à ces trois amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 31 est ainsi rédigé et les amendements nos 456 et 541 rectifié n'ont plus d'objet.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est zéro heure trente. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à une heure trente.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous allons néanmoins interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
L’amendement n° 238, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le quatrième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il compare, sous réserve des données disponibles équivalentes, ces résultats à ceux des principaux pays européens. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement vise à permettre à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de comparer les prix à l’échelon européen. Il est, en effet, important, dans un contexte de concurrence internationale, d’observer la situation que connaissent les autres pays de l’Union européenne. Des démarches doivent être faites afin d’obtenir ces informations.
Tel est le sens de cet amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La commission partage tout à fait le point de vue de l’auteur de l’amendement. Nous avions d’ailleurs défendu cette position lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, car il est nécessaire de disposer d’informations à l’échelon européen.
Je remercie Michel Canevet d’enrichir et de compléter cette réflexion sur la nécessité de l’information. Il est en effet important de comparer la compétitivité de notre agriculture à celle des différents pays européens et de disposer d’éléments objectifs à cette fin.
Cette proposition n’est pas de nature à poser des problèmes à l’Observatoire, dans la mesure où celui-ci a d’ores et déjà développé une méthodologie sur la décomposition de l’euro alimentaire.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, B. Fournier, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Bizet, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Laménie, Mmes Cayeux et Gruny et MM. D. Robert, Chaize et Pellevat.
L’amendement n° 174 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Pellevat, Roche, Bonnecarrère, Kern, Luche, Canevet, Delcros, Capo-Canellas, Médevielle et Guerriau.
L’amendement n° 551 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’adéquation des moyens alloués à l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires afin de mener à bien ses missions.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est aujourd’hui unanimement reconnu et utilisé par les différents acteurs comme une source fiable de la répartition de la valeur dans la chaîne alimentaire. Ses missions ont été renforcées à la suite de l’adoption de dispositions par l’Assemblée nationale, notamment du présent article 31.
Cependant, les moyens de l’Observatoire étant déjà très limités, cet amendement tend à prévoir une évaluation de ceux-ci au regard des missions qui lui sont confiées.
Cet argument avait d’ailleurs été présenté par M. le rapporteur pour avis, lequel craignait que l’on ne surcharge l’Observatoire en lui imposant de réaliser des analyses supplémentaires, ce qui allait le mettre en difficulté. Cet amendement devrait donc répondre à ses attentes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié.
M. Michel Canevet. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 551 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. J’ai appris, au début de mon mandat de sénateur, que les demandes de rapports n’étaient pas toujours vues d’un œil favorable dans cet hémicycle.
Fidèle à cette tradition sénatoriale, j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je rappelle que toutes les demandes de rapports formulées lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture ont été satisfaites par le Gouvernement.
Pour ce qui concerne le renforcement des moyens de l’Observatoire, je m’en remets à la sagesse du Sénat. Mais il est évident que, si on demande à cette instance davantage de travail, il faudra bien discuter des moyens nécessaires à son fonctionnement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié ter, 174 rectifié et 551 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 31 (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 457, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 442-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 442-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 442-2-… – Le fait, pour tout professionnel, d’acheter un produit agricole en l’état à un prix inférieur à son prix de revient effectif est interdit et puni de 75 000 € d’amende. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Comme nous l’avons indiqué à l’occasion de la présentation de notre précédent amendement, les différentes réformes des relations entre industrie et commerce ont conduit à une guerre des prix, avec un effet particulièrement dévastateur sur le secteur de l’agroalimentaire et, au-delà, sur les filières agricoles dont les industries agroalimentaires représentent 70 % des débouchés. Le rapport de force entre la grande distribution et les entreprises de la filière agroalimentaire est nettement défavorable à ces dernières et à leurs fournisseurs agricoles : sept grands acteurs achètent la production de plus de 13 000 entreprises du secteur de l’agroalimentaire.
Pourtant, l’interdiction de la vente à perte est un principe consacré par l’article L. 442-2 du code de commerce qui dispose : « Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000 euros d’amende. »
Pour les producteurs agricoles, il n’existe pas d’équivalent en droit de cette disposition, alors que le coût de revient unitaire des productions peut être parfaitement établi. De plus, dans les faits, il est désormais possible de vendre à prix coûtant et la grande distribution s’arrange, en utilisant certaines dispositions de la loi de modernisation de l’économie, pour faire payer à ses fournisseurs ses propres coûts de fonctionnement. Il en résulte une situation catastrophique, la destruction de valeur ajoutée se répercutant sur toute la chaîne.
Nous avons, certes, déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. Vous nous rétorquerez donc certainement que, en l’état actuel du droit, nous ne pouvons pas prévoir des dispositions commerciales portant uniquement sur les produits alimentaires qui soient différentes de celles qui s’appliquent à tous les autres produits fabriqués en France ou en Europe. Mais nous pensons qu’il faut faire en la matière preuve de volontarisme politique.
C’est pourquoi nous proposons d’étendre le principe de l’interdiction de la vente à perte aux agriculteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à créer un parallélisme avec le mécanisme de sanction de la revente à perte. Il vise à interdire et à sanctionner par une amende de 75 000 euros le fait d’acheter un produit agricole en l’état à un prix inférieur à son prix de revient effectif.
Je comprends évidemment l’idée sous-jacente, que je partage : il s’agit de mettre fin à la vente à perte par les agriculteurs de leur production. Mais je ne vois pas comment le dispositif pourrait fonctionner réellement, ne serait-ce que parce que le prix de revient sera très difficile à calculer en pratique, fluctuant très fortement au gré des périodes.
Je rappelle que, aux termes du code général des impôts, ce prix de revient est, pour les biens produits par une entreprise, le coût de production, lequel comprend les coûts directement engagés pour la production ainsi que les frais indirects de production, variables ou fixes, et des coûts d’emprunt.
Et, pour un même produit agricole, il sera différent d’une exploitation à l’autre, avec le risque d’une concurrence renforcée des exploitations entre elles et d’une recherche d’une réduction drastique des coûts de production conduisant potentiellement à la disparition des petites unités agricoles familiales… Je crois donc que le remède proposé est inadapté.
La commission des affaires économiques émet par conséquent un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comme M. le rapporteur pour avis, je comprends tout à fait l’objectif poursuivi. Selon les auteurs de l’amendement, il y aurait un prix en deçà duquel on ne pourrait pas assurer la production et le coût de revient.
Aujourd’hui, la revente à perte est interdite : on ne peut revendre un produit à un prix inférieur au prix d’achat.
Pour ce qui concerne le coût de revient, il est tout à fait différent selon la situation, la taille de l’entreprise, les investissements réalisés.
À qui s’appliquera la mesure que vous proposez, madame la sénatrice ?
Vous parlez d’un prix garanti au niveau du coût de revient. Or la situation d’un agriculteur qui vient d’investir et de s’installer n’est pas du tout la même que celle d’un autre qui est en fin de carrière et a remboursé tous ses emprunts ; pour celui-ci, en effet, le coût de revient sera plus faible !
Si vous vous basez sur le coût de revient que connaît un agriculteur ayant peu de charges opérationnelles, vous allez mettre tous les autres exploitants dans une situation catastrophique.
Si, en revanche, vous prenez comme référence le coût de revient d’un agriculteur ayant beaucoup investi et rencontrant de nombreuses difficultés, vous allez faire bénéficier tous les autres d’une rente indue.
La solution que vous préconisez n’est pas opérationnelle compte tenu de la réalité et de la diversité des situations. Il est très difficile de régler ce problème avec ce type de disposition. Le risque est de s’aligner sur le coût de revient le plus bas, ce qui fera exploser l’ensemble du système.
M. Michel Le Scouarnec. Ou plutôt l’idée est bonne, mais on n’a pas les moyens de l’appliquer !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans de petites exploitations – disant cela, je pense au Pays basque, cher à Mme Espagnac –, où les investissements sont faibles, les coûts de revient sont inférieurs à ceux d’exploitations plus importantes qui ont eu besoin de capital pour investir.
La solution que vous proposez pourrait donc avoir un effet contre-intuitif.
J’émets par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends bien vos remarques, monsieur le ministre, mais si le principe de la revente à perte est si mauvais, mieux vaudrait franchement le supprimer !
Vos explications pourraient tout à fait s’appliquer à l’industrie du textile. Cette problématique des investissements à rythme différencié selon les exploitations ou les entreprises existe dans tous les secteurs économiques. Mais la question que nous posons au travers de cet amendement, et de bien d’autres, est la suivante : comment garantir réellement, de façon sûre et définitive, le prix aux paysans et, plus largement, aux producteurs ?
Il s’agit non pas de dire que notre proposition est l’alpha et l’oméga réglant tous les problèmes, mais de travailler à la recherche d’une solution.
Mme la présidente. L’amendement n° 219, présenté par M. Poniatowski et Mme Duranton, n’est pas soutenu.
Article 31 bis A (priorité)
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 310-2 du code de commerce est ainsi rédigé :
1° La première phrase est complétée par les mots : « ni dans un même arrondissement » ;
2° La dernière phrase est complétée par les mots : « dont une copie est adressée concomitamment à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation dans le département du lieu de vente. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Tandonnet, César, Bonnecarrère, Capo-Canellas, Guerriau et Roche, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Gabouty, Cornu, Vaspart et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Milon, Chasseing, Nougein, Commeinhes, A. Marc, Genest et Darnaud, Mmes Lamure et Des Esgaulx, MM. B. Fournier, Houpert et D. Bailly, Mme Gruny et MM. Houel, P. Leroy, Raison, Mouiller, Laménie, Huré, Luche, Rapin, Mandelli, Charon et Masclet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ni dans un même arrondissement
par les mots :
dans la même région
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement vise à renforcer le caractère exceptionnel des ventes au déballage de fruits et légumes frais en limitant cette possibilité pour chaque commerçant au maximum à deux mois par an dans la même région, et non dans le même arrondissement.
En effet, l’arrondissement est une circonscription géographique trop petite pour que le renforcement de la législation sur les ventes au déballage de fruits et légumes frais soit véritablement effectif. En pratique, avec l’article 31 bis A introduit par l’Assemblée nationale en première lecture et réécrit par la commission des affaires économiques du Sénat, la situation restera inchangée pour les vendeurs au déballage que l’on retrouve en nombre au bord des routes ou sur les parkings, proposant leurs produits à des prix cassés. C’est pourquoi l’échelle de la région semble être une limite géographique plus pertinente et, en tout état de cause, de nature à protéger le petit commerce de proximité de fruits et légumes.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Tandonnet, César, Bonnecarrère, Capo-Canellas, Guerriau, Roche et Gabouty, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Cornu, Vaspart et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Milon, Chasseing, Nougein, Commeinhes, A. Marc, Genest et Darnaud, Mmes Lamure et Des Esgaulx, MM. B. Fournier, Houpert et G. Bailly, Mme Gruny et MM. Houel, P. Leroy, Raison, Mouiller, Laménie, Huré, Luche, Rapin, Mandelli, Charon et Masclet.
L’amendement n° 229 est présenté par M. Camani et Mme Espagnac.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ni dans un même arrondissement
par les mots :
dans le même département et les départements limitrophes
La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
M. Alain Marc. Il s’agit de limiter les ventes au déballage de fruits et légumes frais pour chaque commerçant au maximum à deux mois par an, non pas dans chaque arrondissement, comme l’a proposé l’Assemblée nationale en première lecture, puis comme l’a confirmé la commission des affaires économiques du Sénat, mais dans le même département et les départements limitrophes, afin de protéger le petit commerce de proximité.
Cet amendement tient compte de la zone de chalandise réelle des vendeurs de fruits et légumes au bord des routes et dans les parkings, dans la mesure où leurs clients potentiels peuvent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour effectuer leurs achats alimentaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 229.
Mme Frédérique Espagnac. Dans nos territoires transfrontaliers, nous avons pu observer de nombreux arrivages ; c’est le cas dans mon département, en provenance d’Espagne.
Il s’agit d’empêcher efficacement le contournement de la réglementation actuelle en évitant que les vendeurs de fruits et légumes ne puissent vendre en permanence sur un même territoire et de protéger les commerces de proximité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’amendement n° 54 rectifié vise à accroître le périmètre territorial de l’interdiction des ventes au déballage au-delà de deux mois par an.
Au vu de la dimension nouvelle des régions, consécutive à la réforme territoriale, étendre ce périmètre à la région semble aujourd’hui disproportionné.
Eu égard au principe constitutionnel et européen de la liberté du commerce et de l’industrie, il est important qu’une mesure d’interdiction reste proportionnée.
Je demande donc le retrait de cet amendement, ainsi que des amendements identiques nos 55 rectifié et 229. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces amendements visent à répondre à la problématique à laquelle doivent faire face des départements frontaliers.
Nous avons voulu répondre de manière proportionnée aux situations de désordre qui y sont organisées, et le périmètre de l’arrondissement nous a paru le plus adapté à l’objectif recherché.
Choisir le périmètre de la région, compte tenu de la taille actuelle des régions, ou du département d’ailleurs, n’aurait pas de sens ! L’autorisation de ce type de vente durant deux mois dans l’arrondissement oblige justement les vendeurs à se déplacer, ce qui est l’objectif des auteurs des amendements. Le territoire concerné couvrira trois arrondissements dans les Pyrénées-Atlantiques, deux dans le Tarn, quatre dans le Lot.
Nous devons donner une réponse proportionnée à ce problème. À défaut, la mesure prise irait à l’encontre du but que l’on cherche à atteindre.